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LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS DANS L’UNION EUROPÉENNE QUEL QUE SOIT LEUR ÉTAT D’ORIGINE

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Submitted on 28 Jan 2019

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LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DE LA

SITUATION JURIDIQUE DE TOUS LES

TRAVAILLEURS MIGRANTS DANS L’UNION

EUROPÉENNE QUEL QUE SOIT LEUR ÉTAT

D’ORIGINE

Kadiata Gaye Diop

To cite this version:

Kadiata Gaye Diop. LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS DANS L’UNION EUROPÉENNE QUEL QUE SOIT LEUR ÉTAT D’ORIGINE. Droit. UNIVERSITE LE HAVRE NORMANDIE, 2017. Français. �tel-01997209�

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THESE

Pour obtenir le diplôme doctorat Spécialité Droit public

Préparée au sein de l’Université Le Havre-Normandie

LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS DANS L’UNION EUROPÉENNE QUEL QUE SOIT LEUR

ÉTAT D’ORIGINE

Préparée et soutenue par Kadiata GAYE DIOP

Thèse soutenue publiquement le 07 juin 2017 devant le jury composé de

Thèse dirigée par MICHEL BRUNO, laboratoire LexFEIM Monsieur SEBASTIEN

ADALID

Professeur de droit public / Université du Havre Examinateur Madame SEGOLENE BARBOU

DES PLACES

Professeur de droit public / Universitéde Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Rapporteur Monsieur MICHEL BRUNO Maître de conférences HDR / Université du

Havre

Directeur de thèse Madame LAURE

CLEMENT-WILZ

Professeur de droit public / Université de Limoges

Rapporteur Madame ANASTASIA

ILIOPOULOU

Professeur de droit public /Université Paris Est Créteil, enseignante à Science Po Paris

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L’Université du Havre n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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REMERCIEMENTS

Faire une thèse est un travail de longue haleine qui n’aurait pas abouti sans le concours de personnes remarquables que je voudrais remercier notamment :

Mon directeur de thèse M. Michel Bruno pour sa disponibilité, ses conseils et son soutien. A travers lui, je voudrais rendre hommage à tous les enseignants qui ont participé à mon parcours.

Mes parents, mes frères et soeurs et mes amis qui m’ont soutenue dans toutes les épreuves de la vie. Je remercie particulièrement M. Malick Sarr et sa femme Mme Sophie Sow Sarr ainsi que Mme Fatma Ndao Dieng pour tout ce qu’ils m’ont apporté…

Mention spéciale à mon époux Papa Daouda Diop sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Juste merci d’être dans ma vie…

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SIGLES ET ABREVIATIONS

ACP : Afrique, Caraïbes et Pacifique

AEDH : Association européenne des droits de l’homme AELE : Association européenne de libre échange AETR : Accueil européen sur les transports routiers

AF : Avis favorable

AFD : Agence française de développement

ALCP : Accord sur la libre circulation des personnes APEC : Agence pour l’emploi des cadres

APS : Autorisation provisoire de séjour ASI : Allocation supplémentaire d’invalidité ASPA : Allocation de solidarité aux personnes âgées ATA : Allocation temporaire d’attente

BA : British airways plc

BTP : Bâtiment et travaux public CAF : Caisse d’allocation familiale CAI : Contrat d’accueil et d’intégration

CAPA : Certificat d’aptitude à la profession d’avocat

CATRED : Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits

CCAS : Centre communal d’action sociale CDD : Contrat à durée déterminée

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8

CECA : Communauté économique du charbon et de l’acier CEDEM : Centre d’étude De l’ethnicité et des migrations CEDH : Convention européenne des droits de l’homme

CEE : Communauté économique européenne

CEF : Centre pour les études en France

CERCRID : Centre de recherches critiques sur le droit CESE : Conseil économique et social européen

CESEDA : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile CIDE : Convention internationale des droits de l’enfant

CJCE : Cour de justice des Communautés européennes CJUE : Cour de justice de l’Union européenne

CNAVTS : Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés CNDA : Cour nationale du droit d’asile

CNDS : Commission nationale de déontologie de la sécurité

CNE : Contrat nouvelle embauche

CNRS : Centre national de la recherche scientifique CPA : Compte personnel d’activité

CPDH : Combat pour les droits de l’homme

CPE : Contrat premier embauche

CREDOF : Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux

CSE : Charte sociale européenne

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DDTEFP : Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

DIRECCTE : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

EDH : Cour européenne des droits de l’homme

EEE : Espace économique européen

EPR : Evolutionary pressurized water reactor (réacteur à eau pressurisée) ESSEC : École supérieure des sciences économiques et commerciales

ETA : Euskadi Ta Askatasuna

FFCV : Forces françaises du Cap-Vert FNS : Fonds national de solidarité

FRA : Fundamental Rights Agency (agence des droits fondamentaux)

FUE : Fondement de l’Union européenne

GED : Groupe d’étude sur les discriminations

GISTI : Groupe d’information et de soutien des immigrés

GPA : Gestion pour autrui

HALDE : Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

HASSMAR : Haute autorité sénégalaise chargée de la coordination de la sécurité maritime, de la sûreté maritime et de la protection de l’environnement marin

HCR : Haut Conseil des Nations unies pour les réfugiés

HEC : Hautes études commerciales

IFRI : Institut français des relations internationales

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10 ITC : Innovative technology center

JO : Journal officiel

LR : Les Républicains

MOC : Méthode ouverte de coordination

MRAP : Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples

NHS : National Health Service

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques OFII : Office français de l’immigration et de l’intégration

OFPRA : Office français de protection des réfugies et apatrides OIM : Organisation internationale pour les migrations OIT : Organisation internationale du travail

ONEM : Office national de l’emploi

ONG : Organisation non gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies PACS : Pacte civil de solidarité

PAN : Plans d’action nationaux

PECO : Pays de l’europe centrale et orientale PIB : Produit intérieur brut

PICUM : Platform for international cooperation on undocumented migrants PMA : Procréation médicalement assistée

PME : Petites et moyennes entreprises

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement PPE : Parti populaire européen

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PS : Parti socialiste

QCC : Qualifying commonwealth citizen (Citoyens du Commonwealth) RATP : Régie autonome des transports parisiens

RER : Réseau express régional

RF : Regroupement familial

RSA : Revenu de solidarité active SEE : Stratégie européenne de l’emploi

SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance

TA : Tribunal administratif

TCE : Traité instituant la communauté européenne TESS : Traveller education support service

TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne TUE : Traité sur l’Union européenne

UDF : Union pour la démocratie française UDI : Union des démocrates et indépendants UEF : Union des fédéralistes européens

UE : Union européenne

URSSAF : Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales

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13 SOMMAIRE

REMERCIEMENTS………...5

SIGLES ET ABREVIATIONS………7

INTRODUCTION GENERALE………...………17

TITRE I :LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS RESSORTISSANTS DES ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPEENNE ET ASSIMILES ... 61

Chapitre I : Le principe de non discrimination en raison de la nationalité : instrument de la libre circulation des travailleurs ressortissants des États membres et travailleurs assimilés ... 63

Chapitre II : La survivance de certaines discriminations et entraves à la libre circulation des travailleurs ... 115

Conclusion du chapitre II ... 164

Conclusion du titre I ... 165

Chapitre I : Les travailleurs bénéficiant des accords d’association ou de coopération ... 171

