FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1902-1903 Rio |26
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
QUELQUES COMPLICATIONS RARES
DU ZONA OPHTALMIQUE
NÉVRITE OPTIQUE; DPHTALMOPLËCIES; PARALYSIES ÉLOIGNÉES
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement
le 19 Juin 1903
PAR
Alexandre-Joseph DÉSIRÂT
Né àBayonne(Basses-Pyrénées),le8 janvier1873.
MM. BADAL professeur.... Président.
LANELONGUE professeur
J
CHAVANNAZ agrégé ï BÉGOUIN agrégé
)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur
les
diverses parties de l'Enseignement médical.
Examinateurs dela Thèse :
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI, PAUL CASSIGNOL
gi, Rue Porte-Dijeaux, 91
1 9O S
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen —
M. PITRES, doyen honoraire.
professe:uns
MM. M1GÉ
)
DUPUY v
Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
\
Cliniqueinterne Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique
générales.
Thérapeutique Médecine opératoire.
Clinique
d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène Médecine légale Physique
biologique
etélectricité médicale
MM. MM.
PICOT. Chimie BLAREZ.
PITRES. Histoire naturelle ... GUILLAUD.
DEMONS. Pharmacie FIGUIER.
LANELONGUE. Matièremédicale.... de NABIAS Médecine expérimen¬
FERRÉ.
VERGELY. tale
ARNOZAN. Clinique
ophtalmolo¬
MASSE. gique HADAL.
Cliniquedesmaladies
LEFOUR. chirurgicalesdes en¬
fants PIÉCHAUD.
COYNE. Clinique gynécologique BOURSIER.
CANN1EU Cliniquemédicale
des
maladies desenfants A. MOUSSOUS V1AULT. Chimiebiologique.. . DENIGjdS.
JOLYET. Physique pharmaceu¬ SIGALAS.
LAYET. tique
MORACHE. Pathologie exotique.
LE DANTEC.
BERGONIÉ.
4;R|10CIO* 10A
I0XI0R4KI0 :
«motion de médecine(Pathologie interne
et Médecine légale.)
MM. CASSAET. j MM.
MONGOUR.
SABRAZÈS.
j CABANNE3.
HOBBS.
sectionde chirurgieet accouchements
Pathologie externe
MM.DENUCE.
) BRAQUEHAYE
)
CHAVANNAZ.
BÉGOUIN.
Accouchements.1MM,
PIEUX.
ANDEROD1AS.
Anatomie..
section dessciences anatom1ques et rhysioi.ogiquks
JMM.CAVALIE.GENTES. |1
Physiologie
Histoirenaturelle.MM. PACHON mrir.r.TC
BEILUEsection dessciencesphysiques Chimie
MM. BENECH. | Pharmacie....
(JOURS «ORPUIIR
a:\TA I R
Clinique des
maladies cutanées et syphilitiques
Cliniquedes
maladies des voies urinaires
Maladiesdu larynx,des
oreilles et du
nezMaladiesmentales Pathologieinterne Pathologieexterne Accouchements Physiologie Embryologie
Ophtalmologie
Hydrologie et
Minéralogie
Le Secrétairedela Faculté:
M. DUPOUY.
10S :
MM. DUBREUILH POUSSON.
MOURE.
REGIS.
RONDOT.
DENUCjù ANDÉRODIAS.
PACHON.
PRINCETEAU LAGRANGE.
CARLES.
LEMAIRE.
Pardélibération du5 août 1879,
la Faculté
aarrêté que les opinions émises dans les
Thèses quilui sont
présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs,
qu'ellen'entend leur
donner ni approbation ni improbation.
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
A MES
ERÈRES
ET A MES SŒURSMEIS
ET AM1C1S
INTRODUCTION
Nous n'avons pas
l'intention, dans le cours de ce travail,
d'entreprendre
uneétude complète du zona ophtalmique.
Nous nous bornerons
simplement à étudier un groupe de
complications des plus intéressantes qui compléteront le
tableau
clinique déjà si bien
connude cette affection. Depuis
le travail d'Hutchinson et la
description classique de Trous¬
seau, la
symptomatologie du zona se trouve définitivement
fixée dans ses
grandes lignes. La seule question en litige, et
qui n'est
pasprête à être résolue, est le problème pathogéni-
que.
De nombreux travaux ont été publiés sur ce point spé¬
cial, mais les
faits accompagnés d'autopsie sont encore trop
restreints. Toutes les
hypothèses émises ont eu l'inconvé¬
nient d'être
prématurées et bon nombre d'entre elles n'ont
eu
qu'une durée éphémère. Pour fixer les dates importantes
dans l'évolution de cette
étude,
noussignalerons les travaux remarquables de Landouzy qui, le premier, établit les diffé¬
rences
capitales entre la fièvre zoster et les exanthèmes zos-
tériformes.
Déjà, à
cemoment, la nature infectieuse du zona ophtalmique était démontrée et bon nombre d'auteurs admet¬
taient sa nature
épidémique et contagieuse. Nous n'avons
pas
l'intention de présenter l'historique complet de cette
question. Nous
renvoyons ceuxqui voudraient l'entreprendre
au travail de Sulzer
(.Annales doculistique, 1898) à la suite
duquel
se trouveannexée
unebibliographie des plus com¬
plètes jusqu'en 1897. Nous indiquons simplement en passant
les travaux
importants qui semblent avoir fait rentrer l'étude
du zonadans une
phase nouvelle. Les conceptions pathogé-
— 8 -
niques de Brissaud n'ont eu qu'une vogue passagère et actuel¬
lement
paraissent entièrement abandonnées. Le seul travail
récent
qui ait apporté des matériaux importants à cette étude
estcelui de
Head et Campbell qui ont pu réunir un grand
nombre de
pièces anatomo-patliologiques.
Actuellement,
le
zonadoit être considéré comme une mala¬
die
ganglionnaire, comme une polio-myélite ganglionnaire,
pour
employer l'expression de Head et Campbell. La lésion
ganglionnaire entraîne secondairement des lésions dégénéra-
tives du côté
des
troncs nerveuxet toutes les altérations ana- tomiques sont sous la dépendance d'une infection ou d'une
intoxication.
