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Cadre théorique global et état des lieux de l’enseignement du

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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À Grâce ma très chère épouse, Bien aimée et mère de nos enfants Nour-Delice, Sainte-Gianna et Elior-Bethel, Chers enfants.

À mon père, Toi, qui as guidé mes premiers pas, Et qui m’as conduit sur le chemin de l’école.

À ma défunte mère À mes défunts frères et sœur, Qui m’avez quitté si tôt.

À la famille Kazirukanyo, Je dédie cette thèse.

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Enfin, me voici au bout de ce travail de recherche dont la réalisation a nécessité le concours de beaucoup d’intervenants. En ce moment propice, l’honneur m’échoit de leur adresser un message de remerciement.

Spécialement, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à monsieur Dan Van Raemdonck, professeur à l’Université Libre de Bruxelles et mon directeur de recherche. En plus de sa reconnaissance de mes efforts qui m’encourageait et de sa sensibilité à mes difficultés qui me rassurait, sa perspicacité et ses qualités scientifiques et humaines font de lui la clef de voûte de l’aboutissement de cette réalisation. De même, mes sentiments de gratitude sont adressés à Juvénal Ngorwanubusa, Professeur à l’université du Burundi et mon co-directeur de recherche. En plus qu’il a contribué à ma formation depuis ma première année à l’université du Burundi, il a bienveillamment accepté d’assurer l’encadrement de mes recherches sur le terrain et ses observations méticuleuses et conseils éclairés tout au long de la rédaction ont été un apport précieux à l’édification de cet ouvrage qui arrive à terme. Qu’il y trouve le couronnement de ses efforts.

J’exprime mes sentiments de reconnaissance aussi à l’endroit des Membres du Jury de cette thèse qui m’ont fait honneur en acceptant de consacrer leur cher temps à juger ce travail.

Mes remerciements vont également à l’endroit de la Présidente et des Membres de mon comité d’accompagnement pour avoir accepté d’encadrer ma recherche malgré leur agenda surchargé. Non seulement leurs remarques pertinentes m’ont éclairé sur mon itinéraire tortueux, mais également ils se sont disponibilisés pour m’assurer une assistance aussi bien scientifique qu’administrative chaque fois que j’en exprimais le besoin.

Je reconnais aussi le rôle joué par les équipes du Centre de recherche LaDisco et de la plate- forme Gramm–R. Elles m’ont accueilli dès mon arrivée à l’université et m’ont initié socio- culturellement à ma nouvelle vie qui s’annonçait. En plus, elles m’ont offert des occasions de formation et d’échange qui m’ont été très bénéfiques.

Je dis merci également aux collègues doctorants-chercheurs avec qui j’ai travaillé dans la salle de recherche. Ils ont essayé de combler mon vide en constituant une nouvelle famille, en créant une ambiance favorable à mes travaux de recherche. Là, mention spéciale à Sarah et Lionel pour l’esprit de fraternité et d’entraide dont ils m’ont témoigné à toute occasion de rencontre, d’échange et de partage.

Enfin, je pense aux enseignants burundais de français qui ont accepté de me recevoir fraternellement comme observateur des leçons qu’ils dispensaient, sans oublier les étudiants, les enseignants et professeurs qui ont participé aux différentes enquêtes que j’ai menées.

Je leur dis sincèrement merci.

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AC : Approche communicative

ACA : Association des classiques africains

ACCT : Agence de coopération culturelle et technique AGNEWS : African generation news

AIRDF : Association internationale pour la recherche en didactique du français AML : Archives et musée de la littérature

AMS: American mathematical society

APPC : Association professionnelle des professeurs et professeures de l’administration au collégial

ARA: Association renaissance africaine

ARIC : Association pour la recherche interculturelle

ASDIFLE : Association de didactique du français langue étrangère

BELC : Bureau d'Enseignement de la Langue et de la civilisation françaises à l'étranger BEPES : Bureau d’étude des programmes de l’enseignement secondaire

BER : Bureau d’éducation rural BOB : Bulletin officiel du Burundi CCB: Centre de civilisation burundaise.

CEATL : Conseil européen des associations de traducteurs littéraires CD-ROM: Compact disk read only memory

CEFAN : Culture d'expression française en Amérique du nord CELAB : Centre pour l’enseignement des langues au Burundi

CELEC : Coopération d’échanges en matière linguistique, éducative et culturelle CEMA : Centre d’études des mondes africains

CERI : Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement CIEMI : Centre d’information et d’études sur les migrations internationales CIEP : Centre international d'études pédagogiques

CIRADE : Centre interdisciplinaire de recherche sur l'apprentissage et le développement en éducation

CNDP : Centre national de documentation pédagogique

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CRIPEDIS : Centre de recherche interdisciplinaire sur les pratiques enseignantes et les disciplines scolaires

DESCO : Direction de l’enseignement scolaire (ministère de l’éducation nationale) DLADL : Département de linguistique appliquée et de didactique des langues DLE : Didactique des langues étrangères

EDICEF : Éditions classiques d'expression française EME : Éditions modulaires européennes

EPCA École préparatoire aux carrières administratives EPT : Éducation pour tous

ESF : Éditions sociales françaises

FIPF : Fédération internationale des professeurs de français FLM : Français langue maternelle

FLS : français langue seconde

Ibid. : Même auteur et même endroit.

Id. : Même auteur

Info-Sud : information du Sud

IPS : Inter presse service (agence d’information inter) IRAF : Institut de recherches sur l'avenir du français

IRDP : Institut de recherche et de documentation pédagogique LAF : Lexique actif du français

LE/LM : Langue étrangère/langue maternelle MAO : Méthode audio orale

MAV : Méthode audio visuelle

MENC : Ministère de l’éducation nationale et de la culture MEPS : Ministère de l’enseignement primaire et secondaire

MICEFA : Mission interuniversitaire de coordination des échanges franco-américains MICEFA-Triade : Consortium des universités à Paris

MRAC : Musée royal d’Afrique centrale MRCB : Musée royal du Congo-belge

OIF : Organisation intergouvernementale de la francophonie ONU : Organisation des Nations-Unies

Ortolang. : Outil de recherche pour un traitement optimal de la langue

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PSN : Presses Sorbonne nouvelle PUF : Presses universitaires de France PUG : Presses universitaires de Grenoble PUR : Presses universitaires de Rennes PUV : Presses universitaires de Vincennes QVS : Que vous en semble?

RNEB : Revue nationale d’éducation du Burundi RPP : Régie de productions pédagogiques

s.d. : sans date s.l. sans lieu

SEJER : Société anonyme d’editis constituée des éditions Nathan, Bordas, Retz et Clé International

SGAV : Structuro-global audio- visuelle

SIHFLES : Société internationale pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde SPSS: statistical package for the social sciences

TIC : Technologie d’information et de communication

TICE : Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement TLFQ : Trésor de la langue française au Québec

UED : Unité d’enseignement didactique UIT : Université Ibn Tofail

UNESCO : Organisation des nations-unies pour l’éducation, la science et la culture’

UQAM : Université de Québec à Montréal UQTR : Université de Québec à Trois-Rivières USN : Université Sorbonne Nouvelle

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Intérêt du sujet :

Au Burundi, la langue française a, depuis 1948, gardé une place importante sur le plan sociopolitique. Si son statut d’officialité reconnu dès la même année lui a été nié à partir des années 1990, la décision n’a exercé aucun impact sur l’importance de cette langue dans les faits. Demeuré langue véhiculaire et langue étrangère privilégiée, le français a toujours été matière et langue d’enseignement, langue administrative, un médium des milieux intellectuels et de communication scientifique. À partir du 22 octobre 2014, la langue française a repris son statut de langue officielle au terme des débats parlementaires autour de différents points, la détermination de langues officielles entre autres. Par ailleurs, la position géolinguistique occupée par le Burundi, le seul pays francophone de la Communauté de l’Afrique de l’Est qui est essentiellement anglophone et le rôle joué par le CELAB1 depuis sa création font que le pays est considéré comme « fer de lance du français » (MAZUNYA 2010).

