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Catherine Brun, Guerre d Algérie. Les mots pour la dire et Algérie. D une guerre à l autre

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120 | 2015

Quel avenir pour la mémoire du génocide des Arméniens ?

Catherine Brun, Guerre d’Algérie. Les mots pour la dire et Algérie. D’une guerre à l’autre

Anne Roche

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/temoigner/2503 DOI : 10.4000/temoigner.2503

ISSN : 2506-6390 Éditeur

Éditions du Centre d'études et de documentation de l'ASBL Mémoire d'Auschwitz Édition imprimée

Date de publication : 30 avril 2015 Pagination : 184-187

ISBN : 978-2-84174-701-6 ISSN : 2031-4183 Référence électronique

Anne Roche, « Catherine Brun, Guerre d’Algérie. Les mots pour la dire et Algérie. D’une guerre à l’autre », Témoigner. Entre histoire et mémoire [En ligne], 120 | 2015, mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 09 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/temoigner/2503 ; DOI : https://doi.org/10.4000/

temoigner.2503

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Tous droits réservés

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Catherine Brun, Guerre d’Algérie. Les mots pour la dire et Algérie. D’une

guerre à l’autre

Anne Roche

RÉFÉRENCE

Catherine Brun (dir.), Guerre d’Algérie. Les mots pour la dire, Paris, CNRS, « Histoire », 2014, 319 p.

Catherine Brun (dir.), Algérie. D’une guerre à l’autre, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2014, 230 p.

1 Tout est dit ? ou rien n’est dit ? Catherine Brun, qui a dirigé ces deux ouvrages, s’est battue contre deux évidences également fausses : l’idée d’une guerre « sans nom », sur laquelle rien n’aurait été dit, et l’idée symétrique que la cause est entendue et qu’il n’y aurait plus rien à en dire. La violence de la guerre civile, encore présente sous l’euphémisme du « terrorisme résiduel », est là pour rappeler que la question reste ouverte.

2 Les deux ouvrages se complètent et se répondent, leur angle d’attaque n’étant pas identique. Le lecteur français a tendance à lire la guerre d’Algérie dans une sorte de face-à-face entre Algériens et Français, et à la cantonner à ses limites historiques : double illusion d’optique qu’Algérie. D’une guerre à l’autre s’emploie à démonter, en établissant autour de la guerre d’Algérie, une constellation à la fois historique (la conquête, la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile) et politico-géographique (Vietnam, Égypte, Allemagne, Argentine).

3 S’inscrivant dans un temps long, Jacques Frémeaux souligne la nouveauté de la guerre de conquête (1830-1870) par rapport aux guerres européennes classiques. Sur fond d’un solide rappel historique, il imagine une sorte d’histoire alternative à la guerre

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déclenchée en 1954, sans le recours à l’armée – ce qui suggère que les politiques pourraient utilement consulter les historiens.

4 Pour la Seconde Guerre mondiale, Philippe Mesnard montre que le génocide des Juifs est « convoqué pour sensibiliser aux crimes commis en Algérie sur la population. » Il souligne le rôle des Temps modernes et des Éditions de Minuit pour actualiser ce lien, analyse les trajectoires de Blanchot et de Charlotte Delbo, et rappelle que le premier se sépare en 1969 de ses compagnons de lutte (Antelme, Mascolo) parce qu’ils ont pris le parti des Palestiniens, ce qui montre le caractère crucial, pour lui, de la question juive.

Mesnard conclut que « la guerre d’Algérie a fait autant […] pour la conscience du génocide des Juifs que celui-ci pour la mobilisation contre la terreur que faisait régner l’Armée française sur la population algérienne. »

