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ELIZABETH HARVEY FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC. Février Elizabeth Harvey, 2005

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ÉTUDE DES CONTRIBUTIONS DES VERBALISATIONS MATERNELLES À 5 MOIS SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VOCABULAIRE À 18 MOIS DANS UN CONTEXTE

DE NAISSANCES GÉMELLAIRES

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en psychologie pour l’obtention du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

Février 2005

© Elizabeth Harvey, 2005

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RÉSUMÉ

Ce mémoire examine le lien entre les verbalisations qu’une mère adresse à son nourrisson de 5 mois et le développement du langage à 18 mois en contexte de naissances gémellaires. Les verbalisations des mères (N= 63) au cours d’une interaction de 5 minutes avec chacun de ses deux nourrissons ont été codifiées quant à la quantité et quant aux types de verbalisations, soit référentielles, métalinguistiques ou sociales-régulatives. Le vocabulaire des enfants a été évalué à

18 mois à l’aide d’une adaptation du MacArthur Communicative Development Inventory (MCDI). Contrairement aux attentes, les résultats indiquent que plus la mère parle à son enfant, moins le score du vocabulaire à 18 mois est élevé. Par contre, lorsque le nombre de verbalisations maternelles est considéré en interaction avec le temps en attention conjointe, on note une

contribution positive des verbalisations de la mère. De plus, les verbalisations maternelles de type sociales-régulatives et référentielles sont corrélées négativement avec le vocabulaire à 18 mois. Il n’y a pas de différence significative quant à la quantité et à la qualité des verbalisations

maternelles liée au genre des enfants.

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AVANT-PROPOS

Je tiens à remercier ma directrice de recherche, Dre Ginette Dionne, pour sa

compréhension, son soutien exemplaire ainsi que pour ses judicieuses recommandations dans la réalisation de ce projet de recherche. Par le biais de ce passionnant défi, vous m’avez offert l’occasion de me surpasser. Je désire également remercier les chercheurs responsables des octrois pour l’ÉJNQ, Drs Daniel Pérusse, Michel Boivin et Richard E. Tremblay ainsi que les

organismes subventionnaires (CRSH, IRSC, CQRS, FQRSC, FRSQ). Également, merci aux équipes de recherche notamment à monsieur Jocelyn Malo, coordonnateur de l’ÉJNQ. Aux familles qui ont rendu possible cette importante cueillette de données, votre collaboration dans l’avancement de la psychologie est inestimable, merci. Plus particulièrement, merci à madame Hélène Paradis, à madame Sandra Pouliot ainsi qu’à madame Edith Cantin, toutes membres du GRIP de l’Université Laval, pour leur généreuse collaboration.

De façon particulière, je remercie également monsieur Pascal Lavoie, concepteur de la grille de codification informatisée. Tu m’as tellement offert... jamais je n’oublierai cette période de ma vie.

Je tiens à adresser un merci distinct à mes parents pour leur indispensable soutien et leurs nombreux encouragements tout au long de ma formation académique. C’est si généreux de votre part de m’avoir donné la possibilité de me réaliser. Pour toujours, vous avez toute ma

reconnaissance. Merci à mon frère Steeve avec qui l’expression grand frère prend tout son sens... Julie, Véro, Marie, Cyn simplement, mais du fond du cœur, merci.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ...ii

AVANT-PROPOS... ni TABLE DES MATIÈRES... iv

INTRODUCTION GÉNÉRALE... vi

1. Contexte théorique... 1

1.1 Le développement langagier : une habileté qui précède T apparition des premiers mots...2

1.2 Les variables environnementales et sociales susceptibles d’influencer le développement langagier...4

1.2.1. Langage maternel ... 4

1.2.2. Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées à la mère ... 8

1.2.3. Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées à l’enfant ...10

1.3 Questions de recherche ... 11

2. Méthode... 12

2.1 Participants... 12

2.2 Procédure... 12

2.3 Codification ...14

2.4 Entente interjuge...18

2.5 Échelle de dépression... 19

2.6 Vocabulaire expressif de l’enfant à 18 mois ... 19

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3. Résultats... 20

3.1 Données descriptives sur les verbalisations des mères et les épisodes d’attention conjointe...20

3.2 Corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe à 5 mois et le vocabulaire expressif des enfants à 18 mois...22

3.3 Corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe et la scolarité de la mère, la dépression maternelle et le genre de l’enfant...24

3.4 Modèle prédicteur du vocabulaire à 18 mois... 25

4. Discussion...29

CONCLUSION GÉNÉRALE...35

ANNEXE A : Disposition de la salle familiale ... 36

ANNEXE B : Grille de codification ... 37

RÉFÉRENCES ...38

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Plusieurs études ont démontré que le langage adressé à un nourrisson, le child-directed speech, a une incidence sur son acquisition du langage. Le langage du parent contribue au

contenu du babillage comme à celui des premiers mots (Tomasello et al., 1986). Toutefois, le rôle du langage parental pour expliquer les différences quant au rythme d’acquisition du langage est moins clair.

Les deux dernières décennies ont été marquées par une augmentation importante des études visant à mieux comprendre la contribution du langage parental à !’explication des différences individuelles dans le développement du langage. Entre autres, les études sur l’étiologie génétique du langage précoce confirment l’hypothèse de nombreux chercheurs (Huttenlocher et al., 1991 ; Klein, 1980; Tomasello & Todd, 1983 etc.) selon laquelle les facteurs héréditaires jouent un rôle modeste dans !’explication des différences individuelles précoces. Effectivement, il semble que la plus grande part des différences individuelles s’explique par des facteurs environnementaux et sociaux.

L’étude proposée s’inscrit dans la foulée de ces recherches et elle a pour principale

hypothèse que les verbalisations que la mère adresse à son enfant au cours de la première année contribuent au rythme d’acquisition du langage. Aucune étude visant à mesurer l’impact des verbalisations maternelles au cours d’une période si précoce du développement langagier n’a encore été réalisée. Devant une confirmation de cette hypothèse, l’étude tentera d’identifier les caractéristiques spécifiques du langage de la mère qui apportent une contribution significative au langage de l’enfant : la quantité globale de stimulation langagière et/ou le contenu qualitatif des verbalisations ? Enfin, les caractéristiques susceptibles d’agir comme modérateur de l’impact du langage parental, qu’elles soient propres à la mère, à l’enfant ou au contexte interactionnel, seront examinées.

Ce travail de recherche se divise en quatre sections. La première section est consacrée au contexte théorique dans lequel sont présentées quelques notions de base sur le développement langagier en tant qu’habileté cognitive, suivies d’une présentation des appuis empiriques concernant les variables environnementales et sociales associées au développement langagier précoce. Les hypothèses de recherche sont exposées à la fin de cette première section. Une seconde section traite de la méthode dans laquelle sont décrites les caractéristiques des

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participants et les procédures d’observation et de codification utilisées pour la réalisation de cette étude. Les résultats des analyses statistiques effectuées sur les données recueillies sont présentés dans la troisième section. Enfin, une discussion tente de mettre en lumière les résultats obtenus et propose de nouvelles voies pour la recherche dans ce domaine d’étude. Une brève conclusion complète ce mémoire.

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Plusieurs études ont démontré une association entre P acquisition précoce du langage chez l’enfant et le langage parental (Hoff & Naigles, 2002; Snow & Ferguson, 1977). Sur une base normative, on remarque que dès l’âge de 6 mois, la majorité des nourrissons limitent

graduellement leur babillage aux phonèmes de la langue à laquelle ils sont exposés (Hoff &

Naigles, 2002). De même, on remarque que les premiers mots du vocabulaire sont ceux auxquels l’enfant est le plus exposé, principalement par son exposition au langage du parent, et par

extension, au langage de l’adulte qui en prend soin (NICHD, 2000).