Cette observation indéniable depuis quelques décennies suscite des doutes en ces jours, parce que maints indicateurs montrent que la situation risque de chanceler. Nous citerons notamment la langue anglaise qui s’impose avec une vitesse de croisière, la récente décision gouvernementale de passer du bilinguisme au quadrilinguisme dès le début de la scolarité, l’utilisation des méthodes de français dont les contenus et les méthodologies sont pédagogiquement dépassés. En corollaire, le taux de réussite en français a chuté et il se retrouve de loin inférieur au même taux en anglais. En témoignent les résultats de certaines évaluations externes. Les moyennes des résultats au test de fin de collège montrent que 39 sur 688 établissements, soit 5,52%, ont pu enregistrer 50% en français alors que 244, soit 35,46%

ont totalisé 50% en anglais en 2011 (MEPSEMFPA 2011) tandis que 106 sur 845 établissements, soit 12,54% sont arrivés à totaliser 50% en français contre 223, soit 26,39%

qui ont recensé 50% en anglais en 2012 (MEPSEMFPA 2012). Ce taux d’échecs élevé en français à la fin du collège a des répercussions sur les résultats obtenus au second cycle. À la fin des Humanités, les moyennes du taux de réussite à l’examen d’État sont tellement basses que la commission chargée de l’organisation de cette évaluation externe a pris l’habitude de

1 Un centre créé au début de l’année académique 1984-1985 et qui a conquis une renommée sous-régionale en tant que centre qui organise des formations et des cours de langues destinés aux enseignants et étudiants burundais et à d’autres qui proviennent des pays de la sous-région.

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moyenne de 50% exigée pour franchir les portes de l’enseignement universitaire.

Sans ignorer que cette situation critique est imputable à de multiples causes, nous incriminons surtout le programme de français suivi et à travers lui ses méthodes illustratives dans le sens où elles présentent les structures linguistiques et les références culturelles qui sont nettement différentes de celles de la langue maternelle, comme c’est le cas du français et du kirundi au Burundi. Dans ce contexte, contextualiser ces méthodes constituerait indéniablement un préalable dans l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage du Français. Nous pensons que leur contextualisation concourra à accroître la motivation des apprenants et à réduire le taux élevé des échecs en français pour augmenter le taux de réussite. En outre, l’augmentation de taux des apprenants qui arrivent à bout de leurs études accroîtra l’effectif des francophones burundais et contribuera ainsi à la consolidation des assises du français au Burundi et à enraciner davantage le français en Afrique, un continent sur lequel se fonde l’avenir de la francophonie d’après l’observation d’Abdou Diouf, l’ex-Secrétaire général de l’OIF : « Le français réunit des locuteurs dont le cercle s’élargit, mais dont le centre s’enracine progressivement en Afrique. Ainsi, ce sont désormais les Africains qui décideront de l’avenir de la Francophonie » (WOLFF 2014). Aussi envisageons-nous d’orienter la réflexion dans le domaine de la didactique de langues.

2 Parmi une série de mesures prises par le Gouvernement burundais pour augmenter la qualité à l’enseignement universitaire figure la fixation d’une moyenne minimale de 50% des points comme critère exigé pour franchir la

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Dans le cadre de cette étude, nous nous focaliserons sur la didactique du français langue étrangère – désormais en sigle DFLE dans la suite de ce travail – dans les établissements scolaires, en ciblant le niveau de l’enseignement secondaire burundais. Le sujet tire son origine dans nos expériences et observations faites durant les années passées dans la carrière enseignante. Nous avons presté dans l’enseignement secondaire en qualité d’enseignant de cours de français et avons servi dans l’enseignement universitaire en tant qu’Assistant et Maître-assistant à l’École Normale Supérieure, au Burundi. Au cours de cette période, les cours dispensés sur la base des manuels de français disponibles et les stages des étudiants futurs enseignants que nous avons encadrés nous ont permis de remarquer que les contenus du matériau utilisé sont inappropriés. À la fois décontextualisés, déconnectés du vécu quotidien et difficiles à comprendre, ces contenus exploités démotivent et découragent les apprenants, sans parler de l’impact négatif qu’ils exercent sur le déroulement des leçons. Les cours dispensés tout comme l’encadrement des leçons dispensées par nos stagiaires nous ont donné des occasions d’observer et d’identifier les obstacles auxquels se heurtent les pratiques de l’enseignement. Ces difficultés remarquées ont motivé notre décision de chercher à adjoindre aux contenus décrits ci-avant des documents nationaux. Pour ce faire, nous avons repéré un genre littéraire susceptible d’intéresser les apprenants et comme « la forme littéraire la plus populaire pour les élèves de tous les âges est le conte » Carlo Lazaro-Weis (1990 :112), les contes nous ont paru préférables.

Nous espérons que la mise à contribution des contes burundais pour constituer les contenus- matières culturellement inclusifs avantagera l’apprentissage du français langue étrangère – désigné FLE dès à présent – qui prend en charge la dimension interculturelle. Par ailleurs, l’exploitation des contes burundais en classes de langue dans l’enseignement secondaire constituera une nouveauté car, il nous semble que mêmes les rares recherches sur le conte burundais3 n’ont pas été orientées dans le domaine de la DFLE au niveau de l’enseignement secondaire si nous exceptons notre sujet de mémoire de master où le sujet a été à peine effleuré. Ce sont alors ces documents authentiques que nous voudrions didactiser pour contribuer à l’amélioration de l’enseignement/apprentissage du français. Ainsi l’intitulé de l’étude est: Pour un renouvellement de l’apprentissage du FLE au Burundais : l’apport interculturel de la didactisation des contes burundais.

3 Les recherches menées sur les contes burundais ont jusqu’ici abordé ces documents authentiques nationaux sur le plan littéraire (VANSINA 1972 ; RODEGEM 1973 ; NTABONA 1979 ; NIZIGIYIMANA 1985 ; NIZIGIYIMANA 1987; NTIRAMPEBA 1998).

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Nous croyons que le sujet ainsi titré vient à point nommé. Un regard rétrospectif sur l’évolution et sur la réalité de l’enseignement du français au Burundi montre que le programme suivi sent une odeur du passé. C’est un programme qui accuserait des tares comparativement aux théories, principes et matériaux attestés en didactique contemporaine du FLE. Ce document de référence présenterait des objectifs limités essentiellement à l’aspect linguistique. Il met en œuvre les méthodologies qui sembleraient être dominées par des théories d’enseignement dépassées encore qu’elles sont illustrées par des méthodes incommodes parce qu’elles ne véhiculent que les cultures étrangères et que certains des thèmes révolus qui y sont traités démotiveraient les apprenants. Aussi, leur exploitation exige- t-elle de plus en plus d’efforts de la part des enseignants et des apprenants. En ces circonstances, la mise en exécution d’un pareil programme rend vain tout effort à se conformer aux principes théoriques et méthodologiques reconnus et attestés en didactique contemporaine des langues étrangères.

Ce constat a suscité en nous l’idée de mener une réflexion dont le but premier est de doter ledit programme des composantes conformes aux prescrits de la didactique contemporaine.

