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A tteintes cardio-vasculaires et infection par le VIH :

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Bull Soc Pathol Exot, 2002,95, 1, 23-26 23

Introduction

L

’ h i s t o i re naturelle de l’infection par le VIH inclut une atteinte cardiaque avec des lésions histologiques dans 6 0 % des cas, et une expression clinique dans 30 % des cas (3, 7, 12, 17). La prise en charge précoce des malades dans les pays riches en a nettement réduit l’incidence grâce aux tri- thérapies antirétrovirales, capables néanmoins d’induire des c o ro n a ropathies (8). En revanche, en Afrique où le sida est un

fléau majeur de santé publique (3), de nombreux malades infectés par le VIH souff rent d’une atteinte cardiaque, qu’elle soit le maître-symptôme ou en arr i è re-plan, derr i è re les signes généraux ou extra-cardiaques (16). Au Burkina Faso, où la prévalence de l’infection par le VIH en milieu urbain est de 7 % (18), nous avons effectué une étude rétrospective en milieu cardiologique pour préciser les atteintes card i a q u e s observées chez des malades infectés par le VIH et en analy- ser les originalités cliniques, diagnostiques, et thérapeutiques.

A tteintes cardio-vasculaires et infection par le VIH :

étude de 79 cas au CHN de Ouagadougou (Burkina Faso).

Summary:Cardiovascular diseases and HIV infection:a study of 79 cases in the National Hospital of Ouagadougou (Burkina Faso).

Cardiovascular diseases during HIV infection are frequent and serious. The aim of this first study in Burkina Faso was to analyse cardiovascular affections in HIV-positive African patients, admitted to the adult cardiology unit of the Yalgado Ouedraogo National Hospital of Ouagadougou.

We conducted a retrospective study of consecutive cases admitted to the cardiology unit between 1 January 1993 and 31 March 1999. The inclusion criteria were: progressive heart affection, posi - tive HIV serology, and the absence of cardiovascular antecedents or pathology. We studied age, sex, clinical and complementary parameters (electrocardiogram, thoracic radiography, electrocardiogra - phy), treatment and evolution.

79 black Africans were included, 44 men and 35 women. The mean age was 36,3 ± 9,8 years. The clinical presentation was principally heart failure (79% of cases). Myocarditis or cardiomyopathy was found in 45 cases (57%); isolated pericarditis – in 25 cases (32%); pulmonary hypertension – in 4 cases (5%); pulmonary embolism – in 3 cases; and myocardial infarction – in 2 cases. According to the Atlanta CDC classification for HIV infection, 70% of the patients where in stage C. The o v erall hospital mortality rate was 15%.

Cardiac lesions were present principally with myocardium and pericardium, with high specific m o rtality.

Résumé :

Les atteintes cardio-vasculaires au cours de l’infection par le VIH sont fréquentes et souvent graves.

Cette première étude sur le sujet au Burkina Faso a pour objectif d’analyser les atteintes cardiaques chez des malades infectés par le VIH et hospitalisés dans un service de cardiologie adulte.

Il s'agit d'une étude rétrospective de dossiers de patients consécutivement hospitalisés dans le ser - vice de cardiologie du Centre hospitalier national Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou, entre le 1erjanvier 1993 et le 31 mars 1999. Les critères d’inclusion étaient une affection cardiaque évolu - tive, une sérologie VIH positive et l’absence d’un antécédent ou d’une autre pathologie cardio-vas - culaire. Les paramètres étudiés ont été l'âge, le sexe, les données cliniques et paracliniques (élec - trocardiogramme, radiographie thoracique, échocardiographie), le traitement et l'évolution.

Soixante-dix-neuf patients, tous Noirs africains, ont été inclus, dont 44 hommes et 35 femmes. L’âge moyen était de 36,3 ± 9,8 ans. Le tableau clinique cardio-vasculaire était dominé par l’insuffisance cardiaque (79 % des cas). Les myocardites et myocardiopathies représentaient 45 cas (57 %), les péricardites isolées 25 cas (32 %), l’hypertension artérielle pulmonaire quatre cas (5 %), l’embolie pulmonaire trois cas, et l’infarctus du myocarde deux cas. Suivant la classification du sida des CDC d’Atlanta, 70 % des patients étaient au stade C. La mortalité hospitalière globale a été de 15 %.

