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Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées

1. Contexte théorique

1.2 Les variables environnementales et sociales susceptibles d’influencer le

1.2.2. Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées

L’éducation des parents est une variable intéressante pour le développement langagier et ce, selon deux angles théoriques différents. Premièrement, les études empiriques ont démontré que l’éducation des parents est corrélée avec le niveau d’intelligence de leur enfant (Huttenlocher et al., 1991), ce qui peut donc indirectement expliquer un rythme d’acquisition du langage plus rapide chez les enfants de parents plus éduqués. Deuxièmement, il est généralement admis que les parents plus instruits fournissent des modèles d’enseignement plus facilitant et plus complet

que les parents moins instruits (Bomstein & Haynes, 1998; Hoff-Ginsberg, 1986; Nelson, 1973;

Schächter, 1979). Par exemple, dans l’étude de Nelson (1981), les mères d’enfants référentiels, dont le développement langagier était plus rapide, étaient plus éduquées que les mères d’enfants expressifs. Dans le même sens, des études ethnographiques (Heath, 1983) et des études

naturalistes (Cohen & Beckwith, 1976; Schächter, 1979) ont montré que les mères désavantagées sur le plan économique et sous-éduquées parlent moins souvent à leur bébé que les mères plus instruites et plus à l’aise financièrement. De plus, selon Cohen & Beckwith (1976), la quantité globale de verbalisations que les parents adressent à leurs enfants tend à demeurer stable au cours des périodes d’apprentissage du langage. Selon Schächter (1979), les mères moins éduquées sont aussi plus portées à contrôler les comportements de leur enfant, alors que les mères qui possèdent un niveau d’éducation supérieur sont plus compétentes pour décoder les moments d’attention de leur bébé et converser avec lui. L’auteur fait valoir que les mères moins éduquées perçoivent leur rôle comme celui d’un agent socialisant alors que les mères plus éduquées encouragent leur enfant à explorer et à développer leur curiosité intellectuelle.

La capacité de la mère à établir une attention conjointe avec son enfant semble donc un facteur favorisant le développement langagier chez l’enfant. Qu’arrive-t-il lorsque cette

sensibilité chez la mère est affectée par un état dépressif persistant? De nombreux auteurs se sont intéressés à la relation entre la dépression maternelle et les impacts probables chez l’enfant (Cohn et al., 1990; Field et al., 1990; Hopkins et al., 1984). Certains d’entre eux ont démontré que 10%

à 15% des femmes vivent un épisode de dépression post-partum assez important pour interférer dans ses activités quotidiennes, dont les soins au bébé (Cohn et al., 1990). L’insensibilité des mères dépressives et leur manque de disponibilité ont été rattachés à des problèmes chez l’enfant, et ce, dans plusieurs sphères de développement (Field et al., 1990). Sur le plan du développement langagier, Cohn et ses collègues (1990) ont démontré que les mères dépressives parlent

significativement moins à leur enfant que les autres mères. Ces auteurs ont observé pendant un épisode d’interaction que les mères dépressives étaient plus retirées, plus agressives et plus intrusives. Les bébés de ces mères dépressives étaient rarement positifs. Ils présentaient davantage de comportements d’évitement et négatifs, souriaient peu et leur développement du vocabulaire a été plus lent par la suite. Cohn et ses collègues (1990) ont avancé que l’impact de la dépression maternelle pouvait fluctuer selon l’âge des enfants de même que selon la durée de la dépression. Ils expliquent que les mères dépressives peuvent avoir un impact sur le modèle

d’interaction qu’internaliseront leurs enfants à leur tour. Si la dépression dure plus de 6 mois, ces enfants sont à risque de développer un style d’interaction dénué d’attentes envers l’adulte et peu sécurisant. Par ailleurs, Cohn et ses collègues (1990) soulèvent que la direction de la relation n’est pas claire. Certains enfants semblent avoir un patron de comportements susceptibles

d’exacerber les difficultés de la mère. L’impact de la dépression maternelle sur le développement cognitif et, par extension, du langage de l’enfant, ne peut donc être interprété exclusivement comme une contribution unique de la mère.