C’est ainsi que l’objet de recherche est de partir d’une didactisation des contes burundais pour contribuer à l’amélioration de l’enseignement/apprentissage du FLE au Burundi. Pour ce faire, l’objectif principal de l’étude consiste à caractériser le programme en vigueur, à décrire des stratégies qui aideraient à contourner les obstacles et à proposer un réajustement du programme ciblé. Dans cette optique, nous formulons les principales questions de recherche de la manière suivante: Quelles sont les caractéristiques du programme burundais d’enseignement du français ? Quelle est la réalité des pratiques enseignantes au Burundi?

Quelles stratégies faudra-t-il prendre pour combler des lacunes qui seront mises en évidence?

Quelles propositions concrètes peut-on faire en vue d’adapter le programme aux théories et principes attestés en didactique contemporaine du FLE?

La problématique et les questions qu’elle soulève nous incitent à nous faire des réponses

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interculturelle. Troisièmement, la conception des démarches méthodologiques inspirées du constructivisme et du cognitivisme et leur mise en œuvre en exploitant un support culturellement inclusif avantageraient un apprentissage du FLE intégrant l’approche interculturelle et conduiraient au développement des compétences requises pour l’acquisition d’un réel savoir-faire communicatif en FLE.

Méthodologie suivie

Pour confirmer ou infirmer ces hypothèses, nous comptons mettre en œuvre une méthodologie de recherche qui combine des phases de documentation et de descentes sur le terrain.

Durant les phases de documentation, nous nous attèlerons principalement à compulser des ouvrages et à consulter des documents publiés aux sites internet. L’intérêt portera sur des documents variés et dont certains développent des théories ou relatent des expériences pratiques sur la didactique du français et sur l’interculturel tandis que d’autres font le point sur l’histoire de la langue française au Burundi et sur les contenus des programmes suivis en matière de l’enseignement du français au pays précité. De cette façon, nous espérons rassembler une information assez diversifiée qui nous permettra d’élucider les concepts pilotes du sujet, de décrire succinctement l’état actuel de recherches sur la DFLE d’un côté, de disposer des données nécessaires pour retracer l’évolution de la langue française au Burundi et mettre en évidence les caractéristiques du programme burundais d’enseignement de français de l’autre. Notre attention se focalisera aussi sur des documents qui présentent des modèles théoriques et pratiques sur les manières de mener des enquêtes qualitatives et d’analyser qualitativement les données recueillies, sur les méthodes de traduction et sur les façons de confectionner et d’expérimenter les documents pédagogiques.

En ce qui est des descentes sur le terrain que nous projetons effectuer dans des établissements secondaires burundais, nous en envisageons trois qui nous offriront des occasions de mener l’enquête sur la réalité des pratiques enseignantes, d’expérimenter les documents pédagogiques conçus en vue de didactiser les contes nationaux et de faire valider les résultats de l’expérimentation auprès des formateurs de formateurs.

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aboutir aux résultats tangibles et fiables. Nous passerons en revue la littérature autour de l’état de connaissances sur la DFLE, sur la situation de la langue française au Burundi en milieux scolaire et professionnel d’une part ; nous mettrons en exergue les lacunes du programme d’enseignement du français aussi bien en théorie qu’en pratique d’autre part. À partir des lacunes qui seront relevées, nous proposerons des stratégies pour les combler. Dans cette perspective, nous comptons mettre à contribution la didactisation des contes burundais et montrer que l’exploitation des contes en classes de langues favoriserait les activités de classes de FLE et l’intégration de la dimension interculturelle. Pour y arriver, nous collecterons d’abord les contes nationaux transcrits en kirundi et les traduirons en français, puis nous élaborerons les objectifs et les démarches pédagogiques inspirés des théories contemporaines d’apprentissage. Nous simulerons ensuite une didactisation de contes burundais en poursuivant les objectifs d’apprentissage et les orientations méthodologiques élaborés à cette fin. Enfin, à partir de cet exemple de la didactisation simulée, nous confectionnerons une fiche pédagogique sur la base de laquelle les documents mis sur pied vont être expérimentés sur le terrain. Nous comptons faire une expérimentation qui consistera en une recherche qualitative et où les données recueillies seront traitées suivant le modèle d’analyse de type qualitatif.

L’information qui en résultera fera l’objet de sondage auprès des formateurs de formateurs pour confirmation ou infirmation. En cas de confirmation, nous prendrons appui sur les mêmes composantes pour proposer un réajustement du programme concerné en le dotant des objectifs d’apprentissage, des contenus-matières et des orientations méthodologiques qui seront conformes aux principes théoriques contemporains de la DFLE.

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PREMIÈRE PARTIE

Cadre théorique global et état des lieux de l’enseignement du

français au Burundi

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Chapitre 1: Cadrage du sujet, place de la DFLE, rôle de l’interculturel et évolution du français et de son enseignement au Burundi

Aborder la didactique du français comme sujet de recherche en deuxième décennie du XXIe siècle et au seuil du « millénaire plurilingue et pluriculturel » (WEISS 2001 :110) exige une certaine prudence, parce qu’il s’agit d’un domaine vaste et d’un terrain assez exploité par d’autres chercheurs. Cette conscience de l’immensité du champ d’investigation et de l’intérêt que celui-ci a suscité et suscite encore pour plus d’un chercheur nous a incité à cadrer le champ d’investigation pour pouvoir ainsi emboiter le pas aux autres chercheurs antérieurs.

1.1. Cadrage du sujet, place de la DFLE et rôle de l’interculturel

1.1.1. Lumière sur les concepts pilotes du sujet

Le libellé de ce sujet comprend FLE, interculturel et didactisation qui sont trois concepts qui paraissent essentiels. Dans l’intention d’en faciliter la compréhension, nous voudrions apporter un certain nombre d’éclaircissements.

Français langue étrangère

Tout au long de son parcours évolutif, l’enseignement du français a connu plusieurs aspects.

En fonction de publics d’apprenants, des situations d’apprentissage et de ses statuts, cet enseignement a été envisagé tantôt comme un « français unitaire4 », tantôt comme un duo des FLM et FLE, tantôt comme un trio des FLM, FLS, FLE. Comme faire évoluer les sciences est la préoccupation majeure des scientifiques, certains didacticiens estiment qu’il serait plus logique de passer du trio au quatuor. Pensons à Anne-Rosine Delbart (2006 : 227) selon qui la tripartition FLE-FLS-FLM – avec son FLS tantôt hybride du FLM, tantôt avatar du FLE –, pourrait être remplacée par un quatuor défini sur la double base de la langue pratiquée à la maison et de la situation scolaire de la langue enseignée. Aussi envisage-t-elle successivement le FLMS1, le FLES1, le FLMS2 et le FLES25. Au cas où nous nous inspirerions de cette réflexion, qui est par ailleurs fondée sur une classification qui dissipe les points d’ombre

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entourant le concept de FLS, nous dirions que les apprenants burundais s’inscriraient dans le sous-ensemble FLES2. Mais pour le moment, malgré le mérite d’une pareille classification, elle ne peut pas nous préoccuper, parce que nous ne voulons pas dépasser le cadre de notre sujet dont le développement compte apporter une contribution à l’amélioration de l’apprentissage du FLE, l’une des composantes du trio FLE-FLS-FLM car, il nous semble que le français est à la fois considéré et enseigné comme tel au Burundi.

Mais quel sens pouvons-nous attribuer à chacune des composantes de la tripartition évoquée?