La
question
enest là dans l'étude générale du zona, et de
nombreux faits
restent
encoreà recueillir avant de se pro¬
noncer sur la nature
intime des agents infectieux ou des
agents toxiques susceptibles d'engendrer le zona en général
etle zona
ophtalmique
enparticulier. Il restera, en outre, à
établir par
quel mécanisme les divers processus toxiques et
infectieux déterminent
les altérations ganglionnaires.
Le but de notre
travail n'est
pasde répondre à de telles
questions. Nous voulons simplement grouper dans une
étude
d'ensemble
uncertain nombre de complications rares
du zona
ophtalmiques, telles que les paralysies èt en parti¬
culier les
oplitalmoplégies, et ensuite les névrites optiques.
Il n'existait dans
la science jusqu'à cette époque que des cas
isolés.
Depuis les premières obervations +de Bowmann et
Daguenet
surles névrites optiques, de Hutcliinson sur les
paralysies oculaires, de nombreux faits se sont accumulés
dans lalittérature
médicale
;de sorte qu'à l'heure actuelle il
nous semblenaturel
de les réunir dans
uneétude d'ensemble.
C'est làla raison
d'être de notre travail. Mais nous ne vou¬
lons pas nous
borner dans notre étude à une simple énumé-
rationde faits ou une
simple compilation. Nous avons eu
l'intention
d'indiquer dans les chapitres qui vont suivre,
d'une
part de quelle manière on peut expliquer l'apparition
deces
complications
au coursdu zona ophtalmique, et d'au-
~ 9 —
tre
part, de quelle façon ces dernières peuvent servir à éclai¬
rerles notions actuelles
de la pathogénie générale du zona.
Le
plan
quenous avonssuivi est donc des plus simples.
Dans notre
premier chapitre, nous rassemblerons la série
des observations que nous avons
pu recueillir en plaçant
d'abord celles
qui concernent les paralysies et ensuite celles
qui ont trait à la névrite optique. Dans notre deuxième cha¬
pitre,
nousferons
uneétude clinique de ces complications,
en insistant surtout sur le
diagnostic, la symptomatologie et
leur
valeurpronostique. Enfin, dans un dernier chapitre, nous
avons
reproduit les considérations générales relatives à leur
pathogénie.
Et maintenant, avant
de rentrer dans le
cœurde notre sujet,
noustenons à remercier M. le Prof. Badal d'avoir bien
voulu
accepter la présidence de cette thèse et de l'accueil
bienveillant
qu'il
nous aménagé à la Clinique ophtalmolo¬
gique de Bordeaux
; nousavons pu recueillir chez lui des
renseignements des plus utiles au sujet de l'étude clinique
du zona
ophtalmique.
M. le Prof,
agrégé Cabannes nous a communiqué deux
observations des
plus intéressantes et nous a donné l'idée
première de
cetravail. Nous
nesaurions trop le remercier
des
témoignages d'amitié qu'il n'a cessé de nous prodiguer
et des
précieux conseils qu'il nous a fournis.
Nous tenons
également à adresser l'hommage de notre plus
vive reconnaissance à tous nos maîtres
de la Faculté et des Hôpitaux.
Enfin,
nousn'aurions garde d'oublier notre excellent ami
le docteur Aubaret,
chef de clinique ophtalmologique, qui
nousa servi denuideO dans cette
étude
et nous aévi té tant de
peine
inutiledans la recherche des documents bibliographi¬
ques et
cliniques
que nous avonspu examiner à loisir à la
Clinique ophtalmologique de la Faculté de Bordeaux.
•
CHAPITRE
PREMIER
Etude
clinique des complications du zona ophtalmique
du côté du nerf
optique et des paires nerveuses
crâniennes.
Les
complications du
zonaophtalmique dont, nous allons
nous occuper
constituent des symptômes relativement rares.
Le zona,
le plus souvent, donne lieu à des manifestations du
côté de la cornéeet de l'iris;
il est exceptionnel qu'il intéresse
le
segment postérieur, c'est-à-dire le corps vitré, les mem¬
branes
profondes et le nerf optique. Si nous voulons nous
rendre
compte de la fréquence de ces complications, il nous
suffit de
jeter
un coupd'œil
surtous les divers mémoires qui
ont été
publiés
surle
zonaet qui nous permettent d'établir
qu'il existe environ 7 % des
casoù l'on a observé des trou¬
bles
paralytiques du côté des muscles de l'œil ou de la face (x).
A la
Clinique ophtalmologique du professeur Radal, sur
12 cas de zona relevés
depuis 1899,
onn'a noté que 2 fois
l'existence de
paralysies oculaires.
La névrite
optique, dans le
zona,est encore une compli¬
cation
beaucoup moins fréquente, puisque nous pouvons
encore àl'heure actuelle
compter aisément la totalité des cas qui
ont étépubliés dans la littérature médicale. Nous avons
pu
les
rassembler à peuprès tous et leur nombre s'élève
aujourd'hui à
unedizaine.
Nous allons tout d'abord, sans
plus de préambule, donner
(9 Inde Wecker etLandolt,Traité d'ophtalmologie,
1880.
— 12 —
la série des observations
intéressantes relatives à
cescompli¬
cations en
groupant premièrement celles qui concernent les
paralysies et
enterminant par les cas de névrite optique.
L'exposé de
cesfaits
nouspermettra ensuite de développer
quelques considérations cliniques relatives à l'étiologie, à la
symptomatologie, au diagnostic et au pronostic des syn¬
dromes dont nous'avons
entrepris l'étude.
C'est J. Hutchinson
qui, le premier,
en1866 (1), a bien
décrit le zona
ophtalmique et professé qu'il existe parfois en
même
temps, parmi les complications oculaires delà maladie,
des
paralysies des muscles des yeux. La plus commune est la
paralysie du moteur oculaire commun. Elle peut être com¬
plète et s'étendre à tous les muscles innervés par le nerf de
la 3e
paire. En voici quelques exemples
:Observation de Hutchinson
(Résumée).
Zona ophtalmique droit.
Paralysie des muscles innervés
parla
39paire.Guérison
rapide de l'herpès et de la paralysie du moteur
oculaire commun.
Homme de cinquante-sept ans.
