FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1894-1895 N° 16.
DE QUELQUES FORMES
PARALYSIES MORBILLEDSES
THÈSE
POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentéeet soutenuepubliquement le23 novembre 1894
PAR
Marie-Jean-Baptiste-Bernard-François-Théophile ORTHOLAN
ÉLÈVEDUSERVICE DESANTÉDE LA MARINE
Né à Clermont-Pouyguillès (Gers), le 8 Février 1871
MM. VERGELY professeur, Président Examinateurs de laThèse..
}
DUBREUILHAUCHÉagîég?6"^ \
juaesagrégé ( J s
Le Candidatrépondraàtoutesles questions qui lui seront faitessurles diverses parties de l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI, P. CASSIGNOL
91, RUE PORTE-DIJEAUX, 91 1894
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE DDRDEADX
M. PITRES Doyen.
RROREESSE.U RS
M. MICÉ ) ^Professeurs honoraires„
AZAM )
Messieurs
... , PICOT.
Clinique interne j PRfRES
. . i DEMONS.
Clinique externe j LANELONGUE.
Pathologie interne DUPUY.
Pathologie et thérapeutiquegénérales YERGELY.
Thérapeutique : ARNOZAN.
Médecineopératoire...'.. ./ MASSE?.
Cliniqued'accouchements MOUSSOUS.
Anatomie pathologique..: COYNE.
Analomiè. ..:.... T.. T BOUCHARD.
Anatomiegénéraleet Histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecinelégale MORACHE.
Physique BERGONIE.
Chimie -... » BLAREZ.
Histoire naturelle GUILLAUD.
Pharmacie.... FIGUIER.
Matièremédicàle -de NABI AS
Médecineexpérimentale • FERRE.
Clinique ophtalmologique ... BADAL.
Clinique des maladies chirurgicales des enfants
PIÉCHAUD.
AGRÉGÉS ËN EXERCICE
MOUSSOUS.
DIUBREUIUiï. é'
section de medecine
0'1 !'• ri_'vi'.''î t f*<S R:.V'iv
Pathologie interneet Médecine légale ( MESNARD.
CASSAET.
AUCHE.
SEcrioi de chirurgie et accouchements i POUSSON.
Pathologieexterne )(
^J^CE.
YILLAR.Accouchements .' ' ]
ri' UHAMBRELENT.
; SECTION DES SCIENCES ANATOrflQUES ET PUYSIOI.OGIQUES
. . *.
"ou ^* i I PRINCETEAU.
Anatomieet Physiologie j ^
Histoire naturelle ;•• • •. N.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physiquq^;. .? ..t., ... ...c». .* • i■.■■St&A&AS*.1,D-fiâv
tdhimîèetToxicologie ?.lt_sr..Mi,,y.>■. DENIGES.
Pharmacie •••"• BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES
Clinique int. des enf. MM. MOUSSOUS
G.iuiq desMaladiessyphilitiques et cutanées DDDRE D'IL11
Cl. des mal. des fem. BOURSIER.
Cliniq. des maladies desvoies urin. POUSSON v
Mal. dularynx, deî oreilles et'dtfijëiP /-.k MOURE
Maladies mentales. ... MM. RÉGIS.
Pathologie externe.... DENUCE
Accouchements., RIVIÈRE
Chimie DENIGÈS
Zoologie..vi* .;S- B.sCiU1hBEILLE Lg.$ççrètair%(çlel^^Faç^ltè .-LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans
les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres a leurs
auteurs etqu'ellen'entend leur donner ni approbationni improbation.
