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Politiques des télévisions transnationales marocaines

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ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 4, no. 1(7) / 2011: 83-92

Politiques des télévisions transnationales marocaines

Fathallah DAGHMI

Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Poitiers, Angoulême,

Migrinter (UMR 6588) fdaghmi@univ-poitiers.fr

Résumé : Cette contribution est une analyse des offres des télévisions transnationales marocaines destinées aux diasporas. Elle s’intéresse plus particulièrement aux discours et représentations des responsables de ces télévisions.

L’objectif étant de comprendre la nature de l’offre médiatique et les enjeux politiques et économiques qui la guident.

Mots-clés : Identités, diasporas, discours, télévisions transnationales, 2M, SNRT

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Policies of transnational Moroccan television station

Abstract: This work analyses the different televisions stations accessible to Moroccans living outside the country (Diaspora). It is particularly concerned with the discourse and representation of the managers of the stations. The objective is to understand the media available and the political and economic policies that guide them.

Keywords: Identity, Diaspora, discourse, television, 2M, SNRT

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Dans le monde arabe, les grands médias demeurent sous influence étatique. Les observateurs sont souvent partagés sur les changements survenus dans cette région.

On pourrait évoquer d’une part l’ouverture sous la volonté des Etats de l’espace médiatique, le pluralisme, l’avènement de groupes privés, etc. D’autre part, il faudrait rester extrêmement prudent sur la liberté de l’information et d’expression.

Convaincu de l’impossible généralisation d’une telle étude sur l’ensemble du monde arabe1, cette contribution s’intéresse à l’étude de cas du Maroc qui pourrait être un révélateur des caractéristiques des nouveaux dispositifs de médiation dans cette région du monde. Cette étude se caractérise également par la volonté d’envisager la question diasporique du point de vue du pays d’origine. Elle a pour finalité de mettre en exergue les caractéristiques attribuées aux diasporas par les représentations sociales circulant au Maroc ainsi que les politiques médiatiques à leur destination.

De nombreuses recherches2 ont en effet pour objet diasporas et médias (Mattelart, 2007, 2009 ; Rigoni, 2010). Elles s’intéressent de plus en plus aux nouveaux médias et au dynamisme diasporique notamment à travers la création de sites et forums communautaires (Souley Hassane, 2010). Cependant, envisager la question diasporique à partir des dispositifs mis en place par les pays d’origine à destination des « compatriotes » vivant à l’étranger reste un domaine d’étude peu exploré.

Par ailleurs, nous pouvons défendre dès le début de cette analyse l’idée d’une corrélation entre offres médiatiques et constructions culturelles ou identitaires. Les médias donnent des possibilités de développer à distance des formes culturelles véhiculées par différents moyens de communication. Dans une époque marquée par l’omnipotence des technologies de l’information et de la communication, l’identité est de moins en moins transmise par les structures de socialisation habituelles comme la famille, les croyances ou encore le contexte géographique que par les médias (Ollivier, 2007 : 163). L’identité est visible dans les médias, elle est

1 Chaque pays arabe présente des particularités au niveau politique, médiatique, technique et surtout une stratégie singulière de garder des liens ses diasporas.

2 Il s’agit notamment des travaux de l’équipe Minoritymedia qui portent sur l’étude des médias des minorités ethniques en Europe.

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Chaque média, s’adressant à un public diversifié, utilise la catégorisation comme outil de fonctionnement médiatique. La programmation, les angles de traitement et la présentation de l’information révèlent le mode de fonctionnement du média et l’environnement socioéconomique, politique, culturel et historique dans lequel il exerce (Amossy, Herschberg-Pierrot, 1997 : 112). Les médias fonctionnent en général sur des construits frappants et facilement compréhensibles par leurs publics.

Ils puisent « nécessairement dans un stock préexistant de production collective » qu’ils reprennent à leur compte avec des modifications (Amossy, 1991 : 9). Chaque média, présente une image stéréotypée des différentes communautés ethniques, sociales, culturelles qui composent une « communauté » nationale. La diaspora se manifeste, en conséquence, par des signes distinctifs relatifs aux lieux de résidence, aux rapports avec le pays d’origine, à la rencontre avec l’autre et à l’éventuel retour au « pays ».

