• Aucun résultat trouvé

Le droit pénal belge face à l intelligence artificielle : de l appréhension par le droit pénal belge d un avatar

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le droit pénal belge face à l intelligence artificielle : de l appréhension par le droit pénal belge d un avatar"

Copied!
12
0
0

Texte intégral

(1)

Le droit pénal belge face à l’intelligence artificielle : de l’appréhension par le droit pénal belge d’un avatar

A. B errendorf & S. Royer

1. L e jugemen t an noté et l’in terp rétation s tricte d e l ’infraction de d é- bauch e

Imaginée par l’organisation non-gouvernementale néerlandaise Terre des hommes, l’avatar Sweetie a été conceptualisé dans le but de démasquer des pédophiles qui opèrent dans l’ombre derrière leurs écrans. Pour atteindre cet objectif, cet avatar a été conçu afin d’obtenir une vraisemblance quasi parfaite avec une fillette de 10 ans. Il se présente de manière pas- sive sur des fora où des contacts avec des malfaiteurs potentiels peuvent être établis. En 2013, un premier avatar, géré par des enquêteurs, a été lancé. En 2016, une deuxième ver- sion, plus perfectionnée, fut créée. Cette fois, l’avatar est capable de fonctionner en totale autonomie. Après une première condamnation intervenue en Australie en 2014 (voy. infra)1, une seconde a suivi en 2015, prononcée par le tribunal correctionnel d’Anvers2.

La décision du tribunal correctionnel de Liège constitue donc la deuxième condamnation en Belgique de ce type intervenant dans le contexte du cybertourisme sexuel. Après que l’organisation Terre des hommes ait signalé à la justice belge qu’un homme avait eu, depuis le territoire belge, des contacts en ligne avec l’avatar Sweetie, une perquisition a été effec- tuée à son domicile, permettant la découverte d’images et vidéos pédopornographiques dans son ordinateur, ainsi qu’une conversation avec une véritable jeune fille de 17 ans qui habitait aux Philippines3. L’homme a, de ce fait, été poursuivi du chef de l’infraction de débauche4 (article 379 du Code pénal) et de possession d’images pédopornographiques (article 383bis, paragraphe 2, du Code pénal).

En ce qui concerne la première infraction, le tribunal correctionnel a constaté que l’avatar a expliqué au prévenu être une fillette âgée de 10 ans et être originaire des Philippines. Suite à cela, ce dernier a indiqué vouloir assister à un camshow nu de la petite fille, assistée de sa plus jeune sœur. À cette proposition, quand la jeune fille lui a demandé s’il comptait payer

1 Terre des hommes, Terre des hommes verwelkomt eerste veroordeling voor contact met sweetie, consulté le 11 janvier 2019, disponible sur https://www.terredeshommes.nl/nieuws/terre-des-hommes-verwelkomt-eerste-veroordeling-voor- contact-met-sweetie.

2 C. CONINGS, « Sweetie leidt tot eerste Belgische veroordeling », Computerr., 2015, n° 154 ; De Standaard, « Eerste Belg veroordeeld dankzij Sweetie », consulté le 11 janvier 2019, disponible sur www.standaard.be.

3 Les faits ont eu lieu entre 2010 et 2015.

4 Le juge du fond apprécie souverainement si des actes constituent des faits de débauche, pour autant qu’il ne s’écarte pas du sens usuel de ce terme. De ce fait, le terme « débauche » n’est pas un synonyme de « prostitution », et a donc une portée plus large. Il vise aussi des actes de lubricité et d’immoralité étrangers à la prostitution. Voy. : A. DE NAUW et Fr. KUTY, Manuel de droit pénal spécial, Liège, Kluwer, 2018, p. 262.

(2)

pour ce show, il a répondu « ok ». Cette conversation a eu lieu en 2013. Le tribunal a consi- déré que le premier élément constitutif de l’infraction de débauche était donc rempli. Le fait d’avoir ajouté l’avatar à Skype, d’avoir poursuivi la conversation qui avait pris une tournure clairement sexuelle et de s’être déclaré prêt à payer le camshow effectué par deux filles mi- neures d’âge, a été considéré comme un acte matériel ayant une relation directe et immédiate avec la corruption de la jeunesse5. Par contre, le deuxième élément constitutif, c’est-à-dire l’état de minorité de la victime, n’a pas été établi par le tribunal. À cet égard, le tribunal a mis en exergue le fait qu’un adulte, qui se prétend mineur d’âge, ne peut pas être considéré comme un mineur, vu que le droit pénal est de stricte interprétation. Par conséquent, l’infraction de débauche n’a pas été déclarée établie6.

Il peut être intéressant de remarquer que cette motivation ne fait pas l’unanimité. Dans un cas similaire, australien cette fois, le tribunal de Brisbane a condamné un prévenu en 2013 du chef de trois charges d’accusation, entre autres celle d’« using a carriage service to transmit indecent communications to a child under 16 »7. En opposition avec l’interprétation du tribunal correctionnel de Liège, le tribunal australien a considéré que cela n’avait aucune importance qu’il s’agisse finalement d’une fillette virtuelle et non d’une véritable enfant, car dans un cas comme dans l’autre, le prévenu avait commis un acte répréhensible. En effet, selon le juge australien « [i]f you believe that’s a 9 years old girl, then that’s the law, that’s good enough »8.

Pour en revenir au jugement belge, la décision retenue est néanmoins différente en ce qui concerne les conversations entretenues avec la véritable adolescente de 17 ans. Le tribunal a

5 Article 379 du Code pénal. Voy. A. DE NAUW, Inleiding tot het bijzonder strafrecht, Malines, Kluwer, 2010, pp. 156-158.

