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Article pp.27-35 du Vol.6 n°1 (2014)

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doi:10.3166/R2IE.6.27-35 © 2014 Lavoisier SAS. Tous droits réservés

Le Procureur financier, architecte de la lutte contre la corruption

et la délinquance économique et financière

Par Myriam Quéméner

Avocat général près la Cour d’appel de Versailles mquemener@hotmail.fr

Résumé

Plusieurs lois viennent ces derniers mois de reconfiguration l’organisation du Parquet dans un but de recherche d’efficacité accrue dans le domaine économique et financier.

Le volet sécurité publique de l’intelligence économique est largement modifié. Nous montrons comment le nouveau Procureur financier va doter les pouvoirs publics de larges moyens d’action de lutte, d’autant plus que sa création est associée à celle d’un Office policier spécialisé et à de nouveaux pouvoirs octroyés à la société civile. Nous postulons, ainsi, que la lutte contre les infractions économiques et financières doit ar- ticuler, d’abord, les acteurs publics et privés et, ensuite, entre les autorités françaises et européennes dont le parquet financier pourrait devenir l’interface française avec le futur procureur européen. © 2014 Lavoisier SAS. All rights reserved

Mots clés : intelligence économique, droit, droit d’alerte, Parquet financier.

Abstract

The ˝Procureur financier˝, leader of the fight against corruption, economic and financial crime. Several laws come, these last months, of reconfiguration the organi- zation of the ˝Parquet˝ (Public Prosecutor’s department) in a purpose of research for an increasing efficiency among the economic and financial domain. The public economic intelligence is, so, widely modified. We show how the new ˝Procureur financier˝ (Finan- cial Prosecutor) is going to endow the authorities of wide means of action of fight, especially since his creation is associated to that of a specialized police Office and to new powers granted to Non Gouvernemental Organisations. We postulate so, that the fight against economic and financial malpractices has to articulate, at first, the public and private actors and, then, French and European authorities. The ˝Parquet Financier˝

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(Financial public prosecutor’s department) could become the French interface with the future European prosecutor. © 2014 Lavoisier SAS. All rights reserved

Keywords: business intelligence, Law, whistle blowing, Financial public prosecutor’s department.

Introduction

La lutte contre la corruption, la fraude fiscale, le blanchiment ainsi que le traitement effectif par la justice des affaires économiques et financières est essentiel pour une démo- cratie, et ce particulièrement en période de crise.

Aujourd’hui, cet objectif est une priorité gouvernementale mais aussi un objectif euro- péen et international. En effet, même si la refonte de la justice économique et financière (Quemener, 2013) est intervenue suite à l’affaire « Cahuzac » (Cutajar, 2013). Elle s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus étendu1 qui est lié au développement d’une criminalité sans cesse plus structurée et transnationale. La corruption coûte 120 milliards d’euros à l’Europe et le montant de la perte fiscale est de 60 à 80 milliards chaque année correspondant à une partie non négligeable du déficit public qui a atteint 98,2 milliards d’euros en 2012.

Il convient de prendre la mesure de ce que la fraude fiscale de masse est aujourd’hui aux mains des organisations criminelles transnationales. Ce sont elles qui ont découvert dans la négociation des droits d’émission de carbone une nouvelle possibilité de fraude et dont il y a fort à parier qu’elles s’intéresseront aussi aux marchés du gaz ou de l’électricité où les volumes sont encore plus importants.

En effet, la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment, tout en étant des phénomènes distincts, sont souvent liés par des éléments objectifs qui imposent une action ciblée menée par des magistrats spécialistes. Il est dès lors indispensable de reconquérir des champs infractionnels complexes comme le domaine fiscal et financier qui se démultiplient souvent grâce aux recours aux réseaux numériques de surcroît2.

À cet égard, la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière est indéniablement renforcée par la loi du 6 décembre 20133 qui devrait contribuer tant à l’efficience des poursuites pénales qu’à l’efficacité renforcée des sanctions pénales.

En écho à l’affaire « Cahuzac », les parlementaires ont souhaité renforcer considérablement la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière en instau- rant un procureur économique et financier exerçant une compétence d’attribution4 sur toute l’étendue du territoire national. Ce nouveau procureur, est muni de moyens permettant un traitement efficace des infractions relevant de ses compétences. Il renforce ainsi le volet

« sécurité » de l’intelligence économique publique.