Dès lors, notre contribution s’appuie sur une étude empirique3 pour approcher les représentations4 des responsables des télévisions marocaines renvoyant vers le Marocain à/de l’étranger comme membre de la « communauté » nationale et public cible des télévisions. En effet, les télévisions marocaines s’intéressent davantage aux diasporas à travers une offre variée et de plus en plus facile d’accès via le satellite, le câble, internet, etc. L’objectif est de cerner les connaissances des responsables de télévisions sur les publics de l’étranger en terme de pratiques culturelles, usages médiatiques et attachement au pays d’origine et qui leur permettent d’y réponde à travers leurs programmes.

Après une brève présentation de l’offre télévisuelle, nous nous intéresserons aux constructions des diasporas dans les discours et représentations des responsables médiatiques. Il sera ensuite question des enjeux politiques du maintien du lien avec les diasporas qui orientent les offres des télévisions marocaines.

3 Notre analyse prend appui sur une enquête de terrain (mai 2009) qui a touché les directeurs de programmation de la SNRT et de 2M. Il s’agit dans ce cadre d’une analyse de contenu des entretiens semi-directifs issus de cette enquête.

4 « Les représentations sont des modalités de pensée pratique, orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social, matériel et idéel.

Le marquage social des contenus ou des processus de représentation et à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, ou communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu’elles servent dans l’interaction avec le monde et les autres » (Jodelet, 1984 : 117).

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1. Importance des offres télévisuelles

L’ère des télévisions transnationales a éveillé l’intérêt des responsables politiques puis médiatiques pour les publics basés à l’étranger. Le choix de s’engager dans l’offre télévisuelle transnationale de plus en plus importante et variée traduit une évolution politique qui ne considère plus la diaspora que sur le plan politique et économique mais de plus en plus sous l’angle culturel. Cependant, si les programmes télévisuels s’exportent relativement sans encombre, chaque média obéit à une stratégie éditoriale, économique et politique qui détermine la nature de l’offre destinée aux publics diasporiques.

1.1. Multiplication des télévisions transnationales

Le marché de l’offre médiatique à destination des publics diasporiques s’est considérablement étoffé ces dernières années. Cette évolution émane des deux entreprises médiatiques contrôlées par l’Etat marocain. Il s’agit des chaines de télévision de la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision (SNRT) et de la Société d’études et de réalisations audiovisuelles (SOREAD)5.

La mission des chaînes du service public au Maroc est la promotion et la sauvegarde du patrimoine culturel audiovisuel national. La SNRT compte désormais une dizaine de chaînes. Elle développe surtout une offre destinée aux publics diasporiques incarnée par trois chaînes de télévision dont Al Maghribiya (la Marocaine)6 qui a pour vocation de s'adresser aux résidents marocains à l'étranger (RME)7. Au niveau de la programmation, Al Maghribia rediffuse une partie des programmes d’Al Aoula et une partie de ceux de 2M.

Al Aoula (TVM) est une chaîne généraliste qui propose une grille de programmes couvrant l'information, le divertissement, le sport et la culture. Elle s’dresse aux publics au Maroc, dans le monde arabe et en Europe. La majorité des programmes sont marocains, arabophone ou doublés en arabe (parfois en Darija le dialecte marocain).

5 L’Etat marocain détient 72% du capital contre 21% pour l’ONA et 7% pour l’actionnariat privé.

6 Toutes les chaînes de télévision concernées par cette étude sont bilingues (arabe et français) à l’exception de Al Maghribia et Al Aoula qui proposent certains programmes en berbère.

7 Appellation adoptée par l’Etat et les médias au Maroc pour désigner les Marocains et leurs descendants vivant à l’étranger (indépendamment de leur statut juridique dans les pays d’accueil). Elle a également pour fonction de garder un « droit » sur ces Marocains d’ailleurs et de consacrer leur appartenance à la « patrie ».

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ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 4, no. 1(7) / 2011 8 Depuis 2010, la SNRT propose Arriyadiya aux publics de l’étranger. La chaîne aux programmes exclusivement sportifs a pour ambition d'être « la chaîne du sport marocain par excellence ». Il s’agit d’événements sportifs nationaux et d'actualité sportive internationale, d’émissions de débat sur le sport au Maroc, etc.

D’autre part, 2M la chaine de la SOREAD possède la deuxième chaine au Maroc 2M (l’Etat marocain détient 72% du capital). 2M Monde diffuse également ses programmes aux publics diasporiques. Sa mission est de « servir l'image du Maroc à l'international et de satisfaire les attentes de nos compatriotes à travers le monde »8. Elle propose une programmation généraliste et diversifiée comprenant l’information, le divertissement, la culture et le sport.

