LA
RÉTENTION MNÉMONIQUE
CHEZ
APIS MELLIFICAMaurice VUILLAUME.
Station de Recherches
apicoles, Bures/Yvette.
De nombreux cas de
mémoire,
liésplus
ou moins àl’apprentissage,
ont été
signalés
ces dernières années chez les insectes. Mais la durée deleur rétention
mnémonique
est engénéral
assez courte. Dans ledressage
au
labyrinthe,
les Blattes neparaissent
pas retenirplus
d’une demi-heure le chemin à suivre(Blafella, CHAUVIN)
ouplus
dequelques
heures(Peri- planeta, B R EC H E R ).
LesDytiques peuvent
aucontraire,
conserverplu-
sieurs
jours
l’habitude d’associer laprésence
de nourriture à une saveurdonnée
(S CHALLER ).
I,es abeilles dressées à venir chercher de la nourrituresur un panneau coloré s’intéressent encore à lui
quatre jours après (K.
VonF RISCH ) ;
lespapillons,
dans les mêmes conditions oublient tout dès le lendemain(Von Il R rscH, 1914 ) :
mais ils retiennentbeaucoup
mieux les odeurs et
pourraient
même s’en serviraprès plusieurs
semainespour leur orientation
(Von F RIS C H , 10 2 0 ).
Je
voudrais faire iciquelques
remarques sur la rétentionmnémonique
chez
l’abeille, qui paraît beaucoup plus
étendue que cequ’en
disent lesauteurs ; et l’on
peut
se demander si cette rétention nepeut
varier consi- dérablement suivant les circonstances de la vie et les conditions de l’observation.LA
MÉMOIRE
DU RETOUR CHEZ L’ABEILLEJe
me contenterai ici dequelques
remarques, lesujet ayant
été abondammenttraité,
notamment dans une discussion récente de Von FRIS C
H et LI!NI)AUER
(z 95 6).
On sait que la mémoireprécise
de latopo- graphie
et del’emplacement
de la ruchepermet
aux abeilles de retrouverleur colonie
après
un volqui
les en aéloignées
deplusieurs
kilomètres(jusqu’à
IIkm).
Si par contre la ruche elle-même estéloignée
artificielle-ment de
plus de km
parrapport
àl’emplacement initial,
les abeilless’orientent par
rapport
au nouvelemplacement
de la ruche et ne reviennentpas à
l’ancien ;
dans ce cas, laprésence
de la reinepeut jouer
un rôlefixateur
important ;
mais elle ne suffit pas à elle seule à maintenir les abeilles enplace.
Il suffit en effet dedéplacer
la ruche à moins de 3 kyn pour que toutes les butineuses retournent à leur ancienemplacement.
Ceci nous amène à
distinguer plusieurs
zones autour de la ruche :0
à 3
km - 3
à ii kni - o à ii km.
a)
les abeilles d’uneportion orpheline
de la colonieprélevée
et miseen ruche dans la zone 3-m km ne retournent pas à leur ancien
empla-
cement.
b) déplacées
dans la zone o-3 km avec ou sansreine,
les butineuses retournent àl’emplacement initial ;
c)
dans la zone o-mkm,
les abeilles sontcapables,
enpartant
de laruche,
de retrouver sonemplacement.
Ces données que tous les
apiculteurs utilisent journellement prouvent qu’une
abeille connaît etgarde
en sa mémoire latopographie
de la zonesituée autour de la
ruche,
zone inscrite dans un cercle de 3 km de rayon dont la colonie forme le centre. Ellesprouvent
aussi que l’abeillepeut
reconnaître son chemin au-delà de 3km,
zonequ’elle prospecte pourtant
rarement.