Excellente santé habituelle. Accès de
fièvre intermittente quelquetemps avant
le mois de
mars1864. A cette
date, et quatrejours avant
l'éruption zostérienne,
nezdouloureux et
enchifrené, douleurs entre les
épaules, frissons et nausées. Eruption
d'herpès frontal à
droite. Le cinquième jour la paupière supérieure
commençaà s'abaisser, etle sixième jour le ptosis était
complet. La
douleur diminua un peu après l'apparition de ces
symptômes. Il existe
à droiteun ptosis complet et
l'œil
estdévié
endehors. Le malade ne
peut l'attireren dedans au
delà de la ligne
moyenne.Il
nepeut ni
l'élever, n'yl'abaisser. La pupille estdeux
fois plus dilatée qu'à gauche
et paresseuse. La
vision de l'œil
estparfaite, l'oblique supérieur et le
droit externe agissent bien. L'éruption est surtout
distribuée le long du
frontal interne, elleoccupe le tiers interne de la région
frontale à droite,
en correspondantexactement à
la ligne
médianedu front, de la racine
(!) Ophtalmiehospital Reports, Vol. V.
- 13 -
dunez et du tiers interne du
sourcil droit jusqu'à la naissance des
cheveux. Elle s'accompagne
d'une sensation d'engourdissement, mais
de peude
douleurs. Cet homme guérit rapidement de son herpès et de la
paralysie
de
sonmoteur oculaire commun.
Observationde Schiffer
(i)
Zona du côté gauche
de la face
avecparalysie complète de l'oculo-
moteur commun, le tout
consécutif à
un cancermélanique de l'os sphé¬
noïde, ayant
produit la dégénérescence du ganglion de Gasser entre
autresaltérations.
Observation de Schlesinger
(2)
Hommedequaranteans,
présenté
enoctobre 1892 au Club médical de
Vienne. Après
avoir
eu un zonadu côté gauche du front, il fut atteint
d'une paralysie
complète du nerf moteur oculaire commun gauche.
Actuellement, il existe encore une
parésie de la première branche du
trijumeau, uneperte
de la sensibilité au niveau de la région supérieure
de laconjonctive, un
ptosis et
uneparalysie du sphincter irien.
Observation de Higgens
(3)
Zona ophtalmique
gauche. Paralysie des 3e, 4U et 6e paires, à
gauche.
Hémiparésie droite.
MmeH...,âgée de
quarante-neuf
ans,se présente le 25 mars 1900,
dix semaines après
l'apparition d'un
zonaophtalmique gauche, dont les
croûtes subsistentencore. L'œil
gauche, atteint d'infiltrations et d'ulcé¬
rations de la cornée, est
complètement immobile
;la paralysie complète
des3e, 4e et6e paires est
accompagnée de la paralysie de la branche
ophtalmique de
la 5e paire. Le 6 juin 1900, la malade présente une
parésie des membres
du côté droit. Mme H... revient me voir le
28 mars 1901, et je constate
la disparition complète des paralysies
oculaires.
(') Virchow's Arch., XXXV,
1872.
(2) Semaine médicale, 1892.
(3) British médical Journal,
1901.
- 14 -
Observation
(Inédite).
(Due à l'obligeance deMM. les D1-s Cabannes et
Abadie,
etrecueillie dans le
Service de M. le prof. Pitres.)
Jean P..., soixante-trois ans, cantonnier, entre le 12 juin 1901 à l'hôpital Saint-André, dans
le service de M. le prof. Pitres. Antécédents
héréditaires : père hémiplégique.
Antécédents personnels
: a eula
variole à trois mois avec complications oculaires. A dix-sept ans, scarlatine qui a bien guéri. Jamais
d'oreillons,
derhumatisme arti¬
culaire, de blennorragie, de syphilis. En
1890,
le malade a vu se développer sur le côté gauche de laracine du
nez uneulcération
qui allaen s'étendantetqui, examinée endécembre 1898
parle docteur
Sengensse, présentait des bordssaillants, irréguliers
etdéchiquetés
;une croûte peu épaisse,jaunâtre par places, noirâtre en
d'autres
points, occupait le fond de cette ulcération qui,allongée
verticalement,avait
2 centimètres dans sa plus grande largeur et 4 centimètres dans
sa plusgrande longueur. Tout autour
d'elle,
zone trèsvascularisée.
Pas d'adénite. Sousl'influence d'un traitement au chlorate de potasse (applications en poudre eten
solution), le docteur
Sengensse constatela
guérison enavril 1899.
Au centred'une cicatrice blanche
et nonadhé¬
rente, il existe une fistule faisant communiquer les fosses nasales avec l'extérieur. Il ya quatre mois, se sont montrées des douleurs de têtedu
côté droit; puis deux mois après le début des phénomènes douloureux,
une rougeur étendue a paru, toujours à droite, et au-dessus surve¬
naientdes vésicules qui se rompaient ensuite, formaient croûte, puis cicatrisaient. Au moment de l'apparition des douleurs, les dents du maladesonttombées à droite. Erythème et vésicules ont guéri au bout
de quinzejours. Les
douleurs
ontpersisté, elles sont lancinantes,partentde la région pariétale etgagnent la région temporale; elles ne sont pas
paroxystiques, mais continues
la
nuit et le jour et empêchent le maladede dormir. La peau estdevenueinsensible etdonne au malade l'impres¬
sion d'un morceau de bois. Si le malade a froid auxmains et qu'illes porte àla région
temporale droite,
ilne sent pas le froid. Les paupières droites, surtoutla supérieure, sont œdématiées. Chute de la paupière supérieure, qui se relèvedifficilement.
L'œil s'est porté en dehors. Le— 15 —
maladevoit double si les deux yeux sont
ouverts. L'œil gauche lui
permetàpeine
de
seconduire. Le malade n'a pas eu de fièvre au mo_
ment où a éclaté l'affection actuelle. Il
n'a
pasconnaissance de cas
analoguessévissant enmême
tempsquele sien parmi les membres de sa
familleou de son entourage. Ilse
décide à entrer à l'hôpital devant la
persistance deses
douleurs
etde
sestroubles oculaires.
