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DOUZE ANS EN ALGÉRIE

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DOUZE ANS

EN ALGÉRIE

1830 À 1842

PAR

LE DOCTEUR BONNAFONT

médecin principal des armées, en retraite, etc.

PARIS E. DENTU, ÉDITEUR LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

Palais-Royal, 15-I7-19, Galerie d’Orléans .

1880

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LES BIBANS

Depuis longtemps le maréchal Vallée nourrissait le projet de faire une expédition dans le seul but de traverser les Bibans ou les portes de fer.

N’ayant pu l’accomplir pendant que nous étions à Sétif avec le général Galbois, il résolut de la faire en partant de Constantine. Le maréchal était aussi bien aise d’associer à cette intéressante et curieuse reconnaissance le prince duc d’Orléans qui lui en avait, dit-on, exprimé le désir. Dès que l’époque du départ de l’expédition fut décidée, je reçus une lettre de M.

Pasquier, chirurgien du prince et Inspecteur du service de santé, me prévenant, qu’étant empêché de quitter Paris, je le remplacerai auprès de son Altesse durant cette expédition.

Mais le duc d’Orléans s’étant trouvé indisposé à Toulon, au moment de son embarquement, le roi et la reine désirèrent que son médecin l’accompagnât durant tout le temps de son absence. Du reste, encore fatigué

des nombreuses expéditions que je venais de faire, et désirant me reposer, je déclinai l’honneur de faire partie de celle-ci. J’eus quelque peine à obtenir cette faveur du chirurgien en chef, M. Guyon, qui, dans mon intérêt, m’engageait beaucoup à y prendre part. J’insistai et je restai paisiblement à

Alger : ce repos fut de bien courte durée. L’expédition des portes de fer ne fut d’ailleurs qu’une longue, fatigante et curieuse promenade, sans importance aucune pour la colonisation. Mais, chose grave, si elle ne fut qu’un sujet de distraction pour le gouverneur, elle eut pour conséquence le renouvellement de la guerre avec Abd-el-Kader. On a vu précédemment, que, dans le traité de la Tafna, l’émir avait le commandement de tout le territoire, s’étendant de l’ouest, frontière du Maroc, jusqu’aux portes de fer, province de Constantine.

Il avait été aussi stipulé, dans ce traité, qu’aucun passage de troupes n’aurait lieu par ce défilé, avant que le gouverneur ou l’émir se fussent prévenus

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d’avance ; sans quoi le traité perdrait sa valeur, et rendrait toute liberté, à celui qui se sentirait blessé, de recommencer les hostilités.

Le maréchal Vallée avait gardé le plus profond silence sur cette opération. L’émir savait bien que le maréchal faisait une expédition dans la province de Constantine, mais il ignorait complètement qu’elle dut revenir à

Alger en passant par les portes de fer.

Abd-el-Kader était tranquillement à Milianah le jour où l’expédition quittait la pleine de la Medjanah pour pénétrer dans le défilé des Bibans.

Aussitôt prévenu de cet incident, il donna ordre à ses troupes de défendre ce passage. Heureusement, l’armée avait déjà atteint le but lorsque, des hauteurs à pic qui dominent le défilé, les arabes ne purent décharger leurs armes que sur l’extrême arrière-garde ; circonstance très heureuse ; car, défendu un peu plus tôt par quelques centaines d’hommes seulement, l’armée, dans l’impossibilité de se défendre, eût été arrêtée ou y eût subi des pertes considérables. J’ignore quels ont été les avantages d’une pareille expédition ; mais elle eut, pour conséquences fatales, le ravivement de la colère d’Abd-el- Kader, qui, le jour même où le lendemain, de ce passage, traita de lâche le maréchal Vallée pour l’avoir opérée sans l’en instruire. Il écrivit au maréchal :

« c’est donc une déclaration de guerre, que tu me fais, lui dit-il, je l’accepte, et je vais la recommencer. »

La population d’Alger accueillit les soldats avec toutes les démonstrations de la joie. Effectivement la longue excursion qu’ils venaient de faire, sans avoir été troublée par aucune attaque sérieuse, au travers d’un pays qu’hérissent tant de difficultés, qu’habite une population qui inspira constamment les plus grandes craintes aux dominateurs de cette partie de l’Afrique, pouvait cependant avoir une signification que tout le monde s’empressa d’interpréter à notre avantage.

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L’orgueil d’Abd-el-Kader en souffrit, dit-on, de plus d’une manière ; car le passage des Portes de fer, outre qu’il devenait comme une heureuse revanche de la pointe poussée par lui, quelques mois auparavant, du côté de Bougie, tranchait une question de limites et résolvait en partie le grand problème que nous poursuivions ; c’est-à-dire la facilité des communications entre Alger et Constantine. Dés ce moment l’émir ne cacha plus ses mauvaises dispositions ; nourrissant la folle pensée d’établir la domination arabe dans toute l’Algérie, il souffla le feu de la guerre dans les tribus de la plaine, attaqua les camps isolés, surprit tous nos détachements, incendia les fermes et massacra les colons qui se reposaient par la foi des traités.