Les atteintes cardiaques ont surtout concerné le myocarde et le péricarde, avec des mortalités s p écifiques élevées.

A. Niakara (1), Y. J. Drabo (2), Y. Kambire (1), L. V. A. Nebie (1), N. J. P. Kabore (1) & F. Simon (3)

(1) Service de cardiologie, Centre hospitalier national et universitaire Yalgado Ouédraogo, 01 BP 3401, O u a g a d o u g o u , Burkina Fa s o. Fax : 00 226 35 77 40. E-mail : r. y. n i a k a r a @ f a s o n e t . b f (2) Service de médecine interne, Centre hospitalier national et universitaire Yalgado Ouédraogo, Ouagadougou,Burkina Faso.

(3) Service de médecine interne, Hôpital du Val de Grâce, Paris, France.

Manuscrit n°2305. “Clinique”. Reçu le 9 avril 2001. Accepté le 5 décembre 2001.

HIV cardiomyopathy pericarditis mortality hospital Ouagadougou Burkina Faso Sub-Saharan Africa

VIH myocardiopathie péricardite mortalité hôpital Ouagadougou Burkina Faso Afrique intertropicale

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Clinique 24

A. Niakara, Y. J. Drabo, Y. Kambire et al.

Matériel et méthodes

Cette étude descriptive a porté sur l’analyse rétrospective des dossiers de malades infectés par le VIH et hospitalisés consé- cutivement dans le service de cardiologie adulte (âge supé- rieur à 15 ans) du Centre hospitalier national et universitaire Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou, pendant la période du 1erjanvier 1993 au 31 mars 1999.

Les malades

Les critères d’inclusion ont été les suivants: atteinte cardio- v a s c u l a i re acquise évolutive, sérologie positive pour le VIH et absence d’un antécédent ou d’une autre pathologie card i o - v a s c u l a i re. Ont été exclus de l’étude tous les malades avec tests sérologiques VIH discordants et ceux qui étaient atteints d’une affection cardiaque antérieure connue ou associée lors du diagnostic de l’infection par le VIH. La sérologie VIH a été demandée sur des signes cliniques évocateurs de l'infection par le VIH et elle a été retenue positive sur deux tests ELISA dif- f é rents positifs ou un test ELISA positif confirmé par le We s- t e rn Blot. Le taux de lymphocytes CD4 n'étant pas disponible, le stade sida du malade a été défini sur les critères cliniques de la classification des CDC (Centers for Disease Control) d'At- lanta de 1993 (1).

Les méthodes

L’analyse de chaque dossier a comporté le recueil des données d i s p o n i b l e s: les paramètres épidémiologiques (âge, sexe, niveau socio-économique), les données cliniques, la radiographie pulmonaire de face avec calcul du rapport cardio-thoracique (RCT), l’électro c a rdiogramme de repos à l'admission et l’écho- c a rdiogramme. L'échocardiographie a été réalisée en mode bidimensionnel et TM, sans Doppler continu. Elle a analysé le péricarde, les structures valvulaires, la cinétique pariétale, et mesuré les diamètres de l'oreillette gauche, du ventricule d roit, de l'art è re pulmonaire et du ventricule gauche (VG), de même que les épaisseurs du septum interv e n t r i c u l a i re (SIV) et de la paroi postérieure (PP) du VG. Les fuites d'insuff i- sance pulmonaire et tricuspidienne ont été re c h e rchées au Doppler pulsé et couleur. La fonction ventriculaire gauche a été évaluée par la fraction de raccourcissement (FR) et la frac- tion d'éjection (FE). La dilatation du VG a été définie par un diamètre diastolique supérieur à 56 mm, et l'altération de la fonction systolique du VG par une FR inférieure à 26 % ou une FE inférieure à 55 %. Le diagnostic d'une atteinte myo- cardique a été retenu sur la présence d’une hypokinésie des p a rois ventriculaires gauches, avec altération de la fonction sys- tolique, et celui d'une péricardite sur la présence d'un épan- chement liquidien. Les paramètres biologiques étudiés ont été la vitesse de sédimentation des hématies (VS : norm a l e

