arrivé àusi grand nombre de
citoyens,
&il ne faut point en chercherla causeailleurs quedans la négli- gence & l'ignorance de ceuxqui,
chargésde leur rendre les derniers devoirs, se sont laissé tromper par de faussesapparencesde lamort; &dans lapré- cipitation avec laquelle on esi dans l'usage de faire les enterremens. Je suissi sensiblement touché de cesmalheurs,que rienn'estcapabledeme consoler;
&
la crainte d'éprouver moi-même unjour
ce ter- ribleaccident, & qu'il n'arriveà d'autres,me cause les plusvivesinquiétudes.Jeconnois un grandnom- bre de personnes, qui craignantd'être lesviûimes deces méprises funestes, ontcru pouvoirs'en
ga-
rantir, en ordonnant verbalement & par
écrit,
de s'assurer par tousles moyens possibles de la réalité deleurmort,
&de lesgarder pendant plusieursjours avantquede leur donnerla sépulture(a). Ily
en a même quiont
pris la précaution de recommender(a) C
efl-làtoutce que chacun de nous peutfaire pourse garantir du danger d'être enterré vivant;
lesprécautionsqu 'il dépendde nous deprendre contre ce terrible accident, se bornent malheureusement
là,
&laprudence humainenepeut nous suggérerriendeplus, fage.
de lesenterrersanscercueil, moyen qui leur aparu leplus efficace pourlesfairemourir promptementst elles avoientle malheur d'être inhumées vivantes»
Lacraintequront plusieurspersormesd'être enterrées en
vie,
paroîtra bien fondée? si
l'on
fait réflexion que presquetoutesles maladies& un grandnombre de causespeuvent produireTAsphyxie; que cetétat
effrayantpeut durer très long-temps; quel'on
en-
terre souvent,plusieursheuresavantl'expiration
dit
délai prescrit par lesRituels
,
& que l'on neprend
pas la moindre précaution pours'alïiirersi les
per-
sonnes qui paroissent mortes le sont réellement.
Les MédecinsappellentAsphyxie une maladie
qui
a toutesles apparencesde la mort: on n'apperçoit en ceux qui
ont
le malheurde tomber dans cetétat fâcheux, ni pouls
,
ni respiration, ni sentiment,ni\
mouvement.Cemalredoutable esiquelquefois à
un
tel degré,quelespiqûures,les incisions,les déchire- mensde lapeau &les
brûlures,
ne fontfaire aucune mouvement aux malades, & il faut beaucoup de-sagacité & d'attention pour connoître cet état &
le.
distinguer d'avec la mort à laquelle il ressemble 1i
fort,
qu'iln'y
a que des Médecins & des Chirur- giens éclairés & attentifs qui puissentne pass'y
méprendre. Lesobservationsprouventque presque toutes les maladies & un grand nombre de causes.
peuvent produire l'Asphyxie ; celles qui l'occa- fionnentle plus commusiément sontles fiévres pu- trides
9
malignes, la
peste,
&c.; lesmaladies con- vulsives, comme l'Épilepsie ou le Haut Mal ; la PassionHystérique,vulgairementVapeurs,
Malde Mere , &c.Je croisdevoirfaireremarquerici,
que cette derniere maladieest très-commune>
& que les femmes qui ont le malheur d'en êtreattaquées,
font
fort sujettes à tomberdans l'Asphyxie. On nepeut
douter qu'on en ait enterré qui étoientvi-
vantes, & ce malheur affreux arrive plus souventqu'on
ne pense : jenepeux trop recommenderaux personnes quiseront chargées d'ensevelir des fem- mes, qu'elles.sat\ront avoir étésujettes auxvapeurs, de ne remplir cedevoir d'humanité, qu'après avoir pris touteslesmesures nécessaires pour s'assurerdela
réalitéde leurmort,
& à Messieurs les Curésd'en
retarderla sépulture le plusqu'il leur sera pof...sible. Il n'est point de maladie qui jette plus fré- quemment dans l'Asphyxie que la Passion Hyïlé- rique
? & cet état de mort appararente peut durer très-long-temps. Mademoiselle Autheman, dont le célébré M. Pomme fait mention dans l'excellent traité des affe&ions Vaporeuses dontil a enrichi
la
Médecine, nous en fournitun exemple frappant- Ce savant Médecin rapporte que cette maladeàuroit été enterrée plûsieurs fois
, si l'on ne se fût pas familiarisé avec ses attaquesdeVapeursHysté.
riques
, & qu'elle en eut une qui la plongea dans un assoupissement léthargique si
violent,
qu'une épeiagle prosondément enfoncée dans-la chairéfoit inaccessible à sessens, & queles plas sorts irritants n'opérerentqu'après douzejours...LaCatalepsie
(a),
l'Extase, là Léthargie
, l'Apoplexie
, l'Yvresse l'Épuisement occasionné par une longue ahflinence^3
parune Perte de sangabondante
, un VomiiTement un flux de ventre excessifs , &c ; les Vers les Poisons, lesRemèdesassoupissans
,.