Conclusion du chapitre I ... 229

Chapitre II : Les travailleurs protégés, hautement qualifiés et ceux relevant du droit commun des étrangers ... 231

Conclusion du chapitre II ... 273

PARTIE II : L’HARMONISATION NÉCESSAIRE DU STATUT DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS : SOURCE DE COHÉSION SOCIALE ET D’ÉGALITÉ ENTRE LES TRAVAILLEURS………..279

TITRE I :UN SEUL STATUT POUR TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS DANS L’UNION EUROPEENNE ... 285

Chapitre I : La mise en œuvre d’une véritable politique migratoire commune ... 288

Conclusion du chapitre I ... 331

Chapitre II : Le libre accès à l’emploi pour tous ... 333

Conclusion du chapitre II ... 371

Conclusion du Titre I ... 373

TITRE II:LA RECHERCHE DE LA COHESION SOCIALE ... 374

Chapitre I : L’intégration dans le pays d’accueil ... 376

Conclusion du chapitre I ... 433

Conclusion du chapitre II ... 480

Conclusion du Titre II ... 481

CONCLUSIONDELADEUXIEMEPARTIE... 482

CONCLUSION GÉNÉRALE………..484

BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE………...491

PARTIE I:TEXTES JURIDIQUES ... 491

PARTIE II:DOCTRINE ... 507

PARTIEIII :INDEX DE JURISPRUDENCE ... 544

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« Au commencement du monde, alors que tout était commun, il était permis à chacun d’aller et de voyager dans tous les pays qu’il voulait »1.

1FRANCISCO DE VITORIA, De Indis recenter inventis etde iure belli Hispanorum in Barbaros relectiones, Droz,

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INTRODUCTION GENERALE

Généralités sur les migrations

La migration est un mouvement naturel des individus. Selon des sources de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au début du XXIème un habitant sur 35 sur cette terre est un migrant international3. Selon les mêmes sources, l’Europe comptait 56,1 millions de migrants en 2000. Ces chiffres ont explosé ces dernières années notamment en 2015 où la Banque mondiale a estimé qu’il y avait plus de 250 millions de migrants dans le monde4. « Depuis vingt ans, le monde a changé, il serait temps de s’en rendre compte et d’en prendre la mesure. En particulier, de comprendre les conséquences de la formidable expansion, dans le monde tout entier, du champ de liberté individuelle et de ce qui en découle : l’économie de marché et la démocratie. Et de ce qui en découle encore : un grand mouvement à venir des choses et des gens »5. Dans un monde globalisé, on ne peut empêcher la mobilité des

2Stefan Zweig, Le monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, Belfond 1993 [ouvrage achevé en 1939 et publié

pour la première fois, à titre posthume, en 1948], cité par Le Gisti, « Liberté de circulation : un droit, quelles politiques », Collection : Penser l’immigration autrement, Janvier 2011

3 Banque mondiale, communiqué du 18 décembre 2015, « Les migrations internationales en chiffres », OIM,

Enjeux des politiques migratoires, numéro 2, mars 2003.

4

http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/12/18/international-migrants-and-remittances-continue-to-grow-as-people-search-for-better-opportunities-new-report-finds

5 L’express – « Conversations avec Jacques Attali – Un monde en marche » – 21 octobre 2013 :

http://blogs.lexpress.fr/attali/2013/10/21/un-monde-en-marche/

« Rien peut-être ne rend plus sensible le formidable recul qu’a subi le monde depuis la Première Guerre mondiale que les restrictions apportées à la liberté de mouvement des hommes et, de façon générale, à leurs droits (...). Il n’y avait pas de permis, pas de visas, pas de mesures tracassières ; ces mêmes frontières, qui, avec leurs douaniers, leur police, leurs postes de gendarmerie, sont transformées en un système d’obstacles, ne représentaient rien que des lignes symboliques qu’on traversait avec autant d’insouciance que le méridien de Greenwich »2.

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personnes. « Rien ne pourra arrêter le mouvement des populations »6, « pas même les barrières qui se dressent aux frontières »7. Les migrations se font, à différents niveaux et sous différentes formes, parties intégrales de notre présent et de notre futur.8

« Nous vivons dans une ère du mouvement »9. Toutefois, « migrer n’est jamais une décision neutre, elle constitue une situation génératrice de précarité, d’incertitude et de vulnérabilité. Le rôle du droit est sous cet angle essentiel » 10. Aujourd’hui la plupart des populations a le droit de sortir de son pays11 mais il est plus difficile d’entrer dans un autre pays. Il en résulte une économie aux frontières avec les réseaux de passeurs notamment. « En empêchant les migrants d’utiliser les modes de déplacement normaux - en raison de la politique des visas et des sanctions contre les transporteurs, notamment -, on les livre aux passeurs et au racket »12. Chaque État a le pouvoir souverain de déterminer quel étranger peut entrer sur son territoire. En revanche, il doit accepter l’entrée de ses propres ressortissants13. Comme le souligne Danièle Lochak, « au regard des conventions relatives aux droits de l’homme, aucun État n’est tenu d’accepter l’entrée et la présence sur son territoire d’un individu qui n’est pas son national »14. La police des étrangers est un pouvoir souverain des États. Par conséquent, la souveraineté des États se retrouve en conflit avec le principe de libre circulation15. Selon la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) « les États contractants ont, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant

6Édouard Balladur, L’avenir de la différence. Plon, 1999, 186p,

7 Association européenne des droits de l’Homme (AEDH) « Pour une citoyenneté européenne de résidence »,

Dossier Droit de vote pour tous, Hommes & Libertés N°161, mars 2013-49, http://www.ldh-france.org/IMG/pdf/h_l161_dossier_7._pour_une_citoyennete_europeenne_de_residence_.pdf

8 Sarah Spencer, the Politics of Migration, Grande-Bretagne, the Political Quarterly, 2003, p. 2

9 Vincent CHETAIL (dir.), « Mondialisation, migration et droits de l’homme : le droit international en

question ». Volume II, éd. Bruylant, 2007, p.14

10 Rostane Mehdi, conclusions in GHERARI HABIB et MEHDI ROSTANE. (dir.), La société internationale

face aux défis migratoires, Editions A. Pedone, 2012, pp 210-217, p.215

11 Le droit de quitter son propre pays est prévu à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

12 Danièle Lochak, « Des droits fondamentaux sacrifiés » in « Liberté de circulation : un droit, quelles

politiques ? » Gisti, Collection Penser l’immigration autrement, janvier 2011

13Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, art. 13-2. « Toute personne a le droit de quitter tout

pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».

14 Danièle Lochak, « Des droits fondamentaux sacrifiés » in « Liberté de circulation : un droit, quelles

politiques ? » Gisti, Collection Penser l’immigration autrement, janvier 2011 ; « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays » (Pacte international sur les droits civils et politiques, art. 12-4). « Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant » (Protocole n°4 à la CEDH, art. 3-2),

15 Danièle Lochak, « Des droits fondamentaux sacrifiés » in « Liberté de circulation : un droit, quelles

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pour eux de traités internationaux y compris la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux »16. Plusieurs organisations internationales interviennent dans le domaine des migrations notamment l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’OIM. Elles ont adopté des instruments internationaux applicables aux États d’accueil, d’origine et aux migrants et à leur famille.

