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Chronique de jurisprudence européenne comparée (2011)

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Laurence Burgorgue-Larsen

To cite this version:

Laurence Burgorgue-Larsen. Chronique de jurisprudence européenne comparée (2011). Revue du Droit Public, LGDJ,Paris / Lextenso (en ligne), 2012, CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE, 2012 (6), pp.1723-1763. �hal-01578651�

(2)

Chronique de jurisprudence

europe´enne compare´e (2011)

par Laurence B

URGORGUE

-L

ARSEN

Professeur à l’E´ cole de droit de la Sorbonne (Universite´ Paris I), Directeur adjoint de l’Institut de Recherche

en droit international et europe´en de la Sorbonne

SOMMAIRE I. — LES INTERACTIONS ORGANIQUES HORIZONTALES

A. — La Cour de Luxembourg, interpre`te de la Convention europe´enne 1. La Charte, encore et toujours efficace

2. La Convention « interpre´te´e », toujours influente

B. — La Cour de Strasbourg, juge de la conventionnalite´ du syste`me de l’Union 1. La Cour de Strasbourg, juge du droit de l’Union

2. La Cour de Strasbourg, juge des manquements au droit de l’Union 3. La Cour de Strasbourg, interpre`te du droit de l’Union

II. — LLES INTERACTIONS ORGANIQUES VERTICALES

A. — La Cour de Strasbourg, juge des Cours constitutionnelles 1. Le contrôle des de´cisions constitutionnelles

2. Le contrôle de l’argumentaire constitutionnel

B. — Les Cours constitutionnelles, juges de la constitutionnalite´ des syste`mes transnationaux

1. Les Cours constitutionnelles et la primaute´ du droit de l’Union 2. Les Cours constitutionnelles et le renvoi pre´judiciel (article 267 TFUE)

(3)

Les crises e´treignent l’Europe. Au fle´au de la re´cession e´conomique qui de´lite les liens entre les gouvernements et les peuples europe´ens, les re´cessions de´mocratiques surgissent, lourdes de dangers pour l’e´quilibre politique du continent. Ainsi de la Hongrie et de la Roumanie qui traversent des moments politiques particulie`rement « de´licats ». Le premier a adopte´ une nouvelle Constitution paradoxale (1), alte´re´ les pouvoirs de la Cour constitutionnelle, musele´ les me´dias et mis en place une politique d’ostracisme à l’e´gard des Roms, tandis que le second s’est attaque´ à l’office de la Cour constitutionnelle. Ces e´ve´nements ont alerte´ tant la Commission de Venise — rattache´e au Conseil de l’Europe — que la Commission et le Parlement europe´en qui ont, pour l’instant, joue´ la carte de la diplomatie. L’heure des sanctions politiques sonnera-t-elle un jour alors que les pre´occupations imme´diates sont au sauve-tage de l’Europe e´conomique (2) ? Dans ce climat de´le´te`re, il y a des Tribunaux constitutionnels qui — bien que sous le coup de mesures agressives de la part de leur propre syste`me — tiennent bons. La Cour constitutionnelle hongroise en constitue un exemple emble´matique, elle qui de´clara inconstitutionnels, le 19 de´cembre 2011 (3), certains articles de la loi sur les me´dias (4). Le juge, les juges — souvent de´crie´s comme n’incarnant pas le « lieu de´mocratique » — participent en re´alite´ de « l’e´quilibre de´mocratique ». Dans ce contexte, le de´cryptage du dialogue des juges s’ave`re toujours aussi capital.

I. — LES INTERACTIONS ORGANIQUES HORIZONTALES

Le contentieux de´montre plus que jamais que les rapports, les liaisons, bref, les interactions entre les deux Cours europe´ennes sont particulie`rement

(1) La nouvelle Constitution hongroise, adopte´e le 18 avril 2011 par l’Assemble´e nationale et signe´e par le Pre´sident de la Re´publique le 25 avril 2011, est entre´e en vigueur le 1erjanvier 2012. Cette nouvelle constitution a donne´ lieu à de vifs e´changes

de vues sur le plan national ainsi qu’international (voir les avis CDL(2011) 016 et CDL (2011) 001 de la Commission europe´enne pour la de´mocratie par le droit (la Commission de Venise), la re´solution no12490 de´pose´e le 25 janvier à l’Assemble´e

parlementaire du Conseil de l’Europe, les de´clarations du Conseil et de la Commission ainsi que la re´solution du Parlement europe´en du 5 juillet 2011. Le texte est particulie`re-ment ambivalent, assumant tout à la fois son inte´gration au sein de l’Union — en y reproduisant par exemple les droits fondamentaux tel que consacre´s par la Charte des droits fondamentaux — tout en magnifiant certains aspects nationalistes... Voir l’Edito-rial comment de L. Azoulai, « Hungary’s new constitutional order and « European Unity », CMLR, 2012, 49, pp. 871-883.

(2) Le transformisme constitutionnel fut la conse´quence de cette crise, certains pays inte´grant rapidement la fameuse re`gle d’or dans leur Constitution. La re´forme de la Constitution espagnole du 27 septembre 2011 (BOE, no233) le de´montre (v. infra).

(3) Cour constitutionnelle hongroise, 19 de´cembre 2011, no165/2011 (XII. 20.).

(4) En 2010, le Parlement hongrois avait entame´ une refonte du cadre le´gislatif des me´dias. Dans le cadre de cette re´forme, il avait adopte´ deux lois en 2010 : une loi

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vivaces et effectifs. Bien que l’adhe´sion soit encore un horizon bien lointain, le destin des syste`mes europe´ens sont irre´me´diablement lie´s.

A. — La Cour de Luxembourg, interpre`te de la Convention europe´enne On connaît la proble´matique de la concurrence entre la Convention euro-pe´enne et la Charte des droits fondamentaux dans l’interpre´tation des droits prote´ge´s dans l’ordre juridique de l’Union europe´enne (5). Les subtilite´s argu-mentaires lie´es au « pluralisme re´fe´rentiel » sont au cœur des e´volutions jurisprudentielles ces dernie`res anne´es ; 2011 ne de´roge e´videmment pas à la re`gle.

Toutefois, avant d’atteindre le niveau du « proce`s europe´en », le phe´nome`ne se manifeste au pre´alable en toute logique dans le cadre des proce´dures judiciaires nationales. Les reque´rants ont en effet prit le pli d’invoquer la Charte devant les juges nationaux et ce, quels que soient leur office (6). Les arrêts de la Cour de cassation grecque (9 juin 2011) (7) et de la Cour constitutionnelle belge (22 de´cembre 2011) (8), en te´moignent magistrale-ment : invoque´e par les reque´rants, elle est inte´gre´e par ces deux juges dans la ratio decidendi de leurs de´cisions. A` l’e´chelle du contentieux de l’Union, la Charte s’impose toujours un peu plus en campant au cœur des arguments des avocats ge´ne´raux, des juges de renvoi, des parties à l’instance comme des parties intervenantes. Dans ce contexte, la pre´sence et l’influence de la

relative à la liberte´ d’expression et aux dispositions essentielles en matie`re de contenu des me´dias et une loi relative aux services des me´dias et aux me´dias de masse.

(5) « Chronique de jurisprudence europe´enne compare´e », RDP 2006, p. 1100 et s. ; 2007, p. 1536 et s. ; 2008, p. 1246 et s. ; 2009, p. 1809 et s. ; 2010, pp. 1022 et s.

(6) Ils le font parfois de façon encore tre`s maladroite... notamment en ne re´alisant pas l’importance de la question du champ d’application tel que mentionne´ à l’article 51 de la Charte. Pour un exemple où les dispositions attaque´es ne « mettaient pas en œuvre le droit de l’Union », v. CE, 24 fe´vrier 2011, Union nationale des footballeurs professionnels et autres, no40122.

(7) Cour de Cassation grecque, Ass. Ple´nie`re, no1/2011 (Peiraïki Nomologia 2011,

p. 205). Cette affaire affirme avec solennite´ que toutes les e´ventuelles de´rogations à la force juge´e des de´cisions de justice pe´nale e´manant des juridictions des E´ tats membres ne peuvent être introduites que par la loi et doivent respecter le principe de proportionnalite´, conforme´ment à l’article 52 § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europe´enne.

(8) Cour constitutionnelle belge, 22 de´cembre 2011, no197/2011. Dans cette affaire,

la Cour constitutionnelle s’est prononce´e sur la compatibilite´ de la loi sur la protection de la concurrence e´conomique avec les principes d’e´galite´ et de non-discrimination e´nonce´s aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union euro-pe´enne ainsi qu’avec le droit à une protection juridictionnelle effective et le droit à un proce`s e´quitable, pre´vus aux articles 47 de la Charte et 6 de la Convention europe´enne des droits de l’homme.

(5)

Convention « telle qu’interpre´te´e » par la Cour de Strasbourg aurait pu s’en trouve´e affecte´e ; ce n’est pas le cas, notamment parce que les liens entre ces deux textes sont re´fe´rence´s expresis verbis à l’article 53 de la Charte.

