• Aucun résultat trouvé

Belles histoires de l’aide – introduction thématique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Belles histoires de l’aide – introduction thématique"

Copied!
12
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01984721

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01984721

Submitted on 25 Jan 2019

HAL

is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire

HAL, est

destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Belles histoires de l’aide – introduction thématique

François Pacquement

To cite this version:

François Pacquement. Belles histoires de l’aide – introduction thématique. Afrique Contemporaine,

La Documentation Francaise, 2011. �hal-01984721�

(2)

François Pacquement

Belles histoires de l’aide…

Introduction thématique au numéro 236 d’Afrique Contemporaine

L’aide publique au développement (APD) est mobilisée dans de plus en plus de négociations internationales pour aider à trouver des compromis entre pays riches et pays en développement ; elle prend place à l'ordre du jour du G20. Avant cette consécration, elle bénéficiait déjà d'une certaine sympathie. Pourtant, elle reste relativement méconnue. C’est le cas en particulier de son histoire, dont l’étude paraît d’autant plus accessible qu’elle est relativement récente. L’aide apparaît en effet à partir des années 1950, même si elle entretient une certaine filiation avec la mise en valeur coloniale, qu’elle a poursuivie à travers les systèmes d’aide des anciennes métropoles, et si ses activités tirent leurs origines de pratiques parfois plus anciennes encore.

Pour introduire à l’histoire de l’aide, il était possible soit de l’aborder selon une problématique globale et d’en fournir des éléments de débat (légitimité, efficacité, critères d’allocation, gouvernance collective), soit d’en examiner divers aspects qui se prêtent à engager la réflexion. La première option a donné lieu à la publication par Afrique contemporaine d’un premier article fin 2009

1

. Pour y faire suite, la deuxième option a paru indiquée et capable de montrer la richesse du sujet. Ce choix a été l’occasion d’inciter certains auteurs à prendre la plume sur des sujets que ne couvrent pas les publications d’évaluation rétrospective des agences d’aide au développement, lesquelles ont tendance à être marquées par un certain optimisme administratif. D’où ces histoires, réunies ici, qui contribuent à mettre en lumière des questions stratégiques en retraçant certaines facettes des dynamiques de l’aide.

Pour ouvrir ce dossier, nous nous proposons toutefois de mêler les deux approches et, de façon très globale voire schématique, de mettre en parallèle le déroulement de la politique d’aide et celui de la mise en valeur coloniale, pour décrire la différence introduite par le développement de l'étage multilatéral, c’est-à-dire des institutions internationales qui façonnent cette politique par la masse des financements qu’elles peuvent y consacrer, puis, de manière très concrète, d’examiner comment s’est définie l’aide au développement, d’abord par son plus petit dénominateur commun, l’indicateur d’effort, le montant de l’aide offerte, puis comme une politique en interaction forte avec d’autres politiques.

1 Bâtir des politiques globales : l’aide au développement, source d’inspiration ? François Pacquement, Afrique contemporaine n°231 2009-3 ; cet article montre en quoi l’aide au développement se présente comme une politique globale, sous l’effet de processus « par le bas », qui remontent des donateurs vers le cadre multilatéral, et d’une dynamique « par le haut », qui procède du cadre multilatéral en direction des pays.

(3)

De la mise en valeur coloniale à l’aide au développement, un déploiement comparable ?

Si l’aide succède à la mise en valeur coloniale

3

, condamnée au moment des indépendances en tant que composante d’un pouvoir illégitime, elle en a reçu un héritage ambigu. L’histoire des deux politiques semble comparable : d’abord leurs activités se déclinent sur le terrain sous forme de projets, ensuite elles sont articulées sous la forme de plans ou de cadres stratégiques, souvent ambitieux, dont la mise en œuvre pose ensuite une question de moyens financiers. Leur insuffisance suscite une activité de plaidoyer de plus en plus intense, qui renforce les conceptualisations à partir des expériences de terrain.

Des opérations, progressivement consolidées et chiffrées. Lorsque la colonisation se pacifie, la mise en valeur coloniale apparaît, d'abord sous la forme d'investissements divers, mais elle ne s’établit vraiment que lorsqu’elle passe du micro économique au politique, « théorisée » et « planifiée » dans les années 1920, comme par exemple en France, par le Ministre des Colonies Albert Sarraut

4

, ce qui lui permet de prendre une certaine ampleur.