1 http://lexpansion.lexpress.fr/economie/guerre-a-la-fraude-fiscale-le-rapport-qui-veut-passer-de-la- parole-aux-actes_405270.html#ziGUgZcbbvhqCb3b.99

2 http://www.larevuedugrasco.eu/documents/revue_n6_juillet_2013.pdf

3 Loi n° 2013-1116, 6 déc. 2013, art. 65 et 69.

4 Code d’organisation judiciaire, art. L 217-3.

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1. La création du parquet financier à compétence nationale

La création du parquet financier à compétence nationale conduit à revoir l’ensemble de l’architecture du traitement judiciaire de la grande délinquance économique et financière.

La justice est ainsi en pleine reconfiguration, particulièrement au niveau du parquet et en matière économique et financière. La nécessité d’une justice pénale suffisamment forte et indépendante pour garantir l’égalité de tous devant la loi constitue le socle d’un État de droit. Sur ce point, le visage du parquet français est donc paradoxal avec des actions traduisant une capacité de modernisation tout en conservant un statut hiérarchisé en lien avec le politique.

Les lois refondent l’architecture judiciaire de la lutte contre la délinquance économique et financière autour d’une nouvelle institution judiciaire, le procureur de la République financier

2. Pouvoirs du procureur financier

Le procureur financier5, décrit comme « la clé de voûte de l’ensemble du dispositif6 est compétent au niveau national pour les atteintes à la probité comme la corruption, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, le favoritisme, les détournements de fonds publics, pour la fraude fiscale lorsque ces infractions auront un certain degré de complexité, au regard de l’importance du préjudice causé, de leur dimension internationale ou de spécificité des techniques de fraudes utilisées et, pour le blanchiment, de l’ensemble de ces infractions ». Le nouveau procureur de la République financier, Éliane Houlette7, et le parquet financier, composé de 4 magistrats, ont été officiellement installés lors d’une audience solennelle qui s’est tenue le 3 mars 2014 au tribunal de grande instance de Paris, en présence de la garde des Sceaux8.

Le procureur de la République financier dispose d’une double compétence nationale d’attribution de deux ordres :

- une compétence concurrente en matière économique et financière dans des affaires « d’une grande complexité », couvrant les situations dans lesquelles la fraude résulte d’un grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes, ou du ressort géographique sur lequel les infractions s’étendent9.

- une compétence exclusive en matière des délits boursiers10. Bien que la cohérence de la mesure ait été discutée, le contentieux boursier étant indépendant des atteintes à la probité et de la fraude fiscale11, le procureur de la République financier dispose

5  L. org. n° 2013-1115, 6 déc. 2013 relative au procureur de la République financier. – Adde CPP, art.

705 s. nouveaux. – COJ, art. L. 217-1 s.

6 Propos de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, Droit pénal n° 6, alerte 37.

7 Éliane Houlette a défendu lors de son installation la mise en place de ce parquet spécialisé, soulignant que la corruption coûte 120 milliards d’euros à l’échelle européenne, c’est-à-dire à peine moins que le budget de l’Union (V.rapp. GRECO : JCP G 2014, act. 223, Aperçu rapide C. Cutajar)

8 Audience solennelle d’Installation du procureur financier, La Semaine Juridique Edition Générale 10-11, 10 mars 2014, 324

9 CPP, art. 705 nouveau. – V. Dr. fisc. 2013, comm. 585, note P. Fumenier.

10 CPP, art. 705-1 nouveau.

11Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Rapp. AN n° 1130 et 1131, p. 53.

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donc désormais d’une compétence nationale exclusive pour la poursuite des infrac- tions boursières d’initié, de manipulation de cours et de fausses informations12 ainsi que pour la poursuite des infractions connexes au sens des dispositions de l’article 203 du Code de procédure pénale.

À ce dernier égard, cette compétence globale du nouveau procureur de la République financier s’explique dans la mesure où, à l’issue de l’enquête, et sans préjudice du déclenchement du pouvoir de sanction de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le Collège de cette même autorité transmet, si les griefs notifiés lui semblent constituer un des délits boursiers visés aux articles L. 465-1 et L.