, comme
l'O-
pium pris mal-à-propos,ou àune dose trop forte les Chutes, la Submersion
, la Strangulation, un Froid excelsis, la Saignée
, la Vapeurduvin & des liqueurs qui
fermentent,
la Vapeur du charbon,., les exa!ai!onsquis'élevent desmines, deslatrines, des caveaux où l'on enterre les morts, & de tousC'est uns maladie qui ôte tout d'un coup le Jentiment & le mouvement. Ceux quiensont attaqués
ressent dans la mêmepojlure où la maladielesasur- pris ,soit qu 'ilsfussent droits ou assis , & leurs mem- bres conservent conflammenl toutes les attitudes qu'on leur donner '
les souterrains infeétés; l'air que l'on respire dan§
les Eglises dans lesquelles on enterre beaucoup de monde, dans lesPrisons surchargéesdePrisonniers
*
dansles Hôpitauæ où il
y
abeaucoup de malades,
dans les endroits où il
y
a usi grand nombre de personnes rassemblées, & où l'airdu dehors n'a pas usilibre accès, &c. peuventencoreproduire l'As.
phyxie..
,
..
La vue de certainsobjets,
commed'un corps
mort,
d'un crapaud, d'unserpent,
d'une chauve-souris,
d'unrat,
d'une arraignée,&c.;
certainesodeurs,
tant agréables que desa""gréables, comme dumusc, de l'ambré, de la
rose,
du jasmin, de la tubéreuse
, du narcisse
,
&c. peu-vent
encore jetter dans l'Asphyxie, les personnes qui ont le tissudes nerfs d'une sensibilitéextrême,
&
qui ont pour ces objets une aversion naturelle insurmontable.Jecroisdevoir avertirici enpasiant„qu'il
y
a beaucoup d'imprudence dans la conduite de ceuxqui,
pour s'amuser, fontvoir
outoucher
à ces personnes les objets de leur antipathie; ce badinagepeutoccasionner de très..grandsaccidents,&
même la mort ; cela n'en: pas sans exemple.Ces antipathies fontà la vérité desfoiblesses
, mais des foiblessesqu'il faut respe&er; nous voyons, tous lesjoursque les personnes mêmeslesplus sen-v
fées (k les plus raisonrîables ne
peuvent,
quelquesefforts qu'elles fassent, venir à bout de les sm- monter Les pallions de l'ame portéesà un certain
degré,
commelacolere,
lajoie,
latristesse, la crainte, l'amour,&c. peuventencorejetterdans' cetétat;
nous enavons desexemples....
J'entrerai dans le détail de toutes ces causes de l'Asphyxie dans un autreOuvrage,
&j'y
enrapporterai beau- coup d'autresdont les bornes que je me suis pref- crites dans ce Mémoire, neme permettentpas de faire ici l'énumération.