1. La Charte, encore et toujours efficace

Apre`s l’affaire Volker du 9 novembre 2010 (9) qui emporta une invalidite´ partielle du droit de´rive´, c’est l’arrêt ASBL qui fut à l’honneur le 1ermars 2011 (10) pour avoir censure´ une disposition d’une « des trois importantes

directives « anti-discrimination » (11). Il s’agit du premier arrêt pre´judiciel concernant la directive 2004/113 du 11 de´cembre 2004 qui met en œuvre le principe de l’e´galite´ de traitement entre les femmes et les hommes dans l’acce`s à des biens et services et la fourniture de biens et services (12). Il ne passe e´videmment pas inaperçu. L’affaire, juge´e en grande chambre apre`s que six E´ tats membres aient juge´ utile de pre´senter leurs observations, est importante. En effet, le juge de l’Union n’interpre`te pas la directive 2004/113, il censure un de ses articles, le proble´matique article 5 § 2. En ce sens, cet arrêt se distingue du corpus contentieux engendre´ jusqu’à pre´sent par les deux autres directives, exclusivement axe´ sur la seule interpre´tation de leurs disposi-tions (13).

L’arrêt ASBL intervient suite au renvoi active´ le 18 juin 2009 par la Cour constitutionnelle belge qui interrogeait le juge de l’Union sur la conformite´ de l’article 5 § 2 de la directive à l’ancien article 6 § 2 TUE qui a codifie´ la construction pre´torienne de la Cour de Luxembourg de´ploye´e de`s la fin des

(9) CJUE, Gde Ch., 9 novembre 2010, Volker und Markus Scheke c/ Land de Hesse, aff. C-92/09 et 93/09. v. cette revue, « Chronique de jurisprudence europe´enne compare´e », 2011-4 p. 1025 et s.

(10) CJUE, Gde Ch., 1ermars 2011, Association belge des Consommateurs

Test-Achats ASBL — C-236/09. Cls. Mme J. Kokott, du 30 septembre 2010. Pour des analyses incisives sur cet arrêt, on renvoie à G. Calve`s, « La discrimination statistique devant la Cour de justice de l’Union europe´enne : premie`re condamnation », Revue de droit sanitaire et social, 2011, pp. 645-658 ou encore à E. Dubout, « En matie`re d’assurance, la femme est un homme comme les autres. Premie`re invalidation d’une disposition d’une directive relative à la lutte contre les discriminations », RAE, 2011, pp. 211-221.

(11) On sait que la « clause de lutte contre les discriminations » (article 19 TFUE, ex-article 13 TCE) permet au Conseil de l’Union d’adopter à l’unanimite´ les « mesures ne´cessaires » pour combattre les discriminations sur la base de motifs tout à la fois classiques (sexe, race ou origine ethnique, religions ou convictions) et novateurs (handi-cap, âge ou orientation sexuelle).

(12) JO L 373/37, 21 de´cembre 2004.

(13) Pour un point de vue d’ensemble sur le contentieux « anti-discrimination » v. A. Eriksson, « European Court of Justice: Broadening the scope of European non-discrimination law », I.CON, vol.7, no4, October 2009, pp. 731-753.

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anne´es 1960 en matie`re de droits fondamentaux (14). Il est piquant de constater à quel point la Cour se de´sengage des contours de l’ancien article 6 § 2 TUE. Le traite´ de Lisbonne n’e´tant pas en vigueur au moment de la saisine, il e´tait logique que l’ancien article 6 § 2 TUE soit à la base argumentaire du renvoi pre´judiciel (15). La Cour de justice aurait pu opter pour une approche stricte de sa compe´tence ratione temporis, en rappelant qu’au moment de sa saisine, la Charte n’e´tait pas encore en vigueur... Elle ne s’est gue`re embarrasse´e de cet e´le´ment technique ; à la fin du rappel de la teneur de l’ancien article 6 § 2 TUE, la Cour asse`ne simplement « ces droits fondamentaux sont incorpore´s dans la Charte qui, à partir du 1erde´cembre 2009, a la même valeur juridique

que les traite´s. » Elle pouvait ensuite axer son argumentaire sur les seuls articles 21 et 23 de la Charte et de´ployer une interpre´tation te´le´ologique de la directive 2004/113. Le tour e´tait joue´ : la Charte e´tait e´rige´e comme l’instru-ment de re´fe´rence du contrôle de le´galite´ et la Convention europe´enne — notamment son article 1 du protocole 12 — brille`rent par leur absence... Elle pouvait alors s’atteler à l’analyse au fond. La disposition conteste´e permettait aux E´ tats d’autoriser des diffe´rences proportionnelles dans le calcul de primes et de prestations pour les assure´s lorsque le sexe est un facteur de´terminant dans l’e´valuation des risques. Le sujet, explosif, avait donne´ l’occasion à Juliane Kokott de conside´rer cette disposition comme invalide. Elle contesta avec force les arguments des parties intervenantes qui tente`rent coûte que coûte de minimiser tant la porte´e du principe d’e´galite´ de traitement comme ses effets dans l’ordre juridique de l’Union. Elle valorisa à l’inverse sa « position pre´dominante dans tous les domaines de l’Union » ce qui en fait, tout à la fois, « un droit fondamental et un principe constitutionnel de l’Union europe´enne » (point 38 des conclusions). Partant, quand bien même l’avocat ge´ne´ral reconnaît classiquement que le Conseil dispose d’un « large pouvoir d’appre´-ciation dans le cadre de l’exercice de ses compe´tences » (point 47 des conclu-sions) en pouvant être sensible, comme en l’espe`ce, aux spe´cificite´s d’un secteur e´conomique comme celui des assurances, elle n’en rappela pas moins que ce pouvoir d’appre´ciation n’e´tait pas illimite´. Et d’affirmer qu’« il ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre d’un principe fondamental de droit communautaire. Font notamment partie des

(14) Il se lisait ainsi : « L’Union respect les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention europe´enne de sauvegarde des droits de l’homme et des liberte´s fondamentales, signe´e à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils re´sultent des traditions constitutionnelles communes aux E´ tats membres, en tant que principes ge´ne´-raux du droit communautaire. » Il correspond grosso modo à l’article 6 § 3 du TUE tel que re´vise´ à Lisbonne qui se lit ainsi : « Les droits fondamentaux, tels qu’il sont garantis par la Convention europe´enne de sauvegarde des droits de l’homme et des liberte´s fondamentales et tels qu’ils re´sultent des traditions constitutionnelles communes aux E´ tats membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes ge´ne´raux. ». (15) Le point 16 de l’arrêt le rappelle fort à propos en mentionnant que cette disposition « disposait... ».

(7)

principes fondamentaux du droit de l’Union, et ce ne sont pas les moindres, les interdictions particulie`res de discrimination e´nume´re´es à l’article 21, para-graphe 1, de la charte des droits fondamentaux » (point 48 des conclusions). On ne pouvait être plus clair. Cette pre´e´minence accorde´e au principe d’e´galite´ de traitement entre les hommes et les femmes est reprise à son compte par la Cour qui e´gre`ne les diverses dispositions des traite´s qui le consacre. Ainsi, des articles 21 (non-discrimination) et 23 (e´galite´ entre femmes et hommes) de la Charte, de l’article 157 § 1 TFUE qui consacre l’e´galite´ dans le domaine spe´cifique de la re´mune´ration (16) et enfin la clause d’habilitation normative de l’article 19 TFUE qui permet au Conseil d’agir et ce, conforme´ment aux objectifs inscrits aux articles 3 § 3, al. 2 (17) TUE et 8 du TFUE (18) (points 16 à 19 de l’arrêt). Le raisonnement de la Grande chambre s’inscrit ici sans ambages dans le sillon dessine´ par l’avocat ge´ne´ral.

Une fois ceci pose´, elle arriva à la conclusion de l’invalidite´ de l’article 5 § 2 de la directive en de´roulant toutefois une analyse diffe´rente de celle avance´e par Mme Kokott. Cette dernie`re s’e´tait plu à marteler qu’il est par principe « incongru de de´finir les risques d’assurance en fonction d’un sexe d’une personne » (point 50 des conclusions), en mettant sur le même pied le non-sens qu’il y aurait à faire de même au regard de motifs tenant à la race ou à l’origine ethnique (point 49 des conclusions). Elle s’e´vertua ensuite à exami-ner s’il e´tait logique, rationnel et au bout du compte licite de raisonexami-ner en termes statistiques pour e´valuer des risques d’assurance distincts entre les hommes et les femmes. La proble´matique e´tait importante car la Cour n’avait jamais vraiment pris position sur la question de savoir si ces diffe´rences — qui ne peuvent être rattache´es au sexe de l’assure´ que d’un point de vue statistique — peuvent — voire doivent — entraîner, lors de la conception de produits d’assurance, une ine´galite´ de traitement entre les assure´s de sexe masculin et ceux de sexe fe´minin. Rappelant que sur le terrain des discrimina-tions directes, une ine´galite´ de traitement n’est licite que « lorsqu’il peut être constate´ avec certitude qu’il existe entre les hommes et les femmes des diffe´rences pertinentes rendant une telle ine´galite´ de traitement ne´cessaire » (point 60), elle estima que celles-ci faisaient justement de´faut en l’espe`ce. Tout de´montre à l’inverse qu’une kyrielle d’autres facteurs jouent un rôle important dans l’appre´ciation des risques d’assurance (activite´s professionnel-les de haut niveau stressantes, modes de consommation, type de sports prati-que´s etc..) ; ces derniers ne peuvent comme tel être rattache´s à l’appartenance

(16) Il se lit ainsi : « Chaque E´ tat membre assure l’application du principe d’e´galite´ des re´mune´rations entre travailleurs masculins et fe´minins pour un même travail ou pour un travail de même valeur. ».