< 2 0 mm à la pre m i è re heure), le taux d’hémoglobine (norm a l e : 12 à 17 g/dl), la créatininémie (norm a l e : 62 à 120 µ m o l / l ) , l’urée sanguine (norm a l e : 2,5 à 7,5 mmol/l), les enzymes car- diaques (CPK, CPKMB, LDH), la réactivité à la tuberculine 10 UI en intradermique (IDR), la bacilloscopie et les résultats de la ponction péricardique (études cytobactériologiques et chi- miques du liquide de ponction).

Le diagnostic final de la cardiopathie a été retenu en tenant compte des données anamnestiques, cliniques et paracliniques disponibles, et de l'évolution sous traitement. La card i o m y o- pathie dilatée a été définie par une dilatation du VG avec une baisse de la FR ou de la FE. La cardiomyopathie du post-par- tum a été définie par la survenue d'une cardiopathie dilatée chez la femme dans les six premiers mois du post-partum en l'absence d'antécédent ou de pathologie card i o - v a s c u l a i re. Le

diagnostic d'embolie pulmonaire a été retenu devant des cir- constances favorisantes de maladie thromboembolique, des signes cliniques de phlébite et d'embolie pulmonaire, des signes é l e c t ro c a rdiographiques et échographiques de cœur pulmonaire aigu, et une bonne évolution sous traitement anticoagulant.

Le diagnostic d'HTAP "primitive" a été retenu devant des signes cliniques classiques d'HTA P, d'installation pro g re s s i v e et d'évolution chronique, et un tableau de cœur pulmonaire c h ronique, sans antécédent de pathologie pulmonaire ou de pathologie thromboembolique. Le diagnostic d'infarctus du m y o c a rde a été fait devant une douleur angineuse de durée s u p é r i e u re à 30 minutes, des ondes Q de nécrose concord a n t e s à l'ECG et une élévation des enzymes card i a q u e s .

Les données ont été saisies et analysées sur micro - o rd i n a t e u r avec le logiciel EPI-INFO, version 6.04. Le seuil de signifi- cation retenu a été de 5 %.

Résultats

S

oixante-dix-neuf malades ont été étudiés, tous Noirs africains.

Ces malades représentent 2,7 % de l’ensemble des 2 9 0 8 malades admis dans le service pendant les 75 mois de l’étude.

Aspects cliniques

L'étude comportait 44 hommes et 35 femmes, avec un âge moyen de 36,3 ± 9,8 ans, sans différence liée au sexe. Plus de 82 % des malades avaient moins de 45 ans, et les 25-34 ans représentaient 43 % de l'effectif. Un facteur de risque car- dio-vasculaire était identifié chez 23% des malades, dominé par le tabagisme dans les deux tiers des cas. Suivant la classi- fication des CDC d’Atlanta 1993, 70 % des malades étaient classés au stade C, 25% au stade B et 5% au stade A; aucun ne recevait de traitement antirétroviral. La dyspnée d'eff o rt ou de repos était présente dans 91% des cas. La toux et les dou- leurs thoraciques ont été notées dans 70 % des cas. La pré- sentation clinique était celle d'une insuffisance cardiaque dans 79 % des cas.

Données paracliniques

B i o l o g i e : Une anémie était présente dans 85 % des hémo- grammes disponibles (75 des 79 malades), avec un taux moyen d’hémoglobine de 9,3 ± 2,5 g/dl (limite inférieure : 4,4 g/dl), et un taux inférieur à 8 g/dl dans 31 % des cas. Les enzymes c a rdiaques (CPK, CPKMB et LDH) étaient élevés chez deux patients chez qui un infarctus du myocarde était suspecté.

Des bacilles acido-alcoolo-résistants ont été mis en évidence une seule fois sur 18 examens directs d’expectoration; l’in- tradermoréaction à la tuberculine a été positive 6 fois sur 20.

Les hémocultures sur milieu ordinaire, faites en cas de tem- pérature supérieure à 38 °C, sont restées négatives.