A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE
A MA GRAND'MÈRE
A MA MÈRE
A MON FRÈRE
A MES PARENTS
A MONSIEUR LE DOCTEUR A. MOUSSOUS
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
MÉDECIN DES HOPITAUX
A monPrésident de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR VERGELY
PROFESSEUR 1>E PATHOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE GÉNÉRALES CHEVALIERDE LALÉGION D'HONNEUR
MEMBRE CORRESPONDANT DEL'ACADÉMIE DEMÉDECINE
INTRODUCTION
On connaît depuis longtemps des troubles nerveux succé¬
dant aux diverses maladies infectieuses; mais ils ont été étudiés surtout pendant ces dernières années, et de nom¬
breux ouvrages ont été faits surcette question.
Cependant tout n'est pas dit surce vastesujet, et bien des
détails en sont encore mal connus.
Ayant observé un cas de paralysie survenant après une
rougeole, nous avons cru qu'il serait intéressant de recher¬
cher si l'on avait signalé des faits analogues et si, en les réunissant, on pouvait en tirer un type spécial et bien déter¬
miné. Dans les observations assez peu nombreusesque nous
avons pu découvrir, nous avons vu que les complications
nerveuses de la rougeole pouvaient se diviser en deux caté¬
gories assez distinctes, et qu'il s'agissait presque toujours de paralysies correspondant : 1° à des lésions cérébrales; 2° à des lésions médullaires ou périphériques.
Nous avons laissé decôté lapremière classedefaifs et nous nous proposons d'étudier les formes paralytiques post-mor- billeuses correspondantà des lésions médullaires ou périphé¬
riques.
Après uncourt aperçu historique,nous réunissons quelques
observations et nous essayons d'établir lasymptomatologic
- 8 —
générale et
le diagnostic d'après ces cas particuliers. Puis
dans un autre chapitre, nous exposons ce que
l'on connaît
de l'anatomie pathologique et
de la pathogénie de ces acci¬
dents. Enfinnous indiquons
quelle est leur fréquence, leur
pronostic et
leur traitement.
Avant d'entrer en matière, nous
adressons
nossentiments
de vive gratitude envers
M. le professeur agrégé Moussous.
Nous conserverons toujours
le souvenir du temps que nous
avons passé dansson
service à l'Hôpital des Enfants.
Qu'il noussoit
permis de remercier M. le professeur Ver-
gely pour
la bienveillance qu'il nous a témoignée dans le
cours de nos études, et pour
l'honneur qu'il nous fait en
acceptantla
présidence de notre thèse.
DE
QUELQUES FORMES
DE
PARALYSIES MORBILLEDSES
t'
CHAPITRE
PREMIERHISTORIQUE
Les accidents paralytiques, consécutifsauxmaladies aiguës
en général, paraissentavoir été connus de tout temps, aussi
loin du moinsqu'on peut remonter dans la littérature médi¬
cale, ainsiqu'entémoignent les écritsd'Hippocrate, de Galien, d'Avicennes.
Dans les ouvrages du xviii6siècle (Stahl, Neuter, Lieutaud, etc.) on trouve signalées des affections paralytiques succé¬
dant aux fièvres éruptives.
o. 2
— 10 —
Mais pour trouver la
première mention d'affection du sys¬
tème nerveux, survenant après la rougeole en
particulier, il
faut arriver à Odier, qui dans un
mémoire,
àla Société
Royale de Médecine, en
1772, écrit
:« Les maladies éruptives telles que
la petite vérole, la
» rougeoleet surtoutlafièvre rouge
sont (à Genève)
uneautre
» cause apparente
d'hydrocéphalie aiguë.
»Pendant le xvnie siècle, il faut signaler aussi une
obser¬
vation deNebel en 1724, et une autre de James Lucas en
1790. • : ; . : , V . /.
;,7
, ...Dans la-première moitié
du
xixesiècle,
on nétrouve rien
au sujet des
paralysies morbilleuses, si
cen'est
en1855,
dans le livrede Bouchut (Traité pratique des
maladies des
nouveau-nés et des enfants) où l'onvoit cette phrase :
(c On l'a vue également apparaître
(la paralysie) à la suite
» de larougeole, de lascarlatine,
de la fièvre typhoïde et dans
» la convalescence*des maladies graves-. >> i
En 1860, Imbert-Goubeyre, dans un ouvrage sur
les
para¬lysies
consécutives
auxmaladies aiguës, rassemble toutes
,les observations publiées, et pour
la rougeole
enparticulier
n'en découvre qu'un très petit
nombre.