(17) Il se lit ainsi : « [L’Union] combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’e´galite´ entre les femmes et les hommes, la solidarite´ entre les ge´ne´rations et la protection des droits de l’enfant. ».

(18) Il se lit ainsi : « Pour ses actions, l’Union cherche à e´liminer les ine´galite´s et à promouvoir l’e´galite´ entre les hommes et les femmes. ».

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à l’un ou l’autre sexe (point 63 des conclusions). Autrement dit, l’avocat ge´ne´ral estime qu’« invoquer le sexe d’une personne comme crite`re de rempla-cement, en quelque sorte, pour d’autres facteurs de diffe´renciation est incompa-tible avec le principe de l’e´galite´ de traitement des hommes et des femmes. » (point 67 des conclusions, souligne´ dans le texte).

La Cour ne se place pas sur ce terrain de la pertinence de l’outil statistique en matie`re de discrimination directe. Elle mobilise une interpre´tation te´le´ologi-que de la directive 2004/1133 apre`s avoir rappele´ les fondamentaux de sa jurisprudence en matie`re d’e´galite´ : les situations comparables ne doivent pas être traite´es diffe´remment, tandis que les situations diffe´rentes ne doivent pas être traite´es de façon e´gale (point 28 de l’arrêt). Elle affirme alors que la directive 2004/113 est fonde´e sur « la pre´misse selon laquelle, aux fins de l’application du principe d’e´galite´ de traitement des femmes et des hommes consacre´ aux articles 21 et 23 de la charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l’e´gard des primes et des prestations d’assurances contracte´es par eux sont comparables. » Du coup, la de´rogation à l’e´galite´ de traitement inscrite à l’article 5 § 2 de la directive, pour ne pas avoir e´te´ limite´e dans le temps par le le´gislateur (qui peut par ailleurs parfaitement mettre en place des re´gimes de´rogatoires à titre transitoire), engendre un risque qu’elle « soit inde´finiment permise par le droit de l’Union » (point 31 de l’arrêt). C’est le point 32 qui asse`ne le constat d’invalidite´ en affirmant qu’une disposition comme l’article 5 § 2 « est contraire à la re´alisation de l’objectif de l’e´galite´ de traitement entre les femmes et les hommes que poursuit la directive 2004/114 et incompatible avec les articles 21 et 23 de la Charte. »

Suivant les recommandations de l’avocat ge´ne´ral qui avait elle-même e´tait sensible aux arguments avance´s par le gouvernement britannique en termes de se´curite´ juridique (point 77 des conclusions), la Cour de´roge au principe de l’effet re´troactif des arrêts pre´judiciels en appre´ciation de validite´ (ex tunc). Disposant d’un pouvoir discre´tionnaire en la matie`re, elle est en effet à même de de´terminer les effets de l’acte litigieux invalide´. Toutefois, alors que l’avocat ge´ne´ral diffe´rait ge´ne´reusement les effets de l’invalidite´ pendant trois ans (afin que les E´ tats membres aient le temps de revoir leur le´gislation nationale et pour permettre aux compagnies d’assurance de modifier leurs prestations), la Cour a e´te´ plus se´ve`re en fixant le 21 de´cembre 2012 comme deadline (point 34 de l’arrêt). Jusqu’à cette date, les contrats discriminatoires en faveur des femmes seront valides ; pas au-delà. En attendant bien sûr, les contentieux introduits au sein des E´ tats qui visaient à contester une telle discrimination ne seront pas touche´s par l’effet diffe´re´ dans le temps de l’invalidite´. Que les femmes se le disent, leur e´galite´ avec les hommes induit (e´videmment) que tous les traitements de faveur qui leur e´taient accorde´s disparaissent lentement mais sûrement ! Une nouvelle donne dont on verra qu’elle a e´te´ pris en compte à la lettre par la Cour constitutionnelle (v. infra, les conse´quen-ces des saisines des Cours constitutionnelles).

(9)

2. La Convention « interpre´te´e », toujours influente

S’il fallait retenir un seul arrêt en 2011 qui de´montre tout à la fois la pre´gnance de la Charte dans le contentieux de l’Union, mais e´galement le caracte`re incontournable de la Convention europe´enne telle qu’interpre´te´e par la Cour de Strasbourg, ce serait à n’en pas douter l’arrêt N.S et M.E et

autres (19). Il a mobilise´ l’intervention à l’instance de dix gouvernements

nationaux (20), de la Commission europe´enne comme de plusieurs ONG (21) et organes spe´cialise´s en matie`re de droits de l’homme et de droit international humanitaire (22). Ce sont deux affaires globalement similaires qui ont e´te´ jointes par la grande chambre de la Cour de Luxembourg afin de re´pondre à plusieurs questions pre´judicielles pose´es les unes par la Court of Appeal du Royaume-Uni, les autres par la High Court d’Irlande. Le « syste`me europe´en commun de l’asile » est au centre des interrogations de ces juges (23). Ils le confrontent aux dispositions de la Charte des droits fondamentaux et ils s’interrogent : ce syste`me est-il conforme à ses dispositions, notamment ses articles 1 (dignite´ humaine), 4 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou de´gradants), 18 (droit d’asile), 19 § 2 (Protection en cas d’e´loignement, d’expulsion et d’extradition) et 47 (droit à un recours effectif et à acce´der à un tribunal impartial) ? On sait que ce « syste`me » de l’asile repose sur une varie´te´ impressionnante de textes — notamment l’impor-tant re`glement no343/2003 (24) — dont la philosophie est celle de la

reconnais-sance mutuelle. Partant du principe que tous les E´ tats membres de l’Union accordent aux e´trangers de trouvant sur leur territoire une protection des droits e´quivalente, le premier pays sur le territoire duquel arrive un demandeur d’asile se transforme en « l’E´ tat membre responsable » de l’examen de ladite demande. Dans leur grande sagesse, les auteurs du re`glement de 2003 avaient toutefois pre´vu une de´rogation mentionne´e à l’article 3 § 2 en vertu de laquelle « chaque E´ tat membre peut examiner une demande d’asile qui lui est pre´sente´e

(19) CJUE, Gde Ch., 21 de´cembre 2011, N.S et M.E et autres (C-411/10 et 493/10). (20) Ainsi de l’Allemagne, de l’Autriche, de la France, de la Finlande, de la Gre`ce, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Pologne, de la Slove´nie et de la... Suisse.

(21) Amnesty International et le AIRE Centre.

(22) Organes tout à la fois nationaux (comme la britannique Equality and Human Rights Commission) et internationaux (ainsi du Haut Commissariat des Nations unies pour les re´fugie´s).

(23) L’affaire re´ve´lait le drame ve´cus par plusieurs migrants (sans lien entre eux) en provenance d’Afghanistan, d’Iran et d’Alge´rie qui avaient tous transite´ par le territoire grec avant de venir soit au Royaume-Uni, soit en Irlande et d’y pre´senter des demandes d’asile.

(24) La Convention internationale connue sous le nom de « Convention de Dublin » fut « communautarise´e » grâce à l’article 63 CE du traite´ d’Amsterdamn ; elle devint ce faisant le re`glement no3443/2003 sur la base duquel plusieurs directives ont e´te´

(10)

par un ressortissant d’un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des crite`res fixe´s dans le pre´sent re`glement. » Ainsi, quand les reque´rants au principal dans l’affaire N.S et M.E se voient frappe´s d’une proce´dure de renvoi vers la Gre`ce — qui est le premier pays par lequel ils sont arrive´s en Europe et qui de ce fait arbore le statut d’« E´ tat membre

responsable » — la question revient pour les juges nationaux à se demander si le Royaume-Uni et l’Irlande — en refusant d’activer la de´rogation de l’article 3 § 2 — n’enfreignent pas plusieurs droits garantis par la Charte. La re´ponse de la Cour de justice in casu est tre`s claire : « dans l’hypothe`se où il y aurait lieu de craindre se´rieusement qu’il existe des de´faillances syste´miques de la proce´dure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’E´ tat membre responsable, impliquant un traitement inhumain et de´gradant, au sens de l’article 4 de la charte, des demandeurs d’asile transfe´re´s vers le territoire de cet E´ tat membre, ce transfert serait incompatible avec ladite disposition » (25) (point 86). Partant, la Cour impose aux E´ tats

d’activer la de´rogation de l’article 3 § 2 et d’examiner « eux-mêmes » la demande d’asile quand il existe des risques se´rieux et ave´re´s de faire subir à des demandeurs d’asile des traitements inhumains et de´gradants en les renvoyant vers l’E´ tat responsable au principal (voir points 106, 107, 108). A ce stade de l’analyse, où se tapit la jurisprudence de la Cour europe´enne pourrait-on, à juste titre, se demander ? En re´alite´, elle fut l’aiguillon de cette attitude ferme et courageuse de la Cour de Luxembourg qui ne pouvait ignorer le retentissant arrêt M.S.S c/ Belgique et Gre`ce (26) (v. infra, la Cour de Strasbourg, juge du droit de l’Union). Omnipre´sent dans les tre`s riches conclu-sions de l’avocat ge´ne´ral Trstenjak, il le fut e´galement dans l’arrêt de la Cour de Luxembourg puisqu’elle y fit re´fe´rence expressis verbis (points 88, 89). Contrairement à certains juges qui sont aujourd’hui en minorite´ à travers le monde (27) — la Cour de Luxembourg n’he´site pas, directement et clairement, à porter au grand jour l’importance de re´fe´rents exoge`nes à son syste`me juridique pour faire in fine avancer la protection des droits.