6 Comme le souligne le tribunal « Or, un adulte qui se prétend mineur d’âge n’est pas un mineur d’âge. Le droit pénal étant de stricte interprétation, il ne peut être considéré qu’une petite fille virtuelle de 10 ans est une victime mineure d’âge au sens de l’article 379 du Code pénal ». Voy. également Cass., 3 mai 1989, Rev. dr. pén., 1989, p. 777, obs. J. S., dans lequel la Cour a jugé que le terme « mineur » dans l’article 379 du Code pénal doit s'entendre de toute personne qui n'a pas atteint l'âge de la majorité, tel que cet âge est fixé par la loi civile belge.

7 Sur ce point, la législation fédérale d’Australie prévoit une série d’infractions relatives à cette utilisation in « Part 10.6 – Telecommunications Services, Division 474 – Telecommunications offences, Subdivision C – Offences related to use of

telecommunications », aux articles 474.13 et suivants (voy.

https://www.imolin.org/doc/amlid/Australia/Australia_Criminal_Code_1995_No.12-1995.pdf). Selon le Criminal Code 1995 (Cth), s, 474.26 : « Using a carriage service to transmit indecent communication to person under 16 years of age (1) A person (the sender) commits an offence if: (a) the sender uses a carriage service to transmit a communication to another person (the recipient); and (b) the communication includes material that is indecent; and (c) the recipient is someone who is, or who the sender believes to be, under 16 years of age; and (d) the sender is at least 18 years of age. Penalty: Impris- onment for 7 years. (2) In a prosecution for an offence against subsection (1), whether material is indecent is a matter for the trier of fact. (3) In this section: Indecent means indecent according to the standards of ordinary people. »

8 Terre des Hommes, Press release: First conviction based on Sweetie project Terre des Hommes, consulté le 11 janvier 2019, disponible sur www.terredeshommes.org.

(3)

exclu la possibilité d’une cause de non-culpabilité9 dans le chef du prévenu quant à la mé- connaissance de l’âge de l’adolescente, étant donné que son profil indiquait clairement sa date de naissance10. Le prévenu aurait donc pu aisément vérifier l’âge de son interlocutrice11. Même si la loi exige la connaissance de l’âge pour cette infraction, certains auteurs estiment que la négligence suffit concernant l’âge de la victime12. En tout état de cause, l’absence du certificat de naissance de l’adolescente philippine n’a pas été de nature à faire obstacle à une condamnation pénale. Dans le cas contraire, selon le tribunal, toutes poursuites intentées contre des prévenus établis en Belgique qui rechercheraient des contacts avec des mineurs d’âge dans des pays lointains seraient alors empêchées13.

Enfin, le prévenu a également été condamné pour possession d’images pédopornographiques entre 2010 et 2015 du fait de celles trouvées dans un fichier temporaire sur son ordinateur.

Selon le tribunal, même s’il prétend ne pas avoir voulu télécharger la vidéo, le fait même d’avoir cliqué sur le lien « 12yo & 8 yo kids fucking.mpg » est considéré comme de « la mise à disposition » et est, de ce fait, déjà en soi suffisant. Ces faits étaient incriminés lors de leur commission sous l’article 383bis, paragraphe 2, du Code pénal, comme introduit par

9 Parmi les causes de non-culpabilité, on trouve notamment l’ignorance ou l’erreur invincible. Celles-ci affectent la cons- cience qu’a le sujet de commettre une infraction. Par défaut d’information ou par erreur d’appréciation dans son chef, le sujet agit dans l’ignorance du caractère délictueux de son comportement. Comme le soulignent Th. Moreau et D. Van- dermeersch, à la différence de la contrainte qui affecte la volonté du sujet, l’erreur et l’ignorance agissent sur sa cons- cience : l’agent n’a pas conscience du caractère infractionnel de ses agissements (Th. MOREAU et D. VANDERMEERSCH, Éléments de droit pénal, Bruxelles, La Charte, 2018, pp. 165 et 166). Par exemple, serait admis à titre d’erreur invincible l’exhibition par la victime de documents falsifiés (Fr. TULKENS et M. VAN DE KERCHOVE, Introduction au droit pénal.

Aspects juridiques et criminologiques, 8e édition, Malines, Kluwer, 2007, pp. 404-405).

10 Pour déterminer l’âge d’une personne, il convient de se rapporter à des éléments objectivables, tels que l’acte de nais- sance, dont une copie certifiée conforme doit être en possession du ministère public. L’auteur ne peut, en aucun cas, se retrancher derrière les déclarations inexactes de la victime pour tenter d’échapper à l’application de la loi. Voy. : I.

WATTIER, « L’attentat à la pudeur et le viol », Les infractions contre l’ordre des familles, la moralité publique et les mi- neurs, vol. 3, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 102 ; A. DE NAUW et Fr. KUTY, Manuel de droit pénal spécial, Liège, Kluwer, 2018, p. 272.

11 Il va de soi qu’un internaute doit faire preuve de prudence quand son interlocuteur a indiqué être un mineur d’âge. Par contre, la question présente plus d’intérêt lorsqu’il s’agit d’un mineur d’âge qui a indiqué être majeur d’âge.

12 S. DEMARS, « De la corruption de la jeunesse et de la prostitution », Les infractions, vol. 3, Bruxelles, Larcier, 2011, p.

190 ; A.DE NAUW, Inleiding tot het bijzonder strafrecht, Malines, Kluwer, 2010, p. 158.

13 Selon la Cour de cassation, l'âge de la victime est établi par le ministère public, normalement à l'aide d'un extrait du registre des actes de naissance, sinon à l'aide d'indices ou présomptions appréciés par le juge pénal (Cass., 3 mai 1989, R.D.P.C., 1989, p. 777, obs. J. S).