É l e c t ro c a rd i o g r a m m e: Seulement deux des 72 électro c a rd i o- grammes exploitables étaient normaux, soit 2,8 %. Les anoma- lies les plus fréquentes étaient les troubles de la re p o l a r i s a t i o n ( 8 9 %), la tachycardie sinusale (64 %), le microvoltage du com- plexe QRS (40 % ) ; une arythmie a été observée 11 fois (fibril- lation auriculaire 4 cas, extrasystolie auriculaire 2 cas, extrasystolie v e n t r i c u l a i re 5 cas), un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) com- plet une fois. Une onde Q significative (profonde et de durée s u p é r i e u re à 0,04s) a été notée dans 2 cas.

Radiographie thoracique : La lecture des 67 radiographies thoraciques de face pratiquées révélait une card i o m é g a l i e , attestée par un RCT supérieur à 0,50, dans 89 % des cas, ce

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r a p p o rt dépassant 0,6 dans 57 % des cas. Un épanchement pleural, uni- ou bilatéral, était noté 16 fois, une surc h a rg e h i l a i re sept fois et un aspect typique d’œdème aigu pulmonaire deux fois.

É c h o c a rd i o g r a p h i e : Soixante-six malades (84 %) ont eu une échocardiographie sans Doppler continu, et les modes Dop- pler pulsé et couleur ont été réalisés chez 21 malades. Une péricardite isolée était présente dans 25 cas et associée à une atteinte myocardique dans 15 autres cas. L'appréciation de l’épanchement péricardique par le mode TM n'était dispo- nible que chez 19 patients. L’épanchement péricardique mesu- rait 26 ± 14,8 mm en moyenne (extrêmes 7 et 53 mm). En dehors des 25 cas de péricardite isolée, les autres aspects écho- graphiques étaient la dilatation des cavités cardiaques (46 % ) , la baisse de la FR du VG (46 %) et l’hypokinésie segmentaire ( 4 4 %). Une hypert rophie pariétale importante (SIV et PP

> 1 5 mm) avec baisse de la FE a été trouvée chez trois patients.

Un aspect de cœur pulmonaire a été noté dans sept cas. Des fuites d'insuffisances pulmonaire et tricuspidienne modérées à importantes ont été notées dans ces sept cas. Un thrombus intra-cavitaire a été observé chez trois malades avec myocar- diopathie dilatée et chez un malade atteint d’un infarctus du myocarde. Aucune végétation valvulaire n’a été observée.

Ponction péricard i q u e : Six malades ont eu une ponction p é r i c a rdique à visée thérapeutique et diagnostique, ramenant un liquide purulent deux fois avec drainage chiru rgical secon- d a i re, séro-fibrineux trois fois, séro-hématique une fois ; aucun agent pathogène n’a été mis en évidence sur le liquide après examen direct et culture sur milieu ordinaire.

Synthèse des données : Cette synthèse a défini les affections c a rdiaques responsables des tableaux cliniques, avec une fort e prédominance des péricardites (25 cas; 32 %), des myopéri- c a rdites (15 cas ; 19 %), des myocardiopathies dilatées (14 cas ; 1 8 %). Les autres pathologies ont été : la myocardiopathie du post-partum (7 cas; 9 %), la myocardite (6 cas; 8 %), l'hy- pertension artérielle pulmonaire (HTAP: 4 cas), la myocar- diopathie hypert rophique (3 cas), l'embolie pulmonaire (3 cas) et l'infarctus du myocarde (2 cas).

Traitement et évolution

Traitement : Le traitement des malades en insuffisance car- diaque a comporté les mesures hygiéno-diététiques, l’asso- ciation digitalo-diurétique et le recours éventuel aux vasodilatateurs (dérivés nitrés, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Un traitement probabiliste antituberculeux, selon le schéma thérapeutique national, a été mis en œuvre chez 30 des 40 malades avec myopéricardite ou péricardite. L’ a s p i- rine (3g/j) a été prescrite chez 28 de ces 40 malades, une cor- ticothérapie courte par prednisone chez huit autres. Les deux malades avec péricardite purulente drainée ont également été traités par bi-antibiothérapie.

