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Les difficultés de normalisation comptable dans l’espace OHADA

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01902203

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Submitted on 25 Oct 2018

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Les difficultés de normalisation comptable dans l’espace

OHADA

Boniface Bampoky

To cite this version:

Boniface Bampoky. Les difficultés de normalisation comptable dans l’espace OHADA. Accountability, Responsabilités et Comptabilités, May 2016, Poitier, France. pp.cd-rom. �hal-01902203�

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Les difficultés de normalisation comptable

dans l’espace OHADA

Accounting normalization difficulties in the

OHADA zone

Boniface BAMPOKY

Résumé Abstract

Une histoire exhaustive de la normalisation comptable africaine, comorienne, malgache et mauricienne n’est jusque-là pas établie pour permettre de faire la synthèse de toutes les difficultés passées et actuelles qui en découlent et de proposer les conditions d’un normalisateur comptable adapté et accompagnant le développement des États membres de l’OHADA. Suivant une chronologie synthétisant les faits historiques majeurs à la base de l’absence d’une doctrine comptable qui émane des réalités du terrain de l’OHADA, les autorités compétentes sont largement interpellées sur la question. L’histoire, comme une autre méthode de recherche en comptabilité-contrôle, est convoquée.

A comprehensive history of African, Malagasy, Mauritian and from the Comoros accounting standards, has not yet been established to allow to make a summary of all the past and current difficulties arising from it and to propose the conditions for a suitable accounting standard normalization which backs up the development of the OHADA members states. Following a chronology which sums up the major historical facts based on the lack of accounting doctrine coming from the OHADA ground realities, the competent authorities are widely invited to give their opinions about the matter. History, as another research method in accounting and control, is concerned.

MOTS CLÉS.

SYSCOHADA, SYSCOA, norme comptable, plan comptable, doctrine comptable

KEYWORDS.

SYSCOHADA, SYSCOA, accounting standard, accounting plan, accounting doctrine

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Introduction

Vingt ans après son élaboration, la réglementation comptable dans l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), créée en 1993, doit être revue étant donné les changements qui ont eu lieu dans le contexte économique et social depuis son adoption. Plusieurs éléments sont à l’origine de ce constat. On relève de nombreuses instabilités dans les institutions conçues pour piloter le développement, de plus, les réalités et les expériences d’intégration économique ne sont pas uniformes à l’intérieur de l’OHADA. L’organisation regroupe l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) composée de 8 pays, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui regroupe à la fois des pays francophones,1 des pays anglophones2 et des pays lusophones3, la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) regroupant 6 pays d’Afrique centrale. Le Traité4 créant l’UEMOA a été signé5 en 1994, son objectif a été de compléter le traité de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA)6 créée en 1962. Tous les pays de la zone Franc, créée en 1939, n’ont pas adhéré au départ, ainsi l’adhésion du Togo a eu lieu en 1963, celle du Mali en 1984. Par contre, la Mauritanie a quitté la zone « franc », et donc l’UMOA, en 1973. Rappelons que la Guinée (Conakry) s’est retirée de la zone « Franc » dès 1960 et que la Guinée Équatoriale en fait partie depuis 1985. La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), devenue banque de l’UEMOA, a été créée en 1959 par les pays fondateurs de l’UMOA, elle se substituait à l’Institut d’Émission de l’Afrique Occidentale Française et du Togo. Parallèlement, la même année, la Banque Centrale des États de l'Afrique Équatoriale et du Cameroun (BCEAC) a été créée, elle deviendra la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC) en 1972. Egalement dans cette zone, des éléments d’instabilité sont connus avec le retrait de la Guinée (Conakry) de la zone « Franc » dès 1960 et l’intégration de la Guinée Équatoriale en 1985.

1Les pays de l’UEMOA et la Guinée Conakry. 2

Le Nigéria, le Ghana et la Sierra Leone 3

La Guinée Bissau (qui, elle-même, fait partie de l’UEMOA) et le Cap-Vert 4 Banque de France - Rapport Zone franc – 2008.

5 Il a été signé par les chefs d’État du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte-d’Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo,

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Elle regroupait la Côte d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Mauritanie, le Niger et le Sénégal. Les adhésions du Togo et Mali ont eu lieu respectivement en 1963 et en 1984

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Ces structures d’intégration, y compris l’OHADA elle-même, sont donc régies par des traités différents, et sont parfois d’égale importance juridique mais ont des objectifs différents. Comme le souligne Feudjo (2010), le système comptable des pays africains a toujours été le reflet de leur histoire politique et économique. Les difficultés dans la création de structures d’intégration politique, économique et sociale ne favorisent pas la création de structures de normalisation comptable intégrées et viables. Il faut ajouter à cela le fait que les deux zones économiques et monétaires n’ont pas avancé au même rythme.

En 2000, il n’y a pas eu création d’un nouveau système comptable, c’est le SYSCOA qui a été repris dans l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises. La généralisation de ce système s’est faite sans heurts aux pays de l’OHADA (Gouadain et Wade, 2009), le vocable devenu approprié pour ce système de comptabilité désormais commun à 17 pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique Centrale et de l’Océan Indien est celui de Système Comptable OHADA (SYSCOHADA). Le règlement ainsi que le cadre conceptuel du SYSCOA ont été reconduits dans l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises.

L’opération a été effectuée sans créer véritablement les organes fédérateurs de contrôle capables d’insuffler des contributions doctrinales structurées et partagées en vue de faire évoluer la norme. L’effort de normalisation s’est poursuivi par recours à des consultants et dans une absence totale de doctrine comptable purement autochtone (reflet de toutes les réalités culturelles et contextuelles). Après la promulgation de l’Acte Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises, le SYSCOA et les textes réglementaires portant son application au sein de l’UEMOA ne sont pas officiellement abrogés, laissant ainsi entrevoir la coexistence de deux systèmes de comptabilité appartenant à deux espaces économiques régis par des traités différents. Or, du point de vue spatial, l’UEMOA est un sous-ensemble de l’espace OHADA et se révèle un plus dynamique en termes de réformes que l’OHADA, avec la présence de quelques organes intervenant dans la normalisation comme le Conseil Comptable Ouest Africain (CCOA) qui est une instance de la commission de l’UEMOA, le conseil des ministres de l’économie de l’UEMOA et la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Ces types d’organes ont été créés un peu tardivement à l’échelle de l’OHADA

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Par ailleurs, le contexte économique a évolué, il est créé en 1996, au sein de l’UEMOA, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) dont l’activité exige une amélioration de la qualité de l’information comptable et financière et le recours aux comptes consolidés. L’existence d’un marché financier explique la nécessité d’ouverture ou de convergence vers les normes internationales IFRS (International Financial Report Standards). La comptabilité normalisée devient ce que l’on qualifie de « fluide vital des marchés financiers » pour reprendre les termes de Véron (2007) qui précise ainsi que quand on ne peut plus se fier aux données financières, tout l’édifice des marchés est menacé.

A cela il faut ajouter la disparité constatée dans la prise en compte des règles fiscales, le système est appliqué de manière disparate (Bampoky, 2013), or, comme le rappellent Feudjo (2010) et Ngantchou (2011), le Système Comptable OHADA (SYSCOHADA) relève de l’école européenne continentale, c'est-à-dire des pays à tradition fiscale dont les systèmes comptables sont de type « macro-économique » à influence gouvernementale. Le système est juridico-fiscal, il est en principe universel.