Examendu malade. — Hommede
constitution médiocrement forte,
actuellement faciès pâle et
amaigri. L'hémicrâne droit nous présente
dans une régionlimitée en
bas
par uneligne horizontale allant du bord
inférieur de la paupière
supérieure à l'oreille,
endedans par la ligne
médiane fronto-occipitale, en
arrière
par uneligne verticale partant du
sommetde l'oreille pour
rejoindre la ligne médiane,
unepeau plus brune,
parsemée detachesfoncées,
couleur feuille morte, à contours irréguliers;
cicatrices pigmentées. Le nez
du malade attire l'attention. Au niveau de
l'angle interne de
l'œil gauche, existe
uneulcération croùteuse, triangu¬
laire, peu profonde,
sanglante, baignée
parle liquide lacrymal (le
malade l'accuse depuis dixans et sa
nature permet de croire à un épi-
thélioma à marche
lente). Au-dessous et relevant la narine gauche, une
cicatrice blanchâtre, située à 1 centimètre
environ au-dessus de l'orifice
delà narine et continuant l'ulcération décrite. La
paroi externe de cette
narineesttrès amincie, ses dépressions
très manifestes. La
peau,égale-
lement très amincie, n'adhère pas à
la cicatrice, mais
auniveau de
l'ulcération. Pas de douleur dans cette région,
ni spontanée, ni à la
pression. Très légère
liypoesthésie à
ceniveau;
pasde thermoanesthésie.
Dans une région occupant
la région malaire et temporale droites
jusqu'ausillon nasal et
jusqu'en avant de l'oreille, et se continuant avec
larégion oculaire, lesrégions
frontale et pariétale droites, l'anesthésie
estcomplète à la piqûre ; au
contact, hypoesthésie ; thermoanesthésie.
Les douleurs céphaliques occupent
les régions précitées, elles se mani¬
festentprincipalement
pendant la nuit
etle matin, par crises de peu de
durée et sont comparables à
des picotements, des tiraillements. Pas de
douleursauriculaires. Perte totale de l'odorat et du
goût.
Voici le résultat de l'examen des yeux
pratiqué
parl'un de nous :
doubleptosis plus marqué à
droite. Œil droit habituellement fermé ; le
malade peutl'ouvrir, mais pas
longtemps,
carde la fatigue et de la
diplopie
se manifestent. Le sourcildroit est plus abaissé que le gauche.
- 1G -
L'œilgauche estatteint
de ptosis, mais la fente pupillaire, d'une hau¬
teur de 3 millimètres, reste ouverte. Peu de
sensibilité des globes
oculaires à la forte pression.
Hypoesthésie conjonctivale. Sensibilité des
paupières droites
totalement abolie. Thermo-anesthésie complète de
cette région. Petitépithélioma
ulcéré de la région interne de l'angle de
l'œilgauche. Nous avons
déjà noté les taches teinte feuille morte, à
contours irréguliers, parsemant
la
peauplus brune de la région frontale
droite. La commissurelabiale droite est un peu plus élevée que
la
com¬missure gaucheetle côté droit de
la face
estaffecté d'un rictus léger
dont les plis semblentconverger vers
l'œil fermé.
Œildroit
(examen détaillé)
:œdème rosé de la paupière supérieure
;chute descils surtouten haut. Œil dévié en dehors, se ramenant en dedansjusqu'à la ligne médianeoù se montrent
des mouvements nystag*-
miformes. Pupille en dilatation moyenne, ne
réagissant plus ni à la
lumière, ni à l'accommodation, ni à laconvergence. Mouvements
du
globe en dehors conservés,supprimés
en haut, enbas
etobliquement.
Légers mouvements
d'adduction. Cornée hypoesthésique. Compte les
doigts à deux mètres avecprécision :Y<
1/10. Atrophie blanche du nerf
optique incomplète quiexplique la diminution
de l'acuité visuelle.
Œil gauche (examen
détaillé)
:ptosis déjà signalé. Rien à noter
surlespaupières. Œil en strabisme externe. Légère
ulcération cornéenne
située prèsdu bordexterne de la cornée. Mouvements
du globe
enhaut,
en bas, en dedans ouobliques entièrementabolis. Réflectivité
pupillaire
nulle; pupille moyennementdilatée, égale à
celle
ducôté opposé. Atro¬
phie blanche du nerf
optique incomplète.
Lemalade
seconduit
avec beaucoup de peine.Cesrésultats ont été corroborés par un examen de M. le
Prof. Badal.
A l'examen électrique des muscles de la face, ils ont
parfaitement
conservé leur réactionà l'électricité faradique. Les peauciers secon¬
tractent trèsbien.
Le tronc et les membres unpeugrêles n'offrentàsignaleraucun
trou¬
blede la sensibilité ni aucun phénomène paralytique. Le réflexe
rotu-
lien estunpeu plus net à droite. Pas de fièvre. Pas de
désordres céré¬
braux, le malade répond parfaitement aux questions. Le
pied droit
présente une hyperkératose plantaire qui, d'après M.
le Prof.
Dubreuilh,serait du psoriasis. Début il y a quinze ans.
Des blocs
cor-— 17 —
nés,gris, d'uneextrême dureté, très
irréguliers,
occupent toutle bord
interne du pied jusqu'au niveau de la tête du
premier métatarsien;
ils s'étendentégalement surtoute la voûte plantaire, tout en respectant
une bande de 1 à 2centimètres du côté du bord externe dupied.
Incomplète, la paralysie de la 3e paire
selocalise de préfé¬
rence dans le releveur de la
paupière supérieure et le droit interne, d'où strabisme
externe etptosis.
Observation de Bowater, J. Vernon (1).
Homme de cinquante-trois ans, habituellement bien portant, sujet l'hiveràdes douleurs rhumatismales. Il futexposé, pendant unvoyage
en Angleterre, aux intempéries d'une saison rigoureuse. En février 1868,violente douleur dans le front droit, puis éruption confluente à
droite sur le front, le sourcil surtout, la paupière supérieure, la pointe du nez. Un mois après, la peau du front, encore oedémateuse, est cou¬
vertede cicatrices irrégulièrement distribuées, presqueanesthésiques, tandis quela peau qui lesentoureest trèssensible. Pupille irrégulière, plutôt dilatée, paresseuse, semblant libre d'adhérences. Fort affaiblisse¬
mentde la vue pour la lecture. Rien d'anormal à l'ophtalmoscope.