L’OIT, chargée de « promouvoir l’emploi et de protéger les personnes », a adopté plusieurs normes internationales du travail17. Certaines d’entre elles sont spécifiquement prévues pour les travailleurs migrants. Il s’agit des Conventions n°9718 et n°14319 et de leurs recommandations respectives n°86 et n°151. La Convention n°97 et sa recommandation régissent notamment le recrutement et les conditions de travail des migrants, l’égalité de traitement, l’information et l’aide aux migrants. La Convention n°143 et sa recommandation reprennent et complètent les dispositions de la Convention n°143. Ainsi, l’article 10 de la Convention dispose que « Tout Membre pour lequel la convention est en vigueur s'engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir et à garantir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, de sécurité sociale, de droits syndicaux et culturels et de libertés individuelles et collectives pour les personnes qui, en tant que travailleurs migrants ou en tant que membres de leur famille, se trouvent légalement sur son territoire ». Elles intègrent également la question de la migration clandestine notamment les trafics illicites ou clandestins de main d’œuvre20.

En plus des conventions applicables à tous comme la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, l’ONU a adopté en 1990 la Convention pour la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cette convention est entrée en vigueur

16 Cour EDH, 28 mai 1985, Abdulaziz Cabales et Balkandi contre Royaume-Uni, §67 ; Aristimuno Mendizabal

contre France, 17 janvier 2006 ; Saadi contre Italie, 28 février 2008 ; …

17 Huit Conventions sur les droits fondamentaux, Convention sur la politique de l’emploi (1964), Convention

n°189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (2011) …

18 Convention sur les travailleurs migrants de 1949

19 Convention sur les travailleurs migrants de 1975 (dispositions complémentaires)

20 « Considérant qu'en raison de l'existence de trafics illicites ou clandestins de main-d’œuvre, de nouvelles

normes spécialement dirigées contre ces abus seraient souhaitables », Préambule de la Convention n°143 de 1975

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en 2003 et jusque là, aucun pays du nord notamment ceux de l’Union européenne (UE) ne l’a ratifiée. Nous y reviendrons dans nos développements21.

Dans le contexte européen, le Conseil de l’Europe a adopté plusieurs instruments applicables aux migrants. Il s’agit de la Charte sociale européenne (CSE) du 3 mai 1996 qui concerne les droits sociaux et économiques fondamentaux notamment ceux des personnes vulnérables comme celles souffrant d’un handicap, les personnes âgées, les enfants et les étrangers. Certains, comme Olivier de Shutter, la considèrent comme « la Constitution sociale de l’Europe »22. Il y a également la Convention d’établissement23 qui porte sur les droits des ressortissants des États parties qui séjournent dans un autre État partie dont ils n’ont pas la nationalité. Elle prévoit notamment des facilités de séjour, des dispositions pour l’accès aux droits civils et économiques et une protection contre l’expulsion. On peut aussi citer la Convention européenne de sécurité sociale24. Elle contient notamment des dispositions relatives à l’égalité de traitement, la conservation des droits acquis ou en cours d’acquisition, le choix de la réglementation applicable. En 1977, le Conseil de l’Europe a adopté une convention spécifique. C’est la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant. Ses dispositions prennent en charge plusieurs aspects de la migration de travail notamment le recrutement et les conditions de travail, le voyage, l’installation dans le pays d’accueil, la sécurité sociale et le regroupement familial. Contrairement à la Convention de l’ONU de 1990, elle n’accorde pas de droits aux travailleurs en situation irrégulière.

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme25 applicable à tous, dans la mesure où elle garantit des droits fondamentaux, intéresse particulièrement les migrants au niveau de ses dispositions relatives à l’interdiction de certaines formes de discrimination (article 14)26, au respect de la vie privée et familiale (article 8)27 et à l’interdiction de la

21 Voir la deuxième partie, titre I, chapitre I, section II : Plaidoyer pour la ratification de la convention pour la

protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

22 Olivier de Shutter, La Charte sociale européenne : une constitution sociale pour l’Europe, Bruylant, 02/2010,

192p

23 Convention d’établissement du Conseil de l’Europe signée à Paris le 13 décembre 1955 et entrée en vigueur le

23 février 1965

24 Convention européenne de sécurité sociale signée à Paris le 14 décembre 1972 et entrée en vigueur le 01 mars

1977

25 La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales appelée Convention

européenne des droits de l’homme (CEDH) du 4 novembre 1950

26 « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction

aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation »

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torture ou des peines ou traitement inhumains ou dégradants (article 3)28. Il est ainsi possible de l’invoquer dans le cadre du regroupement familial, dans la lutte contre les disciminations ou lors d’une expulsion vers un pays où la personne concernée risque de subir des traitements inhumains ou dégradants29. Il en est de même de son protocole n°4 qui interdit les expulsions collectives d’étrangers.

L’Union européenne a également adopté une réglementation importante en matière de migration (I). Cette règlementation a instauré le principe de libre circulation d’abord ouvert aux seuls agents économiques avant d’être élargie à tous les citoyens de l’Union (II).

I) L’Union européenne et les migrations

L’Union européenne a été instituée par le Traité de Maastricht du 07 février 199230. Elle a la personnalité juridique depuis le traité de Lisbonne. Elle poursuit l’objectif de construction européenne de la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA)31 et de la Communauté économique européenne (CEE)32 et l’idée des pères fondateurs notamment Jean

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

28 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

29 Elspeth Guild, La Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (1977), une

analyse de son champ d’application et de sa portée actuelle, mars 1999, sous la direction du Professeur K. Groenendijk, Universite de Nimègue, Pays-Bas, p.3

30 Le traité sur l’Union européenne signé à Maastricht est constitué de trois pilliers : les Communautés (CECA,

CE et CEEA), la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la coopération en matière de justice et affaires intérieures (JAI). Le traité de Maastrucht a institué la citoyenneté européene. Avec le traité de Lisbonne

entrée en vigueur le 1er décembre 2009, le système de pilliers est aboli.

31 La CECA est une organisation internationale créée le 18 avril 1951 par le traité de Paris à l’initiative de Jean

Monnet et de Robert Schuman. Elle réunissait la France, l’Allemagne, l’Italie et les Etas du Bénélux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Elle avait pour but de moderniser et d’optimiser la production des industries européennes et de mettre en place un marché commun du charbon et de l’acier. Elle est entrée en viguer le 23 juilet 1952. Elle a été dissolue le 23 juillet 2002.

32 Le 25 mars 1957, l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas ont signé à

Rome deux traités : la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom). La CEE s’est élargie en 1973 avec l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du danemark, en 1981 avec l’entrée de la Grèce et en 1986 avec l’entrée de l’Espagne et du Portugal. Elle a pour objectif de renforcer la coopération économique entre ses Etats membres, d’assurer un développement harmonieux et d’améliorer les conditions de vie et d’emploi des peuples européens. Le renforcement des relations économiques passe notamment par l’établissement d’un marché commun qui s’est superposé aux marchés nationaux et plutard d’un marché unique avec l’acte unique de 1986. La première étape est la libre circulation des marchandises avec l’abolition des barrières douanières et la mise en place de tarifs douaniers communs. La deuxième étape est l’abolition des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. La CEE poursuit l’œuvre de construction européenne entreprise par la CECA et ralantie suite à l’echec

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Monnet33 que le développement économique et social de l’Europe passe par l’existence d’une paix durable sur le continent notamment entre la France et l’Allemagne.