Les exemples de personnes enterrées vivantes
&
de celles
qui,
ayant été réputées mortespendant long-temps sont revenuesàelles,soitnaturellement, soit parles secours qu'on leur à donnés, sonttrop
frappans & trop multipliés pour que nouspuissions nepascraindrepour nous-mêmesce
malheur,
d'au- tantplusredoutable,
que nousn'avonsaucune certi- tude que nous ne tomberonspas unjourdans l'As- phyxie, & que nousne sommes pasassurésque
l'on
prendraànotre égardplusdeprécautionsqu'on n'en prendordinairementpourconstaterlamortdesper":sonnesdécédées. Quand on supposeroitlesexemples dontjeviensdeparler beaucoup moins nombreux6c plus rares qu'ilsne sont ; je displus: quandparmi la grande quantité de faits de cette nature dont les Auteurs font mention
, & de ceux donton entend
parler tous les
jours,
ilsn'y
en auroitqu'un
feus bien avéré, celadevroit susfire pour nous causer les plusvives inquiétudes& nous exciterà prendre sans délai les mesures les plus efficaces pour nous garantir d'une fin si funeste. Il n'est
point,
sanscontredit,
demalheurplus grand,& que l'on doive craindredavantage,que celuid'être enterré
vivant:
il
n'en est point par conséquent contre lequel on.doive se précautionner avec le plus de soin;
&
quoiqu'il ne soit pas plus probable que l'on
tom-
bera un jour dans l'état qui expoÍe à ce dangers terrible, qu'il l'estqu'on
n'y
tombera pas, la pru- dence qui
veut
que dans le doute on prennele
parti le plussur, exige que nous mettions en usage tousles moyens,quela raison noussuggérera, pour nous mettreà l'abrides méprisesfurrestes que
l'on pourroit
commettre à notre égard , si nous nous trouvionsunjour,
comme cela peut fort bien arri-ver
, dans unesituation-qui auroit toutesles appa- rences de la mort. Mais comme nous nepourrions- pas nous donneralors nous-mêmeles secoursdont
nous aurions besoin dans ces tristes circonstances,
& que nousne pouvons lesattendre que del'atten- tion deceux qui nousrendront les derniersdevoirs, on sent bien que nousne pouvons compter surles mesures que nous auronsprises, qu'autant que noua
seronsassurés de l'attachement& de la fidélité des personnes qui seront chargées d'exécuter nos der- nieres volontés. Il est donc de notre intérêt de faire
tout
notre possible pour acquérir cette certi- tude; sans cela, nous nedevons pas tellement nous sier aux expédiensque nous aurons mis en
œuvre
pour mettre notrevie en sureté, que nous n'ayons encore quelquesujet de craindre le péril que nous voulons éviter. Leshommes, pour la
plupart,
ne s'intéressent, comme on sçait au bonheur & à la conservationde leurs semblables, qu'autant qu'ils csperent en tirer quelque utilité; ainsil'onnedoit pas toujours regarder comme immanquablele suc- cès d'une entreprise qu'il dépend d'eux de faire réussir, s'ils n'y sont engagés par la considération de quelquesavantages. Nousvoyonstotis les jours les projetslesmieuxconcertéséchouerparl'infidé- lité des personnes,surlabonnefoi& la paroledes- quellesnousnous étionsreposésavecîaplus grande confiance,&les mesureslesplus sagesrenduesinu- tiles par des incidens, que toute la prudence
hu-
maine ne peut ni prévoir
, ni empêcher. Qui peut donc nous répondre que la précaution que nous aurons prite de recommanderverbalement ou par
écrit,
de s'assurer, par l'examen le plus attentifs.de la réalité de notre mort avant que de nous
ensevelir & de nous donner la
sépulture,
nous mettra infailliblement à l'abri du danger affreux d'être enterrés vivants? Ily
a une insinité d'in- convéniens, dontnousne pouvons, quelque chose que nous fallions, être sûrs de nous garantir. Il peutarriver, i°,
que l'on ne soit informé de nos dispositionsqu'aprèsnotr,
sépulture, &par
consé- quent troptard. 20. Que quoiqu'on en ait connois.sance, on refuse,sousdivers
prétextes,
d'accomplir nos volontés. 30. Que nous tombions ailleursque dans le lieudenotre
résidencedansun étatdemortapparente,
comme cela est arrivé à plusieurs per- sonnes. 40.Siceux de nos parens ou denos amisen qui nous auronsmisnotre confiance ne connoissent pas les véritableslignes de lamort , & n'ontpasles lumieres nécessaires pour diflinguer celle qui n'est qu'apparente, d'avec celle quiest
réelle,
il est en,,core à craindre,quelquetendresse qu'ils aientpolir
nous,
qu'ils ne prennentle change à notre égard,
&
que leurdécision ne nous soitfusieÍle. Il e:OEtrès"importantdesçavoir,je nesçauroistrop le répéter,, quel'Asphyxieressemble tellementàla
mort,
qu'ilest très-facile de s'y
tromper,
& qu'il faut avoir beaucoup de lumieres &d'expériencespourne pass'y
méprendre; aussi conseille-je à tous ceuxqui
craignentd'êtreenterrésvivans,
de ne consier @qu'à>des Médecins & des Chirurgiensle soin de les exa- miner aprèsleur
mort,
&c'estun conseildont toutes les personnessages& prudentes sentiront aisément toute l'importance. M. Bruhier, célébre Médecin pense commemoi,
que l'on nedoit pas regarder,
comme infailliblelaprécautiondontjeviensdepar- ler. Voici comme il s'exprime à ce sujet dansson Mémoire sur la nécessité d'un Réglement
général,
au sujet des enterremens &
embaumemens...