Si on ajoute à ces différentes raisons, la volonté de simplifier davantage le montage des états financiers, d’enrichir et de faciliter la lecture de la performance des entreprises (avec une certaine convergence prudente vers les IFRS), on explique les velléités de réforme du système comptable dans la zone UEMOA. Il faut noter qu’à sa création en 1993, l’un des objectifs de l’OHADA était de parvenir à une norme comptable unique. L’UEMOA a avancé plus vite que l’OHADA sur cet objectif. Visiblement, l’Afrique subsaharienne dispose de nombreuses structures d’intégration, ou de projets sous régionaux ou régionaux, qui parfois se superposent, élaborés avec l’aide de coopérants ou de consultants étrangers. Ces projets, bien pensés au cours de leur élaboration, peinent pour l’essentiel à se concrétiser ou à se stabiliser durablement après leur mise en œuvre par les autochtones.

La principale préoccupation de cette recherche est de parvenir à cerner les conditions de mise en place d’un normalisateur comptable OHADA propice. Elle s’appuie sur une enquête visant à mettre en lumière les origines et la nature des difficultés de normalisation comptable dans l’espace OHADA. Dans une perspective historique, il est évident qu’il faut absolument cerner le rôle joué par les institutions (en tant qu’organes) dans l’effort de normalisation depuis les indépendances africaines jusqu’à nos jours. La démarche

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scientifique adoptée consistera à effectuer un diagnostic devant déboucher sur des préconisations normatives.

Un regard critique des travaux de recherche et des archives historiques consultées auprès des instances françaises, africaines, malgaches et mauriciennes de normalisation ou de formation en comptabilité nous a permis de faire la synthèse du processus de normalisation dans l’espace OHADA ainsi que dans d’autres contextes. Les difficultés et les impasses relevées sont de nature à expliquer les goulots d’étranglement actuels dans les pratiques comptables en vigueur dans cet immense espace économique. Pour parvenir à mettre en évidence tous les risques liés aux difficultés de normalisation et harmonisation comptables, le travail s’est également intéressé, dans une approche qualitative, de saisir les attentes des parties prenantes quant à la pertinence/qualité de l’information comptable produite selon la normalisation comptable OHADA.

Cette recherche comporte deux parties. La première a trait au design de la recherche, et la seconde est relative à la revue critique des efforts de normalisation jusque-là consentis dans l’espace OHADA, à l’analyse des difficultés qui en ont découlé et aux perspectives de construction d’un normalisateur comptable adapté.

1. Design de la recherche

Nous précisons dans un premier temps le cadre conceptuel de cette investigation, afin de la situer dans le corpus de la recherche scientifique en comptabilité pour ensuite délimiter notre problématique.

1.1. Cadre conceptuel de la recherche

Les questions qu’il nous paraît de prime abord opportun de régler ici sont celles de savoir : Qu’est-ce qu’un système comptable ? Qu’est-ce qu’une norme ? Qu’est-ce qu’une norme comptable ? Qu’est-ce qu’un système de normalisation comptable ? Pourquoi et comment doit-on normaliser ?

Ensuite, il y a lieu de répondre à une autre question : qu’attend-on d’un normalisateur comptable ?

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Un système de comptabilité peut, selon Nobes et Parker (2012), être entendu comme un ensemble de pratiques d’établissement de rapports financiers utilisés par une entreprise. Par contre, la normalisation, d’après Capron (2007), est le pilier de tout le système comptable, car « elle doit non seulement offrir une certaine rationalité apportant des gages de sérieux et de rigueur aux évaluations, mais elle fournit aux auditeurs légaux les bases à partir desquelles ils pourront fonder leur jugement sur la qualité de l'information comptable délivrée aux tiers » (p. 4). Les éléments constitutif d’un système de normalisation peuvent être : la norme sociale d’application de la norme technique ; les organes de normalisation ou normalisateurs comme l’Autorité des Normes Comptables (ANC) en France, l’International Accounting Standard Bord (IASB) au plan international, le Conseil des Ministres de l’Économie (en Afrique de l’ouest francophone) ; les organes consultatifs comme les Conseils Nationaux de Comptabilité (CNC), le Conseil Comptable Ouest Africain (CCOA) ; les travaux et avis des chercheurs et spécialistes académiques, et des professionnels de la comptabilité.

Une confusion ne doit pas être faite entre les concepts de « normalisation » et de « législation ». Le législateur a, en principe, le dernier mot dans l'adoption de la normalisation (Capron, 2007), tandis que, d’après Milot (1997) cité par Chantiri-Chaudemanche (2009), normaliser la comptabilité c’est mettre en place un langage comptable commun afin de faciliter la communication entre les différents acteurs de la vie économique qui, à un titre ou à un autre, s’intéressent à la comptabilité. Pour Hoarau (2003), la normalisation comptable a pour objet d’établir des règles communes dans le double but d’uniformiser et de rationaliser la présentation des informations comptables susceptibles de satisfaire les besoins présumés de multiples utilisateurs. Il apparaît que la qualité d’un système de normalisation réside bien dans la capacité de fédérer les parties prenantes autour de pratiques ou règles uniformisées, consensuelles répondant effectivement à leurs réels besoins. La normalisation peut, selon Gouadain et Wade (2002), avoir plusieurs sources dont l’importance relative varie d’un pays à l’autre. Son origine peut être publique ou privée d’une part, national, régionale ou internationale de l’autre.

Le travail qui est envisagé ici peut ainsi être situé dans le cadre de la doctrine comptable. La doctrine comptable constitue un ensemble de travaux théoriques qui expriment la pensée des auteurs sur les problèmes généraux de la discipline comptable, des avis et

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recommandations donnés par différents organismes (lexique de gestion et de management par Alain-Charles Martinet et Ahmed Silem). Ces organismes sont ceux de normalisation ou spécialisés en comptabilité. En voulant faire la synthèse des travaux et avis des spécialistes de la comptabilité, nous cherchons, au regard des confusions et des difficultés actuellement constatées dans le processus de normalisation comptable, à remettre en cause le bien fondé de la norme comptable OHADA pour apporter une réflexion sur les mécanismes qui permettent de veiller à sa conformité avec les situations pratiques qu’elle doit gouverner. Si le développement de la norme peut se nourrir de contributions doctrinales, une précaution doit être prise en ce sens que la normalisation comptable semble parfois devenir une créature autonome dont la seule raison d’être est la prolifération (Pigé, 2013). Selon cet auteur, l’hyperspécialisation qu’exige la comptabilité pour la gouvernance des organisations ne pourra nécessairement être suivie par l’ensemble de la profession. Mais dans un autre sens, l’application à la fois de plusieurs pôles de normes pour pallier les difficultés rencontrées sur le terrain peut, selon Savall et Zardet (2005), mettre en péril la gestion des organisations dans la mesure où les acteurs peuvent être pris dans un faisceau de normes contradictoires. La prolifération des normes peut également pousser les acteurs, devant l’acuité des difficultés de leur application, à préférer les contourner ou les transgresser (Bessire et Al., 2010).

Pour Pigé (2011), il est possible de pallier cette situation par la réintroduction du jugement, c’est-à-dire la capacité humaine à prendre une décision en présence de facteurs contingents spécifiques. Khouatra (2004) pense que la normalisation doit être suivie d’une réglementation dans le sens où les normes comptables jugées importantes deviennent d’application obligatoire en vertu de textes législatifs et/ou réglementaires. Il apparaît à présent clair qu’il y a principalement deux types de normes. D’abord, les normes techniques intrinsèques au fonctionnement de la technique comptable : règles, critères, principes ou conventions suivant lesquels se réfère tout enregistrement, jugement, appréciation ou présentation de l’information comptable. Ensuite les normes sociales que sont l’ensemble de règles de conduite qui s’imposent à un groupe social. En comptabilité, les normes sociales permettent de régir les rapports ou relations entre les différentes institutions, de délimiter les pouvoirs des hommes ou des institutions en tant qu’organes à l’intérieur ou à l’extérieur d’un système de comptabilité, et d’imposer la mise en œuvre des normes techniques. En

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général, les normes sociales s’imposent tandis que les normes techniques s’adaptent ou se développent. Les normes sociales en rapport avec la comptabilité, pour permettre l’application des normes techniques, doivent ainsi être organisées au-dessus de ces dernières. Le cadre institutionnel permettant d’imposer l’application des normes techniques peut être de type supranational, et la norme sociale peut prendre la forme d’un accord ou d’un traité ou encore d’une convention internationale avec des organes chargés de trancher les conflits comme les cours internationales. Ce cadre peut être de type national se concrétisant ainsi par des textes réglementaires ou parlementaires. C’est fort de cette considération des faits qu’un système de normalisation comptable se construirait.