(25) Pour arriver à ce constat, elle a dû au pre´alable conside´rer que des E´ tats qui de´rogeaient au principe de reconnaissance mutuelle — de´rogation expresse´ment envisa-ge´e par l’article 3 § 2 du re`glement no343/2003 — agissaient dans le champ

d’applica-tion du droit de l’Union (article 51 § 1 de la Charte). Ce point e´tait capital : il e´tait soutenu par la Commission europe´enne et les gouvernements français, ne´erlandais, autrichien et finlandais. On notera au passage que les gouvernements irlandais, britanni-que, belge et italien s’opposaient à une telle analyse.(voir les points 61 et 62 de l’arrêt).

(26) CEDH, Gde Ch., 21 janvier 2011, M.S.S. c/ Belgique et Gre`ce.

(27) Dans des contextes il est vrai tre`s diffe´rents, on citera le Conseil constitutionnel français — qui continue de se draper avec orgueil et pre´juge´ dans la seule re´fe´rence qui vaille selon lui, la De´claration des droits de l’homme et du citoyen, alors qu’il s’inspire de façon manifeste du standard europe´en pour faire e´voluer l’interpre´tation du bloc de constitutionnalite´ — et la Cour suprême des E´ tats-Unis, qui reste toujours re´fractaire par nature à l’utilisation du droit compare´.

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Cette affaire N.S et M.E confirme l’installation, mieux, la banalisation dans le paysage contentieux national et europe´en de la Charte des droits fondamentaux : elle est incontestablement devenue le texte de re´fe´rence dans le champ de l’Union, celui autour duquel s’articulent les arguments des parties à l’instance comme ceux du juge. Elle de´montre e´galement que les liens avec la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne peuvent e´videmment pas se de´liter et disparaître. Les deux syste`mes comme les deux Cours sont « condam-ne´es » pour le meilleur et pour le pire à vivre ensemble et faire en sorte que la protection des droits sur le continent europe´en soit marque´e du sceau de l’harmonie avec, en prime, le maintien d’un standard e´leve´ de protection.

B. — La Cour de Strasbourg, juge de la conventionnalite´

du syste`me de l’Union

De`s le premier nume´ro de cette chronique (28), on avait re´ve´le´ les manifesta-tions d’une re´volution silencieuse mais ne´anmoins bien re´elle : celle du contrôle conventionnel tous azimuts sur le syste`me juridique de l’Union europe´enne. Depuis bien longtemps en effet tout se passe comme si l’adhe´sion de l’Union à la Convention e´tait acte´e, à tout le moins sous l’angle mate´riel (29). Quand le droit de l’Union est de´faillant ou susceptible de l’être, la Cour de Strasbourg ne manque pas de de´ployer des tre´sors d’inventivite´ juridique pour mettre sous pression l’Union en rappelant qu’in fine elle est « juge » de son droit. Si le contrôle indirect du droit de´rive´ est une re´alite´ inconteste´e (notamment à travers le contrôle des mesures nationales d’exe´cution), le couperet conven-tionnel est e´galement toujours « potentiel » quand le droit de l’Union se trouve directement en cause. Bien que ce que nous pourrions appeler la « diplomatie syste´mique » ait jusqu’à pre´sent engendre´ une retenue judiciaire toute strate´gi-que — la the´orie de l’e´quivalence des protections mise en place par la jurisprudence Bosphorus ayant en effet pour objet d’e´viter que la coexistence (syste´mique) ne se transforme en chaos (protecteur) — il n’empêche, l’e´tau se resserre comme s’il ne fallait pas que la technique de l’e´quivalence soit la porte ouverte à une diminution du standard europe´en de protection. L’emble´-matique arrêt M.S.S en te´moigne (1).

Dans le même temps, il n’en reste pas moins que la Cour de Strasbourg est aussi l’allie´ objectif du syste`me de l’Union : quand les juridictions nationa-les font peu de cas des exigences de la primaute´ du droit de l’Union ou

(28) Cette revue, « Chronique de jurisprudence europe´enne compare´e », 2000-4, pp. 1081-1151.

(29) On ne mentionnera pas ici le processus des ne´gociations ayant pour objet de mettre un point final à un vieux serpent de mer : l’adhe´sion de l’Union à la Convention. Il ne concerne pas, comme tel, le dialogue des juges. On se contentera de signaler que les ne´gociations ont abouti à l’adoption d’un projet de rapport le 14 octobre 2011 « portant adhe´sion de l’Union europe´enne à la Convention europe´enne des droits de l’Homme ».

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quand elles s’e´mancipent un peu trop aise´ment de l’obligation de renvoi pre´judiciel (article 267 TFUE), la Cour de Strasbourg est là, qui veille, transfor-mant — à la charge des juges nationaux — les obligations de l’Union en obligations conventionnelles (2). De même, elle se fait toujours l’interpre`te du droit de l’Union mais e´galement, fait plus original, de ses proce´dures (3). On l’aura compris, les liens entre les deux Cours — et partant entre les deux syste`mes juridiques europe´ens — sont toujours importants et primordiaux, même s’ils sont re´ve´lateurs d’une extraordinaire complexite´ syste´mique.

1. La Cour de Strasbourg, juge du droit de l’Union

Les E´ tats membres de l’Union sont aujourd’hui dans l’impossibilite´ mani-feste de maintenir un standard e´leve´ et homoge`ne de protection des droits fondamentaux sur leur territoire de`s qu’il est question d’accueil des migrants. Il ne se passe pas un jour sans que des faits divers plus terribles les uns que les autres de´voilent le drame des de´racine´s, force´s de quitter leur terres pour survivre e´conomiquement et/ou pour fuir des exactions et des conflits arme´s de tous types. Les migrations force´es est une des grandes trage´dies de ce XXIesie`cle (30). Cette re´alite´ sombre et de´sespe´rante fut mise en lumie`re par

le retentissant arrêt M.S.S. c/ Belgique et Gre`ce (31) où la Grande Chambre de la Cour europe´enne statua sur la requête d’un ressortissant afghan entre´ sur le territoire de l’Union par la Gre`ce avant de parvenir en Belgique. Les constats de violation dresse´s par la Cour dans cette affaire à l’encontre de deux E´ tats membres de l’Union appliquant la re´glementation « Dublin II » furent un camouflet sans pre´ce´dent à l’encontre de ces deux pays dans la mesure où l’article 3 et l’article 13 combine´s avec les articles 2 et 3 de la Convention ont e´te´ de´clare´s enfreints. En arrie`re-plan, c’est tout le syste`me commun europe´en de l’asile et le principe de la reconnaissance mutuelle qui fut mis en cause.

La condamnation de la Gre`ce fut sans doute la plus outrageante du point de vue mate´riel. Les faits de l’affaire permirent de lever le voile sur les conditions de´plorables de de´tention des e´trangers, plus particulie`rement des demandeurs d’asile, sur son sol. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe avait eu l’occasion de de´noncer à plusieurs reprises une telle situation et ne se priva pas, in casu, d’activer la nouvelle proce´dure de l’article 36 § 3 de la Convention (de´taille´e par l’article 44 § 2 du re`glement inte´rieur) qui lui permet de se porter partie intervenante à l’instance, pour le rappeler. En attendant une refonte de le´gislation de l’Union europe´enne sur ces questions et une prise de conscience se´rieuse des autorite´s nationales afin

(30) A. A. Cançado Trindade, « Le de´racinement et la protection des migrants dans le droit international des droits de l’homme », RTDH, 2008, no74, p. 289 et ss.

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d’ame´liorer l’accueil des migrants, la situation sur le terrain continue de de´voiler des cas de figure assez dramatiques pour les demandeurs d’asile, d’autant plus fragilise´s quand il s’agit de « mineurs non accompagne´s » pour reprendre une terminologie prompte à adoucir ce qui ne l’est pas (32).