«L'expédientde
régler,
parsonTestamentle temps» où l'on veut êtreinhumé, &lesépreuves parles-
» quelles il faudra faire passer son corps-avant que
»de l'enfermer dans
le
cercueil, ou le dépôtde ses»volontésà ce
sujet,
fait entre lesmains d'amisfi-»deles,est ce qu'on peut imaginerde plus sage,
&
>> cependant onpeutêtreladupede cesprécautions.
t) On met un. testament olographe entre les mains
eed'usi tiers qui peutêtre absent lorsde lamort du
»Testateur;le
Notaire,
si cet atte estauthentique,»peut ignorer cette mort pendant plusieurs jours ;
» d'ailleurs on n'ouvresouventlesTestamentsqu'a-
»près les obséques. UnHéritier qui saura les
pré-
-
» cautions que le Testateuraura voulu qu'on prit
,
» peut par des vues d'intérêt n'avoir aucun égard à
» sesvolontés; le dépositairedes dispositions
ver-
»baies peut être éloigné ou malade».
Il faut avouer qu'il estbien affligeant de ne
pou- voir,
quelquesmesuresque l'on prenne,segarantir infailliblement du dangerd'être enterrévivant,
&de penser sans cesse que l'on peut être un jour la victimedes méprises horribles qui ont plongé tant deCitoyens infortunés dans cet abîme de malheurs.
Mais quoique l'expédientdontje viensdeparler ne soit pas immanquable
, ce n'en:pas une raison pour ne pas enfaire usage ; il y auroitmêmede l'impru- dence à le négliger; il susfit qu'ilpuisse réussir
,
&
quece soit ce qu'on peut imaginerde mieux pour engager tout homme prudent & raisonnable à
y
avoir recours; l'étatd'une personne enterrée
vi
van- te est si affreux, que l'on ne doit rien négligerpour
segarantir d'unsigrand
malheur....
Il vautmieux, comme le disoitsouvent ungrandhomme, prendre cent précautions inutiles que d'en négliger une né- cessaire. Satius est adhiberi nzillies nimiam diligen- tiam, quamsemeL omitti necejfariam;
mais-je crois devoirle répéterici : je conseilleauxpersonnes qui voudront se procurer sur cela toute la certitude qu'elles peuvent souhaiter , de ne se reposer sur qui que ce soit que sur des gens del'art,
du soin de les visiter après leur décès & de faire sur leur corps les épreuves nécessaires pour constater la réalitédeleur mort; j'ajoute qu'ilmeparoîtessen-tiel pourla réussite de leur projet,qu'ellesmettent entre lesmainsmêmes du Médecin & duChirurgien qu'elles voudront chargerdecettecommissionimpor- tante , l'ocle ou
récrit
qui marquera leur volonté à ce sujet,&: onen sentassezlaraison.MaislesPauvres,, cette classe nombreuses de Citoyens dignes d'un meilleursort,
& dontje souhaiteroistantpouvoir
adoucirles chagrins & les peines, qui se chargera depourvoiràleur sûreté& deveiller à leur conser- vation? Il n'est guere possible qu'ils le fassentpar eux-mêmes: accablés du sentimentde leurmisere
& réduits à la triste nécesfi-édes'occupersans cesse desmoyensdeseprocurerde quoisubsister,ilsn'ont ni letempsni le couragece penser àautre chose, ce quandmêmeilsprendroient quelques mesurespour
se préserverdu danger d'être enterrés vivans, cela- neleurservi'roit peut-êtrederien ; car,avouons-le à la honte de l'humanité
, ilssont traités après leur mort avec autant d'indifférence & d'insensibilité.
qu'ilsl'ontétépendantleurvie ; maisil fautespérer que nous n'auronsbientôt plus d'inquiétudesà ce
sujet,&
que les Magistratsqui,avec l'autorité, ont
leslumieres&le
zelenécesiidÍrespourétablir &faire;observerdes usages utiles, voudront bien prendre les mesuresles plus efficacespourmettrela viedes Citoyens ensûreté &les affranchirpourtoujoursde
)à'crainte d'être enterrés 6c ouverts vivans.Je
ne
crois pas qu'ilpuissey
avoir diobj.et plus digne de leur attentionquecelui-ci»Queje metrouveronsheu- réuxsimesrepréfentations pouvoientles déterminerà-s'en occupersérieusement!En attendantque l'on
fasse cette réformation, que l'amourde mes sem- blables,
bien
;plus que l'honneur qui pourroit me re venird'enavoirfait sentir la nécessité, me faitsou*haiter,
comportons-nousenvers ceux qui viennent de mourir,avec toutle zèle& toutelacirconspe&iondont
nous voudrions qu'on usât un jour à notre égard, & faisons- nous un devoirde ne cesser de.