Ptosis de la paupière supérieure. Léger strabisme externe. Des dou¬
leurs névralgiques très violentes persistent quelques semaines, puis
cèdentau traitement. Au bout decetemps,l'état de l'œilest peuchangé,
mais leptosis est beaucoup moins apparent.
La
paralysie peut
selimiter
aureleveur de la paupière.
Nous avons sur ce
sujet deux observations de Hutchinson
dont voici la
plus intéressante
:Femme de soixante ans, en bonne santé. Quelques cicatrices surle front,principalement sur la région médiane, mais surtoutsur toutle
nez. Cornée trouble, sans opacités denses. Pupille dilatée du doubleou du triple, immobile: adhérences, mais elles n'obstruent pas la pupille.
L'irisa perdu son brillant. Ptosis de la paupière supérieure.
(}) Herpes ophtalmicus. StBartholomew's Hospital Reports, 1868.
D.
Observationde Cohn et Jacksch
(i)
Jeune homme de dix-sept ans.
Conditions hygiéniques d'habitation
mauvaises. Bonne santé, saufun
rhumatisme articulaire aigu à l'âge de
douze ans. Le 30 novembre 1888, sans aucun
phénomène antérieur,
vésicules surle front gauche,
accompagnées les jours suivants de dou¬
leurs piquantesou
brûlantes. La fente palpébrale diminua d'un quart,
latempérature du
côté malade est de 1 degré supérieure à celle du côté
sain (36°
1/2). Conjonctivite modérée, la sensibilité de la peau est
amoindrie entre les vésicules. L'état
général
estbon. Le 4 décembre,
éruption sur le côté
gauche du
nez,la lèvre supérieure. Douleurs vives
dansla mâchoiresupérieure, les
dents, la paupière supérieure qui est
«pendante», quoique
modérément œdématiée. Quelques vésicules sur
le voile du palais. Douleurs à
la déglutition. Le 12 décembre, lar¬
moiement; douleurs oculaires ; trois fines
infiltrations superficielles de
la cornée, au niveau desquelles
tombe l'épithélium. Conjonctive
peu injectée ;pupille plus étroite
;iris normal et bien dilaté par l'atropine.
Le 14 décembre, lesdouleurs ont
cessé. Le 20 décembre, l'œil est nor¬
mal; pas de
cicatrice cutanée.
Hoffer
(2) cite
un casde
zonaophtalmique compliqué d'ophtalmoplégie intérieure
:Chez un maladeâgé de quarante-quatre anset
atteint de
zonaophtal¬
mique gangréneuxgauche,
la pupille, dilatée
aucommencement de
l'éruption, reste dilatée après
guérison
en quatresemaines,
avecpersis¬
tance des douleurs névralgiques etle muscle ciliaire est
paralysé.
Arlta observé
également
un casde paralysie de l'accommo¬
dation consécutive à un zona du
visage.
« Lesobservations de
paralysie de la 4e paire sont excep¬
tionnelles, dit Sulzer
(3). Nous
netrouvons qu'une seule
(')Rapportée et résumée par A. H_ybord,.daus sa thèse.
Thèse de Paris
1872.
(s) Annalen der StadtAllgem. Krankenhaùserzu Munchen,
1895.
(■>) Annalesd'oculistique, 1898.
observation de ce genre
dans la littérature.
Elle a été com¬muniquée
parLesser à la quatrième session du Congrès des dermatologues allemands
:Chez un homme de soixante-douze ans, l'éruption caractéristique du front seforme, accompagnée de douleurs violentes. Quinze jours plus plustard, le malade voit double, et un examen approfondi révèlel'exis¬
tenced'une paralysie du grand oblique droit. Cinq jours plus tard, cette paralysie diminue.
De moitié moins
fréquente
quela paralysie de l'oculo-
moteur commun, s'observe la
paralysie du muscle droit
externe.
Observation deBowmann
(')
Hommede trente-sixans. Depuis troisans, tendanceàlaconsomption.
Dans deux occasions il avait eu antérieurement de ladiplopie pendant
six semaines. Mars 1858. Herpès du front à gauche ayantlaissé de la douleuret del'anesthésie cutanée. Diplopieet strabisme-internede l'œil gauche. L'année suivante (mars 1859), la douleur et l'engourdissement
dela peau ont augmenté,la diplopie s'est accrue ainsi quele strabisme.
Quatre ans après, ces complications étaientretrouvées encore plus pro¬
noncées.
Observation deAVeidner
(2)
Ouvrier âgé. Névralgie de la première branche du trijumeau droit.
Douleurs répétées, aveczona de ce territoire cutané. Œdème des pau¬
pières. Strabisme interne trois semaines après l'éruption. Douleurs continuant pendant cinq annéesjusqu'à la mort causée par une pneu¬
monie. Autopsie : névrite du ganglion de Gasser.
Observationde Gossetti
(3)
Damedesoixante deuxans,jusqu'icide santé florissante.Zonafrontal,
nasal et temporal àgauche, avec œdème des paupières. Le troisième (9 Ophtalmie HospitalReports, t. VI.
(2)Berl. klinische Wochenschrift, 1870.
(') Annalesd'oculistique,1873.
— 20 —
jour, un
chémosis séreux entoure une cornée normale ; anesthésie
presque
absolue de la conjonctive et de la cornée. Quatre jours plus
tard,paralysie
complète du droit externe. Ulcère cornéen au tiers infé¬
rieur, iris
décoloré, pupille
un peudilatée, en partie obstruée par un
flocon d'exsudat iritique; aspect
trouble du cristallin, qui offre quelques
stries opaques à
la périphérie. La malade ne distingue plus les objets.
Tension augmentée:
T
=-f- 1. Les jours suivants, la pupille résiste à
l'atropinisation la plus énergique, se contracte davantage ; formation
de synéchies et
d'un hypopion abondant ; l'ulcère cornéen s'étend en
surface. Après un
mois, retour progressif de la contractilité du droit
externe ; disparition
des exsudats pupillaires, cicatrisation de l'ulcère
cornéen, persistance
des synéchies, atrophie progressive du tissu irien
et développement
rapide d'une cataracte complète. Quelques mois après
le débutde l'affection, la peau
avait recouvré
sasensibilité normale,
mais la surfacedel'œilresta
insensible. Perception lumineuse conservée.
