ENSILAGES
«GNOTOXÉNIQUES » DE FOURRAGES
I.
—ÉTUDE CINÉTIQUE
DUDÉVELOPPEMENT BACTÉRIEN
DANSDES ENSILAGES «
GNOTOXÉNIQUES
»( 1 )
DELUZERNE, FÉTUQUE
ET RAY-GRASSPh. GOUET
M. CONTREPOIS, J. BOUSSET
Nathalie BOUSSET-FATIANOFF
Christine BES Marie-France DORBE
Laboratoire de
Microbiologie,
Centre de Recherches de
Clermont-Ferrand,
I. N. R.A.,
63 -Saint-Genès-Champanelle
RÉSUMÉ
Cette étude se propose
d’analyser
dans desensilages
deLuzerne, Fétuque
etRay-Grass,
ledéveloppement individuel,
lapersistance
et les effetsantagonistes
éventuels dequelques espèces
bactériennes dominantes : L.
Qlantarum,
L.brevis, « branching
»Lactobacillus,
Str.faecalis,
Pedio-coccus sp. Enterobacter sp. C.
butyricum,
C.tyrobutyricum,
Clostridiumprotéolytique.
Dans ce
but,
les troisfourrages
hachés et ensilés dans des bocaux de 0,7 litre ou dans despiluliers
de 50ml,
sont stérilisés par irradiation gamma. Les souchesprécédentes
sont inoculées soitséparément,
soit en association(M l
àM e )
et on les dénombre individuellementaprès
2, 5, 815
, 30, 5o, 90, 150
jours
de conservation à 22°C. Avec le milieu de DEM AN ,
ROGOSA et SHARPE( 19 6 0
) (MRS),
le dénombrement sélectif est obtenu par latempérature (Pediococcus
sp.42 0 C),
lemarquage par des
antibiotiques (L. plantarum
avec labacitracine,
L. brevis avec lapénicilline),
le
pH ( 9 ,6)
pour Str.faecalis,
l’immunofluorescence(« branching
»Lactobacillus) ;
d’autres milieux de culture sélectifs sontemployés
pour Enterobacter sp.(Violet
Red BileDifco),
pour C.tyrobu- tyricum
et C.butyricum (milieu
aulactate),
Clostridiumprotéolytique (milieu
à lagélatine).
Parallèlement,
unecinétique
de l’évolution des microfloresGram négative
et Grampositive (« lactique »),
anaérobiesporulée protéolytique
ou fermentant lelactate,
est réalisée àpartir
desensilages
«holoxéniques
»provenant
des mêmesfourrages.
Les résultats montrent que, dans les
ensilages
«polygnotoxéniques
», la microflore Gramnégative
sedéveloppe
aussi vite que la microflore «lactique
» mais lapremière disparaît rapide-
ment alors que la seconde reste dominante. La même évolution est
remarquée
dans lesensilages
«
holoxéniques
» mais la microflore Gramnégative
ypersiste plus longtemps (surtout
dans laLuzerne et la
Fétuque)
et les Clostridium lactate -E- semultiplient
dans leRay-Grass
et laFétuque.
Dans les
ensilages
«gnotoxéniques
» deFétuque,
seule l’associationM.
inhibe lamultiplication
de C.
tyrobutyricum.
Parmi les
Lactobacillaceae,
L. brevis(hétérofermentaire)
est bienl’espèce
laplus persistante lorsque
la durée de conservationaugmente ;
L.plantarum
arrive sur le mêmeplan
suivi de « bran-ching
» Lactobacillus et de Pediococcus sp. Str.faecalis qui
n’aqu’une
croissance limitée et uneexistence
éphémère.
( 1
)
Laterminologie employée
dans ce texte est celleproposée
par Rmswun et ad.,( 19 66).
INTRODUCTION
Au
coursde la conservation des fourrages par ensilage les remaniements méta-
boliques
sontdus
audéveloppement simultané de plusieurs espèces bactériennes, anaérobies facultatives
oustrictes, sporulées
ou non,ainsi qu’à l’action de certaines
enzymes
végétales. L’orientation et l’intensité des fermentations dépendent de la
microflore présente
surle fourrage
au momentde la récolte (I, ANG5TON , BOUMA, ig6o a), de la composition biochimique de l’espèce fourragère qui constitue le substrat, de
sateneur
enmatière sèche (Gou!T et al., ig6 5 ), ainsi que des conditions de
tem-pérature (I, ANI G AN 19 6 3 , rg65 ; Gissorr et al., 195 8), du pH, de l’anaérobiose qui règnent
ausein du silo. Les pertes d’éléments nutritifs (sous forme de gaz principale- ment), la qualité de l’ensilage,
sonappétibilité dépendent directement des espèces
bactériennes qui vont proliférer
et sesuccéder
au coursde la conservation.