leur
donner des soins-, que lorsque leur mort estsiévidente,
qu'iln'y
a aucun doute sur sa certitude.En nous conduisant ainsi envers les autres, nous remplirons une obligation que l'humanité & la religionnous
prescrivent,
nous aurons la consola- tion de n'avoir aucusi reproche à nousfaire, &
l'espérance légitime fondée sur cetteconfianceréci- proque que les hommesse;doivent les, uns aux au- tres, qu'on aurapournousunjour lesmêmesatten- tionsj calmera nos inquiétudes & nous tranquil- lisera sur l'avenir.
La plupartdes Rituels prescrivent de n'enterreç aucun corps sansdesraisons suffisantes,qu'aprèsun intervallederinqt-quatre heuresécoulées depuis
Il
mort,
mort,
& de deux fois vingt-quatre heures si la# mort a été subite, & c'est-là , je crois
, le seul
Rè-
glement que nous ayons en France pour sixerle
temps pendant lequel on doit garderles personnes décédées avant que de lesinhumer; mais il esttrès-
- important de sçavoir que ce délai est insuffisant dans bien des cas; & quand même il susfiroitpour
se mettre àcouvert du dangerde donner la sépul- ture à des personnes
vivantes,
il n'est pas toujours régulièrement observé.Je
connois,àlavérité,
plu-;sieursCurés,
qui,
effrayés des accidensoccasionnés parlesinhumationsprécipitées,sontnon-seulement très-exactsà observer la règle prescrite par lesRi-:tuels
, mais même
n'enterrent,
tant qu'ils le peu":vent
, que trente-six & même quaranteheures après lamort,
dans les cas ordinaires, & dans ceuxde
mort subite le plus tard qu'ilspeuvent,
& c'estun
témoignage que je leurrendsici avec plaisir; mais je sçais aussi, & celam'afflige, qu'il y a beaucoup de Paroisses011l'onenterre,
sans aucune nécessité,
despersonnes qui ne sont décédéesquedepuisquinze
& même douze heures. J'ai même connoissance qu'on en a enterré qui nétoient morts que depuis
six
heurestout
au plus; doit-ons'étonneraprès celas'ilarrive tantd'accidens
,
& n'a-t-onpas toutsujet de croire qu'il ne se pasfe poijit de jours quel'on
n'enterreen FrancedespersonnesvivantestComme cette précipitation peut avoir les suitesles plus fu- nestes, & que la conservation de mesConcitoyens m'est aussi chere que la mienne;t je me crois obligé d'en portermesplaintes aux pieds duThrône.11est
d'autant plus surprenant que l'on soit aussi peu
exaét,
qu'onl'est à observer le Réglement prescrit parlesRituels,
quel'on
sçait que nous avons un grand nombre d'exemples de personnes enterrées vivantes, & que l"on convient généralement que
l'on
ne sçauroit user d'une trop grande circonf*peftion,
& prendretrop de mesurespour éviterunsi grand malheur.Le Public
, témoin des accidents que les Inhumations précipitées occasionnent de'
temps en
temps,
en gémit commenous; & cepen-dant,
malgré des exemples aussi frappants, on ne
se corrige point. Comme la présenced'un corps niort attriste &incommode; lorsqu'une personne est décédée, qu'elle nous soit chere ou indiffé- rente, on voudroit pouvoir s'en débarrasser sur le champ, & on attend avec une viveimpatience le tempsfixé pourses ,funéreilles.- On trouve trop long le délai ordinaire , & comme on sçait qu'il est expressément ordonné à Meilleurs les Curés de in'enterreé que vingt-quatre heures après la mort
dans
les
cas ordinaires, &auboutde quarante-huiti
heures dans les cas de mort subite,
&
quel'on voit
qu'ilsne pourroient le faire plutôt sans avoir à se reprocher d'avoir enfreintle Règlement, on tâche de leur faire accroire que la personne dé- cédée est morte beaucoup plutôt qu'elle ne l'est réellement, & onn'y
réussitmaiheureusementque trop souvent (a). Si on ne peut pas réussir à leur(a)
Cela arrivetrès-fréquemmentà Paris sur-toutà
tégarddes Étrangers,qui logent en chambresgarnies.Messîeurs les Curés de cette grande Ville ne manquent
jamais,
à la vérité, de demander en quel 'temps la.personne que l'on veutfaireenterrer, efl décédée
;
maiscomme ils s'en rapportent de bonnefoi à ce qu'on leur
dit,
il nef: pas difficile de les tromper; aussi il n'y:.a point d'endroits où lesenterrementssoient pluspré-
cipités qu'à Paris ; iln'ejl pas rare que l'on
y
enterredespersonnesqui nesontmortes que depuishuitheures
;
je le sçais à n en pouvoir douter. Bien de
P
arifiens mont avoué ingénument qu'ils avoientfay
inhumertrès 9
-peu de temps après leur décès
, des Etrangers qui étoient morts chez eux , & que pour s'en débar- raserpluspromptement,ils avoientfait accroirequ'ils étoient décédés beaucoupplutôtqu'ils nel'étoient réelle.
