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L'imputabilité en droit pénal

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02009790

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Submitted on 6 Feb 2019

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L’imputabilité en droit pénal

Elisabeth Gomez

To cite this version:

Elisabeth Gomez. L’imputabilité en droit pénal. Droit. Université de La Rochelle, 2017. Français.

�NNT : 2017LAROD008�. �tel-02009790�

(2)

Université de La Rochelle

École doctorale Droit et Science politique Pierre-Couvrat

Doctorat en droit

Élisabeth GOMEZ

L’imputabilité en droit pénal

thèse soutenue publiquement le 17 novembre 2017

à la Faculté de droit, de science politique et de gestion de La Rochelle

Membres du jury M. Yves M

AYAUD

Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) M

me

Catherine M

ARIE

Professeur à l’Université de La Rochelle

Doyen honoraire de la Faculté de droit de La Rochelle M

me

Haritini M

ATSOPOULOU

Professeur à l’Université Paris-Sud (Paris XI) M. François R

OUSSEAU

Professeur à l’Université de Nantes

Directeur de thèse M. André G

IUDICELLI

Professeur à l’Université de Corse Pasquale Paoli

Doyen honoraire de la Faculté de droit de La Rochelle

(3)

1

À mes parents,

À Jean-Gérard.

(4)

2

(5)

3

Je voudrais tout d’abord remercier vivement mon directeur de thèse, André Giudicelli, pour son accompagnement sans faille. J’ai toujours pu compter sur son appui scientifique et son aide bienveillante. Je voudrais aussi lui témoigner ma reconnaissance sincère pour la confiance et la liberté qu’il m’a accordées. Je suis heureuse de pouvoir aujourd’hui les honorer.

Je voudrais remercier tous les enseignants-chercheurs de l’Université de La Rochelle et, en particulier, Madame le Professeur Catherine Marie pour sa disponibilité et ses conseils toujours avisés. Au-delà, je voudrais aussi remercier Madame Catherine Marie pour son soutien chaleureux et amical de tous les instants.

Un grand merci à Jean-Gérard qui m’a accompagnée jusqu’au terme de cette recherche, à ma

famille, avec des pensées spéciales pour mes grands-parents, mes parents, ma sœur, Anne,

mon frère, Jean-Pierre, et la merveilleuse jeunesse, Éléonore, Pierre, Édouard, Armand et

Gaspard.

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4

(7)

5

Sommaire

Introduction 9

Partie 1 : L’imputab ilité dans la théorie classique de la responsabilité pénale

Titre 1 L’autonomie de l’imputabilité et de la culpabilité entendue

strictement 33

Chapitre I Les conditions de l’imputabilité découlant du caractère objectivé

de la culpabilité 35

Chapitre II La reconfiguration du champ de la condition de liberté relevant

de l’imputabilité 89

Titre 2 La place de l’imputabilité dans la mise en œuvre de la

responsabilité pénale 121

Chapitre I L’autonomie de l’imputabilité par rapport à l’élément

psychologique de l’infraction 123

Chapitre II La localisation de l’imputabilité et de la culpabilité déterminante

de leurs fonctions respectives 171

Partie 2 : L’imputabilité à l’épreuve d’un droit pénal post-moderne

Titre 1 La montée d’un droit pénal néopositiviste sonnant le glas

d’une conception unitaire de l’imputabilité 229 Chapitre I L’objectivation de l’imputabilité en lien avec l’évolution de la

responsabilité pénale des personnes morales 231

Chapitre II L’imputabilité en danger au regard de la responsabilité pénale

des personnes physiques 277

Titre 2 Pour une cohabitation dédramatisée de l’imputabilité et de

la dangerosité dans un droit pénal post-moderne 333 Chapitre I La recherche d’une cohabitation dédramatisée de l’imputabilité

et de la dangerosité dans le cadre de la césure du procès pénal 341

Chapitre II L’usage recentré de la dangerosité 379

Conclusion 429

(8)

6

(9)

7

Principales abréviations

art. article Gaz. Pal. La Gazette du Palais

BOMJ Bulletin officiel du ministère de la Justice

J.-Cl. Pénal Juris-Classeur pénal

Bull civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

JCP G Juris-Classeur périodique (Semaine juridique), édition générale

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

JDI Journal Droit international

C. civ. Code civil JO Journal officiel

C. pén. Code pénal L. loi

C. pr. pén. Code de procédure pénale La Doc. fr. La Documentation française

CA cour d’appel LPA Les Petites Affiches

Cass. ass. plén. assemblée plénière obs. observation Cass. civ. Cour de cassation,

chambre(s) civile(s) 1re et 2e

OPJ officier de police judiciaire

Cass. com. Cour de cassation, chambre commerciale

préc. précité Cass. crim. Cour de cassation, chambre

criminelle

QPC question prioritaire de constitutionnalité Cass. req. Cour de cassation, chambre

des requêtes

Rép. pr. civ. Répertoire de procédure civile

Cass. soc. Cour de cassation, chambre sociale

RIDP Revue internationale de droit pénal

CEDH Cour européenne des droits

de l’homme RDP Revue de droit pénal

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal

comm. commentaire RDSS Revue de droit sanitaire et social

Comm. révision Cour de cassation, commission de révision

RSC Revue de science criminelle et de droit comparé

Cons. const. Conseil constitutionnel RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

D. : Recueil Dalloz S. Recueil Sirey

Dr. fam. revue Droit de la famille somm. sommaire

Dr. pén. revue Droit pénal t. tome

Dr. soc. revue Droit social th. thèse

éd. édition trib. corr. tribunal correctionnel

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8

(11)

9

Introduction

« La notion d’imputabilité est peut-être la plus controversée et celle qui est la moins unanimement entendue. »

Éric Lepointe

1

La doctrine contemporaine appréhende dans son ensemble la responsabilité pénale comme l’obligation de rendre compte d’un acte délictueux par l’accomplissement d’une peine

2

. C’est au

XVIIIe

siècle qu’est apparu, pour la première fois, le terme de responsabilité dans le sens d’« obligation de répondre de ses actes » ou d’en rendre compte

3

. La notion est le fruit d’une longue évolution. Dans les sociétés archaïques, la responsabilité était d’essence objective et collective. Il n’y avait pas de place pour le concept d’imputabilité, ni même pour celui d’imputation

4

. Une responsabilité est collective quand un membre du clan ou de la famille peut être amené à répondre du délit commis par l’un d’entre eux. L’auteur du délit n’est pas considéré comme personnellement responsable. Juridiquement, tous les membres du clan sont responsables. Cela signifie que n’importe quel membre du clan offensé pouvait exercer sa vengeance sur n’importe quel membre du clan de l’offenseur. Un exemple d’individualisation balbutiante peut être trouvé, à l’époque romaine, avec la pratique de l’abandon noxal. Pour remédier aux incessantes guerres interclaniques générées par la vengeance privée, le pater familias

5

pouvait remettre au clan de la victime, l’auteur du dommage

6

. L’action noxale mettait implicitement en œuvre un principe de responsabilité

1. É. LEPOINTE, « Le diagnostic judiciaire des faits justificatifs », RSC 1969., p. 547, no 4.