Cependant, à
partir de
cettè-époqueyl'attention des obser¬
vateurs étantattirée sur ce sujet, les
exemples tendent
à se multiplier un peu eton en trouvequelques-uns de Liégard,
Bergeron, Duchenne
(de Boulogne), Larivière, etc.
Mais si on consulte tous les livres classiques français ou étrangers, on ne trouve'aucune
mention de
cesfaits,'pas plus
dans lesouvrages consacrés àla
médecine iùfantile
quedans
les traités de pathologie
générale.
Ces accidents sont-ils donc si rares? Ils
le
sontmoins
qu'on ne lecroyait,
ouplutôt ils:sont maintenant plus souvent
recherchés et moins souvent méconnus.
Bayle, en 1887, dans sa thèse inaugurale, en rapporte une vingtained'observations.Perret, de Lyon, Denariéenpublient quelques observations personnelles en 1888. Cette môme
année, le docteur Négrié en communique un bel exemple à
la Société de Médecine de Bordeaux.
En 1891, Allyn, de Philadelphie, fait connaître le résultat
de quarante observations qu'il a recueillies dans les divers
auteurs. Nous en trouvons également quelques-unes de Lop,
en 1893.
Enfin, les traités classiques récemment publiés ne laissent
pas la question sous silence, comme leurs prédécesseurs. Et
sansparler des thèses deLandouzy, en1880,etde MmeDéjerine Klumpke en 1889, on peut lire de petits résumés du sujet
dans le traité des maladies nerveuses de Grasset et le traité de médecine de Charcot-Bouchard.
CHAPITRE II
SYMPTOMATOLOG-IE
La symptomatologie des accidents paralytiques consécutifs
à la rougeole estdes plus variables, suivant l'extension et la
localisation des lésions. Aussi l'exposé de cessymptômes est-
il très difficile et nécessite-t-il certaines divisions.
On pourra considérer des paralysies dues à des lésions cérébrales, à, des lésions médullaires et à des lésions péri¬
phériques. Nons écarterons les paralysies qui peuvent être
regardées comme d'origine centrale, accidents qui sont plus
connus, et dont on a à peu près déterminé la nature.
Nous réserverons l'étude des phénomènes qui ont leur siège anatomique probable dans la moelle ou les nerfs périphériques. Nous verrons s'il est possible cliniquement
de différencier l'origine médullaire ou périphérique de ces paralysies, ou bien s'il ne faut pas au contraire en identifier
le siège, enattendant de compléterces données cliniques au
chapitre de l'anatomie pathologique.
La symptomatologie des paralysies morbilleuses ne peut-
être faite que d'après un certain nombred'observations assez
rares dans la science. Aussi nous proposons-nous d'en citer quelques-unes en les choisissant et les plaçant dans l'ordre
suivant :
1° Paralysies avec tendance à la généralisation;
2° Paralysies avec tendance paraplégique;
1° Paralysies avec tendance à la généralisation
Observation I.
(Liégard, GazettedesHôpitaux, 3 décembre 1889)
Le petitL..., âgé de deux ans et trois mois, est d'une forte consti¬
tution, et n'ajamais été malade. Il est porté sur les bras de sa mère qui fait lerécit suivant :
A la fin du mois d'aoûtdernier, après avoir eupendant quinze jours
une diarrhée abondante, qui l'avait beaucoup affaibli, cet enfant fut pris de rougeole, qui ne fut pastrès intense, mais qui s'accompagna
d'une touxassez rauque et fréquente, pendant une semaine environ.