Lors de la signature du traité de Rome, la migration des ressortissants des États tiers, compétence exclusive des États, n’était pas une préoccupation de la communauté. Le traité ne faisait allusion34 à cette question qu’à l’article 59§235. « Le besoin d'une approche commune à l'égard de l'immigration n'était ressenti ni en termes politiques, ni en termes économiques. Pour les six États fondateurs, seule l'Italie fournissait de la main-d'œuvre et celle-ci était absorbée par des pays européens (y inclus la Suisse) qui en demandaient toujours davantage»36.

L’Europe est une terre d’immigration. Celle-ci ne commence à apparaître comme un problème qu’avec les premières manifestations du chômage, à la fin des années soixante. C’est dans les années 70 que la plupart des États européens ont arrêté officiellement l’immigration de travail. Il fallait alors trouver des solutions pour les migrants restés dans le pays d’accueil mais également lutter contre les migrations illégales. « Ce n'est donc pas une pure coïncidence si c'est en 1974 que la Commission prépare un "Programme d'action en faveur des travailleurs migrants et de leurs familles", et que le Conseil adopte une Résolution à ce sujet en 1976 dans laquelle il souhaite entamer une concertation tendant à une approche

de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954. Les Etats fondateurs sont, en effet, « déterminés à établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ». Avec le traité de Maastricht, la CEE est devenue la Communauté européenne (CE).

33 Jean Monnet est un fonctionnaire international français né le 9 novembre 1888 à Cognac. Il a notamment été

nommé coordonnateur des ressources des alliés à Londres durant la première guerre mondiale.Il a également joué un rôle important pour les alliers pendant la seconde guerre mondiale. Il a même proposé en 1940 une union entre la France et le Royaume-Uni « Anglo-FrenchUnity ». Après la guerre, il va participer à la reconstruction de la France. Européen convaincu, c’est l’un des pères fondateurs de la construction européenne. Il a été notamment le premier président de la Haute Autorité de la CECA. Il est à l’origine de la communauté européenne de défence (CED). Il a milité pour une Europe fédérale « Etats unis d’Europe ». Citoyen d’honneur de l’Europe depuis avril 1976, ses détracteurs lui reprochent le déficit démocratique de l’UE. Il est mort le 16 mars 1979 à Houjarray. Ses cendres ont été transférées au Panthéon en 1988

34Giuseppe Callovi, ex - chef d’Unité« Libre Circulation des personnes, politique des visas, frontières

extérieures, Schengen » auprès de la Commission Européenne, « L’Européanisation des politiques migratoires de l’UE », Rencontre du CEDEM, 11 février 2004, p.6

35 Article 59§2 du Traité de Rome « Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut

étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissant d'un État tiers et établis à l'intérieur de la Communauté ».

36Giuseppe Callovi, ex - chef d’Unité« Libre Circulation des personnes, politique des visas, frontières

extérieures, Schengen » auprès de la Commission Européenne, « L’Européanisation des politiques migratoires de l’UE », Rencontre du CEDEM, 11 février 2004, p.6

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commune à l'égard du traitement des ressortissants des pays tiers et dans la lutte contre l'immigration et l'emploi illégaux »37.

L’immigration devient progressivement un enjeu communautaire. Ainsi, la Commission a adopté en mars 1985 une communication sur les « Orientations pour une politique communautaire des migrations »38. Ce sont là, les prémices d’une futur politique migratoire. Le Conseil dans sa résolution du 16 juillet 1985 reconnait « la nécessité d'une coopération et d'une concertation plus étroites au niveau communautaire dans la mise en œuvre des politiques migratoires nationales vis-à-vis des pays tiers »39.

Ce n’est qu’avec le Traité d’Amsterdam que l’Union va avoir une compétence en matière migratoire en intégrant l’acquis de Shengen et en créant par la même occasion l’espace de liberté de sécurité et de justice. On trouve aujourd’hui, un nombre important de réglementations et de communications des institutions de l’Union sur l’immigration des ressortissants des États tiers.

L’immigration est au cœur de l’actualité des États membres. En témoigne, en France, la loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité du 16 juin 201140, la crainte d'un impact des révolutions arabes sur le nombre d'entrées de migrants, la remise en cause de la gouvernance de Schengen ou encore le débat sur l'ouverture du marché du travail aux étudiants étrangers. En Allemagne, la question migratoire a été au cœur des dernières élections. Elle a également été un argument de taille pour les pro-Brexit au Royaume-Uni. Dans tous les États membres, cette question peut faire basculer une élection comme cela a été le cas aux États-Unis d’Amérique avec l’élection de Donald Trump qui a prévu dans son programme d’expulser 11 millions de migrants clandestins et de construire un mur entre le Mexique et les USA.

En 2014, 3,8 millions de personnes ont immigré dans un État membre de l’UE dont 1,6 millions de ressortissants des États tiers41. Selon le Haut Conseil des Nations unies pour les

37Giuseppe Callovi, ex - chef d’Unité« Libre Circulation des personnes, politique des visas, frontières

extérieures, Schengen » auprès de la Commission Européenne, « L’Européanisation des politiques migratoires de l’UE », Rencontre du CEDEM, 11 février 2004, p.7

38 Communication de la Commission européenne au Conseil du 7 mars 1985, Orientations pour une politique

communautaire des migrations , ( COM (85)48 final)

39 Résolution du Conseil du 16 juillet 1985 concernant les orientations d’une politique communautaire des

migrations, JO C 186 du 26 juillet 1985

40Loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, JORF n°0139 du 17

juin 2011, p.10290

41 Données Eurostats mai 2016, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Migration_

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réfugiés42 (HCR) depuis 2014 plus de 10.000 migrants ont perdu la vie en méditerranée43. Cette immigration clandestine est exacerbée par les conflits en Ukraine, en Lybie, en Irak et en Syrie avec la guerre contre Daesh44. Selon l’OIM, de janvier à juin 2016, 206.400 réfugiés et migrants sont entrés en Europe par la mer par la Grèce, Chypre et l’Espagne, soit près de trois fois plus que le record de 70.000 migrants enregistrés en 2011. Le HCR45 ajoute que près de 80% des départs se font depuis les côtes libyennes. Ainsi, par rapport aux vagues migratoires habituelles, entre 2015 et 2016, les États membres de l’Union européenne ont du faire face à un "sunami" migratoire.

La chancelière allemande, Angela Merkel, prône la gestion humanitaire et la répartition des migrants entre les États membres. Mais en Europe centrale, notamment en Hongrie, c’est plutôt la fermeté avec l’installation d’un mur de barbelés pour empêcher l’entrée des migrants venant de la Serbie. Un texte a été adopté46 par le Conseil de l’UE sur proposition de la Commission pour la répartition des migrants entre les États membres47. Mais certains États membres comme la Hongrie, la République Tchèque, la Roumanie et la Slovaquie, ont refusé de l’appliquer. Angela Merkel a, d’ailleurs, proposé de supprimer toutes les aides européennes en faveurs de ces États membres s’ils n’appliquaient pas les quotas de répartition des migrants. En novembre 2016, le plan anti-migrant de Viktor Orban48 qui prévoyait d’inscrire dans la constitution l’interdiction du plan européen de répartition des migrants a été rejeté par le parlement hongrois49.