RÉTENTION MNÉMONIQUE
DE L’EMPLACEMENT DU TROU DE VOL
La mémoire de l’abeille lui est aussi d’un
grand
secours pour retrou-ver
l’emplacement
exact de la ruche dans un rayon dequelques
mètres,et
l’em P lacement
du trou de vol. LECOMTE observe parexemple quand
laruche a subi une
simple
rotation de i8oo surplace,
que les abeilles con-tinuent à se
diriger
vers l’ancienemplacement
de ce trou devol,
troissemaines ait, moins
après
le retournement.Or,
cettepériode
de troissemaines
correspond
à la durée de vie d’une abeille en tant que butineuse.Après
celaps
detemps,
les abeilles rentrent directement à laruche,
maisce sont d’autres
ouvrières, qui
ontappris
lors de leurspremières
sortiesà s’orienter par
rapport
à la nouvelleposition
du trou de vol.D’ailleurs,
au cours des
jours qui
suivent le retournement, le nombre des butineusesqui
sedirigent
vers l’ancien trou de vol va ens’amenuisant,
sans doute àcause de la mortalité
progressive
des vieilles butineuses.A la suite d’une
longue période
degel,
en février195 6, j’ai
étésurpris
de constater
qu’après
30jours
de claustration due au fait que latempé-
rature ne
permettait
pas lessorties,
les abeilles avaientgardé
une mémoireexacte de la situation du trou de vol. En
effet,
nous avions besoin à la Station de RecherchesApicoles
dejeunes
larves en permanence ; et nousforcions la
ponte
des reines enplaçant
les ruches dans un localchauffé,
maintenu àtempérature
constante( 20 - 22 °).
Le trou de vol dechaque
ruche
communiquait
avec l’extérieur par un tuyau de 14cm dediamètre, long
de i m environ. Au cours des visites desurveillance, qui
nécessitaient l’ouverture de laruche,
les abeilles serépandaient
enplus
ou moinsgrand
nombre dans la
pièce chauffée,
et sortaient par unepetite fenêtre, qu’on
fermait aussitôt. Elles ne
pouvaient
alors revenir à la ruche que par le trou de volextérieur,
là où débouchait le tuyau.(fig.
n°r).
Au cours dela sortie
Par la fenêtre,
elles nepouvaient
pasrepérer l’emplacement
dutrou de vol comme elles le font
d’ordinaire,
mais seulement sesouvenir d’une manoeuvre
compliquée qu’elles
avaientapprise
un moisauparavant. Ajoutons
queplusieurs tuyaux partant
de différentes ruchesdébouchaient côte à côte à
l’extérieur,
et ne sedistinguaient
par aucunrepère spécial. Néanmoins,
les abeillesregagnèrent
leur ruche sans hési- tation.Un de mes
collègues,
1,.l£viE, a observé unphénomène identique.
Desabeilles conservées
pendant
un mois aufrigidaire,
au mois dejuillet,
avaient résisté au froid en formant une grappe très
compacte.
On les remit dehors à unemplacement
différent de l’initial : or, ellesrejoignirent
ce dernier aussitôt. Ainsi
donc, la
rétentionmémoniqlte peut
atteindye chezl’abeille un mois au minimum.
B U T
LER
( 1949 ) prétend,
à la suite d’observations faites sur des pourvoyeusesd’eau,
que les abeilles d’hivergardent
la mémoire deslieux, depuis
l’automnejusqu’aux premières
sortiesprintanières,
pra-tiquement
doncpendant
toute leur vie. Ceci confirme les résultats de IvECOMTE sur les abeilles d’été.
Expériences
szrv la mémoire del’emPlacement.
Nous avons
entrepris
une séried’expériences
relatives à la mémoire del’emplacement
de la ruche par les abeilles sur une ruche isoléeplacée
dansune
prairie homogène
d’herbes courtes. Cetteprairie,
située dans unelarge vallée,
non loin de la Station de RecherchesApicoles,
était bordéeau Sud par un rideau d’arbres à 6o mètres de la
ruche ;
auNord,
par des terres cultivées à 100 m ; à l’Ouest par des maisons à 300 m ; àl’Est,
parun rideau d’arbres à 60o m.
a)
Une ruche estapportée
d’un rucher situé à 30 km. : les abeillesignorent
donc tout de leur nouvelemplacement.