ment. Je prie instamment Messieurs les Curés de vou-
en imposerde ce côté on a recoursà d'autres ex- pédients, pour obtenir d'euxce que l'on desire, &
cesMessieursse rendent quelquefois par complaisan- ce aux iftances qu'onleur fait. Il peut arriver aussi
que meilleurs les Curésayant un ou plusieurs en- terremens à faire, soient appellés
ailleurs,
soitpour
remplir les devoirs de leur minisiere, soitpour
d'autresaffaires ; &que pour être libres, ils
loirbien
y
faire attention;
cela ejl de consèquence.Il
regne à Paris 11
autre abus qui me
fait
beaucoup de peine: ily
ejlpermis d*enterrerlesensansdou\e heuresaprès leur mort, & je ne sçaispourquoi? On pense apparemment que l'Asphyxie des enfans ne durepas aujjilong- temps que celle des adultes , & qii 'après douze heures leur mort apparente doit, être réputée réelle ; mais on se trompe, nous avons des obser- vatïons
9 &
j
en rapporte dans ceMémoire quiprou- vent que les enfans peuvent resler pendant plus de vingt-quatre heures dans un état de mort apparente;
ilseroit même aiséde démontrer qu'ilsfontencoreplus
exposés que les adultes à tomber dans l'Asphyxie.
Laprudence exige doncqu'on ne les enterre pas plutôt
0e
les grandes personnes; il
ne doit doncy
avoirqu'unseul& mêmeRèglementpourles uns& lesautres.
enterrent alors plutôt qu'ils n'ont coutume de
le
faire
, & ils croyent pouvoir dans de telles cir- constances s'écarterde la régle
, sans que cela puif-
se tirer à conséquence; ils y ront même quelque- fois forcés par
les
parens des personnesdécédées, qui ne pouvant se résoudre à essuyer le désagré-%
ment de garder un corps mort pendant plus de vingt- quatre heures, ne veulent pas absolument que l'on en différe la sépulture plus long
- temps que le délaiordinaire; mais quelques soientlesmo- tifs qui engagent Messieurs les Curés à anticiper le temps marquépour
les
enterremens; qu'ilsle fassent pourleur commodité oupour obliger leurs Parois-siens
,
ce n'en est pas moins un abus meurtrier,
qu'il est très-importantde faire cesser. Il peutarri-
ver
cependant quelquefois que la putréfactionobli- ge d'enterrer avant l'expirationdu délaiordinaire,& la prudenceexige même qu'onle fasse pourmet- tre les vivansà l'abri du dangerauquelils seroient exposés
, s'ils respiroient un air chargé d'exhalaisons putrides; mais ces cas sont fort
rares,
& éncore faut-iluser alors d'une grande circonspection pour ne pas se tromper , en prenant la putréfaction qui attaque un corpsvivant,
pour celle qui survient à unmort,
& pour n'avoir pas à se reprocher de s'être exposé, par trop deprécipitation,
audanger de donner la sépulture à une personne vivante.