De même, si de premières opérations peuvent être observées sans doute dès le XIX

ème

siècle, l’aide au développement prend forme en tant que politique après les débats théoriques entre Keynes et White qui, à la fin de la deuxième guerre mondiale, animent les débats sur la configuration des Institutions de Bretton Woods et donneront naissance à la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD, le principal établissement de la Banque mondiale). Elle se dissocie lentement de la reconstruction et s’affirme avec notamment la création du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE), qui la nomme, la chiffre et la compare.

Qui donnent lieu à une certaine fécondité financière. Les besoins étant chiffrés, la contrainte sur les moyens est mise en évidence puis contournée par l’ingénierie financière et par le partage de l’effort.

La valeur coloniale recourt déjà à l’effet de levier des prêts. La revue France et Monde (1

er

trimestre 1929 p.66) écrit, sous la plume de Jean Mornet, que « le gouverneur général de Madagascar annonce un grand emprunt» et (ibid. p.67) cite le Président du Conseil qui souligne que « la capacité d’emprunter, grâce à la baisse du loyer de l’argent… va permettre à nos colonies d’entrer résolument dans la voie des améliorations matérielles », puis M. Maginot qui, en visite au Mali, pour l’inauguration du canal de Sotuba, annonce « il faut envisager dès maintenant un emprunt important». En France, des prêts de la Caisse des dépôts et consignations sont mis en place à la fin des années 1920. Des prêts sont également mis en place, au Royaume Uni, en 1929, dans le cadre du Colonial Development Act (Abbott 1971).

Dans la période qui suit la seconde Guerre Mondiale puis les indépendances, pour gérer leur aide, certains pays créent des banques de développement (France, Allemagne, Japon, mais aussi l’Europe

5

). La plupart des bailleurs de fonds offrent aussi leur aide

3 La mise en valeur coloniale désigne l’activité de l’administration coloniale qui visait à améliorer les richesses produites dans les colonies et qui a pu contribuer à améliorer les conditions de vie des populations.

4

Albert Sarraut La Mise en valeur des colonies françaises, Payot, Paris, 1923

5 Respectivement, la Caisse centrale de coopération économique, qui deviendra l’Agence française de développement, la Kreditanstalt für Wiederaufbau, la Japan Bank for International Cooperation, qui a

(4)

sous forme de bonification de crédit à l’exportation, faisant ainsi d’une pierre deux coups – la promotion de leurs exportations et celle de l’économie de pays choisis

6

. Le partage de l’effort se fait d’abord entre public et privé, par l’adaptation de mécanismes juridiques tels les affermages ou les concessions, puis par des incitations à l’investissement. Il se fait en outre, à partir des indépendances, sur des ressources d’autres contributeurs

7

, par un élargissement du nombre de pays bailleurs de fonds. La recherche de nouvelles modalités contributives donne lieu à une activité de plus en plus soutenue de plaidoyer.

Du cadre national aux institutions multilatérales

Le plaidoyer bute sur la distance entre le contribuable et le théâtre d’opération, qui rend plus complexe l’adhésion du public et requiert un argumentaire qui met en avant leur intérêt plus immédiat.

J. Mornet déplore en 1929 que le Programme Sarraut ne soit encore qu’à l’état de projet et cite La Quinzaine coloniale « Les travaux publics d’intérêt national prévus le 12 avril 1931 ont à peine reçu un commencement d’exécution. N’est-il pas enfin temps de sortir de cette ornière ? ». Son plaidoyer mobilise en outre les résultats d’une mission scientifique danoise, dont un membre éminent articule des visions ambitieuses pour le développement de l’Afrique occidentale.

L’argumentaire par l’intérêt partagé est récurrent, depuis la défense du plan Sarraut (ou du Colonial development Act), jusqu’à l’approche en termes de biens publics mondiaux, concept forgé par le PNUD (Inge Kaul etc.

8

) dans les années 1990, pour tenter de relégitimer l’aide au développement en crise après la fin de la guerre froide.