2. Cf. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, Dalloz, 25e éd., 2017, no 399 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général,Corpus droit privé, Economica, 16e éd., 2010, no 427.

3. A.REY (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 2004 ; J.HENRIOT, « Note sur la date et le sens de l’apparition du mot “responsabilité” », Arch. phil. dr., 1977, t. 22, p. 59 ; M. VILLEY, « Esquisse historique sur le mot responsable », Arch. phil. dr., 1977, t. 22, p. 45.

4. Cf. infra pour la distinction entre les deux notions.

5. À Rome, il existait deux catégories de personnes, les sui juris et les alieni juris. Seul le pater familias était sui juris.

Tous les autres membres de la famille, tant que le père était vivant, étaient des alieni juris (enfants biologiques, enfants adoptés, cousins, esclaves, animaux…).

6. Si, en pratique, c’est uniquement l’auteur qui a commis l’acte répréhensible qui est remis à la victime et, plus précisément, à un autre pater familias, sur le plan des principes, il n’est pas si évident que l’action noxale mette en œuvre une responsabilité individuelle. Cela tient au fait que seul le pater familias est capable juridiquement.

Pour cette raison, l’action ne peut directement être exercée contre l’auteur. Lorsque la victime intente l’action, elle commence par interpeller le pater familias, en tant que chef de clan, dans la phase in jure du procès. Avant de remettre le coupable, le pater doit procéder à une cessation de sa puissance sur l’alieni juris – la derelictio.

L’acte d’interpellation est le fondement juridique de la deditio – la remise du coupable. Si le pater familias est interpellé, c’est uniquement pour que les liens soient rompus. La derelictio est fondamentale car elle va orienter

(12)

10

individuelle dans la mesure où l’abandonné noxalement était le véritable auteur de l’acte

7

. Certes, il ne s’agissait pas à proprement parler d’une responsabilité individuelle et personnelle dans la mesure où, en doit strict, seul le pater familias était un sui juris. L’abandonné noxal, en tant qu’alieni juris, était irresponsable en droit mais responsable en pratique. Ainsi, une place a d’abord été ménagée à la notion d’imputation par le biais de l’individualisation de la responsabilité, l’imputation consistant en une opération purement objective d’attribution de l’infraction au « bon coupable »

8

.

Dans les sociétés archaïques, la responsabilité pénale était en outre doublement objective. En premier lieu, son approche objective résultait du caractère matériel de l’infraction. Seul compte, pendant des siècles, la matérialité de l’acte. À titre d’exemple, l’injuria, dans la loi des XII Tables, correspond à l’acte contraire au droit. L’adage romain, Noxae se obligare, résume cette conception du délit : on ne s’engage pas en raison d’un acte qu’on a commis, on se trouve engagé car l’acte vous désigne par la cause. En d’autres termes, c’est parce qu’il y a un fait qu’il y a un coupable. Par voie de conséquence, l’état d’esprit de l’agent au moment des faits n’avait que peu d’importance. On ne s’intéresse pas de savoir si l’agent a fait preuve d’hostilité ou d’une simple indifférence aux valeurs sociales. Ainsi, l’homicide non intentionnel était réprimé comme le meurtre, tandis que l’homicide volontaire commis en état de légitime défense était réprimé. À l’inverse, la tentative de délit n’était pas punissable.

Le droit de l’époque franque très empirique, en rappelant le très ancien droit romain, a fait perdurer l’acception matérielle du délit. D’ailleurs, lorsque, pour remédier à la faida – vengeance privée –, la loi est venue faire obligation au coupable ou à son clan de verser à l’offensé ou à sa famille une composition pécuniaire, le wergeld, son montant s’est trouvé déterminé à partir de critères objectifs

9

. Le caractère objectif de la responsabilité découlait aussi du fait que la qualité de l’auteur du délit importait peu. La sanction frappait aussi bien l’homme jouissant de toutes ses facultés intellectuelles que celui souffrant de troubles mentaux. On comprend alors que cette dimension doublement objective était à l’origine d’une responsabilité pénale étendue, la sanction pouvant frapper jusqu’aux animaux

10

. L’influence du christianisme et sa rhétorique du péché, combinées aux philosophies humanistes, vont entraîner l’émergence d’une responsabilité subjective, conditionnée par l’exigence d’une volonté libre. On peut donc considérer que « l’imputation d’une infraction a, d’abord, reposé sur un rapport essentiellement objectif ou matériel, pour, ensuite, s’enrichir

les poursuites. Dès lors qu’elle est accomplie, le pater familias ne peut plus être attaqué (cf. cours de M. Jacques BOUINEAU, Fondements romano-canoniques de la responsabilité, master 2 recherche « Droit de la responsabilité », faculté de droit de La Rochelle, année 2005-2006.

7. Il est vrai que le mouvement ainsi impulsé d’individualisation et, au-delà, de personnalisation de la responsabilité pénale, devait être freiné, par la suite, par la possibilité ensuite offerte au pater familias, pour une raison d’humanité, de chercher à éviter cet abandon par le paiement d’une composition pécuniaire – dénommée « Wehrgeld » dans le royaume romano-germanique ou Mannboetr dans les sociétés scandinaves (cf. cours de M. Jacques BOUINEAU, op. cit.).

8. Cf. infra pour la distinction de la notion de celle d’imputabilité.

9. On ne tenait compte d’aucun autre élément que de la gravité du crime commis et de la qualité de la victime – par exemple, dans la loi Salique, le Wergeld du Gallo-Romain était la moitié de celui du Franc.

10. Les tribunaux ecclésiastiques ont même condamné des animaux jusqu’au XVIIIe siècle. Le droit romain, quant à lui, a consacré l’action de pauperie dès l’époque de la loi des XII Tables. Cette action était dirigée directement contre le propriétaire de l’animal sur le fondement d’une sorte de responsabilité du fait des choses. Dès lors, l’animal n’était plus susceptible d’être considéré comme l’auteur d’une infraction quand il causait un dommage, que celui-ci soit matériel ou corporel (cf. cours de M. Jacques BOUINEAU, op. cit.).

(13)

11

d’une exigence subjective tenant au libre arbitre de la personne humaine »

11

. L’émergence de la donnée imputabilité a donc succédé à celle d’imputation. Cette succession dans l’apparition des notions contribue à exclure l’existence d’une conception exclusivement objective de l’imputabilité.