Il toussait encore un peu, quoique débarrassé depuis plusieurs jours
desonéruption, lorsqueversle 8 septembre, sa mère s'aperçut qu'il
avait de lapeine àmarcher, cherchait à se faire porter et préférait se tenir assis oucouché. En très peu de jours la faiblesse fit desprogrès effrayants, etlorsqu'on voulait le mettre debout, ses pieds n'avaient
aucune force; ses genoux fléchissaient, il s'affaissait sur lui-même.
Bientôt la mère remarqua de plus que ses mains perdaient aussi
leurforce, et qu'il laissait tomber les objets qu'onlui donnait à tenir.
Le lendemain, ses bras tombaient le long de son corps, sans force et
sansmouvement.
Etat actuel (17septembre). — Faiblesse et immobilité des mem¬
bressupérieurs et inférieurs. La tête, inclinée sur la poitrine parla paralysie des muscles postérieurs du cou, ne peut se redresser, et
même imparfaitement, que par un très pénible effort. Ce symptôme
s'estaggravé etaaugmenté depuis deux jours, en même tempsque la déglutition devenait de plus en plus difficile. La mastication se fait
elle-même très mal,par la difficulté des mouvements de la langue.
Lesliquides passent très difficilement et retombent en grande partie
dechaque côté de labouche ; il ya un mutismecomplet. L'expectora¬
tion est presqueimpossible, parla faiblesse sans cesse croissante des muscles de la respiration. L'enfant ordinairement très gai est tombé depuis cinq ousix jours dans une apathie et une tristesse profonde.
La peau des membresparaîtinsensible à la piqûre et au pincement;
le pouls est àpeu prèsnormal. Ni tremblements, ni contractures, ni convulsions. Il paraît menacé demort prochaine par inanition ou par
asphyxie.
Traitementtonique et bains.
19 septembre. — Ladéglution est moins difficile. Les bras et les jambescommencentà se mouvoirun peu.
21. — Agilité naturelle des membres ; tête redressée; déglutition et respiration libres.
23. — L'enfant setient debout en s'appuyant à une chaise.
27. —Marche possible.
30. —On constateun progrès notable.
23 novembre. — La guérison est complète lorsqu'on revoit le malade.
ObservationII
(Bergeron, Gazetteclcs Hôpitaux, 18G8.)
Unenfant de trois ans après une rougeole normale suivie de gan¬
grène de l'oreille présente, quarante-deux jours après l'éruption, des
phénomènes paralytiques: la contractilité 'musculaire diminue aux membres supérieurs etinférieurs, la digestion s'exécute mal et l'avoix
devient nasonnée.
Laparalysie s'arrête sousl'influencedel'électrisation etdes toniques
mais pendant quelques jours seulement, pour s'aggraver ensuite.
L'enfant penche la tète par insuffisance des muscles extenseurs, la
toux estparalytique, la déglutition difficile; la paralysie finit par en¬
vahir les muscles respirateurs, le diaphragme lui-même. La mort
survient au milieu des symptômes d'une asphyxie lente.
Autopsie. —Résultats de l'examen des centres nerveux:lescentres
nerveux sont fortementcongestionnés; unpeu de sérosité à la surface
et dans les ventricules. .
Masse cérébrale augmentée en apparence, tissirmou 'et piquetédé
rouge à la coupe.
L'examen fait par M. Ranvier démontre l'intégrité des éléments
nerveux. •* • . - •
.... Observation III , .. ..
(Négrié, Société de médecine et dechirurgie de Bordeaux, 18S8.)
