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DOUZE ANS EN ALGÉRIE

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DOUZE ANS

EN ALGÉRIE

1830 À 1842

PAR

LE DOCTEUR BONNAFONT

médecin principal des armées, en retraite, etc.

PARIS E. DENTU, ÉDITEUR LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

Palais-Royal, 15-I7-19, Galerie d’Orléans .

1880

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2e EXPÉDITION DE CONSTANTINE

Peu de temps après mon retour à Alger, le projet de réparer l’échec de la première expédition de Constantine fut agité, et je fus désigné pour en faire partie. Le ministre avait d’ailleurs donné des ordres pour y faire participer les officiers qui avaient été à la première. L’expédition devait être commandée par le général Comte Damrémont, gouverneur de l’Algérie. Pénétré de l’insuffisance des moyens à la première, ce général voulut prendre toutes les précautions afin que celle qu’il allait commander obtint un résultat favorable.

Des ordres furent donnés en conséquence à l’administration ; et afin d’en mieux assurer le succès, le gouverneur résolut de se rapprocher de Constantine en occupant fortement la position de Medjezel-Amar et d’y concentrer le corps expéditionnaire. On y traça l’emplacement d’un vaste camp qui devint bientôt une immense place d’armes. L’armée expéditionnaire devait se composer de quinze à seize mille hommes. Mais comme il fallut laisser des détachements à Dréan, à Guelma et à Medjez-el-Amar, le chiffre réel fut de dix mille hommes.

C’est avec cet effectif que le général Damrémont et le duc de Nemours qui commandait la brigade d’avant-garde, ouvrirent la marche et quittèrent le camp de Medjez-el Amar le 1er octobre 1837.

Le service de santé fut divisé en trois ambulances ; une pour la brigade d’avant-garde à laquelle je fus attaché sous les ordres de Baudens, qui a laissé un nom célèbre dans la chirurgie militaire.

La seconde ambulance était dirigée par le professeur Sédillot, qui a illustré la chirurgie française, dont la réputation comme praticien et comme savant, est justement proclamée. Et enfin à la tête de l’ambulance du quartier général, était le trop modeste et habile praticien mon ami M. Hutin devenu inspecteur du service de santé.

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A notre départ de Bône, une chose m’étonna, qui me fit comprendre l’échec inévitable que la première expédition devait essuyer. Ce fut le matériel qu’on avait mis à la disposition de chaque ambulance. Notre service de santé seul avait de quoi transporter, au minimum, plus de cent malades au lieu de seize à la première ; tous les services en général étaient organisés avec la même prévoyance.

Le temps était très beau ; l’armée animée d’un même sentiment ; impatiente de venger la défaite précédente, elle partait avec une confiance et un entrain qui faisaient plaisir à voir. Nous n’avions pas, il est vrai, un Bey avec sa brillante escorte, sa musique, ses étendards et ses oriflammes multicolores, pour faire la fantasia ; toutes ces loques étaient remplacées par un matériel de guerre, qui, s’il ne reflétait pas d’une manière aussi orientale les rayons du soleil, il nous promettait, en revanche, un secours plus sérieux.

L’armée suivit la même marche qu’à la première ; c’est-à-dire, premier bivouac à Dréhan ; deuxième à Nechmeïa, où j’eus soin d’éviter, cette fois, le voisinage des scorpions ; troisième, à Medjez-Hamar ; quatrième, à l’Oued- Zenaty ; cinquième, à Sidi-Tantam ; sixième, au Summa, de si triste mémoire, où nous avons trouvé et foulé à nos pieds quelques ossements de nos malheureux soldats qui y étaient morts de froid à notre premier passage.

Jusque-là, l’armée avait cheminé sans rencontrer aucune opposition de la part de l’ennemi ; à peine si on apercevait quelques arabes à cheval, sur la crête des montagnes voisines. Mais à partir de ce dernier bivouac, des groupes nombreux se montraient de tous les côtés, indice de la réception qui nous attendait. Il est bien certain que l’échec que nous avions éprouvé, et la résistance que la ville nous avait opposée, entretenaient les espérances de l’ennemi. Il voulait réserver ses moyens pour les combiner avec ceux de la ville qui, ayant considérablement augmenté ses travaux de défense, espérait nous ménager une retraite beaucoup plus meurtrière que la première. A peine