Un processus comparable semble agir au sein de ces deux politiques, par lequel le développement est d’abord abordé de façon très économique pour se densifier conceptuellement et s’élargir. Pour la mise en valeur coloniale, cela se réalise à travers le welfare (1940), alors que passe par le développement humain pour l’aide au développement (1990). L’histoire se répète-t-elle et la fin du cycle de la mise en valeur coloniale correspond-elle à un retour sur des objectifs désagrégés au niveau des projets ? Si l’APD semble avoir relégué au deuxième plan la sagacité ethnologique des administrateurs coloniaux, c’est sans doute que ceux-ci ont perdu leur légitimité.

L’aide est le fait d’institutions originales qui servent une politique originale. La légitimité de l’aide au développement s’est déplacée du côté des institutions multilatérales, qui font la véritable différence de nature entre les deux politiques, en

fusionné avec l’agence de coopération technique pour devenir JICA, la Banque Européenne d’Investissement)

6 Abbott montre que la recherche de ce double dividende est présente dès le Colonial development act (Abbott, 1971).

7 Pour la France, alors premier emprunteur à la Banque mondiale, dès le Plan Marshall dont les ressources ont pu être en partie consacrées à la mise en valeur coloniale

.

8

Kaul I., Grunberg I., et M. Stern Les biens publics à l'échelle mondiale - la coopération

internationale au XXI

ème

siècle 1999 Oxford university Press. Après la fin de la guerre froide et la

mise en place de l’Organisation Mondiale du Commerce, de plus en plus de défis sont désormais

pensés au niveau de la planète, et le PNUD tente de proposer un cadre conceptuel en élargissant au

global le concept de biens publics conçu par Samuelson.

(5)

agissant comme un moteur stratégique, comme le CAD, dès le début, par ses travaux sur la mesure de l’effort d’aide, qui conduiront à la mise en place des statistiques sur l’aide publique au développement.

Alors que le monde se fragmente après les indépendances, les institutions internationales s’affirment, avec un rôle de normalisation, qui introduit une différence de nature dans les processus à l’œuvre dans la mise en valeur coloniale par rapport à l’aide au développement, en introduisant un facteur externe aux processus nationaux internes. Dès ses balbutiements, l’aide est soumise à l’action d’au moins deux producteurs de normes professionnelles : un bailleur de fonds puissant, le groupe de la Banque mondiale, et un organe « professionnel », le CAD.

Après les indépendances, les administrateurs coloniaux s’affranchissent de l’espace de la mise en valeur et connaissent divers destins. Certains se sont reconvertis dans les métropoles. Mais leur recyclage se fait beaucoup vers la politique d’aide au développement, en mettant en avant la singularité de la politique d’aide. Ils ont pu développer en Afrique (principalement) une expérience professionnelle d’excellence, jouissant d’une autonomie qui les affranchit des pesanteurs bureaucratiques. Leur culture spécifique, transplantée dans le ministère de la Coopération nouvellement créé, joue d’abord un rôle dissuasif à l’égard d’autres corps et contribue à une certaine continuité des pratiques.

Après l’indépendance de l’Indonésie en 1945, Marc Dierikx décrit dans ce numéro 235 d’Afrique Contemporaine comment les Pays-Bas envoient leurs anciens administrateurs coloniaux vers d’autres terres, comme, dès 1950, en Ethiopie. Au Royaume Uni, les anciens administrateurs coloniaux vont également alimenter les forces de la coopération technique à partir des années 1960 (Pacquement, 2010), ou bien ils sont versés dans le nouveau ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, tandis que le ministère du Développement se crée sans recourir à leur expérience.

Les administrateurs coloniaux ont en effet utilisé l’effet de distance comme faire-valoir (Meimon, dans ce dossier), la « spécificité du terrain » milite pour leur maintien après les indépendances, tout comme pour se recycler dans des activités « missionnaires

9

» nouvelles (au ministère de la Culture notamment - Rauch). Dans leur interview, Chafer et Cumming observent encore combien les énarques ont traditionnellement peu d’influence sur le domaine africain, qui est au cœur de la politique française de coopération (Chafer et al., 2011).

L’héritage colonial n'est pas l'apanage des seules puissances coloniales. Par exemple Perrenoud (2010) montre comment, dans sa politique d’aide, la Suisse n’était pas fondamentalement différente des puissances coloniales. L’aide apparaît donc comme une politique qui a une certaine unité, dès les débuts, quelque soit l’histoire du pays donateur.