Selon Vigotsky (1962), les premiers mots de l’enfant constituent l’élément central des théories de !’acquisition du langage. Bien que cette position soit partagée par de nombreux auteurs, les travaux contemporains se sont davantage centrés sur !’acquisition de la compétence syntaxique que sur !’acquisition de la compétence lexicale (Nelson, 1973). Pourtant, très tôt, le rythme du développement lexical est marqué par d’importantes différences entre individus, et ces différences tendent à perdurer en cours de développement (Polka & Werker, 1994). Les bases de ces différences individuelles ne sont toutefois pas bien comprises et elles posent un défi aux chercheurs qui s’intéressent à les documenter. Certains d’entre eux s’entendent pour affirmer que ces différences sont fortement reliées à !’intelligence générale (Dupuy, 1974), alors que d’autres soutiennent la thèse d’une contribution importante de la qualité de la stimulation langagière à laquelle un individu est exposé (Oshima-Takane & Qram, 2002). Ainsi, plusieurs théoriciens s’appuient sur un ensemble d’études empiriques pour affirmer que le langage parental contribue, non seulement à !’acquisition des aspects normatifs du langage, mais aussi, en partie, aux

différences individuelles quant au rythme d’acquisition du langage (Baumwell et al., 1997;

Dunham & Dunham, 1992; Hoff & Naigles, 2002; Klein, 1980; Landry et al., 1997; Oshima- Takane & Qram, 2002).

La présente étude s’inscrit dans la foulée de ces recherches mais vise une période très précoce du développement langagier, soit vers 5 mois quand la plupart des enfants en sont à l’étape du premier babillage. Aucune étude de la contribution du langage parental n’avait encore été réalisée sur des sujets en si bas âge. L’intérêt pour cette période très précoce du

développement langagier est justifié en ce qu’elle marque !’établissement des patrons d’interaction entre parent et enfant (Wood, 1980), mais aussi, parce que les habiletés

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phono logiques prélangagières qui se développent durant cette période se sont avérées de bons prédicteurs des habiletés langagières futures (Bomstein & Haynes, 1998). On peut donc présumer que, dès cette période, le langage qu’un parent utilise avec son enfant contribue au

développement du langage.

L’objectif principal de cette étude est donc d’évaluer, dès les premiers mois, la

contribution du langage maternel aux différences individuelles langagières précoces. Il s’agit d’abord de voir dans quelle mesure le langage qu’une mère adresse à son enfant au cours de la première année contribue au rythme d’acquisition du langage mesuré à 18 mois par le

vocabulaire expressif de l’enfant. Le cas échéant, quelles sont les caractéristiques spécifiques du langage de la mère qui apportent une contribution significative au langage de l’enfant : la quantité globale de la stimulation langagière qu’on peut inférer à partir des séquences d’interaction mère- enfant codifiées et/ou le contenu qualitatif des verbalisations ? Enfin, il convient d’identifier les caractéristiques, propres à la mère, à l’enfant ou encore au contexte interactionnel, qui puissent agir comme modérateur de l’impact du langage parental. Ce sont ces questions qui seront examinées dans le cadre de la présente étude. Toutefois, avant de s’y attarder, il est nécessaire d’identifier les différentes étapes du développement du langage afin de mieux comprendre la relation entre les contributions parentales et ce processus d’apprentissage.

1.1 Le développement langagier : une habileté qui précède l’apparition des premiers mots On reconnaît que le langage réceptif, celui que l’enfant perçoit et comprend, apparaît avant le langage expressif celui qu’il peut effectivement utiliser. Selon plusieurs auteurs, l’enfant peut distinguer certaines syllabes dès l’âge de 1 mois, qu’elles soient prononcées par la voix d’un homme, d’une femme ou d’un enfant. Vers l’âge de 5 ou 6 mois, le bébé peut reconnaître des mots de deux syllabes et il peut même reconnaître une syllabe à l’intérieur d’un ensemble de syllabes (Polka & Werker, 1994). Certains auteurs ont également démontré que les bébés distinguent mieux certaines syllabes que les adultes. Il semble que jusqu’à l’âge de 6 mois, les nourrissons peuvent distinguer des sons de langues autres que celles à laquelle ils sont exposés. A l’âge de 1 an, cette capacité serait déjà très réduite. Cela correspond au modèle de croissance synaptique et d’émondage au cours des premiers mois. Ceux-ci stipulent que les habiletés perceptives du nourrisson se limitent graduellement aux sons qui sont employés dans la langue entendue et les synapses non utilisées sont éventuellement émondées (Polka & Werker, 1994).

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Durant cette phase prélinguistique, celle qui précède l’émission des premiers mots, l’enfant passe de l’émission de sons réflexes, comme les pleurs, à l’émission intentionnelle de sons. Il s’agit d’abord de gazouillis, composés de voyelles uniques ou de consonnes gutturales (i.e. gu) qui laissent graduellement la place au babillage, des combinaisons de consonnes et voyelles que l’enfant se plaît à répéter (i.e. babababa). Étonnamment, les enfants sourds suivent le même parcours (Goldin, 2003), ce qui laisse croire que le langage auquel l’enfant est exposé avant cette période contribue peu aux différences individuelles. Toutefois, les enfants sourds ne passent jamais au babillage diversifié, où le bébé juxtapose des syllabes variées (i.e. gada), ce qui laisse entendre que le langage auquel l’enfant est exposé est nécessaire pour que son répertoire vocal puisse progresser. Aussi, certaines études démontrent que dès cette phase, les enfants comprennent certains mots (Fenson et al., 1994). Il s’agit donc d’une période pendant laquelle les interactions sociales de l’enfant s’épanouissent et les parents sont généralement aptes à entamer des échanges verbaux avec leur enfant.

L’expression des premiers mots apparaît versl an et c’est à ce moment que débute la phase linguistique. Une augmentation rapide du nombre de mots composant le lexique d’un enfant est observé entre 18 et 24 mois (Polka & Werker, 1994). Pour certains auteurs, cette croissance rapide du vocabulaire dans la petite enfance représente une manifestation de la capacité innée de l’humain pour le langage (Huttenlocher et al., 1991). Chez la plupart des

enfants, cette augmentation soudaine du vocabulaire n’est pas un processus graduel et régulier, au contraire, il semble se produire une explosion au moment où l’enfant atteint le seuil des 50 mots.

Ce modèle a été confirmé par de nombreux auteurs (Bates et al., 1988; Bloom, 1993).

L’enfance précoce est reconnue comme étant une période de développement linguistique rapide et c’est probablement pour cette raison, entre autres, qu’elle est au cœur de nombreuses études qui visent à mieux comprendre le processus de développement langagier (Oshima-Takane

& Qram, 2002 ; Tomasello et al., 1986). Par ailleurs, on note une certaine stabilité des différences individuelles précoces (Bates et al., 1988) particulièrement quant au vocabulaire. Vers 2 ans, l’enfant moyen a un vocabulaire d’environ 900 mots (Carey, 1978) et au moins, une syntaxe rudimentaire (Brown, 1973). Ce vocabulaire est principalement formé de mots usuels auxquels l’enfant est exposé par le biais des parents ou du donneur de soin. Bien que la séquence des gazouillis au babillage, puis aux premiers mots et aux premières combinaisons de mots soit fixe, le rythme d’acquisition est très variable durant cette période. La contribution du langage parental

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à ce rythme d’acquisition est encore mal comprise. Les études qui ont porté sur cette question ont examiné la contribution du langage parental après l’apparition des premiers mots. Qu’en est-il de la contribution du langage parental dans la période prélinguistique ? C’est la question centrale de cette étude.

1.2 Les variables environnementales et sociales susceptibles d’influencer le développement langagier

Depuis les deux dernières décennies, plusieurs recherches ont exploré les différents aspects de 1 ’ environnement qui influencent le développement précoce du langage (Dunham &

Dunham, 1992; Hoff & Naigles, 2002). Pour de nombreux chercheurs, les différences

individuelles dans !’acquisition du vocabulaire précoce s'expliquent davantage par des facteurs environnementaux (Dunham & Dunham, 1992; Huttenlocher et al., 1991; Klein, 1980; Oshima- Takane & Qram, 2002; Tomasello & Todd, 1983). Des études génétiques ont également confirmé que les facteurs héréditaires jouent un rôle modeste dans !’explication des différences

individuelles précoces (Dale et al., 1999; Scan־ & Weisberg, 1978). Parmi les facteurs environnementaux qui ont attiré !’attention, on retrouve en tête de liste le langage maternel.

1.2.1 Le langage maternel

Snow et ses collègues (1982) ont démontré que le langage maternel diffère du langage des autres adultes. Plusieurs auteurs ont mené de front cette question pour discerner quelles

caractéristiques du langage maternel jouent un rôle dans !’acquisition du langage chez l’enfant.