X..., trois ans, d'uneexcellente constitution, né de parents absolu¬
ment bien portants, a eula scarlatine à l'âge de deux ans 'sans com¬
plications. L'évolution dentaire s'est faite normalement. Jamais de
convulsionsnidephénomènesnerveux. '
Cetenfant, qui a une sœur plus âgéequelui, contracte auprès d'elle
la rougeole. Là maladie est bénigne'et'se 'termine sanS laisser de
traces. • • ' :" ' ' '' '
L'enfant était depuis dix jours en convalescence, il jôuâit sur"son lit,mangeait avec appétit, dormait paisiblementtoute la nuit,"lorsque
le26 maije constate'-une faiblesse très ma'rquée 'dans les membres
supérieurs et inférieurs, les muscles du cou peuvent à peinesoutenir
latête danssa position normale. Le petit malade accuse en outre de
lacéphalalgieet de la douleur le long des membres; il a de la fièvre.
Température axillaire:39° 5.
Le 25 mai, les phénomènes paralytiques ont augmenté; voicice que je constate: tous les muscles du cou sont paralysés et le malade ne peutplus soutenir satête, qui retombe en avant et en arrière, surles côtés, suivant l'attitude. La station assise est impossible. Laparalysie
des deux membres supérieurs et inférieurs est complète; soulevés, ils
retombent inertes, les supérieurs le long du corps, les inférieurs sur le lit. Lapréhension, l'action de serrer avec les mains sont impossi¬
bles. Quelques mouvements très limités dans le sens de la flexion
existent encore auxmains.
Les réflexes rotuliens sont abolis. Le chatouillement de la plante
des pieds produit quelques mouvements très limités des jambes.
Avant deparler, l'enfant, qui a conservé toute son intelligence, fait quelquesrespirations saccadées. Les mouvements de la langue sont
conservés; la respiration s'exécute normalement; l'auscultation ne fait entendre riend'anormal dans lespoumons, ni au cœur dont les battements sontassez forts, mais réguliers.
Rienà noter ducôté des organes des sens. La pupille est normale.
Sensibilité de la peau intacte. L'enfant perçoit bien le contact, le chatouillement, lapiqûre, et distingue le froid et le chaud, appliqués
sur les divers points de la peau. Pas de paralysie da la vessie ni du
rectum.
Dans la nuit du 29 au 30 mai, c'est-à-dire cinqjours après le début
des accidents, les smptômes paralytiquesaugmentent, l'enfant a une
grande difficulté à respirer. D'après ce que me racontent les parents, il paraît avoireu la respiration de Cheynes-Stockes avec un commen¬
cement d'asphyxie; puis le malade tombe dans une résolution com¬
plète et meurt. J'assiste aux derniers moments. Le pouls étaitinter¬
mittent, la respiration nulle, les pupilles rétrécies et insensibles à la lumière. Pas de convulsions.
Lamédication aconsisté, àl'intérieur: en toniques, vinde Malaga, quinquina, sirop de sulfate detrychnine de Trousseau
(1 centigramme
desulfatede strychninepar100grammesde sirop)unecuillerée à café
lepremier jourdeux les jours suivants, calomel. A l'extérieur:
vési-
catoires lelongde la colonnevertébrale et frictions sur le corps et sur
les membres avec le baume de Fioravanti. J'avais décidéd'employer
l'électricité lejourmême où la mort est survenue.
La nécropsie n'a pu être faite, malgré mes instances auprès des
parents.
Observation IV(Th. Barlow, The Lancet, 13 novembre 1866).
Lemalade, unagent de police, âgé de vingt-trois ans, fut admisà
l'hôpital des fiévreux de Londres, le 11 juin 1885, pour unerougeole,
le deuxièmejour del'éruption. Il n'yavait rien de spécial dans ce cas,
si ce n'est quele malade se plaignait de douleurs au bas du sternum
et àl'épigastre. Le13, à minuit, il eut de la rétention d'urine. Le 14, il
étaitassoupi, mais avait toute sa connaissance quand il s'éveillait. Il
présentait delaparalysieavecpertedesréflexesrotuliensetplantaires,
mais ilpouvait localiser le pincementsur chaquejambe. La pression
des deux mains était faible. Ily avaittoujours de la rétention d'urine.
Le 15, l'état mental du malade était tout-à-fait intact; mais soustous
les autres rapports il baissait. Il nepouvait parler qu'en chuchotant.