465-2 du Code monétaire et financier, un exemplaire du rapport d’enquête au procureur de la République financier13. Or, les délits transmis à ce dernier peuvent être aussi bien boursiers (délits d’initiés, de fausse information, de manipulation de cours) que financiers (délits relevant du droit pénal des sociétés : abus de biens sociaux, présentation de bilans inexacts, banqueroute…) ou de droit commun (escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux…), dans la mesure où les enquêteurs de l’AMF ont pu relever incidemment de telles infractions à l’occasion de leurs investigations. Pour l’ensemble de ces infractions, il s’agit d’un transfert d’un champ de compétence relevant, depuis la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, de la section économique et financière du parquet de Paris au profit du nouveau procureur financier.

Comme par le passé, le Tribunal de grande instance de Paris demeure exclusivement compétent à l’échelle nationale, pour l’instruction et le jugement de ces infractions, la centralisation de ce contentieux très technique entre les mains des magistrats parisiens du siège, opérée par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, n’étant fort opportunément nullement remise en cause par la loi nouvelle.

Le Procureur financier, dépendant hiérarchiquement du Procureur général de Paris a été nommé par décret du Président de la République, sur proposition du garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, à la suite de la réforme constitutionnelle soumise actuellement au Parlement. Il a ainsi une responsa- bilité propre et une légitimité nécessaire pour conduire l’action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la corruption de grande complexité en mettant en œuvre les instructions générales de la garde des Sceaux. Les fonctions sont exercées par un Avocat général à la Cour de cassation mais les nominations pourront être concomitantes.

Il sera, comme tout procureur de la République, soumis à la règle limitant à sept ans la durée de l’exercice de ses fonctions14.

Ses missions consistent à mener des enquêtes judiciaires, assister des services dans le cadre de leurs enquêtes, animer et coordonner des investigations de police judiciaire et des recherches, effectuer ou poursuivre à l’étranger des recherches, recueillir et centraliser des renseignements, suivre et exploiter tout dispositif de signalements mis en place.

Confortée par la réforme du statut du parquet et l’absence d’instructions individuelles15, son action bénéficie d’une légitimité, même si certains s’étonnent de son rattachement

12 Code monétaire et financier, art. L. 465-1 et L. 465-2.

13 Code monétaire et financier, art. L. 621-15-1, al. 1er.

14 Loi organique n° 2013-1115, art. unique ; Ord. n° 58-1270, art. 38-2 mod.

15Voir circulaire du garde des Sceaux du 19 9/2012 http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/1_

Circulaire_20120919.pdf

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fonctionnel au procureur général de la Cour d’appel de Paris et non au procureur de la République de Paris, déjà en charge de la gestion de contentieux nationaux, comme la lutte contre le terrorisme16. Il dispose de moyens propres entièrement dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Pour assurer le fonctionnement de ce parquet et de l’ensemble de la chaîne pénale, à savoir les magistrats instructeurs, les juridic- tions de jugement en première instance ou en appel, les moyens seront renforcés, avec la création à terme d’une cinquantaine de postes de magistrats avec notamment 22 magistrats du parquet, 10 juges d’instruction et des assistants spécialisés. Comme les autres procureurs, le procureur financier sera nommé pour sept ans par le président de la République17, sur proposition du garde des Sceaux et après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Compte tenu de la suspension de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ce procureur financier sera nommé, comme tous les autres magistrats du Parquet, par le président de la République, sur proposition du ministre de la justice après avis du CSM. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a toutefois fait remarquer aux sénateurs que « l’interdiction des instructions individuelles renforcera son indépendance, ainsi que la possibilité de rester en poste pendant sept ans, conformément à l’ordonnance du 22 décembre ». Le procureur financier, tout comme les juridictions interrégionales spécialisées et le parquet économique et financier de Paris, disposera d’assistants de justice spécialisés. Ce sont des fonctionnaires mis à disposition ou des agents du secteur privé contractuels, aux fins d’assistance de ce nouveau parquet dans des domaines aussi techniques et variés que la comptabilité, le domaine bancaire et boursier, la fiscalité, la matière douanière et le secteur de marchés publics. Ils contribuent à un travail d’équipe pluridisciplinaire nécessaire au traitement des dossiers complexes.

