Prévention de la transmission du VIH-1 par le lait maternel au Rwanda
et dépistage précoce des enfants infectés
Dr Cécile Alexandra PELTIER, pédiatre
Promoteurs de thèse de doctorat en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences biomédicales à la faculté de médecine de l’ Université Libre de Bruxelles (ULB):
- Professeur Philippe Lepage, chef de service de pédiatrie - Hôpital Universitaire Des Enfants Reine Fabiola.
- Professeur Jack Levy, chef de service de pédiatrie - CHU Saint-Pierre.
Contenu
Contenu ... 1
Table des illustrations ... 3
Membres du jury ... 4
5 Abréviations ... 5
Traduction française des résumés et articles originaux des deux études ... 6
Résumé général des résultats de ce travail de recherche: ... 8
1 PARTIE I : Prévention de la transmission postnatale du VIH-1 ... 10
1.1 Introduction : ... 10
10 1.1.1 Historique du VIH : ... 10
1.1.2 Dernières données épidémiologiques OMS (2011): ... 11
1.1.3 Transmission du VIH chez l’enfant : ... 13
1.1.4 Moment et facteurs aggravant la transmission du VIH de la mère à l’enfant . ... 14
1.1.5 Particularités pédiatriques de l’évolution de l’infection par le VIH: ... 16
15 1.1.6 Classification clinique ... 19
1.1.7 L’étude AMATA : recherche sur la problématique de l’allaitement maternel des femmes infectées par le VIH dans les pays à bas revenus ... 22
1.1.8 Situation au Rwanda en 2005 (début de l’étude): ... 23
1.1.9 Historique de ce projet de recherche : ... 24
20 1.2.3 Principales études sur le taux de transmission du VIH-1 de la mère a l’enfant des femmes allaitantes ... 26
1.1.10 Objectifs de l’étude de cohorte « AMATA » ... 28
1.2 Méthodologie : ... 28
1.2.1 Type et lieu de l’étude ... 28
1.2.2 Aspects éthiques : ... 29
25 1.2.3 Suivi des patients : ... 33
1.2.4 Techniques de laboratoires et programmes statistiques utilisés : ... 35
1.2.5 Diagnostic d’infection à VIH chez l’enfant : ... 35
2
1.3.2 Population étudiée : ... 38
35 1.3.3 Caractéristiques des femmes de la cohorte AMATA: ... 39
1.3.4 Survie des enfants non infectés de la cohorte « AMATA » ... 41
1.3.5 Analyse de variance ... 42
1.3.6 Causes de décès en fonction du mode d’alimentation : ... 43
1.3.7 Evolution clinique des enfants non infectés selon le mode d’alimentation : ... 43
40 1.3.8 Evolution staturo-pondérale et neurologique des enfants exposés au VIH: ... 44
1.4 Discussion ... 46
1.5 Conclusion de la première partie ... 50
2 PARTIE II : Dépistage clinique précoce des enfants infectés par le VIH ... 51
2.1 Introduction ... 51
45 2.1.1 Historique du projet de recherche au Rwanda : ... 54
2.1.2 Objectifs de l’étude ... 54
2.2 Matériel et méthode : ... 55
2.2.1 Comité d’éthique : ... 55
2.2.2 Méthodes utilisées pour les tests et les analyses : ... 55
50 2.3 Résultats ... 57
2.3.1 Caractéristiques des enfants < 18 mois HIV+ enrôlés dans l’étude ... 57
2.3.2 Sensibilité et spécificité des signes présomptifs de l’OMS pour les enfants âgés de moins 18 mois ayant une sérologie HIV-1 positive à Kigali... 58
2.4 Discussion : ... 58
55 2.5 Conclusion de la deuxième partie : ... 64
Conclusion générale : ... 65
Perspectives futures et projets à développer ... 66