Les difficultés de normalisation comptables peuvent émaner d’un problème de conflits de textes législatifs ou de traités dans le temps, de carences que contiennent les normes techniques élaborées puisqu’en déphasage avec les réalités du terrain, ou du caractère peu fédérateur des organes de normalisation en place. Par exemple, Feudjo (2010), en parlant du droit de la concurrence, précise que l’OHADA est un espace économique déjà étoffé de politiques régionales de la concurrence (UEMOA, CEDEAO, CEMAG, etc.) avec des conflits de compétences qui peuvent résulter de la compétence de deux autorités régionales. C’est en cela qu’il convient de voir ce que doit être un bon normalisateur comptable. Celui-ci doit avant tout être légitime, c’est-à-dire reconnu, accepté et respecté par toutes les parties prenantes.

Dans le contexte européen, Raybaud-turrillo (2001) a montré que le degré d’harmonisation comptable dépendait fortement des considérations sociales et politiques, et notamment du degré d’intégration politique de l’Union Européenne. Là, on note le caractère fédérateur d’un normalisateur. Les problèmes d’intégration africaine exposés en introduction montrent à bien des égards les difficultés rencontrées à ce niveau pour harmoniser l’information comptable. Le normalisateur comptable doit ensuite être à même de résister aux pressions. C’est la question de sa souveraineté. Mais la question de la souveraineté a une corrélation forte avec celle de la légitimité. D’après Burlaud et Colasse (2010), un normalisateur doit être doté d’une légitimité politique dont la source est l’élection des membres, d’une légitimité procédurale censée garantir son indépendance et son impartialité, et d’une légitimité substantielle dont la source est la détention d’une expertise à caractère technique ou scientifique reconnue.

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Pour avancer vers le véritable débat, il y a lieu à présent de préciser davantage notre problématique ainsi que l’orientation et l’intérêt de cette investigation empirique.

1.2. Problématique et déroulement temporel de la recherche

Avant d’aborder en profondeur la question de la normalisation comptable OHADA, il est souhaitable de faire au préalable le point sur la nature de la comptabilité pratiquée dans l’OHADA et de partir des constats sur les aspects de la question qui ont déjà fait l’objet d’études.

En effet la nature de la comptabilité OHADA se lit à travers l’implication des institutions fédératrices autochtones dans la conception des plans comptables. La création du SYSCOA dont les textes réglementaires et le plan comptable sont par la suite repris par l’OHADA est née en partie d’un besoin de disposer de statistiques pour la politique économique et monétaire de l’UEMOA. Le SYSCOA devait alimenter la centrale des bilans de la BCEAO et lui permettre de disposer de statistiques pour la construction d’une balance des paiements consolidée. C’est d’ailleurs par ce canal que le besoin de soutien de la France à l’UEMOA, notamment dans la convertibilité de la monnaie de cette union en des monnaies étrangères, se lit. Il s’agit donc d’un modèle de comptabilité à dimension macroéconomique avec une assez forte influence institutionnelle (États, OHADA, UEMOA, BCEAO, etc.), pour reprendre les termes de Ngantchou (2011). Le Système comptable OHADA n’est pas appliqué aux banques et compagnies d’assurance, selon l’article 5 de l’OHADA.

La dimension institutionnelle apparaît comme un élément qui se situe au cœur du processus de normalisation comptable OHADA. Mais les institutions en place ont aussi une histoire de par la manière dont les choses ont évolué chez les États africains jadis colonisés par la France, l’Angleterre, l’Allemagne, etc. Les travaux abordant la normalisation comptable dans une perspective évolutive indiquent bien le lien entre la dimension historique et la dimension institutionnelle dans le processus de normalisation (Colasse et Standish, 1998 ; Hoarau et Teller, 2007 ; etc.). Ce lien se matérialise par l’évolution des besoins d’information comptable chez les utilisateurs. Le passage de l’hétérogénéité des applications du plan OCAM en Afrique à la mise en place du SYSCOA en est un exemple (Gouadain, 2000 ; Bigou-Laré, 2001 ; Causse, 2002), de même que les évolutions constatées dans les normes de l’International Accounting Standard Board (IASB) (Colasse, 2004 et 2009 ; Raffournier, 2011 ;

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etc.) et dans les cadres conceptuels en comptabilité (Miller, 1985 ; Colasse, 1991 et 2000 ; Hoarau, 1992 ; Gélard, 2010 ; Giordano-Spring et Lacroix, 2007 ; Platet-Pierrot, 2009 ; etc.). Si finalement la question de l’incidence de la dimension historique sur le processus de normalisation comptable OHADA reste une piste principale à explorer, plusieurs constats peuvent étayer cela. Premièrement, il est connu que le chiffre comptable ne donne tout à fait pas satisfaction à tous les utilisateurs de l’information comptable (Bampoky, 2013 ; Feudjo, 2010). Pour Feudjo (2010), il se pose le défi de la normalisation et de l’harmonisation des langages des affaires et celui de l’attractivité économique. C’est en ces termes que l’on voit la nécessité d’un normalisateur adapté. Deuxièmement, la capacité de notre système de comptabilité à traduire la représentation réelle de l’entreprise a été testée sur 88 entreprises implantées au Cameroun, et la réforme institutionnelle pour tendre vers l’image fidèle s’avère indispensable (Mballa Atangana, 2016). Il faut alors aller interroger l’histoire pour connaître les raisons qui ont conduit à de telles situations.

Fort de ces constats, trois principales questions complémentaires nous paraissent déterminantes :

- Quelles sont alors les origines précises et les explications réelles des failles qui handicapent le processus de normalisation comptable dans l’OHADA ?

- La dimension historique a-t-elle une incidence notable sur le processus de normalisation actuel ?

- Quel type de normalisateur comptable faudrait-il mettre en place ?

De telles interrogations nous situent dans une perspective historique conduisant au recueil des données relatives au montage des différents plans comptables appliqués par les pays de l’espace OHADA depuis la période coloniale jusqu’aux actuelles tentatives de normalisation interpellant l’expertise autochtone. Les vertus d’une telle démarche peuvent se synthétiser en trois choses. D’abord, d’après Martinet et Payaud (2009) : « L’historicisme met donc l’accent sur la compréhension où la dimension éthique est présente (Schmoller) ou, au contraire, écartée (Weber) mais trouve son unité dans la prise en compte soigneuse de l’évolution des contextes, des institutions en privilégiant l’accumulation de monographies replacées autant que faire se peut dans des périodisations » (p. 33). Ensuite, la méthode en histoire peut s’agir d’une démarche très générale et dialectique faite d’allers et retours de

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l’archive à l’interprétation (Lemarchand et Nikitin, 2013). Enfin, l’histoire est une réalité objective et déjà donnée, que l’historien n’aurait qu’à découvrir par la recherche minutieuse, la critique et le classement rigoureux des faits (Marrou, 1954).