La militarisation des frontières a conduit à une véritable « guerre aux migrants »50. L’immigration reste une question problématique pour les États. Comme le souligne Vitalie Gamurari, c’est « un thème qui dérange, quel que soit l’État-membre qui y est confronté. Il

42 Communiqué du 07 juin 2016 à Genève

43 En 2014, 3 500 morts ; en 2015, 3 771, et 2 814 décès depuis le début de 2016

44 Organiation Etat islamique

45 Communiqué de décembre 2014

46 Le 22 septembre 2015

47 La proposition concernait la relocalisation d’urgence de 120 000 réfugiés depuis la Grèce, la Hongrie et

l’Italie vers d’autres Etats membres. Mais la désicion n’a porté que sur les réfugiés venant de la Grèce et de l’Italie car la Hongrie n’a pas voulu bénéficié du dispositif.

48 Premier ministre hongrois, voir

http://tempsreel.nouvelobs.com/en-direct/a-chaud/29790-hongrie-hongrie-deputes-bousculent-migrant-orban.html

49 Auparavant, Victor Orban a organisé un référendun pour ne pas appliquer la décision sur les quotas de

répartition des migrants. Même si le "OUI" l’a remporté, il n’a pas pu se fonder sur ce résultat pour appliquer son plan anti-migrant car le quorum n’était pas obtenu. En effet, le référendum a été boycotté par l’opposition et moins de 50% de la population ont participé au vote.

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suffit de s’arrêter un instant sur l’actualité brulante »51 pour s’en rendre compte avec notamment la montée des ultras nationalistes.

« La réalisation de l’intégration des ressortissants des pays tiers est aujourd’hui fortement entravée par les excès du débat public dans beaucoup d’États membres sur les questions d’immigration et notamment à l’endroit des travailleurs dits irréguliers. La frontière entre les discours politiques, les stéréotypes et les stigmatisations est ténue, facilitant la montée des populismes en Europe »52. Ces dernières années, l’afflux de migrants clandestins, par la mer méditerranée notamment, donne l’impression d’une invasion dans les pays de l’Union surtout en France. Les statistiques permettent de relativiser ce mythe. Comme l’a titré le monde en août 2014, « Non, la France n'est pas "envahie" de migrants »53. La part des migrants dans la population en France était de 11.541% en 2013. Elle est à la 80ème place sur 233 pays ou régions. Par comparaison, cette part était de 70.678% aux Émirats arabes unis, 65.467% au Qatar, 27.756% en Australie, 21.468% au Canada, 19.444% au Gabon, 14.381% aux États-Unis. Ces chiffres confirment le fait que la migration se fait principalement vers les pays voisins et la sous région. Ils confirment également que « plus que son importance numérique, c’est sans doute la perception que l’on a du phénomène migratoire qui s’est profondément renouvelée. La migration, si elle est aussi ancienne que l’Humanité, est devenue plus visible »54.

Selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme « devant la persécution toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays »55. On ne peut pas pour autant parler d’ « un véritable droit à l’asile puisque chaque État reste maître de décider souverainement s’il entend ou non accepter sur son territoire l’étranger qui réclame protection, sous réserve de ne pas le renvoyer vers son pays d’origine »56.

51 Vitalie Gamurari, docteur es droit, maitre de conférences universitaire, « Réflexions sur l’évolution de la

politique en matière d’asile dans l’union européenne:de la réglementation au niveau national, au tel communautaire » (II-eme partie), Studii juridice universitare, NR.3-4, Anul III, 2010, p.14, http://files.ulim.md:8080/xmlui/bitstream/handle/123456789/483/Gamurari%20V..pdf?

52 Migration et mobilité en faveur du développement, European Network on migrations and development

(eunomad), http://www.grdr.org/IMG/pdf/refugiesclimat-2.pdf

53

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/08/05/non-la-france-n-est-pas-envahie-de-migrants_4466947_4355770.html#fuul2db7RoWJrX6q.99

54 Vincent Chetail (dir.), « Mondialisation, migration et droits de l’homme : le droit international en question ».

Volume II, éd. Bruylant, 2007, p.16

55 Article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948

56 Danièle Lochak, « Des droitsfondamentaux sacrifiés » in « Liberté de circulation : un droit, quelles

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La France était le 1er pays pour les demandes d’asile au sein de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)57. Cette donne a changé avec l’afflux des migrants en Allemagne qui a accueilli plus d’un million de refugiés en 201558 et 300.000 en 201659. La demande d’asile est souvent considérée comme un moyen de contourner les législations restrictives en matière d’immigration des travailleurs. Le sentiment60 que les immigrés représentent une concurrence sur le marché du travail, la pression supposée sur les services publics et les allocations ou aides sociales61, et le coût engendré par les demandeurs d’asile préoccupent la population locale. Cependant, le droit d’asile doit avoir pour fondement « une liberté de circulation suffisamment étendue pour que les demandeurs d’asile ne soient pas systématiquement soupçonnés d’être des fraudeurs cherchant à contourner des règles d’entrée toujours plus restrictives »62.

Le conseil européen de Tempère de 1999 a fixé comme objectif à l’Union d’établir une politique commune de l’immigration permettant l’intégration des ressortissants des États tiers en leur accordant notamment des droits comparables à ceux des citoyens de l’Union. Selon Vitalie Gamurari, la politique commune d’asile et d’immigration s’articule autour de trois volets différenciés63 :

 Le 1er concerne la coopération entre les pays d’origine ou de transit des migrants et se

traduit par la signature de conventions avec les pays concernés. « L’idée est de favoriser le développement des pays d’émigration, afin de freiner les flux

57http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v24 conférence sur migration

58 1.09 million de réfugiés présisément selon le quotidien Dresde cité par Le Point,

http://www.lepoint.fr/europe/allemagne-1-1-million-de-migrants-accueillis-en-2015-30-12-2015-2006188_2626.php. Certains médias affirment même que l’Allemagne aurait acceuilli 1.5 millions de réfugiés en

2015,

http://www.courrierinternational.com/article/migrants-15-million-de-refugies-en-2015-lallemagne-depasse-les-limites

59

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/12/allemagne-baisse-considerable-du-nombre-de-demandes-d-asile_5012485_3214.html

60 « L’inquiétude suscitée par l’immigration découle souvent du sentiment que les immigrés font pression sur les

services publics et bénéficient injustement des aides sociales », « A quoi est dû le sentiment

anti-immigration ? », Kristy Siegfried, rédactrice, section Migration, IRIN,

http://www.irinnews.org/fr/report/99466/%C3%A0-quoi-est-d%C3%BB-le-sentiment-anti-immigration

61 « A quoi est dû le sentiment anti-immigration ? », Kristy Siegfried, rédactrice, section Migration, IRIN,

http://www.irinnews.org/fr/report/99466/%C3%A0-quoi-est-d%C3%BB-le-sentiment-anti-immigration

62Claire Rodier, « Réhabiliter le droit d’asile par la liberté de circulation » Revue Proteste n° 101, sept. 2004.