Quantà la santé
générale, il
yeut
audébut un embarras gastrique pro¬
noncé, pas de
fièvre toutefois
;ensuite, abattement moral, prostration,
anémie persistante.
Gossetti n'avait pas revu cette dame depuis deux
mois, lorsqu'elle
fut frappée deux fois à quelques jours de distance d'une
congestion
cérébrale
avechémiplégie gauche. Ces phénomènes cédèrent
complètement à un
traitement approprié.
Observation de Raynaud (1)
Le2mai1875, la malade, une
femme de cinquante ans est prise brus¬
quement
d'angine et de fièvre. Le 6 mai, fièvre encore assez vive,
déglutition
difficile et douloureuse,
pasd'engorgement ganglionnaire. Il
s'agitd'une
angine herpétique limitée à la moitié gauche du voile du
palais et au
pilier antérieur du même côté. Le 7, existence de quelques
vésicules d'herpès sur
le côté gauche de la face, une plaque d'herpès
occupele
pavillon de l'oreille du même côté, une autre est située sur la
conqueet pénètre
dans le conduit auditif. L'angine est considérée comme
la première
manifestation d'un
zonade la face maintenant évident.
Sensibilité delamoitiégauche
de la face très obtuse. Le 8 mai, nouvelle
(QRapportéepar
Pacton, dans
sathèse. Thèse de Paris 1878.
— 21 —
poussée
d'herpès
;hémianesthésie de la face et de la moitié corres¬
pondante de
la région sus-hyoïdienne absolue
;paralysie complète du
nerf facial. Commissure des lèvres fortement
abaissée à gauche. La
malade fume la pipe. Occlusion
très incomplète de l'œil gauche. Yive
vascularisation
conjonctivale
decetœil
avecapparition au-dessus du
bord de la cornée d'une petite
vésicule
: on adonc affaire à
unvéritable
zona de l'œil. Lavision, déjà peu nette
la veille, est maintenant très
obscure etla malade voit de cet œil les objets dansun
brouillard. Si l'on
explore les mouvements
du globe oculaire,
ons'aperçoit que l'œil est
porté librement en
haut,
enbas,
endedans, mais il ne se porte pas du
touten dehors, età ce moment
il
seproduit du strabisme. Il
ya donc
une paralysie de
la
6epaire. Il existe
enmême temps
unrétrécissement
de la pupilledu même
côté,
assezdifficile à expliquer. Enfin, on constate
une surdité absoluede l'oreillegauche
(paralysie des 6e, 7e et 8e paires).
Cette marche envahissante de la paralysie amène
à
soupçonner unegommesyphilitique des
régions supérieures du bulbe.
Traitement : sirop de Gibert.
Occlusion de l'œil. Collyre
ausulfate
d'atropine. A partir de ce
moment, les symptômes restèrent longtemps
stationnaires. Diminution de l'anesthésietactile de
la 5e paire. La
cor¬néerecouvre peu à peu sa transparence.
La paralysie de la 6° paire
finitpar disparaître à peu
près complètement. Disparition des plaques
d'herpèsau bout d'une
dizaine de jours. Mais la paralysie faciale ne
présenta jamais la plus
légère amélioration. Disparition de la contrac-
tilité électro-musculaire delaface. Ladysphagie seprononce
davantage,
étatde fièvrehabituel, envahissement par un
muguet de la cavité buc¬
cale ; l'amaigrissementen deux
mois devient squelettique; l'intelligence
s'obscurcit,et la maladesuccombe
dans le
marasme,le 7 juillet 1875.
L'autopsie neput être
pratiquée.
La 7e
paire crânienne peut également être frappée de para¬
lysie dans le
courantdu
zonaophtalmique.
Observation de Letulle (')
(Résumée).
Lemaladeprésente une
paralysie faciale droite le 10 mai 1880, trois
semaines après l'apparition
des douleurs névralgiques dans la région
0)In Archives dephysiologie, 1880.
fronto-pariétale droite irradiant dans la paupière supérieure, et deux
semaines après l'apparition d'unzonaoccupantla région frontale droite,
la racine du nezà droite, la paupièresupérieure droite au voisinage de l'angle interne del'œil, l'aile droite du nez. A sonentrée dans le service
de Vulpian, à la Charité, le 25 avril, l'œil droit s'ouvre difficilement,
à cause du gonflement des paupières. Les conjonctives sont rouges et gonflées. La cornée et l'iris sont normaux. Pas de photophobie. Les ganglions sous-maxillaires droits sonttuméfiés etdouloureux;ilen estde même, mais légèrement, à gauche. A la date du 10mai, tous ces phéno¬
mènes ont disparu et la cicatrisation estcomplète, lorsque le malade s'aperçoit toutà coup quele liquide qu'il boit s'échappe de sa
bouche
par la commissure labiale droite. Les aliments s'accumulent dans le
sillongingivo-labial. L'orbiculaire des paupières droitesnepeutoblitérer complètement l'orifice palpébral, cependant
la
paupièresupérieure
droite estlégèrement abaissée. Les rides ont disparu à droite. Le
voile
dupalais, la languesont intacts,l'ouïeestnormale à droite. Le 13
mai,
diminution, puisperte de la contractilité faradique des muscles dela
faceà droite. Anesthésie des territoires des susetsous-orbitairesdroits.
Laparalysiefbciale diminue à partir du 21 mai, et le 30 mai le ma¬
ladequitte l'hôpitalpresqueguéri.
Enfin
Voigt
aobservé dans le
coursd'un
zonacervical
uneparalysie faciale
avecptosis disparaissant
assezrapidement après l'éruption.
« Il existe
quelques observations, dit Sulzer, où l'éruption
zostérienne ne forme
qu'un épisode dans
unsyndrome
ner¬veux
plus
grave...l'hémiplégie pédonculaire
enpremière ligne
».Nous reproduisons
enrésumé les trois observations
que
Brissaud (*)
apubliées
sur cesujet
sousle titre
: «Du
zona
ophtalmique
avechémiplégie croisée
».l«Lapremière observationconcerne unhomme decinquante-quatreans souffrant depuis de longues années de migraines d'une violence
inouïe
avec scotomescintillant,revenantavec uneremarquablepériodicitétous
(•)In Journal de médecineetde chirurgie pratiques, mars 1896.