Le recours à l’histoire comme méthode nous permet, au-delà de la connaissance des causes et de la nature des difficultés de normalisation comptables actuelles, de voir comment la dimension historique aurait-elle influé sur le façonnage et la réglementation du système de comptabilité OHADA, si cela est bien le cas. Pour réfléchir sur la manière dont on doit bâtir un normalisateur viable, fiable et garant de la qualité de l’information comptable pour les pays membres de l’OHADA, les attentes des parties prenantes de la norme comptable OHADA doivent par ailleurs être mises en exergue.

L’approche historique est relayée ici par un recueil d’avis des utilisateurs de la norme comptable OHADA. Une analyse manuelle simple du contenu des discours des utilisateurs de la norme comptable OHADA est opérée. Nous avons ainsi tenté, autant que faire se peut, de parcourir un terrain qui couvre l’ensemble de nos besoins en termes d’informations.

En se fondant en partie sur l’explication des pratiques observées en termes de normalisation comptable, une autre source d’inspiration de notre recherche est ainsi la théorie positive de la comptabilité. Le contenu de cette approche a été formulé par Watts et Zimmerman (1978, 1979 et 1986) et le programme de recherche associé se propose d’expliquer les pratiques observées et de prédire les choix comptables effectués avec comme caractéristique la redéfinition de la relation chercheur-objet de recherche et l’exigence d’une validation empirique de toute proposition théorique. Pour Jeanjean et Ramirez (2008), ce paradigme a amené l’approche empirique à supplanter la tradition normative de la recherche comptable. Cette approche, dans cette recherche, nous incite à l’effort de justification des faits historiques trouvés et de validation des résultats de l’étude qualitative exploratoire.

1.3. Terrain de la recherche et recueil d’informations

On s’est rapproché des normalisateurs français comme l’Autorité des Normes Comptables (ANC) pour consulter les anciennes archives sur les plans comptables qui ont été mis œuvre dans l’espace francophone. Les documents ciblés sont en priorité les mémoires d’expertise comptable retraçant l’histoire de la normalisation comptable africaine, malgache et

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mauricienne. On s’est intéressé ensuite à tous les écrits qui relatent les intérêts et les limites de chaque système comptable jusque-là créé. Le même travail est effectué auprès du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables de France, et auprès du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) qui abrite l’Institut National des Techniques Économiques et Comptables (INTEC). Le temps de présence en France a été de 15 jours vécus intensément en termes de recherche (du 28 mars au 11 avril 2016). Par rapport aux sources d’informations étrangères, les archives en ligne du Centre de Documentation des Experts Comptables et Commissaires aux Comptes (CNCC) sont consultées. Nous avons pu retrouver les mémoires d’expertise comptable, les thèses soutenues sur le sujet, les archives d’anciens plans comptables et de journaux officiels.

La recherche documentaire est poursuivie au siège de la BCEAO au Sénégal, et auprès du Conseil National de Comptabilité du Sénégal. Pour ce qui concerne les données portant sur l’OHADA, le site de l’OHADA a fourni toutes les informations complémentaires recherchées. A ces recueils de données sur le terrain, s’ajoute une synthèse des travaux de recherche académique sur l’objet de notre étude.

Mais, les déductions faites à partir de l’interprétation des faits historiques et des archives doivent être confrontées à la réalité pour pouvoir en définitive permettre d’inférer et de tirer des leçons. Une autre étude est réalisée et à consisté à recueillir et à exploiter d’abord les rapports de l’OHADA faisant état des lieux du fonctionnement des Conseils Nationaux de Comptabilité (CNC), leur appui, leur création et leur opérationnalisation dans les Etats-Parties au Traité de l’OHADA en tenant compte des recommandations du programme des rapports sur l’observation des normes et des codes (ROSC) de la Banque Mondiale. Ces rapports, pouvant largement se substituer à une collecte des données sur le terrain auprès des normalisateurs, constituent une étude réalisée sur les 17 pays constitutifs de l’OHADA par le cabinet d’expertise comptable « Ernst & Young ». On trouve dans ces rapports les difficultés perçues par les parties prenantes de la normalisation comptable OHADA sur le terrain et les recommandations faites à l’endroit de la normalisation et l’harmonisation comptables. Dans la mesure où les conflits de compétence dans le processus de normalisation en cours sont nés de l’UEMOA, on s’est saisi du rapport des activités portant révision envisagée du SYSCOA en 2014 (étude réalisée par le Cabinet FIDECA – Oumar

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SAMBE en 2013). Ce rapport porte sur un état des lieux dans les 8 pays constitutifs de l’UEMOA.

L’étude des rapports concernant la situation de tous les pays de l’OHADA devrait ainsi suffire, mais pour parvenir à faire des illustrations à l’aide d’exemples pratiques dans nos démonstrations, le terrain sénégalais est, par proximité objective, choisi pour quelques entrevues qualitatives avec les acteurs qui ont la légitimité d’appréciation du processus de normalisation en cours. Des entrevues ont été effectuées auprès du siège de la BCEAO au Sénégal, du Conseil National de Comptabilité (CNC) du Sénégal, de 3 cabinets d’experts comptables parmi ceux qui sont à la base du SYSCOA révisé, de 3 filiales de firmes multinationales au Sénégal dont les maisons mères disposent de filiales dans plusieurs pays de l’OHADA, de 3 entreprises sénégalaises du secteur public et de 3 autres entreprises sénégalaises du secteur privé. L’une des entreprises privées a fait déjà l’objet d’étude dans le cadre d’une autre recherche (Bampoky, 2013). Les verbatim déjà recueillis auprès de cette entreprise sont empruntés. Il s’agit ainsi d’un échantillon de convenance, dans la mesure où certaines structures comme la BCEAO et les CNC, de par le rôle qu’elles ont joué et qu’elles continuent de jouer dans la normalisation comptable au sein de l’UEMOA, détiennent des informations très importantes. Le choix de 3 entreprises dans chaque secteur (privé, public et étranger) a permis de s’assurer d’une saturation des réponses (c’est-à-dire qu’au-delà de 3 individus et après une vérification par enquête téléphonique auprès des entreprises que l’on connait, les informations collectées ne varient pas), une condition nécessaire pour la généralisation des constats.

Les entretiens en vis-à-vis sont d’une durée de 30 minutes à 1 heure de temps et sont réalisés du 20 juin au 03 août 2016. Les réponses des interviewés sont récapitulées sur un cahier de prise de note. Une analyse manuelle simple de contenu est opérée. Si la normalisation comptable a pour objet d’établir des règles communes de présentation des informations comptables, la comptabilité en est la résultante. C’est pourquoi on peut considérer que les difficultés pratiques constatées dans l’application du système comptable et dans la production d’une information comptable consensuelle et opposable aux tiers peuvent avoir pour source les contradictions dans le processus de normalisation. Il faudrait ainsi, au-delà des analyses focalisées sur la normalisation, aller recenser les effets induits dans l’application sur le terrain du système comptable sous-jacent. L’idée est de voir si la

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comptabilité véhicule en définitive sur le terrain un langage fluide, audible, fiable et partagé, recherché dans la normalisation. C’est cela qui justifie les entretiens réalisés par des questions portant plutôt sur la pratique de la comptabilité OHADA. L’étude de terrain est ainsi faite en deux étapes : l’exploitation des rapports faisant état des difficultés actuelles de normalisation sur le terrain et les points de vue des usagers de la norme comptable OHADA. Pour la deuxième étape de l’étude, le tableau ci-après récapitule les différentes structures auprès desquelles les entrevues sont réalisées, la nature de leur activité, la propriété de leur capital ou leur affiliation et les personnes rencontrées.