Curriculum vitae ... 67
Remerciements ... 72
60 Références ... 75
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
Table des illustrations
Figure 1 : Résumé épidémiologique de l’épidémie mondiale par le VIH mis à jour en novembre 2011. ... 11
Figure 2 : Nombre d’enfants vivant avec le VIH de 1990 à 2009 ... 11
65 Figure 3 : Nombre d’enfants infectés par le VIH selon les régions en 2010 ... 11
Figure 4 : Image électronique du virus VIH ... 12
Figure 5 : La prévention du virus VIH de la transmission de la mère à l’enfant ... 15
Figure 6 : Charge virale du jeune enfant infecté par le VIH sans traitement antirétroviral ... 16
Figure 7 : Probabilité de décès selon l’âge et le taux de CD4 chez l’enfant ... 17
70 Figure 8 : Courbe des normes du nombre absolu de CD4 en fonction de l’âge de l’enfant non infecté par le VIH : ... 18
Figure 9 : Mortalité en fonction du stade clinique OMS chez l’enfant ... 21
Figure 10 : Recommandations OMS pour la PTME de 2009 ... 25
Figure 11 : Utilisation des antirétroviraux pour traiter la femme enceinte et prévenir l’infection à VIH chez le nourrisson. Résumé analytique. Avril 2012 ... 25
75 Figure 12 : Tableau récapitulatif des études sur la prophylaxie de la transmission du VIH de la mère à l’enfant ... 27
Figure 13 : Tableau récapitulatif des interventions de recherche dans la cohorte AMATA : ... 30
Figure 14 : Caractéristiques des femmes de la cohorte AMATA au Rwanda au moment de l’accouchement ... 39
Figure 15 : La courbe de Kaplan Meir résumant la survie des enfants non infectés de la cohorte « AMATA » ... 41
Figure 16 Analyse de variance selon le modèle de Cox afin d’évaluer les corrélations entre les cofacteurs éventuels de 80 l’infection à VIH ou de décès selon le mode d’alimentation- Rwanda, 2005-2007 (N=508) :... 42
Figure 17 : Courbe d’évolution du poids des enfants selon leur mode d’alimentation ... 44
Figure 18 : Evolution de la taille des enfants selon leur mode d’alimentation et l’âge ... 45
Figure 19 : Evolution psychomotrice selon le mode d’alimentation et l’âge ... 45
Figure 20 : DBS -Prélèvement de quelques gouttes de sang au talon pour un test PCR en utilisant un papier buvard ... 52
85 Figure 21 : Signes présomptifs d’infection par le VIH pour les enfants <18 mois (OMS 2006) ... 53
Figure 22 : Rappel des signes cliniques du stade 4 de l’infection à VIH selon les révisions OMS de 2006 : ... 53
Figure 23 : Caractéristiques des 236 enfants < 18 mois ayant une sérologie HIV+... 57
Figure 24 : Sensibilité, spécificité, VPP et VPN des signes cliniques présomptifs d’infection par le VIH pour les enfants de moins de 18 mois ayant une sérologie VIH positive ... 58 90
Membres du jury
95
Dépôt par Cécile Alexandra Peltier, Docteur en médecine, pédiatre, d’une thèse intitulée:
«Prévention de la transmission du VIH-1 par le lait maternel au Rwanda et dépistage précoce des enfants infectés»
Thèse annexe :
«Splénomégalie tropicale : risque vital lié à la séquestration splénique liée à la splénomégalie palustre hyperactive»
100
en vue de l’obtention du grade académique de Docteur en sciences médicales.