Nelson (1973) a été la première à démontrer, auprès d’un petit échantillon d’enfants (#=18) âgés de 2 ans, que les mères qui utilisaient un style didactique dans le langage qu’elles

adressaient à leur enfant avaient tendance à avoir des enfants dont le premier vocabulaire était plus développé et principalement composé de noms. Nelson attribuait un style d’acquisition du langage de type référentiel à ces enfants par opposition au style d’acquisition expressif qu’elle a observé chez un nombre plus restreint d’enfants dont le premier vocabulaire était moins

développé et surtout formé d’expressions figées.

Les travaux de Nelson ont initié un engouement qui perdure pour l’étude de la

contribution du langage parental au développement du langage chez l’enfant. Dans une étude phare réalisée en laboratoire, Tomasello et ses collègues (1986) ont démontré que le nombre de verbalisations qu’une mère adresse à son enfant (N = 24; âge moyen = 24 mois) pendant une

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brève période dejen et le nombre de mots différents dans le vocabulaire de son enfant étaient fortement corrélés. Cette étude, et d’autres qui ont suivi, (Oison et al., 1986) ont appuyé

empiriquement l’idée généralement véhiculée quant à la contribution positive de la quantité de la stimulation verbale que reçoit un enfant (Snow et Ferguson, 1977) sur son développement

langagier. Par exemple, Smolak et Weinraud (1983) ont présenté des résultats similaires. Le langage des mères de deux groupes d’enfants, l’un comprenant des enfants dont le vocabulaire était plus développé et l’autre comprenant des enfants dont le répertoire verbal était plus restreint, avait été quantifié durant une période de jeu en laboratoire au moment où les enfants étaient dans leur deuxième année de vie. Les auteurs ont observé que les mères des enfants dont le

vocabulaire était plus développé parlaient plus à leur enfant que les autres mères. Enfin, Scan־ et Weisberg (1978) ont rapporté une corrélation significative entre les résultats d’un enfant et ceux de sa mère adoptive au sous-test Vocabulaire du Weschler. Cette corrélation était plus élevée que celle entre l’enfant et sa mère biologique, ce qui suggère une contribution du milieu, et

possiblement du langage auquel un enfant est exposé.

À l’instar de Nelson (1973), la contribution du langage parental a aussi été examinée sous l’angle des types de verbalisations qu’une mère peut adresser à son enfant. Trois grandes

catégories de verbalisations ont été initialement répertoriées et on les retrouve, sous une forme ou une autre, dans la plupart des grilles d’analyse du contenu du langage parental. On regroupe sous le vocable référentiel le contenu de type didactique, initialement identifié par Nelson, dans lequel le parent met l’accent sur les noms et fait des références répétées aux objets. Le contenu axé sur la régulation de l’état affectif de l’enfant et sur le maintien de !’interaction sociale est qualifié de régulateur-social. Finalement, le contenu dans lequel le parent aborde le langage comme sujet de l’échange, que ce soit pour corriger l’enfant ou faire une réflexion sur les particularités d’un mot ou d’une règle, est le contenu de type métalinguistique.

Dans !’ensemble, les résultats des études qui ont porté sur les types de verbalisations du parent indiquent une contribution positive des verbalisations de type référentiel (Klein, 1980;

Nelson, 1973) et des verbalisations métalinguistiques (Jones et Adamson, 1987; Oshima-Takane et Qram, 2002), mais une contribution négative des verbalisations de type régulateur-social (Jones et Adamson, 1987; Nelson, 1973; Tomasello et al., 1986) au rythme d’acquisition du langage chez l’enfant. Ces résultats ont été obtenus pour la première fois par Nelson dans son étude de 1973. Pour les expliquer, Nelson (1981) a proposé que le développement du langage

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chez l’enfant puisse être favorisé ou atténué par les verbalisations de la mère selon le mode d’orientation de !’attention privilégié par celle-ci, à savoir suivre l’orientation de l’enfant ou tenter de diriger cette attention. Pour l’auteur, la façon d’utiliser le langage pendant des interactions avec un enfant influence les inférences qu’il fait quant à la fonction primaire du langage, laquelle à son tour, influence le développement du langage. Si la mère utilise un langage principalement axé sur la référence, la catégorisation des objets ou les évènements du monde (type référentiel), l’enfant déduit que la fonction primaire du langage est la référence et il sera plus enclin à apprendre les noms des objets. Ces enfants sont alors plus susceptibles d’acquérir un large répertoire de vocabulaire et ce plus rapidement. D’un autre coté, si la mère utilise le langage principalement à des fins d’interactions sociales et pour réguler les états affectifs et les

comportements du bébé, l’enfant comprendra plutôt que la fonction primaire du langage est sociale-régulative. Ces enfants seraient alors moins intéressés à apprendre les noms des objets, le résultat étant une croissance du vocabulaire plus lente (Nelson, 1981).

Les résultats de Nelson (1973) et des auteurs qui ont étudié le même phénomène, dénotent que le fait d’être exposé à un parent qui nomme les objets, corrige le langage ou signale une particularité du langage, est associé à un développement plus rapide du langage chez le jeune enfant. Par ailleurs, la fréquence des verbalisations qui servent à gérer le comportement de l’enfant, à le rappeler à l’ordre ou à le consoler, est associée à un moins bon développement langagier.

La fréquence relative des types de verbalisations utilisées par un parent traduit non seulement le langage auquel l’enfant est exposé mais aussi, possiblement, la disponibilité

affective et attentionné!le du parent et de l’enfant. Un concept clé dans l’étude de la contribution du langage maternel au langage de l’enfant rend compte de cet élément qualitatif des échanges entre mère et enfant. Il s’agit de l’attention conjointe, cet état dans lequel !’attention du parent et de l’enfant convergent, soit vers un même objet, soit l’un vers l’autre. Tomasello et Todd (1983) ont démontré une association entre la quantité de temps consacré par les dyades mère-enfant à des épisodes d’attention conjointe dans les stades de développement précoce, et l’étendue du vocabulaire des enfants aux stades ultérieures du développement. Cette notion suggère que l'enfant en bas âge acquiert plus aisément un vocabulaire si, pendant !'interaction sociale, les verbalisations maternelles décrivent des aspects de !'environnement occupant le centre d’attention de l'enfant (Tomasello & Todd, 1983). Ainsi, en tenant compte de cette composante des échanges

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mère-enfant, Tomasello et ses collègues (1986) ont démontré que la contribution négative du langage maternel de type social-régulateur s’expliquait en partie en raison de la difficulté à établir un point de référence et d’attention commun entre la mère et l’enfant lors d’échanges caractérisés par ce type de verbalisations. Ainsi, ce serait en partie l’habileté de la mère à orienter ou encore à s’adapter au focus attentionnel de son enfant mais aussi la capacité de l’enfant à maintenir et à diriger son attention qui seraient associées au développement langagier. Pour leur part, Dunham et Dunham (1992) expliquent que !’attention conjointe entre parent et enfant est significativement corrélée avec un plus grand répertoire de vocabulaire car l’enfant peut davantage profiter du caractère didactique du contexte interactionnel quand !’attention entre parent et enfant est convergente. Par contre, si le parent redirige constamment !’attention de l’enfant, celui-ci dépense plus d’énergie à suivre le parent qu’à profiter du contenu de ce qui est dit.

Plusieurs autres études empiriques ont fait valoir la nécessité de tenir compte des aspects attentionnels de la dynamique d’interaction mère-enfant comme un élément modérateur

important de l’impact du langage parental (Akhtar et al., 1991; Hoff & Naigles, 2002; Klein, 1980; Nelson, 1981; Oshima-Takane & Qram, 2002). En particulier, ces études révèlent que les verbalisations maternelles directives sont négativement corrélées au développement du

vocabulaire de l’enfant, et ce, indépendamment du contenu de la verbalisation. Tomasello et Farrar (1986) ont observé que les verbalisations de la mère qui suivent le focus attentionnel de l’enfant, sont associées positivement au développement du vocabulaire, tandis que celles qui tentent de diriger !'attention de l’enfant y sont associées négativement. L’attention conjointe permet donc de tenir compte à la fois de la sensibilité de la mère aux efforts attentionnels de son nourrisson, mais aussi de la capacité relative du nourrisson à diriger volontairement son attention.