L'expectoration ne s'effectuait pas. Depuis son admission, il se plai¬
gnait d'une douleur fixe au sternum et à l'épigastre. La paraplégie,
l'absence du réflexe rotulien et la rétention d'urinecontinuaient. La
faiblesse depressiondes mains était plusmarquée, et les intercostaux
étaient paralysés; on constatait une légère déviation de la langue à
gauche. Le maladese cyanosagraduellement et mourut le 15 au soir,
le onzièmejour depuis le début de larougeole.
o. 3
— 1.8 -
Autopsie. —On ne trouva pas dans les viscères d'altérations nota- Ides.
Dans te cerveau, la substance grise des circonvolutions était plus
foncée que normalement, et la substance cérébrale était remarquable¬
ment molle. L'épendyme des ventricules latéraux se détachait aisé¬
ment. Dans lamoelle, on trouve la région dorsale supérieure souple;
par contre, au niveau de la.cinquième dorsale, elle était tout à tait difïluente. Il existait du ramollissement rougedans la régionlombaire, plus marqué dans la cornegrise qui, en certains points, était-absolu¬
ment fenestrée-.
L'examen microscopique, fait par le DrPenson démontre que les altérations étaient surtout vasculaires, consistant en un grand engor¬
gement des vaisseaux, l'infiltration des tissus environnantspar des leucocytes et une légèreextravasation sanguine interstitielle. On ne trouva pas d'altérations dans les cellules nerveuses, les fibres, ni le tissu conjonctifde la moelle.
Dans la moelle allongée, il existait des lésions identiques à l'excep¬
tion des hémorrhagies. Les lésions portaient principalement sur les noyauxde l'hypoglosse etdu pneumo-gastrique.
Ces exemples montrent assez bien quels sont les accidents paralytiques généralisés qui succèdent à la rougeole. En résumé, nous voyons que le système musculaire tout entier des membres et du tronc est atteint, et que la fonction de
motilité est plusou moins abolie.
Les troubles de la sensibilité sont variables, mais ils pa¬
raissent avoir peu attiré l'attention des observateurs. Dans l'observation I, Liégard se contente de dire « que la
peau des membres paraît insensible à la piqûre et au pince¬
ment )>. Bergeron (observationII) ne rapporte rien à ce sujet.
Enfin, dans les observations III etIV, on trouve indiqué très
nettementque la sensibilité esttoujours restée intacte.
Les réflexes sont toujours abolis sauf dans l'observation de Bergeron qui n'en fait pas mention.
Les sphincters ne sont généralement pas atteints. Cette particularité ne se trouve pas notée dans lescas deLiégard et
de Bergeron, mais elle étaittrop importante pour que si elle
eût existé ils ne l'eussent pas mentionnée.
On ne trouve noté dans aucun cas des phénomènes de
contractures ou de convulsions. Les malades n'ontjamaisété
soumis à un examen électrique.
Quant à la marche de l'affection, elle paraît avoir été tou¬
jours identique. Les accidentssont survenus aprèsl'éruption,
alors qu'elle avait disparu et au bout d'un temps variable
mais n'excédant pas environ quarante jours.
On voit que la paralysie, ayant débuté par les extrémités,
de préférence par les membres inférieurs, s'est rapidement généralisée aux muscles de la racine des membres, puis du
tronc. Enfinla terminaison a été fatale dans deuxcas, àcause de la rapidité de l'évolution de la paralysie, qui atteignant le diaphragme et les autres muscles respiratoires, a provoqué
la mort par asphyxie mécanique. Cependant dans le cas de
M. Négrié, qui d'ailleurs l'a publié sous le titre de paralysie générale àmarche aiguë ascendante, consécutive à une rou¬
geole, nous voyons que lamort est survenue au milieu de symptômes, qui ne peuvent être guère attribués qu'à des phénomènes bulbaires.