Nom de la structure Nature de l’activité Propriété du capital ou affiliation

Personnes rencontrées

BCEAO Banque Centrale de l’UEMOA

8 pays de l’UEMOA Agents de la Direction des Statistiques gérant la

Centrale des Bilans Conseil National de

Comptabilité du Sénégal

Organe local de

normalisation comptable État du Sénégal

3 membres permanents Groupe SONATEL Téléphonie Sénégal, France et privés

locaux et étrangers Chef Comptable SN-HLM Aménagement

immobilier

Sénégal Chef Comptable SENELEC Production d’électricité Sénégal Chef Comptable TOTAL Sénégal Hydrocarbures Français Chef Comptable Sénégalaise Des Eaux

(SDE)

Fourniture d’eau potable Concessionnaire appartenant à Saur International (France)

Chef Comptable

Senegal Protection & Indemnity (P & I)

Assurance maritime Groupe anglais Chef Comptable Cabinet GARECGO Expertise comptable Privé sénégalais Chef de cabinet Cabinet EXCO Expertise comptable Privé sénégalais Chef de cabinet Cabinet CECA Expertise comptable Privé sénégalais Chef de cabinet

PATISEN Production de biens alimentaires

Privé sénégalais Chef Comptable Les Ciments Du Sahel Cimenterie Privé sénégalais Chef Comptable Hôtel Kadiandoumagne Hôtellerie et

restauration

Privé sénégalais Responsable administratif et financier

Les questions basiques semi-ouvertes autour desquelles les entrevues se sont déroulées sont les suivantes :

- Vous arrive-t-il de rencontrer des difficultés dans l’usage du plan comptable OHADA ? De quelle nature ? A quel niveau ?

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- Le plan comptable OHADA est-il véritablement exhaustif en termes de comptes prévus pour l’enregistrement des opérations comptables ?

- Le SYSCOHADA vous pose-t-il un problème de reporting comptable, de consolidation ou de combinaison des comptes ?

- Quelle solution pensez-vous utile pour remédier aux difficultés que vous rencontrez avec l’usage du SYSCOHADA ?

- Si vous collectez et archivez les états financiers des entreprises non financières, notez-vous des difficultés dans leur collecte et dans leur contenu ? Lesquelles ? Et quelles en sont vos attentes ? (cette question est destinée aux agents de la Direction de la

Statistique de la BCEAO travaillant sur la Centrale des Bilans)

La lecture et le classement, suivant une chronologie, des données historiques (archives et bibliographie), ainsi que les résultats de l’analyse du contenu des verbatim d’entretiens ont permis de faire une revue critique des efforts de normalisation jusque-là consentis, et de faire des préconisations normatives en vue d’améliorer le processus de normalisation comptable enclenché au sein de l’OHADA. Les résultats obtenus ont en retour permis de faire des suggestions au plan de la normalisation comptable.

2. Revue critique des efforts de normalisation jusque-là

consentis dans l’espace OHADA et perspectives

Les problèmes institutionnels actuels de normalisation et de perception par les utilisateurs de la pertinence/qualité des informations comptables établies selon la norme OHADA peuvent être interprétés suivant trois grandes périodes. La première correspond à l’immersion des pays de l’OHADA dans les empires coloniaux français, belge, anglais, portugais et allemand. La deuxième période est relative à l’accession de ces États à la souveraineté nationale et les tentatives de prise en main de leur destin par la voie de la coopération verticale avec les anciennes métropoles, et la coopération horizontale qui n’est rien d’autre qu’une autre tentative de regroupement des États issus du joug colonial et qui se voient individuellement légers pour aller de façon dispersée à la quête du développement économique et social. La troisième période est celle de la convergence vers l’émergence économique dont certains États sont encore au début du processus.

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2.1. Les expériences de normalisation avant les indépendances africaines

En regardant la composition de l’OHADA, on y trouve toujours, de par les organes d’intégration créés et les grands ensembles étatiques pilotés par ces organes, le découpage géographique laissé par les anciennes métropoles : l’Afrique Occidentale Française (AOF) que représente aujourd’hui l’UEMOA hormis la Guinée Bissau (ancienne colonie portugaise) qui rejoint l’union en 1997 ; l’Afrique Equatoriale Française et le Cameroun ; l’Île Maurice et les Comores (les pays de l’Océan Indien). Dans cet espace, on notait la présence allemande et britannique, et leur installation est faite entre 1860 et 1870. Le drapeau allemand flottait sur Douala à partir du 14 juillet 1884 après signature de plusieurs Traités germano-douala. De 1884 à 1922, le protectorat allemand s’étend du Lac Tchad aux rives de la Sangha. Les britanniques s’intéressaient au développement du commerce. Ces présences étrangères donnent l’explication des anciens référentiels comptables qui circulaient dans cette espace. D’après Douvier Pedrosa (2010), « la proclamation de l’indépendance des pays d’Afrique a laissé aux africains une doctrine d’inspiration française » (p. 11/138). Avant les indépendances africaines et pour ce qui concerne l’actuel espace francophone OHADA, les plans comptables utilisés ainsi que les principes théoriques attachés aux techniques de comptabilisation sont de source française. Il s’agit des plans comptables de 1947 et de 1957. Avant ces référentiels, la présence allemande a marqué son empreinte, car d’après Feudjo (2010), « Le tout premier plan comptable applicable en France et dans les pays africains (colonies françaises) était le plan allemand conçu en 1937 par Eugen Schmalenbach et mis en application dès 1938 » (p. 150). La remarque fondamentale que l’on peut tirer du récit de cet auteur est que le passage aux plans purement français fut précédé de la création d’une Commission de Normalisation des Comptabilités (CNC) par le décret 46-19 du 4 avril 1946. L’organe de normalisation précède alors la norme technique. Cet organe approuva le plan comptable de 1947.

Le plan comptable de 1947 marque l’émergence d’une normalisation comptable nationale française. Celui-ci a fait l’objet de plusieurs révisions, mais le contenu de base est toujours existant, d’après Obert (2000). La première révision de ce plan en 1957 est suivie de la création du Conseil National de Comptabilité qui va jouer un rôle important dans l’élaboration du droit comptable français. L’application du plan révisé de 1957 est effectuée

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au milieu des 1960 grâce à un texte fiscal (décret du 28 octobre 1965). Ceci marqua l’apparition de l’expression « droit comptable ». La France conforte davantage ses organes de normalisation et la norme sociale (droit comptable) d’application de la norme technique. Ceci est suivi d’une importante réforme du droit des sociétés par la loi du 24 juillet 1966 et le décret du 12 août 1969 qui réglemente le commissariat aux comptes. Le Conseil National de Comptabilité (CNC) et le Comité de la Réglementation Comptable (CRC) créé en 1998 ont été fusionnés par l’Ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 pour créer ainsi l’Autorité des Normes Comptables (ANC). Cette Ordonnance est publiée au Journal Officiel n° 0019 du 23 janvier 2009. L’ANC comprend : un collège de 16 membres, des commissions spécialisées notamment celle chargée des normes comptables privées et celle chargée des normes comptables internationales, un comité consultatif composé de 25 représentants du monde économique et social, et le Président du collège de l’Autorité qui préside le comité consultatif. Les règlements adoptés par l’ANC sont publiés au Journal Officiel de la République française. A côté de cet organe phare de normalisation, on a les organismes professionnels qui ne produisent pas les normes comptables, mais peuvent seulement cependant avoir une influence sur leur production : l’Ordre des Experts-Comptables (OEC) et la Compagnie Nationale de Commissaires aux Comptes (CNCC).