Quant à la condamnation de la Belgique pour violation de l’article 3 de la Convention sous l’angle processuel, elle donna l’occasion à la Cour de confirmer la pre´gnance de la jurisprudence Bosphorus, même si in fine elle de´cida d’en exclure l’application aux faits de l’espe`ce. En mettant en œuvre la re´glementation « Dublin II » — i.e., en renvoyant un ressortissant afghan vers la Gre`ce afin qu’y soit examine´ sa demande d’asile puisqu’il fut le premier pays qui lui permis d’entrer sur le territoire de l’Union europe´enne — la Belgique a-t-elle enfreint ses obligations conventionnelles au titre de l’article 3 ? Si la Cour avait estime´ que la Belgique, agissant de la sorte, avait une « compe´tence lie´e » dans l’application du droit de l’Union, cela l’aurait conduit à de´placer la question de l’imputabilite´ de la Belgique vers l’Union per se ; autrement dit, cela l’aurait conduit à examiner directement la conformite´ de la le´gislation de l’Union aux obligations conventionnelles. Elle aurait alors mis en place le « test Bosphorus » : elle aurait rappele´ le principe de l’e´quivalence des protections, sauf à de´montrer l’existence d’une « insuffisance manifeste » de la dite protection... On pressent e´videmment la charge politique qui aurait re´sulte´ d’une telle de´marche. La Cour aurait-elle pu se re´fugier sur le principe, transforme´ sans doute en dogme, de l’e´quivalence protectrice — alors que la doctrine, les E´ tats et les propres institutions de l’Union connaissent, de´noncent et tentent de re´former le me´canisme commun europe´en de l’asile (33) ? Poser la question, c’est sans doute y re´pondre. Quoi qu’il en soit, un tel sce´nario ne fut pas choisi par la Cour. Habilement, elle re´ussit à imputer à la Belgique le refoulement du ressortissant afghan vers la Gre`ce en conside´rant qu’elle n’avait point de compe´tence lie´e. L’article 3 § 2 du re`glement no343/2003 accordant aux E´ tats membres une marge de

manœu-vre bienvenue qui leur permettent d’activer une « de´rogation » (v. supra, la Convention interpre´te´e, toujours pre´sente). L’habilitation de´rogatoire permet-tait à la Belgique d’examiner la demande du ressortissant afghan, mais ne lui imposait pas de le faire (auquel cas, le principe de reconnaissance mutuelle serait vide´ de son sens). Pourtant, c’est bien parce que la Belgique ne l’activa point qu’elle fut condamne´e. Les mauvaises conditions de de´tention des deman-deurs d’asile en Gre`ce e´tant connues de tous... (§ 358). On connaît les ramifica-tions contentieuses de cette affaire : la Cour de justice de l’Union prenait

(32) CEDH, 5 avril 2011, Rahimi c/ Gre`ce, req. no8687/08, § 93 où l’E´ tat grec e´tait

notamment condamne´ au titre de ses manquements aux obligations positives pour ne pas avoir fait le ne´cessaire afin d’assister au mieux un jeune demandeur d’asile afghan. (33) Pour un e´clairage saisissant sur ces questions, on renvoie à A.-S. Millet-Devalle (dir), L’Union europe´enne et la protection des migrants et re´fugie´s, Paris, Pedone, 2010, 290 p.

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acte, sans sourciller, de ce standard pose´ par la Cour europe´enne dans l’arrêt

N.S et M.E. (v. supra). Au final, le dialogue (horizontal) entre les deux Cours

europe´ennes fonctionne à merveille : non seulement le niveau de la garantie des droits n’est pas entame´, mais encore l’absence d’adhe´sion de l’UE à la Cour europe´enne est au final de´passe´e.

2. La Cour de Strasbourg, juge des manquements au droit de l’Union C’est en 1993 que la Commission europe´enne des droits de l’homme — dans les affaires Divagsa et Fritz et Nana (34) — reconnaissait la compe´tence des organes de Strasbourg pour examiner les refus de renvois pre´judiciels à la Cour de Luxembourg. A` sa suite, la Cour dite « unique » raisonna toujours en deux temps : d’un côte´, elle rappela que la jurisprudence de la Cour de Luxembourg sur l’obligation de renvoi n’e´tait pas absolue, pour ensuite affir-mer d’un autre côte´ que le refus de poser une question pre´judicielle pouvait toutefois « dans certaines circonstances, porter atteinte à l’e´quite´ de la

proce´-dure, en particulier lorsqu’un tel refus apparaît entache´ d’arbitraire ».

L’af-faire juge´e le 20 septembre 2011 (35) ne de´roge pas à ce classicisme argumen-taire. Confronte´e au refus de la Cour de cassation et du Conseil d’E´ tat belges de poser une question pre´judicielle à la Cour de justice, malgre´ les demandes insistantes des reque´rants en ce sens (36), la Cour de Strasbourg rappela que

(34) Le 12 mai 1993, la Commission europe´enne des droits de l’homme dans sa de´cision Socie´te´ Divagsa c/ Espagne (DR 74, pp. 274-277) reconnaissait la compe´tence des organes de Strasbourg pour examiner la requête d’une socie´te´ qui se plaignait de ne pas avoir be´ne´ficie´ d’un proce`s e´quitable (article 6 § 1) en raison du refus des tribunaux ordinaires espagnols puis de la Haute juridiction constitutionnelle, de ne pas saisir la Cour de justice des Communaute´s d’une question pre´judicielle. La Commission rappelait tout d’abord que « selon la jurisprudence de la Cour de Justice, l’obligation de renvoi n’est pas absolue lorsqu’il ne subsiste aucun doute quant à la re´ponse à fournir. Il s’agit de la the´orie de l’acte clair ». Bien qu’implicite, la re´fe´rence à l’arrêt de la CJCE du 6 octobre 1982, CILFIT (283/82, Rec. 3415) n’en e´tait pas moins e´vidente. Elle continuait par observer qu’on ne pouvait de´duire des dispositions conven-tionnelles un droit absolu à ce qu’une affaire soit renvoye´e à titre pre´judiciel devant la Cour de Luxembourg. Elle ajoutait aussitôt cependant : « Cela e´tant, il n’est pas exclu d’emble´e que, dans certaines circonstances, le refus oppose´ par une juridiction nationale appele´e à se prononcer en dernie`re instance, puisse porter atteinte au principe de l’e´quite´ de la proce´dure, tel qu’e´nonce´ à l’article 6 § 1, en particulier lorsqu’un tel refus apparaît comme entache´ d’arbitraire ». Le ‘la’ e´tait donne´. Elle re´ite´rait sa position dans l’affaire Fritz et Nana c/ France dans une de´cision du 28 juin 1993 (DR 75, p. 39) à propos du refus de la Cour de cassation française de saisir la CJCE.

(35) CEDH, 20 septembre 2011, Ullens de Schooten et Rezabek c/ Belgique. (36) Ils soutenaient, en effet, que la loi belge en vertu de laquelle ils avaient e´te´ condamne´s pe´nalement e´tait contraire au principe de la liberte´ d’e´tablissement, argument que les juridictions belges avaient rejete´.

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la Convention ne garantissait pas, comme tel, un droit à ce qu’une affaire soit renvoye´e à titre pre´judiciel par le juge interne devant une autre juridiction. La Cour a toutefois pre´cise´ que l’article 6 § 1 impose ne´anmoins aux juridic-tions de motiver les de´cisions par lesquelles elles refusent de poser une question pre´judicielle, d’autant plus lorsque le droit applicable n’admet un tel refus qu’à titre d’exception. Dans le cadre spe´cifique du troisie`me aline´a de l’article 267 TFUE, cela signifie, selon la Cour de Strasbourg, que les juridictions nationales dont les de´cisions ne sont susceptibles d’aucun recours juridictionnel de droit interne, qui refusent de saisir la Cour de justice, sont tenues de motiver leur attitude au regard des exceptions pre´vues par la jurispru-dence de celle-ci. Il leur faut donc, selon l’arrêt Cilfit (37), indiquer les raisons pour lesquelles elles conside`rent que la question n’est pas pertinente, que la disposition en cause a de´jà fait l’objet d’une interpre´tation par la Cour de justice ou que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle e´vidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. In casu, la Cour europe´enne constata que cette obligation de motivation avait bien e´te´ remplie par les juridictions belges, de sorte que le droit des reque´rants à un proce`s e´quitable n’avait pas e´te´ viole´.

3. La Cour de Strasbourg, interpre`te du droit de l’Union

Le droit de l’Union — et notamment la Charte des droits fondamentaux — est re´gulie`rement mobilise´ par la Cour de Strasbourg pour mettre en œuvre sa « me´thode cosmopolitique » d’interpre´tation. Toujours active´ de façon com-bine´e, cette technique permet à la Cour d’interpre´ter plus que jamais la Convention comme un « instrument vivant ». On notera qu’aux côte´s d’affaires où le rôle de la Charte fut mineur — mentionne´e, sans plus, aux côte´s de divers autres instruments internationaux —, sa porte´e ne fut point ne´gligeable dans l’affaire Bayatyan (38) qui permit à la Cour, ni plus ni moins, d’inte´grer le droit à l’objection de conscience sous la bannie`re de l’article 9 de la Convention. Elle ope´rait un important revirement de jurisprudence par rapport à la doctrine de la Commission europe´enne des droits de l’homme acte´e, pour la premie`re fois, dans l’affaire Grandrath c/ Re´publique fe´de´rale

d’Alle-magne (39). Elle consacrait en effet un paragraphe entier à la question de

savoir s’il e´tait pertinent de modifier sa jurisprudence ; dans ce contexte, apre`s avoir pre´sente´ l’e´volution de la jurisprudence du Comite´ des droits de l’homme au regard du PIDCP et avant d’examiner la re´glementation au sein du Conseil de l’Europe, elle se pencha sur le contexte de l’Union europe´enne.