Les contributions du langage parental ont aussi été étudiées dans le contexte de naissances gémellaires. Comparativement aux singletons, les jumeaux ont un rythme de développement du langage plus lent durant la petite enfance (Tomasello et al., 1986). Cette différence peut être due en partie à 1 ’environnement prénatal. Leur petit poids à la naissance démontre que les jumeaux doivent partager l’espace et les mêmes éléments nutritifs dans l’utérus de leur mère (Mckeow &

Record, 1952). Toutefois, sans négliger l’impact des facteurs prénataux, des études récentes ont conclu que les différences entre singletons et jumeaux en ce qui concerne le développement langagier étaient en grande partie explicables par !’environnement postnatal qu’ils doivent

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également partager (Conway et al., 1980 ; Lytton et al., 1977 ; Tomasello et al., 1986). Ces études ont démontré que la stimulation langagière des enfants jumeaux diffère de celle observée chez les singletons. Selon Tomasello et ses collègues (1986), cette différence ne résulte pas de caractéristiques propres à la mère ou à l’enfant mais plutôt de la nature même de la situation diadique. Dans leurs interactions avec leurs enfants, les mères de jumeaux, comme tous les adultes, sont contraintes par leurs ressources limitées autant en terme de quantité qu’en terme de qualité. Conway et ses collègues (1980), ont rapporté que les mesures du langage maternel comptaient pour 2 fois plus dans l’explication du développement langagier des jumeaux que le poids à la naissance et la durée de gestation. Dans leur étude, les mères de jumeaux produisaient des verbalisations qui étaient moins complexes, plus courtes et moins fréquentes que celles des mères de singletons. Selon Jones (1984), les séquences d’interaction diadiques sont moins empreintes de verbalisations métalinguistiques que les séquences dyadiques. Egalement, Lytton, Martin et Eaves (1977) ont trouvé que comparativement aux singletons, les dyades mère-jumeaux ont beaucoup moins d’échanges verbaux. Ces deux études ont conclu qu’une plus faible quantité de verbalisations maternelles était le premier facteur contribuant au développement langagier plus lent chez les jumeaux. D’autres études sur les naissances gémellaires indiquent que les mères sont engagées dans un moins grand nombre d’épisodes d’attention conjointe avec chaque enfant (Tomasello et al., 1986). De plus, ces mères semblent être plus contrôlantes et semblent adopter un style d’interaction plus directif (Della Corte et al., 1983; Tomasello et al., 1986).

Dans l’ensemble, ces études confirment le lien entre la quantité de stimulation langagière et le rythme d’acquisition du langage. De surcroît, elles indiquent que le contexte d’une naissance gémellaire exacerbe cette tendance et donc constitue un contexte intéressant pour explorer cette question.

1.2.2 Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées à la mère

L’éducation des parents est une variable intéressante pour le développement langagier et ce, selon deux angles théoriques différents. Premièrement, les études empiriques ont démontré que l’éducation des parents est corrélée avec le niveau d’intelligence de leur enfant (Huttenlocher et al., 1991), ce qui peut donc indirectement expliquer un rythme d’acquisition du langage plus rapide chez les enfants de parents plus éduqués. Deuxièmement, il est généralement admis que les parents plus instruits fournissent des modèles d’enseignement plus facilitant et plus complet

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que les parents moins instruits (Bomstein & Haynes, 1998; Hoff-Ginsberg, 1986; Nelson, 1973;

Schächter, 1979). Par exemple, dans l’étude de Nelson (1981), les mères d’enfants référentiels, dont le développement langagier était plus rapide, étaient plus éduquées que les mères d’enfants expressifs. Dans le même sens, des études ethnographiques (Heath, 1983) et des études

naturalistes (Cohen & Beckwith, 1976; Schächter, 1979) ont montré que les mères désavantagées sur le plan économique et sous-éduquées parlent moins souvent à leur bébé que les mères plus instruites et plus à l’aise financièrement. De plus, selon Cohen & Beckwith (1976), la quantité globale de verbalisations que les parents adressent à leurs enfants tend à demeurer stable au cours des périodes d’apprentissage du langage. Selon Schächter (1979), les mères moins éduquées sont aussi plus portées à contrôler les comportements de leur enfant, alors que les mères qui possèdent un niveau d’éducation supérieur sont plus compétentes pour décoder les moments d’attention de leur bébé et converser avec lui. L’auteur fait valoir que les mères moins éduquées perçoivent leur rôle comme celui d’un agent socialisant alors que les mères plus éduquées encouragent leur enfant à explorer et à développer leur curiosité intellectuelle.

La capacité de la mère à établir une attention conjointe avec son enfant semble donc un facteur favorisant le développement langagier chez l’enfant. Qu’arrive-t-il lorsque cette

sensibilité chez la mère est affectée par un état dépressif persistant? De nombreux auteurs se sont intéressés à la relation entre la dépression maternelle et les impacts probables chez l’enfant (Cohn et al., 1990; Field et al., 1990; Hopkins et al., 1984). Certains d’entre eux ont démontré que 10%

à 15% des femmes vivent un épisode de dépression post-partum assez important pour interférer dans ses activités quotidiennes, dont les soins au bébé (Cohn et al., 1990). L’insensibilité des mères dépressives et leur manque de disponibilité ont été rattachés à des problèmes chez l’enfant, et ce, dans plusieurs sphères de développement (Field et al., 1990). Sur le plan du développement langagier, Cohn et ses collègues (1990) ont démontré que les mères dépressives parlent

significativement moins à leur enfant que les autres mères. Ces auteurs ont observé pendant un épisode d’interaction que les mères dépressives étaient plus retirées, plus agressives et plus intrusives. Les bébés de ces mères dépressives étaient rarement positifs. Ils présentaient davantage de comportements d’évitement et négatifs, souriaient peu et leur développement du vocabulaire a été plus lent par la suite. Cohn et ses collègues (1990) ont avancé que l’impact de la dépression maternelle pouvait fluctuer selon l’âge des enfants de même que selon la durée de la dépression. Ils expliquent que les mères dépressives peuvent avoir un impact sur le modèle

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d’interaction qu’internaliseront leurs enfants à leur tour. Si la dépression dure plus de 6 mois, ces enfants sont à risque de développer un style d’interaction dénué d’attentes envers l’adulte et peu sécurisant. Par ailleurs, Cohn et ses collègues (1990) soulèvent que la direction de la relation n’est pas claire. Certains enfants semblent avoir un patron de comportements susceptibles

d’exacerber les difficultés de la mère. L’impact de la dépression maternelle sur le développement cognitif et, par extension, du langage de l’enfant, ne peut donc être interprété exclusivement comme une contribution unique de la mère.

La question de la contribution de chacun des partenaires de la dyade mère-enfant dans l’ensemble du processus d’acquisition du vocabulaire est très présente dans la littérature scientifique. Jusqu’à maintenant, les études n’ont pas permis aux chercheurs de se positionner entre les trois hypothèses suivantes : un processus lié à l’enfant principalement, à la mère principalement ou encore un processus mutuel lié aux deux partenaires (Bates et al, 1988). Pour sa part, Brunner (1977) a proposé que !’acquisition du langage peut être vue comme une entreprise commune de l’enfant et de l’adulte : « The joint enterprise sets the deictic limits that govern joint reference, determines the need for a referential taxonomy, establishes the need for signalling intent, and eventually provides a context for the development of explicit predication » (p. 287). La présente étude s’inscrit dans cette perspective. La prochaine section aborde donc les variables liées à l’enfant susceptibles de modérer la contribution du langage parental.

1.2.3 Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées à l’enfant

La littérature scientifique démontre que les effets des verbalisations maternelles ainsi que des stratégies d’interaction entourant le développement langagier diffèrent selon l’âge des enfants ainsi que selon leur niveau de développement (Bates et al., 1988). À titre d’exemple, Nelson (1981) et Tomasello et Farrar (1986) ont observé des corrélations positives entre les

verbalisations maternelles de type référentiel et le développement du vocabulaire de l’enfant.

Cependant, dans une autre étude, Oshima-Takane et Qram (2002) ont observé des corrélations négatives entre le langage référentiel des mères et le vocabulaire de l’enfant (r = -.42,p < .05).