Après que l’aide au développement sera inscrite dans la plupart des organigrammes gouvernementaux des pays de l’OCDE, la politique d’aide cherchera l’excellence et souvent jouera un rôle pionnier en matière de prise en compte des prescriptions du New Public Management, au point d’inspirer d’autres politiques, en particulier dans le domaine social (Chloé Morin, dans ce dossier). C’est sans doute parce qu’elle sera une politique très ouverte sur la gouvernance internationale, caisse de résonance voire creuset de ces nouvelles approches, qu’elle joue un rôle dans leur diffusion.

9 Au sens d’« administrations de mission », selon Pisani (1956), qui visait explicitement dans son article la question de la mise en valeur.

(6)

Quel apport attendre de l’approche par l’histoire ? La mise en parallèle du cycle de la mise en valeur coloniale et de celui de l’aide au développement soulève des questions qui peuvent mettre en lumière des débats. Lorsqu’il s’agit de mettre fin à une politique, comment les administrations se reconvertissent-elles ? Comment concrètement la politique d'aide se met-elle en place au lendemain des indépendances ?

L’aide se met en place aux divers niveaux de gouvernement, qui se développent du local

10

au national, au sous-régional ou fédéral et au multilatéral. Comment l'aide européenne se constitue-t-elle et comment agit-elle en retour ? Le cas de la France est intéressant, car son influence est essentielle à l'origine. Concrètement, comment l'influence de l'aide française sur l'aide européenne a-t-elle agi sur les autres pays européens ? Comment les élargissements successifs et la maturation de l'aide européenne inversent-ils ensuite la chaîne des influences ? Comment les donateurs interagissent-ils par rapport à leurs pays d’intervention respectifs ? (Corinne Balleix, Marc Dierikx, Tony Chafer et Gordon Cumming dans ce numéro).

Par un effet de la rétroaction du multilatéral sur le bilatéral, et des normes qui se mettent en place dans la coopération internationale, la politique d’aide semble s’harmoniser.

Comment choisit-elle ses modèles ? Les agences d'aide vantent les institutions des pays nordiques. Comment ces aides se sont-elles constituées et d'où tirent-elles leur réputation ? (Constance Motte)

Au sein d’un même niveau de gouvernement, l'aide interagit avec les autres politiques ; comment les influence-t-elle ? Le recours à la figure du pauvre dans les stratégies d'aide apparaît en même temps que les critiques de l'impérialisme avec les analyses radicales de Samir Amin, ce qui rappelle l'apparition du pauvre dans le discours public à la fin du XIX

ème

siècle, qui répond au prolétaire de la lutte des classes. La comparaison est-elle fondée ? Ceci justifierait en soi une analyse assez lourde, toutefois la concomitance du recours renouvelé au pauvre à la fin de la guerre froide avec notamment les objectifs du millénaire pour le développement et dans les politiques sociales au Royaume-Uni et en France ne semble pas dépourvue d'une certaine parenté. Qu'en est-il ? Chloé Morin propose des pistes de réflexion sur ce sujet.

Outre les éléments de réponse à ces interrogations, ces articles peuvent être lus au regard de questions stratégiques comme celles liées aux objectifs de l'aide et sa place par rapport aux autres politiques.

Définie d’abord par ses indicateurs, la politique d’aide tarde à se donner des objectifs

La littérature sur l’aide accorde une part importante à la mobilisation financière.

La définition et la mesure de l’aide sont au cœur des travaux du CAD dès sa création.

Ceux-ci semblent avant tout chercher à donner de la substance à une idée qui préexiste, qui semble héritée d’un rapport d’experts mandatés par Trygve Lie, dès 1951, après un

10 Sur l’histoire de cette dimension, un prochain numéro d’Afrique contemporaine pourrait publier un article de Bernard Husson et de Christophe Mestre tiré de leur intervention au colloque à la Mairie de Paris le 29 octobre 2010 sur Afrique : 50 ans d’indépendance Développement et coopération : quelles perspectives d’avenir ? organisé par l’Agence Française de Développement (AFD), avec la revue Afrique contemporaine et la Revue internationale de politique de développement.