- 23 —
lescinq ou sixjours etdurant vingt-quatre heures. Le maximum d'in¬
tensité de la douleur correspondait nettement à l'angle interne del'œil gauche et à la partie moyenne du front au-dessus du sourcil gauche.-
Un jour (mars
189(3),
la crise decéphalée fut
remplacée par un zona ophtalmique caractérisé par une éruption d'herpès localisée en deux foyers: l'un au niveau de l'angle interne de l'œil gauche, l'autre au milieu de la moitiégauche du front, c'est-à-dire très exactement dansles deuxrégions où lanévralgie migraineuse s'était toujours
fait
le plusvivement sentir. Trois mois plus tard, le malade tomba brusquement
sans connaissance. Revenu à lui quelques instants après, il s'aperçut qu'il ne pouvait plus ouvrir l'œil gauche. Paralysie
complète
du mo¬teuroculaire commun
(rameaux
extrinsèquesetintrinsèques). En
outre,la parole était devenue embarrassée, sans que cetrouble de langage eût
rien decommun avecl'aphasie corticale, la mémoire des mots n'ayant jamais subi la plus légère atteinte. Peu à peu, ces symptômes se sont
atténués, puis ontdisparu.
2° La deuxième observation se rapporte àun homme de quarante- quatre ans, bien portant, quoique sujet à des
migraines. Un jour, il fut
pris d'uneviolente céphalée occupant toute la moitié gauche du crâne,avecirradiations plus aiguës dans la joue. Cette
névralgie fut suivie
àbrefdélai d'un zona facial avec apparence érysipélateuse; gouflement érythémateux de l'angle externe de l'œil, de la région
malaire
etde la
tempe. Une semaineenviron après la cessation de ladouleur
etde l'éruption
temporo-faciale gauche, le malade tombabrusquement frappé d'apoplexie.
Lorsqu'il reprit connaissance, on le reconnutatteint d'hé¬
miplégiedroite, accompagnée d'aphasie complète,
de rotation conjuguée
dela tête etdes yeux vers la gauche, de nystagmus,
d'hypoesthésie de
toutlecôté droit. Le lendemain, élévation de la température au-dessus
de 40°, sueurs profuses, coma profond; mort quatre
jours
aprèsl'ictus.
3° Latroisième observationa trait àunhomme de soixante-deuxans.
Il y a six ans, zona ophtalmique gauche ayant
laissé des cicatrices
caractéristiques surle front et au voisinage del'angle interne de l'œil
gauche. Une fois le zona guéri,le malade devient
sujet à des migraines
ophtalmiques
(névralgies avec scotomescintillant,
sansptosis ni
diplopie).
Depuis quelques mois, le ptosis est devenu permanent, en même temps tout le côté droit du corps perdit son aisance, lamain
— 24 -
n'était pas capable
de diriger la plume, le pied frottait le sol, la langue
s'embarrassait. Bientôt ces phénomènes
s'amendèrent, disparurent
presque
complètement, le malade put reprendre ses travaux quotidiens,
et,
aujourd'hui,
on neconstate qu'une atrophie et une forte déviation à
droitede lalangue.
Observation de Duméry
(1)
Zona ophtalmique
droit compliqué d'hémiplégie alterne à type
sensitif. Conjonctivite.
Kératite ulcéreuse et leucome. Irido-
cyclite plastique et
synéchies postérieures.
Tisseuse de cinquante et un ans,
mariée,
sansenfant; père mort à
quarante ans
d'hémorragie cérébrale. Paralysie spinale infantile à l'âge
de quatreans, ayant
laissé le membre inférieur gauche très atrophié
avecpied bot en varus
équin. Sujette à de fortes migraines depuis l'âge
de vingt ans. Quatre
semaines après le début de la maladie, le 5 avril
1896, la malade, après un léger
ictus, tombe frappée d'hémiplégie
gauche : langue
fortement déviée à gauche, joue gauche flasque et
abaissée, bouchedéviée à
droite, la tête regarde du côté sain. Le 7 avril,
les membressupérieur et
inférieur gauches sont complètement para¬
lysés et
la sensibilité est abolie de
cecôté. Incontinence d'urine et des
matières fécales. Le 22 novembre 1896, pas
de paralysie faciale; la
maladepeutimprimer à ses
membres supérieur et inférieur gauches de
légers mouvements.
Pas de contracture
;réflexes tendineux abolis à
gauche. Légère
hyperesthésie à la piqûre dans la moitié droite de la
faceet du cou. La malade nous dit qu'elle sent
mieux et plus vite à
droite. Pour les membres et le tronc, il
semble
quela piqûre soit un
peu mieux
sentie
àgauche qu'à droite, mais la différence est moins
nette qu'à la
face.
Pasde paralysie des sphincters.
Nous nous trouvons en somme en
présence du syndrome pédonculaire de Weber, dans lequel la lésion du trijumeau
a
remplacé celle beaucoup plus fréquente du moteur oculaire
commun.
(i) In Thèse de Dumérv.
Thèse de Lyon 1896.
— 25 -
Observations de névrite optique.
Bowmannest le
premier à avoir rapporté
un casde névrite
optique survenant à la suite d'un zona ophtalmique. Cette
observation est restée
quelques années unique dans la
science,
puisque Pacton écrivait
en1878 que l'atrophie de la
papille du nerf optique,
commeconséquence du zona, n'est
pas
prouvée.
Observationde Bowmann
(i) (Résumée).
Homme de quarante-quatre ans;
il fut atteint,
enjanvier 1864, d'un
zonade la moitiégauche du
front, de la région temporale et delà
racine du nez. Pendanttrois semaines, ilsouffrit beaucoup et garda
les
paupières gauches fortementtuméfiées. Lorsqu'il put les ouvrir, le
malades'aperçut qu'il n'y
voyait
pasde l'œil gauche. Actuellement
(mai 1864), la
paupière supérieure gauche est légèrement tuméfiée, la
fentepalpébrale ne
possède
quela moitié de
sahauteur normale. Les
mouvements de l'œil gauche sont normaux; pas
de paralysie delà
3epaire; lapupille est
dilatée
etréagit seulement lorsque la rétinedroite
estimpressionnée par la
lumière. Les sensations lumineuses
nesont
pasperçues. Lesmilieux réfringents sont
clairs. Le disque optique est blanc,
les vaisseaux rétiniens diminués de volume. L'œil droitest normal.