Ainsi, aussi bien la politique de la SNRT que 2M consiste à développer une offre orientée vers les téléspectateurs de l’étranger. Cependant, aucune de leurs chaînes ne propose un contenu conçu pour les publics diasporiques. On se contente de diffuser des programmes « marocains » ou arabophones9 destinés aux publics basés au Maroc.

1.2. Une programmation destinée à tous les « Marocains »

Sur le plan du contenu de l’offre des télévisions marocaines, nous décelons deux niveaux de traitement. Le premier niveau est représenté par des traitements qui s’adressent aussi bien aux publics de l’intérieur qu’à ceux de l’étranger. Le deuxième type de traitement a pour objet les diasporas elles-mêmes.

Ainsi, à travers sa programmation, la SNRT insiste sur sa responsabilité de transmettre des valeurs. Ce positionnement correspond à l’objectif de la télévision publique dont la mission est la mise en application de la politique gouvernementale.

La SNRT assure à travers ses télévisions la défense de l’identité marocaine par une programmation généraliste « fondée sur les valeurs de la civilisation marocaine islamique, arabe et amazigh ainsi que sur les valeurs humanistes universelles »10. La SNRT se donne également comme rôle de faire en sorte que ses programmes soient le reflet des changements politiques11, socioéconomique, culturels au Maroc mais aussi d’accompagner ces changements.

8 http://www.2m.ma

9 Ce type de programmes est proposé aux publics de l’étranger lorsque ces télévisions diffusent des programmes « internationaux » (film, séries, retransmission directe de manifestations sportives, etc.) aux publics basés au Maroc.

10 Ibid., p. 3.

11 Les responsables de la SNRT évoquent principalement le nouveau code de la famille (Moudawana) et l’ouverture politique symbolisée par l’élargissement de la liberté d’expression et le recul de la censure notamment dans le service public.

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Dès lors, cette volonté politique se traduit par une programmation composée d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques marocaines, mais aussi d'émissions d'information, de débat, de documentaires, de magazines sur le Maroc, d'événements sportifs à caractère national, etc.

Quant à 2M, au-delà de sa mission de défense de l’identité marocaine, elle se démarquerait par une programmation de « proximité ». La chaîne a pour ambition de refléter l’évolution du Marocain mais aussi de rendre compte de ces difficultés et de l’accompagner au quotidien. Elle met en scène et valorise le changement et l’évolution semble-t-il considérable du Maroc. L’objectif étant de favoriser le retour des diasporas qui souhaitent participer au développement économique et politique du pays.

Concrètement, cette politique a pour mission de découvrir de nouveaux

« talents » diasporiques. Il s’agit d’émissions qui valorisent la « réussite » des diasporas dans le domaine artistique, scientifique et économique. Par ailleurs, certaines émissions sont susceptibles de maintenir le lien avec la vie quotidienne de la communauté nationale. Il s’agit bien entendu des fictions, des sitcoms, des téléfilms qui s’adressent initialement aux publics du Maroc mais qui peuvent avoir une double fonction à savoir garder le lien avec le pays d’origine, avec les débats qui animent son espace public, avec l’usage évolutif de sa langue, etc.

Toutefois, les diasporas font l’objet de traitements occasionnel correspondant aux événements médiatisés par les chaines de télévision. Il s’agit d’une part des couvertures qui relatent la réussite ou l’ascension sociale des Marocains d’ailleurs12. D’autre part, les diasporas apparaissent lors de faits divers ou d’événements dramatiques liés au racisme, aux discriminations, à la précarité, etc., et des mises en scène notamment dans les banlieues françaises.

2. Diasporas plurielles et enjeux cruciaux

Les responsables des télévisions marocaines admettent incontestablement l’appartenance des publics diasporiques à la communauté nationale. Les diasporas sont représentées à travers des identités multiples. Elles apparaissent tantôt comme une « chance » pour le Maroc tantôt comme une population marquée par la souffrance de l’exil. Cependant, l’importance de la question diasporique pour l’Etat marocain relativise les logiques commerciales de l’offre médiatiques au profit de logiques politiques du maintien du lien avec les diasporas. Cette volonté politique

12 Les exemples des médiatisations mettant en scène les diasporas sont multiples : la réussite des hommes politiques d’origine marocaine en Belgique et aux Pays-Bas, l’élection de M.

Moussaoui à la tête du Conseil français du culte musulman (CFCM) en 2008, « l’affaire » Sarkozy et la « racaille », etc.