Promoteur : Professeur Philippe Lepage, chef de service de Pédiatrie à l’HUDERF
Co-promoteur : Professeur Jack Levy, chef de service de pédiatrie au CHU Saint-Pierre 105
Jury proposé par la Commission facultaire des Doctorats du 19 avril 2010 :
Président : Professeur Pierre-Alain Gevenois 110
Secrétaire : Professeur Philippe Lepage
Membres du jury :
Professeur Philippe Hennart Professeur Jack Levy
115
Professeur Robert Snoeck Professeur Jean-Paul Van Vooren
Experts extérieurs :
Professeur Lutgarde Lynen (Institut de Médecine Tropicale d’Anvers) 120
Professeur Philippe Van de Perre (CHU de Montpellier)
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
Abréviations
125
AC : Anticorps
ADN : Acide Désoxyribonucléique AM: Allaitement maternel ARN : Acide Ribonucléique ARV : Antirétroviraux 130
AZT : Zidovudine BK : Bacille de Koch
CDC : Centers for Disease Control D4T : Stavudine
EFV : Efavirenz 135
ESTHER : Ensemble Solidarité Thérapeutique Hospitalier en Réseau GE : Gastroentérites
HAART: Highly Active AntiRetroviral Therapy IC : Intervalle de Confiance
IDR : intradermoréaction 140
IO : Infection Opportuniste LA: Lait Artificiel
MPE : Malnutrition Protéino-Energétique
NNRTI : Non-Nucleoside Reverse Transcriptase Inhibitors NRTI : Nucleoside Reverse Transcriptase Inhibitors 145
NVP : Névirapine
OMS : Organisation Mondiale de la Santé PCR: Polymerase Chain Reaction
PTME : Prévention de la Transmission de la Mère à l’Enfant PVVIH : Personne Vivant avec le VIH
150
Traduction française des résumés et articles originaux des deux études
1-Allaitement maternel sous trithérapie antirétrovirale maternelle systématique versus lait artificiel pour la prévention de la transmission postnatale du VIH dans la cohorte AMATA au Rwanda.
160
Peltier Cécile Alexandra, Ndayisaba Gilles François, Lepage Philippe, Van Griensven Johan, Leroy Valériane, Omes Christine, Ndimubanzi Cyaga Patrick, Courteille Olivier, Arendt Vic.
AIDS 2009; 23(18):2415-2423.
But: Etudier la survie à 9 mois en l’absence d’infection par le VIH des enfants nés de mères infectées par le VIH en 165
comparant 2 interventions postnatales de prévention de la transmission de la mère à l’enfant.
Méthode: Etude interventionnelle de cohorte non randomisée en comparant 2 groupes avec un échantillonage précis afin de déceler une différence de 7,5% entre les 2 groupes en visant 95% de survie d’enfants non infectés par le VIH à 9 mois.
170
Participants: Entre mai 2005 et janvier 2007, dans 4 centres de santé, toutes les femmes enceintes infectées par le VIH- 1 ayant marqué leur consentement éclairé, ont été incluses à partir de la 28ème semaine de gestation en recevant une trithérapie antirétrovirale systématique. Elles pouvaient choisir avant l’accouchement le mode d’alimentation de leur nouveau-né après deux séances d’informations détaillées :
175
soit le lait artificiel fourni gratuitement durant 6 mois, soit un allaitement maternel exclusif pour une durée de 6 mois en prenant une trithérapie antirétrovirale quel que soit leur état clinique et immunologique.
Résultats: Cinq cent trente-deux nouveau-nés étaient inclus dans l’étude, 227 (43%) étaient allaités et 305 (57%) recevaient du lait artificiel. Sept enfants ont été infectés par le VIH (1,3%) dont 6 in utero (3 dans chaque groupe). Un 180
enfant a été infecté par l’allaitement entre le mois 3 et 7, correspondant à un risque cumulatif postnatal de transmission de 0,5% [IC95% 0,1–3,4%; P 0,24] avec l’allaitement maternel.
La mortalité à 9 mois n’est pas statistiquement différente dans les 2 groupes avec 3,3% (95% IC 1,6–6,9%) pour les enfants allaités et 5,7% (95% IC 3,6–9,2%) pour les enfants recevant du lait artificiel (P= 0,20).
185
Conclusion: L’allaitement maternel sous trithérapie antirétrovirale est une approche qui permet de réduire très efficacement la transmission du VIH dans les pays à ressources limitées en préservant les nombreux avantages de l’allaitement.