L exclusion d une conception exclusivement objective de l imputabilité

Le législateur ne définit pas la notion d’imputabilité. Tout au plus emploie-t-il le verbe imputer dans un sens comptable

12

. Le mot imputabilité vient du latin imputare signifiant « porter en compte », « mettre en ligne de compte » ou encore « attribuer »

13

. Transposée à la matière pénale, l’idée, relativement simple, que l’acte délictueux doit pouvoir être porté au compte de l’agent n’exclut pas un certain nombre de difficultés. La première difficulté, qui découle de l’éclairage étymologique du terme « imputabilité », est relative aux conditions dans lesquelles un acte délictueux doit pouvoir être porté au compte de l’agent. Or, précisément, ces dernières ne sont pas unanimement entendues par la doctrine, ce qui donne lieu à des incertitudes sur les frontières de l’imputabilité

14

. Une certaine unanimité se dégage cependant pour considérer qu’à l’égard des personnes physiques, l’imputabilité ne saurait se réduire à une simple relation de cause à effet entre l’acte pénalement répréhensible et un individu considéré. En effet, la doctrine « a pris l’habitude de regrouper sous cette notion les conditions qui intéressent l’aptitude de l’agent à se voir reprocher une infraction »

15

. Ainsi, aux termes de la conception d’essence classique de l’imputabilité pénale

16

, un acte délictueux est imputable dès lors que l’agent a agi « avec une intelligence lucide et une volonté libre »

17

. Elle ne saurait donc être confondue avec la notion d’imputation qui, dans une acception étroite, s’entend d’« une opération purement matérielle de rattachement de l’infraction à un agent »

18

. L’imputation correspondrait, quant à elle, à « l’opération objective d’attribution d’un fait illicite à une personne »

19

. C’est cette acception étroite de l’imputation qui sera retenue dans le cadre de cette étude

20

. Si les deux termes dérivent du verbe imputer, en renvoyant l’un comme l’autre au fait d’attribuer un fait ou une chose à une personne afin d’en rendre compte, il sera considéré que le droit pénal retient plutôt une conception étroite de l’imputation, donc objective, et appréhende l’imputabilité par son versant subjectif.

11. F. ROUSSEAU, L’imputation de la responsabilité pénale, Dalloz, 2009, no 5, p. 8.

12. Cf. par exemple, C. pén., art. 131-32 pour le calcul de la durée d’interdiction de séjour lorsqu’elle est accompagnée d’une peine privative de liberté.

13. A. REY (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, op. cit.

14. En référence à A. GIUDICELLI, « Incertitudes sur les frontières de l’intention », in Dix ans après la réforme de 1994, quels repères dans le code pénal ?, travaux de l’Institut de sciences criminelles de Poitiers, t. XXIV, Cujas, 2005.

15. F.ROUSSEAU, L’imputation de la responsabilité pénale, op. cit., no 6, p. 9.

16. Par opposition à la conception civiliste majoritaire de l’imputabilité qui la réduit à la seule exigence du discernement, sans égard à un quelconque élément de volonté.

17. J.-M. AUSSEL, « La contrainte et la nécessité en droit pénal », in G. STÉFANI (dir.), Quelques aspects de l’autonomie du droit pénal. Études de droit criminel, Dalloz, 1956, p. 256, no 6.

18. F.ROUSSEAU, L’imputation de la responsabilité pénale, op. cit., no 6, p. 9.

19. Ibid., no 7, p. 11.

20. Cette acception étroite de l’imputation ne condamne pas la notion à la marginalisation. En effet, dans la seconde partie de cette étude, nous tenterons d’établir le renouveau de l’imputation à la faveur de l’évolution de la responsabilité pénale des personnes morales vers l’autonomie. Certains auteurs, à l’instar de François Rousseau, considèrent, à l’inverse, qu’il est permis de retenir une conception large de l’imputation, cette dernière, en présentant une facette subjective, absorberait alors le concept d’imputabilité.

(14)

12

L’imputation se limitera à l’action d’imputer sans inclure la dimension de reproche possible.

Quant à l’imputabilité, elle s’entendra, à l’inverse d’« une opération essentiellement subjective, qui dépend de la capacité de comprendre et de vouloir de l’agent ou, autrement dit, de son libre arbitre, permettant de lui reprocher la commission d’une infraction »

21

. Si l’enjeu de cette recherche n’est pas dans l’identification des deux composantes de l’imputabilité, ces dernières faisant aujourd’hui l’unanimité, il importera cependant d’en préciser le sens.

L acception subjective de l imputabilité confirmée par l analyse de ses conditions traditionnelles : la capacité de comprendre ou l exigence de discernement et la volonté libre

En l’absence de définition du législateur, il est possible de se tourner vers les articles 122-1 et 122-8 du Code pénal. En vertu de l’article 122-1, alinéa 1

er

du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » Ainsi, la condition de discernement est appréhendée par la négative et par le biais de son origine consistant dans l’existence, ou plutôt l’absence, de troubles psychiques ou neuropsychiques. L’ancien Code pénal se référait à la notion de démence. Dans l’esprit des rédacteurs du Code pénal de 1810, elle s’apparentait à l’aliénation mentale, en d’autres termes, à la folie. La jurisprudence, au diapason, considérait que la notion de démence devait être largement comprise en incluant les diverses formes d’aliénation mentale. L’imprécision de la notion, peu scientifique, a cependant conduit à son abandon lors de l’adoption du Code pénal de 1994. Toutefois, les rédacteurs du « nouveau » Code pénal ne sont pas parvenus à donner un nom commun aux différentes formes de maladies mentales susceptibles d’abolir le discernement. Pour cette raison, ils ont préféré parler de troubles psychiques ou neuropsychiques en retenant pour critère les effets produits par toute forme de démence. En d’autres termes, ce qui importe est de savoir si les facultés mentales de celui qui a agi étaient ou non affectées au moment de l’acte et, dans l’affirmative, de déterminer le degré de cette affectation. Peu importe la forme et la nature du trouble

22

. On ne peut qu’approuver un tel choix législatif dans la mesure où la discussion sur l’imputabilité ne saurait se circonscrire à un diagnostic ou à une exclusion de pathologie mentale avérée. Il semble plus fécond d’étudier les caractéristiques psychiques d’un individu. En effet, rattacher la criminalité à une structuration psychotique n’a aucune base scientifique. Il existe des structures psychotiques qui restent stables toute leur vie, du moment qu’elle ne fait pas intervenir d’éléments trop déstabilisants

23

. À titre d’exemple, les passages à l’acte criminel ne sont pas fréquents chez les schizophrènes, y compris au moment de leurs délires. Il importe aussi de distinguer les troubles psychiques des troubles de la personnalité ou du comportement. Ces derniers, en

21. F.ROUSSEAU, L’imputation de la responsabilité pénale, op. cit., no 6, p. 9.

22. Le trouble mental peut consister en une maladie de l’intelligence congénitale, consécutive à une maladie, à un accident.