(7)

détour par le Conseil œcuménique des Eglises

11

. Curieusement cette référence s’impose avant même de prendre de la consistance et que soient tranchés les débats sur le périmètre de ce qu’il conviendra de prendre en compte.

Constance Motte décrit le parcours des pays nordiques, de la mise en place de leur politique d’aide jusqu’à la fin de la Guerre froide. Alors que ces pays ne font pas partie du cercle des fondateurs du CAD, ils se rangent à ses prescriptions et des ratios d’effort sont adoptés effectivement dès le début des années 1960. Les contributions augmentent régulièrement en part du revenu national brut (RNB), alors que celles de la moyenne des donateurs du CAD diminuent lentement.

D’abord multilatérale, leur aide devient rapidement plutôt bilatérale, à partir de la moitié des années 1970. Cette aide paraît plus concentrée géographiquement que celle des grands pays, et probablement sur les secteurs sociaux – les statistiques font défaut pour le montrer. Les conditions financières de l’aide sont généreuses, l’aide est faiblement liée, jusqu’au premier choc pétrolier, qui suscite la création de guichets pour les projets industriels.

Les déterminants de l’aide des pays nordiques sont d’abord internes : un consensus favorable des partis politiques, un fort soutien de l’opinion publique (parfois encouragé par des dépenses publiques substantielles de sensibilisation), des objectifs de politique étrangère favorables (par exemple pour satisfaire les Etats-Unis, l’aide étant perçue comme un frein à la diffusion du communisme, ou encore l’aide en tant que vecteur de la paix, le soutien de la décolonisation).

Ils sont aussi externes : organisations internationales (Nations unies, CAD, Banque mondiale - avec leur coordination au sein de l’Association Internationale de Développement, qui en est le guichet le plus concessionnel

12

), entre pays nordiques (par exemple sur des projets, en particulier à la Communauté de développement de l'Afrique australe - SADCC).

Au total, ces caractéristiques sont assez stables, ce qui est une conclusion qui va à rebours du sentiment que l’on peut avoir que l’aide change fréquemment de paradigme.

La grandeur de l’aide au développement est pourtant source de nombreuses polémiques ; il est vrai qu’elle ne satisfait ni le comptable, ni l’économiste, ni le budgétaire. Diverses tentatives ont été faites soit de l’améliorer à la marge (notamment Chang etc. pour servir l’analyse de l’efficacité de l’aide dans la perspective de l’étude Assessing aid de la Banque mondiale de 1998) soit de la compléter très substantiellement, notamment en prenant en compte ses interactions avec d’autres activités, comme le propose depuis 2003 le Center for Global Development, avec un indicateur tout aussi controversé, par exemple pour ce qui concerne sa méthode de

11 Source : UN and Development: From Aid to Cooperation Olav Stokke 2009 p.643 note 1. En août 1958, le Comité central du Conseil œcuménique des Eglises (http://www.oikoumene.org/fr/qui-sommes- nous.html) recommande que les pays donateurs affectent au moins 1% de leur produit national aux pays en développement. En 1960, l’Assemblée générale des Nations unies lui fait écho en souhaitant que « le courant de l’assistance et des capitaux internationaux sera encore augmenté de façon appréciable afin d’atteindre aussitôt que possible 1 % environ des revenus nationaux des pays économiquement avancés ».

L’aide se présente désormais comme une forme de redistribution au niveau mondial. Voir notamment Historique de l’objectif de 0,7% - CAD http://www.oecd.org/dataoecd/17/14/45539389.pdf

12 Au sens de la libéralité des conditions.

(8)

pondération

13

(ministère des Affaires étrangères, 2006). Ces interactions sont-elles univoques, c’est-à-dire s’agit-il seulement d’une influence des diverses politiques (éducation, migration, recherche, commerce, investissement etc.) en direction de l’aide ou bien l’aide rétroagit-elle aussi ? L’indicateur ne le dit pas.

L’article de Chloé Morin ouvre le débat en proposant un rapprochement entre les politiques sociales mises en place en France et au Royaume Uni à la fin du siècle dernier avec la politique d’aide. Cette histoire commence peu après la première formulation, par le CAD en 1996, d’objectifs internationaux du développement qui se sont ensuite enrichis et ont été adoptés au niveau de l’Assemblée générale des Nations unies.