I,e trou de vol estdirigé
vers le sud. 24heures
après,
nousdéplaçons
cette ruche de 5 m enarrière,
en laissant le trou de vol orienté du même côté
(le
transfert s’effectue versyheures au moment de la
pleine
activité desbutineuses). Or,
ces 24heuresont suffi aux abeilles pour
repérer
exactement laposition
de la ruche.De retour du
butinage,
elles tourbillonnent aussitôtprès
de l’ancienemplacement,
totalementincapables
de rentrer dans la ruchequi
setrouve
pourtant
seule et bien visible au milieu de laprairie
aux herbescourtes. Certaines abeilles volent en cercle sans arrêt ; d’autres se
posent près
de l’ancienemplacement,
attiréespeut-être
par une rémanenceodorante,
ou bien attirées parl’emplacement lui-même, qu’elles
nepeuvent
localiserpourtant qu’à
l’aide derepères éloignés
de 6o m auminimum. Cet
affolement,
ces tourbillons dans un rayonde
5 m cessent si 10 minutesaprès
letransfert,
nousrapportons
la ruche à saplace
ini-tiale. Les abeilles rentrent alors en masse et tout revient très vite dans l’ordre.
b)
Dès que le calme est revenu, nousdéplaçons
à nouveau la ruchede la même distance et dans la même direction. Nouvelle
effervescence,
semblable à la
première.
Nous sommes restés nous-mêmes à i m de l’an- cienemplacement,
et nous constatons quebeaucoup
d’abeilless’agrippent
à nous. Elles ne rentreront à leur ruche que
si,
au cours duquart
d’heuresuivant,
nous larapportons
àl’emplacement
initial. Cetteexpérience
prouve avec
quelle précision
les abeillesrepèrent
leurruche,
maisaussi,
que la vision de celle-ci ne leur sert
qu’à
très courte distance : elles nel’aperçoivent
pas, bienqu’elles
ne se trouventqu’à mètres ;
mais pour-quoi
l’observateur situé à i mètrejoue-t-il
alors le rôle deperchoir
pour les butineuses affolées ?c)
Deuxjours après
son installation dans laprairie, nous éloignons
la même ruche d’i m seulement en arrière
(transfert toujours opéré
enpériode
degrande activité).
Alors les abeilles trèsagitées
tournent dansun demi cercle de rayon très court
( 4 o cm)
en avant du trou devol ;
leur densité diminue
rapidement lorsqu’on s’éloigne
de la ruche et ài m on n’en voit
plus
quequelques
unesqui
tourbillonnent à peuprès
isolées.
(fig.
n°2 ).
Au retour, les butineuses sedirigent
directement versl’ancien
emplacement (A)
de la ruche et du trou devol, qu’on
retrouvefacilement
grâce
à l’amas d’abeilleschargées
depollen qui s’y agglomèrent.
Mais on ne voit
plus
l’affolementsignalé
dans le cas du reculde
5 m et les abeilles arrivées en Agagnent
directement B(nouvel emplacement).
Ici,
le stimulus visuelpourrait jouer.
Lechangement brusque
de directionen A
persistera
35 minutesaprès
letransfert ;
mais aucune abeille ne rôde en ayyière de La ruche.d)
A ce moment,déplaçons
la ruche de 2 mètres en avant, soiti mètre en avant de A
(emplacement C) (fig. 3 ).
Les butineusesqui revien-
nent effectuent alors des
trajets
variant avec la direction d’arrivée : cellesqui
viennent du Sud sedirigent
vers l’ancienemplacement, puis,
arrivéesau-dessus de la
ruche,
virent de i8oo etgagnent
directement la ruche(ç).
(fig.
3 et 3bis).
Les abeillesqui
arrivent latéralement(i) gagnent
direc-tement l’ancien
emplacement puis
en rasant lesol,
contournent la ruche pour aborder le trou devol ; lorsqu’elles
arrivent à 45°( 3 -a)
elles utilisent deux voies d’accès : ou bien elles contournent la ruche par derrière ouelles
gagnent
le trou de volaprès
avoir fait un coude. Si nousdéplaçons
le toit seul de la ruche pour le remettre en
A,
dans l’ancienemplacement,
les abeilles tourbillonnent autour du toit avant de regagner la ruche.