(4)

une loi de 201114. Le législateur a explicitement voulu sanctionner les personnes qui accè- dent à de la pédopornographie, en consultant des images répréhensibles en temps réel sans téléchargement temporaire, mieux connu sous le nom de streaming15. Depuis cette modifica- tion, la mise à disposition (« zich toegang verschaffen tot ») en connaissance de cause suffit pour que le comportement soit punissable. Par contre, le législateur n’a pas voulu incriminer les personnes qui reçoivent des images pédopornographiques par internet sans les avoir sol- licitées. C’est la raison pour laquelle il a explicité dans les travaux préparatoires que l’intéressé devait avoir eu préalablement l’intention d’accéder au matériel pédopornogra- phique16.

2. Extension de l’infraction de débauche ?

Tout d’abord, l’exclusion des avatars - qui ne sont pas de vrais mineurs - du champ d’application de l’infraction de débauche nous semble défendable vu le principe de la stricte interprétation de la loi pénale17 et le fait que le Code pénal définisse un mineur comme une personne n'ayant pas encore atteint l'âge de 18 ans accomplis18. En outre, ce point de vue ne doit pas surprendre car les infractions d’attentat à la pudeur ou de viol exigent, elles aussi, que la victime soit une personne vivante19. Un attentat à la pudeur ou un viol ne peut être commis ni sur un cadavre20, ni sur un animal21. Partant, ces infractions, en ce compris

14 Article 383bis, paragraphe 2, du Code pénal : « Quiconque aura sciemment possédé les emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels visés sous le paragraphe 1er ou y aura, en connaissance de cause, accédé par un système informatique ou par tout moyen technologique, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 euros à 1.000 euros ». Cette disposition a été introduite par l’article 7 de la loi du 30 novembre 2011 modifiant la législation en ce qui concerne l'amélioration de l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité, M.B., 20 janvier 2012.

15 Tous ces comportements demeurent incriminés sous la nouvelle disposition, qui n’était bien entendu pas applicable au moment des faits. Article 383bis, paragraphe 2 du Code pénal (version actuelle) : « Quiconque aura sciemment et sans droit acquis, possédé du matériel pédopornographique ou y aura, en connaissance de cause, accédé par le biais des tech- nologies de l'information et de la communication, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 euros à 1.000 euros » introduit par l’article 6 de la loi du 31 mai 2016 complétant la mise en œuvre des obligations européennes en matière d'exploitation sexuelle des enfants, de pédopornographie, de traite des êtres humains et d'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, M.B., 8 juin 2016. Voy. également : Cass. 28 février 2018, R.G. n° P.17.1216.F.

16 Proposition de loi modifiant la législation en ce qui concerne l’amélioration de l’approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d’autorité, Doc. parl., Ch. repr., 2010-2011, n° 1639/1, pp. 9-10.

17 Th. MOREAU et D. VANDERMEERSCH, Éléments de droit pénal, Bruxelles, La Charte, 2018, p. 31 ; Fr. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, tome 1. La loi pénale, Bruxelles, Larcier, 2018, pp. 211 et 243 et s.

18 Article 100ter du Code pénal.

19 I. DELBROUCK, Aanranding van de eerbaarheid, Postal Memorialis, A.20, p. 10 ; B. SPRIET et G. MARLIER, « Aanran- ding van de eerbaarheid en verkrachting in het begin van de 21ste eeuw (2000-2012) », Themis, 2013, pp. 82, 87, 102, 103 et 105.

20 Dans ce cas-là, il peut être question de l’infraction de profanation de sépulture si les conditions sont remplies (article 453 du Code pénal). B. SPRIET et G. MARLIER, « Aanranding van de eerbaarheid en verkrachting in het begin van de 21ste eeuw

(5)

l’infraction de débauche, ne s’appliquent pas à une situation dans laquelle la victime avérée est un avatar.

Après ce jugement, des voix se sont alors élevées afin que le crime de débauche comprenne également des situations dans lesquelles le mineur d’âge est un avatar22. Pourtant, il n’est pas certain qu’une telle extension de la loi mène nécessairement à plus de condamnations.

L’infraction de débauche est une infraction-obstacle (gevaarzettingsdelict). Un dommage concret n’est dès lors pas requis23. Trois éléments constitutifs sont exigés : (1) l’acte matériel d’attenter aux mœurs en excitant, favorisant, facilitant la débauche ou la prostitution de la victime, c’est-à-dire dans le but de provoquer ou favoriser le dérèglement sexuel du mineur, (2) la minorité de la victime et (3) le dol spécial qui consiste à chercher à satisfaire les pas- sions d'autrui24. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la notion d’autrui comprend également les passions de la victime elle-même25. Avant le jugement annoté, une partie de la doctrine a mis en exergue le fait que cet élément constitutif, selon lequel la débauche a lieu pour satisfaire les passions d’autrui, pourrait constituer une entrave à l’application de cette infraction à un avatar26. Le tribunal correctionnel d’Anvers a, par exemple, estimé qu’il n’y avait pas de preuve qu’une personne qui a forcé la victime à lui montrer ses seins et à se masturber devant une webcam, a agi avec l’intention de satisfaire les passions d’autrui, en l’occurrence de la victime27.

Ainsi, la question se pose de savoir si d’autres infractions ne pourraient pas être envisagées ou si une extension du champ d’application du crime de débauche serait préférable. La situa- tion est différente selon que les faits ont eu lieu avant ou après l’entrée en vigueur des deux

(2000-2012) », Themis, 2013, p. 87 ; P. ARNOU, « Grafschennis, het fotograferen van lijken en het betreden van mortuaria en funeraria », obs. sous Anvers (ch. mis. acc.), 3 juin 1999, R.W., 2000-2001, pp. 18-21.