I,’analyse in situ de l’évolution bactérienne dans
unensilage
«holoxénique
»naturellement contaminé est restée jusqu’à
cejour nécessairement incomplète
enrai-
son
de l’absence de techniques permettant de dénombrer sélectivement des espèces appartenant à
unmême groupe physiologique
ouà
unemême famille mais dont les
produits du métabolisme diffèrent par leur nature
et(ou) leur concentration. Cette étude
nepeut être entreprise que si l’on dispose de fourrages stériles (« axéniques ») susceptibles d’être inoculés
avec unemicroflore
connue,simple
oucomplexe (ensilage
«
monoxénique
» ou «polygnotoxénique ») et dont le développement peut être ensuite suivi ; ceci implique de produire
unvégétal
«axénique » (MABBiTT, 1951 ; I,ucK!Y, rg63)
en
quantités suffisantes pour permettre d’effectuer l’ensemble des analyses biochi- miques
etmicrobiologiques
ou encorede stériliser (H UH T AN E N , PE N SACK, ig63 ; GOUET, F
A T IANOFF
, 19 6 4 )
unfourrage récolté
surle champ
sansaffecter
sacomposition bio- chimique
et sonéquipement enzymatique. Cette dernière solution présente l’avan- tage de fournir des résultats plus facilement extrapolables
auxensilages réalisés dans
la pratique
courante.Nous
avonsdéjà montré (GOUET, FaW Arroxx, BouSSET, 1970 )
que l’irradiation gamma
nemodifie pas sensiblement la composition d’un fourrage,
ni l’activité protéolytique de
ses enzymes,tout
enassurant
sastêrilisation ; elle permet donc de séparer dans l’ensilage l’activité enzymatique bactérienne de celle du végétal.
Cette étude
sepropose de suivre le développement, la persistance et les effets antagonistes éventuels de quelques espèces bactériennes dominantes provenant d’ensilages
«holoxéniques
»,inoculées isolément
ou enassociation dans des ensilages
«
axéniques
»de Luzerne, Fétuque et Ray-Grass.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Trois
fourrages
sont récoltés avec des ciseaux sur lechamp
à leurpremier cycle végétatif ;
une Luzerne
(variété Flamande)
au stade boutonfloral, puis
unRay-Grass (variété Rina)
et uneFétuque
després
au début del’épiaison.
Cesfourrages
sontrapidement
hachés en brins de 1à 2 cmet
répartis
à raison de 40o g dans des bocaux de o,7 litre ou de 20g dans despiluliers
de 50 ml.Le contenu des bocaux
permettra l’analyse
des fractionsglucidiques
et azotées(BoussET
etal.,
r 9
y)
ainsi que celle des métabolites fermentaires. Une série de bocaux etpiluliers
sont conservés àtempérature
ambiante et servent de témoins rcholoxéniques
». Une seconde sérieidentique
à laprécédente (« holoxénique »)
servira de Témoinaprès congélation ;
elle n’est pas irradiée mais stockée à -20 0 C ;
elle estdécongelée
le mêmejour
que lesensilages
irradiéspuis
conservée à22 0
C durant la même
période.
Tous les autres bocaux sontcongelés
à -2 o o C,
avant etaprès
l’irradiation
( 2 Mrad).
Une série sert de témoin «axénique
» et le reste est inoculé avec une ouplusieurs
souches bactériennes.Après décongélation,
les bocaux etpiluliers
«axéniques
» sont inoculés dans la masse à raisonde 20ml pour les
premiers
et i ml pour les seconds d’unesuspension
bactérienne dans de l’eauphysiologique.
L’inoculum est dilué pourapporter
ioîà io5 bactéries ou io3 spores dechaque espèce
par gramme defourrage.