(37) CJCE, 29 fe´vrier 1984, Cilfit, 77/83, Rec. 1984 p. 1257. (38) CEDH, Gde Ch., 7 juillet 2011, Bayatyan c/ Arme´nie.

(39) Requête no2299/64, rapport de la Commission du 12 de´cembre 1966, Annuaire

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Et d’affirmer au § 106 : « Pour ce qui est de l’Europe, il convient de mentionner

la proclamation en 2000 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europe´enne, entre´e en vigueur en 2009. Alors que l’article 10 de la Charte reprend quasiment mot pour mot en son premier paragraphe le libelle´ de l’article 9 § 1 de la Convention, son second paragraphe e´nonce expresse´ment que « [l]e droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en re´gissent l’exercice » (paragraphe 57 ci-dessus). Une adjonction aussi

claire ne peut être qu’intentionnelle (voir, mutatis mutandis, Christine Good-win, pre´cite´, § 100, et Scoppola, pre´cite´, § 105) et refle`te la reconnaissance unanime du droit à l’objection de conscience par les E´ tats membres de l’Union europe´enne, ainsi que le poids qui est accorde´ à ce droit dans la socie´te´ europe´enne moderne. » (C’est nous qui soulignons).

Au-delà de ce phe´nome`ne classique, il s’ave`re que les proce´dures existantes au sein de l’Union se trouvent e´galement au cœur de ce processus d’appropria-tion. Le recours en constatation de manquement fait partie de ces proce´dures de l’Union dont la Cour de Strasbourg a de´gage´ les caracte´ristiques, la nature et la porte´e. Quand on prend connaissance de l’article 35 § 2 b) de la Conven-tion selon lequel la Cour ne retient aucune requête individuelle lorsqu’elle « elle est de´jà soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de

re`glement » (et dont on sait qu’elle a pour objet d’e´viter la pluralite´ de

proce´dures internationales relatives aux mêmes affaires), on pense spontane´-ment au proble`me du cumul entre la proce´dure strasbourgeoise et celle des nombreux « comite´s conventionnels » mis en place par les traite´s internatio-naux adopte´s tant sous l’e´gide du Conseil de l’Europe que sous celui des Nations unies (40). On aura raison tant cette condition de recevabilite´ a essen-tiellement e´te´ mobilise´e dans le cadre de proce´dures où e´taient en jeu de tels me´canismes « quasi-juridictionnels » (41). Le contentieux de la litis pendens

(40) Ad ex. le Comite´ des droits de l’homme cre´e´ par le protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques, v. E. Decaux (dir.), Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Commentaire article par article, Pre´face de Christine Chanet, Coordinatrice Fanny Martin, Paris, E´ conomica, 2011, 996 p.

(41) CEDH, de´c. 17 janvier 1995, Lukanov c/ Bulgarie. La jurisprudence de´montre que la Cour examine, dans chaque cas spe´cifique, trois e´le´ments : la nature de l’organe de contrôle, la proce´dure suivie devant celui-ci et enfin les effets de ses de´cisions. Au de´tour de l’analyse du corpus jurisprudentiel, on de´couvre par exemple que le Comite´ europe´en pour la pre´vention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou de´gradants (CPT) n’est pas assimilable à une « instance internationale ». En effet, il ne s’agit ni d’une « instance judiciaire ou quasi-judiciaire », son rôle n’est que pre´ventif et les informations qu’il recueille ont un caracte`re confidentiel. Si on ajoute à ces e´le´ments, le fait que les particuliers disposent ni du droit de participer à la proce´dure, ni du droit d’être informe´ des recommandations formule´es par le CPT (à moins qu’elles ne soient rendues publiques), la solution de la Cour qui n’assimile la proce´dure devant le CPT ni « sous l’angle proce´dural ni sous l’angle des effets poten-tiels » à la requête individuelle de l’article 34 de la Convention, « va de soi » (CEDH,

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ne concernait jusqu’à pre´sent que la question du cumul avec des proce´dures onusiennes ou relevant des me´canismes issus de traite´s adopte´s dans le cadre du Conseil de l’Europe ; en d’autres termes, une proce´dure contentieuse de l’Union europe´enne et le me´canisme conventionnel strasbourgeois n’avaient jamais e´te´ mis en concurrence proce´durale. C’est chose faite de´sormais avec l’affaire Karoussiotis qui permet d’enrichir les solutions de´gage´es par la Cour (42). L’affaire revenait à se demander si le recours en constatation de manquement active´ sur la base d’une plainte de´pose´e par un particulier pouvait s’assimiler « sous l’angle proce´dural et sous l’angle des effets potentiels » à la requête individuelle de l’article 34 ? Telle e´tait la question que la Cour devait trancher au stade de la recevabilite´, le gouvernement portugais ayant souleve´ dans cette affaire une exception d’irrecevabilite´ au regard de l’arti-cle 35 § 2b. La cause mettait en sce`ne un « classique » du de´chirement des couples de nationalite´ diffe´rentes : une me`re allemande conside´rait que son ancien compagnon (de nationalite´ portugaise) avait ille´galement emmene´ au Portugal leur enfant. Elle se plaignait devant la Cour europe´enne d’une viola-tion par les autorite´s judiciaires portugaises de son droit au respect d’une une vie familiale pour avoir refuse´ d’ordonner le retour en Allemagne de l’enfant. Or, avant de s’adresser à la Cour europe´enne, Mme Karoussiotis avait eu l’ide´e de de´poser une plainte aupre`s des bureaux de la Commission europe´enne afin de l’inciter à activer, à l’endroit du Portugal, un recours en constatation de manquement pour violation du re`glement no2201/2003 relatif

à la compe´tence, la reconnaissance et l’exe´cution des de´cisions en matie`re matrimoniale et en matie`re de responsabilite´ parentale. En l’espe`ce, la reque´-rante se plaignait de la dure´e excessive de la proce´dure engage´e devant le tribunal aux affaires familiales de Braga en invoquant l’article 11 du re`glement. Dans ce contexte contentieux, la Cour de Strasbourg n’eut pas de mal à rejeter l’exception d’irrecevabilite´ souleve´e par le gouvernement de´fendeur. Pour y parvenir, elle se livra à un petit cours de contentieux de l’Union. Elle mit tout d’abord en exergue le pouvoir d’appre´ciation discre´tionnaire dont dispose la Commission europe´enne dans le cadre de la proce´dure « pre´-contentieuse » (§§ 67-71). On sait en effet qu’elle est maîtresse de la saisine (ou non) de la Cour de justice de l’Union sur la base de l’article 258 TFUE. Dit autrement, sa propre saisine par des personnes physiques ou morales au moyen de

17 juillet 2008, De Pace c/ Italie, §§ 26-27). Il en va de même pour « proce´dure 1503 » pre´sente´e devant la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme des Nations Unies : organe intergouvernemental compose´ de repre´sentants d’E´ tats et dont le rôle consiste à examiner des situations ge´ne´rales mettant en exergue de graves et syste´matiques violations des droits de l’homme dans un pays, la Cour n’a pas he´site´ à conside´rer qu’elle ne constituait pas une « autre instance » même « d’enquête » qui pouvait bloquer une requête individuelle à Strasbourg (CEDH, de´c., 5 janvier 2006, Mikolenko c/ Estonie).

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formulaires types de plaintes n’engendre pas automatiquement la saisine de la Cour de justice à l’issue de la proce´dure pre´liminaire d’infraction. Ensuite, la Cour de Strasbourg rappela que dans les cas où la Cour de justice ait effectivement saisie, elle ne rend un arrêt de constatation de manquement qui, d’aucune façon, ne de´ploie d’effet sur les « droits du plaignant » car il n’a pas pour conse´quence de « re´gler une situation individuelle » (§ 73). Pour toutes ces raisons, la Cour conclut en affirmant qu’il « de´coule que lorsque

la Commission europe´enne statue, comme en l’espe`ce, sur une plainte de´pose´e par un simple particulier, elle ne constitue pas une instance internationale d’enquête ou de re`glement’au sens de l’article 35 § 2 b. de la Convention »

(§ 76).

II. — LES INTERACTIONS ORGANIQUES VERTICALES

Les Cours constitutionnelles sont des acteurs majeurs du dialogue des juges à l’e´chelle europe´enne : elles ne sont pas toujours des organes judiciaires « dociles » eu e´gard à l’emprise du droit conventionnel comme du droit de l’Union. Accords et de´saccords sont toujours au cœur du dialogue. L’e´quilibre est e´videmment fragile, toutefois il est la marque contemporaine de la com-plexite´ juridique.