5 D’autres contributeurs ont le souci d’inscrire la guerre d’Algérie dans le contexte global de la décolonisation, et rappellent l’impact du conflit indochinois, en particulier la défaite française à Dien-Ben-Phu, « Valmy des peuples colonisés » selon l’expression de Ferhat Abbas : ainsi Émilie Roche constate que L’Expresset Le Nouvel Observateur lisent la guerre d’Algérie en référence à l’Indochine. Alain Ruscio, analysant la position de Mauriac, de Camus et de Sartre sur l’Indochine puis l’Algérie, marque l’évolution du premier, et les limites de la position du deuxième. Il rappelle que Camus, en dénonçant la misère en Kabylie, s’inscrit dans toute une tradition (Gide, Londres, Andrée Viollis…) plus humaniste qu’anticolonialiste. Si Camus critique la répression, c’est en tant qu’elle renforce les indépendantistes. C’est tardivement qu’en 1945 il évoque le drame du Constantinois, et il met en parallèle les massacres et la répression, ce qu’il fera aussi en 1954. Des trois écrivains, seul Sartre est véritablement anticolonialiste, mais lui aussi évolue : alors que, s’agissant de la guerre d’Indochine, il accepte et même théorise le rôle dirigeant du PCF, ce ne sera plus le cas pour l’Algérie. Une contextualisation du même type se lit dans l’article de Pierre Journoud, qui décrit les contacts, dès les années 20, entre indépendantistes vietnamiens et algériens. Si le Vietnam devient un

« territoire-guide » (Fanon) pour les Algériens, ceux-ci néanmoins ne s’engagent pas dans la guerre froide. Un front commun se fait entre le parti communiste vietnamien, expurgé de ses éléments modérés, et le FLN, qui a marginalisé le parti communiste algérien, cela malgré leurs divergences idéologiques. Mais Journoud conclut que, dans les deux pays, domine un « discours nationaliste fossilisé, qui occulte le coût dramatique des guerres d’indépendance, comme la gravité des déchirures internes et des dérives autoritaires. »

6 Abderrahmane Moussaoui montre que gouvernement et opposition sont paradoxalement d’accord sur ce qui fonde une légitimité : être un « ancien combattant » ou un « fils de martyr », en référence à la guerre de libération, qui fournit donc les cadres pour penser la guerre civile. C’est ainsi que certains activistes islamistes sont présentés comme « enfants de harkis », ce qui, vrai ou faux, témoigne d’un ancrage de ce référent dans la mémoire et les conduites. Et la tentative gouvernementale d’éviter les vendettas (emploi par Zeroual, en 1994, du terme de

« victimes de la tragédie nationale », puis loi sur la « concorde civile »), a fait scandale : elle établit un parallèle entre les harkis et les martyrs d’hier, d’une part, les groupes islamistes armés et leurs victimes d’autre part, ce que refusent les familles des victimes.

L’enjeu n’est pas seulement symbolique : la guerre civile « risque de disqualifier la première [guerre] et d’ouvrir des prétentions au partage de la rente symbolique et matérielle. » Reflet en littérature de la démonstration de Moussaoui, Christiane

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Chaulet-Achour interroge l’« effet de miroir » entre guerre de libération et guerre civile, avec les romans souvent violents d’Anouar Benmalek, d’Aïssa Khelladi et de Salima Ghezali. Ces romans et d’autres, même lorsqu’ils critiquent la période post- Indépendance, ne comportent évidemment aucune nostalgie des temps coloniaux. Mais tous dénoncent « l’incapacité de transmission de ce que fut la GLN [guerre de libération nationale] aux jeunes générations. »

7 La seconde partie de l’ouvrage est centrée sur les « résonances » internationales de la guerre. Pour Nassima Bougherara, les hommes politiques allemands ont pris la mesure du conflit algérien plus tôt et mieux que leurs homologues français. Si Adenauer est convaincu que la perte de l’Algérie française est un danger pour l’Ouest, en revanche, à partir de 1956, les milieux d’affaires préconisent la neutralité. La RFA accueille des militants du FLN, refuse de les extrader vers la France, et se montre réceptive à l’idée d’indépendance, s’alignant ainsi sur l’attitude des USA et de l’OTAN. En RDA, la SED a des positions analogues à celles du PCF, et présente d’abord les indépendantistes comme des « hors-la-loi ». Mais à partir de 1957, la RDA adopte la position de l’URSS qui reconnaît les mouvements de libération nationale. Autre vision internationale, François Zabbal décrit La révolution algérienne vue du Caire. L’Égypte a en effet livré des armes au FLN, et voit la guerre d’indépendance algérienne comme « une victoire égyptienne » ! Mais le panarabisme de Nasser fait obstacle à la convergence entre les deux partenaires, vu que la population algérienne est composée pour plus d’un tiers de non- Arabes. Et en 1958, la formation du GPRA provoque le mécontentement des dirigeants égyptiens, aux yeux de qui la révolution dévie sous l’influence des communistes et/ou du kabylisme.