On note une succession logique des événements dans le processus de normalisation comptable française, contrairement aux États de l’OHADA qui ont pris pour l’essentiel leur indépendance en 1960. Cela veut dire que ces États sont allés aux indépendances en conservant et utilisant les mêmes outils comptables qu’en France sans toutefois créer, au fur et à mesure, des organes de normalisation solides et un droit comptable adapté à leur contexte. La dimension historique est donc bien présente dans le processus de normalisation africaine.

Parallèlement, la France n’a pas interrompu son processus de normalisation dans la mesure où le plan de 1957 a été révisé en 1982, corrigeant les lacunes des plans antérieurs. Puis une autre révision de ce plan est intervenue en 1999 sous l’influence des normes internationales IFRS. Le plan comptable général de 1999 a été approuvé par l’Arrêté du 22 juin 1999 portant homologation du règlement 99-03 du Comité de la Réglementation Comptable. La principale innovation de ce plan est l’apparition du droit comptable évolutif. Ainsi Causse (2002) indique-t-elle que la composition des organes de normalisation française a beaucoup évolué

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au cours des deux dernières décennies. Cet auteur précise : « le dispositif institutionnel a été réformé en profondeur puisque la hiérarchie des acteurs semble bousculée » (p. 1). Les tenants et les aboutissants du droit évolutif doivent être synthétisés par les africains pour mieux prendre en charge le caractère évolutif de la norme comptable.

Cependant, le droit comptable né en 1965 était un droit au service de l’État (facilitation des déclarations fiscales, la détermination d’agrégats économiques, droit des sociétés ou droit de la faillite), donc un droit qui n’intègre pas les concepts introduits dans le droit actuel comme la permanence des méthodes, la continuité de l’exploitation et la séparation des exercices. Ce sont toutes ces expériences de droits qu’a bénéficié le plan comptable français de 1982 dont l’innovation majeure apportée est, selon Djambou (1984), la comptabilité analytique avec les objectifs suivants : la connaissance des conditions d’exploitation, l’évaluation de certains éléments du patrimoine, l’explication des résultats. Cette suite logique des événements dans le processus de normalisation française n’a pas été le cas chez les africains. Nous démontrons cela dans le paragraphe ci-après.

2.2. La normalisation comptable dans l’OHADA depuis les indépendances

Les difficultés rencontrées sont soit intrinsèques au processus de normalisation comptable dans l’OHADA, soit nées du développement économique et social inégal et des cheminements différents des pays et zones économiques qui composent l’espace OHADA.

2.2.1. Le processus de normalisation comptable dans l’OHADA

La première tentative de réforme doctrinale en faveur de l’Afrique est le plan OCAM (Organisation de la Communauté Africaine et Malgache, puis Mauricienne avec l’adhésion de l’Île Maurice en 1970 et le retrait de Madagascar en 1973). D’après Douvier Pedrosa (2010), l’OCAM est née en 1965, et constitue le prolongement de l’UAM (Union Africaine et Malgache) créée en septembre 1961 et de l’UAMCE (Union Africaine et Malgache de Coopération Economique). Le plan OCAM, adopté en 1970, introduit dans les États en 1972 et révisé en 1979, prolonge directement, sans passer par la création préalable d’organes de normalisation permanents, les acquis du plan comptable général de 1957. Son objectif est de favoriser l’harmonisation des pratiques comptables, l’intégration et l’indépendance économique des États membres. Ce référentiel a été créé sous l’initiative des chefs d’États

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africains prise en 1968 avec la constitution d’une commission d’experts africains et français réunis à Niamey. On voit là clairement un essai de normalisation par recours aux consultants, témoignant ainsi d’une insuffisance de l’expertise locale. Cette insuffisance dénote la nécessaire urgence préalable d’investir massivement dans la formation des ressources humaines et la création d’organes comptables développeurs.

Le plan Comptable OCAM, bien qu’étant un plan cadre et novateur pour les africains, présente de nombreuses caractéristiques communes avec le plan comptable français de 1982 à cause de leur origine (plan de 1957) et de la méthodologie de leur rédaction (Djambou, 1984), ce qui ressemble plus à une adoption ou une adaptation qu’à une création tenant compte de facteurs contingents spécifiques. Par exemple, les deux plans ont adopté une même philosophie d’ensemble pour déterminer le résultat net comptable.

Les insuffisances notables (selon Djambou, 1984 ; Obert, 2000 ; Feudjo, 2010 ; Douvier Pedrosa, 2010) du plan OCAM procèdent du fait par exemple que ce dernier n’a pas prévu le tableau de financement, ce qui poussa certains pays comme le Sénégal et le Zaïre à le prescrire parmi les documents obligatoires, et ce sont des différences de traitement comptables de cette nature qui posent à terme des difficultés d’harmonisation de l’information comptable et expliquent l’absence d’un normalisateur supranational qui fédèrent les pays autours des mêmes principes. Egalement, le plan comptable OCAM ne s’intéresse pas au calcul de l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) qui constitue un indicateur permettant de mieux apprécier la gestion des unités décentralisées. Certains pays qui appliquaient le plan comptable OCAM comme le Sénégal préconisaient l’inventaire permanent avec toute la bureaucratie que cela nécessitait, tandis que le plan français de 1982 préconisait l’inventaire intermittent. Dans le contexte français, la révision du plan de 1957 n’est achevée qu’en 1982, et cet aboutissement est caractérisé par une série de dispositions réglementaires et législatives à savoir : l’Arrêté du 27 avril 1982 portant sur son application obligatoire pour les exercices ouverts après le 31 décembre 1982, la loi du 30 avril 1983 modifiant et complétant les obligations comptables des commerçants et de certaines sociétés et le décret d’application du 29 novembre 1983.

Dans la plupart des pays concernés, le plan OCAM a été adapté différemment, et c’est ainsi qu’on a eu : le plan OCAM sénégalais, le plan OCAM ivoirien, le plan OCAM béninois, le plan

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OCAM Camerounais, etc. Ainsi Bigou-Laré (2001) précise-t-il que dans certains pays comme le Togo, certaines entreprises avaient même continué à utiliser le plan comptable de 1957, alors que d’autres étaient passées au plan OCAM. Evidemment, il y a absence de normalisateur permanent et de droit comptable commun dans l’ensemble de l’espace africain d’application du plan OCAM. La pluralité des référentiels comptables ne facilitait pas la comparaison des entreprises, ni l’agrégation de l’information comptable pour la politique macro-économique et monétaire dans les espaces géographiques où les pays ont des projets d’intégration économique. Mais il faut souligner que, par rapport à la situation qui prévalait à l’époque où il n’y a pas de référentiel pour l’Afrique, le plan OCAM apparaissait révolutionnaire. Il permettait d’établir les tableaux de flux et d’effectuer des analyses financières assez correctement et facilement. Par le fait qu’il était un plan cadre, il était normal qu’il reçoive des adaptations dans les différents pays. Le problème principal demeure cependant son application difficile dans la plupart des pays.

