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Un partenariat entre médecins et Etat : le «new deal» vaudois

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 22 juin 2011 1373 Dans quelle mesure la Convention cadre

signée entre la Société vaudoise de mé de­

cine (SVM) et le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) mar que­t­elle un tournant dans la gestion des affaires de santé publique vaudoise ?

Pierre­Yves Maillard (PYM) : Cet accord nous a d’abord permis de débloquer cer­

tains dossiers très concrets, notamment celui de la clause du besoin. Ce point précis est d’ailleurs un excellent exemple du change­

ment d’approche qui s’est produit à la suite de la signature du partenariat. Avant, le Dé­

partement décidait, sur la base de chiffres plus ou moins fiables, d’octroyer ou non une autorisation d’installation. Ces chiffres étaient anciens et régulièrement contestés.

Ils ne tenaient compte ni des perspectives de départ à la retraite des praticiens instal­

lés, ni des temps partiels, ni des spécificités des pratiques. Par exemple, il peut y avoir une densité de dermatologues trop impor­

tante, mais personne qui se spécialise dans les maladies de la peau liées au travail. La gestion paritaire de cette problématique avec

la SVM nous donne une vision plus fine et mieux informée sur les réalités du terrain.

Les décisions sont moins contestées. Un nou­

vel état d’esprit s’est mis en place. Et c’est bien là tout l’enjeu de ce partenariat. Loin des recettes habituelles relayées dans les hautes sphères fédérales où des «experts»

ressassent des concepts qui ne tiennent pas la route, il s’agit ici de se confronter aux réalités du terrain, d’accepter que le secteur médical a besoin d’une restructuration et

d’en affronter les conséquences. L’offre de soins doit être réorganisée. L’Etat peut mettre en place des mécanismes de soutien et de facilitation, mais ne peut réformer l’ensem ble seul. Il doit s’appuyer sur les médecins. Pour que cela fonctionne, il faut instaurer de la confiance et un esprit coopératif. C’est toute la promesse de cette Convention cadre, qui, si elle se réalise pleinement, démontrera à quel point des mécanismes de proximité

peuvent apporter des améliorations au sys­

tème de santé qui sont sans commune me­

sure avec des recettes­slogans qui tombent d’en haut.

Pierre­André Repond (PAR) : Il me semble effectivement très important d’insister sur le changement de paradigme que représen te la signature de cette Convention et sur les espoirs qu’elle soulève. Jusqu’à maintenant, les médecins étaient un acteur comme un autre vis­à­vis de l’Etat, une en­

tité que l’on pouvait solliciter à bien plaire si j’ose dire. Les choses sont différentes aujourd’hui. Le partenariat instaure un mécanis­

me de con certation avec un objectif large et audacieux, celui d’équilibrer les différents secteurs de la médecine plutôt que de les opposer. Cela permet d’envisager des pistes de réflexion qui étaient bloquées depuis la rupture, à la suite de l’introduction de la clause du besoin, en 2002, du pacte implicite qui liait l’Etat aux médecins. Au fond, ce partenariat privé­public, signé au plus haut niveau du gouvernement cantonal, restaure

politique de santé

… La convention avec la SVM pose les jalons d’une approche raisonnée du développement de l’offre de soins …

Un partenariat entre médecins et Etat : le «new deal» vaudois

En septembre 2010, la Société vaudoise de médecine (SVM) et le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) du canton de Vaud ratifiaient une Convention cadre réglant les modalités d'un partenariat privé­public unique en son genre. Elle offre, en premier lieu, une solution technique pour régler de manière pragmatique une série de problèmes concrets, au premier rang desquels la relève médicale. Mais ses effets portent bien au­delà. Elle représente une véritable révolution dans l'approche même de l'organisation et de la planification des soins au niveau cantonal. Partenaires de l'Etat, les médecins deviennent une force de proposition dont l'expertise et la con nais sance du terrain sont non seulement valorisées mais en plus écoutées et prises en compte. De l'opposition, on passe au dialogue et à la prise de décision. Avec les réserves d’usage, insiste­t­on du côté des médecins : l’expérimentation durera tant que les acteurs y trouvent leur compte. Une façon de dire qu’ils sont prêts au compromis mais sans se laisser faire pour autant. L'Etat, lui, tire de réels bénéfices de ce partenariat qui débute.

Ses décisions sont étayées de données solides et sont acceptées avec beaucoup moins de réticences. Loin des grandes leçons théoriques fédérales, cette démarche de proxi­

mité ose affronter la complexité croissante de la pratique médicale. Une lune de miel commence qui génère des espoirs complètement renouvelés.