23. De nombreux psychanalystes dans la continuité de Mélanie Klein, John Bowlby, Donald Winnicott, Michael Balint, Joyce Mac Dougall, Michèle Monjauze, chacun à sa manière, ont affirmé, à partir d’observations cliniques, que nous avons tous une part psychotique dans notre fonctionnement psychique.

(15)

13

étant susceptibles d’accroître considérablement la dangerosité de l’individu

24

, ne doivent pas être mis en relation avec l’existence d’une pathologie mentale avérée. D’ailleurs, dans la mesure où ils ne se manifestent pas sous la forme de délires pouvant faire perdre toute conscience rationnelle à l’individu, ces troubles ne peuvent en aucun cas abolir son discernement ou sa responsabilité

25

. Par exemple, des troubles du comportement de nature sexuelle sont particulièrement apparents dans le cas de certains pédophiles. Finalement, la problématique de la distinction entre troubles psychiques ou neuropsychiques et troubles de la personnalité ou du comportement est éludée par la prise en compte des seuls effets du trouble sur l’existence du discernement de l’agent. La seule exception à la prise en compte des effets du trouble consiste dans l’engagement de la responsabilité pénale de l’agent lorsque l’abolition du discernement est consécutive à une intoxication volontaire

26

. Finalement, on ne peut qu’approuver un tel choix législatif dans la mesure où la discussion sur l’imputabilité ne saurait se circonscrire à un diagnostic ou à une exclusion de pathologie mentale avérée. Il semble plus fécond d’étudier les caractéristiques psychiques d’un individu, celles qui peuvent atténuer ou, au contraire, aggraver la responsabilité. L’article 122-1, alinéa 1

er

évoque aussi le trouble mental privant l’individu du « contrôle de ses actes ». La nuance ainsi introduite a pour but d’écarter de la sphère pénale des individus qui, tout en comprenant ce qui leur arrive, ne parviennent pas à se dominer. À l’instar d’Emmanuel Dreyer, on peut « douter de l’utilité d’une distinction aussi scrupuleuse »

27

. En effet, ne faut-il pas considérer que

« l’hypothèse du trouble psychique ou neuropsychique privant un individu du contrôle de ses actes sans abolir son discernement relève plutôt de la contrainte morale »

28

? De la même manière, il convient de distinguer entre les troubles mentaux et les troubles du comportement et de la personnalité qui sont quant à eux susceptibles d’accroître considérablement la dangerosité de l’individu

29

. Finalement, il semble permis d’avancer, sur le fondement de l’article 122-1, que le discernement procède d’une acception scientifique et consiste, dans son versant positif, dans la faculté d’interpréter ses actes dans la réalité.

En vertu de l’article 122-8, alinéa 1

er

du Code pénal : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet. » Si le législateur fait du discernement du mineur une condition à l’engagement de sa responsabilité pénale, il ne définit pas plus la notion, que l’on considère l’article 122-8 ou la « loi

24. Cf. infra, partie 2, titre 2, chapitre II pour le lien établi entre l’existence de troubles du comportement ou de la personnalité et la dangerosité sociale d’un individu considéré.

25. Il n’est même pas certain qu’une simple altération du dicsernement soit envisageable en pareilles hypothèses.

26. La Cour de cassation considère que l’influence de l’ivresse sur la responsabilité pénale est une question de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond (cf. par exemple Cass. crim., 14 nov. 1924, Bull. crim., no 381 ; 11 mars 1958, Bull. crim., no 238 ; 5 févr. 1957, Bull. crim., no 112, RSC, 1958, p. 93, obs. A. LEGAL ; Cass. crim. 22 sept. 1999, Bull. crim., no 197, RSC, 2000, p. 386, obs. B. BOULOC. Cf. également B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal et procédure pénale, Sirey, coll. « Intégral concours », 20e éd. 2016, nos 218 et suiv. Nous tenterons d’établir que le maintien de la répression tient, dans cette hypothèse, au rattachement de la faute de l’agent à l’imputabilité (cf. infra).

27. E.DREYER. Droit pénal général, Droit pénal général, Litec, 2016, 4e éd., 792, p. 603, no 785, p. 571.

28. Loc. cit. Cf. également partie 1, titre 1, chapitre II : « La reconfiguration du champ de la condition de liberté relevant de l’imputabilité».

29. Cf. infra, partie 2, titre 2, chapitre II.

(16)

14

particulière » visée par le texte et qui consiste dans l’ordonnance n

o

45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. S’il découle de ces articles que la minorité soulève la question de l’existence du discernement, on retient que « le critère rigide de l’âge »

30

n’a été retenu par le législateur pour déterminer l’existence du discernement. De ce point de vue, la jurisprudence rappelle régulièrement l’insuffisance du critère de l’âge pour apprécier le discernement. Par exemple, La première chambre civile, dans un arrêt du 18 mars 2015, a considéré, au visa des articles 388-1 du Code civil et 388-4 du Code de procédure civile, que devait être cassée la décision d’une cour d’appel qui refuse l’audition d’un enfant mineur en se bornant à se référer à l’âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n’était pas capable de discernement

31

. En vertu de l’article 388-1 du Code civil : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. » Par ailleurs, en application de l’article 338-4 du Code de procédure civile : « Lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d’audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas. » On peut vérifier que la loi a fait le choix de ne préciser aucun âge minimum et se contente d’exiger que l’enfant soit en capacité de comprendre les échanges qui pourront être effectués, qu’il soit « capable de discernement » selon les termes de l’article 388-1 du Code civil. Cependant, le discernement ne fait pas plus l’objet d’une définition légale. En outre, les critères dégagés par la jurisprudence ne permettent pas d’en avoir une vue très claire. Comme le relève Mehdi Kebir, « c’est pour pallier cette difficulté que les juridictions du fond ont tendance à se fonder sur la seule considération de l’âge de l’enfant pour conclure à l’absence de discernement de ce dernier »

32

. Alors que l’on présente souvent l’âge de 7 ans comme l’âge de raison, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient implicitement d’approuver les juridictions du fond d’avoir condamné du chef d’agressions sexuelles aggravées un mineur âgé de 10 ans

33

.

Finalement, il est permis de considérer que le discernement ne procède pas d’une acception morale, comme nous y invitent certaines définitions doctrinales en application desquelles il consisterait à discerner le bien du mal. La révolution du jus naturaliste

34

a consisté à rompre, au nom de la raison, avec le modèle scolastique – associant dogmes chrétiens et philosophie

30. Cf. résumé de la thèse de Carmen Montoir, Les principes supérieurs du droit pénal des mineurs délinquants, thèse Paris-II, 2014.