63Vitalie Gamurari, docteur es droit, maitre de conférences universitaire, « Réflexions sur l’évolution de la

politique en matière d’asile dans l’union européenne: de la règlementation au niveau national, au tel communautaire (II-ème partie) », pp.13-14

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d’immigration illégale et de pouvoir inciter les migrants à revenir dans leurs pays d’origine »64.

 Le 2ème correspond au statut que l’UE accorde aux migrants réguliers dans les États

membres (politiques de visas et d’asile).

 Et le 3ème correspond à la lutte contre l’immigration clandestine et le séjour irrégulier.

Il concerne l’UE (contrôle aux frontières de l’UE avec Frontex) et les États membres. Toutefois, la règlementation européenne est plus axée sur la répression : « l’arsenal communautaire est jusque là très inégalement réparti entre ces trois volets. En effet, l’accent a souvent été mis sur le troisième volet, qui se révèle être le plus développé, révélant la tendance croissante des États membres à faire l’amalgame entre l’immigration et les problèmes de sécurité nationale »65. Il faudra apprendre à « réguler l'immigration et plus seulement chercher à la "contrôler" avec des instruments rigides et inadaptés »66 et des réglementations « défensives ».67

Selon la Commission européenne, l’approche globale de la question des migrations reflète « la profonde transformation qu’a subie la dimension extérieure de la politique européenne en matière de migrations au cours des dernières années, à savoir le passage d’une approche principalement centrée sur la sécurité, s’attachant à réduire les pressions migratoires, à une approche plus transparente et plus équilibrée, guidée par une meilleure compréhension de tous les aspects des migrations »68. Face à l’immigration clandestine, à la crise des réfugiés fuyant les conflits en Syrie, en Irak et en Libye notamment et aux milliers de morts qui s’échouent sur les côtes européennes, il faudrait redéfinir les responsabilités incombant aux États d’accueil, d’origine ainsi qu’à la communauté internationale. Selon Gérard Onesta, Vice

64 Vitalie Gamurari, docteur es droit, maitre de conférences universitaire, « Réflexions sur l’évolution de la

politique en matière d’asile dans l’union européenne: de la règlementation au niveau national, au tel communautaire (II-ème partie) », p.13

65 Vitalie Gamurari, docteur es droit, maitre de conférences universitaire, « Réflexions sur l’évolution de la

politique en matière d’asile dans l’union européenne: de la règlementation au niveau national, au tel communautaire (II-ème partie) », p.14

66 « Immigration : Un cadre flexible pour une Europe plurielle », Patrick Weil, Directeur de recherche au CNRS

(Centre national de la recherche scientifique), Question d'Europe n°23, avril 2006, http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0023-immigration-un-cadre-flexible-pour-une-europe-plurielle

67Giuseppe Callovi, ex - chef d’Unité« Libre Circulation des personnes, politique des visas, frontières

extérieures, Schengen » auprès de la Commission Européenne, « L’Européanisation des politiques migratoires de l’UE », Rencontre du CEDEM, 11 février 2004,http://labos.ulg.ac.be/wp-content/uploads/sites/14/2015/02/6.pdf, p.8

68 Communication de la commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social

européen et au Comité des régions « Renforcer l’approche globale de la question des migrations : accroitre la coordination, la cohérence et les synergies, COM (2008) 611 final du 08 octobre 2008, p.3.

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Président du Parlement européen « c’est par le partage des richesses, partout dans le monde, que l’on calmera les flots du fleuve débordant de la misère humaine. Chaque euro investi là bas, dans un […] projet fertile, en économise cent autres dépensés, ici, en répression stérile »69. Alain Juppé ajoute que « l’immigration zéro ne veut pas dire grand-chose » et qu’il faut « définir des critères communs pour l’accueil de nouveaux étrangers dans l’Union européenne »70.

Aussi, si les États membres ne prennent pas suffisamment la mesure du défi et des enjeux, « la vague de l’immigration clandestine »71 risque d'emporter sur son passage les efforts réalisés jusque-là. L’immigration zéro ou l’Europe forteresse est un mythe. L’approche restrictive et policière s’est révélée contre-productive, elle n’a pas permis d’enrayer la pression migratoire. Au contraire, elle a favorisé l’immigration clandestine. Il faudrait une gestion plus « intégrée » des questions migratoires qui mettrait en relation les problèmes de la pression migratoire et la question du développement. La migration, étant nécessaire, pour les pays d’émigration et d’immigration, appelle à une collaboration de tous les acteurs.

L’approche nouvelle concernant la migration a donné naissance à de nouvelles formes de migrations circulaire ou temporaire. Là où les gens ont la liberté de circulation la migration d’installation est moins importante. On assiste à une migration circulaire ou temporaire. Ces nouvelles formes de migrations peuvent permettre à l’Union et aux États d’origine des migrants de profiter d’une main d’oeuvre très qualifiée grâce à la "circulation des cerveaux". Selon Mario Monti, « C'est de la mobilité des travailleurs hautement qualifiés dans des secteurs nouveaux et innovants que l'Europe peut tirer le plus grand parti, en s'adaptant à des dynamiques de mobilité nouvelles et en encourageant des formes de mobilité circulaire au sein de l'Union qui compensent les fuites de cerveaux par des gains de cerveaux »72.

Le traité de Rome a consacré la libre circulation des travailleurs. L’acte unique européen a ouvert cette liberté à tous les ressortissants des États membres grâce aux trois directives de

69Gérard Onesta, Vice Président du Parlement Européen, discours prononcé à la Conférence européenne sur les

migrations les 16 et 17 octobre 2001à Bruxelles in Actes de la Conférence européenne sur les migrations

70 Le Monde, le 1er octobre 1999

71 Ali Bensaad « Voyage au bout de la Peur avec les clandestins du Sahel » LE MONDE DIPLOMATIQUE,

septembre 2001, Pages 16 – 17, http://www.mondediplomatique.fr/2001/09/BENSAAD/15645

72 Mario Monti, « Une nouvelle stratégie pour le marché unique au service de l’économie et de la société

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1990 sur le droit de séjour73. Le traité de Maastricht a créé une citoyenneté de l’Union pour les ressortissants des États membres et a fait des règles sur le franchissement des frontières, de la politique d’asile et de la politique d’immigration des « questions d’intérêts commun » faisant partie du troisième pilier. En 1997, le traité d’Amsterdam a complèté l’édifice et a conféré à la Communauté la compétence en matière d’asile et d’immigration. Avec la libre circulation, « les mouvements intra - communautaires ont perdu les caractéristiques des migrations internationales pour ressembler davantage à des mouvements internes des États »74.

Le règlement de 196875 a permis de réaliser la libre circulation des travailleurs et le traité de Maastricht l’a ouvert à tous les citoyens de l’Union. On est ainsi passé du travailleur migrant, agent économique au citoyen de l’Union.

II) De l’agent économique « homo oeconomicus »76 au citoyen de l’Union européenne

La liberté de circulation des travailleurs ressortissants des États membres est le principe qui régit la politique d’immigration au sein de l’Union européenne. Des directives et des règlements garantissant cette liberté ont été adoptés au fil des années et fondés sur le principe de non discrimination en raison de la nationalité inscrit dans le traité dès 1957 : droit à l’égalité de traitement avec les nationaux, droit au séjour des travailleurs étrangers et de leurs familles, droit de demeurer dans le pays d’accueil et d’y rester après une période d’activités. Consacrée par l'article 20 du traité sur l'Union européenne, la liberté de circulation et de

73Directive 90/364/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour ; directive 90/365/CEE du

Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle et directive 93/96/CEE du 29 octobre 1993 relative au droit de séjour des étudiants.