Une politique globale faite d’interactions complexes

La déclaration du millénaire dessine, avec les objectifs qu’elle retient pour l’aide, une politique globale ambitieuse et complexe. Celle-ci est traversée par des interactions réciproques, du niveau bilatéral au niveau multilatéral et entre bilatéraux.

Corinne Balleix montre comment la France reçoit l’influence de l’aide européenne qu’elle a d’abord voulue, conçue et façonnée, mais sur laquelle son emprise a progressivement décru. Jusqu’en 1984, les commissaires au développement étaient français ainsi que les cadres de la direction générale chargée du développement – à l’origine chargée des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). L’adhésion du Royaume-Uni entame mais ne remet pas en cause cette domination, les instruments bénéficiant à ses anciennes colonies africaines. Avec la crise de l’aide, dans les années d’ajustement puis avec la fin de la Guerre froide, la France perd la capacité de façonner la politique européenne de coopération.

La réforme de la coopération, à partir de 1998, témoigne d’une européanisation de la politique d’aide française. En particulier, les critères d’allocation se rapprochent de ceux de l’aide européenne (secteurs, pays), les structures augmentent leur orientation européenne, les aspects militaires sont traités séparément. L’Agence française de développement (AFD) semble constituée selon le courant du New Public Management et en développe le référentiel d’efficacité. L’Union européenne est une incitation forte au respect des engagements quantitatifs (dont d’ailleurs elle tire profit puisqu’elle voit ses dotations augmenter) mais aussi de coordination. L’inspiration gestionnaire de la Commission est renforcée par la connivence avec celle des autorités françaises (par exemple avec la révision générale des politiques publiques - RGPP).

La France garde une certaine influence et a formulé une stratégie dans cet esprit. Les réorganisations s’inspirent de l’agenda de la cohérence des politiques, mais mettent plus l’accent sur la cohérence que sur son orientation en faveur du développement. Postes diplomatiques et agences de l’AFD apparaissent comme des freins à l’européanisation.

Marc Dierikx raconte comment, à la faveur de leur entrée dans le marché commun, les Pays Bas s’aventurent sur des terrains qui ne sont pas leur ancien espace colonial. Au XX

ème

siècle, les Pays-Bas ont pour principale colonie l’Indonésie, indépendante en 1945. Leur aide est d’abord acheminée de manière privilégiée par les Nations unies,

13 Pour donner une vision de l’effet consolidé des divers politiques, le Center for Global development donne une note à chaque pays pour chacune des politiques retenues (outre l’effort d’aide, le commerce, la recherche etc.) sans différencier leur pondération.

(9)

vecteur jugé plus neutre. Les Pays-Bas se sont opposés à la vision franco-belge, développée dans les années 1950, d’un Plan Eurafrique et d’une approche de l’aide pour servir une logique d’influence. Les indépendances africaines donnent à l’aide néerlandaise un théâtre d’opération sans passé colonial pour déployer l’expertise néerlandaise et mettre en place une politique bilatérale marquée par un certain souci de retour commercial.

Un secrétaire d’Etat pour l’aide au développement est nommé en novembre 1963 auprès du ministre des Affaires étrangères, et la DGIS est créée en avril 1964. La préoccupation des Pays-Bas est clairement d’obtenir une libéralisation commerciale.

Une mission est organisée en janvier 1965 pour le Cameroun, le Gabon, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Comme l’Allemagne, la France et l’Italie, les Pays-Bas signent des accords bilatéraux pour aller au-delà des dispositions de l’accord d’association de Yaoundé entre les membres du Marché commun et les pays ACP. Suivent d’autres pays (Nigeria, Tanzanie, Soudan et Ethiopie, puis en 1966 Tunisie, Tanzanie etc.). A cette époque, l’aide bilatérale représente désormais le quart de l’aide totale, avec pour effet une augmentation du commerce avec les pays concernés d’un tiers. La

« bilatéralisation » devient désormais une tendance, qui s’accompagne du choix du terme jugé plus neutre de coopération.