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les troupes installées au Mansourah et au Coudiat-Aty, on s’occupa des travaux de siège. L’ennemi ne tarda pas à les inquiéter et le 7, il essaya de les troubler par deux vigoureuses sorties ; l’une du côté de Mansourah, l’autre de Coudiat-Aty. Toutes les deux furent vigoureusement repoussées et l’ennemi rentra en ville après avoir subi des pertes considérables. Les Arabes du dehors, combinant leur attaque avec celle des assiégés, subirent le même échec et furent refoulés dans leurs montagnes. Le général Vallée, pressé d’établir ses batteries, fut reconnaître à Coudiat-Aty, le terrain le plus favorable pour leur emplacement ; une de brèche et une d’obusier. Tous ces travaux commencèrent le soir même, et furent continués toute la nuit. Mais la pluie qui tombait à déluge contraria les travailleurs. Les rampes ménagées pour le passage de l’artillerie s’écroulaient, les trains qui portaient les canons et les munitions, s’embourbaient à chaque instant jusqu’aux moyeux ; les sacs-à-terre, même, exposés à cette pluie torrentielle, n’étaient plus portables tant ils étaient fangeux.

Les malheureux soldats occupés à ces travaux, plongés dans la boue, transis de froid, avaient leurs membres engourdis et ne trouvaient aucun abri pour se réchauffer. Tous les feux étaient forcément éteints ; pas une tente ne pouvait être dressée.

Cependant, une troisième batterie, baptisée du nom de batterie Damrémont, reçut trois pièces de 24 et deux obusiers ; et, pour témoigner aux assiégés que nous étions en état d’ouvrir le feu, quelques coups de canon furent tirés de cette batterie.

Ces détonations avaient aussi pour but d’entretenir le moral de l’armée et de lui témoigner que les travaux de siège avançaient. On ne saurait croire, en effet, dans ces moments si critiques, en présence des difficultés de tout genre qui contrariaient nos opérations, mises en présence des souvenirs de la

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si malheureuse expédition précédente, combien les angoisses étaient grandes chez ceux qui avaient été témoins de la retraite de 1836 ; alors surtout que le temps semblait nous préparer les mêmes calamités. La nuit du 8 au 9, fut encore plus affreuse ; la pluie tomba avec rage sans discontinuer ; et, si le maréchal Vallée ne s’était hâté de faire venir les pièces la veille, il eut été complètement impossible de les amener, Ce fait fut très heureux ; car, la vue seule des batteries établies et la quantité de munitions pour entretenir le feu, produisirent un effet immense sur le moral de tout le monde.

Le 9, au matin, malgré la pluie, les batteries de Mansourah ouvrirent le feu sans produire d’autre effet sur la ville que d’éteindre les batteries de la Casbah. Le gouverneur, jugeant le peu de résultat qu’on pourrait obtenir de ce côté, renonça à une tentative qui aurait pu épuiser inutilement nos munitions de siège ; et, d’accord avec le général Vallée, il fit dégarnir les batteries de Mansourah et renforcer celle du Koudiat-Atty.

Ce fut un travail de géants ; car Mansourah est séparée du Coudiat-Aty par un terrain très accidenté, présentant deux brèches au fond desquelles coulent le Boumerzouk et le Rummel. Là, pas de routes tracées ; un terrain glaiseux, glissant ; les rives du Boumerzouk hérissées de roches inégales, presque à pic ; les torrents, eux-mêmes grossis, présentaient un fond rocheux et inégal. Eh bien ! il fallait franchir tous ces obstacles pour transporter les pièces de 24. Les chevaux ne pouvant suffire, il fallut y atteler des hommes, lesquels à coups de levier et à l’aide d’autres engins, on faisait glisser les pièces. Tout le monde doutait du succès ; mais l’élan était si considérable qu’avec la patience et deux jours et demi de travail, les pièces arrivèrent sur le plateau.

Leur passage à travers le camp fut accueilli par des applaudissements.

Lorsque les préparatifs du siège furent assez avancés, la brigade du Duc

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de Nemours reçut l’ordre d’aller prendre position au Coudiat-Aty : Ce mot, on le comprendra facilement, produisit chez moi une commotion bien pénible ; elle me rappelait le séjour que j’y avais fait l’année précédente et les biens tristes événements qui s’y étaient accomplis. J’eus même la faiblesse en apprenant l’ordre d’y revenir, d’éprouver un serrement de cœur au souvenir des misères et des privations de tout genre, que la 1ère brigade d’avant-garde y avait souffert et supporté avec une si stoïque résignation. Le temps était assez beau, le Boumerzouk et le Roumel furent plus dociles dans leur traversée ; seuls, les Arabes nous disputèrent assez sérieusement leur passage, auquel se joignirent les canons de la Ville.