21 Nuance importante, un animal ne peut être violé, tandis qu’une personne peut être violée par le biais d’un animal. Voy. : B. SPRIET, « (Lichaams)grens aan verkrachting : van Antwerpse vrijspraak tot nieuwe wetgeving ? », Liber amicorum Marc De Swaef, Anvers, Intersentia, 2013, p. 321.

22De Morgen, PGH, « Man vrijgesproken van ontucht met virtueel meisje », consulté le 11 janvier 2019, disponible sur www.demorgen.be.

23 A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », NC, 2017, p. 226.

24 A. DE NAUW, Inleiding tot het bijzonder strafrecht, Malines, Kluwer, 2010, p. 157 ; O. NEDERLANDT et F. VANSILIETTE,

« B. Droit pénal spécial – Les infractions du Code pénal », Chronique de droit pénal, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 214.

25 Cass., 9 décembre 2014, N.C., 2015, p. 56 ; Cass., 12 février 2013, T.J.K., 2013, p. 286, obs. L. STEVENS ; Cass., 8 sep- tembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1005 ; L. CLAUS, « Cyberkinderlokkerij en grooming : daadkrachtig wetgevend optreden of een kwestie van overregulering ? », N.C., 2015, p. 21.

26 S. ROYER, C. CONINGS et G. MARLIER, « Substantive and Procedural Legislation in Belgium to Combat Webcam-Related Sexual Child Abuse », in S. Van Der Hof, I. Georgieva, B. Schermer et B. Koops (eds.), Sweetie 2.0. Using Artificial Intel- ligence to Fight Webcam Child Sex Tourism, Asser press, 2018, p. 67 ; S. VANDROMME, « Aanzetten van minderjarigen tot webcamseks : aanranding van de eerbaarheid en/of aanzetten tot ontucht », obs. sous Corr. Anvers, 27 juin 2008, T. Strafr., 2009, p. 179.

27 Corr. Anvers, 27 juin 2008, T. Strafr. 2009, p. 176, obs. S. VANDROMME.

(6)

lois du 10 avril 201428. En voulant mieux protéger les mineurs des contenus et des compor- tements illicites en ligne, le législateur belge a introduit trois nouveaux délits en 2014, à sa- voir l’incrimination des cyberprédateurs, le grooming en ligne ainsi que celui hors ligne29. Nous commencerons l’aperçu par les délits qui pourraient s’appliquer à une conversation avec un avatar qui présente l’apparence d’un mineur d’âge avant l’entrée en vigueur des lois du 10 avril 2014. À notre sens, la question est utile puisque des dossiers concernant des faits datant d’avant 2014 sont toujours pendants devant les tribunaux correctionnels. Nous discu- terons consécutivement de la tentative de débauche, de la tentative d’attentat à la pudeur, de l’outrage aux mœurs et de la possession d’images pédopornographiques30.

3. Des voies d’incrimination alternatives ? 3.1. Avan t l e 10 mai 2014

Vu que le droit pénal est de stricte interprétation, l’élément constitutif de la minorité est re- quis, de sorte que l’infraction de débauche ne peut trouver à s’appliquer quand un avatar entre dans l’équation. Ceci nous mène à quelques considérations sur la tentative (article 51 du Code pénal). Tout d’abord, puisque l’infraction de débauche est un crime, sa tentative est punissable31. À l’origine, le législateur belge a fait le choix de la doctrine objectiviste, cen- trée sur l’objet protégé ou la valeur juridique protégée32. De ce point de vue, la tentative n’est pas punissable car aucun mineur n’a jamais réellement été en danger. Toutefois, on remarque actuellement qu’une tendance plus subjectiviste – davantage focalisée sur la dan- gerosité de l’agent – se dégage au fil de la jurisprudence33. Sous cet angle, l’auteur aurait commis une tentative punissable étant donné que son comportement révèle sa dangerosité. Il

28 Loi du 10 avril 2014 relative à la protection des mineurs contre la sollicitation à des fins de perpétration d'infractions à caractère sexuel, M.B., 30 avril 2014 ; loi du 10 avril 2014 modifiant le Code pénal en vue de protéger les enfants contre les cyberprédateurs, M.B., 30 avril 2014. Ces deux lois sont entrées en vigueur le 10 mai 2014.

29 Vu le caractère limité de cette annotation, celle-ci ne traitera pas du grooming hors ligne. Sur cette question, voy. : L.

CLAUS, « Cyberkinderlokkerij en grooming : daadkrachtig wetgevend optreden of een kwestie van overregulering ? », N.C., 2015, pp. 15-24 ; C. CONINGS et K. DE SCHEPPER, « Grooming en cyberkinderlokkerij strafbaar », Computerr, 2014, n° 142

; A. MASSET, « La protection des mineurs en ligne en droit pénal belge », Société numérique et droit pénal. Belgique, France, Europe, coll. Europe(s), Bruxelles, Larcier, sous presse.

30 D’autres infractions sont envisageables, par exemple le faux en informatique et le harcèlement électronique que nous n’envisagerons pas. Sur ces questions, A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven

? », N.C., 2017, pp. 207-239.

31 Combinaison des articles 52 et 379 du Code pénal.

32 F. VERBRUGGEN, E. PRAKKEN et D. ROEF, Voorbereidingshandelingen in het strafrecht, Nijmegen, Wolf Legal Publi- shers, 2004, p. 35.

33 Voy., par exemple, ces affaires dans lesquelles de la poudre blanche a été vendue pour de la drogue : Anvers 18 dé- cembre 2003, N.j.W., 2004, p. 698, obs. J. DEENE ; Corr. Bruxelles, 30 juin 1983, R.W., 1983-1984, p. 2177, obs. A.DE

NAUW ; F. VERBRUGGEN, E. PRAKKEN et D. ROEF, Voorbereidingshandelingen in het strafrecht, Nijmegen, Wolf Legal Publishers, 2004, pp. 43-45.