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ESSACHESS. Journal for Communication Studies, vol. 4, no. 1(7) / 2011 89 est si forte au point d’engendrer des transformations majeures au niveau du nombre de chaines proposées mais son influence reste faible au niveau de la nature et la qualité des programmes offerts.

2.1. Représentations diversifiées

Gabriel Sheffer (1986) insiste sur la présence de liens forts de la diaspora avec la

« terre d’origine » (homeland) qu’il soit à travers des contacts réels ou symboliques.

Globalement, les responsables des télévisions marocaines décrivent un être diasporique aux identités plurielles. Les diasporas sont tout d’abord identifiées par le la force de leur lien avec le Maroc. On évoque ainsi la transcendance du sentiment national de diasporas considérées au premier chef comme partie intégrante de la communauté nationale13. Le Marocain de l’étranger est fort attaché à son pays d’origine et l’intensité de cet attachement se manifeste lors des grands événements sportifs et culturels organisés dans les pays d’accueil par ou sur le Maroc.

Cependant, le Marocain de l’étranger est un être multiple. Les diverses définitions de la diaspora aboutissent à une sorte de différenciation selon des critères divers14. Il s’agit d’une classification générationnelle qui oppose les anciens immigrés et les nouvelles générations. Une autre catégorisation rappelle l’histoire de l’immigration et les faits divers des banlieues françaises. Elle impose une typologie de trois groupes : élite/intellectuels, anciens et « racaille ».

Par ailleurs, le mouvement de déplacement des populations Nord/Sud sont vraisemblablement à l’aube d’une nouvelle évolution. En effet, la crise financière de 2008, les mutations des rapports de force au niveau mondial tant sur le plan politique qu’économique, la montée des partis d’extrême droite en Europe et la multiplication des débats mettant en scène les migrants principalement musulmans dans les espaces publics poussent de plus en plus de Marocains à envisager le

« retour » au pays. Dans ce contexte, les pays d’origine sont également poussés à reconsidérer la participation des diasporas au développement du pays d’origine.

Dès lors, le Marocain de l’étranger est perçu comme un apport, une plus-value et une expertise15. Il est valorisé notamment de par son contact avec les pays développés. Ce lien augmenterait le savoir faire qu’il pourrait mettre au service de son pays. C’est ainsi que l’apport des diasporas est reconnu non seulement sur le plan économique mais également sur le plan politique et culturel16. Les diasporas

13 SNRT 14 2M.

15 SNRT et 2M.

16 2M.

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sont d’abord décrites comme une chance pour le pays d’origine. Le retour occasionnel ou définitif d’un Marocain porteur de culture démocratique, prétendant à l’élargissement des libertés politiques est considéré comme un moteur de changement au Maroc. Désormais, les générations issues des premiers mouvements d’immigration sont investies de la mission de contribuer au développement de « leur pays ».

L’apport économique, politique et culturel des diasporas reflète au fond les aspirations des Marocains d’aujourd’hui. Il renvoie à l’idée commune d’un Maroc en plein développement, en phase de transition et de changement politique. Cette idée d’ouverture est reprise non seulement par les politiques mais également par les télévisions qui décrivent un pays « grand chantier » sur tous les plans. En conséquence, les diasporas sont partie prenante de cette ouverture. Les responsables des télévisions croient désormais au déclanchement d’un réel processus de changement au Maroc dont les diasporas en seraient un des moteurs.

A contrario, les diasporas sont aussi perçues comme une communauté en souffrance17 compte tenu des problèmes identitaires ou d’intégration. Le Marocain de l’étranger est sujet au mal de vie et à la déception tantôt dans le pays d’accueil tantôt dans le pays d’origine. La différence de son vécu et de sa culture l’expose en permanence à un choc culturel. Ce Marocain est également associé à une communauté ancrée dans la précarité au niveau socioéconomique. Le retour occasionnel du Marocain de l’étranger est marqué par un sentiment de déception provoqué par l’écart considérable au niveau de la gouvernance politique et économique entre le Maroc les pays d’accueil.

2.2. Prépondérance des enjeux politiques

Il parait clair que la politique de l’offre des chaines de télévision est un des volets de la politique de l’Etat marocain en matière de gestion des diasporas. Il s’agit de la partie la plus visible de son déploiement. Afin de mieux expliciter les raisons de l’intérêt capital des diasporas pour le Maroc et de mieux appréhender les politiques expansionnistes des chaînes de télévision transnationales une analyse du contexte permettra sans nul doute de fournir quelques éléments de réponse.