Pour exercer une action plus forte sur ces populations ignorantes, il leur représenta le passage des Portes de fer par l’armée française, comme une attaque directe à leur nationalité et à leurs idées religieuses. Ses émissaires qui, depuis six mois, semaient secrètement la défiance contre les Français, levèrent tout-à-coup le masque, et ravivèrent toutes les haines, toutes les superstitions.

D’ailleurs les nouvelles reçues d’Oran ne laissaient déjà aucun doute sur la probabilité d’une prochaine rupture : on l’y voyait mettre en œuvre toute son activité pour provoquer une insurrection générale. Vers la fin de septembre, il avait quitté Thaza pour se rendre dans cette province, où sa longue absence paraissait avoir affaibli son pouvoir; aussi d’indignes violences signalèrent-elles son retour : quelques chefs, qui s’étaient montrés peu zélés à son égard, furent décapités, et leurs femmes essuyèrent les derniers outrages. Dans le même temps, il refoulait vers l’intérieur les populations sur le dévouement desquelles il ne pouvait compter ; convaincus entre autres de nous avoir, en plusieurs occasions, fourni des chevaux, les Medjaher furent violemment déplacés et contraints d’aller vivre au milieu des tribus qui garantissaient leur obéissance.

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Ces dispositions présageaient la guerre, une guerre des plus sanglantes ; cependant le maréchal Vallée ne prit aucune mesure pour conjurer l’orage : il laissa ses troupes disséminées dans des postes peu favorables à la défense, et fut pris tout à fait à l’improviste. Subitement assaillis par une bande formidable, les habitants de la plaine virent leurs enfants égorgés, les troupeaux ravis, les récoltes au pillage, les maisons rasées ou incendiées ; c’étaient les Hadjoutes, qui, fidèles à leurs habitudes, signalaient leur présence par ces sauvages déprédations.

Les ordres étaient si formels, le châtiment infligé aux délinquants si terrible, que les marchés cessèrent d’être approvisionnés. En même temps, la guerre sainte était prêchée dans la mosquée de Mascara, et il était ordonné à

tous les bons musulmans d’acheter des chevaux, des armes et des munitions de guerre.

L’émir écrivait aux chefs des Arabes : « Sachez que nous ne sommes plus en paix avec l’impie, et que nous le chasserons de chez nous, s’il plaît à

Dieu. Nous irons bientôt vous voir ; tenez-vous prêt pour la guerre sainte, Dieu ne vous a élevé que pour faire triompher sa religion et combattre ses ennemis. Les musulmans doivent être comme des épines dans les yeux des chrétiens. Salut. »

De tous côtés ce n’étaient qu’attaques nouvelles et imprévues. Le 20 novembre, les beys de Miliahah et de Médéah traversèrent la Chiffa à la tête de deux à trois milles hommes et se répandirent dans la plaine, guidés à

travers nos postes par les Hadjoutes.

Le même jour, un convoi parti de Bouffarich pour Oued-el-Laleg fut surpris, et sa faible escorte de trente hommes massacrée ; enfin, le 21, un détachement qui se dirigeait d’Oued-el- Laleg sur Blidah, afin de porter secours à ce convoi, fut assailli par des hordes nombreuses ; et les têtes des

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cinquante braves qui le composaient devinrent pour les Arabes de nouveaux trophées.

Le commandant du camp se porta à leur rencontre ; mais, pressé de toutes parts par une multitude aveuglement féroce, il n’eut que le temps de faire former en carré sa petite troupe, composée de deux compagnies du 25e de ligne et d’un bataillon du 1er de chasseurs d’Afrique. Sa retraite exécutée avec un sang-froid et une intrépidité dignes peut-être d’un plus vaste

C’est ainsi que, profitant de l’incurie du maréchal Vallée, Abd-el-Kader déchirait le voile dont il s’était couvert jusqu’alors. Aucune déclaration n’avait précédé cette prise d’armes ; ce ne fut que par une lettre adressée postérieurement au gouverneur général qu’il lui annonça le projet arrêté, disait-il, par tous les musulmans, de recommencer la guerre sainte.

Le courage avec lequel nos soldats supportèrent le premier choc trouva de dignes imitateurs dans les colons, dont la plupart cependant finirent par abandonner tout à fait la plaine et venir chercher une refuge sous les murs d’Alger. La désolation était générale ; les coureurs de l’ennemi avaient pénétré jusque sur le massif, et lés tribus alliées furent contraintes de se concentrer autour de nos camps.

Deux convois, escortés seulement par trente hommes, se mettaient en route pour les blokaus de Mered et le camp d’Oued-Lalleg. Ils furent attaqués, chacun, par un millier d’Arabes. Le commandant du convoi de Mered forma ses voitures en carré ; ses soldats se défendirent vigoureusement et donnèrent le temps à la garnison de Bouffarick de venir à leurs secours. Le commandant du détachement périt seul ; atteint d’une balle, il fut tué sur le coup.

Le commandant du convoi d’Oued-Lalleg, surpris, à son tour, et n’ayant pas eu le temps de faire parquer ses voitures, ne put résister à

l’attaque de ses nombreux ennemis. Lorsque une colonne, sortie de

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Bouffarick, accourut au bruit de la fusillade, tout le détachement avait déjà

succombé. Ce malheur fut suivi d’une nouvelle calamité.

(à suivre)

Le passage portes de fer

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