(7)

est cependant permis de se demander s’il n’est pas question, en l’occurrence, d’une infrac- tion impossible34.

Les mêmes considérations s’appliquent à la tentative d’attentat à la pudeur (article 372 du Code pénal). L’existence de cette infraction requiert des actes d’une certaine gravité, portant atteinte à l’intégrité sexuelle d’une personne telle qu’elle est perçue par la conscience collec- tive d’une société déterminée à une époque déterminée35. Cette atteinte doit être commise intentionnellement sur la personne36 ou à l’aide d’une personne sans le consentement valable de celle-ci37. La réalisation de l’infraction n’exige pas nécessairement de contact physique38. L’incitation d’un mineur à accomplir des actes sexuels devant une webcam peut constituer un attentat à la pudeur, puisqu’il y a un contact virtuel entre l’auteur et la victime39. La juris- prudence belge a relevé que ce commencement d’exécution doit être le commencement d’un acte immoral ou obscène. Cela a notamment été le cas lorsqu’un prévenu a proposé à un mineur de poser nu devant une webcam40. La loi offre une protection différente selon que la victime est ou non âgée de moins de 16 ans accomplis. L’âge de la victime est un élément constitutif de l’infraction et non une circonstance aggravante41. En tout état de cause, comme cette infraction requiert un attentat à la pudeur sur une personne vivante42, cette qualification nous semble, de ce fait, également impossible lorsque l’agent entre en contact avec un ava- tar.

L’article 385 du Code pénal, lui, incrimine l’outrage aux mœurs par action43. Cette infrac- tion exige comme élément constitutif une certaine publicité. De plus, il s’agit véritablement

34 R. VERSTRAETEN et F. VERBRUGGEN, Strafrecht en strafprocesrecht voor bachelors, Anvers, Intersentia, 2018, pp. 86-87.

35 Cass., 24 mai 2011, N.C., 2012, p. 60, obs. B. KETELS ; Cass., 7 janvier 1997, Pas., 1997, I, p. 32.

36 Corr. Bruxelles, 19 décembre 1995, R.D.P.C., 1996, p. 435.

37 Cass., 9 octobre 2012, Pas., 2012, n° 521.

38 Cass., 6 octobre 2004, N.C., 2006, p. 124. De même, en septembre 2018, le tribunal correctionnel de Bruxelles a con- damné un homme de 25 ans à une peine d’emprisonnement avec sursis pour avoir obligé une fille à se pénétrer en se fil- mant via webcam.

39 Corr. Gand, 10 octobre 2007, T. Strafr., 2008, p. 328 ; Corr. Anvers, 20, 25, 27 juin 2008 (trois espèces), T. Strafr., 2009, pp. 173-175, obs. S. VANDROMME. Voy. encore : S. VANDROMME, « Aanzetten van minderjarigen tot webcamseks : aanran- ding van de eerbaarheid en/of aanzetten tot ontucht », obs. sous Corr. Anvers 27 juin 2008, T. Strafr., 2009, p. 177.

40 Corr. Tongres, 20 décembre 2012, Limb. Rechtsl., 2013, p. 185.

41 Cass. 15 janvier 1923, Pas., 1923, I, p. 155. De plus, l’âge de la victime n’a d’autre effet que de sanctionner plus ou moins sévèrement l’auteur et d’assurer ainsi une protection plus importante des jeunes victimes, sans avoir à se questionner sur la conscience que ces dernières peuvent avoir des actes posés sur elles.

42 La Cour de cassation a précisé que « l’attentat à la pudeur suppose une atteinte contraignante à l’intégrité sexuelle qui se réalise sur une personne vivante ou à l’aide de celle-ci, sans exiger nécessairement un contact physique avec elle ». Cass., 6 octobre 2004, J.T., 2005, p. 100 ; I. WATTIER, « L’attentat à la pudeur et le viol », Les infractions contre l’ordre des fa- milles, la moralité publique et les mineurs, vol. 3, Bruxelles, Larcier, 2011, pp. 87 et s.

43 Selon O. NEDERLANDT et F. VANSILIETTE, c’est l’investissement du corps de la victime ou son implication d’une manière ou d’une autre qui permet de différencier l’attentat à la pudeur de l’outrage public aux mœurs par des actions qui blessent la

(8)

d’une action qui blesse les mœurs. Il faut donc un acte, un geste ou encore un comporte- ment, tout en étant entendu que la simple injure et l’écrit ne suffisent pas44. Il convient de se demander si une simple conversation avec un avatar peut tomber sous l’application de cette disposition légale. Après analyse, une telle conversation s’apparente davantage à un écrit qu’à une véritable action. En d’autres mots, si le prévenu ne pose pas véritablement d’acte, mais incite simplement à des actes sexuels, cette qualification légale ne peut être retenue.

Dans le jugement annoté, le condamné a admis qu’il lui était parfois arrivé de se mettre nu devant sa webcam et de se masturber devant celle-ci. Or, il n’est pas établi que ces actes ont eu lieu dans le cas d’espèce, la conversation s’étant interrompue vu que le prévenu n'arrivait pas à voir des images, de sorte que cette qualification juridique ne pourrait être retenue.

Une dernière piste serait de voir si une simple conservation avec un avatar ou si une image contenant des mineurs virtuels pourrait ou non être considérée comme une possession d’images pédopornographiques (article 383bis du Code pénal). Selon la jurisprudence de l’époque, tombaient dans le champ d’application de cette infraction les emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentaient des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique impliquant ou présentant des mineurs45. Nous pou- vons constater que sont visés tous les supports visuels présentant des situations sexuellement explicites mettant en scène des mineurs. Par conséquent, les supports qui ne sont pas visuels sont exclus du champ d’application de l’infraction. Un simple texte sans image, comme une conversation avec un avatar, ne pourrait dès lors tomber sous le coup de cet article, tandis que des images de mineurs virtuels semblent être inclues, vu le terme « présentant ». La loi du 31 mai 2016 a d’ailleurs incorporé une définition du matériel pédopornographique dans cet article qui confirme ce point de vue46.