D’après Louise Dabène et Sophie Moirand citées par Jean-Pierre Robert (2002), le FLM est un parler vernaculaire ou langue de référence, une situation inexistante en Afrique. Dans le contexte africain par contre, il s’observe le tandem FLS et FLE dont les éléments peuvent être discernés en se référant à l’ordre de succession de l’apprentissage de chacun des deux et à la possibilité ou non de leur pratique quotidienne par les apprenants. Selon Pierre Martinez, pour le même individu, la langue seconde sera toute langue qu’il aura apprise ensuite, par exemple à l’école et non plus dans le milieu proche où il a été élevé ; la langue étrangère se distingue par son caractère de langue apprise après la première et sans qu’un contexte de pratique sociale quotidienne ou fréquente accompagne cet apprentissage (2004 : 20). En plus, le FLS et le FLE se distinguent sur la base de la situation des usagers par rapport à cette langue à en croire Jean-Pierre Cuq qui considère que « le français est une langue étrangère, pour tous ceux qui, ne le reconnaissant pas comme langue maternelle, entrent dans le processus plus ou moins volontaire d’appropriation, et pour tous ceux qui, qu’ils le reconnaissent ou non comme langue maternelle, en font objet d’un enseignement à des parleurs non natifs » [entrée Langue étrangère, 2e colonne] (2003 : 150). Ces acceptions décrivent des situations transposables au Burundi où l’apprenant du français rencontre et pratique ce médium à l’école seulement et où la quasi-totalité des enseignants sont des non francophones de naissance.

Le FLE étant au départ une simple pratique de la langue, sa tendance a été de se constituer en une discipline. Voyons ci-après succinctement son cheminement.

FLE vers une discipline autonome

Considérée comme la réflexion sur une pratique, la didactique du FLE existait en France depuis 1829 (ANSALONE 1994 : 19) et était reconnue aux universités de Groningen (Hollande) dès 1884 (KOKESCALLE 2003 : 111) et de Neuchâtel (Suisse) en 1892 (TERRIER 1997). Mais en tant que champ disciplinaire, sa constitution a été lente. Son

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champ a été véritablement formé à partir de 19456 » (PORCHER 1987 : 44 ; ALLAIN 1984).

Dans la période des années 50 et 70 ont eu lieu « deux révolutions » dans son enseignement (ANSALONE 1994 : 19 ; PORCHER 1995 : 17 ; DORIER et al. 2013 : 9-14). Les années 1960, virent voir le jour deux institutions – Crédif et Belc – et une revue Le Français dans le monde fut créée. Ces institutions ont alors accompagné et consolidé la discipline qui se recherchait encore (PORCHER 1995 : 11-12). Si le français langue étrangère a été généralisé dans l’enseignement dans les années 1960 (COSTE 1980 : 15), la discipline a conquis « ses lettres de noblesse » (ROBERT 2002 : 76) grâce au rapport Auba7 remis au ministre français de l’éducation nationale en 1982, et surtout avec la mise en place des filières universitaires qui délivrent, au terme du cursus, des diplômes de licence "mention français langue étrangère " et de maîtrise " didactique du français langue étrangère" à finalités professionnelles ( ANSALONE 1994 : 19 ; PORCHER 1995 : 17-18). Cette installation de la discipline dans le champ universitaire a contribué à répondre à l’interrogation sur le degré de scientificité de cette didactique et cela a participé à rasséréner les didacticiens sur la légitimité de leur action.

À partir de sa constitution comme discipline scientifique à part entière, la DFLE, à l’instar de la DLE dont elle constitue un sous-ensemble, s’est dotée d’une approche méthodologique qui a connu elle-même un développement. Mais, étant donné que ce sujet est orienté en contexte africain, et plus exactement au Burundi, il importe de prendre en compte les réalités socioculturelles dont l’influence est évidente sur le français appris par les apprenants burundais. Cette situation nous amène à rejoindre Louis Porcher qui estime que l’enseignement du français en Afrique francophone fonctionne sur deux registres à la fois : celui du français langue maternelle et celui du français langue étrangère et que tout le problème didactique se pose précisément là : comment construire une pédagogie adéquate à cet environnement ? (1995 : 91).

Ce problème didactique principal observé à l’échelle africaine ne l’est pas moins au Burundi où des matériels et supports didactiques pour l’enseignement des langues sont à la fois

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insuffisants et peu adaptés, tandis que des méthodologies utilisées évoluent lentement et se diffusent très difficilement. Nous y reviendrons.

Le second concept qui nécessite un peu de commentaires est celui de l’interculturel.

Interculturel

Si le culturel n’était abordé que sous forme de Civilisation jusqu’aux années 1960 en milieu scolaire (ROBERT 2002 : 46), si son incorporation au cours de langues étrangères date de 1973 suite à la mise en place de l’enseignement de langues et cultures d’origine (LESCURE 1990 : 38 ; PORCHER 1995 : 53 ; CORTIER 2003 : 61), l’interculturel a été forgé au début des années 1970 suite à la massification scolaire qui rendait l’école plus sensible aux problèmes éducatifs propres aux enfants d’origine étrangère (CUQ 2003 : 136 ; KERZIL et VINSONNEAU 2004 : 68 ; BERTHELIER 2006 : 169). Peu d’années après, un enseignement des langues et cultures régionales a été introduit dans les classes primaires et un guide définissant les grandes lignes d’un programme d’études pour l’éducation multiculturelle a été publié en France en 1976 et révisé en 1991, avant d’être adopté par la National Council for the Social Studies (ABDALLAH-PRETCEILLE 1999 : 30). Suite à cette mise en relation des cultures différentes prônée par les didacticiens des langues, des phénomènes sociaux tels que l’acculturation et la déculturation se sont développés8, d’un côté ; le multiculturel, pluriculturel et l’interculturel de l’autre. Pour distinguer ces trois derniers cas résultant de la coexistence des cultures au sein d’une même société, il est possible de se référer à José Manuel Da Costa Esteves. D’après cette auteure, le multiculturalisme est la conscience de la diversité en société, le pluriculturalisme désigne la conscience qu’une identité se constitue et se nourrit de différentes cultures et l’interculturel est la conscience que toute communication est liée aux cultures de l’autre et aux conventions culturelles (2009 : 201). La reformulation de ces définitions amènerait à dire que « le multi et le pluri culturel met l’accent sur la reconnaissance et la coexistence d’entités culturelles distinctes en donnant la priorité au groupe d’appartenance, tandis que l’interculturel est caractérisé par une prise en considération des interactions entre des groupes, des individus, des identités » (MAGA 2005). Par déduction, l’interculturel met à l’honneur des relations interactives bénéfiques pour les

8 Selon Jean-Marc Defays (2003), on fait appel au terme acculturation pour désigner une solution où la rencontre de deux cultures différentes est soldée par une adoption d’une culture ou de la langue de l’autre par l’une des parties en présence. Le terme peut aussi signifier une adoption progressive par un groupe humain de la culture et des valeurs d’un autre groupe humain qui se trouve, relativement à lui, en position dominante et par extension, l’adaptation d’un individu à une culture étrangère d’après la neuvième édition du Dictionnaire de l’académie française (1992). Quant au terme déculturation, il est utilisé pour signifer la perte de toutes les valeurs de référence, sans assimilation en contrepartie de celles des autres à en croire Renaud Camus (2008).

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protagonistes en présence. Voilà pourquoi la démarche interculturelle est très sollicitée en DFLE où il a été introduit vers le début des années 1980 (BERTHELIER 2006 : 159) par Geneviève Zarate qui l’a introduit au Belc en 1979. Par la suite, cet effort a été étayé par des propositions de productions parmi lesquelles nous retenons des articles9 comme "Du dialogue des cultures à la démarche interculturelle" de cette même auteure, "la perception de l'autre" de Martine Abdallah-Pretceille et « Éduquer la perception interculturelle » d’Henri Besse. Dès 1986, grâce à Louis Porcher, l’interculturel est élargi à l’apprentissage du FLE (LESCURE 1990 : 38 ; PORCHER. 1995 : 60). Par rapport à l’acception du concept interculturel, des définitions proposées par divers auteurs et institutions (CONSEIL DE L’EUROPE 2001 ; CUQ 2003 : 136 [entrée Interculturelle, 2e colonne] ; DINCA 2006 : 136 ; KEAST 2007 : 50) convergent à s’accorder que le préfixe « inter- » insinue les échanges, les connexions, les interactions et l’élimination des barrières et que la « culture » évoque la reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquels les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se réfèrent dans les relations avec les autres et dans les conceptions du monde.