Le toit
peut
donc constituer unrepère
aussiimportant
que les différentes marques coloréesemployées parfois
sur lafaçade
de laruche,
dans le but de la faire reconnaîtreplus
facilement par les abeilles.e)
Undéplacement
d’un mètre vers lagauche (Est)
provoque aussiune
légère perturbation,
car laplupart
des butineuses viennent de la directionSud-Ouest ;
elles sedirigent
alors vers l’ancien trou devol, puis apercevant
la ruche àproximité,
font unangle
etgagnent,
en rasant lesol,
le nouvelemplacement.
Le demi-cercleplein
d’abeillesagitées
débordenettement sur le côté vers l’ancien
emplacement (fig. q).
f) Quinze
minutesaprès, déplaçons
la ruche de 2 mètres vers l’Ouest(position C),
le demi-cercle d’abeillesagitées
estdéplacé
aussi mais du côté de l’ancienemplacement,
c’est-à-dire du côtéopposé
parrapport
àl’expérience précédente.
Mêmephénomène
si la ruche estdéplacée
de2 mètres et non
plus
de un(fig. 5).
g)
Sialors,
ayantdéplacé
la ruche de 5 mètres vers l’avant ou versl’arrière,
nous la laissons en repos à son nouvelemplacement,
lespertur-
bationsdéjà signalées continuent ;
elless’amplifient
encore si le bond est de 10 mètres et nonplus
de 5. Les abeilles recherchant la ruche tournent autour del’emplacement, puis,
comme l’ont vubeaucoup d’auteurs, augmentent
le rayon de leur vol en montant deplus
enplus, jusqu’au
moment où certaines abeilles ont retrouvé la ruche et commencent à battre le
rappel
d’une manière trèsintense ;
alors les rentrées débutentet s’accélèrent
rapidement.
LA
RÉTENTION
DURABLEAu bout de
plusieurs jours,
les abeilles continuent à venir à l’ancienemplacement, puis regagnent
sanshésitation,
en rasant lesol,
leur ruchequi
estéloignée
de 5 m. Letrajet
suit alors une courbereprésentée
surles
figures ;
tout lelong
de ce parcours les abeilles s’accrochentpassive-
ment
à l’observateur s’il seplace
entre l’ancien et le nouvelemplacement.
Lorsqu’on place
en A une ruchevide,
les butineuses de retourpénètrent
dans cette ruche mais
n’y
demeurent pas, ne trouvant ni reine ni couvainqui puissent
les yfixer ;
maistoactefois
elles ypénètrent
avecpersistance
et ce fait prouve
qu’elles
se souviennent que leur ruche autrefois étaitplacée
en cet endroit. Comme dans lesexpériences
de I!ECOMTE, le nombredes butineuses
qui
entre en A diminueprogressivement,
le nombre decelles
qui
rentrent directement en Baugmente progressivement ;
il estbien
probable
queparmi elles,
se trouvent lesjeunes
abeillesqui
n’ontjamais
connul’emplacement
A. Onpourrait
supposer aussique les
buti-neuses les
plus jeunes,
n’ont mémorisél’emplacement
A quedepuis
moins
longtemps
que lesplus
anciennes et l’abandonnentplus
vite.Quoi qu’il
en soit vcous vetvouvons, douzejours après la transposition,
desabeilles
qui e f f ectuent
encore ceparcours complexe.
Au cours de cette
expérience,
nous avons observéquelques
abeillesrentrant de la direction N-O, c’est-à-dire
qu’elles
arrivaient à 45° par derrière laruche ;
elles contournaienttoujours
celle-ci dans le mêmesens pour regagner le trou de vol.
Après
latransposition,
nous avonsplacé
alors uzze ruche vide àdiffé-
rents
emplacements (fig. 6) :
en(i)
la ruche vide nejoue
aucunrôle ;
en( 2
)
de nombreuses abeilles retournent au-dessus de laruche,
à 30 cm du toit pourquitter
lapiste
normale et regagner la ruche B. En( 3 ) quelques
abeilles
réagissent
defaçon analogue
etquittent également
leurpiste
normale pourrejoindre
B. En( 4 )
toutes les abeilles sedirigent
vers B,mais
après
avoir montré uneperturbation
très nette. Les abeilles auraient doncgardé
le souvenir del’emplacement
A de laruche,
mais aussi le souvenir de A avec la ruche. La différence avec lapremière partie
del’expérience
est la suivante : seule,ici,
une certaineproportion
d’abeillesest intéressée par l’ancien
emplacement
et le reste gagne Bdirectement ;
alors
qu’au
cours de la jereexpérience,
toutes les abeilles sedirigeaient
vers A.