La question de la contribution de chacun des partenaires de la dyade mère-enfant dans l’ensemble du processus d’acquisition du vocabulaire est très présente dans la littérature scientifique. Jusqu’à maintenant, les études n’ont pas permis aux chercheurs de se positionner entre les trois hypothèses suivantes : un processus lié à l’enfant principalement, à la mère principalement ou encore un processus mutuel lié aux deux partenaires (Bates et al, 1988). Pour sa part, Brunner (1977) a proposé que !’acquisition du langage peut être vue comme une entreprise commune de l’enfant et de l’adulte : « The joint enterprise sets the deictic limits that govern joint reference, determines the need for a referential taxonomy, establishes the need for signalling intent, and eventually provides a context for the development of explicit predication » (p. 287). La présente étude s’inscrit dans cette perspective. La prochaine section aborde donc les variables liées à l’enfant susceptibles de modérer la contribution du langage parental.

1.2.3 Variables modératrices de l’impact du langage maternel : variables liées à l’enfant

La littérature scientifique démontre que les effets des verbalisations maternelles ainsi que des stratégies d’interaction entourant le développement langagier diffèrent selon l’âge des enfants ainsi que selon leur niveau de développement (Bates et al., 1988). À titre d’exemple, Nelson (1981) et Tomasello et Farrar (1986) ont observé des corrélations positives entre les

verbalisations maternelles de type référentiel et le développement du vocabulaire de l’enfant.

Cependant, dans une autre étude, Oshima-Takane et Qram (2002) ont observé des corrélations négatives entre le langage référentiel des mères et le vocabulaire de l’enfant (r = -.42,p < .05).

Dans le même sens, Jones & Adamson (1987) ont trouvé une corrélation négative entre le développement du vocabulaire et !’utilisation du langage référentiel par les mères. Ces résultats apparaissent contradictoires sauf lorsque l’âge des enfants est pris en compte. Ainsi, Nelson et Tomasello ont étudié la période précoce du développement du vocabulaire (entre 15 et 21 mois),

alors que les études de Oshima-Takane et Qram (2002) et Jones et Adamson (1987) ont examiné une période plus tardive (entre 21 et 36 mois). Ces résultats suggèrent que la contribution de différents types de verbalisations peut varier selon l’âge de l’enfant. Par ailleurs, la période avant

15 mois n’a pas été explorée.

Le genre de l’enfant est une autre variable susceptible d’être une importante source de variation dans 1 ’ environnement social qui se crée autour de lui. Le genre est, entre autres, associé aux vêtements qu’il porte ou encore aux jouets qu’on lui présente. Le genre est également un facteur qui peut être mis en lien avec la capacité d’apprendre en bas âge (Huttenlocher et al., 1991). Selon plusieurs études, les filles développent le langage plus rapidement que les garçons (Bomstein & Haynes, 1998; Huttenlocher et al., 1991). L’étude de Nelson (1973) supporte également cette affirmation. Dans la littérature scientifique, Maccoby et Jacklin (1974) de même que Hyde et Linn (1988) ont conclu que des différences favorisant les filles sont présentes chez les enfants de moins de 2 ans mais qu’elles tendent à s’atténuer avec l’âge (Huttenlocher et al., 1991; Maccoby & Jacklin, 1974). L’hypothèse la plus répandue est que ces différences de capacités reflètent davantage des différences liées à la maturation plutôt qu’aux verbalisations maternelles (Galsworthy, Dionne, Eley & Plomin, 2000). Cependant, selon certains auteurs, il se peut que ce mécanisme soit confondu avec le fait que les mères parlent davantage aux filles qu’aux garçons (Cherry & Lewis, 1978; Huttenlocher, 1991). Cette question n’est toutefois pas résolue car d’autres auteurs ne rapportent aucune différence dans le langage auquel sont exposés garçons et filles (Clarke-Stewart, 1973; Huttenlocher, 1991). Le genre sera donc pris en compte comme variable susceptible de modérer la contribution du langage parental.

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