En pratique, comment procéder ? Marc Dierikx donne l’exemple de la Tunisie et du Burkina Faso. Dans le premier cas, les difficultés administratives ont été nombreuses et le temps de maturation long. Dans le deuxième cas, l’idée du projet provenait d’un ancien premier ministre devenu professeur de photogrammétrie ; les matériels ont durablement séjourné au port d’Abidjan. Le sentiment général est que La Haye n’a qu’un contrôle très faible sur les projets, auxquels en outre les experts étaient mal préparés.

En décembre 1998, les gouvernements britannique et français ont signé l’accord ‘Saint- Malo II’ qui les engageait à faire abstraction de leurs rivalités historiques et à s’attaquer ensemble aux problèmes actuels de l’Afrique. Cet accord les engageait à entreprendre des actions conjointes, de façon soit bilatérale, soit bi-multilatérale (c’est-à-dire Londres et Paris adoptant une position commune, puis invitant d’autres partenaires à les suivre).

Toutefois, au-delà de quelques indications générales, rien n’a défini avec exactitude les termes de la coopération souhaitée. Chafer et Cumming cherchent les éléments sous- jacents à la recherche d’une coopération franco-britannique en Afrique à partir du temps long, marqué par une rivalité qui remonte en Afrique à Fachoda. L’inquiétude des Français quant aux ambitions territoriales anglo-saxonnes en Afrique francophone qui a perduré pendant toute la période coloniale. Cette rivalité s’est poursuivie après la décolonisation, les deux pays poursuivant des objectifs de ‘ realpolitik’, préférant ne pas travailler ensemble.

Le Royaume-Uni et la France ont également adopté une approche semi-compétitive à

l’égard du soutien à la démocratie, léguant à leurs ex-colonies leurs propres modèles de

gouvernement. Sur la sécurité en Afrique, autre divergence, souvent marquée; en effet,

lors de la guerre civile au Nigéria (1967-70), le Royaume-Uni et la France n’ont pas

soutenu le même côté. Les Britanniques n’avaient pas de bases, ont réalisé peu

d’interventions et n’ont mis à la disposition de leurs ex-colonies que de modestes

Equipes de Formation et d’Entraînement Militaire. En revanche, la France a adopté une

approche militaire volontariste unilatérale, avec troupes pré-positionnées dans ses ex-

(10)

colonies, ainsi que des officiers français intégrés aux forces armées africaines selon les termes d’accords de coopération militaire et de défense.

Le début de l’après-Guerre Froide (1990-1997) a été marqué par la même tiédeur en matière de coopération, puis les deux pays ont finalement reconnu les bienfaits d’une collaboration plus proche. Un certain nombre d’événements nationaux et internationaux ont encouragé cette coopération (fin de la Guerre Froide, émergence d’une nouvelle génération de dirigeants africains ; nouvelle donne dans l’engagement de l’UE vis-à-vis du continent africain) ; élection en Grande-Bretagne d’un gouvernement travailliste réformateur et création du Department for International Development - DFID en 1997 qui indiquait clairement de nouvelles intentions d’engagement en Afrique, élection en France du gouvernement socialiste de Lionel Jospin).

Les limites visibles à cette coordination franco-britannique tiennent à ce qu’il n’existe pas de «mécanismes institutionnels rassemblant les ministres, les officiels et les institutions» ; mais il ne faut pas en conclure que la coopération n’a pas lieu.

Cette coopération sur un sujet sensible et difficile est d’autant plus précieuse s’agissant d’une politique qui, comme de nombreuses constructions bureaucratiques, peine à prendre en compte la réalité du monde (voir notamment Simensen 2007 sur l’aveuglement de l’aide norvégienne sur les errements de la politique de Nyéréré).

Encore Chafer et Cummings reconnaissent-ils (cf. leur interview dans AfCo 235) aux

fonctionnaires français une plus grande aptitude à comprendre l’Etat informel à

l’africaine que leurs homologues britanniques. Faut-il en tirer la conclusion que la

coopération entre les bailleurs de fonds leur permet de pallier leurs incompréhensions ?

Les institutions d'aide ont produit de nombreux « récits » qui privilégient la

séquentialité logique et qu'il convient de compléter par l'analyse de la manière dont ces

productions stratégiques rencontrent effectivement la réalité politique. Les diverses

contributions réunies sont autant de belles histoires pour aborder non seulement

l’histoire de l’aide mais aussi certains aspects des relations internationales et des

déterminants des politiques publiques.