Évolution hospitalière : La durée moyenne d’hospitalisa- tion était de 22,5 ± 15,7 jours (extrêmes : 2-92 jours). Dans 8 2 % des cas, l’évolution clinique immédiate a été favorable, avec une amélioration à la sortie de l’hôpital. L’ e fficacité du traitement présomptif antituberculeux a permis de re t e n i r l’origine tuberculeuse chez 19 malades avec péricardite. Six événements card i o - v a s c u l a i res graves sont survenus au cours de l’hospitalisation : quatre cas de péricardite ayant évolué vers la tamponnade, un BAV complet sur myocardiopathie dilatée, un accident ischémique cérébral transitoire chez un malade avec HTA P. Douze décès sont survenus en cours d’hospitalisation, soit un taux de mortalité hospitalière à 15 % ,

dont deux par tamponnade, trois par collapsus card i o - v a s c u- l a i re réfractaire, un par dissociation électromécanique sur BAV complet et six cas par mécanisme indéterminé. La léta- lité spécifique était de 33 % pour les myocardites, 20 % pour les myopéricardites et péricardites, et 14 % pour les myocar- diopathies dilatées ; aucun décès intra-hospitalier n’est sur- venu parmi les malades avec HTAP, embolie pulmonaire ou i n f a rctus myocardique. Les décès étaient significativement liés au sexe masculin: 22,7% chez les hommes et 5,7% chez les femmes (sex-ratio : 4; p < 0,004), mais on n'a pas mis en évi- dence d'association entre le décès et le stade de l’infection par le VIH. L’évolution extrahospitalière est inconnue.

Discussion

N

o t re travail, qui décrit les cardiopathies des malades infectés par le VIH et observées en milieu card i o l o g i q u e ouest-africain, montre que toutes les tuniques cardiaques sont touchées. Ces cardiopathies sont souvent évoluées, avec une i n s u ffisance cardiaque au premier plan, constat concord a n t avec l’expérience d’autres équipes africaines confrontées à l ’ h i s t o i re cardiaque naturelle de l’infection par le VIH non traitée (2, 11).

Les limites de cette étude hospitalière, rétrospective et des- criptive, sont à relever; en premier lieu, la sérologie pour le VIH n’a pas été réalisée systématiquement, entraînant une minimisation de la prévalence de l’infection par le VIH parm i les malades pris en charge pendant l’étude, le taux réel étant sans doute supérieur au taux calculé de 2,7 %. De plus, il existe un biais de re c rutement lié au service, qui a rang de ser- vice de cardiologie de référence nationale au Burkina Faso.

Enfin, l’étude souffre d’imprécision dans le diagnostic étio- logique des atteintes cardiaques (infection ou néoplasie oppor- tuniste, rôle des désord res nutritionnels, de l'anémie, atteinte spécifique du VIH): manque de moyens financiers ou tech- niques pour les explorations, notamment les études bactério- logiques et histopathologiques (biopsiques ou autopsiques), d i fficulté d’interprétation des traitements présomptifs anti- tuberculeux. L'évolution post-hospitalière n'est pas connue en raison du nombre élevé de perdus de vue.

En accord avec d’autres auteurs (5, 7), notre étude a montré que toutes les tuniques cardiaques peuvent être atteintes chez les malades infectés par le VIH. La prévalence des atteintes car- diaques a été diversement évaluée : de 22,9 à 80 % dans les séries autopsiques ou échocardiographiques (5, 9, 16), et de 20,4 à 50 % dans d’autres séries cliniques africaines (2, 6, 11, 12).

Une atteinte cardiaque peut être observée à tout stade de l’in- fection par le VIH, mais surtout au stade C (11). Longtemps silencieuse (12), l’expression clinique peut se traduire par une i n s u ffisance cardiaque, le plus souvent globale, ou par des signes de péricardite liquidienne (2, 11, 12, 13, 16).