Lesensilages
«holoxéniques
» et aaxéniques » reçoivent
la mêmequantité
d’eauphysiologique
stérile.Les souches bactériennes utilisées
(tabl. i)
ont été isolées àpartir d’ensilages
«holoxéniques
»de diverses
espèces fourragères
et identifiées selon les critères de SHARPE(r 9 62)
pour Lactobacillusplantarum
et Lactobacillusbrevis,
LANGSTON et BOUMA(ig6o
a etb)
pour «branching
» Lacto-bacillus, Streptococcus faecalis,
Pediococcus sp, GOUET( 19 66)
pour Enterobacter sp.,B EERENS ,
CASTEL et PUT(i 9 6z)
pour les Clostridiumbutyricum
ettyrobutyricum.
Tous les
ensilages
sontplacés
dans une étuve à22 0 C ±
10C et lescinétiques
de dénombre- ments sont effectuées aux : 2, 5,8,
15, 30, 50, 90,Is o e jour
de conservation. Dans les bocaux les bactéries sont dénombrées seulement en fin de conservation( l oo e jour).
Les six associations bactériennes
expérimentées
sontprésentées
dans le tableau i et les méthodes et milieuxqui
ont servi aux dénombrements dans le tableau 2. Ceux-ci sont réalisés àpartir
de dilutions décimales d’une macération(obtenue
paragitation pendant
10minutes)
de20g dans i8o ml d’eau
physiologique
pour les bocaux de 0,7litre
ou de la totalité du contenu pourchaque pilulier.
_Dans les
ensilages
«polygnotoxéniques
» L.!lantarum,
L.brevis,
Pediococcus sp. et Sty.faecalis
sont dénombrés sur le milieu
gélosé
de DEM A N,
ROGOSA etS HARPE , 19 6 0 (MRS).
La différencia- tion est obtenue de la manière suivante : L.plantarum
résiste à iooy/ml
de bacitracine et L. brevis est insensible à 2y/ml
depénicilline (dénombrement après 4 8
heures à30 0 C
en anaérobiose dans des tubes de 8 X400 ).
En boite de Petri Pediococcus sp. pousse sélectivement à
pH
5 et à42 0 C
et Str.faecalis
àpH 9 ,6
à37°C.
«
Branching
» Lactobacillus est dénombré en boîtes de Petri sur milieu MRS à30 0 C lorsqu’il
est en
ensilage a monoxénique » .
Nedisposant
pas de milieu sélectif pour le dénombrerlorsqu’il
estmélangé
aux bactérieslactiques précédentes,
nous avonsprocédé
à uncomptage
aumicroscope
selon la
technique
de Breed sur des macérationsd’ensilage après
marquage par latechnique
d’immunofluorescence indirecte. Pour
cela,
un sérum anti «branching
» Lactobacillus est obtenusur
lapin
parinjections sous-cutanées,
enq points, de 4 ml
d’une émulsion àpartie égale
d’unesuspension
de 5 X io9 bactéries et del’adjuvant complet
de Freund( 3 injections
à une semained’intervalle) ;
le sérum est recueilli au bout de trois semaines. Le marquage est obtenu avec un sérum de mouton antilapin couplé
àl’isothiocyanate
de fluorescéine. Les spores de C.buty y icum,
C.
tyrobutyricum
et du Cdostyidiumprotéolytique
sont dénombrées en milieuxliquides
selon laméthode de MAC CRADY
I9I H) :
milieu au lactate de ROSENBERGER(i 95 r)
pour les deuxpremiers
et milieu à la
gélatine (R OSENBERGER 1951 )
pour le dernier.Après
inoculation les spores sont sélectionnées et activées par unchauffage
de dix minutes à75 °C
et l’anaérobiose maintenue parun bouchon de
paraffine
de 2 cm.Dans les
ensilages
«holoxéniques
» le dénombrement est limité auxprincipaux
groupesphysiologiques :
Gramnégatif (Violet
Red BileDifco),
Grampositif (microflore lactique) (MRS
+
0,05
p. 100d’acétate dethallium).
Pour les bactéries anaérobiessporulées,
les spores seules sontdénombrées,
selon latechnique précédemment
décrite.RÉSULTATS
A.
-Ensilages
«holoxéniques
»(fig. i)
Dans les piluliers, l’évolution de la microflore des ensilages
«holoxéniques
»congelés et
noncongelés est sensiblement identique (fig. z).
La multiplication bactérienne est rapide et atteint dès le
2ejour 10 7 à
iogbacté-
ries Gram négatives par gramme d’ensilage et sensiblement autant de bactéries
Gram positives. La croissance
est unpeu moins rapide
surI,uzerne où le maximum
estatteint seulement
entrele
2e etle 4 e jour. Jusqu’à
ce momentla microflore Gram
négative domine légèrement la microflore Gram positive.