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
190
2-Validation des signes présomptifs proposés par l’OMS pour le diagnostic de l'infection par le VIH-1 sans disposer du test virologique chez les enfants exposés au virus et âgés de moins de 18 mois.
Peltier Cécile Alexandra, Omes Christine, Ndimubanzi Cyaga Patrick, Ndayisaba Gilles François, Stulac Sara, Arendt Vic, Courteille Olivier, Muganga Narcisse, Kayumba Kizito, Van den Ende Jef.
PLoS ONE (2009) 4(4): e5312. doi:10.1371/journal.pone.0005312.
195
Introduction : Les enfants nés de mères infectées par le Virus d’Immunodéficience Humaine (VIH) ont des anticorps maternels persistant parfois jusque l’âge de 18 mois expliquant une sérologie VIH positive même en l’absence d’une infection à VIH. La confirmation de l’infection par le VIH-1 se fait par la mise en évidence du génome viral par un test de polymérisation en chaine (PCR: Polymerase Chain Reaction), test onéreux et non disponible partout. L’Organisation 200
Mondiale de la Santé (OMS) a donc proposé des critères cliniques de présomption d’infection par le VIH pour les enfants de moins de 18 mois ayant une sérologie positive sans preuve virologique. Ces critères présomptifs consistent en 2006 (après une première proposition en 2005), en la présence d’au moins deux des signes suivants: Septicémie, pneumonie sévère, candidose orale ou par la présence d’un seul signe clinique VIH du stade 4 de l’OMS.
205
Méthodologie : Tous les enfants de moins de 18 mois, admis au CHU de Kigali entre janvier 2005 et octobre 2006, avec un test sérologique VIH positive, étaient inclus dans cette étude prospective. Les signes cliniques de présomption d’infection à VIH, le dosage des CD4 et le test VIH par PCR (test étalon or) ont permis d’évaluer la sensibilité et la spécificité de ces signes cliniques.
210
Résultats : Parmi les 236 enfants inclus, 148 (62,7%) présentaient les signes cliniques présomptifs d’infection à VIH.
Parmi ces 148 enfants, 124 (76,6%) étaient infectés par le VIH (PCR+) dont 95 avaient ces signes cliniques positifs dont la moitié était liée à la malnutrition protéino-énergétique (MPE). Cette étude montrait une sensibilité de 76,6% et une spécificité de 52,7% pour ces signes cliniques présomptifs.
215
Conclusion : Le diagnostic clinique de l’infection par le VIH sur base de critères cliniques a une spécificité très basse (52,7%) chez les enfants âgés de moins de 18 mois. Ces signes cliniques peuvent être liés à des facteurs confondants, tels que la tuberculose ou la carence nutritionnelle, voire d’autres facteurs non déterminés.
La possibilité de débuter un traitement antirétroviral sans disposer du résultat d’une PCR VIH est une priorité tout en
Ce travail est réparti en deux parties différentes issues de deux études différentes.
La première partie décrit l’étude AMATA conçue en 2005 au Rwanda, étude prospective basée sur le suivi d’une cohorte répartie en deux groupes d’intervention postnatale. Cette étude avait pour objectif de tester l’hypothèse que
l’allaitement maternel (AM) sous trithérapie antirétrovirale maternelle (HAART) pouvait être une prévention aussi efficace que le lait artificiel (LA) afin de réduire drastiquement la transmission du virus VIH de la mère à l’enfant avec 230
une moindre mortalité infantile. Cette intervention permettait de préserver les avantages de l’AM, connue pour offrir une prévention naturelle minimisant les infections graves, en particulier les gastro-entérites et diminuant le taux de malnutrition protéino-énergétique (MPE). Un groupe d’enfants était allaité exclusivement durant six mois, les mères étant sous trithérapie antirétrovirale systématique et un autre groupe d’enfants était nourri au LA durant les six premiers mois de vie. L’intervention débutait durant la grossesse à partir de la 28ème semaine d’âge gestationnel, une 235
trithérapie antirétrovirale étaient donnée à toutes ces femmes enceintes infectées par le VIH participant à l’étude, quel que soit leur stade immunitaire ou clinique. Cette trithérapie était poursuivie à vie pour les femmes nécessitant cette combinaison de traitements antirétroviraux pour des raisons cliniques et/ou immunitaires et non poursuivie pour les autres femmes, avec un schéma d’interruption minimisant les résistances aux ARVs.