74Giuseppe Callovi, ex - chef d’Unité« Libre Circulation des personnes, politique des visas, frontières

extérieures, Schengen » auprès de la Commission Européenne, « L’Européanisation des politiques migratoires de l’UE », Rencontre du CEDEM, 11 février 2004,http://labos.ulg.ac.be/wp-content/uploads/sites/14/2015/02/6.pdf, p.6

75 Règlement n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur

de la Communauté remplacé par le règlement no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union

76Giuseppe Callovi, ex - chef d’Unité « Libre Circulation des personnes, politique des visas, frontières

extérieures, Schengen » auprès de la Commission Européenne, « L’Européanisation des politiques migratoires de l’UE », http://labos.ulg.ac.be/wp-content/uploads/sites/14/2015/02/6.pdf

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séjour est également garantie par l'article 45 de la Charte européenne des droits fondamentaux. Le droit à la libre circulation est « revêtu »77 de l’effet direct dans l’ordre juridique des États membres. En effet, la Cour de justice dans son arrêt " Van Gend en Loss"78 a affirmé l’effet direct des traités et place ainsi les ressortissants des États membres au cœur du droit communautaire. « L'article 12 du traité instituant la Communauté économique européenne produit des effets immédiats et engendre dans le chef des justiciables des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder »79.

Depuis l’Acte Unique et le traité de Maastricht, on parle de la libre circulation des personnes en général. Mais le traité de Rome portant sur la Communauté économique européenne considérait les individus comme des acteurs économiques. Seuls les travailleurs bénéficiaient de la libre circulation (A). Avec le traité de Maastricht et la jurisprudence de la Cour, ce droit est reconnu à tous les citoyens de l’Union (B).

A) Le travailleur migrant

Selon l’article 11 de la Convention n°97 de l’OIT, le travailleur migrant « désigne une personne qui émigre d'un pays vers un autre pays en vue d'occuper un emploi autrement que pour son propre compte ; il inclut toute personne admise régulièrement en qualité de travailleur migrant ». La Convention exclut les travailleurs frontaliers, les artistes ou les personnes exerçant une profession libérale pour une courte période et les gens de mer. Dans le cadre de cette thèse, nous considérons comme travailleurs migrants les ressortissants des États membres qui quittent leur pays d'origine pour s’installer et travailler dans un autre État membre ainsi que les ressortissants des États tiers qui viennent s’installer et travailler dans l’Union comme salarié ou non salarié. Cette définition exclu du champ d’étude les travailleurs frontaliers du fait qu’ils ne résident pas dans l’État d’emploi. Ces travailleurs sont assimilés aux travailleurs migrants pour le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux par le droit dérivé notamment la directive de 2014/54/UE relative à des mesures facilitant l’exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs et la jurisprudence de la CJUE Geven80, Commission contre Pays-bas81, Giersch82, récemment

77 L’accès des ressortissants des pays tiers au territoire des Etats membres de l’Union européenne ; thèse pour le

Doctorat en droit public de l’université de Rouen, Perrine Dumas, soutenue le 9 décembre 2010, p. 9

78 CJCE, 5 février 1963, aff. C- 26-62, van Gend & Loos, Rec. p.3

79 CJCE, 5 février 1963, aff. C- 26-62, van Gend & Loos, Rec. p.3, conclusions de l’arrêt

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Bragança Linares Verruga83 et surtout l’arrêt Depesme-Kerrou, Kauffmann et Lefort84. Si les deux catégories de travailleurs sont assimilées au niveau du bénéfice des avantages sociaux et fiscaux, le travailleur migrant installé dans l’Etat d’accueil garde son statut particulier lié aux besoins d’intégration dans la société d’accueil. De plus, il est plus exposé aux discriminations que le travailleur frontalier qui rentre dans son pays d’origine ou de résidence après son travail. Celui-ci n’a pas besoin par exemple de faire venir sa famille dans l’Etat d’emploi et n’est pas confronté aux discrimations liées à l’accès au logement.La vulnérabilité et les difficultés rencontrées liées notamment à l’intégration dans la société d’accueil ne sont pas les mêmes. Nous aurons donc une approche stricto sensu du travailleur migrant à savoir celui qui est installé dans l’Etat d’accueil.

Pour bien appréhender la notion de "travailleur migrant" nous devons déterminer qui est un "migrant" (1) et qui a la qualité de "travailleur" (2).

 La notion de « migrant »

Dans le cadre de cette thèse, nous considérons comme « migrant », toute personne qui quitte son pays pour s’installer dans un autre « indépendamment du motif poursuivi »85 économique, familial, politique, sécuritaire, entre autres. Les migrants sont donc les ressortissants des États membres et ceux des États tiers. La question qui se pose est de savoir si tous les migrants peuvent être considérés comme des étrangers ?

Le droit interne français considère comme étrangères « les personnes qui n’ont pas la nationalité française, soit qu’elles aient une nationalité étrangère, soit qu’elles n’aient pas de nationalité »86. C’est « l’aptitude à bénéficier de la plénitude des droits »87 qui différencie le national de l’étranger. Compte tenu de cette définition, on pourrait penser que les

81 CJUE, 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-542/09, point 33

82 CJUE, 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, point 37

83 CJUE, 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C- 238/15, point 39

84 CJUE du 15 décembre 2016 dans les affaires jointes C-401/15 à C-403/15 Noemie Depesme et autres contre

ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

85 Vincent Chetail (dir.), « Mondialisation, migration et droits de l’homme : le droit international en question ».

Volume II, éd. Bruylant, 2007, pp 19-20

86 CESEDA, article L.111-1

87 Ségolène Barbou des Places, Nationalité des Etats membres et citoyenneté de l’Union dans la jurisprudence

communautaire : la consécration d’une nationalité sans frontières, Revue des affaires européennes, numéro spécial, 2011, n° 1, P.39

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ressortissants des autres États membres et ceux des États tiers sont des " étrangers" dans l’État d’accueil.

Cette perception est différente de celle du droit de l’Union européenne qui définit l’étranger comme toute personne qui n’est pas ressortissant d’un État membre de l’UE. L’étranger est, en ce sens, le ressortissant d’un État tiers comme le précise la directive 2003/109 « toute personne qui n'est pas citoyen de l'Union au sens de l'article 17, paragraphe 1, du traité »88. Avec la citoyenneté européenne, la libre circulation et le principe de non discrimination, le citoyen européen, s’il est toujours étranger, est devenu « un étranger super privilégié »89 selon les mots de Delphine Duro Bugny. Il devient ainsi une catégorie intermédiaire entre le national et l’étranger de droit commun. Dans l’affaire Piermont90, la Cour EDH affirme qu’un ressortissant d’un État membre de surcroît parlementaire européen ne peut plus être considéré comme un étranger auquel en l’espèce l’article 16 de la Convention91 pourrait s’appliquer. Les faits en l’espèce sont antérieurs à l’instauration de la citoyenneté européenne. On peut donc considérer à l’instar d’Aymeric Potteau que « l’établissement de la citoyenneté renforce […] inéluctablement la position de la Cour EDH selon laquelle un ressortissant d’un État membre de l’Union n’est plus un étranger dès lors qu’il a, avec les nationaux, une citoyenneté en partage »92.