Dans le même sens, Jones & Adamson (1987) ont trouvé une corrélation négative entre le développement du vocabulaire et !’utilisation du langage référentiel par les mères. Ces résultats apparaissent contradictoires sauf lorsque l’âge des enfants est pris en compte. Ainsi, Nelson et Tomasello ont étudié la période précoce du développement du vocabulaire (entre 15 et 21 mois),

(18)

alors que les études de Oshima-Takane et Qram (2002) et Jones et Adamson (1987) ont examiné une période plus tardive (entre 21 et 36 mois). Ces résultats suggèrent que la contribution de différents types de verbalisations peut varier selon l’âge de l’enfant. Par ailleurs, la période avant

15 mois n’a pas été explorée.

Le genre de l’enfant est une autre variable susceptible d’être une importante source de variation dans 1 ’ environnement social qui se crée autour de lui. Le genre est, entre autres, associé aux vêtements qu’il porte ou encore aux jouets qu’on lui présente. Le genre est également un facteur qui peut être mis en lien avec la capacité d’apprendre en bas âge (Huttenlocher et al., 1991). Selon plusieurs études, les filles développent le langage plus rapidement que les garçons (Bomstein & Haynes, 1998; Huttenlocher et al., 1991). L’étude de Nelson (1973) supporte également cette affirmation. Dans la littérature scientifique, Maccoby et Jacklin (1974) de même que Hyde et Linn (1988) ont conclu que des différences favorisant les filles sont présentes chez les enfants de moins de 2 ans mais qu’elles tendent à s’atténuer avec l’âge (Huttenlocher et al., 1991; Maccoby & Jacklin, 1974). L’hypothèse la plus répandue est que ces différences de capacités reflètent davantage des différences liées à la maturation plutôt qu’aux verbalisations maternelles (Galsworthy, Dionne, Eley & Plomin, 2000). Cependant, selon certains auteurs, il se peut que ce mécanisme soit confondu avec le fait que les mères parlent davantage aux filles qu’aux garçons (Cherry & Lewis, 1978; Huttenlocher, 1991). Cette question n’est toutefois pas résolue car d’autres auteurs ne rapportent aucune différence dans le langage auquel sont exposés garçons et filles (Clarke-Stewart, 1973; Huttenlocher, 1991). Le genre sera donc pris en compte comme variable susceptible de modérer la contribution du langage parental.

1.3 Questions de recherche

L’état actuel des connaissances sur le développement langagier justifie donc un examen plus minutieux de la contribution des verbalisations maternelles en bas âge. De surcroît, les naissances gémellaires constituent un sous-groupe dans lequel les contributions parentales risquent d’avoir un impact différentiel plus important. L’objectif général de cette étude est donc d’évaluer la contribution des verbalisations que la mère adresse à chacun de ses enfants dans une séquence en dyade lorsque ceux-ci sont âgés de 5 mois au développement du langage une année plus tard (autour de 18 mois).

(19)

La contribution des verbalisations maternelles sera examinée sous l’angle 1) de la quantité globale de stimulation langagière et 2) du contenu qualitatif des verbalisations maternelles. De plus, sur la base des appuis empiriques, les contributions de l’éducation de la mère et de son état affectif au cours de la période couverte par l’étude ainsi que le genre de l’enfant et le temps en attention conjointe de chaque dyade seront pris en compte dans la prédiction du vocabulaire à 18 mois. Il sera alors possible de vérifier le rôle modérateur de ces variables sur la contribution du langage parental.

2. Méthode 2.1 Participants

Cette étude porte sur un sous-échantillon de 63 familles de jumeaux participant à l’Étude des Jumeaux Nouveau-nés du Québec (ÉJNQ). La population initiale de cette étude est constituée de 700 paires de jumeaux, tous natifs de la région métropolitaine de Montréal. La sélection des participants s’est déroulée entre avril 1995 et novembre 1998. L’échantillon final des enfants pour cette étude comprend 65 filles et 61 garçons. Le nombre moyen de semaines de gestation est de 36.5 semaines {ET — 2.13 semaines) et à leur naissance, le poids moyen des jumeaux est de 2.49 kg {ET = .50 kg). Majoritairement, les mères ont le français comme langue première (91.5%) et elles ont en moyenne un niveau d’éducation correspondant à 12.22 années d’études {ET = 2.74 années). La catégorie du revenu du ménage la plus fréquente dans !’échantillon (29%) est celle de 60 000$ à 80 000$. Il s’agit donc d’un sous-échantillon légèrement au-dessus de la moyenne québécoise quant au revenu pour une famille avec enfants.

2.2 Procédure

Dans le cadre de l’ÉJNQ, des visites en laboratoires et des entrevues à la maison ont été effectuées lorsque les jumeaux avaient 5 et 18. Ces visites ont permis d’obtenir diverses mesures psychophysiologiques, comportementales et cognitives, dont le développement langagier. La présente étude porte sur une situation standardisée d’interaction libre entre mère et enfant lors de la visite de 5 mois. La cueillette des données s’est déroulée au Centre de recherche Fernand- Séguin. Le transport des familles était assuré par le groupe de recherche. L’arrivée au centre se faisait vers 8h30 le matin et la durée totale de la visite variait entre 3h30 et 4h30 pour chaque famille. Une visite du laboratoire en compagnie de la mère, des deux jumeaux ainsi que de la

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personne accompagnatrice (s’il y avait lieu) était effectuée en premier lieu. Le laboratoire comprenait deux salles d’observation (une par jumeau) et une salle familiale. Suite à la visite du laboratoire, un des jumeaux demeurait dans la salle familiale avec la personne accompagnatrice alors que l’autre était conduit avec sa mère dans la salle d’observation pour le début des

évaluations.

La situation utilisée pour cette étude était la dernière à laquelle était soumis chaque jumeau avec leur mère. Elle se déroulait dans la salle familiale. Dans cette pièce, se trouvait une

couchette d’enfant, deux étagères dans lesquelles des décorations et une télévision étaient disposées. Trois caméras étaient également installées dans ces étagères. Précisément pour cette situation, une quatrième caméra sur trépieds était installée au devant de la salle de manière à bien voir le haut du corps de la mère, l’enfant et le panier de jouets. Il était ainsi possible d’observer le visage et les gestes de la mère, de même que les réactions du bébé et les jouets utilisés. Au centre, se trouvait une table à langer avec une boîte de jouets appropriés à l’âge des jumeaux (hochets, avion sur roue, téléphones, sceau, autos, personnage). Un grand miroir terminait la décoration de la salle (pour une représentation visuelle de la salle familiale, voir Annexe A).

La procédure était simple, un jumeau était remis à sa mère après une courte séparation et l’assistante de recherche informait la mère qu’elle profitait désormais d’une période d’interaction libre avec son enfant d’une durée approximative de 5 minutes (300 secondes). Textuellement, la consigne de base était : « Vous faites comme si vous étiez à la maison en essayant le plus

possible d’oublier la caméra ». Il n’y avait pas d’ordre aléatoire pour cette tâche. Le premier enfant à y être exposé était toujours le jumeau identifié comme le 02 (le second jumeau étant le 03).

Un sous-échantillon de 78 familles a d’abord été sélectionné aléatoirement parmi les familles (N= 322) pour lesquelles des vidéos étaient disponibles. Les bandes magnétoscopiques utilisées pour la codification proviennent de la caméra sur trépieds. Elles ont été visionnées à trois reprises. Par un premier visionnement, les codificatrices se sont assurées de la

standardisation de !’enregistrement pour !’échantillon choisi :!-Les mères doivent utiliser le français; 2-L’enregistrement débute au temps 0, c’est-à-dire dès que les visages de la mère et de l’enfant sont visibles à l’écran, et se prolonge minimalement jusqu’à 4 minutes 45 secondes; 3־

L’enfant ne doit pas pleurer pendant plus de 1 minute au cours de !’interaction avec la mère. Si

!’enregistrement d’un jumeau ne respectait pas ces trois critères, il était retiré de l’analyse et par

(21)

conséquent son co-jumeau également. Ainsi, 15 familles ont été exclues suite à ce premier visionnement. L’échantillon de cette recherche a ainsi été réduit à 63 familles.

2.3 Codification

La codification des verbalisations maternelles a été réalisée par deux étudiantes, l’une au baccalauréat en psychologie et l’autre en maîtrise en psychologie. Cette étude portant sur un échantillon de jumeaux, une technique en double-aveugle a été mise en place lors de la codification afin d’assurer l’indépendance des évaluations: les codificatrices ne connaissaient pas le statut de zygotie des jumeaux au moment de la cotation et chacune des codificatrices ne codifiait qu’un seul jumeau de la paire.