Ils permettent, notamment, de limiter l’ouverture d’informations inutiles en effectuant un tri préalable des plaintes déposées.

Une circulaire du 31 janvier 2014 précise le champ de compétence du procureur de la République financier, instauré par la loi no 2013-1117 du 6 décembre 2013, rela- tive à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière et la loi organique no2013-1115 du 6 décembre 201318. Il a, par essence, vocation à connaître des affaires susceptibles de provoquer un retentissement national ou international de grande ampleur ». Il a aussi vocation à intervenir « dans les affaires se distinguant par la complexité des montages financiers, la technicité de la matière, l’enchevêtrement des sociétés ou des structures impliquées, et, plus largement, lorsque le recours à un parquet hautement spécialisé est indispensable au bon déroulement des investigations et à une bonne administration de la justice ». La circulaire cite à titre d’exemples les cas de multiples sociétés écrans ou de fiducies dans plusieurs pays considérés comme des paradis fiscaux, de circuits de blanchiment complexes, de comptes taxis ou d’orga- nisation frauduleuse d’insolvabilité particulièrement aboutie.

16W. Roumier, création du procureur financier : une fausse bonne idée, selon l’Union syndicale de la magistrature (USM)

17 V. Ord. n° 58-1270, 22 déc. 1958, art. 38-2 modifié).

18 Circ. 31 janv. 2014, NOR : JUSD1402887C, BO Justice complémentaire, 14 févr.

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3. Le nouvel Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales

Le Procureur financier est rattaché au tribunal de grande instance de Paris et peut saisir le nouvel Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fis- cales (OCLCIFF)19 et les infractions financières et fiscales qui dépendent de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il comprend la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale et la Brigade nationale de lutte contre la corruption et la criminalité financière. Ses domaines de compétence comprennent ainsi les infractions relevant du droit pénal des affaires, la fraude fiscale20, les atteintes à la probité et aux règles sur le financement de la vie politique, les délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral lorsque les affaires sont ou paraissent d’une grande complexité ainsi que les infractions qui leur sont connexes. L’office traite également du blanchiment de ces infractions. Le champ de compétence de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale est étendu au blanchiment de fraude fiscale. Cette « police fiscale » agira au sein de l’Office central de lutte contre la corruption et la fraude fiscale.

En outre, il est nécessaire d’assurer la coordination avec des services qui contribuent déjà à la lutte contre la délinquance économique et financière (Quemener, 2013) et dont les compétences pourraient éventuellement se chevaucher comme par exemple la Cellule à compétence nationale du traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN)21, placée auprès du Ministère de l’Économie, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) à composition interministérielle placé auprès du ministre de la Justice22. De même, des connexions seront indispensables avec l’Office cen- tral pour la répression de la grande criminalité financière (OCRGDF), créé le 9 mai 1990, qui a pour domaine de compétence les infractions à caractère économique, commercial et financier liée à la criminalité professionnelle ou organisée, telles que le grand banditisme, le terrorisme ou le trafic de stupéfiants.

4. Les nouveaux outils juridiques en matière de lutte contre la corruption et la fraude fiscale

Le délai de prescription pour toute forme de fraude fiscale passe de trois à six ans, ce qui va permettre de mener à bien davantage de procédures souvent complexes.

Les peines sont portées jusqu’à sept ans de prison notamment et deux millions d’euros d’amende, contre cinq ans et 750 000 euros actuellement, lorsque les faits ont été commis en bande organisée. En effet, une circonstance aggravante de bande organisée est instituée pour les fraudes les plus graves comme celles reposant notamment sur le recours à des comptes bancaires ou des entités détenues à l’étranger, telles que les fiducies ou trusts.

19Créé par décret n° 2013-960 du 25 octobre 2013, publié au Journal officiel du 27 octobre 2013 ; voir C.

Fleuriot, Dalloz actualité, 30/10/2013.

20Infractions mentionnées à l’article 28-2 du code de procédure pénale.