A. — La Cour de Strasbourg, juge des Cours constitutionnelles Le processus classique où les de´cisions des Cours constitutionnelle sont tantôt valorise´es (en e´tant confirme´es), tantôt conteste´es (en e´tant condamne´es) perdure. Il arbore toutefois une dimension de´licate dans un contexte marque´ par l’augmentation de la de´fiance de certains E´ tats qui n’he´sitent pas à discuter, contester, de´noncer l’emprise conventionnelle sur les spe´cificite´s culturelles, sociales, ou encore juridiques des E´ tats parties. La Cour est contrainte ce faisant de mesurer ses e´lans interpre´tatifs par trop e´volutifs afin de ne pas attirer le courroux des juges nationaux sans lesquels le syste`me de garantie ne fonctionnerait gue`re. On verra que l’analyse du contrôle des de´cisions constitutionnelles (1) comme de celui de l’argumentaire constitutionnel te´moi-gne de façon magistrale de l’apparition d’une retenue judiciaire on ne peut plus strate´gique (2).

1. Le contrôle des de´cisions constitutionnelles

Le contentieux devant la Cour de´montre à quel point les jurisprudences constitutionnelles sont, sur d’importantes questions de socie´te´, me´nage´es par

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la Cour europe´enne. Qu’il s’agisse du droit à pension des de´tenus (43) ou encore de la place de la liberte´ d’expression des syndicalistes au sein des entreprises (44), la Cour pre´serve clairement les E´ tats et, par ricochet, leurs juridictions nationales notamment constitutionnelles. Il existe e´videmment des affaires qui de´montrent l’inverse, tout en e´tant toutefois syste´matiquement frappe´es d’une demande de renvoi de la part du Gouvernement. Elles sont inte´ressantes à analyser afin de voir si, en formation colle´giale, la grande chambre reviendra sur les audaces des chambres de sept juges... L’affaire

Otegi Mondragon fait partie de celles-là (45) : elle est particulie`rement

inte´res-sante en ce qu’elle discute le caracte`re intouchable de la figure du Roi en Espagne. Chef de l’E´ tat, il est le « symbole de son unite´ et de sa permanence » ; il est « l’arbitre et le mode´rateur du fonctionnement re´gulier des institutions », sa personne est « inviolable et irresponsable » (article 56 § 1 et 3 de la Constitu-tion espagnole), tandis qu’il exerce « le commandement suprême des forces arme´es » (article 62 h. de la Constitution espagnole). Cette stature permet-elle cependant que l’on puisse le critiquer tre`s durement au point d’entacher son honneur, notamment quand on est le porte-parole d’un groupe de la gauche inde´pendantiste au Parlement de la Communaute´ autonome du Pays Basque ? Est-il admissible de de´clarer « que le roi d’Espagne est le chef

suprême de l’arme´e espagnole, c’est-à-dire le responsable des tortionnaires et celui qui prote`ge la torture et qui impose son re´gime monarchique à notre peuple au moyen de la torture et de la violence » (§ 10) ? Telle e´tait la

question induite par la requête pre´sente´e devant la Cour par Arnaldo Otegi Mondragon qui fut condamne´ par le Tribunal Suprême espagnol à un an d’emprisonnement, à la suspension de son droit de suffrage passif pendant la dure´e de la peine, comme auteur pe´nalement responsable d’un « de´lit d’injure au Roi ». Le Tribunal constitutionnel, saisi sur la base du recours d’amparo rejeta la requête du reque´rant pour de´faut manifeste de fondement au prix de longues argumentations qui eurent pour dessein de de´montrer que le Tribunal suprême s’e´tait livre´ à une « mise en balance » ade´quate des droits en pre´sence (§§ 18-22). Ce ne fut pas le point de vue de la Cour europe´enne. Mettant en valeur les tendances qui se sont manifeste´es au sein des instances du Conseil de l’Europe tendant à limiter de façon drastique le recours à l’emprisonnement (Comite´ des ministres, De´claration sur la liberte´ du discours politique dans les me´dias, 12 fe´vrier 2004 ; Assemble´e parlementaire, Re´solu-tion vers une de´pe´nalisaRe´solu-tion de la diffamaRe´solu-tion’, res. no1577 (2007)) —

ten-dance que l’on retrouve mutadis mutandis au sein de l’Organisation des E´ tats Ame´ricains à travers l’œuvre du Comite´ pour la liberte´ d’expression (Relatoria

para la libertad de expresion) — elle estima que « rien dans les circonstances de la pre´sente espe`ce, où les propos litigieux ont e´te´ tenus dans le contexte

(43) CEDH, Gde Ch., 7 juillet 2011, Stummer c/ Autriche.

(44) CEDH, Gde Ch., 12 septembre 2011, Palomo Sanchez c/ Espagne. (45) CEDH, 15 mars 2011, Otegi Mondragon c/ Espagne.

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d’un de´bat sur une question pre´sentant un inte´rêt public le´gitime, n’e´tait de nature à justifier l’imposition d’une telle peine d’emprisonnement. Par sa nature même, une telle sanction produit immanquablement un effet dissuasif, nonobstant le fait qu’il a e´te´ sursis à l’exe´cution de la peine du reque´rant. Si pareille mesure a pu alle´ger la situation du reque´rant, elle n’efface pas pour autant sa condamnation ni les retombe´es durables de toute inscription au casier judiciaire » (§ 60). Il est tre`s inte´ressant ici de constater que, peu

à peu, la pe´nalisation à outrance des propos conside´re´s comme diffamatoires — i.e. celle qui engendre des peines d’emprisonnement — devient une excep-tion re´duite à une peau de chagrin. Avant d’e´valuer la nature et la porte´e de la sanction pour finir par la condamner, la Cour rappela auparavant les fondamentaux de sa jurisprudence sur la nature des expressions utilise´es et sur la protection spe´ciale dont certaines personnes be´ne´ficient. Sur le premier point, bien que « provocateurs », les propos du reque´rant ne repre´sentaient pas un « discours de haine, ce qui est aux yeux de la Cour l’e´le´ment essentiel

à prendre en conside´ration » (§ 54). Sur le second point, fondamental, la

Cour prend le temps de rappeler sa jurisprudence Colombani (46) et Artun (47). On sait que la Cour a mis à l’encan par ces arrêts les cadres le´gislatifs qui accordent aux chefs d’E´ tat e´trangers comme aux chefs d’E´tat nationaux des privile`ges confinant à l’impossibilite´ pratique de tout type de critiques à leur encontre. Or, ce qui vaut pour les re´gimes re´publicains vaut e´galement pour les monarchies parlementaires. Et la Cour d’affirmer que « le fait que le Roi

occupe une position de neutralite´ dans le de´bat politique, une position d’arbitre et de symbole de l’unite´ de l’E´ tat, ne saurait le mettre à l’abri de toute critique dans l’exercice de ses fonctions officielles, ou — comme en l’espe`ce — en tant que repre´sentant de l’E´ tat, qu’il symbolise, notamment de la part de ceux qui contestent le´gitimement les structures constitutionnelles de cet E´ tat, y compris son re´gime monarchique ». Et de poursuivre en re´pondant

d’ailleurs tre`s clairement à des arguments mis en avant par le Tribunal constitu-tionnel espagnol en son temps : « le fait que le roi soit irresponsable’en vertu

de la Constitution espagnole, notamment sur le plan pe´nal, ne saurait faire obstacle en soi au libre de´bat sur son e´ventuelle responsabilite´ institutionnelle, voire symbolique, à la tête de l’E´ tat, dans les limites du respect de sa re´putation en tant que personne » (§ 56). Il n’est gue`re e´tonnant qu’au regard du statut

constitutionnel du Roi et de l’importance qu’il a de´tenu dans l’histoire de´mo-cratique de l’Espagne, comme au regard de l’engagement politique du reque´rant (dont le parcours inde´pendantiste est re´gulie`rement sous le feu de l’actualite´ politico-me´diatique espagnole), que cette condamnation fit grand bruit au-delà des Pyre´ne´es. Il n’est donc gue`re e´tonnant de de´couvrir que le gouverne-ment de´cida, le 27 juin 2011, de demander le renvoi de l’affaire devant la Grande chambre. La condamnation de l’Espagne à l’unanimite´ des 7 juges

(46) CEDH, 25 juin 2002, Colombani c/ France. (47) CEDH, 26 juin 2007, Artun et Güvener c/ Turquie.