Les bactéries Gram négatives disparaissent entre le 8 e et le 15e jour dans le Ray-Grass, alors que l’on
encompte encore 4
X io5au3 oe jour dans la Luzerne
et5,5
X iofidans la Fétuque
au6oe jour. Par contre, les bactéries Gram positives
demeurent présentes (io , à io l /g) après cinq mois de fermentation dans la Fétuque
et
la Luzerne alors qu’elles disparaissent presque
entrele 8 0e
etle i 3 oe jour dans le Ray-Grass.
La microflore anaérobie sporulée se multiplie moins vite que la microflore
nonsporulée Gram positive
ounégative. C’est seulement
entrele 5 e
etle 8e jour que l’on observe
uneaugmentation du nombre de spores dans la Fétuque
etle Ray-Grass.
Les Clostridium, qui fermentent le lactate, dominent et atteignent
J04à
J06spores/g
dans le Ray-Grass, le maximum étant obtenu
versle 15 jour. Le nombre de spores diminue ensuite très légèrement jusqu’au rgoe jour.
Les Clostridium protéolytiques évoluent de façon sensiblement identique
auxprécédents mais leur nombre est plus faible (ro 2 à io l /g dans la Fétuque
et jolà 102/ g
dans le Ray-Grass). Dans la Luzerne,
aucuneespèce de
cesClostridium ne s’est multi-
pliée.
Les résultats des dénombrements effectués
surles 3 fourrages
enbocaux après
ioo
jours de conservation (tabl. 3 )
sontcomparables à
ceuxobtenus dans les piluliers
de
20g (fig. i) pour les microflores Gram positive et négative
etles Clostridium dans le Ray-Grass
etla Fétuque. Par contre, dans la Luzerne le nombre de spores
aaug- menté dans les bocaux (z, 7
xio 4 /g et X io l /g pour les Clost y idium totaux, respec- tivement dans les témoins
noncongelés
etcongelés) mais pas dans les piluliers.
B.
-Ensilages
«mono- et !olygnotoxérciques
»(fig.
2 et3 )
Dans les ensilages
«monoxéniques » (flg. 2 ), Enterobacter sp. atteint un maximum de io l /g environ
au 2ejour dans le Ray-Grass
etla Fétuque
etseulement après le
2
e
jour pour la Luzerne. Il disparaît
versle
ioo!jour dans les deux premiers alors qu’il
semaintient dans la Luzerne après 150 jours ( 10 5 /g). Dans les ensilages « poly- gnotoxéniques
», enassociation
avecdes bactéries lactiques, la même phase de crois-
sance
rapide
estobservée pendant les
2à 3 premiers jours puis
uneinhibition prononcée
semanifeste après 4 à 8 jours, délai à partir duquel
on neretrouve plus d’Enterobacter sp. dans les trois fourrages (fig. 3 ). Le nombre maximum atteint (
10
’ à 5
Xio l /g)
estplus faible
enensilage
«polygnotoxénique
»qu’en ensilage
c<
monoxénique dans
tousles
casmais plus particulièrement lorsque Entero baeter sp.
estassocié à L. brevis (M!
etM,). Cet effet inhibiteur de L. brevis apparaît
sur-tout
avecle Ray-Grass et la Luzerne (io l /g
aumaximum) alors que dans la Fé- tuque Enterobacter sp. atteint io 3 /g.
L. !lantarum (homofermentaire) s’implante rapidement, seul
ou enassociation, atteignant
etdépassant io 9 /g
versle 4 e jour, dans les trois types d’ensilages «gnotoxé- niques
».On
nele retrouve plus entre le 4 5é
etle goe jour dans le Ray-Grass mais il
reste à
unniveau élevé dans la Fétuque
etla Luzerne ( J0 4 à 10 5 /g
aui 5 oe jour dans M,
etM 3 ) ; il disparaît toutefois
au125 - jour dans l’essai M. de Fétuque.