31. Cass. civ. 1re, 18 mars 2015, no 14-11.392, Bull. I 2015, no 58 ; Dalloz act., 8 avr. 2015, obs. M. KEBIR. Dans cette affaire, un juge aux affaires familiales avait fixé la résidence d’un enfant chez sa mère et aménagé le droit de visite et d’hébergement du père. Au cours d’une instance d’appel, l’enfant avait demandé une audition à la juridiction mais celle-ci rejeta la demande au motif, d’une part, que cet enfant n’était âgé que de 9 ans et n’était donc pas capable de discernement et, d’autre part, que la demande apparaissait contraire à son intérêt. À l’issue d’un pourvoi formé à l’encontre de cette décision, la Cour de cassation décide de censurer les juges du fond au visa des articles 388-1 du Code civil et 338-4 du Code de procédure civile.

Rappelant qu’il résulte de ces textes que, lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d’audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de s’être bornée à se référer à l’âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n’était pas capable de discernement. La cour d’appel s’était donc prononcée par un motif impropre à justifier le refus d’audition.

32. M. KEBIR, « Audition de l’enfant : insuffisance du recours à l’âge pour apprécier le discernement », Dalloz act. 8 avr. 2015. Cf. également sur ce point, A.GOUTTENOIRE,Rép. pr. civ., vo Mineurs, nos 34 et suiv.

33. Cass. crim., 8 juin 2017, no 16-83.345, à paraître au bulletin.

34. Révolution représentée par l’École de droit naturel moderne, à l’âge classique, XVIIe et XVIIIe siècles.

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traditionnelle – hérité du Moyen Âge

35

. Le Moyen Âge avait vu l’apogée du droit canon

36

. Le droit canonique et la notion corrélative de pêché, en contribuant à la spiritualisation de la responsabilité pénale, ont imprégné le droit pénal. Les fondements du droit traditionnel étaient donc religieux

37

. Sous l’influence conjointe du droit naturel et des philosophes du contrat social, il a laissé la place à un droit pénal moderne laïcisé, dont le fondement est la raison et non plus la morale. Aussi, afin de parachever l’une des ruptures épistémologiques du droit, entreprise par la révolution du jus naturaliste, il serait souhaitable d’expurger l’imputabilité de toute référence explicite à la morale en abandonnant les termes de bien et de mal dans la définition du discernement. La référence à ces termes, en plus d’être surannée, ne paraît pas opportune dans une époque où la distinction du droit et de la morale est souvent brouillée ou instrumentalisée. Dans la mesure où la loi peut être perçue comme l’instrument privilégié et opérationnel d’organisation des rapports sociaux

38

, le bien deviendrait le légal et le mal, l’illégal. Il semble qu’il est temps, pour l’imputabilité, de se défaire de ses oripeaux moraux. Finalement, le discernement procède d’une définition unitaire, la diversité provenant de son origine : soit trouble psychique, soit développement de l’intelligence encore insuffisant. Ensuite, il importe seulement de le quantifier, les deux circonstances précitées étant de nature à empêcher l’agent de se représenter les actes dans la réalité.

La notion de volonté est susceptible de se dédoubler en un aspect objectivé et en un aspect subjectif. Plus particulièrement, elle se prête à une double approche à la fois « réaliste » et

« qualitative ». Nous verrons que si cette dernière approche, en renvoyant à l’exigence d’une volonté libre, se rattache à la notion d’imputabilité, la première relève en revanche du domaine de la culpabilité

39

. Cette approche dichotomique de la volonté repose sur l’autonomie de l’imputabilité par rapport à la culpabilité, entendue comme élément psychologique de l’infraction. Au-delà même de ce postulat, nous écarterons ce que l’on pourrait appeler la conception dualiste de l’élément psychologique de l’infraction.

Dans le prolongement de l’acception subjective de l’imputabilité, il est permis de soutenir qu’elle procède d’une conception étroite. Elle ne saurait voir le champ de ses conditions étendu par le rattachement des faits justificatifs dont l’essence objective est établie.

L exclusion d une conception large de l imputabilité supposant un rattachement des faits justificatifs

La distinction, fait justificatif/cause de non-imputabilité, paraît évidente à la lecture des traités et manuels. Pourtant un doute découle de la présentation par le Code pénal de l’ensemble des causes d’exonération de la responsabilité pénale dans un chapitre unique intitulé « Des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité ». Les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité sont listées les unes à la suite des autres

35. Cf. « Prologue », in M. MASSE, J.-P. JEAN et A. GIUDICELLI (dir.), Un droit pénal postmoderne ? Mise en perspective des évolutions et ruptures contemporaines, PUF, coll. « Droit et Justice », 2009, p. 20.

36. Les décisions de l’assemblée des évêques, le concile œcuménique, portaient le nom de « canons ».

37. Cf. « Prologue », in M. MASSE, J.-P. JEAN et A. GIUDICELLI (dir.), Un droit pénal postmoderne ? Mise en perspective des évolutions et ruptures contemporaines, op. cit., p. 21.

38. Notamment parce que la loi est l’expression sacralisée de la volonté générale (cf. ibid).

39. Cf. infra, partie 1, titre 1 : « L’autonomie de l’imputabilité et de la culpabilité entendue strictement ».

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par les articles 122-1 à 122-9

40

du Code pénal, sans qu’une classification particulière ne soit mise en évidence. En d’autres termes, le Code pénal n’utilise pas les expressions de « fait justificatif » ou de « cause de non-imputabilité ». Il traite « pêle-mêle »

41

de tous les moyens de défense dans les articles 122-1 et suivants du Code pénal. Une aide à la catégorisation pouvait être trouvée dans l’ancien article 64 du Code pénal qui disposait : « Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister. » Ce dernier invitait donc à réunir sous la même bannière l’absence de discernement et la contrainte. Le fait est que la présentation actuelle des causes d’exonération masque la spécificité des causes d’irresponsabilité. Or, on sait qu’il est de coutume de les diviser en deux catégories, les faits justificatifs ou causes objectives d’irresponsabilité d’une part, et les causes de non-imputabilité ou causes subjectives d’irresponsabilité d’autre part. Comme leur dénomination doctrinale invite à le penser, les faits justificatifs suppriment, sous certaines conditions, le caractère infractionnel d’un comportement. Bien que leur incidence sur les éléments constitutifs de l’infraction ait fait l’objet de nombreuses controverses doctrinales

42

, la majorité des auteurs rattachent les faits justificatifs à l’élément légal de l’infraction qu’ils neutralisent

43

. Ils font obstacle à la qualification pénale des faits. Traditionnellement, on dénombre au rang de ces causes objectives d’exonération de la responsabilité pénale la légitime défense

44

, l’état de nécessité

45

, l’ordre ou l’autorisation de la loi

46

et le commandement de l’autorité légitime

47

. Il est permis de signaler la création récente du « fait justificatif d’homicide ou de blessures »

48

. À la différence des faits justificatifs, les causes de non-imputabilité n’ont pas pour effet de neutraliser l’élément légal, l’acte demeure en lui-même délictueux : si l’agent échappe à toute sanction, c’est parce que l’infraction qu’il a commise ne peut être mise sur son compte, en raison d’une circonstance qui lui est personnelle. Il peut s’agir d’un trouble psychique ou neuropsychique

49

, de sa minorité

50

ou d’une contrainte

51

. La pertinence de cette division bipartite des causes d’exonération de la responsabilité pénale renvoie à la question d’une

40 . Depuis que la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 a ajouté un fait justificatif concernant les lanceurs d’alerte.