Le canton de Vaud marche­t­il sur la tête ou est­il l'exemple à suivre ? Réponses croisées du réfléchi et lucide Pierre­André Repond, Secrétaire général de la SVM, et du toujours bouillonnant ministre de la Santé vaudois, Pierre­Yves Maillard.

Dossier réalisé par Michael Balavoine et Bertrand Kiefer

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une confiance qui avait disparu. Il pourra peut­être permettre de prendre certains ris­

ques pour repenser l’organisation médicale et surtout – point capital et premier de la dé­

marche – affronter le problème de la relève.

Au­delà des problèmes concrets que la Con vention permet d'aborder de manière rénovée, la démarche de la SVM et du DSAS suggère­t­elle aussi une vision par­

tagée du rôle du médecin au sein de la société ?

PYM: C’est en tout cas ce que je ressens. Le médecin, même le plus farouche libéral et indépendant, est dépositaire de valeurs et d’attentes qui relèvent d’une forme de ser­

vice public. Il est un agent autonome cer­

tes, mais aussi un acteur économique dif­

férent des autres. En lui donnant une auto­

risation de pratique, l’Etat compte sur lui pour des prestations de base, existen­

tielles, qu’il se doit d’assurer pour tout le monde sans distinction d’origines ou de conditions. Et il compte sur son indépen­

dance pour préserver l’action thérapeu­

tique d’influences nuisibles à l’intérêt des patients. Cela justifie que l’Etat assume à l’égard du médecin à la fois un rôle d’auto­

rité de surveillance, mais aussi une relation paritaire ou partenariale, afin de mettre en

place une régulation et un développement rationnels de l’offre de prestations. La dé­

marche est décisive pour l’équilibre de la société. Surtout actuellement. Car des for­

ces économiques puissantes cherchent à entrer dans la dan se. Et ce qui est en dan­

ger, ce n’est ni plus ni moins que l’autono­

mie de décision des mé decins en matière de choix thérapeutiques. Cette autonomie représente la seule possibilité humaine et humaniste d’envisager l’adéquation de la prestation aux besoins du patient, ce pour autant que le médecin soit bien formé.

Pour les milieux d’affaires qui cherchent à s’imposer dans l’offre de soins, il est évi­

dent qu’un corps indépendant, autonome dans ses choix et qui refuse de transmettre des données médicales sensibles, représente un obstacle de taille au profit. L’Etat peut

préserver cette autonomie thérapeutique en l’inscrivant évidem ment dans l’intérêt du patient. La convention avec la SVM va dans ce sens : elle pose les jalons essentiels d’une approche raison née du développe­

ment de l’offre de soins, soit une consoli­

dation de l’offre ambulatoire privée où le

médecin rend des comptes à son patient et est protégé économiquement par l’obliga­

tion de contracter, seule garan te de l’auto­

nomie thérapeutique.

PAR : Là se trouve l’essentiel du change­

ment symbolique. Finalement, par le par­

tenariat, nous essayons d’aborder un pro­

blème par le même côté. Il me semble que les médecins partagent avec l’Etat une vi­

sion de leur métier qui n’est pas ultralibé­

rale. Je crois par contre que, pour préserver cette vision humaniste de la pratique mé­

dicale, il ne s’agit plus seulement, comme auparavant, de défendre l’individu méde­

cin, mais de devenir les protecteurs d’une identité collective qui est en train de se for­

ger. Autrement dit, il faut un pôle ambula­

toire plus fort que celui qui existe aujour­

d’hui pour éviter que d’autres forces, moins humanistes, s’em­

parent justement de ce secteur.

Il y a dix ans, cette médecine n’intéressait pas grand monde.

La donne est différente aujour d’hui. Les convoitises sont plus grandes et pour pro­

téger une offre de soins ambulatoire équi­

table, les forces qui ont des intérêts com­

muns doivent se rassembler. C’est dans ce sens aussi que le partenariat privé­public est utile.

1374 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 22 juin 2011

… La Convention transforme les méde- cins en une force de proposition …

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Concertation, dialogue, discussions : ce par­

tenariat ouvre­t­il la voie à une étatisation de la médecine ?

PAR: La démarche va exactement dans le sens opposé. Cette Convention hisse les mé­

decins à un niveau de partenaire, ce qui est, à mon avis, l’antidote même d’une éta­

tisation. Il faut bien admettre qu’un Etat existe, qu’il a pris, prend et prendra des

initiatives sur lesquelles les médecins ont peu de prises. A partir de ce constat, on peut adopter deux positions : soit s’opposer, avec les conséquences que cela peut entraîner, soit participer et négocier. La Convention transforme les médecins en une force de proposition. Elle offre un cadre pour faire valoir l’expertise médicale et l’expérience du terrain. En somme, elle permet aux mé­

decins de participer, en tout cas au niveau cantonal, aux décisions plutôt que de cons­

tamment les subir.