L, brevis (hétérofermentaire)
sedéveloppe à la même vitesse que L. Plantarum
dans les ensilages
«gnotoxéniques
»,mais dans la phase de déclin
sapersistance
estremarquable jusqu’au i 5 oe jour (io 5 à io l /g) : elle est la plus forte dans la Luzerne et la plus faible dans le Ray-Grass. Toutefois, dans le mélange M., L. brevis disparaît
dans le Ray-Grass entre le s oe et le 8oe jour
etdans la Fétuque entre le 8 0 e et le
I2se jour ; il persiste dans la Luzerne à raison de io l /g
au12S &dquo; jour,
cequi confirme
le classement des fourrages précédents : Luzerne, Fétuque, Ray-Grass.
Pediococcus sp. évolue de la même façon que L. !lantarum
ouL. brevis
enensi-
lages
«monoxéniques
» ;dans les ensilages
«polygnotoxéniques
»(mélange M 6 ), il persiste nettement mieux dans la Fétuque que dans les deux
autresfourrages. Dans
le mélange M e , où la compétition est plus importante, il diminue beaucoup plus rapi-
dement que L. plantarum et L. brevis, le nombre maximum
nedépassant pas io l /g.
Le Ray-Grass est, là
encore,l’ensilage où la disparition est la plus rapide.
Str. faecalis (homofermentaire)
a unecroissance moins importante que les souches
précédentes. En ensilages
«monoxéniques
»il n’atteint jamais io g /g et contrairement
aux
autres Lactobacillaceae homofermentaires qui disparaissent plus rapidement dans
le Ray-Grass, c’est ici la Luzerne qui constitue le milieu le moins favorable, puisque
St y
. faecalis n’y est plus retrouvé
augoe jour alors qu’il
est encoreprésent entre le
go- et le 150 - jour dans le Ray-Grass et la Fétuque. Associé à L. brevis
ouL. !lan-
ta y
um
dans les mélanges M,
etM. il reste très nettement sous-dominant,
enparti-
culier dans la Luzerne (6
Xio l /g
et 2 X10 6 /g respectivement
aumaximum). Dans
ces
mélanges il disparaît
entre5 o et go jours dans la Fétuque
et entre8
et30 jours
dans le Ray-Grass et la Luzerne. Dans le mélange M. l’infériorité numérique vis-à-vis
des autres bactéries lactiques
estplus nette et
setraduit par
unedisparition
enmoins
de 15 jours dans la Fétuque et
enmoins d’une semaine dans le Ray-Grass de Str. fae-
calis.
«
Branching
»Lactobacillus présente
unecinétique d’implantation identique
auxautres espèces de Lactobacillus. La Luzerne
nesemble toutefois pas constituer pour cette souche
unsubstrat particulièrement favorable puisque le nombre maximum n’atteint que 3
X10 8 / 9 . Comme les autres bactéries lactiques homofermentaires, cette espèce disparaît du Ray-Grass entre le 45 e et le goe jour et
entrele go. et le 150
- jour dans la Fétuque et la Luzerne. Dans le mélange M e , où le dénombrement par immunofluorescence inclut les bactéries mortes,
onconstate que la phase d’appa-
rition de
ceLactobacillus est identique à celle des autres bactéries et que le nombre maximum atteint
estvoisin de io l /g
surRay-Grass
etFétuque et
unpeu inférieur
sur
Luzerne.
Pour les Clostridium, anaérobies stricts, les techniques employées
nepermettent
pas de dénombrer les cellules végétatives, mais seulement les spores. Toutefois les variations des nombres de spores peuvent être interprétées, leur diminution étant la
conséquence de leur germination et leur augmentation celle de la multiplication végé-
tative.
C. 6!!’CM!M s’est développé,
enpilulier, dans les ensilages
«monoxéniques
»de Ray-Grass
etFétuque mais pas dans celui de Luzerne. La diminution du nombre de spores dès le
2ejour d’incubation (fig. 2 )
nousmontre que la germination
adéjà
commencé (perte de la thermorésistance) ; la multiplication végétative suivie de la
sporulation est déjà très prononcée
au5 jour. Le nombre de spores persiste ensuite
à des niveaux compris entre
io4et io e /g. Il faut noter que cette espèce, qui semble
avoir germé mais n’a pas sporulé dans l’ensilage de Luzerne
enpiluliers
a,par contre,
sporulé dans le bocal, où l’on trouve 5
X io5spores/g
au jooejour (tabl. 3 ). Le dénom-
brement
enpilulier du 150 e jour
surLuzerne traduit cependant
unelégère sporu- lation de C. butyricum.