21 http://www.economie.gouv.fr/tracfin/accueil-tracfin.

22Créé par la L. n° 93-122 du 29 janv. 2002 et le décret. n° 93-232 du 22 février 1993.

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Les amendes encourues par les personnes physiques en matière de corruption et autres atteintes à la probité ont été relevées. Les montants actuels sont en effet aujourd’hui très faibles par rapport aux profits générés. Ainsi, en fonction du comportement réprimé, le mon- tant maximal passera de 75 000 euros à 500 000 euros et de 150 000 euros à 1 000 000 euros.

Le juge pourra aussi décider de porter le montant au double du produit tiré de l’infraction.

Une meilleure articulation entre Bercy et le ministère de la Justice pour le déclenchement des poursuites judiciaires est annoncée. Ainsi, l’administration des finances devra ainsi informer le juge d’instruction ou le procureur de la République, dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, de l’état d’avancement des recherches de nature fiscale effectuées à la suite des indications transmises.

Des autorisations pour les enquêteurs de recourir à des techniques dites « spéciales » d’enquête seront prévues comme la surveillance, l’infiltration et la possibilité de placer garde à vue de quatre jours sous le contrôle du parquet.

5. La création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) Créée par les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, cette autorité administrative indépendante (AAI)23 est chargée de promouvoir la probité des responsables publics et peut faire des signalements au procureur financier.

À ce titre, elle reçoit et contrôle les déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts des 8 000 plus hauts responsables publics (membres du Gouvernement et du Parlement, grands élus locaux, collaborateurs du président de la République, des ministres et des présidents des assemblées ou dirigeants d’organismes publics). Elle peut également être consultée par les élus sur des questions de déontologie relatives à l’exercice de leur fonction et émettre des recommandations à la demande du Premier ministre ou de sa propre initiative sur toute question relative à la prévention des conflits d’intérêts. Elle publie un rapport annuel remis au président de la République, au Premier ministre et au Parlement et peut formuler des recommandations pour l’application de la législation en matière notamment de relations avec les représentants d’intérêts.

6. La protection des lanceurs d’alerte

Le whistleblowing (Bailly, 2010)- ou alerte éthique jusqu’alors très développé à l’étranger, en particulier aux États-Unis24 - fait son apparition en France depuis peu25 et les whistle- blowers bénéficient de protection avec l’interdiction de mesures de sanctions, ou assimilées, à l’encontre des personnes qui, ayant connaissance de faits constitutifs d’une situation

23 http://www.hatvp.fr; cette nouvelle autorité indépendante est présidée par M. Jean-Louis Nadal.

24 La législation sur le whistleblowing remonte au XIXe siècle aux États-Unis avec l’introduction, durant la guerre civile, du False Claims Act à la suite de la découverte de la vente, par certaines entreprises, de fournitures défectueuses à l’armée. Le Whistleblower Protection Act (WPA) constitue le principal texte législatif de protection des donneurs d’alerte aux États-Unis. Toutefois, cette loi ne s’appliquait qu’aux employés du secteur public, et uniquement aux personnes travaillant dans les organes fédéraux.

25 Voir art 25I de la loi n° 2013-907 du 11/10/2013 relative à la transparence de la vie publique.

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de conflit d’intérêts, les porteraient de bonne foi à la connaissance de leur employeur ou des autorités judiciaires ou administratives. En matière de lutte contre la fraude fiscale, le législateur introduit une protection générale des lanceurs d’alerte, qui témoignent de faits constitutifs d’un crime ou d’un délit, dans le secteur privé comme dans le secteur public, laquelle est une innovation en droit français.

Ainsi, les lanceurs d’alerte26 seront protégés de toute sanction, licenciement ou discrimi- nation dans leur emploi, avec une inversion de la charge de la preuve en leur faveur. Ainsi, le Code du travail a été complété de dispositions protectrices pour « le salarié qui a relaté ou témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connais- sance dans l’exercice de ses fonctions »27. Les fonctionnaires bénéficieront du même régime28. Le lanceur d’alerte sera mis en relation avec le Service central de prévention de la cor- ruption lorsque l’infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service29. L’alerte éthique, qui permet de révéler des actes illicites ou dangereux pour autrui, touchant à l’intérêt général, constitue en effet un outil important permettant d’aider la justice dans sa mission de détection des infractions.