Suite à une première sélection des familles correspondant aux critères d’inclusion, les codificatrices ont fait un second visionnement pour partager la séquence d’interaction mère- enfant en épisodes d’attention conjointe (joint attention) et en épisodes d’attention non-conjointe selon les critères de Tomasello et Farrar (1986) (cités dans Oshima-Takane & Qram, 2002):

1- Un membre de la dyade, soit la mère ou l’enfant, initie !’interaction avec l’autre;

2- Les deux membres doivent porter leur attention sur une activité, un objet ou autre pendant un minimum de 3 secondes. Ils doivent clairement démontrer qu’ils ont le même intérêt de jeux (par des actions, des verbalisations, etc.);

3- Un membre peut détourner son focus attentionnel brièvement (moins de 3 secondes) sans mettre un terme à l’épisode d’attention conjointe;

4- L’enfant doit démontrer qu’il a conscience de !’interaction conjointe. Ceci s’exprime souvent par un regard fixe vers la mère mais peut aussi se démontrer par un sourire, un geste.

Exemples :

1- « L’enfant prend un objet et la mère focalise son attention sur l’objet saisi par son enfant. »

« L’enfant regarde par-dessus l’épaule de sa mère et celle-ci détourne son regard vers l’objet d’intérêt de son enfant. »

« La mère prend le visage de l’enfant pour le tourner vers elle. »

« La mère agite un objet de façon à attirer !’attention de l’enfant. »

2- « La mère et l’enfant poursuivent au-delà de trois secondes leur intérêt de jeu commun. » 3- « Un objet tombe, la mère le ramasse et poursuit !’interaction avec son enfant. »

« L’enfant détourne les yeux pendant 2 secondes et poursuit son intérêt face à l’objet agité par sa mère.»

4- « L’enfant regarde sa mère. »

« L’enfant, couché sur le ventre (donc ne regarde pas sa mère), rie aux éclats suite aux chatouillement de sa mère. »

(22)

« L’enfant agite sa main et tente de toucher le visage de sa mère. »

« L’enfant poursuit du regard l’objet agité par sa mère. »

Les variables retenues sont le temps total en attention conjointe pour chaque dyade et le nombre d’épisodes d’attention conjointe durant la séquence.

Finalement, un dernier visionnement a été réalisé pour sectionner le discours des mères en verbalisations distinctes selon les deux critères suivants :

1- Pause de plus de 1 seconde dans le discours qui peut se représenter comme une baisse du niveau de la voix maternelle, un changement de ton, comme un temps de respiration, ou;

2- Changement de fonction dans le discours maternel.

Chaque verbalisation maternelle relevée (contenant au minimum un phonème) a été par la suite comptabilisée et classifiée selon la définition de trois fonctions du langage (référentielle, régulation-sociale et métalinguistique) ainsi que selon leurs niveaux respectifs.

Fonction Référentielle. Le langage est utilisé dans le but de décrire, d’attribuer des qualités ou d’étiqueter les objets, les évènements. La mère doit démontrer à l’enfant un intérêt pour l’objet qui dépasse la première appellation. Le plus souvent la mère nomme l’objet mais même s’il n’est pas nommé, la catégorie référentielle peut être cotée.

Niveaux:

Etiquette:

La mère nomme avec emphase, étiquette ou décrit des parties du corps, des objets ou des évènements dans le contexte de !’interaction. Attribution de qualificatif être aux objets.

Exemples :

«Qu’est-ce que ça pourrait bien être... un hippopotame je crois...»

«Ce sont les petits pieds à Keven...»

«C’est beau, c’est plein de couleurs»

«L’auto est trop pesante pour toi...»

«Il y a plein de choses ici pour jouer»

Élaborée :

La mère fournit une description des objets, des parties du corps ou des évènements en donnant des caractéristiques utiles, des fonctions ou des associations

Exemples :

«Les petits pieds à Keven pour marcher, pour courir vite, vite, vite...»

«Qu’est-ce que ça fait une vache.... ça fait meuhhhhhhh»

(23)

«Une petite voiture pour mettre les commissions à maman»

«Ça ressemble à une spatule pour faire la cuisine»

La mère montre la trompette : « La suce fait du bruit » Relié :

La mère associe aux objets, aux parties du corps ou aux évènements des expériences, des connaissances ou des sentiments connus par l’enfant.

Exemples :

«C’est un beau berceau comme celui de Melissa à la maison»

«Tu veux téléphoner papa avec le téléphone»

«Une casquette comme grand-papa»

La mère montre un petit bonhomme en jouet : «On est habitué de jouer avec des petits garçons»

La mère chante une chanson a l’enfant: «C’est ta chanson préférée»

Fonction Sociale-Régulation. Le langage est utilisé dans le but de focuser sur les individus impliqués dans !’interaction et sur le canal communicatif entre eux.

Niveaux : Phatic :

Expression de la mère qui débute, maintient ou termine un acte communicatif. Correspond à une ponctuation du discours.

Exemples :

«bon»

«oui»

«tiens»

«ok»

«Hein»

Attention : La mère, par ses expressions verbales, dirige ou maintient !’attention sensorielle de l’enfant.

Exemples :

«Regarde maman, regarde moi Vincent»

«Mère répète le nom de l’enfant»

La mère imite le son d’un objet en l’agitant.

La mère fait rouler la voiture en faisant : «vroum vroum...»

La mère agite un objet : « Regarde il est beau »

(24)

Activié: Les expressions verbales de la mère sont basées sur la description de ses

comportements ou de ceux de son enfant (les descriptions peuvent faire références à des comportements présents, passés ou futurs). Aucune composante d’interprétation ne doit être présente dans le discours de la mère. Comprend toute verbalisation qui vise à inciter

l’enfant à faire une action ou qui vise à donner du feedback (sans contenu émotif) à l’enfant sur une action déjà produite (composante de description).

Exemples :

«Tu mets dans la bouche, non, non, non»

«Maman habille la poupée»

«Tu perds tes petits bas»

La mère tend un objet à l’enfant : «Touche-le, prend-le»

La mère tend les mains : « u me donnes-tu tes mains»

Émotion : La mère exprime des émotions (positive ou négative) à propos du contexte, complimente l’enfant ou tente d’obtenir de !’information (composante d’interprétation).

Exemples :

«Bravo Julie»

«Maman t’envoie un beau baiser»

«Que t’es une belle fille»

L’enfant fait des mouvements de pas : «Wow ! T’es ben bonne»

L’enfant fait des efforts pour se tourner : «T’es capable»

Fonction Métalinguistique. Le langage est utilisé afin de mettre le focus sur le code communicatif lui-même, sur la langue et ses règles grammaticales (questions à choix, questions ouvertes).

Niveaux :

Question : Toutes expressions verbales de la mère qui incitent l’enfant à dire quelque chose (ces verbalisations surviennent avant les sons, les vocalisations de l’enfant). N’implique pas nécessairement une réponse de l’enfant.

Exemples :

«babababababa» (prononcés par la mère avant que l’avant émette des sons)

«Parle un peu à maman»

«Dit papa»

La mère offre le choix de deux objets à l’enfant : «Les clés ou le téléphone ?»

«Répète après moi»

(25)

Feedback : La mère donne du feedback à l’enfant sur ce qu’il dit (ces verbalisations surviennent après les vocalises ou les sons de l’enfant.)

Exemples :

«Qu’est-ce que tu veux dire à maman ?»

La mère prononce : «bababa ...» a la suite des sons de son enfant.

L’enfant vocalise et la mère l’encourage : «oui », «ouais», «t’es pas sérieuse»

Rituel de jeux : Expressions de la mère qui visent à établir des jeux verbaux, des rituels dans le but d’inciter l’enfant à donner une réponse verbale. L’enfant doit clairement démontrer par un sourire ou tout autre manifestation (il s’agite, regarde sa mère...) une participation aux jeux. Cela signifie que cette catégorie de verbalisations se retrouve seulement dans les périodes d’attention conjointe.

Exemples :

La mère fait faire des exercices à l’enfant : «Une, deux, ...» et il rie aux éclats.

La mère chatouille l’enfant sur le ventre : «la bibitte à monte, la bibitte à monte. ..»et l’enfant lui sourit.