3.2. Ap rès l e 10 mai 2014

L’article 433bis/1 du Code pénal pénalise les cyberprédateurs, c’est-à-dire les personnes majeures qui communiquent par le biais des technologies de l'information et de la communi-

pudeur, incriminé à l’article 385 du Code pénal. Voy. : O. NEDERLANDT et F. VANSILIETTE, « B. Droit pénal spécial – Les infractions du Code pénal », op. cit., pp. 202-203.

44 N. COLETTE-BASECQZ et N. BLAISE, « Des outrages publics aux bonnes mœurs », Les infractions contre l’ordre des familles, la moralité publique et les mineurs, vol.3, Bruxelles, Larcier, 2011, pp. 278-287.

45 Cass., 3 février 2004, R.D.T.I., 2004, p. 53. Cette définition correspond à l’article 20 de la Convention du Conseil de l'Europe du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, M.B., 21 juin 2013 (« l'expression “pornographie enfantine” désigne tout matériel représentant de manière visuelle un enfant se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant à des fins principalement sexuelles »).

46 Article 6 de la loi du 31 mai 2016 complétant la mise en œuvre des obligations européennes en matière d'exploitation sexuelle des enfants, de pédopornographie, de traite des êtres humains et d'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, M.B., 8 juin 2016.

(9)

cation avec un mineur, avéré ou supposé, en vue de faciliter la perpétration à son égard d'un crime ou d'un délit. Il ne s’agit pas seulement des infractions contre l’intégrité sexuelle qui sont visées par cette disposition47. Même si les travaux préparatoires semblent exiger une répétition de conversations48, l’énoncé de la loi semble toutefois être moins restrictif, de sorte qu’une seule communication pourrait suffire49. Le cyberprédateur n’est punissable que dans quatre cas de figures, à savoir (1) s'il a dissimulé ou menti sur son identité ou son âge ou sa qualité ; (2) s'il a insisté sur la discrétion à observer quant à leurs échanges, (3) s'il a offert ou fait miroiter un cadeau ou un avantage quelconque ou (4) s'il a usé de toute autre manœuvre50. Le dol général est requis pour être punissable, tandis qu’en ce qui concerne l’âge de la victime, la simple négligence suffit51. À titre d’exemple, un cyberprédateur qui manipule le mineur afin qu’il lui envoie des images pédopornographiques est punissable en vertu de l’article 433bis/1 du Code pénal52. La tentative n’est en revanche pas punissable53. Notons toutefois qu’une proposition de rencontre n’est pas un élément constitutif requis, contrairement à l’infraction de grooming (voy. infra). Vu que cet article prévoit qu’il doit s’agir d’un mineur avéré ou supposé, le fait que le cyberprédateur ait approché un avatar n’empêche donc pas qu’il soit punissable54. Le législateur a de ce fait voulu introduire une infraction-obstacle55.

47 L. CLAUS, « Cyberkinderlokkerij en grooming : daadkrachtig wetgevend optreden of een kwestie van overregulering ? », N.C., 2015, p. 17.

48 Proposition de loi modifiant le Code pénal en vue de protéger les enfants contre les cyberprédateurs, Rapport de la com- mission de la justice, Doc. parl., Sénat, sess. ord., 2013-2014, n° 2253/3, p. 8 ; L. STEVENS, « Grooming en cyberlokking strafbaar. Uitbreiding van de strafrechtelijke bescherming van de seksuele integriteit van minderjarigen in cyberspace », R.W., 2014-2015, p. 854.

49 A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », N.C., 2017, p. 230.

50 L. STEVENS, « Grooming en cyberlokking strafbaar. Uitbreiding van de strafrechtelijke bescherming van de seksuele integriteit van minderjarigen in cyberspace », R.W., 2014-2015, p. 856.

51 A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », N.C., 2017, p. 231.

52 Proposition de loi modifiant le Code pénal en vue de protéger les enfants contre les cyberprédateurs, Rapport de la com- mission de la justice, Doc. parl., Sénat, sess. ord., 2013-2014, n° 2253/3, p. 3.

53 Article 53 du Code pénal. Voy. : A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », N.C., 2017, p. 230.

54 Proposition de loi modifiant le Code pénal en vue de protéger les enfants contre les cyberprédateurs, Rapport de la com- mission de la Justice, Doc. parl., Sénat, sess. ord., 2013-2014, n° -2253/3, pp. 3-4 ; S. ROYER, C. CONINGS et G. MARLIER,

« Substantive and Procedural Legislation in Belgium to Combat Webcam-Related Sexual Child Abuse », in S. Van der Hof, I. Georgieva, B. Schermer et B. Koops (eds.), Sweetie 2.0. Using Artificial Intelligence to Fight Webcam Child Sex Tourism, Asser press, 2018, p. 75 ; A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », N.C., 2017, p. 231.

55 L’infraction-obstacle ne sanctionne pas le résultat d’un acte dommageable, mais vise le risque que crée un comporte- ment, afin de protéger une certaine valeur juridique. L’acte constitue une infraction indépendamment de la réalisation d’un dommage effectif. Voy. : Ch. VAN DEN WYNGAERT, Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen, Anvers, Maklu, 1998, p.

188 ; W. JEANDIDIER, Droit pénal général, 2e édition, Paris, Montchrestien, 1991, pp. 265 et s.