Bien que l’avis de certains didacticiens qui tendaient, dès les premières années de l’avènement de l’interculturel, à « l’enfermer dans le réduit d’une " culture scolaire inventée pour les migrants" » (CUQ 2003 : 137 [Entrée interculturel, 1e colonne]), il est actuellement affirmé que l’interculturel est un principe destiné à tous les apprenants du système scolaire puisqu’il vise la complémentarité de différentes cultures et leur enrichissement mutuel (BERTHELIER 2006 : 155).

Didactisation

Parler de la « didactisation » implique l’évocation du concept didactique, une terminologie à partir de laquelle ce vocable a été formé et qui constitue même la toile de fond de ce sujet.

Signalons d’emblée que le terme « didactique » ne date pas d’hier. Emprunté du grec tardif dès 1554, la lexie fait penser à ce qui vise à instruire, à ce qui a rapport à l’enseignement (GUILBERT 1972 : 1316 ; REY-DEBOVE et REY 2012: 734 [entrées didactique]). Mais, c’est avec la fin du XIXe siècle que la didactique10 des langues fit son émergence. Et, de 1920

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jusqu’à 1960, elle est devenue une DLE.. Dès lors, la richesse du domaine et la curiosité qu’elle n’a cessé de susciter poussent Denis Lehmann (1990 : 137) à la qualifier de « forêt didacticienne » quelque peu « labyrinthique ». Ce domaine a alors attiré plus d’un didacticien de langues dont certains sont partis du vocable didactique pour forger de nouvelles terminologies, soit par création de mot-valise – heuridactique (GALISSON 1990 : 79) –, soit par dérivation – didactologie (GALISSON 1990 : 79) 11 ; POCHARD 1981 ; CUQ et GRUCA 2003 : 8), didactologue et didactologique (PUREN 1994 : 8), didactisme, didactiser et didactisation, pour ne citer que ceux-là. Le dernier néologisme défini comme « fait de rendre didactique, approprié à l’enseignement, à la pédagogie » d’après le dictionnaire français en ligne (2008 [entrée didactisation]), continue à conquérir de nouvelles acceptions dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères. Nous mentionnerions par exemple le sens d’« opération consistant à transformer ou à exploiter un document langagier brut pour en faire un objet d’enseignement » (CUQ 2003 : 71). À la suite de ces deux précédentes définitions, les didacticiens regroupés au sein du DLADL (1999) définissent des documents didactisés comme « des documents authentiques qui ont été adaptés ou remaniés à des fins pédagogiques ». L’engouement pour ce néologisme a été tellement réel que les didacticiens Jean-Louis Chiss (1998) et Pascal Duplessis (2001) en l’occurrence, lui consacrent leurs ouvrages. Ailleurs, le vocable constitue le noyau des syntagmes nominaux tels que didactisation des documents authentiques (HARDY 2005), didactisation des médias (DUPLESSIS 2010), didactisation de l’écriture (2006) et didactisation des contes (EL HOUSSINE 2010). Un tel attrait remarquable chez beaucoup de didacticiens nous encourage à proposer une didactisation des contes burundais.

Limitons l’élucidation des concepts pilotes par ici, pour revenir un peu sur la situation générale de la DFLE et sur le rôle qu’elle réserve à l’interculturel.

11Robert Galisson fait mention du terme « didactologie », mais il reconnaît que le vocable est apparu pour la première fois dans la thèse de doctorat de Jean-Claude Pochard en 1981.

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1.1.2. Évolution de la Didactique du FLE

La DFLE qui a conquis le statut de scientificité via la spécificité de ses méthodes est également considérée comme discipline autonome par rapport à ses aînées – les sciences du langage ou les sciences de l’éducation (LANDIER 2003). La discipline a cheminé et continue sur sa voie sinueuse et rebondissante, à l’instar d’autres disciplines des langues. Elle est une discipline en perpétuelle construction et qui n’aboutit jamais à ses vérités apodictiques (ANSALONE 1994 :19). Selon Richard Lescure qui considère ces mutations comme des changements, ruptures, ruptures profondes parfois, cette disparition d’un discours au profit d’un autre discours idéologiquement marqué est normale parce que les sciences sont des discours critiques mais progressifs (1990 : 31). Dans cette évolution lente mais non moins continuelle, la DFLE, comme les autres didactiques des langues, interroge les sciences humaines et sociales et emprunte à ces disciplines de référence (GALISSON et COSTE 1976 : 151 ; GALISSON 1990 : 75-79 ; LESCURE 1990 : 32 ; LEHMANN 1990 : 138) avec lesquelles elle entretient de rapports d’emboîtement, de concurrence, de recoupement, d’implication etc. d’après les expressions employées par Louis Porcher (1987 :44). Autrement dit, il s’établit une relation d’interdisciplinarité au sens où il s’observe « des échanges et des interactions entre ces disciplines permettant un enrichissement et une fécondation mutuelle » (CUQ 2003 : 138 [entrée interdisciplinarité, 2e colonne]). L’illustration de cet entrelacement de liens paraît à travers de diverses casquettes portées par les enseignants du FLE. Pour y voir clair, référons-nous à Louis Porcher (1987 : 49-50) :

Les enseignants du Français Langue Etrangère relèvent de la linguistique parce qu’ils enseignent une langue, des langues étrangères parce qu’ils enseignent une langue étrangère, du français parce qu’ils enseignent une langue française, des sciences de l’éducation parce qu’ils enseignent, des sciences de l’information et de la communication parce qu’ils enseignent les moyens d’une communication.

Cependant, la jeune discipline tire sa spécificité démarcative vis-à-vis de ses aînées au niveau de l’objet d’étude – la langue et la culture à enseigner/apprendre –, au niveau des objectifs à atteindre et des méthodes à mettre en œuvre (GALISSON 1990 : 75 ). Son champ s’est progressivement étendu jusqu’à s’imposer face aux domaines qui l’équivalaient ou la

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2003 : 64) comme le confirme Jean-Claude Beacco (2001 : 62) : « Désormais, les linguistiques, tout appliquées qu’elles soient, ne sauraient tenir lieu de didactique ».

Un phénomène similaire s’observe avec la pédagogie. Si cette dernière dominait la didactique au départ, elle n’occupe plus la même position depuis les années 1990 à en croire Robert Galisson. Aujourd’hui, affirme-t-il, dans le domaine, la pédagogie est devenue un sous- produit de la didactique (1990 :79). Aussi la didactique des langues a-t-elle vu « son territoire de recherche s’étendre, puisqu’on est passé d’interrogations sur la classe à d’autres concernant toutes les formes d’appropriation […], d’interrogations sur l’objet à enseigner à des recherches sur toutes les parties prenantes de l’enseignement/apprentissage » (BEACCO 2001 : 63).

Cette expansion de la DFLE a suscité l’instauration d’une didactique moderne qui priorise plus la parole que la langue dès lors que l’usage des documents authentiques s’est imposé12. Alors, s’imposa le discours au détriment du code comme l’objet de l’apprentissage. C’est même dans ce dessein que doit se concevoir l’enseignement du FLE car, « enseigner la grammaire consiste à aider l’apprenant à saisir la relation entre des structures grammaticales et trois autres dimensions de la langue : la dimension sociale, la dimension sémantique et la dimension discursive » (CELCE-MURCIA et HILLES 1988) cités par Claude Germain (1995 : 167).