La mère fait rouler la voiture sur l’enfant à plusieurs reprises et l’enfant la suit du regard (si elle le fait une seule fois la fonction à coter est plutôt Régulation sociale de niveau attention).

La mère débute un rituel de jeux avec le téléphone : «Allô Catherine, c’est maman...

Catherine...qu’est-ce que tu as faite aujourd’hui....» pendant que Catherine tente de saisir le téléphone.

Une grille de codification électronique permettant d’enregistrer le travail effectué par les codificatrices lors du deuxième (épisodes d’attention conjointe) et du troisième visionnement (fonctions du langage) a été élaborée (un exemplaire de la grille est disponible à l’Annexe B).

Tout comme la procédure de codification, cette grille représente une adaptation de celle utilisée par mesdames Oshima-Takame & Qram (2002) dans une étude ayant pour échantillon des enfants âgés entre 21 et 36 mois. La grille permet de dériver le nombre total de verbalisations, le nombre total par types, le % de chaque type de verbalisations, et le % de chaque type de verbalisations ainsi que du total lors des épisodes d’attention conjointe.

2.4 Entente interjuge

Les codificatrices ont d’abord été soumises à un entraînement d’une durée d’un mois. Au cours de cet entraînement, elles ont visionné 14 cas, ce qui leur a permis de maîtriser les critères d’un épisode d’attention conjointe de même que les définitions opérationnelles des différentes

(26)

de la codification officielle. Sur la base de critères préétablis1, l’entente interjuge a été jugée satisfaisante pour commencer la codification. Dans un deuxième temps, afin d’assurer le maintien de l’entente interjuge, 7 cas d’accord (i.e. environ 6% de !’échantillon) ont été cotés à raison d’un cas par semaine tout au long de la codification. L’entente interjuge a donc été réalisée sur 26 % de !’échantillon au total. Des coefficients de corrélation intra-classe ont été calculés: r = .87 pour le partage des épisodes d’attention conjointe et non-conjointe, r = .95 pour le nombre total de verbalisations maternelles, r = .94 pour la fonction référentielle, r = .96 pour la fonction régulation sociale et r= .97 pour la fonction métalinguistique.

2. 5 Échelle de dépression

Des données concernant un indice de dépression des mères lorsque leurs enfants étaient âgés de 5 mois ont été utilisées lors des analyses. Ces données proviennent du Questionnaire informatisé rempli par l’interviewer (QIRI). Cet outil a été développé et utilisé par Santé Québec dans le cadre de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ) en mai

1997. L’échelle comprend 12 items visant à mesurer le niveau de dépression au cours des dernières semaines à l’aide d’une échelle de type Likert en 7 points.

2. 6 Vocabulaire expressif de l’enfant à 18 mois

Des échelles mesurant le vocabulaire ont été administrées lors d’entrevues avec les parents lorsque les jumeaux avaient 18 mois. Elles proviennent d’adaptation et de traduction des échelles de vocabulaire du « MacArthur Communication Development Inventory » (MCDI). Les parents devaient cocher sur une liste, les mots de vocabulaire dits par leurs enfants sans tenir compte des problèmes de prononciation. À 18 mois, la liste comprenait 77 mots. Pour éviter une comparaison entre les enfants lors de cette évaluation, les parents répondaient pour un seul jumeau lors de la visite d’une expérimentatrice à la maison. Ils répondaient pour le secondχ/(

jumeau par un envoi postal effectué en moyenne 2 semaines suivant la visite à la maison. ¡ Quant aux qualités psychométriques du MCDI, la fidélité est caractérisée par une

(3

1Les critères étaient des coefficients de corrélations intra-classe supérieurs à .80 pour les fonctions des verbalisations maternelles et pour les épisodes d’attention conjointe.

(27)

consistance interne très élevée puisque les analyses produisent un alpha de Cronbach de .96. La stabilité test-retest démontre également un degré de fidélité élevé, soit de .90 (Fenson et al., 1994).

Quant à la validité de critère, des analyses ont été effectuées pour comparer le rapport parental à deux critères observés en laboratoire, soit le vocabulaire observé et le «Expressive One Word Picture Vocabulary Test». Les corrélations obtenues s’élèvent à .79 lorsque le MCDI est comparé à ces deux mesures combinées, ce qui est plus élevé que les corrélations simples obtenues avec chacun des critères pris séparément (Fenson et al., 1994).

3. Résultats

L’objectif spécifique de cette étude est d’identifier les caractéristiques du langage de la mère qui contribuent au développement du langage de son enfant. Les verbalisations que la mère adresse à son enfant ont été examinées dans un premier temps quant à la quantité globale de la stimulation langagière et quant à son contenu qualitatif. Dans un second temps, la contribution du langage maternel au langage de l’enfant à 18 mois a été évaluée par le biais d’analyses de

régressions dans lesquelles les caractéristiques liées à la mère, à l’enfant et au contexte interactionnel ont été prises en compte en plus de leurs effets modérateurs potentiels sur le langage maternel.

Des analyses préliminaires effectuées séparément pour chaque jumeau d’une même famille ont démontré des patrons de résultats similaires pour les deux sous-groupes ainsi formés. Afin de conserver le pouvoir statistique que confère un plus grand nombre de sujets, et ce, malgré la non indépendance des données de par la présence de chaque mère dans 2 dyades, toutes les analyses sont présentés ici pour les 126 dyades.

3.1 Données descriptives sur les verbalisations des mères et les épisodes d’attention conjointe Le Tableau 1 présente les données descriptives pour les 126 dyades sur la fréquence des verbalisations de la mère ainsi que la fréquence et la proportion du total de chaque type de verbalisations. Les niveaux pour les trois catégories de verbalisations s’étant avérés non significatifs dans toutes les analyses, seuls les résultats pour les trois catégories générales sont présentés.

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La moyenne des verbalisations pour chaque mère varie entre 23 et 210 durant l’épisode (M

= 119,48; ET = 32,34), ce qui indique une grande variabilité inter-familiale quant à la quantité de verbalisations des mères pendant la séquence d’interaction. Par ailleurs, en moyenne, la

différence des verbalisations d’une même mère avec ses deux enfants est de 17,21 (ET= 14,13), ce qui indique une variabilité intra familiale moyenne égale à près un demi écart-type. La différence minimale est égale à 0 alors que la différence maximale est égale à 74 verbalisations.

En moyenne, le discours maternel est partagé selon les proportions suivantes : 70.62% des verbalisations sont de type régulation sociale, 21.56 % de type métalinguistique et 7.3% de type référentiel.

La fréquence et la durée des épisodes d’attention conjointe durant la séquence d’interaction sont également présentées dans le Tableau 1. En proportion, les dyades mère-enfant passent 54.92% de la séquence en attention conjointe ce qui correspond à 156.52 secondes (ET= 55.10) sur une durée totale d’interaction parent-enfant de 285 secondes. Le temps minimum en attention conjointe correspond à 11 secondes alors que le temps maximum correspond à 264 secondes, ce qui représente une variabilité considérable. Le nombre moyen d’épisodes d’attention conjointe par dyade est de 4.9 (ET= 1.85) pour une durée moyenne de chaque épisode de 32 secondes.

En moyenne, 55.73% des verbalisations maternelles sont exprimées en période d’attention conjointe. Toutefois, on note une grande variabilité entre les dyades (ET= 18.49%). Ce sont les verbalisations de type régulation-sociale qui demeurent les plus fréquentes dans le discours maternel en contexte d’attention conjointe et les proportions des autres types de verbalisations ne varient pas significativement selon la présence ou l’absence d’attention conjointe.

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Tableau 1

Fréquences et proportions des verbalisations maternelles en lien avec le contexte d’interaction Fréquences Proportions (%)

Moyenne Écart-type Moyenne Écart-type

Total verbalisations 119.48 32.34

régulations- sociales 84.13 26.74 70.62 11.75

métalinguistiques 25.94 15.18 21.56 11.32

référentielles 8.78 6.86 7.31 5.34

Temps EAC (secondes) 156.52 55.10 54.92 19.33

Nombre EAC 4.90 1.85 47.37 9.74

Verbalisations EAC 69.25 33.01 55.73 18.49

régulations-sociales 40.94 22.36 33.28 13.85

métalinguistiques 21.95 12.08 16.90 11.46

référentielles 6.36 5.94 5.96 8.27

Note. EAC = épisode d’attention conjointe.