(10)

Une autre loi du 10 avril 2014 ayant inséré l’article 377quater du Code pénal visait à crimi- naliser le grooming en ligne, littéralement « prendre soin de » ou « préparer ». Il s’agit de s’attirer la confiance d’un enfant dans le but de le placer dans une situation dans laquelle il sera abusé56. Contrairement au délit de leurre de mineurs sur internet, la proposition de ren- contre y est essentielle. À part cette différence, ces deux infractions sont très proches, ce qui a été dénoncé dans la doctrine57. Ce délit a moins d’importance dans le cadre du webcamsex, étant donné que des propositions de rencontres n’y sont pas nécessairement envisagées. De plus, les contacts avec un avatar ne sont pas punissables en vertu de l’article 377quater du Code pénal dès lors que cette disposition parle explicitement d’un mineur de moins de 16 ans58.

Notons finalement que, depuis la loi du 31 mai 2016, le législateur belge a explicitement incorporé le concept des images avec des mineurs virtuels dans l’article 383bis du Code pé- nal (voy. supra)59. Pour être incriminé sous le chef de cet article, la présence effective d’un mineur n’est pas indispensable, l’article actuel se référant à la notion d’implication et de présentation de mineurs. Cela signifie qu’une photographie d’une personne qui, sans être mineure, en présente pourtant l’apparence pourrait donner lieu à l’application de l’article 383bis du Code pénal. De même, une représentation virtuelle, telle une photographie retou- chée, répond également à la définition de matériel pédopornographique60. Selon la Cour de cassation, le but du législateur était de « protéger la personne du mineur et l’usage de son

56 A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », N.C., 2017, p. 219 ; L. STEVENS,

« Grooming en cyberlokking strafbaar. Uitbreiding van de strafrechtelijke bescherming van de seksuele integriteit van minderjarigen in cyberspace », R.W., 2014-2015, pp. 846-853.

57 A. DIERICKX, « Noopt nieuwe seksuele criminaliteit tot nieuwe seksuele misdrijven ? », N.C., 2017, pp. 232 et 239 ; L.

CLAUS, « Cyberkinderlokkerij en grooming: daadkrachtig wetgevend optreden of een kwestie van overregulering ? », N.C., 2015, p. 23.

58 Ce qu’on appelle des « lokpubers », en néerlandais, sont exclus du champ d’application de ce délit. Voy. : C. CONINGS et K. DE SCHEPPER, « Grooming en cyberkinderlokkerij strafbaar» , Computerr., 2014, n° 142.

59 Voy. également le champ d’application de l’article 433bis/1 du Code pénal qui parle d’un mineur avéré ou supposé.

60 Ce qui a toujours été le cas selon la jurisprudence (voy. par exemple : Corr. Louvain, 18 mars 2008, T. Strafr., 2009, p.

170, obs.) et les travaux parlementaires (« Enfin, même si le ministre de la Justice avait précisé lors des débats sur la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs, que le terme “présentant” des mineurs s’applique aussi aux images virtuelles (voy. p. 94 du rapport du Sénat, doc.2-280/5), le Conseil d’État recommande de viser plus explicitement les images virtuelles à l’article 383bis du Code pénal, eu égard notamment au principe de légalité consacré par les articles 12 et 14 de la Constitution. Signalons en outre que la Belgique n’a pas déposé de réserve lors de la ratification en 2002 de la Convention Cybercrime et plus récemment de la Convention de Lanzarote, pour exclure de l’incrimination les images virtuelles d’un enfant qui n’existe pas » in Projet de loi complétant la mise en œuvre des obligations européennes en ma- tière d’exploitation sexuelle des enfants, de pédopornographie, de traite des êtres humains et d’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord., 2015-2016, n° 1701/1, pp. 11-12).

(11)

image, et ainsi de combattre l’ensemble du marché pédopornographique en permettant la condamnation du simple consommateur de matériel de cette nature »61.

4. Des in terp rétations récon ciliabl es ?

Il peut être interpelant de comparer le champ d’application de l’article 383bis du Code pénal avec les termes du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Liège qui, en se référant à l’interprétation stricte du droit pénal, considère qu’« un adulte qui se prétend mineur d’âge n’est pas un mineur d’âge, (…) il ne peut être considéré qu’une petite fille virtuelle de 10 ans est une victime mineure d’âge au sens de l’article 379 du Code pénal ». Par contre, nous ne pouvons pas passer outre les termes du Code pénal. Dès lors que l’article 379 du Code pénal parle bel et bien d’un mineur, le jugement du tribunal correctionnel de Liège semble être défendable sur ce point.

La question se pose plutôt de savoir si la différence de signification entre le concept de

« mineur » au sens de l’article 379 du Code pénal, d’une part, et de l’article 383bis du Code pénal, d’autre part, demeure justifiable ou si le législateur doit intervenir sur ce point afin d’élargir la notion contenue dans l’article 379 du Code pénal. Au lieu de pénaliser des actes qui ont porté atteinte à des valeurs juridiques (fonction répressive), le droit pénal tente, à présent, de se focaliser sur la dangerosité de l’auteur (fonction préventive). L’incrimination des images avec des mineurs virtuels ainsi que la jurisprudence sur la tentative qui a évolué d’une doctrine objectiviste vers une plus subjectiviste (voy. supra)62, démontrentce change- ment de paradigme . Le champ d’application de l’article 433bis/1 du Code pénal, qui envi- sage le mineur avéré ou supposé, en est une belle illustration également. Vu l’étendue des incriminations déjà applicables que nous avons traitées (voy. supra), une extension de l’article 379 du Code pénal ne nous semble pas souhaitable.