Cinquante-sept pour cent des malades souffraient d’une atteinte myocardique, aiguë ou chronique, la prévalence oscil- lant entre 16,9 et 72,2 % dans les autres séries africaines (2, 6, 12, 20). La biopsie endomyocardique n’a pas été réalisée chez nos patients ; néanmoins l’on sait l’agressivité et la m é d i o c re rentabilité diagnostique de cette technique dans la re c h e rche étiologique des myocardiopathies (17). Récem- ment encore, FE L K E Ret al. (4) ont rapporté, sur une série de 1 230 biopsies endomyocardiques (pour card i o m y o p a t h i e dilatée inexpliquée), 15 % seulement de diagnostic spéci- fique, 8 % de complications et 0,2 % de décès. Dans notre étude, sept cas de myocardiopathie sont survenus dans le p o s t - p a rtum, soulevant le rôle du VIH et celui d'éventuelles

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Clinique 26

A. Niakara, Y. J. Drabo, Y. Kambire et al.

c a rences nutritionnelles associées, que des études pro s p e c t i v e s p o u rraient préciser.

La forte prévalence des atteintes péricardiques est régulière- ment rapportée dans toutes les séries cliniques africaines : près de 28 % en République Démocratique du Congo (RDC) et au Niger (12, 20), 35,3 % au Congo Brazzaville (2) et 51 % dans notre série. La découverte d’une péricardite en Afrique subsaharienne impose désormais d’évoquer une infection par le VIH sous-jacente ; en effet, 50 à 70 % des péricard i t e s seraient liées au VIH en zone d’endémie (13) et la valeur pré- dictive positive d’une péricardite pour l’origine tuberculeuse est élevée : plus de 90 % des péricardites tuberculeuses confir- mées par la biopsie péricardique étaient associées au VIH dans l'étude de MAT H E Ret al. (14). Ces données justifient pleinement la mise en route d’un traitement antituberculeux présomptif devant l'association péricardite et infection par le VIH, ce qui a été bénéfique pour 19 de nos malades.

L’infarctus du myocarde a été rapporté dans l’histoire natu- relle de l’infection par le VIH (2). Nous en rapportons éga- lement deux cas, en dehors de tout traitement par antipro t é a s e s;

le mécanisme sous-jacent est incertain: association fortuite?

coronarite? athérosclérose accélérée induite par le Cytomé- g a l o v i ru s? L’infection par le VIH s’accompagne parfois d’une H TAP d’allure primitive (15), d’expression clinique classique ainsi que nous l’avons constaté chez quatre malades au stade C. La fréquence des accidents thromboemboliques lors de l’infection par le VIH (19) est confirmée dans notre série : t rois cas d’embolie pulmonaire, quatre cas de thrombus intra- v e n t r i c u l a i re gauche. De fréquents troubles de l'hémostase (déficits en protéine C, en cofacteur II de l'héparine, anoma- lie de la fibrinolyse) ont été rapportés (19).

Le taux global de létalité de la population étudiée (15 %) ne dif- f è re pas du taux de létalité par affection card i o - v a s c u l a i re au Bur- kina Faso (18). Il est à comparer au taux de létalité spécifique des atteintes card i o - v a s c u l a i res au cours de l’infection par le VIH, situé entre 15 et 66,7 % (2, 20). Pour LO N G O- MB E N Z A et al. (10), le bas niveau socio-économique et la présence d’une p é r i c a rdite constituent des facteurs de mauvais pronostic, mais pas le sexe masculin comme il est relevé dans ce travail.

Conclusion

C

ette première étude menée au Burkina Faso a confirmé la réalité locale des atteintes cardiaques des malades infec- tés par le VIH. Elle doit servir de point de départ à des études prospectives d’effectif plus grand et de suivi plus long, seules capables de répondre à des questions d’import a n c e: fréquence réelle du VIH en milieu cardiologique ouest-africain, lien éventuel entre le VIH et certaines cardiopathies (myocard i o- pathie du post-partum et/ou carentielle, infarctus myocar- dique), rentabilité des traitements d’épreuve antituberculeux dans les péricardites. Autant de réponses fondamentales atten- dues pour optimiser la prise en charge des atteintes card i a q u e s des malades infectés par le VIH en prenant en compte la réa- lité des difficultés techniques quotidiennes en Afrique.

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