(11)

Bibliographie

G. C. Abbott A Re-Examination of the 1929 Colonial Development Act The Economic History Review, New Series, Vol. 24, No. 1 (Feb., 1971), pp. 68-81

CHANG C., FERNANDEZ-ARIAS E., L. SERVEN L. [1998], Measuring Aid Flows : a New Approach, the World Bank, mimeo., 28 p

Tony Chafer et Gordon Cummings Interview avec François Gaulme Cinquante ans de politique africaine de la France Un point de vue britannique Afrique contemporaine n°235

Kaul I., Grunberg I., et M. Stern Les biens publics à l'échelle mondiale - la coopération internationale au XXI

ème

siècle 1999 Oxford university Press.

Julien Meimon En quête de légitimité. Le ministère de la Coopération (1959-1999), Université Lille 2, 2005

Ministère des affaires étrangères Direction des politiques de développement Sous- direction de la stratégie, des questions européennes et multilatérales L'indice d'"engagement" pour le développement" 2006 du "Center for Global Development" Les Notes du jeudi Numéro 62 - 28 septembre 2006

J. Mornet, Outre-mer revue France et Monde 15

ème

année n°134 (1

er

trimestre 1929) pages 65 à 72 Librairie des Humanités contemporaines (accessible via Gallica)

François Pacquement Bâtir des politiques globales : l’aide au développement, source d’inspiration ? Afrique contemporaine n°231 2009-3

François Pacquement, « Le système d’aide au développement de la France et du Royaume-Uni : points de repère sur cinquante ans d’évolutions depuis la décolonisation », Revue internationale de politique de développement [En ligne], 1 | 2010

Marc Perrenoud, « Les relations de la Suisse avec l’Afrique lors de la décolonisation et des débuts de la coopération au développement », Revue internationale de politique de développement, 1 | 2010

Pisani Edgar. Administration de gestion, administration de mission. Revue française de science politique, 6e année, n°2, 1956. pp. 315-330.

Marie Ange Rauch – 2004 ( ?) Les hussards du Ministère de la Culture – site du Comité d’Histoire du Ministère de la Culture (http://www.culture.gouv.fr/culture/min/comite- histoire/bonheur-entreprendre/rauch.htm)

David Roodman (2003), “An Index of Donor Aid Performance,” Center for Global Develop-ment, Washington, DC, April.

David Roodman The Commitment to Development Index: 2010 Edition,” available at www.cgdev.org/cdi.

Albert Sarraut La Mise en valeur des colonies françaises, Payot, Paris, 1923

Jarle Simensen Writing the History of Development Aid – a Norwegian Example –

some reflections on methods and results Scandinavian Journal of History vol 32 n°2

June 2007

(12)

World Bank (1998), Assessing Aid: What Works, What Doesn’t and Why, Oxford :

Oxford University Press, for the World Bank

Références

Documents relatifs

We have shown the first proof of fiber concept for the implementation of this technology in real calorimeters and address the different challenges related to high energy

Ensuite, la visibilité du G20 et l’existence de sommets au plus haut niveau créent un impératif de résultats de court terme qui entre en conflit avec le besoin de gouvernance dans

» ىلع اھزفحي يذلا وھو رضاحلاو يضاملا نيب ناكملا عضو ىلع ةياورلا يف زيكرت كانھ يضاملا يف ليمج ءيش لك نأ ىلع ديكأتلا عم هلوحت وأ ناكملا تابث ىدم زاربإو ةنراقملا. لا

Le bien public (q o ) et les biens prives (q j ) sont produits par une entreprise en situation de concurrence parfaite. L'equilibre du consommateur implique que le taux marginal

La composante sur laquelle la société a dû être très attentive lors du lancement est la composante institutionnelle, en effet, la multitude des normes

Respect des contraintes horaires de production Mise en œuvre des techniques professionnelles Production dans le respect des consignes Réalisation de productions

Proposez à votre proche de lire ensemble un livre sur les plus belles histoires d’amour et invitez-le à s'asseoir à vos côtés, dans un canapé!. Installez-vous de son

Cette étude présente : (1) le champ de l'espace public ; (2) les problèmes analytiques que pose le passage de la théorie des biens collectifs et publics élaborée dans un cadre