Nous exposons
l'observation de Hubsch, bien que le diag¬
nostic
d'herpès zoster chronique, posé
parHebra (de Vienne),
n'ait pas
été confirmé
parHardy et Bazin.
Observation deHubsch
(2) (Résumée).
Le malade estâgé de
cinquante-deux
ans.Père malingre, marié à
cinquanteans. Mèred'untempérament éminemment nerveux,
asthma¬
tique et sujette à un tic
douloureux de la branche inférieure de la
(1) Ophtalmie Hospital Reports, t.VI, 1869.
(2) Annales d'oculistique, 1872.
- 26 —
5epaire. Le
malade
eutdans
sonenfance la rougeole, la scarlatine, la
variole et, depuisl'âge de douze ans, une
crise mensuelle de migraine.
Il est trèsmyope. Jusqu'à
l'âge de trente
ans,il mène
uneexistence très
sobre, consacrée entièrementauxtravaux
de cabinet, puis il entreprend
à cette époque quelques voyages,
devient interprète d'une grande
ambassade à Constantinople et mène une
vie agitée. Il perdit alors
l'appétit et»le
sommeil
; un voyageramène
un peude calme et lui rend
une partie de ses forces. A
l'âge de quarante
ansenviron, il
commençaà éprouver de vives
démangeaisons dans le dos d'abord, puis qui
s'étendirentdans l'espace d'une année au
ventre, à la poitrine,
auxCuisses etauxbras. Au bout d'un an de souffrances intolérables, sur¬
tout la nuit, onvitapparaître sous la peau
de petites élevures dures,
pâlesau début, passant peu à peu au rouge
vif, de la grandeur d'un
grainde sable à ungrain
de millet, groupées
en anneauxde plusieurs
centaines. Ces éruptions débutèrent
d'abord à la région thoracique,
toujours
simultanément
àdroite et à gauche de l'épine dorsale, et de
l'épine, l'éruption
s'éloignait
versla périphérie de manière à former
une demi-ceinture. Leur apparition fut
précédée
etaccompagnée de
douleurs atroces avec hyperesthésie
extrême de la
peau,pendant trois
à quatrejours,
puis dessiccation et exfoliation. Ces éruptions débutèrent
d'abord à la région thoracique, s'étendant
des omoplates jusqu'au
sacrum graduellement, et
restèrent circonscrites à cette région
uneannée environ. Plustard, elles se montrentauxfesses, aux cuisses,
et
finalement l'abdomen, la face antérieure du thorax, les bras,
les avant-
bras et même la face deviennent le siège du mal. Hebra
(devienne)
posele diagnostic d'herpès zoster
chronique,
que neprécisèrent
pasà
Paris Hardy etBazin. Versla fin de son séjour à
Vienne (il
yavait
passéplusieurs mois) lemaladecommençaà
éprouver
un peud'affaiblis¬
sementde la vue et un léger larmoiement
dès qu'il voulait fixer de
petits objets. Il revint à
Constantinople,
etdurant
uneannée entière
des éruptionspartielles sedéveloppent detempsentemps,
mais rendent
l'existence moins insupportable. Bientôt il s'aperçut que
la
vuede l'œil
droitcommençait àbaisser etquele larmoiementpersistait. A
l'examen
ophtalmoscopique, je découvris unesclérectasie postérieure
assezéten¬
duedu côté nasal; la tache blanche, à contoursirréguliers,
touchait
pres¬que aubord de la papille. Elle semblait de date
ancienne
;la papille me
— 27 —
parut plus petite et partiellement plus blanche qued'habitude; les vais¬
seauxétaient d'un calibre moindrequ'à l'état physiologique; le fond de
l'œilconservaitune rougeur normale. Diagnostic: staphylome posté¬
rieur aveccommencement d'atrophie papillaire. La maladie s'étendit bientôt àl'œil gaucheet lavue baissa trèsrapidement. Au bout de six mois, lapapille de l'œil droit était alors considérablement atrophiée et celle de l'œilgauche pâle, diminuée de volume, les vaisseauxen étaient devenusplus finset le fond de l'œil était terne:il s'agissait d'une atro¬
phie des deux papilles. La vue avait tellement baisséque le malade
avait de la peine àse guider seul dans larue. Le professeur de Grœfe,
à Berlin, constate l'atrophie des papilles. Après être resté quelques
moisdans la clinique de de Grœfe, séjouren Suisse de près d'une année.
De retour à Vienne, anthrax de la nuque, consécutif à l'application
malencontreuse d'un vésicatoire. La vue s'abolit presque totalement, le maladene percevait plus quedes ombres. A son retour à Constantino- ple, l'atrophie papillaire était complète, la perception de la lumière nulle. L'éruption cutanée se manifestait encore, mais plus mitigée et demeuraittoujours partielle, excepté parfois quand elle envahissait le dos. Vie asseztranquille durant six ans. L'année dernière, à la suite de chagrins violents, délire furieux à forme érotique qui nécessite l'inter¬
nement.
Observation de Daguenet
(•) (Résumée).
Lemalade, un officier supérieur de cinquante ans, ne présente aucun antécédent morbide. En avril 1876, après nombre de journées passées
à cheval par le froid et le vent, subitement, douleurs névralgiques semblantpartir du globe oculaire droitet s'irradiant dans le front et la tempedu même côté. Apparition d'une petite plaque rouge sur la partie droite de la racine du nez. Quatre jours après le début, les douleurs
s'exaspèrent
: gonflement de la paupière supérieure. Le malade passe quarante-huit heures dans une chambre complètement obscure, la crise douloureuse secalme et il constate en revenant au jour qu'il ne voit presque plus rien de l'œil droit. Courbature, anorexie, fièvre légère,(D Recueild'ophtalmologie, avril 1877.