Nous verrons dans les chapitres suivants ce qu'on peut
penser de ces observations au point de vue du diagnostic, et
du résultat des autopsies au point de vue del'anatomie patho¬
logique.
— 20 —
2°Desparalysies àtendance paraplégique :a) chez les
enfants.
Observation Y (observation personnelle).
Henriette P...5 trois ans,vient à la consultation pour paralysie des
membresinférienrs.
Antécédentshéréditaires. — Le pèreseporte bien, sauf quelques
atteintes de rhumatisme; il n'est pas alcoolique.
La mère s'esttoujoursbien portée. Pas desyphilis.
Elle a euonzeenfants, deuxfaussescouches. Parmices onzeenfants,
deux sontmorts, l'un àdix-neufans,l'autreà quatreans,après quinze
àvingtjoursd'une maladie diagnostiquée méningite. Tous les autres
enfants se portentbien et n'ontjamais été malades, sauf l'un d'entre
eux, âgé de sept ans, qui est atteint d'hydrocéphalie survenue sponta¬
nément.
Henriette P..., néeà terme, a été nourrie au biberon. Aussi a-t-elle présenté du rachitisme et de ladyspepsiegastro-intestinale. Cependant
vers douze à quatorze mois, elle a commencé à se développer conve¬
nablement. Elle n'a eu ni lascarlatine ni la variole.
L'année dernière, coqueluche qui aduré deux mois. A la fin de mai
1894, elle a commencé à être malade. Le médecin qui la soignait
croyait, raconte lamère, à un début deméningite.
Cependant au bout d'une période d'une dizaine de jours, pendant
laquelle se montraient des symptômes peu caractéristiques, est sur¬
venue vers le6juin, une éruption très abondante, précédée decoryza,
deconjonctivite et de toux. Le diagnostic de rougeole fut porté par
M. le docteur Chabrely. L'éruption très abondante dura cinq jours
environ. Aprèssa disparition survint une bronchopneumonie; deux
vésicatoires furent appliqués. Vers le 15 juin, tous les phénomènes
aigus avaient disparu. La convalescence /ut assez longue. L'enfant
avait beaucoup maigri et recouvrait lentement ses forces. Pendant cette convalescence5 on ne constataaucunsymptôme du côté du pha¬
rynx ni de lagorge; pas dephénomènes diphtéritiques, pas de trou¬
bles de la voix ni de ladéglutition.
L'enfant restaitlevée et debout toute la journée. On s'apercevait cependant qu'elle marchait difficilement etqu'elle traînait ses jambes;
maison attribuait cela à la faiblesse occasionnée parla maladie. On remarquait aussi qu'elle avait quelquefois un peu de fièvre, le soir.
Le 16juillet, on s'aperçoit"que l'enfant ne peut plus marcher et qu'elle ne se tientpas debout sur sesjambes. Le 19juilleton l'amène
à la consultation.
A cette dateon trouve une enfantamaigrie, à membres grêles. Elle
ne setient pas debout toute seule et on est obligé de la soutenir pour
qu'elle ne s'affaisse pas. Il luiest impossible de mettre ses jambes
l'une devant l'autre pour marcher.
Les mouvements de flexion et d'extension ne sont pas possibles spontanémentet les membres sont flasques. Les bras ne paraissent
pasjouir de leur liberté d'action. L'enfantles fait mouvoir, mais avec lenteur et difficulté; leur force musculaire est très diminuée. Les mouvements du tronc s'exécutentassezbien; cependant quandelle est -assise, lapartie supérieure de son corps estaffaissée sur le bassin et l'enfant ne selève qu'avec difficulté. Le mouvement et le rythme res¬
piratoire sontnormaux, de même que les bruits ducœur.Lesmuscles de la face ont conservé toute leur action. L'enfantmastique,souffle, tire bien la langue. Rien du côté des muscles de l'oeil. Pas de troubles des autres organes, pas d'aphasie, pasde gêne de déglutition.