Ainsi, le besoin d’information économique réelle et agrégée dans les pays de la zone devenait crucial pour la France vers les années 1990 en raison du fait que la république française a conclu de 1960 à 1963 des accords de coopération monétaire avec les États africains. Les bases actuelles de ceux-ci sont passées en novembre 1973 avec les pays de la BCEAO, en novembre 1972 avec les pays de la BEAC et en 1979 avec les Comores (Guillaumont et Guillaumont Jeanneney, 2013). Par ces accords, la France apporte un soutien automatique aux balances des paiements des pays africains par l’intermédiaire des comptes d’opérations ouverts par le Trésor français aux banques centrales des pays. Le besoin d’informations économiques pour la politique monétaire de l’UEMOA poussa la BCEAO à plaider en faveur d’un droit comptable commun aux pays de l’union, ainsi qu’un référentiel comptable unique. Le SYSCOA naquit en 1998. Encore là, la mise en place du SYSCOA a été commanditée par la BCEAO pour ces objectifs cités et non par un organe de normalisation préalablement créé à l’échelle de l’UEMOA. Les études d’un système comptable commun aux pays de l’UEMOA ont débuté en 1994, et ce n’est qu’en 1997 (date ou l’équipe de consultants principalement français avec l’aide de quelques africains a rendu ses travaux) que sont créés le Conseil Comptable Ouest Africain par le Règlement n° 03/97 du Conseil des Ministres (CM) de l’UEMOA, et le Conseil Permanent de la Profession Comptable par le Règlement n° 04/97/CM, comme l’indiquent Nguéma et Klutsch (2010).

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Selon ces auteurs, c’est en décembre 2008 seulement que le règlement instituant une Commission de Normalisation Comptable (CNC-OHADA) auprès du Secrétariat Permanent a été adopté par le Conseil des Ministres de l’OHADA. Avant l’adoption du CNC/OHADA, le SYSCOA est reversé, et le Conseil des Ministres de l’OHADA a adopté 8 ans avant la création du CNC/OHADA l’Acte Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises.

Contrairement à la France, les normes comptables technique et social sont adoptées en Afrique de façon brutale, avant la mise en place des structures de normalisation qui devraient se charger progressivement de leur élaboration et de leur implémentation.

Le résultat est qu’on n’a jusque-là pas une doctrine comptable d’origine africaine, mais une doctrine comptable africaine d’inspiration française. Dans le plan français, on a trois systèmes de comptabilité en fonction de la taille des entreprises : le système de base, le système abrégé et le système développé. Le SYSCOHADA reprend : système minimal de trésorerie, système allégé et système normal. Le plan comptable OHADA intègre la comptabilité de gestion ou analytique, mais en introduisant bien des simplifications comme dans l’évaluation des biens où la méthode « Dernière entrée-Première sortie » est abandonnée. Le SYSCOHADA ne parle que de principes comptables (au nombre de 9), tandis que le plan français distingue les postulats (qui définissent le champ du modèle comptable) et les conventions que sont les règles générales pour guider l’élaboration des documents de synthèse. A côté de ces exemples de spécificités, le SYSCOHADA, d’après Pintaux (2002), mérite l’attention car intégrant les dernières évolutions de la doctrine comptable notamment l’IASB 5. Ceci est dû à l’origine de ses concepteurs. Ainsi, on peut dire que ce système présente à la fois des intérêts et des limites. Pour l’Expert-comptable A. G., « l’intérêt de ce système de comptabilité est d’avoir réuni trois éléments : un cadre conceptuel, un droit comptable et un plan comptable ».

Toutefois, le fait de trop s’inspirer de la doctrine comptable française pour écrire les comptes n’est pas allé sans désagréments sur le terrain, notamment pour ce qui concerne bien des comptes ainsi que de leurs intitulés qui prêtent parfois à confusion ou qui ne trouvent pas de correspondance réelle par rapport aux faits économiques qu’on se propose de décrire. Certains praticiens, comme c’est le cas au sein de l’entreprise « Senegal P & I »,

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avancent les arguments suivants : « On ne voit pas trop l’utilité des comptes « 486 – Créances sur cessions de titres de placements » créé pour enregistrer la ventes de titres de placement qui procèdent, chez l’acquéreur, des opérations de gestion de la trésorerie positive ou des opérations au comptant » (propos d’A. D. G.). Les situations permettant l’usage réel de ce compte ne sont pas connues du terrain local. Par contre, en reprenant les propos des experts (M. F., par exemple), « dans le SYSCOHADA, l’amortissement ne se fait pas par composants, alors qu’on trouve dans des entreprises de pétrochimie des turbines ou des sites qu’on ne peut amortir de façon regroupée : on doit bouger. On risque de regretter d’avoir retarder l’UEMOA sur la réforme envisagée du SYSCOA ». « Le SYSCOHADA, par ailleurs, pose de gros problèmes de reporting et la solution est de tendre vers les IFRS », nous affirme un autre comptable (Monsieur C. S. pour Les Ciments du Sahel).

Par ailleurs, depuis la mise en place du SYSCOHADA, l’espace s’est enrichi de plusieurs implantations d’entreprises étrangères et de création d’entreprises autochtones nouvelles. Avec le développement de la BRVM de l’UEMOA, les entreprises cotées se trouvent face à d’autres obligations financières qui exigent l’évolution du droit et de la technique comptables en place. L’histoire a révélé que les cadres conceptuels des systèmes comptables ont évolué avec les changements de l’environnement économique et social (Hoarau, 2007 ; Véron, 2007 ; etc.).

Dans l’espace OHADA, bien des difficultés de normalisation comptable sont aussi, à y voir de près, imputables aux caractéristiques juridiques, économiques et sociales des pays membres.

2.2.2. L’impact des caractéristiques juridiques, économiques et sociales des pays membres de l’OHADA sur le processus de normalisation

L’OHADA, d’après son rapport de 2016, est composée de trois ensembles économiques et monétaires qui n’ont pas avancé au même rythme. Il s’agit de la CEMAC, de l’UEMOA et des pays qui n’appartiennent à aucun de ces deux ensembles à savoir les Comores, la Guinée (Conakry) et la République Démocratique du Congo (RDC). Ce rapport indique que la Commission de Normalisation Comptable de l’OHADA (CNC/OHADA) n’a pas de déclinaison au niveau de chaque État-Partie. L’UEMOA est dotée de deux organes de normalisation que sont : le Conseil Comptable Ouest-Africain (un organe communautaire) créé le 27 mars ZOO9

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(Règlement n° 02/2009/CM/2009) et les Conseils Nationaux de Comptabilité issus de la Directive n° 03/97/CM/UEMOA du 28 novembre 1997. La CEMAC ne dispose pas à ce jour d’une institution en charge de la normalisation, mais d’un service de normalisation comptable rattachée à une sous-direction des affaires fiscales créée le 18 août 1999 (Règlement n° 5/99/CEMAC-002-CM-02). Au niveau national de la CEMAC, seuls le Tchad et le Gabon disposent d’une Commission Nationale de Normalisation Comptable. Le même rapport de l’OHADA souligne que la CNC/OHADA n’a pas d’équivalent au niveau sous régional, et les autres organes de normalisation comptable existants peuvent entrer en conflit de compétence matérielle et territoriale surtout dans un contexte de coexistence de deux référentiels comptables divergents dans l’UEMOA. La recommandation qui est alors faite est qu’il conviendrait de décider et de définir l’unique source du droit comptable qui devrait s’appliquer et prévaloir dans chaque État-Partie au Traité OHADA. Devant ces difficultés, l’OHADA, après 20 ans d’existence, n’a pas réussi à aplanir les écarts, et rien n’a été fait en ce qui concerne la comptabilité. L’OHADA a seulement repris le SYSCOA.