Par cette mise à l’honneur de la parole et du discours, la DFLE privilégie les principes de l’approche communicative des décennies 1980 et 1990. Cette importance accordée plus à l’énonciation qu’à l’énoncé a été le fondement même de l’avènement d’une perspective actionnelle qui est inscrite dans le prolongement de l’approche communicative dès les années 2000, puisqu’elle considère les apprenants comme des acteurs sociaux et postule que l’action doit susciter l’interaction qui stimule le développement des compétences réceptives et interactives.

La DFLE a aussi bénéficié de l’apport des technologies modernes. À l’instar d’autres didactiques des langues, elle a été appuyée et modernisée par l’apport de systèmes multimédia et de l’internet. Ces innovations technologiques qui datent de la deuxième moitié du XXe

12Dans l’introduction de leur ouvrage, Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca font observer que le discrédit des manuels habituels en faveur des documents authentiques a bousculé l’apprentissage centré sur la langue au profit de l’apprentissage articulé sur la parole. Quant au sens à donner à l’origine et au rôle de ces nouveaux types de document, la lumière est donnée aussi bien par Robert Galisson (1990) que par Jean-Marc Defays (2003). La synthèse de l’information qu’ils livrent montre que de tels supports naturels sont arrachés au monde extrascolaire et sont introduits en situation fictive dans l’acte éducatif.

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siècle ont suscité l’engouement des méthodologues de l’époque. À titre indicatif, Philippe Perrenoud rapporte que d’immenses espoirs se fondaient sur l’intégration de la vidéo à l’enseignement surtout à partir des années 1970 (2006 : 132). Ces espoirs étaient réels au sens où l’utilisation de ces nouveaux médias et « e-médias »13 dans l’enseignement/apprentissage des langues étrangères a mis à la disposition des enseignants et des apprenants un matériel approprié et complémentaire pour un apprentissage efficace.

Au regard des étapes évolutives de la DFLE, de ses relations avec d’autres disciplines et surtout de l’appui assuré par le renouveau technologique dont elle a bénéficié, nous pouvons affirmer, avec Robert Galisson, qu’elle a un statut de discipline mixte, relevant parfois de la science, parfois de la technologie, mais se réclamant toujours d’un humanisme (1990 : 77).

Des réflexions menées – dans des colloques et à travers des publications scientifiques – pour établir le rapport entre l’enseignement du français et les enseignements du tandem (FLE, FLS) ont suscité, depuis le milieu des années 1980, la pensée que ce sont les diverses situations d’enseignement et d’apprentissage du français qui prévalent, et déterminent donc a priori plusieurs didactiques du français (CUQ et GRUCA 2003 : 67). Cependant, dans la dernière décennie du XXe siècle, certains didacticiens estiment que ledit rapport suscite un doute. Et deux opinions sont opposables : les tenants de la didactique du français séparée (COLAS- BLAISE 200314 ; CORTIER 2003 ; LE FRANC 2003 ; COSTE 2006), d’un côté ; et d’autres qui pensent autrement, Suzanne-Geneviève Chartrand et Marie-Christine Paret (1995) en l’occurrence, se montrent plutôt favorables à une didactique unifiée, de l’autre. Comme argument avancé, les objectifs d’enseignement en classes de FLE, de FLS et de FLM – dans lesquelles est enseigné le français public, standard et normatif – sont actuellement rapprochés, et, en conséquence, les savoirs à enseigner et les savoirs enseignés semblent de plus en plus proches les uns des autres, en FLE, en FLS et en FLM, rapporte Marion Colas-Blaise (2003 : 45). Ailleurs, les mêmes chercheures (2005 : 177) précisent que des rapprochements du trio FLE, de FLS et de FLM sont nécessaires et estiment que la confrontation des expériences théoriques et pratiques permettra l’évaluation des spécificités de différents domaines en vue

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d’établir la nécessité de l’autonomie de la didactique du français langue maternelle ou plutôt construire un domaine disciplinaire appelé didactique du français.

Cependant, objectent Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca, une telle position, « fondée sur le principe du type linguistique, […], paraît difficile à soutenir [car] elle équivaudrait, en rejetant à l’arrière- plan les situations d’enseignement et d’apprentissage, à revenir à une linguistique appliquée mal comprise, ce qui serait, finalement, faire un bon d’une vingtaine d’années en arrière » (2003 : 68). Ici, les auteurs situent une telle démarche pédagogique à la période antérieure aux années 1980 où les objectifs communicatifs et interculturels n’étaient pas encore considérés comme souci majeur dans l’apprentissage des langues. Par ailleurs, même si le décloisonnement du tandem irait à être affirmé, l’idée d’une didactique unifiée demeure impossible si nous nous plaçons du côté de la pédagogie de l’interculturel. Et c’est dans le même sens que semble abonder Amor Séoud. Selon cet auteur, une nouvelle distinction opposera, du point de vue de l’interculturel, l’enseignement-apprentissage de la langue et de la culture à l’enseignement-apprentissage de la littérature, si la distinction FLE-FLS perd sa pertinence (2003 : 112-113 ).

Encore faudrait-il ajouter que d’autres chercheurs se prononcent contre une didactique unifiée mais fondent la séparation sur d’autres critères. Ils démontrent que la diversification des contextes socioculturels engendre des spécificités dont l’apprentissage du FLE ne pourrait se passer en milieux non francophones. Un tel constat est fait à l’issue d’une enquête réalisée au Japon en 2002 (ISHIKAWA 2006 : 133) :

Il n’y aurait qu’une seule didactique du FLE qui devrait être diversifiée selon le contexte social en dehors de classe de langue. Les facteurs socioculturels spécifiques du pays où le français est enseigné tel que la politique éducative est planifiée et organisée sur le plan universitaire, l’élaboration et la mise en œuvre du système de formation des enseignants pourraient exercer une grande influence sur les modalités d’enseignement, et par là, sur la construction et des représentations concernant la langue enseignée et sur la valeur générale accordée à l’enseignement du français.

De ces différents arguments, il est possible de déduire que l’idée du décloisonnement de ces champs didactiques n’est pas soutenable, parce que l’unification en question ne serait qu’un recul qui conduirait à remettre en cause les différents domaines du français et qui pousserait à occulter le contexte socioculturel sur lequel se fonde la pédagogie de l’interculturel. Comment pourrait-on, par exemple, penser à une didactique unifiée pour enseigner le français aux

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apprenants français, sénégalais et burundais ? Les didactiques du FLM, du FLS et du FLE ainsi que les contextes socioculturels sont ici convoqués. L’idée pareille va être explicitée dans la suite de cette réflexion. En attendant, voyons tant soit peu la place que la didactique du FLE réserve à l’interculturel.

1.1.3. La place réservée à l’interculturel en didactique du FLE

Rappelons que l’interculturel a été sollicité en DFLE au cours d’une période où les didacticiens des langues étrangères professaient une interaction communicative dont l’action est centrée sur l’apprenant. Dans la logique de cette nouvelle démarche pédagogique, l’enseignant est invité à « comprendre pourquoi les différences culturelles entraînent des problèmes d’apprentissage et d’enseignement, et à tirer des conséquences méthodologiques des réponses à ces questions » (CUQ et GRUCA 2003 : 60). Cette prise en compte du dialogue des cultures dans l’enseignement/apprentissage des langues a eu deux principales implications. D’une part, l’interculturel contribue à la survie des valeurs culturelles nationales et à la connaissance de celles d’autrui, comme le fait comprendre Mohammed Ben Jelloun (2007):

L’adoption d’une stratégie didactique interculturelle éveille cet esprit critique, ce regard neuf qui, par le biais de multiples rapports et mises en perspective, est l’un des meilleurs moyens de renforcer la connaissance de sa propre culture et de celle de l’autre. La dimension interculturelle s’avère donc, dans un cadre de communication didactique, un excellent facteur d’évolution, de reconsidération plus consciente, et plus objective, de la complexité de son propre patrimoine culturel et de celui des autres cultures.