3.2 Corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe à 5 mois et le vocabulaire expressif des enfants à 18 mois

Le tableau 2 présente les corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe à 5 mois et le vocabulaire expressif des enfants à 18 mois. Contrairement aux attentes, on observe que plus la mère parle à son enfant lors de l’épisode à 5 mois, moins ce dernier a un score élevé de développement langagier à 18 mois (r = -.27,/7 < .01). Cette relation négative avec le vocabulaire à 18 mois s’observe pour le nombre total des verbalisations

maternelles mais également pour le nombre total de verbalisations de type régulation-sociale (r = -.23,/7 < .05) et de type référentiel (r — -.21,/7 < .05). Ainsi, plus la mère utilise des verbalisations de type social-régulative et de type référentiel, moins le score de vocabulaire de l’enfant à 18

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mois est élevé. Les verbalisations de type métalinguistique ne sont pas liées significativement au vocabulaire de l’enfant à 18 mois.

Tableau 2

Corrélations entre les caractéristiques (quantité/qualité) des verbalisations maternelles et l’attention conjointe à 5 mois et le score de vocabulaire à 18 mois.

Voc. 18 Total Rég.- Métalin- Référen- Temps

mois verb. sociales guistiques tielles EAC

Total verbalisations -.27**

Rég.-sociales -.23*

métalinguistiques -.06

référentielles -.21*

Temps EAC .04 J0** -.49** .19* .39**

Nombre EAC -.39 -.12 -.10 -.85 -.01 -.05

Note. EAC = épisode d’attention conjointe ; * p < .05 ; ** p < .01.

Comme le démontre le tableau 2, le temps passé par la dyade en épisode d’attention conjointe est positivement corrélé avec le nombre total de verbalisations maternelles (r — .30, p <

.01). Ainsi, plus la mère et l’enfant sont en interaction conjointe, plus la mère parle. Par ailleurs, le temps en attention conjointe est corrélé positivement avec les verbalisations référentielles (r = .19, p < .05) et métalinguistiques (r = .39, p < .01), mais corrélé négativement avec les verbalisations de type régulation-sociale (r = -.49, p < .05). En d’autres mots, plus l’enfant et la mère partagent de temps en attention conjointe, plus la mère utilise un langage autre que celui qui est uniquement axé sur le maintien de la relation dyadique. Ces moments d’attention de l’enfant pourraient favoriser chez la mère un langage de type métalinguistique ou référentiel.

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3.3 Corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe et la scolarité de la mère, la dépression maternelle et le genre de l’enfant

Le tableau 3 rapporte les corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe et la scolarité de la mère, la dépression maternelle et le genre de l’enfant.

Les résultats indiquent que plusieurs variables de la mère sont liées à son discours, tant quant à la qualité qu’à la quantité. Le nombre d’années de scolarité est lié positivement au nombre total de verbalisations (r = .33,p < .01) ainsi que le nombre de verbalisations à l’intérieur des épisodes d’attention conjointe (r = .30, p < .01). Cela signifie que plus la mère est scolarisée, plus elle parle à ses enfants et plus elle le fait durant des épisodes d’attention conjointe. Le nombre

d’années d’études est également lié positivement avec un discours de type régulation-sociale (r = .29, p < .01). Ainsi, les mères plus instruites adoptent un langage davantage axé sur le maintien de la relation dyadique. Il n’y a aucune relation significative entre les variables d’intérêt de cette étude et la dépression maternelle.

Lorsque l’on considère les variables liées à l’enfant, plusieurs corrélations significatives sont obtenues. Les analyses démontrent que plus le bébé est petit à la naissance, plus la mère parle (r =19.־,p < .05). Cette même relation négative est également observée lorsque ce sont uniquement les verbalisations maternelles qui se trouvent à l’intérieur des épisodes d’attention conjointe qui sont considérées dans l’analyse (r = -.20, p < .05). Dans un même ordre d’idées, les données démontrent que plus le temps de gestation pour la grossesse a été court plus les mères parlent au bébé (r = -.33,p < .01). Les mères tendent donc à parler davantage aux bébés prématurés. Par contre, il n’y a pas de corrélation significative entre le genre du bébé et la quantité et la qualité des verbalisations maternelles.

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Tableau 3

Corrélations entre les variables des verbalisations maternelles et d’attention conjointe et les variables liées à la mère et à l’enfant.

Scolarité de la mère

Dépression maternelle

Nombre d’enfants dans le ménage

Genre du bébé

Temps de gestation

Poids à la naissance

Total verbalisations .33** -.04 -.03 -.00 -.33** -.19*

rég.- sociales .28 -.05 -.13 -.06 -.29** -.15

métalinguistiques .07 .09 .14 .09 -.09 -.02

référentielles .08 -.12 .08 .06 -.25** -.11

Temps EAC .18 -.02 .04 .06 -.17 -.17

Nombre EAC .02 .05 .24** -.09 .07 -.02

Note. EAC = épisode d’attention conjointe.

3.4 Modèle prédicteur du vocabulaire à 18 mois

Pour mieux isoler la contribution des verbalisations maternelles aux différences

individuelles dans le développement langagier précoce, une analyse de régression hiérarchique a été effectuée. Afin de contrôler la multicolinéarité entre les variables, les données utilisées pour ces analyses statistiques proviennent de scores standardisés.

Dans un premier bloc, les facteurs de risques périnataux possiblement liés au

développement langagier sont entrés dans le but de contrôler pour leurs effets. Sélectionnées sur la base des appuis empiriques et d’une analyse factorielle des données périnatales, les variables de ce premier bloc comprennent 1) un score factoriel de risque ( poids à la naissance, temps de gestation et nombre de jours passés à l’hôpital suivant la naissance) 2) un score factoriel d’APGAR à la naissance ainsi que 3) !’interaction de ces deux variables. Le deuxième bloc considéré dans la régression est composé des caractéristiques de la mère (score de dépression,

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nombre d’années d’études, nombre d’enfants antérieurs). Enfin, dans un troisième bloc, les variables de verbalisations de la mère et d’attention conjointe sont entrées avec les interactions plausibles entre différentes VI (total des verbalisations * temps AC, types de verbalisations * temps AC).

Le tableau 4 présente le modèle final qui explique 25 % de la variance du vocabulaire expressif à 18 mois. L’analyse des contributions uniques montre que 4.6% de la variance est expliquée par des facteurs périnataux. Les variables liées à la mère expliquent 4.1% de variance additionnelle. Le temps en attention conjointe ne contribue pas à la variance expliquée. Une fois ces variables contrôlées, la prise en compte du nombre total des verbalisations, ajoute 10.4% de variance expliquée (p < .01) mais dans le sens inverse de ce qui était attendu, c’est-à-dire en lien négatif avec la VD. L’interaction des variables Temps en attention conjointe et Nombre total de verbalisations augmente la variance expliquée de 2.5% (p < .05). Finalement, le reste de la variance (3.4%) est attribuable à une contribution négative de la proportion des verbalisations de la mère de type référentiel (p < .05).

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Tableau 4

ß standadisés de la régression hiérarchique pour prédire le score de vocabulaire à 18 mois.

Facteurs Facteurs Temps EAC Total verb. Temps EAC Total verb,

risques : mère : * total verb, référentielle

1- apgar moyen 1-# grossesses 2- risque 2-scolarité 3- apgar*risque 3-dépression

Etape 1 .007

-.122 -.113

Étape 2 -.183*

.077

.078

Étape 3 .111

Étape 4 -.236**

Étape 5 .155*

Étape 6 -.179*

R2 Γ046 Γ04Ϊ ÎÔÔÔ .104** .025* .034**

AR2 .087 .087 .191** .216** .250**

Note. EAC = épisode d’attention conjointe ; * p < .05, ** p < .01

La Figure 1 présente la décomposition de !'interaction entre le nombre de verbalisations et le temps en attention conjointe. Trois groupes ont été formés en fonction du total des verbalisations des mères : un premier groupe représente les mères qui parlent peu (totverb = -1 : sous -1 écart-type de la moyenne), un second, les mères dans la moyenne (totverb = 0 : entre -1 et 1 écart-type) et un dernier groupe, les mères qui parlent beaucoup (totverb = 1 : au-dessus de 1

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