Et, singulière coïncidence, un capitaine d’artillerie, à peine avait-il franchi le Roumel qu’il eut la tête emportée par un boulet, presque à la même place que le fourrier du 17e Léger en 1836. Enfin, nous voilà arrivés au Coudiat-Aty ; je priai M. Baudens de demander, pour l’ambulance, la même installation que j’avais en 1836. Ce ne fut pas sans une émotion, facile à com- prendre, que je pénétrai dans l’enceinte du Marabout qui avait servi de refuge à nos malheuyeux malades, lors de la première expédition. A peine fûmes- nous installés, le temps changea, des pluies torrentielles nous inondèrent pendant trois jours sans discontinuer et transformèrent tout le plateau en un véritable marais fangeux.

Malgré ce temps, les Arabes harcelaient nos avant-postes de tous côtés, et la ville ne discontinuait pas de nous envoyer des bombes et des obus. Les travaux de siège étaient considérablement gênés et ralentis par ces pluies.

Deux grosses pièces de siége de 24, ne pouvant être montées, durent être abandonnées en route. Le Roumel, devenu inguéable, suspendit toute communication du Coudiat-Aty avec le quartier général, installé à Sidi Mabrouck, derrière le plateau du Mansourah. Les deux corps d’armée restèrent ainsi, comme en 1836, complètement isolés, pendant quelques

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jours ; notre position commençait à devenir très critique, par la diminution des vivres et des munitions. Au quartier général, on n’était pas moins inquiet de ne pouvoir nous faire parvenir aucun ordre.

Enfin, un soldat, du 1er Léger, nommé Morache, s’offrit pour traverser à la nage le Roumel, devenu un affreux torrent, et porter un ordre quelconque su Coudiat-Aty. Le dépêche fixée sur le front, il eut le courage et le bonheur de traverser la rivière, sous les coups de fusils des Arabes, et d’arriver sain et sauf au quartier général de la brigade. On apprit ainsi que les travaux de siège marchaient bien du côté de Mansourah ; et aussitôt que la rivière le permettrait, on nous enverrait des provisions. Le temps ayant favorablement changé, les pluies cessant, les deux rivières, devenues enfin guéables, un grand convoi de provisions put les franchir et nous arriver sain et sauf. Inutile de dire combien l’artillerie et le génie mirent à profit le beau temps pour activer les travaux nécessaires au placement des pièces de siège. Ce temps fut long, le terrain trop délayé, s’affaissait sous le poids des gros canons. Les chevaux avaient bien pu monter les pièces de 12, mais celles de 16 et de 24 surtout, ne purent arriver qu’avec les plus grandes difficultés à leur place. Les deux pièces de 24, dont j’ai parlé tout à l’heure fussent demeurées peut-être sur le bord de la rivière et au bas de la côte sans le colonel Lamoricière qui mit une partie de son régiment au service de l’artillerie ; et, au moyen de cordes ou d’autres engins, les zouaves finirent par les hisser, en glissant jusqu’à leur poste.

Les zouaves reçurent, à cet effet, les applaudissements de toute la brigade. Les travaux reprirent bon train, malgré les contrariétés que l’ennemi nous faisait supporter. Les plus malheureux de l’expédition ne furent pas seulement les hommes ; les chevaux et les mulets eurent aussi leur part de misère ; les fourrages ayant considérablement diminué avaient presque dis- paru chez nous. Ces pauvres bêtes, les pieds dans l’eau et dans la boue,

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souffrant la faim et ne pouvant se livrer au sommeil, faisaient peine à voir, et surtout à entendre. On connaît peu en général le cri d’alarme et de souf- france de ces bêtes si utiles ; c’est là que j’ai entendu pour la première, et, je puis le dire maintenant, pour la dernière, ce cri plaintif ; il peut se comparer à celui de deux petits chiens cherchant leur mère. Ce cri, répété par tous les chevaux, produisait pendant la nuit, un effet navrant des plus lugubres : dévorés par la faim, ils se mangeaient entre eux, qui, la crinière, qui la queue.

Quand ils étaient à côté les uns les autres ils se mettaient tête bêche ; et, pendant que l’un rongeait la queue, l’autre lui arrachait la crinière. Rien d’un pittoresque aussi pénible, que de voir ces malheureuses bêtes si abîmées ; combien en moururent, des mulets surtout !... Quant à moi, j’avais eu le bonheur de conserver deux bottes de foin et j’en distribuai de temps en temps, une poignée à mon pauvre Coco ; j’eus ainsi le bonheur de le ramener jusqu’à Bône ; mais dans quel état !... il n’avait que quelques brins de crins à la queue et bien moins encore à la crinière tant ses camarades de misère la lui avaient rongée.

(à suivre)

Siège de Constantine, octobre 1837

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