41. C. MARIE, Droit pénal général, Hachette, 2005, no 145, p. 72.

42. La controverse tient notamment au fait que l’existence d’un élément légal est contestée par une partie de la doctrine – en ce sens R.BERNARDINI, Droit pénal général : introduction au droit criminel, théorie générale de la responsabilité pénale, Gualino, 2003, no 331 ; A. DECOCQ, Droit pénal général, A. Colin, 1971, p. 61 ; F. DESPORTES et F.LE GUNEHEC, Droit pénal général, op. cit., no 430 ; M.-L.RASSAT, Droit pénal général, Ellipses, 4e éd., 2017, no 86, p. 91 et 92 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 6e éd., PUF, coll. « Thémis », 2005, p. 104.

43. Cf. notamment B.BOULOC, Droit pénal général, op. cit., no 406 ; P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7e éd., 2004, no 241 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, 5e éd., Paris, PUF, nos 419 et suiv. ; R.MERLE et A.VITU, Traité de droit criminel –Droit pénal général, Cujas 7e éd., 1997, no 438. Un appui à la théorie selon laquelle les faits justificatifs détruisent l’infraction par la neutralisation de son élément légal peut être trouvé dans l’analyse du fait justificatif de l’ordre ou l’autorisation de la loi ou du règlement, prévu à l’article 122-4, alinéa 1er du Code pénal. Ce dernier met en évidence que la violation de la norme pénale peut être légitimée par le législateur.

44. C. pén., art. 122-5 et 122-6.

45. C. pén., art. 122-7.

46. C. pén., art. 122-4, alinéa 1er. 47. C. pén., art. 122-4, alinéa 2.

48. C. pén., art. 122-4-1, créé par la loi no 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

49. C. pén., art. 122-1.

50. C. pén., art. 122-8.

51. C. pén., art. 122-2.

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acception large ou étroite de l’imputabilité. Elle mérite aujourd’hui d’être questionnée en raison de la tendance observée, en jurisprudence à la subjectivisation des faits justificatifs.

L’ampleur de ce phénomène, s’il venait à être avéré, ne pourrait-il pas constituer un argument en faveur du rattachement des faits justificatifs à l’imputabilité ?

S’agissant des frontières externes de l’imputabilité, une partie de la doctrine oscille en effet entre deux conceptions, le terme pouvant être pris dans un sens étroit ou, au contraire, dans un sens plus large. Une acception large de l’imputabilité, ou plutôt de la non-imputabilité, qui aurait vocation à regrouper sous ce vocable des causes d’impunité extérieures à l’agent, doit, selon nous, toujours être écartée. Il importe donc dans le cadre de cette introduction de justifier cette présentation dichotomique des causes d’exonération de la responsabilité pénale en établissant l’exclusion du rattachement des faits justificatifs aux causes de non- imputabilité. Afin d’établir l’extranéité des faits justificatifs du champ de la non-imputabilité, il importe de souligner la permanence de leur caractère objectif malgré la tendance jurisprudentielle à leur subjectivisation et le développement, en doctrine, d’une argumentation en faveur de leur caractère subjectif.

Malgré une approche traditionnellement objective des faits justificatifs, une partie de la doctrine milite en faveur de leur caractère subjectif. Certains auteurs invoquent au soutien de leur argumentation le fondement du mobile légitime. Il faudrait donc tenir compte des mobiles sur le terrain de la justification. Ainsi, c’est précisément le caractère légitime du mobile de l’agent qui ferait réellement disparaître l’infraction

52

. Selon Éric Lepointe, l’intérêt de cette analyse est restreint en ce sens qu’elle ne permet pas de dépasser notablement le cadre alors fixé au domaine de la justification, « dans la mesure où la légitimité du mobile dépend, d’après ces auteurs eux-mêmes, soit des prescriptions légales qui leur reconnaîtraient cette qualité, soit de l’inutilité de la répression »

53

. François Rousseau, qui, dans sa thèse sur L imputation dans la théorie de la responsabilité pénale, souscrit au fondement du mobile légitime relativement aux faits justificatifs, dépasse cette critique en proposant de sortir du cadre des prescriptions égales. Selon l’auteur, la légitimité du mobile légitime, hors le cas du critère formel, ne peut reposer que sur la volonté de servir l’intérêt social. Or, pour établir la réalité de cette donnée subjective, il propose de recourir aux critères matériels de proportion et de nécessité, qui ne sont rien d’autre que les critères légaux actuels de la justification. Par conséquent, le dépassement des critères actuels n’est qu’apparent. Non seulement la prise en compte de la volonté de servir l’intérêt général ne permet pas de sortir du cadre positif de la justification, mais encore, cette condition reste d’essence purement objective

54

. Devant le risque d’arbitraire, il n’est pas possible de recourir à des critères subjectifs pour établir la réalité du mobile légitime. François Rousseau exclut même à cet effet toute possibilité d’une appréciation personnelle de la légitimité du mobile. Il démontre qu’elle est à exclure, qu’elle soit personnelle à l’auteur de l’infraction ou au juge, car elle serait dangereuse et source

52. Cf. par exemple J.-P.GAGNIEUR, Du motif légitime comme fait justificatif, thèse, Paris, 1941.

53. É. LEPOINTE, « Le diagnostic judiciaire des faits justificatifs », op. cit..

54. Cette considération rejoint la démonstration effectuée, dans le cadre de cette étude, selon laquelle la prise en compte exceptionnelle du mobile dans la définition de l’intention n’est pas de nature à subjectiviser l’élément psychologique de l’infraction en raison, précisément, de l’appréhension objective de la notion de mobile par le législateur (cf. partie 1, titre 1, chapitre I).

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d’arbitraire. Ainsi, non seulement le détour par la notion d’intérêt social ne permet pas d’élargir le champ des faits justificatifs, mais surtout, il permet de confirmer la conception objectiviste de la justification.