8 Ces deux exemples sont centrés sur les Algériens vus par deux pays étrangers. Mais Gabriel Périès rappelle un fait trop peu connu, les interactions entre militaires français et argentins, depuis 1957, et la « transmission des savoir-faire acquis dans les différents conflits. » Des officiers français, issus de la guerre d’Algérie, vont être « les inspirateurs de l’écrasement du premier foco de guérilla guevariste argentin en 1964 », de même en 1972-73. Si le film La Bataille d’Alger, joue un rôle initiatique et pédagogique pour les gauches révolutionnaires d’Amérique latine, il sert aussi dans les académies militaires...

9 L’important témoignage de Gérard Chaliand, qui clôt le volume, insiste notamment sur la dimension religieuse du conflit, ce que nous retrouverons dans le deuxième ouvrage.

10 Les mots pour la dire se caractérise d’abord par la diversité des paroles : acteurs de la lutte comme Nils Andersson, Gilbert Meynier ou Edgar Morin, écrivains dont l’Algérie a marqué l’œuvre comme Pierre Guyotat ou Bernard Noël, chercheurs et universitaires qui, sans avoir vécu la guerre, se sentent concernés par elle à divers titres. Mais aussi parce que coexistent des voix françaises et algériennes. Enfin parce que s’entremêlent analyse du discours et analyses historiques.

11 L’analyse des discours est fondée historiquement par la thèse de Denise Maldidier (1969) travail pionnier analysé par Jacques Guilhaumou, Francine Mazière, Régine Robin, et dont il faut souhaiter la réédition. Catherine Brun en poursuit l’enquête avec Distorsions verbales et mobilisations littéraires où se croisent Blanchot, Barthes, Des Forêts, dénonçant une « perversion du langage » par mots escamotés (« guerre ») ou euphémismes (« corvée de bois ») ; et dans Les mots en partage où elle décrit le battement entre la dénégation et la prolifération symétrique des nominations.

12 Un historique du « second front » en France est établi tout d’abord par un grand témoin, Nils Andersson. Tout jeune (à vingt-quatre ans), il a fondé en Suisse les éditions

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La Cité, a republié en 1958 La Question qui venait d’être interdit (« un livre qui est à la guerre d’Algérie ce qu’est à la guerre du Vietnam la photo d’enfants brûlés au napalm sur une route »), La Gangrène et nombre d’autres dossiers et documents essentiels.

Après avoir rappelé les étapes de la lutte en France, les noms de ceux qui ont refusé (Favrelière, le général de La Bollardière) et des assassinés (Ould Aoudia, Laperche) il conclut : « si la solidarité militante a suscité des espoirs en un autre monde, la révolution ne se fait pas par procuration. »

13 Autre témoin et acteur, Edgar Morin, mais sur des positions différentes. Il a créé en 1955 le Comité d’action contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord avec Antelme, Mascolo et Des Forêts. Mais en 1960, il refuse de signer le manifeste sur « le droit à l’insoumission », par défiance envers le FLN qui a massacré les partisans de Messali, ce qu’il relie explicitement à son expérience d’ancien communiste qui se reproche de ne pas s’être opposé aux purges. L’écrasement des messalistes a, d’après lui, préparé le vote massif pour le FIS en décembre 1991.

14 L’intervention de Julien Hage se situe également sur le plan du « second front » en analysant divers témoignages, des textes de militaires (Leuliette, Buis), le rôle des chrétiens, des communistes et des compagnons de route. Surtout, Hage montre que « la décolonisation a participé à saper les structures patriarcales de la société française, par la faillite des autorités traditionnelles et la mise à l’épreuve des organisations syndicales et politiques », alors qu’on insiste en général sur la destruction des structures traditionnelles algériennes.