Le citoyen de l’Union n’est ainsi plus un étranger dans le pays d’accueil ou du moins n’est plus un étranger de droit commun. La différence de statut entre le citoyen européen et le ressortissant d’un État tiers est résumée par Philippe Jestaz qui a écrit que le citoyen européen est « chez lui en France » alors que le ressortissant d’un pays tiers devenu « l’étranger ordinaire, est chez nous »93. Ce propos est à nuancer car les ressortissants de l’UE souffrent parfois eux aussi de disciminations dans l’État d’accueil.

88Article 2.a de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants

de pays tiers résidents de longue durée

89 Delphine Dero-Bugny, « L’étranger », in J-B. Auby (dir.), L’influence du droit européen sur les catégories de

droit public, Dalloz, Collection thème et commentaire, 2010, p.

90 Cour EDH, 27 avril 1995, aff. Piermont c. France, Requête n° 15773/89 ; 15774/89, pt.64

91« Aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 (art. 10, art. 11, art. 14) ne peut être considérée comme

interdisant aux Hautes Parties Contractantes d’imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers ».

92 Aymeric Potteau, « Les perspectives pour la citoyenneté européenne de l’adhésion de l’Union à la Convention

européenne des droits de l’homme », Revue des affaires européennes, numéro spécial, 2011, n° 1, p.116

93 Philippe Jestaz, « le principe d’égalité des personnes en droit privé », in « la personne sujet de droits », 4eme

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Aussi, exceptés les ressortissants des États de l’Espace économique européen (EEE) et de la Suisse qui sont assimilés, nous le verrons, aux citoyens de l’UE, les ressortissants des États tiers sont donc les étrangers sur le territoire de l’Union. La catégorie "ressortissants" des États tiers n’est toutefois pas homogène, elle « s’est obscurcie et ne correspond pas à un statut précis »94. Comme l’a bien souligné Ségolène Barbou Des Places, « pour saisir les droits des ressortissants d’États tiers, il faudrait aujourd’hui tracer une ligne sur laquelle se déplace un curseur »95. Il existe en effet plusieurs sous catégories. Certains pays d’origine ont signé des accords d’association, de coopération ou de partenariat avec l’Union et la Cour de justice a parfois interprété certains de ces accords de manière assez large générant encore des différences de statut. Le droit dérivé peut aussi mettre en place un statut spécifique pour certains étrangers. C’est le cas notamment des résidents de longue durée et des travailleurs hautement qualifiés. Dans la catégorie qu’on pourrait appeler « étrangers de droit commun » des différences de statut peuvent relever de la signature ou non d’accords bilatéraux entre l’État d’accueil et l’État d’origine.

Selon la sous catégorie dont il relève, le migrant aura accès à plus ou moins de droits au sein de l’Union. C’est « une graduation, un continuum »96 qui permet d’analyser la situation juridique des ressortissants des États tiers. Le statut de ces ressortissants est ainsi à géométrie variable. « Dès lors qu’il y a catégorisation, c’est-à-dire répartition d’un ensemble de personnes en au moins deux catégories, apparaît, en droit, un traitement différencié des personnes rattachées à ces catégories. Par conséquent, au moment même où l’auteur crée une catégorie, il induit la création de traitements différents. »97. Les discriminations se retrouvent entre citoyens de l’UE et nationaux, entre les citoyens de l’Union, entre citoyens de l’UE et les ressortissants des États tiers et entre les ressortissants des États tiers eux même.

Le travailleur migrant ressortissant d’un État membre doit bénéficier du principe d’égalité de traitement avec les nationaux. « L’égalité entre nationaux et ressortissants des autres États

94Ségolène Barbou Des Places, Nationalité des États membres et citoyenneté de l’Union dans la jurisprudence

communautaire : la consécration d’une nationalité sans frontières, Revue des affaires européennes, numéro spécial, 2011, n° 1, p.41

95Ségolène Barbou Des Places, Nationalité des États membres et citoyenneté de l’Union dans la jurisprudence

communautaire : la consécration d’une nationalité sans frontières, Revue des affaires européennes, numéro spécial, 2011, n° 1, p.41

96Ségolène Barbou Des Places, Nationalité des États membres et citoyenneté de l’Union dans la jurisprudence

communautaire : la consécration d’une nationalité sans frontières, Revue des affaires européennes, numéro spécial, 2011, n° 1, p.41

97 Ségolène Barbou des Places, "La catégorie en droit des étrangers : une technique au service d’une politique de

contrôle des étrangers ", REVUE Asylon(s), N°4, mai 2008, Institutionnalisation de la xénophobie en France, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article762.html

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membres constitue un pilier du droit de l’Union »98. Le principe d’égalité de traitement implique que les personnes se trouvant dans la même situation doivent subir le même traitement et que les personnes se trouvant dans des situations différentes doivent être traitées de manière différente. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, « le principe d'égalité de traitement envisagé en tant que principe général du droit communautaire exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière identique, à moins qu'une telle différenciation ne soit objectivement justifiée »99.

Ainsi, « l’appréciation du respect de l’égalité suppose une évaluation de la comparabilité en fait des situations considérées »100. La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que « le traitement différent de situations non comparables ne permet pas de conclure automatiquement à l’existence d’une discrimination ; qu’une apparence de discrimination formelle peut donc correspondre en fait, à une absence de discrimination matérielle ; que la discrimination matérielle aurait consisté à traiter soit de manière différente des situations similaires soit de manière similaire des situations différentes »101.

Grâce au principe d’égalité de traitement et son corollaire le principe de non discrimination en raison de la nationalité, les citoyens de l’Union peuvent séjourner et travailler librement dans l’État d’accueil. Le principe d’égalité est au départ un « instrument de réalisation du marché »102. Par la suite, avec le développement de la construction européenne vers « une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens »103, il est devenu un moyen pour protéger les droits fondementaux et sociaux des citoyens européens104. Toutefois, « l’égalité

98 Dominique Nazet Allouche, « L’Union européenne et le principe d’égalité », Les Notes du Pôle, Pole

développement durable et territoires méditerranéens, CERIC/Cnrs-Aix Marseille Université, publié le 17 juin 2014, https://pddtm.hypotheses.org/257

99CJCE, 7 juillet 1993. - Royaume d'Espagne contre Commission des Communautés européennes, aff. C-217/91,

Rec.I-3923, pt.37 ; Voir aussi CJCE, 23 février 1983, Wagner, aff. C-8/82, Rec.371, ...

100Sophie Robin-olivier, Le principe d’égalité en droit communautaire. Études à partir des libertés économiques ;

Presse universitaire d’Aix Marseille, faculté de Droit et de Science politique, 1999, pp 23-24

101CJCE, 17 juillet 1963, République italienne contre Commission de la Communauté économique européenne,

aff. C-13/63, Rec. 335, pt. 360

102Sophie Robin-olivier, Le principe d’égalité en droit communautaire. Études à partir des libertés économiques ;

Presse universitaire d’Aix Marseille, faculté de Droit et de Science politique, 1999, p.30

103 Préambule du traité de Rome de 1957

104Sophie Robin-olivier, Le principe d’égalité en droit communautaire. Études à partir des libertés économiques ;

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