Un autre argument au caractère subjectif des faits justificatifs réside dans la jurisprudence récente relative à la légitime défense. Elle repose sur la confirmation de la prise en compte de la légitime défense vraisemblable

55

. L’admission par la Cour de cassation que les conditions de la légitime défense n’aient existé que dans l’esprit de celui qui s’est cru agressé, par la prise en compte de la psychologie de l’agent qu’elle implique, pourrait être de nature à subjectiviser, à tout le moins, le fait justificatif de la légitime défense. Nous allons établir que cette approche jurisprudentielle ne fait en réalité que tamiser l’acception objective des faits justificatifs. Autrement dit, la tendance en jurisprudence à la subjectivisation des faits justificatifs ne constitue pas un obstacle au soutien de leur caractère essentiellement objectif.

Pour confirmer la permanence de la conception objective des faits justificatifs, il suffit de garder à l’esprit que la constitution des faits justificatifs se caractérise par la réunion de critères matériels ou objectifs. C’est leur addition qui légitime l’admission de ces causes d’irresponsabilité en venant précisément contrebalancer le choix, effectué en liberté par l’agent, de commettre une infraction. Dans le cas de la légitime défense, il s’agit d’étudier la nécessité et la proportionnalité de l’acte de riposte en le confrontant à l’existence d’un danger actuel ou imminent, autant d’attributs objectifs venant grever l’acte considéré. Ces critères objectifs, matérialisés par les exigences de proportion et de nécessité, transcendent l’ensemble des faits justificatifs, vérifiant ainsi leur nature objective. Ainsi, il en résulte que

« le fondement de l’irresponsabilité pénale résultant de la justification ne peut être trouvé au niveau de l’agent. C’est sur l’acte lui-même qu’il faut concentrer l’attention »

56

. En vertu d’une sorte de parallélisme des formes, cette présentation trouve un écho dans l’analyse des effets des faits justificatifs qui, logiquement, opèrent in rem. En venant neutraliser l’élément légal de l’infraction, ils font perdre aux faits leur qualification juridique, empêchant alors sa

55. Cf. Cass. crim., 8 juill. 2015, no 15-81.916, inédit. La Cour de cassation a décidé qu’est en état de légitime défense celui qui a pu légitimement penser être l’objet d’une attaque. Dans cette affaire, un salarié avait surpris en pleine nuit deux cambrioleurs qui, armés d’un pied-de-biche, étaient venus forcer l’accès du garage automobile de son employeur, où il occupait lui-même un garage de fonction. Un troisième larron qui attendait ses deux acolytes au volant d’un véhicule commençait à s’enfuir en les laissant sur place, puis, se ravisant, faisait une marche arrière à très vive allure afin de les récupérer. Il devait alors heurter violemment le bardage du garage et, la voiture étant l’arrêt, l’un des deux cambrioleurs s’est penché pour se glisser à l’intérieur par l’ouverture d’une vitre abaissée. Le salarié a alors fait feu et la balle a blessé le conducteur, tandis qu’elle tuait l’individu s’efforçant de remonter dans le véhicule. Poursuivi pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le salarié a été déclaré pénalement irresponsable par la juridiction d’instruction, sur le fondement de la présomption de légitime défense de l’article 122-6 (1°) du Code pénal. Le pourvoi formé par la partie civile est rejeté par la Cour de cassation au motif que le salarié

« a tiré un coup de feu proportionnée à l’attaque dont il pouvait légitimement penser faire l’objet ». Or, le salarié s’étant mépris sur les intentions réelles du conducteur, l’agression était simplement imaginaire. Dans la continuité de décisions anciennes (Cass. crim., 7 août 1873, D., 1873, 1, p. 385 ; Cass. crim., 23 juin 1887, Bull. crim., 1887, no 237), la Juridiction suprême admet toujours que les conditions de la légitime défense peuvent n’avoir existé que dans l’esprit de celui qui s’est cru agressé. Il faut cependant établir que son erreur aurait été semblablement commise par une personne raisonnable placée dans la même situation. Malgré cette condition traditionnelle, une apparence d’agression peut être tenue pour réelle en considération de la psychologie de l’agent. Certains auteurs tirent donc argument de cette jurisprudence en faveur du caractère subjectif des faits justificatifs.

56. E.DREYER, Droit pénal général, Litec, op. cit., no 1191 p. 877.

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caractérisation. L’infraction n’est donc plus constituée pour aucune des personnes impliquées dans sa commission. Les faits justificatifs font ainsi obstacle a priori à la répression d’éventuels complices, indépendamment même de l’analyse de leur psychologie, c’est dire le spectre de l’objectivation. Le caractère objectif de la justification est même exacerbé dans le cas de la légitime défense. En effet, son approche objective apparaît plus prégnante encore en raison des présomptions de l’article 122-6 du Code pénal

57

. Finalement, il est permis de tirer argument de la création, par la loi n

o

2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, de l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure, dans un chapitre dédié, nouveau lui aussi, intitulé « Règles d’usage des armes ». Derrière la consécration d’un régime unifié d’usage des armes, commun à l’ensemble des forces de l’ordre et distinct de celui du simple citoyen réagissant en état de simple légitime défense, se cache « le fait justificatif d’homicide ou de blessures »

58

. Cet article autorise les agents à faire usage des armes dans cinq situations dès lors que les conditions d’absolue nécessité ou de stricte proportion seront respectées

59

. En dehors de la légitime défense (1°), les quatre autres situations permettent l’usage des armes, « et donc le recours à une force possiblement meurtrière, hors légitime défense de soi-même ou d’autrui »

60

. On pourrait dire, dans ces dernières hypothèses, que l’exonération de responsabilité pénale puisera sa justification, non plus dans des circonstances de légitime défense, mais dans « un climat de légitime défense »

61

. En d’autres termes, les conditions particulières d’usage des armes retenues par le législateur, hors le cas de la légitime défense proprement dite visée à l’article L. 435-1 (1°) du Code de la sécurité intérieure, conduisent à admettre la légitime défense putative. Un indice était en germe dans

57. En vertu de cet article : « Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte : 1° Pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;

2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »

58. La dénomination de « fait justificatif d’homicide ou de blessures » est empruntée à François Fourment (cf. F. FOURMENT, « La loi no 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique dans ses aspects de droit pénal », Dr. pén., 2017, étude 12).

59. Code de la sécurité intérieure, art. L. 435-1 : « Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l’article L. 211-9, faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :

1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ;

2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ;

3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

5° Dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes. »

60. Ibid.

61. Cette expression est empruntée à François Fourment (F. FOURMENT, op. cit., no 7).

(22)

20

l’objet « curieux »

62

du nouveau texte qui vise à justifier l’usage d’une arme et non pas l’infraction commise au moyen de cette arme. Il est vrai que l’on pourrait aussi considérer que l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure n’énonce pas des hypothèses particulières de légitime défense, hors le cas du 1°, mais des cas où les forces de l’ordre, parce qu’elles portent des armes, sont autorisées à les utiliser. En d’autres termes, l’article L. 435-1 précité procéderait davantage de l’article 122-4 du Code pénal, en vertu duquel le législateur peut imposer ou autoriser un comportement qui est lui-même incriminé par un second texte.