En effet, la télévision publique obéit à un cahier des charges qui consacre la mise en application de la politique de l’Etat (et du Roi) marocain18. L’Etat marocain n’a jamais ménagé ses effort, depuis le début du règne de Hassan II dans les années

17 SNRT et 2M.

18 « La SNRT a pour objet d'assurer l'exécution de la politique de l'Etat dans le domaine de la télévision, de la radio, de la télédiffusion, de la production et de la publicité ». Décret n° 2-06- 34 du 2 moharrem 1427 (1ier février 2006), p. 3.

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1960, de garder un contrôle permanent et une « volonté de ne jamais perdre de vue »19 ces communautés. La dernière preuve en date de l’omniprésence de cette volonté politique est donnée par Mohammed VI lors de son discours de novembre 2007. Le Roi du Maroc trace ainsi les grandes lignes de la « Stratégie de mobilisation en faveur de la Communauté Marocaine Résidant à l’Etranger »20.

Cette politique étatique se décline en divers « axes stratégiques »21. La priorité est donnée à la préservation de l'identité nationale des nouvelles générations, dans ses dimensions linguistique, religieuse et culturelle, ainsi que le renforcement de leur attachement au Maroc. Il est question dans ce sens d’améliorer l’enseignement de la langue et de la culture marocaine, de défendre les intérêts des Marocains du monde, d’optimiser la contribution des « Marocains du monde » au développement économique, social et humain du Maroc, de créer des espaces et des produits culturels dans les pays d’accueil22.

Aussi, le domaine de l’offre médiatique à destination des diasporas est intimement lié aux contextes économique, culturel et historique du Maroc.

Tout d’abord au niveau démographique, la diaspora marocaine représente plus de 3,3 millions de ressortissants, soit l’équivalent de 12% de la population du Maroc23. Le fait nouveau est l’évolution considérable de son nombre ces dix dernières années.

Ainsi, on enregistre une hausse d’environ 100% et une mutation profonde de ses caractéristiques avec la visibilité des nouvelles générations dont les attentes et les exigences sont fortement différentes de leurs aînés.

Au niveau économique, nous constatons la même évolution fulgurante s’agissant de la contribution de la diaspora à l’économie du Maroc. Cette contribution se matérialise par les transferts de fonds qui sont passés de l’ordre de 20 milliards de dhs en 1998 à plus de 57 milliards de dhs en 200724.

En somme, les offres médiatiques destinées aux publics diasporiques obéissent à une logique politique précise. Elles s’inscrivent également dans un contexte de

19 www.marocainsdumonde.gov.ma

20 L’essentiel de ce discours, qui constitue une feuille de route au Ministère chargée de la communauté marocaine résidant à l’étranger, est résumé dans la Note synthétique relative à la Stratégie de mobilisation en faveur de la Communauté Marocaine Résidant à l’Etranger (www.marocainsdumonde.gov.ma).

21 Ibid.

22 Le premier centre culturel marocain en France à Mantes-la-Jolie dont les travaux ont commencé en 2010 en est un exemple.

23 Chiffres officiels du Ministre Déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l’étranger (www.marocainsdumonde.gov.ma)

24 Ibid. 1 euro = 11 Dhs

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mondialisation marqué par la volonté, de plus en plus affichée, des pays de départ de garder le contrôle et de tirer profit de la richesse diasporique mais aussi par les prémisses d’une prise de conscience de son rôle au niveau culturel notamment comme ouverture sur le monde (Algérie, Grèce, Sénégal, Tunisie, Turquie, etc.). Les télévisions transnationales contrôlées par ces Etats s’y intéressent de près même si les offres médiatiques ignorent le plus souvent les demandes, les goûts et les exigences des publics diasporiques. La visée stratégique mais aussi la symbolique du dispositif révèlent des logiques de diffusion indifférenciées de principes, de valeurs et d’identités.

Les nouveaux bouleversements politiques et sociaux dans le monde arabe sont de nature à bousculer nos perceptions de cette région. Les « changements » de régime en Tunisie puis en Egypte depuis le début de l’année 2011 mais également des contextes en ébullition en Algérie, au Yémen, en Jordanie, à Bahreïn et au Maroc réinterrogent le rôle de la télévision dans les constructions des identités des publics arabes aussi bien dans le monde arabe que dans les pays accueillant des diasporas arabes. Il est donc primordial de considérer les logiques d’usages afin de voir ce que font ces publics des offres mises à leur disposition.

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