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Soins aigus, jusqu'où aller ?

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Soins aigus, jusqu'où aller ?

RICOU, Bara

Abstract -

RICOU, Bara. Soins aigus, jusqu'où aller ? Revue médicale suisse , 2013, vol. 9, no. 371, p.

278-9

PMID : 23451604

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42348

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278 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 janvier 2013 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 janvier 2013 0 présentation clinique

Anamnèse actuelle

Un homme de 82 ans, connu pour une BPCO sévère, est amené aux urgences des HUG pour détresse respiratoire. A l’admission, le patient est en mauvais état général, amaigri, fébrile à 38,2° C, cya­

nosé (SaO2 à 75%) malgré l’oxygène 10 litres/min, tachypnéique à 38/min avec utilisation massive des muscles acces­

soires, incapable de parler, agité et con­

fus. Il est hypotendu à 85/55 mmHg, ta­

chycarde à 134/min. L’auscultation pul­

monaire révèle un expirium prolongé, des râles bronchiques avec des râles crépi­

tants sur la plage pulmonaire droite.

Les examens paracliniques suggèrent une bronchopneumonie bilobaire droite.

Anamnèse personnelle

• BPCO sévère (VEMS 35% du prédit), sous oxygène 1 litre/min la journée et sous ventilation non invasive (VNI) durant la nuit ;

• hypertension artérielle traitée ;

• insuffisance cardiaque ischémique, frac tion d’éjection 40% ;

• insuffisance artérielle des membres inférieurs ;

• insuffisance rénale chronique (créati­

nine à 125 μmol/l) ;

• traitement habituel : Cosaar 100/12,5 mg, Torem 10 mg/jour, Serevent Diskus 3 x/jour, prednisone 5 mg/jour.

Anamnèse sociale

Vit en EMS depuis deux ans. Il parvient à se déplacer seul dans sa chambre, a besoin d’aide pour aller jusqu’au réfec­

toire pour les repas. Il a un fils de 51 ans et une fille de 47 ans, tous deux mariés avec enfants.

commentaire

Au premier abord, la situation peut pa­

raître simple : une bronchopneumonie.

Toutefois, une analyse plus approfondie montre que s’y cache une situation com­

plexe qui pose des questions fondamen­

tales. En effet, ce patient présente un choc septique sur une infection pulmonaire, une pathologie sévère compromettant sa survie compte tenu de sa situation clinique anté­

rieure, avec de nombreuses comorbidités.

Jusqu’où devons-nous aller ?

Pour pouvoir répondre à cette question essentielle, les étapes suivantes sont incon­

tournables. C’est seulement lorsque nous aurons pu répondre à chacune des ques­

tions suivantes, en admettant parallèlement toute l’incertitude engendrée, que nous pour­

rons répondre plus globalement à la ques­

tion initiale.

• Le patient doit-il être hospitalisé, traité à l’étage ou aux soins intensifs, et pourquoi ?

• Devons-nous lui offrir une VNI continue ou une intubation et une ventilation méca­

nique ?

• Pourra-t-il être un jour sevré du ventila­

teur ?

• Quelles sont les chances qu’il puisse sur- vivre à cet épisode ?

• A quel prix ? Qu’est-ce que le prix à payer pour le patient lui-même ? Est-il d’accord ?

• Et pour l’institution ? Pour la société ?

• Y a-t-il un prix également à considérer pour les soignants ?

Afin de pouvoir répondre à ces questions, il appartient aux médecins de connaître les détails de la vie du patient, mais également un certain nombre de règles et outils déci­

sionnels. Ces derniers permettent de pren­

dre une décision raisonnable en mettant en balance les différents intérêts en jeu.

• La littérature médicale, notamment le pro- nostic vital, mais également le devenir à moyen et long termes de situations clini­

ques similaires ;1

• la loi ;2

• les règles déontologiques internationa les des sociétés savantes ;3,4

• les règles déontologiques suisses : direc- tives de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) ;5,6

• les principes bioéthiques (le respect de l’autonomie, de la bienfaisance, de la non­

malfaisance et de la justice).7

Ces concepts théoriques doivent ensuite être intégrés dans l’histoire de vie du pa­

tient.

Les différentes décisions qu’il va falloir prendre dans cette situation dépendent :

1. du pronostic clinique (éthique – bénéfi­

cience pour le patient) :

a. chances que ce patient a de survivre à son infection pulmonaire ;

b. probabilité de réussir le sevrage du ventilateur ;

c. probabilité d’une extubation possible.

2. Du souhait du patient à subir tous les trai­

tements disponibles (éthique – autonomie du patient) :

a. directives anticipées ; b. représentant thérapeutique ;

c. planification anticipée de soins avec son médecin traitant.

3. Du coût engendré par une telle prise en charge (éthique – justice) ;

• le coût des soins ne comporte pas uni- quement les sommes que représen tent la prise en charge médico­technique, mais également l’implication des soi­

gnants.8

Dans ce cas singulier, les éléments anam­

nestiques cités ci­dessous aggravent non seulement le pronostic vital du patient mais également son pronostic de morbidité s’il survit, à savoir qu’il pourrait peut-être sur­

vivre mais avec un degré de dépendance accru, voire quasi­total, avec l’éventualité d’une trachéotomie permanente.

1. BPCO sévère préexistante nécessitant une oxygénothérapie et une VNI.

2. Degré de dépendance : a. institutionnalisation ;

b. besoin d’aide pour se déplacer.