Cependant, cela ne change pas substantiellement l’esprit du texte. Il suffirait alors de considérer que le législateur autorise l’usage des armes, par les forces de l’ordre, dans « un climat de défense ». On parviendrait à la même conclusion selon laquelle la condition d’absolue nécessité et de stricte proportion commune aux cinq cas d’usage des armes visées par l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure apparaît alors comme « de grands mots »

63

susceptibles de masquer l’admission, non plus de la seule légitime défense putative, mais, plus largement, de la « défense putative ». Cette circonstance, en indexant possiblement la justification sur ce qui relève du domaine de la supposition, est de nature à accroître plus encore le caractère abstrait des faits justificatifs, au-delà même du seul cas de la légitime défense. La formule de Roger Merle et d’André Vitu selon laquelle les faits justificatifs « sont des circonstances objectives, indépendantes de la psychologie du délinquant, qui désarment la réaction sociale contre l’infraction pénale »

64

se trouve donc vérifiée. Cela étant, l’étanchéité de cette frontière externe de l’imputabilité sera néanmoins questionnée, et résolue par la négative, dans le cadre d’une confrontation entre les notions de contrainte morale et d’état de nécessité

65

.

La question du rattachement de l état de nécessité aux causes de non-imputabilité L’un des principaux arguments plaidant contre la désolidarisation de l’état de nécessité des autres faits justificatifs réside dans la réunion de tous les faits justificatifs sous la bannière de leurs conditions de nécessité et de proportionnalité. Nous tenterons d’établir que cet argument ne saurait résister à l’analyse approfondie de cette cause d’exonération de la responsabilité pénale. En effet, l’étude de la genèse de l’état de nécessité nous amènera à considérer qu’il ne constitue qu’une hypothèse de contrainte morale

66

. En d’autres termes, il conviendrait de le rattacher aux causes de non-imputabilité existantes. Déjà Paul Cuche, en son temps, regroupait l’étude de la contrainte et de l’état de nécessité qu’il rattachait à l’élément psychologique de l’infraction, tandis qu’il logeait les faits justificatifs dans l’examen de l’élément légal

67

. Il est intéressant de constater que l’auteur associait la contrainte et l’état de nécessité tandis qu’il désolidarisait l’état de nécessité des autres faits justificatifs. D’ailleurs, d’autres indices plaident, a priori, pour le rattachement de l’état de nécessité aux causes de

62. Cette expression est empruntée à Olivier Décima relativement à l’introduction de l’article 122-4-1 du Code pénal par la loi du 3 juin 2016 (O. DECIMA, « Terreur et métamorphose – À propos de la loi no 2016-731 du 3 juin 2016 sur la lutte contre le terrorisme », D., 2016, p. 1826, spéc. p. 1829).

63. F. FOURMENT, op. cit.

64. R.MERLE et A.VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général Traité de droit criminel – Droit pénal général, op. cit., no 431.

65. Cf. partie 1, titre 1, chapitre II. 66. Ibid.

67. P. CUCHE, Précis de droit criminel, Dalloz, coll. « Précis », 1re éd., 1925.

(23)

21

non-imputabilité. L’un d’eux peut être puisé, en dehors du domaine du droit pénal, du côté des règles relatives à la responsabilité civile. L’état de nécessité ne supprime pas la responsabilité civile, contrairement aux autres faits justificatifs. Il partage cette singularité avec le trouble mental, au sujet duquel la doctrine s’accorde quasi unanimement à considérer qu’il constitue une cause de non-imputabilité. Un argument d’ordre pénal, de droit positif, plaide aussi en faveur de la dimension subjective de l’état de nécessité. Il consiste dans le fait qu’à la différence des « autres » faits justificatifs, il suppose, pour être admis, l’absence de faute antérieure de l’agent. Certes, il s’agit d’une condition jurisprudentielle, et non légale, à l’admission de l’état de nécessité. Cependant, il est incontestable qu’elle implique une prise en compte plus approfondie de la psychologie de l’agent.

Finalement, au-delà même de la redéfinition du champ de la liberté psychologique mobilisée dans la définition de l’imputabilité, c’est tout le champ de la liberté relevant de l’imputabilité qui sera reconfiguré, comme en témoignera le rattachement de la liberté de mouvement à la caractérisation de l’infraction

68

. De fait, l’imputabilité n’est pas susceptible de regrouper l’ensemble des causes d’exonération de la responsabilité pénale. Elle procède bien d’une acception étroite d’essence subjective. Une fois ce postulat établi, l’un des enjeux de cette étude va consister à déterminer la place de l’imputabilité. Il s’agit plus précisément de déterminer si elle entre ou non dans la constitution de l’infraction. Si cet élément est de nature, en creux, à participer de l’édification d’une théorie générale de l’infraction

69

, il est aussi susceptible de déterminer le potentiel de l’imputabilité à assumer les défis de l’entrée dans un droit pénal post-moderne. Afin d’en prendre la mesure, il importe préalablement de faire le point sur la donnée infractionnelle, afin d’en cerner les contours.

La potentialité d une inclusion de l imputabilité dans la constitution de l infraction Afin de pouvoir considérer cette potentialité, une nouvelle distinction s’impose concernant les notions d’incrimination et d’infraction, dans la mesure où l’imputabilité ne saurait entrer dans la constitution de l’incrimination.

La responsabilité pénale présuppose l’existence d’une infraction. Bien que constituant la pierre angulaire de la responsabilité pénale, elle n’est pas plus définie par le législateur contemporain. Elle s’entend unanimement en doctrine comme tout fait interdit par la loi pénale sous la menace d’une peine

70

. La notion doit cependant être distinguée de celle d’incrimination. Cette distinction entre les notions d’infraction et d’incrimination est établie en particulier par Jacques-Henri Robert, qui considère que l’incrimination s’entend de la description abstraite d’un comportement interdit par la loi pénale et sanctionné d’une peine, tandis que l’infraction renvoie, quant à elle, au comportement concrètement réalisé par le

68. Cf. partie 1, titre 1, chapitre II.

69. Cette notion n’étant, pas plus que l’imputabilité, définie par le législateur.

70. Cf. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général : introduction au droit criminel, théorie générale de la responsabilité pénale, op. cit., no 326 ; B. BOULOC, Droit pénal général, op. cit., no 98 ; P. CONTE et P. MAISTREDU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7e éd., 2004, no 215 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, op. cit., no 383 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, op. cit., 2015, no 162.

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