Il n'y ajamais eu de miction ni de défécations involontaires, pas de rétentiond'urine.
Sur toutes les parties du corps, la sensibilité à la piqûre paraîtnor¬
male, ou peut-être un peu exagérée, mais il faut bien tenircompte de pa difficulté d'examiner les divers modes de la sensibilité générale
— 22 —
chez une enfant de quatre ans. La palpation des membres est
douloureuse, eton ne peutpasla toucher sans la fairecrier.
Leréflexe rotulien est aboli; en chatouillant.la plante des pieds 011 détermine, quelques mouvements des jambes, pas de trépidation épileptoïde.
Pas de tremblement ni d'athétose; pas de contractures ni de rai¬
deurs. Pas detroubles trophiques de la peau ni dephénomènes vaso-
moteurs particuliers. *
L'examen électriquepratiqué à la clinique du professeur Bergonié
donne les résultats suivants :
Excitabilité faradique diminuéepour les musclesdesmembres supé¬
rieurset du tronc. Excitabilité faradique abolie pour tous lesmuscles
desmembres inférieurs. Gourants galvaniques : réaction de dégéné¬
rescencepourles muscles desjambes. L'élémentcaractéristique de la
réaction de dégénérescence, laparesse de lasecousse a été constatée
pour ces muscles.
On institue alors le traitement suivant :
A l'intérieur : teinture de noix vomique 3 gouttes, eau 100grammes par cuillerées à café. Potiontonique.
Traitementélectrique : on applique pendant un quart d'heure le pôle positifsurchaque membre, l'électrode indifférente négative étant
à la régioncervicale pour les membres supérieurs,à la région lombaire
pour les membres inférieurs. Le courant galvanique continu, et le
courant galvanique interrompu et rythmé sont employés successive¬
ment.
Surface des électrodes : Electrode indifférente 150 c. c. ; électrode positive40 c. c.
Intensité du courant : 20 milliampères.
Densité électrique : 1/2. j
Durée : une heure.
Trois séances parsemaine.
Le £5juillet, l'état est à peu près stationnante; la jaralysie n'a pas
progressé. Il nes'est pas produit un affaiblissement plus marqué des muscles des bras et du tronc. La respiration s'effectue bien et les bruits du cœursont normaux .
1er août.— La parésie des bras a disparu. L'état des membres inférieurs paraît s'améliorer un peu,mais les chairs en sont molles et
flasques. Les jambes sont grêles, mais il est difficile d'en rapporter la
cause à lamaigreur ou à l'atroplhe.
4 août. — Même état général, cependant l'enfant commence à
mprimerquelques mouvements à ses jambes. Elle peutconserver la station droite, si on la maintient unpeu.
Le traitement électrique est continuétous les deux jours. On cons¬
tate quel'hypéresthésie disparaît après quelques séances.
10 août. — L'amélioration s'accentue. La force revient dans les jambes et l'enfant parvient à faire quelques pas toute seule.
22 août. — Toute trace deparalysie adisparu. linereste qu'unpeu defaiblesse desjambes. Elles reprennentunvolumeplusconsidérable et unecertaine fermeté.
Le traitementest abandonné, et l'enfant part à la campagne.
On la revoit le 4 octobre complètement guérie.
Observation VI
(J. Simon, confér. cliniquessurles mal. des enfants)
11 s'agit d'une fillette dequatre ans, qui devint paraplégique à la suite d'une rougeole. La parésie frappa symétriquement les muscles des deuxmembres inférieurs; la sensibilitéétait très amoindrie et les masses musculairesétaient douloureuses à la pression. Tout dispa¬
raîten un mois.L'enfant marche et ne conserveplus qu'un peu d'in¬
certitude, mais sans présenter sur un point quelconque la plus légè¬
re atrophie localisée. Un amaigrissement uniforme atteint seule¬
ment les deux membres inférieurs.