D’autre part, cette nouvelle orientation pédagogique poursuit un objectif langagier qui va au- delà de la simple communication pour amener les apprenants à un réel savoir-faire. Ainsi, dans leur expression, les apprenants sont amenés, à apprendre, à utiliser les formes et à adopter les comportements et attitudes langagières reconnus, de manière à être compris par leur interlocuteur et, dans leur compréhension, à pouvoir identifier, reconnaître et interpréter correctement les attitudes et comportements mis en jeu par leur interlocuteur (MAGA 2005).

Alors, les compétences linguistiques ne sont plus une fin en soi, mais un passage pour

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participer activement à l’élaboration de nouvelles formes culturelles issues de ces contacts » (DEFAYS 2003 : 78). Le même auteur rappelle que le mérite de cette approche est d’inviter les apprenants à une autocritique de soi et à la tolérance face aux cultures pour favoriser l’intercompréhension (ibid.):

Elle actionne en effet une dialectique entre l’universel et le pa rticulier qui permet de coordonner et de dépasser les différences culturelles. Cette approche est foncièrement critique, auto-réflexive, interactive et constructive. Son orientation idéologique consiste à prendre résolument le parti de la diversité culturelle et à miser sur l’intercompréhension – qui peut aussi s’apprendre en classe – pour rendre le monde meilleur.

Ici, il convient de remarquer que l’apprentissage du FLE qui vise aussi le relativisme culturel15 a le mérite de positiver et d’objectiver l’altérité. L’observation est affirmée et explicitée par Daniela Dinca selon qui « la communication interculturelle met l’accent sur l’interaction c’est-à-dire sur le processus d’échange entre deux interlocuteurs qui acceptent l’identité de l’autre et qui essaient, en même temps, d’établir la communication au-delà des stéréotypes et des préjugés » [les italiques sont de l’extrait cité] (2006 :136).

Encore faudrait-il ajouter que certains didacticiens pensent que la compétence interculturelle déclencherait d’autres compétences. De ceux- là, citons Mohammed Ben Jelloun qui estime que « l’acquisition d’une compétence culturelle et interculturelle est un catalyseur de développement d’autres compétences langagières, à savoir la compétence linguistique, la compétence communicative et la compétence transversale16 » (2007). Comme argument, il s’interroge si la prise en compte de la dimension culturelle et interculturelle ne serait pas l’un des moyens efficaces pour supprimer le malaise linguistique pour faciliter l’accès à la langue en faveur d’une communication la plus authentique.

Eu égard à ce qui précède, il apparaît évident que la place réservée à l’interculturel est d’une grande importance en milieux scolaires et particulièrement ceux non francophones où la langue et la culture enseignées aux apprenants leur sont étrangères. Après ce survol rapide de

15 Dans son ouvrage L’école à l’épreuve des cultures (2008), et plus exactement au chapitre consacré au relativisme culturel, Gérard Barthoux mentionne que ce concept se fonde sur l’idée que les savoirs et les valeurs n’ont de sens qu’à l’intérieur du système culturel qui les a élaborés. Il poursuit en précisant que l’expression peut être définie comme une théorie selon laquelle tout idéal ou tout modèle culturel est circonscrit dans son aire de validité relative, et que, par conséquent, personne n’est en droit universel ni dans l’absolu supérieur à d’autres, et qu’il n’existe pas de critère permettant d’évaluer les croyances, les comportements ou la pratique des autres cultures.

16Par compétence transversale, on veut désigner l’habileté à bien communiquer dans différentes circonstances sans aucun complexe d’ordre linguistique, social, culturel, sémiologique et psychologique.

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la situation de la DFLE en général, nous voudrions nous pencher sur l’état des lieux de la didactique du français au Burundi. Tel est l’objet de la section suivante.

1.2. Évolution du français et de son enseignement au Burundi

Colonisé par une puissance francophone, pays membre de la francophonie et ouvert à la coopération internationale, le Burundi cumule des facteurs explicatifs de l’utilisation de la langue française sur son territoire. Le français est l’une des quatre langues parlées, écrites et enseignées au Burundi – avec le kirundi, le kiswahili et l’anglais. Sa particularité est d’avoir un historique spécifique. Voyons-le brièvement.

1.2.1. L’évolution politico-sociale de la langue française au Burundi

L’époque coloniale (1896-1962)

Au Burundi, l’introduction du français comme langue parlée et enseignée a connu un certain retard au regard du début de la colonisation. Nous signalons que les Missionnaires Blancs qui furent les premiers à débarquer sur le sol burundais17 et même les colons allemands n’ont manifesté aucune intention d’introduire le français durant toute la période du protectorat qui est allée de189618 (NDUWIMANA 1987 ; MAZUNYA et HABONIMANA 2010 : 12 ; NGORWANUBUSA 2013 : 26) à 1916. Cependant, du fait que les Pères Blancs étaient majoritairement de nationalité française, le français y est parlé dans certains milieux et même les premières publications qui ont fait connaître le Burundi sous la colonisation allemande ont paru en langue française (NGORWANUBUSA 2013 : 26-27). On peut s’étonner de ce que les Belges qui leur ont succédé ne se sont pas empressés d’introduire et de diffuser le français.

Cette lenteur serait due au fait que « le pouvoir belge était caractérisé par une doctrine marquée par des querelles entre Flamands et Wallons, refusant une option entre le français et le néerlandais [parce que] la politique "libérale" belge appliquée dans les colonies a interdit […] l’enseignement du français jusqu’en 1948 » (SIMBAGOYE et SOW-BARRY 1997 : 667) d’un côté ; cette tergiversation résulterait d’une certaine réserve du colonisateur à apprendre le français au colonisé de peur que celui-ci ne s’émancipe et n’entrave le projet

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civilisationnel19, de l’autre. Selon certaines autorités, « un Noir qui connaît le français devient facilement un déraciné. Il se croit égal au Blanc et même supérieur au Blanc. Ces Européanisés deviennent presque fatalement des obstacles au progrès de la civilisation », rapporte Manessy (1994 : 45).

Le même penchant se révèle dans l’esprit des missionnaires qui pressentaient un potentiel obstacle au projet de franciser les Noirs. Les Pères Blancs à qui le domaine éducatif était confié présumaient qu’enseigner le français aux indigènes raviverait « la littérature subversive et anticléricale du XVIIIe siècle » (MAZUNYA et HABONIMANA 2010 :12). Sur la base de toutes ces observations, nous créditons l’avis d’Athanase Simbagoye et Aïsatou Sow-Barry quand ils indiquent que les politiques linguistiques se faisaient au gré des circonstances politiques et sociologiques de la "métropole" » (1997 : 665).

La langue française a alors été introduite sous le mandat belge (1919-1939), une introduction marquée néanmoins d’une certaine froideur. En plus des raisons susmentionnées, une autre explication est que les missionnaires, à qui avait été confié le secteur éducatif dans les colonies (NDUWIMANA 1987 :10 ; MAZUNYA et HABONIMANA 2010 : 11) l’organisaient plus pour évangéliser les autochtones que pour les former intellectuellement.