C. tyrobutyricum s’est développé dans les ensilages
«monoxéniques » de Fétuque
où la phase de germination des spores
sesitue entre le
2eet le 5e jour. Dans le Ray- Grass il
nesemble pas
yavoir
eude croissance végétative
avecsporulation ;
onobserve
seulement la survie des spores et peut-être
unelégère croissance
augo - jour. Dans la
Luzerne
enpilulier,
ceClostridium
nes’est pas développé, alors qu’on le
retrouvedans tous les bocaux ( 10 &dquo;- 10./ g).
Dans les ensilages
«gnotoxéniques
»,mélanges M i à M s , seule la Fétuque permet
une
germination des spores
avecmultiplication végétative. On
yobserve également
la phase d’éclipse qui correspond à la germination des spores entre le
2e etle 8e jour puis la phase de multiplication végétative
avecsporulation.
Dans le mélange M. il n’y
apas d’augmentation du nombre des spores même
surFétuque. Toutefois, dans les bocaux
onobserve
unaccroissement
au Iooejour (8
XJ0 4 /g)
surFétuque (tabl. 2 ) mais pas
surLuzerne où la multiplication
ensouche
pure
apourtant été observée.
Le C. protéolytique n’est pas représenté
surles figures
caril
nes’est développé
ni
enbocaux ni
enpiluliers.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Les souches bactériennes retenues pour
cesexpériences
nereprésentent certes
pas la totalité de celles que l’on peut
rencontrerdans les ensilages
«holoxéniques
uet
il faudrait
yajouter L. casei, L. arabinosus, Leuconostoc mesente y ozdes et St!. lique-
aciens. Toutefois, la persistance de
cestrois dernières,
enparticulier, y est souvent
éphémère et leur rôle peut être considéré, dans
unpremier temps,
commesecondaire.
Les associations que
nous avonsréalisées constituent quelques-unes des princi- pales combinaisons que l’on peut imaginer entre les trois espèces lactiques domi-
nantes
(L. Plantarum, L. brevis, Pediococcus sp.)
etles deux espèces dont le développe-
ment doit être inhibé (CI. tyrobutyricum
etEnte y abacter sp.). En effet,
cesdernières
sont
gazogènes
etleur métabolisme entraîne les pertes les plus importantes d’éléments
nutritifs (Boussur et al., 1971 )
endétournant
unepartie des glucides fermentescibles de l’acidification lactique. Par ailleurs, la fermentation butyrique
enélevant le pH, permet le développement des bactéries putréfiantes. La température de 22° C
aété
retenue
dans
cesessais
car enfavorisant la croissance des lactobacilles, elle procure des ensilages
«holoxéniques
»directs généralement de meilleure qualité ; toutefois
le rôle de la température dont
onsait l’importance (I, ANI G AN , I9 fi5)
resteà étudier
dans
cecadre.
Les résultats obtenus
au coursde
cettepremière étude, où le développement
de la microflore
apu être analysé par l’emploi d’ensilages
«gnotoxéniques», confirment
les observations faites à partir d’ensilages
«holoxéniques a (STiRMNG, I95 3 ; LA N GS-
T
ON et
al., I95 8; LA N GST ON
etBOUMA, 1960, I,A NI GA N 1 9 63, GOUET et al., 19 65).
Ainsi, dans des ensilages
!cpolygnotoxéniques
»placés
enanaérobiose permanente
et à 22 !C, la microflore Gram négative
sedéveloppe aussi vite que la microflore lactique
mais la première disparaît rapidement alors que la seconde s’établit
enflore domi-
nante.On enregistre la même évolution dans les ensilages
«holoxéniques
omais la
microflore Gram négative y persiste plus longtemps (principalement dans la Luzerne
et la Fétuque) et les Clostridium fermentant le lactate
semultiplient dans le Ray-
Grass et la Fétuque mais pas dans la Luzerne. Ce dernier point est
encontradiction
avec
les résultats couramment admis d’après lesquels le Ray-Grass riche
englucides
fermentescibles (BoussET et al., 1971 ) constitue
unmilieu défavorable
audéveloppe-
ment
des Clostridium alors que la Luzerne, pour la raison contraire, le favorise. Par ailleurs il
estintéressant de souligner que dans le Ray-Grass
etla Luzerne les
asso-ciations M, à M. inhibent C. tyrobutyricum alors que dans la Fétuque seule l’associa-
tion M,
acet effet.