On doit être d'autant plus inquiet sur le sort de la plupartdes peîfonnes que l'on enterre avant l'expiration du délai prescrit par les
Rituels,
que l'exactitude même la plus scrupuleuse avec la-quelle'on l'observeroit,
ne mettroitpastoujours,
comme jel'a;
déjà dit, à l'abri du danger de
donner
la sépulture à des personnes vivantes.Nous avons un grand nombre d'exemples qui
prouvent
d'une manière incontestable, que l'As- phyxie peut durer non-seulement pendant vingt- quatre heures , mais même pendant plusieursjours,
& cet état est si ressemblant à lamort,
que cette fauÍfe apparence peut induire en erreur
&
faire tomber dans la plus funestede toutesles méprises tous ceuæ qui n'étant pas Médecins ne connoissent pas les véritables signes de la mort&
n'ont
pas les lumieres nécessaires pour jugeravec certitude dans tous les cas , si un homme qui paroît mort l'estréellement,
ou s'il ne l'est qu'en apparence. Bien de personnes auront peut- être de la peine à se persuader de la possibilité' de cetétat
de mortapparente,
& de la répugnance à croire qu'un homme qui.est sanspouls,
sans respi- ration,
sans sentiment& sans mouvement, puisseêtre vivant; la chose est pourtant très
-
certaine.Les observations que je rapporte dans ce Mér moire mettent cette vérité hors de doute. Ceux qui ont étudié l'histoire naturelle sçavent que
l'on
observe cette privation apparente de la vie chez un grand nombre d'animaux, tant terrestres
qu'a-
quatiques, qui passent plusieurs mois de l'année dans un engourdissement*,
qui,
à en juger par les apparences, ne différe en rien de la mort. S'il falloit des autorités pour confirmer cette asser- tion , je n'en manqueraispas;
tous les Médecins sont convaincus comme moi de cette vérité...Voici comme le sçavant M. Portai
, Médecin consultant de Monsieur
, Professeur de Médecins au Collège Royale de France
, Membre de l'A- cadémie Royale des Sciences
, &c. s'exprime à ce sujet dans les excellentes observations qu'il vient de publier sur les effets des Vapeurs méphi, tiques (a) sur le corps de l'homme, &c. « Il est
(a) On appelle les Vapeursméphitiques, mofettes ou mou§èttes
3 des vapeurs ou exataifonspernicieuses qui s'élevent des endroitssouterrains, & particulière- ment des mines dans lesquelles l'air n'est pas ajfeç
renouvellé. Ces vapeurs sontpour la plupart
Ji
meur*»
celain
que la circulation du fang peut être rll-»lentie & même suspendue, du moins en appa-
» rence , pendant un temps plus ou moins long ,
trieres, quelles tuenten un infiant les hommes & les
animaux qui ont lemalheur d'en être atteints. Telles
font celles qui s'élèventsous laforme d'un espèce de
brouillard d'une carriere voisine des eaux minérales de Pyremont
, & dont on peut voir la description dans les Transaclions Philosophiques. Telles sont
celles quisortent d'une grotte de Hongrie
,sîtuée pris
de Ribard
, au pied des Monts Crapack, & celles qu'on rencontresouvent dans les minesde Selgemms en Pologne.
Il
s'éleve encore unevapeur malfaisante , d'une grande partie du terrein, du lieu appellé Pe- rauls, pris de Montpellier. On met encore dans laclasse des Vapeurs méphitiques
, la Vapeurqu'exhale le charbon allumé, Sic. Ceux quiseront curieux de connoître la nature des Vapeurs méphitiquespeuvent lire ce qu'a écrit à ce
sujet,
dans son Diclionnairc de Chimie, M. Macquer, célébré Médecin de la Fa- culté de Paris ,,'membre de £Académie Royale des Sciences
9 fr un des plus sçavans Chimijîes qui aient paru dans le monde.
J'ai
eu ce grand hommepeurmaître, &
je
m'ensaisgloire...
» sans pour cela que le principe de la vie soit
»
éteint,
& il suffit alorsde ranimercette circula-» tion
, ou d'attendre que la nature elle-même la
» ranime,
pour voir, pour
ainsi dire;t
revivre le» sujet,
ce qui e.u: arrivé plus d'une fois. N'a-t-» on pas vu des Asphyxies qui ont duré plus d'un
» jour ? & combien de personnes n'a
-1
- on pas»enterrées qui étoient encore en vie? Mais si ja-
»mais on peut commettre des erreurs
pareilles,
» & dont l'idée seule révolte la nature , c'esi: à
» l'égard des personnes suffoquées par des Vapeurs
»
méphitiques;
& c'en: pour prévenir un tel mal-»heur,
que nous n'avons point craint de commu-» niquer nos idées surun sujet aussi important».