PYM: Le mot lui­même – «étatisation» – est utilisé à tort et à travers sans que son sens soit compris. L’Etat doit réguler, pla­

nifier et si possible envisager un dévelop­

pement rationnel et prospectif d’un secteur.

Pour être très concret, l’offre médicale doit­

elle être laissée aux seuls incitatifs tarifai­

res ? On sait ce que cela donnerait : des ra­

diologues dans les agglomérations et plus personne pour s’occuper d’une patiente de 77 ans tombée dans son escalier à 11 heures du soir, à Leysin. Laisser uniquement les mécanismes économiques agir n’est donc pas rai sonnable. L’alternative, toute aussi caricaturale, serait : l’Etat décide seul où les méde­

cins vont s’installer et quels ta­

rifs ils doivent pratiquer. On passe d’une vision peu acceptable à une autre qui ne l’est pas davantage. Le parte­

nariat fait le pari qu’un autre chemin est possible. Celui de faire con verger des inci­

tatifs à disposition de l’Etat, par exemple des autorisations d’installation et des ap­

puis économiques, avec les expertises de terrain de la SVM et de ses groupes de spé­

cialistes afin de mettre en place une offre de soins équilibrée.

La démarche pourrait intéresser d'autres cantons. Mais est­elle transposable au ni­

veau fédéral ?

PYM : Oui, par exemple pour la gestion de la formation postgraduée. L’Etat fédéral veut reprendre des compétences qu’il avait trans­

mises à la FMH. Une convention du type de celle que le DSAS a signée avec la SVM éviterait probablement de passer

du tout au tout et de se perdre en chemin. Pour le reste, non. La sécurité de l’approvisionnement en soins est une compétence cantonale et je suis sûr que c’est le bon étage. Même pour un pe­

tit pays de 7 millions d’habitants. La proxi­

mité permet d’éviter, en particulier, qu’en­

tre une bonne idée et sa réalisation, il y ait un temps de latence si grand qu’au final toute entrepri se, aussi avant­gardiste soit­

elle, devienne obsolète. L’échel le cantonale permet aussi de mieux gérer la formation de la relève et son orientation. C’est le chan­

tier décisif que nous menons aujourd’hui.

Pour que le développement de l’offre soit en adéquation avec les besoins réels de la population, nous allons nous appuyer sur les sociétés de spécialistes et passer des conventions avec l’Hôpital universitaire.

PAR : L’idée même du partenariat est de se baser sur les données du terrain. Il s’agit

de rassembler des connaissances déjà épar­

ses au niveau cantonal afin de prendre des décisions concrètes qui font sens. L’éche­

lon supérieur paraît donc compliqué à at­

teindre, surtout pour des organisations comme la SVM, qui ne sont pas en pre­

mière ligne au niveau fédéral. Il me sem­

ble, par contre, que l’on pourrait passer par l’intermédiai re des sociétés de spécialistes, qui, elles, sont également représentées à l’échelle nationale, et pourraient permettre la remontée d’informations intéressantes pour la Confédération.

Ce nouveau partenariat va­t­il également changer la donne vis­à­vis des assurances maladie ?

PYM : Les assurances ont en tout cas inté­

rêt à ce que l’offre médicale ambulatoire soit bien organisée, car elles représentent les seuls payeurs de ce type de prestations.

On pourrait certes imaginer qu’elles devien­

nent elles aussi partenaires, mais il faudrait pour cela que les 64 se mettent d’accord sur une position tarifaire. Ce qui apparaît de plus en plus impossible. Celles qui ont joué le jeu ont d’ailleurs souvent abandonné car elles se sont rapidement rendu compte qu’elles payaient pour les autres...

PAR : Il me semble que, lorsque l’Etat et les médecins donnent un avis consolidé sur une offre de soins, les assurances n’ont d’autre choix que de s’exécuter. Elles peuvent par­

ticiper aux discussions, mais leur mandat premier n’est en tout cas pas de définir le cadre dans lequel s’exerce la médecine. Ce rôle doit être joué par les médecins eux­

mêmes avec le concours de l’Etat. C’est le but principal de cette nouvelle voie choisie par le Canton de Vaud : dépasser les oppo­

sitions dans le cadre d’un partenariat pour développer une offre de soins cohérente et économiquement viable.

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 22 juin 2011 1375

les assurances peuvent participer aux discussions, mais leur mandat premier n’est en tout cas pas de définir le cadre dans lequel s’exerce la médecine

: l’Etat, l’Université et le corps médical.

C’est le chantier décisif de notre partenariat mais aussi une affaire primordiale pour l’équilibre et l’équité de l’offre de soins du canton.»

M. B.

… L’échelle cantonale permet de mieux gérer la formation de la relève …

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