On peut aussi signaler la création d’un système de « repentis » prévoyant une exemption ou une réduction de peine pour les personnes coopérant avec la justice.

Les associations agréées de lutte contre la corruption pourront se constituer partie civile.

Ce droit d’agir en justice pour les associations anti-corruption agréées, consacre ainsi la jurisprudence rendue par la Cour de cassation, en novembre 201030. Celle-ci avait jugé recevable la constitution de partie civile d’une association dans l’affaire dite des « Biens mal acquis ». Cette avancée juridique considérable permettra à la société civile de faire entendre sa voix et de demander l’ouverture d’une procédure même dans l’hypothèse où le parquet n’estimerait pas opportun d’agir.

7. La fin des pôles économiques et financiers

et l’essor des juridictions interrégionales spécialisées

La création de ce procureur national financier s’accompagnera d’une refonte et d’une simplification de l’architecture du traitement de la délinquance économique et financière.

Les 36 juridictions régionales spécialisées, créées en 1975 (dites « pôles économiques et financiers »), compétentes pour la délinquance économique et financière de grande com- plexité, trop nombreuses et insuffisamment spécialisées, seront supprimées. En revanche, la compétence des huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) sera-elle élargie à l’ensemble de la délinquance économique et financière de grande complexité et elles devraient voir leurs moyens renforcés. Enfin, les magistrats qui composent ces juridictions

26Pour plus d’informations sur « l’alerte éthique », voir Transparency international France :  http://www.

transparency-france.org/ewb_pages/div/Le_lancement__d_alerte_ethique.php.

27 Code du travail, art. L. 1132-3-3.

28 Loi 83-634, 13 juillet 1983, art. 6bis.

29 Le lanceur d’alerte sera mis en relation avec le Service central de prévention de la corruption lorsque l’infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service. http://www.justice.gouv.fr/le- ministere-de-la-justice-10017/service-central-de-prevention-de-la-corruption-12312/

30 Cass. Crim. 9 nov. 2010, F-D, n° 09-88.272

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devraient développer des liens plus soutenus dans le respect des rôles de chacun avec des organismes tels que la Banque de France, l’autorité de contrôle prudentiel, les établissements bancaires et financiers, le GIE cartes bancaires, des cercles et associations du secteur privé qui œuvrent aussi dans ces domaines.

Conclusion et perspectives

On assiste donc aujourd’hui à une reconfiguration de l’organisation du parquet à la fran- çaise dans un but de recherche d’efficacité accrue dans le domaine économique et financier qui avait été, il faut le dire, quelque peu négligée depuis quelques années notamment avec une chute des effectifs tant au niveau des services d’enquête spécialisés que des magistrats.

On observe également la création de nouveaux outils procéduraux et d’autorités spécifiques afin de renforcer en particulier la transparence de la vie économique et fiscale. Ces réformes en cours constituent une avancée significative si les moyens financiers et humains suivent pour garantir une politique pénale efficace en la matière, depuis la détection des infractions jusqu’à l’exécution de sanctions dissuasives.

Il est certain que l’évolution et les contours du parquet en France n’ont pas fini d’ali- menter les réflexions qui devront s’inscrire désormais dans une perspective non plus uniquement nationale mais européenne avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a posé les jalons d’un ministère public européen chargé de la protection des intérêts finan- ciers et fondamentaux de l’Union (Mongerau, 2006). Le parquet financier pourrait, ainsi, constituer l’interface nécessaire au niveau national et l’interlocuteur privilégié du futur procureur européen en France devant permettre une synergie et une efficacité accrue de la lutte contre cette forme de criminalité à l’échelle internationale (Cutajar, 2013). Par ailleurs, l’articulation entre les acteurs publics et privés devra se renforcer dans un souci d’efficacité renforcée dans la lutte contre ces phénomènes. Il appariait déterminant que les entreprises dans une démarche d’intelligence économique pertinente s’imprègnent de ces évolutions législatives afin d’anticiper de nouveaux risques et enjeux pour leurs activités lucratives.

Bibliographie

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