3. Comorbidités chez un patient âgé en mau vais état général :

a. insuffisance cardiaque ; b. insuffisance rénale ; c. état polyvasculaire.

points controversés

Les décisions concernant un patient dans sa situation singulière dépendent de nom­

breux facteurs. Ainsi, le choix final peut être très différent suivant les équipes consul­

tées ou le moment de la décision. Les solu­

tions peuvent revêtir un aspect extrême ou plutôt de compromis :

• la décision peut être de tout mettre en œuvre et offrir tout ce qui est médicalement possible ;

• elle peut consister à renoncer à entre­

prendre une action de peur de ne pas par­

venir au succès ;

• elle peut également être d’entreprendre même des mesures très agressives, quitte

Soins aigus, jusqu’où aller ?

Quadrimed 2013

B. Ricou

Pr Bara Ricou Soins intensifs Département APSI HUG, 1211 Genève 14 bara.ricou@hcuge.ch

Rev Med Suisse 2013 ; 9 : 278-9

62_63_36917.indd 1 24.01.13 07:05

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0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 janvier 2013 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 janvier 2013 279

Implications pratiques

Les professionnels de la santé, aussi bien infirmiers que médicaux, sont amenés à prendre en charge des patients dont la situation clinique est de plus en plus complexe de par l’âge avancé et les comorbidités

Les progrès de la médecine, notamment des soins d’urgence et de médecine intensive, offrent aujourd’hui des moyens thérapeutiques très performants pour pallier les défail- lances vitales

Cette médecine très technique parvient à surmonter des défaillances transitoires mais elle ne peut garantir une qualité de vie souhaitable ou souhaitée par le patient

Cette médecine est également la plus chère dans toute la structure hospitalière Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’entreprendre tout ce qui peut être entrepris, mais bien ce qui doit être entrepris, et cela en adéquation avec les souhaits du patient mais également selon les connaissances médicales actuelles et les règles en vigueur. En cela, le corps mé- dical a une grande responsabilité qu’il doit vouloir et pouvoir endosser

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Bibliographie

1 Mandell LA, Wunderink RG, Anzueto A, et al. Infec- tious Diseases Society of America/American Thoracic Society consensus guidelines on the management of com- munity-acquired pneumonia in adults. Clin Infect Dis 2007;

44(Suppl. 2):S27-72.

2 Office fédéral de justice. Les différentes formes d’as- sistance au décès et leur réglementation légale. 2010. www.

ejpd.admin.ch/content/ejpd/fr/home/themen/gesellschaft/

ref_gesetzgebung/ref_sterbehilfe/ref_formen_der_sterbe hilfe.html

3 Truog RD, Brock DW, Cook DJ, et al ; for the Task Force on Values, Ethics, and Rationing in Critical Care (VERICC). Rationing in the intensive care unit. Crit Care Med 2006;34:958-63; quiz 971.

4 Société de réanimation de langue française. Limitation et arrêt des traitements en réanimation adulte. Actualisa- tion des recommandations de la Société de réanimation de langue française. Réanimation 2010;19:679-98.

5 Académie suisse des sciences médicales. Directives anti cipées. Directives médico-éthiques 2009. www.samw.

ch/fr/Ethique/Directives/actualite.html

6 Académie suisse des sciences médicales. Prise en charge des patientes et patients en fin de vie. Directives médico- éthiques 2004. www.samw.ch/fr/Ethique/Directives/actua lite.html

7 Beauchamp TL, Childress JF. Principles of biomedical ethics. USA : Oxford University Press, 2008.

8 Piers RD, Azoulay E, Ricou B, et al ; APPROPRICUS

study group of the ethics section of the ESICM. Percep- tions of appropriateness of care among European and Israeli intensive care unit nurses and physicians. JAMA 2011;306:2694-703.

9 Code civil suisse. Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation. 2008 (modification du 19 décembre 2008). www.admin.ch/ch/f/ff/2009/139.pdf 10 Ricou B, Chevrolet JC. Mourir aux soins intensifs.

Med Hyg 2002;60:1318-22.

11 Gardaz V, Doll S, Ricou B. End of life care in intensive care units. Rev Med Suisse 2011;7:2440-3.

12 Lamas D, Rosenbaum L. Freedom from the tyranny of choice – teaching the end-of-life conversation. N Engl J Med 2012;366:1655-7.

à renoncer à poursuivre le traitement, voire interrompre les traitements entrepris après un temps déterminé.

Les questions encore débattues sont de savoir si nous avons le droit ou si nous de­

vons prendre ces décisions, et qui décide finalement.

conclusion

Les règles en vigueur actuelles n’obligent pas les médecins à entreprendre des me­

sures vouées à l’échec ou leur permettent de renoncer lorsque l’objectif escompté devient impossible à atteindre.

Ecrites en dehors de tout contexte clini- que, ces directives sont aisées à compren­

dre et à accepter. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une confrontation réelle, face à des pro­

ches du patient qui implorent de tout mettre en œuvre, quelle que soit l’issue, il est par­

fois difficile de s’en tenir au raisonnement théorique.

Les décisions d’abstention ou retrait thé­

rapeutique sont encore un art, un art médi­

cal à développer au sein de la communauté soignante, et ce avec la collaboration des

patients et familles.

Le nouveau code civil,9 entré en vigueur en janvier 2013, va nous contraindre à re­

mettre en question tout notre savoir­faire et savoir-être dans ces situations particulière­

ment difficiles.

Enfin, après la décision, l’accompagne­

ment des personnes et des patients en fin de vie fait partie intégrante des soins.10,11 L’enseignement des compétences néces­

saires à la prise en charge de fin de vie est possible 12 et devrait être inclus dans le cur riculum des futurs médecins et infir­

mières.

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