En même
temps
que nousentreprenions
cesrecherches,
FREE( 195 8)
en exécutait dans le même sens en
Angleterre.
Bien que lestechniques
soient sensiblement
différentes,
les résultats concordent avec ceux denos
expériences.
LES DEUX SORTES D’APPRENTISSAGE DE L’EMPLACEMENT Si l’on
déplace
une ruche venant de 10km,
2 heuresaprès
sa miseen
place,
les abeilles abandonnent aussitôtl’emplacement
où elles n’ont demeuré que deux heures. Mais si la ruche est restée 10 heures enplace
avant la
transposition,
les abeilles reviennent alors avecpersistance
àl’emplacement
initial. Il existe donc enplus
de la fixationrapide
etpho- tographique
del’emplacement
de laruche,
que tous les auteurs ontsigna- lée,
une fixationqui
demandeplus
detemps,
maisqui
sembleproduire
des résultats à peu
près
irréversibles(les
abeilles revenant à l’ancienemplacement pendant
toute leur vie debutineuse) .
L’AMNÉSIE
SUBITE DE L’ESSAIMInstallé dès sa sortie dans une ruche vide à
proximité
de la ruche mère, l’essaimn’y
retourne pas pour autant. Il semble oublier totalementl’emplacement
de la ruche dont il est sorti et,après
le rite du col de reconnaissance,chaque
abeilleparait adopter
d’emblée la nouvelleposi-
tion. Mais il suffit d’éliminer la reine de
l’essaim,
peuaprès
son installa-tion,
pour que lesémigrantes regagnent
la souche : iln’y
avait donc pasoubli,
mais conflit de deux influences. La reine ne constitue pas la seule raison de lafixation, puisqu’il
suffit dedéplacer
une ruchequel-
conque dans un rucher pour
qu’elle perde
toutes ses butineusesqui
seréfugient
au hasard dans les colonies lesplus proches
de l’ancienempla-
cement. C’est la
fièvre d’essaimaâe, plus
laprésence
de lareine, qui font adopter le
nouveaugîte
sansesprit de
retour.DISCUSSION
Si de très nombreux auteurs
(résumé
dansT HORP E, 1943 )
ont remar-qué
l’effet de latransposition
des ruches sur lecomportement
desabeilles,
il ne semble pas
qu’ils
se soient attachés à mesurer la ténacité de la réten- tion. D’autrepart,
HERTZ asignalé (oralement)
à THORPE les difficultésqu’on éprouve
à dresser des abeilles à venir récolter dusirop
sur un coinde table : à ce
stade,
lerepérage
semble visuel et les abeilles sont facile- mentdérangées
par le moindrechangement
dans l’environnement maisplus tard,
des facteurskinesthésiques
semblentl’emporter
deplus
en
plus
et l’abeille devient moins sensible aux facteurs visuels. Nous trouvons ici unparallélisme
exact avec nosexpériences : lorsque
la ruchevient d’être
transportée
dans unemplacement
entièrement nouveau, il semble que dans les deux heuresqui
suivent latransposition,
les abeillesse
guident
surtoutd’après
desrepères visuels,
etqu’un petit déplacement
d’un mètre ou
plus
soit facilementcorrigé.
Ce n’estqu’au
bout d’unedizaine d’heures que le
repérage,
dans la zoned’arrivée,
devient deplus
en
plus kinesthésique
etstéréotypé
etqu’apparaît
l’attachement durable àl’emplacement.
Woi<F a montré aussi que c’étaient les abeilles lesplus âgées qui persistaient
leplus
à retourner dans l’ancienemplacement.
Nous montrons
quant
à nous,qu’elles
y retournent toute leur vie et que lafixation
unefois faite
semble ivvévevsible. Notonsqu’il
n’en est pas de même chezVespa Vulga y is qui
retrouve facilement son niddéplacé
dei à 6 mètres et dont le
comportement
à cetégard
est bienplus plastique
que celui de l’abeille
(HusiNG).