15 Une mise en question du même ordre se lit chez Jeanyves Guérin : rappelant que Guy Mollet, Robert Lacoste, Bourgès-Maunoury ont été résistants, il souligne l’impensable du parallèle entre Vichy et la guerre d’Algérie – parallèle que ne font pas Mauriac et les

« dreyfusistes catholiques » qu’il étudie. « Leur absence de radicalité met nos auteurs à l’unisson de l’opinion catholique et explique leur influence. » Mais peut-être ces auteurs étaient-ils plus à même de comprendre la dimension religieuse de la guerre, alors que, selon Memmi, la plupart des métropolitains de gauche ne voient que la lutte sociale. Dans le même sens, Daniel Lançon estime que la situation coloniale en Algérie a réactivé chez les chrétiens à la fois un penchant « progressiste » et un traditionalisme.

Les clivages sont violents : en 1957, Témoignage chrétien titre « Un prêtre justifie la torture ». Le Journal d’un prêtre en Algérie de Michel de Laparre, traditionaliste, s’oppose au Journal d’un séminariste en Algérie de Georger (devenu évêque d’Oran en 1998) et à Où était Dieu ? de Michel Froidure. Mais les « chrétiens-de-gauche » (les guillemets sont de Lançon) ont sous-estimé, voire ignoré la dimension religieuse de la guerre de libération. Cette idée, déjà rencontrée, va être développée chez d’autres auteurs.

16 Ainsi Pierre Vermeren montre que la grille de lecture francophone est politique, avec un vocabulaire emprunté aux registres nationaliste, laïc et anti-impérialiste. Mais on peut décaler cette lecture en termes religieux propres à l’arabe : combat pour la patrie (watan) ou pour la communauté islamique (umma). La « fuite en avant arabiste et antiberbériste de Ben Bella et Boumediene » a des fondements religieux. « La

“réislamisation” de la société algérienne […] est un projet de société associé à une politique d’État conservatrice et réactionnaire. » Analyse confortée par Gilbert Meynier interrogeant le mot révolution (thawra) et son usage : « Il est fréquent […] que la scansion obsessionnelle d’un objet camoufle la vacuité, voire l’inexistence, dudit objet. » Meynier examine les questions clivantes de la paysannerie, de l’armée, de l’islam, de la langue nationale, – dont le lien avec le sacré reste impensé par les acteurs

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de l’indépendance – et aboutit à la conclusion que le FLN n’est pas marxiste, ni même socialiste.

17 Si les visions historiques ou littéraires sont, aujourd’hui, relativement consensuelles, certains contributeurs algériens ouvrent un débat plus aigu. L’insurgé algérien francophone est-il prisonnier des cadres de pensée coloniaux, des « limites de l’universalisme des Lumières » (Benyoucef) ? Pour Djerbal, chez certains historiens français (mais il n’en nomme aucun), les seuls vrais nationalistes algériens ont été les communistes d’Algérie, européens ou européanisés, pour qui l’engagement n’avait pas de lien avec la communauté première (la tribu) ni avec le sacré (le religieux). Il faut donc « que les historiens algériens achèvent de libérer leur pensée et élaborent leurs propres paradigmes. » Faute de quoi, l’Algérie est condamnée à un « retour du refoulé » qui expliquerait la crise d’octobre 1988 et la guerre civile. Pour Étienne Balibar, l’historiographie française de la colonisation, qui méconnaissait les identités et les résistances du colonisé, est de fait reconduite aujourd’hui dans le champ de la

« décolonisation. » Il donne donc raison à Djerbal d’exiger « non pas seulement la restitution d’un point de vue, d’une voix, d’un savoir, d’une “référence” qui ont été violemment expropriés et détruits, mais la construction, à travers de nouvelles catégories, autorisant de nouvelles enquêtes, l’invention d’un savoir de soi qui, comme tel, n’a jamais existé. »

18 Qu’il soit nécessaire à chaque société d’élaborer un savoir sur soi, on ne le contestera pas. Que chaque nation ait à élaborer « ses propres paradigmes », pose question. En tout cas, ce dialogue s’inscrit dans la perspective post-coloniale et « subalterniste », encore trop peu présente dans les études françaises. Il clôture donc par l’ouverture d’une

« nouvelle épistémê » un ensemble de lectures d’une nécessité cruciale, pour aujourd’hui.

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