Il
y
a des cas olt l'on ne doit être guères plus tranquille sur le sort des personnes que l'on afait passer par différentes^preuves
avant que de lesinhumer,
que sur celui des personnes que l'on a enterrées avant l'expiration du délai prescrit par les Rituels. Nous avons des observations quiprou-vent
que desgens, quoique bienvivants,
ontsouf-fert,
sans donner le moindre signe de vie, les éprouvesque l'on regarde commelesplus afficaces
& les plus certaines pour constater la mort. On en a vusur qui des incisionsprofondes&l'application d'unferextrêmement chaud,n'ontparufaireaucune
impression: témoin M. Brucelle,de Poitiers
, dont je parlerai bientôt. Cette remarque me paroît
iln.
portante , & j'ai crudevoir la placer icipour désa.
buser bien de
personnes,
qui regardent comme véritablementmorts,
ceuxquiparoissentinsensibleS à ces épreuves.Si-tôt qu'un malade a paru rendre le dernier
soupir,
on se hâte de l'ensevelir & onle met sur la pailles sansavoirpris auparavant toutes les me- fores quela prudence & l'humanité suggérent
pour
s'apurer de la réalité de sa mort. On se contentefout
au plus de lui tâter lepouls,
d'appliquer la main sur sa poitrine, delui présenter un miroir au visage ; si l'on ne sent point de battement dans le cœurni dansles arteres, si l'on n'apperçoit aucun indice de respiration, on décide qu'il est réellement
mort,
& on nes'occupeplusque de ce qui regarde ses funérailles. Mais, comme le remar- que le célébre M.Portai,
dans l'ouvragedont je viensde parler, le
cœu.&
les arteresperdent leur mouvement, sans qu'on puisse pour cela certifier la mort du sujet.« Cependant, ajoute-t-il,ce n'efl»souvent
que d'après cette absence des battemens,t
du cœur & des pulsationsdesarteres,
qu'on ose» apurer & certifierla mort d'une personne; mais
»ce signe est si illusoire, si
incertain,
que dans»beaucoup de cas on ne sent aucun battement
» dans le cœur ni aucune pulsationdans les arteres
» chez des perft>nnesqui
vivent,
& qui recouvrent )' leursantéd'elles-mêmes, ou pardessecoursdiver-» sement administrés » Il est rare que l'on emploie d'autres moyens pour constaterla mort des personnesdécédées, que ceuxdontje viens de parler; & si on a recours quelquefois à d'autres épreuves
, on
y
va si vite & avec si peu de cir-conspecrion
, que l'on ne peutfaire aucun fondlà- dessus.
Les hommes & les femmes qui ensevelissentles morts rempliÍfent ce devoir d'humunité avec une précipitation étonnante
, & même un espèce .de trouble occasionné par le saisissement que cause naturellementà
tout
lemonde, & sur-tout au sexe timide,l'alped
effrayant d'un corps mort ; ce qui fait qu'ils n'ont pas toute l'assurance & lapré-
fence d'esprit que demanderoit un examen plus attentif; mais quand même les personnes qui sechargentdecetrisse emploi agiroient avec plus de lenteur & d'attentionqu'elles n'ont coutume de le -
faire, comme elles
n'ont
pas pour la plupart les* lumieres nécessairespourjuger avec certitude dans tous les cassi une personne qui paroît morte l'est réellement ou seulement en apparence, je crois
qu'il
y
auroit beaucoup de risque à s'enrapporter
à leur décision. Il est arrivé bien des fois que des Médecins & des Chirurgiens ont Empêché qu'on n'ensevelît & même quel'on n'enterrâtdes person- nes que l'on croyoitmortes,
& quià enjuger parles apparences, sembloient êtreréellement privées de lavie
, &qui sontrevenues à elles, soitnaturel-
lement,
foit par les secours qu'onleur a donnés.M. Raulin
, célébre Médecin de la Faculté de Pa- ris, ayant
vu,
ily
a quelquesannées, une fille dupeuple,
que l'on croyoit morte, en retarda lesfu- nérailles,parce que sacouleur n'étoitpastout à-fait changée,& elle revint à ellequelques heures après.M# Bouvart
, son illustre Collègue, qui par ses profondes connoissancesdans la théorie & la pra- tique de
la
Médecine, s'est acquis la réputationd'usi des plus sçavants Médecins de cesiécle, m'a fait l'honneurdeme dire,àParis cette année 1775 *
(enprèsencede
M. Gauthier, Conseiller,Médecin duRoi, Dofteur -
Régent de la Facultéde Méde--
cine de Paris
, & recommandable par sa science, par la droiture &
la
sensibilitéde soncœur,
&par son amour pourlespauvres) qu'il rappella àlavie&
qu'il guérit parfaitement ily
a quelques années^une jeune sille , que