L’accès à la profession comptable n’est pas facile dans certains pays, surtout ceux qui ont des systèmes éducatifs hypertrophiés et qui font face à des barrières linguistiques comme la Guinée Bissau. Ce pays, ancienne colonie portugaise et actuellement membre très tardif de l’UEMOA, a pour langue officielle le portugais, alors que la langue de l’OHADA est le français. Dans l’UEMOA, il n’est créé qu’une seule école communautaire organisant les examens d’expertise comptable : le Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion (CESAG) implanté au Sénégal. Il est plus facile pour les personnes appartenant aux pays les plus développés de l’union (Côte d’Ivoire et Sénégal) de préparer l’expertise comptable que pour un bissau-guinéen ou un nigérien. La profession comptable est plus développée dans les pays ayant des sociétés cotées. Le Financial Afrik (support africain d’information financière) indique que le nombre d’entreprises cotées à la BRVM de l’UEMOA doit être porté en 2016 à 43. Pour le Sénégal (deuxième pays le plus développé de l’union derrière la Côte d’Ivoire), 3 entreprises sont seulement cotées en 18 ans. L’écrasante majorité des cotations est constituée par les sociétés ivoiriennes. L’implantation des big four est très différente selon les pays. Déjà dans l’empire colonial français, il y avait une spécialisation économique des colonies, donc une division du travail. Aux indépendances, les pays africains sont légataires chacun d’un schéma industriel différent de celui de l’autre. Aujourd’hui, les pays qui ont des sociétés cotées n’ont

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pas les mêmes besoins d’information financière que ceux qui n’en ont pas, ni le même empressement dans la normalisation et l’harmonisation comptables. Cela n’est pas étonnant que, d’après le rapport 2016 de l’OHADA, la Côte d’Ivoire soit présentée comme le seul pays de l’UEMOA à avoir le CNC le plus opérationnel.

On note ainsi un cheminent différent des pays quand on s’aperçoit que le Ghana (ancienne colonie anglaise) dispose d’une bourse alors que la BRVM est commune aux 8 pays de l’UEMOA. De même, les deux principales zones économiques (CEMAC et UEMOA) n’ont pas le même cheminement (banques centrales différentes, Traités différents, etc.) ni le même rythme de développement des institutions communautaires voire de développement économique. Sur le plan de la normalisation comptable, l’UEMOA est plus avancée que la CEMAC avec :

- des Ordres Nationaux des Experts Comptables et Comptables Agréés ;

- des Conseils Nationaux de Comptabilité, pour servir de cadre de concertation et de consultation entre les producteurs et les utilisateurs de l’information comptable ; - des Centres de gestion Agréés, pour assister les opérateurs économiques en matière

de tenue de la comptabilité ;

- un Guichet Spécialisé, pour un dépôt unique des états financiers ;

- un Conseil Comptable Ouest Africain (CCOA), pour poursuivre les travaux de normalisation déjà engagés dans l’UEMOA ;

- un Conseil Permanent de la Profession Comptable (CPPC), pour coordonner l’activité des Ordres Nationaux des Experts Comptables et Comptables Agréés.

Avec ce dispositif, le SYSCOA est en avance sur l’OHADA. La volonté de normaliser et d’harmoniser la comptabilité à l’échelle de l’OHADA ne peut-elle pas alors paraître comme une utopie ? Il existe cependant bien d’autres raisons qui permettent de réfuter l’hypothèse de non aboutissement du processus de normalisation comptable OHADA. La normalisation comptable peut être vue comme une nécessité dans la convergence vers le développement économique.

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2.3. Vers l’émergence économique

On sait avec Douvier Pedrosa (2010) qu’ « aujourd’hui, l’Afrique est en marche et ouvre des perspectives économiques de croissance… Le Brésil, l’Inde, la Chine n’hésitent plus à investir et promouvoir leurs ententes avec la majorité des États africains en scellant leurs relations par des contrats ou ententes de partenariat économiques qui implicitement développent le marché sous régional » (p. 34–45). Ceci pose en comptabilité, la problématique d’usage des comptes consolidés et combinés, ou dans un autre sens l’effectivité simple du reporting comptable. La consolidation s’impose par exemple dans le cas des fusions-acquisitions, lorsqu’une entité est soumise à un autre système comptable. Le comptable de PATISEN (M. T.) affirme : « le problème de reporting ne se pose pas chez-nous dans la mesure où nous sommes une entreprise locale ». Les mêmes propos sont tenus par les comptables (P. B. N. et O. D.) de la SN-HLM et de la SENELEC, des entreprises locales sénégalaises du secteur public. Il est clair que ce sont les entreprises étrangères de type filiales qui sont confrontées à ce problème, et ce sont elles qui constituent le fer de lance des économies africaines. La complexité du reporting a amené les entreprises comme le Groupe SONATEL à mettre en place un « Service Reporting » dont le travail consiste, d’après le comptable (M. D.), « à prendre les balances SYSCOHADA et à observer les variations mensuelles, puis, via l’application « Magnitude », à assurer le déversement à la comptabilité de la maison mère en France ». Pour le compte de TOTAL Sénégal, le Chef Comptable (E. M.) nous explique : « Nous avons un service Contrôle de Gestion et Reporting. La pratique du reporting se fait mensuellement vers la maison mère sur la base d’une plateforme dédiée, puisque nous utilisons le Progiciel de Gestion Intégré SAP ». Dans tous les cas, nous signale-t-on, les données comptables sont retraitées et adaptées aux comptes de la maison mère avant d’être ventilées. Ces maisons mères, en prenant le cas de la France, sont loin dans l’harmonisation internationale par les IFRS.

Nous apprenons, en analysant les discours recueillis, que pour les filiales en Afrique des entreprises comme TOTAL, « P & I », …, les problèmes de reporting existent mais n’apparaissent pas ingérables, car les comptes sociaux sont consolidés selon les règles du pays de la société mère avec une autre codification de regroupement et les normes internationales applicables. Cependant, c’est le contraire, lorsque la maison mère d’une entreprise internationale se situe dans l’OHADA, qui laisse apparaître des problèmes de

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reporting parfois embarrassants. On ne peut donc pas réfuter à tous les points de vue la nécessité d’une certaine convergence vers les IFRS.

Ce qui peut rendre la consolidation plus difficile encore dans ce sens est l’évaluation des éléments immatériels appelés goodwill ou badwill. L’ouverture aux IFRS se révèle ainsi nécessaire pour une harmonisation de l’information comptable. La prévision des évolutions économiques dans le montage du SYSCOA amena, dans la recherche de la pertinence partagée de l’information comptable, à laisser place à un principe d’origine anglo-saxonne à savoir la prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique. Les propos de Ollier (1999) permettent largement d’étayer l’origine de ce principe lorsqu’elle dit : « les pays d’Afrique anciennement colonies britanniques ont une comptabilité qui présente davantage un reflet de l’évolution économique » (p. 67). Ceci n’a pas été le cas dans les pays d’Afrique francophone.

La normalisation comptable en vigueur doit être adaptée suivant le processus d’émergence économique, ce que les concepteurs du SYSCOA avaient pourtant bien compris. Ceci peut être étayé par les propos de Bakhoum (2011) : « l’émergence et le développement fulgurant de législations de la concurrence dans les pays en développement témoignent des vertus supposées ou réelles de telles politiques dans le processus de développement économique » (p. 4). Le droit comptable n’est pas un droit de la concurrence, mais s’il permet la production d’une information financière fiable pour les investisseurs et de sécuriser les investissements, il se situerait à la base de la compétitivité de l’espace OHADA par rapport aux pays qui se situent à l’extérieur de cette zone. Dans cet ordre d’idées, Causse (2002) montre que la comptabilité est bien une arme dans la compétition économique mondiale.

Ce qui ressort aussi de l’interprétation de ces divers propos est qu’avec la mondialisation des activités de production, la normalisation comptable doit être érigée pour favoriser trois types d’investissements dont l’évolution des flux ainsi que leurs fruits nécessitent une comptabilité. Ces investissements sont : les investissements directs, les investissements en portefeuille et les investissements socialement responsables. Pour ce qui concerne la dernière trame d’investissements, les activités des entreprises doivent intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dont les coûts et les avantages peuvent également faire l’objet de mesure par des mécanismes de comptabilisation appropriés. A tout cela s’ajoute les

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