« Ils avaient partout installé des écoles primaires incomplètes, des succursales, dans le seul but d’évangéliser une grande partie de la population » (BARAGASIKA 1989). Par ailleurs, comme toute planification éducative dans les colonies, l’enseignement était guidé par trois principes arrêtés par une commission d’État colonial belge en 1924, à savoir « l’adaptation de l’enseignement à l’environnement du jeune indigène, le recours aux langues indigènes comme véhicules du savoir et la collaboration étroite avec les missions religieuses » (NTAHONKIRIYE 2007). La mise en application de ces directives a abouti au développement du bilinguisme et au renforcement de l’influence religieuse dans le domaine scolaire. Ils déclarèrent le kirundi langue indigène et le français langue nationale d’une part ; selon ce que rapporte Gahama (1983 : 244), le Manuel officiel de l’inspection de l’enseignement précise qu’une bonne formation intellectuelle ne saurait se passer d’une formation spirituelle d’autre part. En fait foi ce passage : « Le maître n’oubliera jamais qu’il n’y a pas d’éducation sans religion et que l’instruction, si elle ne va pas de pair avec une solide culture religieuse, ne forme que des citoyens qui seraient d’autant plus pervertis et dangereux qu’ils seront plus instruits. » (Ibid.).

19On substituait le vocable « civilisation » au terme colonisation aussi bien pour voiler certains méfaits relatifs à la colonisation que pour légitimer cette dernière.

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Dès 1948 cependant, après s’être rendue compte de n’avoir pas assez enseigné la langue française alors qu’elle est l’unique passerelle vers l’universel puisque les langues indigènes ne serviraient en aucune manière de langue véhiculaire, la Belgique a réformé l’enseignement de langues. C’est dans cet esprit que l’enseignement du français a commencé à viser l’intérêt des indigènes et à leur inspirer l’amour de la Belgique et la fidélité à la puissance tutélaire (NGORWANUBUSA 2013: 34-35). Le français introduit dorénavant comme langue enseignée dès le début de la scolarité a connu un regain d’intérêt en défaveur du kirundi. À ce sujet, Barbara Ndimurukundo-Kururu (2004) rapporte que le kirundi fut introduit comme langue obligatoire en 2e ou en 3e position en 1958 parce que le premier choix obligatoire restait entre le français et néerlandais selon le principe fondateur de la création de l’union belgo-congolaise. Parallèlement, l’effectif des écoliers augmentait au fur et à mesure que l’indépendance s’approchait. Cette augmentation était surtout le fruit des efforts consentis par l’Église catholique à laquelle l’État avait fait appel pour enseigner entre 1924 et 1953 (NDUWIMANA 1987 : 10). Cette primauté accordée à la langue française et cet élan que venait de prendre la formation institutionnelle connaîtront des hauts et des bas après l’indépendance.

La période d’après l’indépendance

Au lendemain de l’indépendance, les nouvelles autorités burundaises n’ont pas immédiatement apporté de grandes modifications de politique générale du pays. Même le système éducatif n’a enregistré que très peu de changements.

L’étroite collaboration nécessaire entre le jeune pays indépendant et son ex-colonisateur, le besoin de tisser des relations multilatérales avec d’autres pays qui ont le français en partage ont été autant des enjeux qui ont motivé le maintien du français comme langue de communication au même titre que le kirundi. Durant les deux premières décennies post indépendance, les textes légaux ont accordé une place de choix à ces deux langues. Les deux premières Constitutions d’octobre 1962 et de juillet 1974 mentionnent respectivement aux articles 21 et 3 que le kirundi acquiert le statut de langue officielle au même titre que le français. Quoi que le statut d’officialité du français ne soit pas clairement exprimé dans la

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dans les articles 7 et 5 que « la langue nationale est le kirundi [tandis que] les langues officielles sont le kirundi et autres langues déterminées par la loi ». Très récemment (22 octobre 2014), la Chambre Haute du Parlement burundais, le Sénat, a analysé et adopté une loi conférant au français et à l’anglais le statut des langues officielles. Pour le cas de la langue française, nous n’y voyons qu’une sorte de légalisation de ce qui s’observait dans les faits. En réalité, ce médium hérité de la colonisation a maintenu son privilège : le français est matière et langue d’enseignement, langue d’administration et de législation tout comme il figure parmi les deux principaux outils de productions scientifiques et des communications sur le plan international. En cela, nous rejoignons Claude Frey, qui, dans la conclusion de ses recherches sur l’état de la langue française au Burundi, a remarqué que ledit pays est resté officiellement francophone car le français a gardé la légitimité de deuxième langue officielle après l’indépendance, bien que cette légalité statutaire ne soit pas clairement exprimée dans les trois dernières lois fondamentales (1996). Après tout, le français reste une langue fortement valorisée, parce qu’il est perçu comme un indice de maturité intellectuelle et d’estime sociale dans le pays. Ces représentations positives que les Burundais ont toujours eues à l’égard de ce médium sont confirmées par Simbagoye et Sow-Barry qui indiquent que

« sa puissance [du français] est telle que sa connaissance reste la condition de la réussite scolaire de l’enfant et un moyen de promotion sociale pour l’adolescent et l’adulte » (1997 : 666).

Même à nos jours, le français garde une place privilégiée du fait que son prestige reste d’actualité. Ce constat, nous le partageons avec Leclerc (2009) qui remarque que le français est « la " première langue officielle" alors que le Kirundi conserve le rang de " seconde langue officielle" ».

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1.2.2. Le rôle de la langue française dans l’enseignement

Dans le secteur de l’enseignement, un événement important permet de distinguer deux moments historiques qui marquent l’évolution de l’enseignement du français au Burundi : le colloque tenu en décembre 1989. Cette rencontre nationale qui a vu la participation de principaux acteurs de ce secteur éducatif peut être considérée comme une ligne qui sépare deux périodes différentes.

Avant le colloque de 1989

Dans le domaine éducatif, le système scolaire a maintenu le français comme matière et langue d’enseignement pendant les dix premières années post indépendance. « L’enseignement, relève Gilles Monnerie ([1976] : 27), y [dans les écoles] était donné en français, sauf dans les écoles de "l’intérieur"[…], les méthodes [étaient] très directives ». Cette prépondérance accordée au français et ce conformisme au programme d’enseignement hérités du colonisateur ont été l’objet de critiques acerbes dans les milieux des élites. Certains intellectuels influents dans ledit secteur ont jugé inadmissible de continuer à « enseigner le français au Burundi comme on le fait en France ou en Belgique, pays où le français est la langue maternelle » (NGORWANUBUSA 2013 : 39). C’est dans ce contexte qu’il s’est exprimé la nécessité de couper court avec ce programme qui présentait des faiblesses de nature à hypothéquer le développement économique et socioculturel du pays au lendemain de la décolonisation.

Selon les critiques, ils pointent du doigt les supports et les principes méthodologiques qui négligent les réalités nationales dans la mesure où le kirundi comme langue source, le patrimoine culturel et le milieu naturel étaient sacrifiés à l’étude des langues, de la civilisation et des réalités européennes (MENC 1973 :14). Cette situation sévèrement critiquée a suscité des réflexions visant le redressement. Par coïncidence, il y avait au même moment le projet d’une réforme linguistique en Afrique qui était une innovation entreprise avec le concours de l’UNESCO vers les années 1970, afin de « faire de la culture africaine le moteur du développement socioéconomique des pays africains » (SIMBAGOYE et SOW- BARRY 1997 : 668). C’est dans cette logique qu’une réforme fondamentale de kirundisation et de ruralisation de l’enseignement a été opérée en 1973. Consécutivement à ce changement, rapportent les mêmes auteurs, « le kirundi est devenu langue et matière d’enseignement,

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