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de la troisie`me section fera-t-elle l’objet d’une autre analyse par les 17 juges ? L’affaire (politiquement) sensible est à suivre afin de voir, si une fois de plus, sur des questions nationales « sensibles », la Grande chambre reculera. 2. Le contrôle de l’argumentaire constitutionnel

L’anne´e dernie`re, en traitant de l’argumentaire constitutionnel, on entendait de´crire le phe´nome`ne de l’invocation par les parties à l’instance, les tiers intervenants et/ou par les juges de la Cour europe´enne eux-mêmes, d’un argumentaire qui repose sur l’utilisation de la jurisprudence constitutionnelle dans le but explicite de conforter leur point de vue (48). On avait ainsi mentionne´ l’affaire S.H. et autres qui concernait la de´licate question de la procre´ation me´dicalement assiste´e et dans laquelle la Cour avait rendu une solution qui s’opposait à la jurisprudence constitutionnelle. Ce fut à l’e´poque la juge dissidente autrichienne (Mme Steiner) qui avait estime´ pertinente l’ap-proche choisie par le le´gislateur et qui avait e´te´ valide´e par le gardien de la Constitution. Cette solution de´livre´e dans l’arrêt du 1eravril 2010 fut l’objet

d’un renvoi à la demande du gouvernement autrichien. La solution de´livre´e par la grande chambre le 3 novembre 2011 (49), de´montre à quel point la Cour a voulu « me´nager » les susceptibilite´s nationales en e´vitant in fine à l’Autriche et à sa Cour constitutionnelle un de´saveu cinglant. Bien que la Cour conside`re que le droit de devenir parents grâce à des techniques me´dicales en cas d’infertilite´ tombe sous le coup de l’article 8 (50) ; autrement dit bien que l’applicabilite´ de l’article 8 fut bien acte´e, sa violation fut rejete´e. Les reque´rants e´taient deux couples marie´s de nationalite´ autrichienne. Pour eux, seule la fe´condation in vitro ayant recours au sperme d’un donneur (premier couple) ou aux ovules d’une donneuse (second couple) leur permettait d’avoir un enfant avec pour parents ge´niteurs un des reque´rants. Le proble`me re´sidait dans le fait que ces deux possibilite´s e´taient expresse´ment exclues par le droit autrichien qui ne pre´voyait que des exceptions tre`s encadre´es. Alors que la chambre de sept juges avait conclu le 1eravril 2010 à la violation de l’article 14

combine´ avec l’article 8 pour une telle interdiction, la Grande chambre a fait marche arrie`re. Madame le juge Elizabeth Steiner, de nationalite´ autrichienne, a fini en quelque sorte, par faire pre´valoir son point de vue. La Grande chambre s’est donc rallie´e au courant au sein de la Cour qui entend raisonner sur la base de l’e´tat du droit au moment où des sujets complexes ont e´te´

(48) Cette revue, « Chronique de jurisprudence europe´enne compare´e », 2010, p. 1040 et s.

(49) CEDH, Gde Ch., 3 novembre 2011, S.H. et autres c/ Autriche.

(50) « La Cour conside`re que le droit des couples à concevoir un enfant et à recourir pour ce faire à la procre´ation me´dicalement assiste´e rele`ve e´galement de la protection de l’article 8, pareil choix constituant une forme d’expression de la vie prive´e et familiale » (§ 82).

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examine´s et traite´s par les juridictions internes, rele´guant en arrie`re-plan le poids (qui n’est plus de´cisif) du consensus europe´en pour concre´tiser (non pas un revirement de jurisprudence) mais la poursuite d’une e´volution analyti-que qui aurait pour conse´analyti-quence de de´clarer un E´ tat responsable d’une viola-tion. En effet, cet arrêt de´montre une manie`re tre`s particulie`re de tirer les conse´quences de l’existence d’un « consensus europe´en ». Lisons plutôt le § 96 qui ne lasse pas d’e´tonner : « La Cour constate que les E´ tats contractants

ont aujourd’hui clairement tendance à autoriser dans leur le´gislation le don de game`tes à des fins de fe´condation in vitro, tendance qui traduit l’e´mergence d’un consensus europe´en. Toutefois, le consensus qui semble se dessiner correspond davantage à un stade de l’e´volution d’une branche du droit particulie`rement dynamique qu’à des principes e´tablis de longue date dans les ordres juridiques des E´ tats membres, raison pour laquelle il ne peut restreindre de manie`re de´cisive la marge d’appre´ciation de l’E´ tat. ». On

avoue qu’il n’est pas simple de suivre la Cour : le consensus e´mergent e´tant lui-même en e´volution rapide, mieux vaut rester tre`s en deçà du consensus. Telle est la synthe`se que l’on peut tirer d’un tel passage. En de´pit d’une utilisation conservatrice du « facteur temps » qui a fini par le´gitimer l’arrêt de la Cour constitutionnelle, les juges majoritaires laissent une porte entre-ouverte. Ils lancent clairement au le´gislateur autrichien ce qui ressemble à une incitation pressante à remettre le me´tier sur l’ouvrage. : « Bien que [la

Cour] ait conclu à la non-violation de l’article 8 en l’espe`ce, elle observe que le domaine en cause, qui paraît se trouver en perpe´tuelle e´volution et connaît des e´volutions scientifiques et juridiques particulie`rement rapides, appelle un examen permanent de la part des E´ tats contractants (Christine Goodwin, pre´cite´, § 74 ; et Stafford c/ Royaume-Uni [GC], no46295/99, § 68, CEDH 2002-IV) » (§ 118). Ne s’agit-il pas ici d’un aiguillon à l’attention du

le´gislateur autrichien pour qu’il s’atte`le à la confection d’une nouvelle loi en matie`re de procre´ation me´dicalement assiste´e ?

B. — Les Cours constitutionnelles, juges de la constitutionnalite´

des syste`mes transnationaux

Comment donner corps et effectivite´ au principe de primaute´ (1) et au me´canisme pre´judiciel (article 267 TFUE) (2), quand on est un juge constitu-tionnel dont la raison d’être est la pre´servation de la Constitution, toujours conside´re´e comme la « norme suprême » de l’E´ tat ? Cette interrogation refle`te toute l’histoire des alle´geances duales, à la Constitution et à l’ordre juridique national d’un côte´ et aux traite´s tels qu’interpre´te´s par la Cour de justice de l’autre. Cette histoire n’en finit pas de révéler les politiques jurisprudentielles subtiles de´ploye´es par les gardiens des Constitutions pour ne pas se renier tout en reconnaissant et valorisant l’importance du statut d’« E´ tat inte´gre´ ».

(23)

1. Les Cours constitutionnelles et la primaute´ du droit de l’Union

Organiser la complexe articulation des syste`mes (a) dans un espace politique compose´ comme participer, d’une manie`re ou d’une autre, à la mise en œuvre du droit de l’Union (b), sont toujours les manifestations du dialogue des juges. Dans ce contexte dialogique, d’autres acteurs du syste`me et non des moindres — les pouvoirs constituants de´rive´s — ont voulu reprendre « la main » dans l’e´dification du syste`me politique compose´ europe´en. Le Royaume-Uni (51) a en effet re´forme´ sa Constitution afin de remettre au cœur du jeu politique le peuple. Il faudra guetter ce que les juges feront de ce nouveau texte.

a. Les Cours constitutionnelles et l’articulation des syste`mes

La crise, encore et toujours, a scande´ en 2011 le dialogue des juges. Le sauvetage de l’euro, de´licat et difficile car il passait pas une aide massive à la Gre`ce de´cide´e en 2010, ne s’est pas fait dans ce qui aurait pu être un arbitraire isolement des institutions europe´ennes. Tous les « acteurs » du syste`me de l’Union ont e´te´ sollicite´s et chacun d’entre eux a eu son mot à dire (52) ;

(51) La loi sur l’Union europe´enne (“European Union Act 2011”) — entre´e en vigueur dans sa totalite´ le 19 septembre 2011, marque un changement, tant dans l’ordre constitutionnel interne, que dans les relations entre le Royaume-Uni et l’Union europe´enne. Le but principal de la loi est d’imposer au gouvernement britannique une obligation d’organiser un re´fe´rendum avant de ratifier toute modification e´ventuelle au Traite´ sur l’Union europe´enne et au Traite´ sur le fonctionnement de l’Union europe´enne. L’article 4 § 1 de la loi pre´voit une se´rie de cas de figure dans lesquels l’organisation d’un re´fe´rendum sera obligatoire, allant de l’extension (ou de la limitation) des objectifs de l’Union pre´vus à l’article 3 TUE jusqu’à l’extension (ou à la limitation) des compe´tences de soutien ou d’appui de l’Union. Si la modification propose´e n’entre pas dans le champ d’application de l’article 4 de la loi, un re´fe´rendum n’est pas ne´cessaire ; il est à noter, toutefois, que la porte´e de cet article est large. La nouvelle loi pre´voit, aux articles 6 et 7, une proce´dure particulie`re lors de l’adoption de certaines modifications ayant trait aux compe´tences partage´es entre l’Union et les E´ tats membres. A` cet e´gard, le ministre responsable ne peut voter au sein du Conseil pour ou contre l’adoption de la modification propose´e par l’Union sauf s’il en est pre´alablement habilite´ par le Parlement du Royaume-Uni. Cette habilitation est aussi soumise à la condition que le ministre pre´sente la modification propose´e devant le Parlement pour accord (explicite ou tacite selon le cas). En outre, toute de´cision prise sur la base de l’article 352 TFUE (l’ancien article 308 CE), ne´cessite l’approbation pre´alable du Parlement, sauf dans quelques cas pre´vus à l’article 8, paragraphe 6, de la loi, à savoir les de´cisions usuelles que prenait la Commission en vertu de l’article 308 CE.

(52) La re´forme de la Constitution espagnole du 27 septembre 2011 (BOE, no233)

le de´montre. Le nouvel article 135 de la Constitution est long et pre´cis, compose´ de 4 paragraphes d’un pointillisme de´tonnant. On s’attachera ici uniquement à mentionner que, selon les §§ 1 et 2, il est e´tabli que toutes les administrations publiques agiront en ade´quation avec le principe de stabilite´ budge´taire et que l’E´ tat et les Communaute´s autonomes ne pourront pas se trouver en situation de de´ficit structurel de´passant les marges e´tablies par l’Union europe´enne pour chacun de ses E´ tats membres. Une loi

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