RÉSUMÉ
10 Les théories
qui
n’admettent chez l’abeillequ’une
brèvecapacité
de
rétention,
limitée à trois ouquatre jours,
sont controuvées par nosexpériences ;
nous avons démontréqu’une
rétention de l’ancienemplace-
ment, manifestée par les inflexions du parcours de retour à cetendroit, persiste pendant
au moins douzejours.
Chez les abeilles soumises arti- ficiellement au froid ou enplein hiver,
la rétention se manifestependant
un mois au minimum.
2° Dans la localisation de la ruche à brève distance
(i
à 2m)
less
timuli visuels
jouent
certainement un rôle. Mais l’ancienemplacement dépourvu
de toute marque visible estcependant
bien reconnu et leparcours s’infléchit
pendant
trèslongtemps
au-dessus de lui. Cela pro- vient sans doute de la rétention desrepères lointains, permettant,
en dehors de toutrepère proche,
une orientation bienplus précise qu’on
n’aurait pu le supposer.
30 Mais il faut
distinguer
entre :a)
l’orientationquasi
instantanée relevant de «l’insight
» ou del’apprentissage
latent(T HORPE ) qui
corres-pond
sans doute au vol stationnaire devant la ruche et se manifeste aussitôt dès que la ruche estplacée
dans un site entièrement nouveau, etb)
« l’habituation àl’emplacement, exigeant
un maintien deplusieurs
heures au même endroit et des parcours
répétés.
Seules les abeillesplacées
dans la situation
(b)
montrent une mémoire durableaprès déplacement
de la ruche. Il
paraît probable qu’au-delà
d’une certaine marge d’habi-tuation,
la fixation del’emplacement
de la ruche est définitive et durejusqu’à
la mort de la butineuse.4 0
1,’abeille est
sujette
à despériodes
d’anamnèse au coursdesquelles
l’ancien
emplacement paraît
définitivement oublié. Il en est ainsi au coursde
l’essaimage :
l’essaimpeut
se fixer sans difficulté àquelques
mètresde la souche. le même résultat
peut
être obtenu engreffant
descupules
de cire munies d’une
jeune
larve à l’intérieur d’un groupe d’abeillesorphe-
lin. Mais si on enlève les
cupules royales
ou lareine,
alors les abeilles retournent à la souche.5! L’oubli n’était donc
qu’apparent
et un facteur tout autre(reine
ou
élevage royal)
inhibait seulement le retour aupremier gîte.
Mais lareine seule ne suffit pas à provoquer cette
inhibition ;
il y faut despériodes
de crise comme
l’essaimage ;
autrement, il suffit dedéplacer
la ruche dansun rucher pour que toutes ses butineuses l’abandonnent et se
réfugient
dans les colonies les
plus
voisines de l’ancienemplacement.
SUMMARY
i)
Bees are able to remember the location of their hiveduring
along
time : 12
days
in a normalperiod
ofactivity
and 30 days if bees are placed ato-
4
°C.
2
) For the localisation of the hive at short distance
( 1 - 2 m)
visual stimuliare
important.
But the ancientplace
even without visual marks is however well memorized. One can observe in the returnflight
of bees a deviation towards itduring
a long time.Perhaps important
distant marks remain memorized alonger
time thansupposed
inprevious
studies.3
) But we must
distinguish
between :a) (instantaneous
orientation, which is manifest when a hive isplaced
in a new site ;b)
the « habituation n at the location which demandsstaying during
severalhours at the same
place. Only
the bees in condition(b)
show durable memory after hive translation.Perhaps,
after some « habituation nlocation-engram
becomes irreversible till the death of bees.
4
) Bees show « anainnesis
n periods during
whichthey definitevely forget
the ancient site : in
period
ofswarming
for instance, bees can be moved to ashort distance. The same anamnesis can be seen among
queenless bees provided
with royal cells or young larvae, but if royal cells or larvae are taken off, the bees return to the ancient location.
5
) Forgetting
was only apparent. The presence of the queen is not sufficieut toprovoke
the anamnesis, exceptduring periods
ofswarming :
afterremoving
a hive in a
apiary,
allforagers
abandon it andjoin
the other hives, near the ancient site.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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