Enfin
onnotera que le Clostridium protéolytique
nes’est jamais développé, conséquence probable d’une température d’incubation trop faible ; H UHTANEN
etPE
N
SACK ( 19 6 3 ) ont aussi remarqué que C. sporogenes
enensilages
«monoxéniques
»ne se
développait pas dans la Luzerne et le Maïs
entre 20o et25 °C.
Parmi les bactéries lactiques, L. brevis (hétérofermentaire)
estbien l’espèce la plus persistante lorsque la durée de conservation augmente,
enraison
sansdoute de
sarésistance
auxbas pH ; L. plantarum arrive
surle même plan que L. brevis
ouseulement après, suivi de
«branching
»Lactobacillus et de Pediococcus sp. Strepto-
coccus
faecalis qui n’a qu’une croissance limitée et
uneexistence éphémère,
cequi est
encontradiction
avecl’importance qui semble lui avoir été parfois accordée dans les
ensilages
«holoxéniques
»(I,A N GSTO N , BOUMA, 19 6 0
a ;W HI TTE NBURY , MCD ONAI , D , B
RY A N
, JONES, zg67).
En conclusion, le
recoursà des ensilages
«gnotoxéniques » permet de mettre clairement
enévidence l’évolution des espèces bactériennes
au coursde la
conser-vation. Bien que l’extrapolation de
cesrésultats à des ensilages
«holoxéniques
» nesoit pas
encorepossible,
onpeut cependant penser que des associations bactériennes judicieusement choisies et
sansdoute différentes selon les fourrages pourraient per-
mettre
d’inhiber les fermentations butyriques et, partant, de diminuer les pertes de substances nutritives
etaméliorer l’appétibilité des ensilages directs.
Reçu pour publication
en août1971.
SUMMARY
KINETIC INVESTIGATION ON BACTERIAL DEVELOPMENT IN ((GNOTOXENIC))
» AI,FA p A,
FETUCA AND RAY GRASS SHAGESThis
investigation
was undertaken onalfafa,
fetuca and ray grasssilages
in order tostudy
the
development,
maintenance and occasionalantagonistic
effect of bacterialspecies,
viz: L.plan-
tarum, L.
brevis,
«branching
»Lactobacillus,
Sty,faecalis,
Pediococcus sp., Enterobacter sp., C.butyricum,
C.ty y obutyvicum, proteolytic
Glostridium.The three
forages,
minced and ensiled in 0.7 litrejars
or 50 millilitrestubes,
were sterilizedby gamma-irradiation.
The bacterial strains were inoculated eitherseparately
or in combination(M
Ito M6). They
were countedindividually
after 2, g,8,
15, 30, 50, go and 150days
ofstorage
at 22°C. With the DeMan, Rogosa
andSharpe
medium(MRS),
selectivecounting
wasperformed by
thefollowing
means :temperature
for Pediococcus sp.( 42 °C) ; labelling
with antibiotics for L.plantarum (bacitracin)
and L. byevis(penicillin) ; pH
for Str.faecalis ( 9 .6) ;
immunofluorescence fora branching
Lactobacillus. Other selective culture media were used forEnte y obacte y sp. (Violet
Red Bile
Difco),
C.ty y obutyricum
and C.butyricum (lactate medium) proteolytic
Clostyidium(gelatin medium).
Parallel to this
experiment,
the evolutive kinetics ofgram-negative
andgram-positive (o lactic »)
microflora(anaerobic sporulated
orlactate-fermenting bacteria)
wereinvestigated
·from <, holoxenic »
silage
of the sameforages.
Our results show that with a
polygnotoxenic
»silages, gram-negative
andgram-positive
«« lactic n)
microflora grow at the samespeed,
but the former soondisappears
whereasthe
latterremains dominant. A similar
developmental pattern
was noticed with « holoxenic »silages,
butthe
gram-negative
bacteria remainlonger, particularly
in alfafa andfetuca,
and the lactateposi-
tive Clostridium
develops
in fetucaand
ray grass. In «gnotoxenic
a fetucasilages,
the M 6 combi-nation alone inhibits the
development
of C.tyrobutyricum,
L, brevis
(heterofermenting)
remains thelongest
of all Lactobacillaceae when the duration ofstorage increases.
L.plantarum
comes next, thenbranching
Lactobacillus andPediococcus
sp.Str.
faecalis
shows the most limitedgrowth
and shortest life span.RÉFÉRENCES BIBI,IOGRAPHIQUES
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