5. De la provocation

Terminons avec une remarque au niveau de la procédure pénale. Même si le champ d’application de certaines infractions inclut des conversations avec un avatar, les limites de la provocation doivent être respectées à peine d’irrecevabilité de l’action publique63. Par conséquent, il faut que les enquêteurs œuvrant derrière l’avatar agissent avec neutralité et s’abstiennent de procéder à des allusions sexuelles64. Sur ce point, dès lors que le seul fait,

61 Cass., 26 octobre 2011, cette revue, 2012, p. 450 ; N. COLETTE-BASECQZ, « La notion de possession de supports pédo- pornographiques : les délicates questions soulevées par l’interprétation de la loi pénale », cette revue, 2012, pp. 451-458.

62 Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, on pourrait distinguer une pareille tendance au niveau des infractions.

Voy. : W. YPERMAN, « Heiligt het doel de middelen ? », obs. sous C.C., 18 janvier 2018, N.j.W., 2018, pp. 304-305.

63 Article 30 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

64 Proposition de loi modifiant le Code pénal en vue de protéger les enfants contre les cyberprédateurs, Rapport de la com- mission de la Justice Doc. parl., Sénat, sess. ord., 2013-2014, n° 2253/3, p. 2.

(12)

pour les enquêteurs, de se faire passer pour des mineurs, ne représente qu’« une scène ba- nale de la vie quotidienne »65, ce fait ne constitue pas une provocation selon L. Stevens66. À cet égard, le responsable de l’enquête au sein de l’O.N.G. Terre des Hommes, H. Guyt, a déclaré que les enquêteurs n’ont jamais proposé quoi que ce soit aux personnes piégées mais avaient attendu que les demandes soient formulées spontanément. De même, ils n’entamaient pas les conversations mais se contentaient d’une démarche passive, attendant d’être contactés67.

6. Conclusion

Actuellement, et d’après l’interprétation du tribunal correctionnel de Liège, le crime de dé- bauche ne s’étend pas aux situations dans lesquelles un avatar est impliqué. L’éventuelle extension du champ d’application de l’article 379 du Code pénal ne pourrait pas y remédier puisqu’une nouvelle loi pénale ne peut pas être appliquée de façon rétroactive (article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme). En 2014, l’infraction de leurre des mineurs sur internet a été introduite à l’article 433bis/1 du Code pénal. Selon cette disposition légale, la personne majeure qui a eu des contacts virtuels avec Sweetie tombe sous le coup de la loi pénale. En outre, la question demeure de savoir s’il est vraiment nécessaire d’introduire des incriminations spécifiques qui auraient pour but de punir des personnes majeures qui n’auraient eu que de simples conversations avec Sweetie.

Les incriminations récemment introduites dans le cadre de l’intégrité sexuelle et des com- portements en ligne parlent d’un mineur avéré ou supposé. En focalisant ainsi leur attention sur la dangerosité de l’auteur plutôt que sur le fait commis, ces infractions démontrent l’évolution de la fonction du droit pénal traditionnellement répressive vers un droit pénal plutôt préventif. Malgré tout, ces dernières se recouvrent parfois et leurs interprétations ne s’intègrent pas toujours dans un ensemble cohérent. En tout état de cause, le but principal de Sweetie reste tout de même de pouvoir identifier des pédophiles en ligne. Souvent, l’enquête pénale donnera ensuite lieu à la découverte d’autres infractions qui pourront mener à une éventuelle condamnation. Cette conclusion a, d’ores et déjà, été illustrée par le jugement annoté. Celui-ci ayant été appelé tant par le ministère public que par le condamné, le mot de la fin n’a donc pas encore été prononcé.

65 Cass., 17 mars 2010, T. Strafr., 2010, p. 332, obs. F. SCHUERMANS.

66 L. STEVENS, « Grooming en cyberlokking strafbaar. Uitbreiding van de strafrechtelijke bescherming van de seksuele integriteit van minderjarigen in cyberspace », R.W., 2014-2015, p. 854.

67 « These men are not victims of entrapment – they were well aware of what they were doing. In all our chats, we empha- sised that we were a 10-year-old child, but they took the initiative, insisting on sex shows and offering payment in re- turn ». ICON, D. RAY, Debate: should digital avatars be used in the fight against online child sex crime ?, consulté le 7 janvier 2019, disponible sur https://www.iconeye.com/opinion/comment/item/11203-debate-should-digital-avatars-be- used-in-the-fight-against-online-child-sex-crime.

Références

Documents relatifs

Unit´e de recherche INRIA Lorraine, Technopˆole de Nancy-Brabois, Campus scientifique, ` NANCY 615 rue du Jardin Botanique, BP 101, 54600 VILLERS LES Unit´e de recherche INRIA

On voit bien qu’il ne s’agit absolument pas de préserver le cadavre, même si l’ancien code pénal avait placé cette incrimination au sein des « crimes et délits contre

La distinction entre infraction politique et infraction de droit commun est donc male aisée car n’existe, dans le code pénal, aucune directive générale ; mais il semble

Le chef du service des autorisations de com- merce de la direction des finances avait octroyé des autorisations et patentes en échange d'avantages plus ou

Ce questionnement implique notamment de penser le partage des tâches entre la commu- nauté internationale et les Etats dans la mise en œuvre du droit pénal international : tant

24. Parallèlement à la compétence dont dispose la Confédération dans le domaine du droit pénal, les cantons n'ont pas perdu toute espèce de pouvoir normatif en

Par exemple, la contravention de bruits et tapages injurieux ou nocturnes (C. 623-2) ; les contraventions de quatrième et cinquième classe pour les violences (C. 624-2)

503 P. Du même auteur, voir « Les tribulations de la santé comme valeur sociale pénalement protégée », in Mélanges Marie-France Callu, LexisNexis, 2013, p. 360 : « On peut y