Les critères d’évaluation de comparaison des deux interventions postnatales étaient la survie à 9 mois des enfants non 240
infectés, le taux d’infection par le VIH et la mortalité des enfants dans chaque groupe. La présence de facteurs confondants a été recherchée en effectuant une analyse de variance car la randomisation était impossible pour des raisons éthiques.
Dans l’étude AMATA, parmi les 532 enfants inclus, 227 (43%) étaient allaités et 305 (57%) recevaient du LA, 7 enfants furent infectés par le VIH (1,3%) dont 6 in utero (3 enfants par groupe). Un enfant fut infecté par l’AM correspondant à 245
un risque cumulatif postnatal de 0,5% [IC95% 0,1–3,4%; P 0,24]. Ce taux de transmission reste parmi les plus bas dans un pays à ressources limitées même en comparant avec d’autres études où la trithérapie fut aussi utilisée durant l’AM.
Ces études furent publiées après le début de l’enrôlement des patientes dans l’étude rwandaise AMATA en 2005.
La différence de mortalité à 9 mois n’était pas statistiquement différente dans les 2 groupes avec 3,3% (95% IC 1,6–
6,9%) pour les enfants allaités et 5,7% (95% IC 3,6–9,2%) pour les enfants recevant du LA (P= 0,20).
250
Cette étude renforce la notion que l’AM sous trithérapie antirétrovirale (HAART) reste une approche à recommander dans les contextes où la mortalité infantile est élevée. Cette prévention postnatale permet non seulement de réduire très efficacement la transmission du VIH de la mère à l’enfant tout en préservant les avantages de l’AM en évitant les risques du LA distribué dans des contextes d’hygiène précaire où un accès à l’eau potable est difficile.
Dans cette étude, l’efficacité de ces 2 interventions postnatales était comparable avec des taux de transmission et de 255
mortalité semblables statistiquement.
La deuxième partie de ce travail, basée sur les résultats d’une cohorte d’enfants âgés de moins de 18 mois nés de mères infectées par le VIH permettait d’évaluer les signes cliniques présomptifs proposés par l’OMS en 2005. Ces signes étaient créés afin de pouvoir effectuer le diagnostic clinique d’infection par le VIH chez les enfants exposés au virus VIH dans les pays où les techniques moléculaires de PCR n’étaient pas accessibles. Les enfants nés de mères infectées par le 260
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
VIH peuvent en effet garder des anticorps maternels (AC) acquis par passage trans-placentaire jusqu’à l’âge de 18 mois sans être pourtant contaminés par le VIH/SIDA. Avant cet âge, la confirmation de l’infection par le VIH repose sur la démonstration de la présence d’ADN proviral ou ARN par la technique PCR. La mortalité précoce des nourrissons infectés par le VIH est élevée, il est important de pouvoir bénéficier d’ARVs dès le diagnostic précoce de l’infection.
Les signes cliniques de présomption d’infection par le VIH chez l’enfant exposé (sérologie VIH +) de moins de 18 mois 265
ont été proposés en 2005 par l’OMS et modifiés en 2006 mais ne furent jamais évalués.
Cette étude transversale comprenant 236 enfants de moins de 18 mois ayant une sérologie VIH positive consistait à évaluer la sensibilité (76,6%) et la spécificité (52,7%) de ces signes cliniques en confirmant leur statut infectieux réel par le test PCR pour le VIH, test de référence.
Cette spécificité basse inquiétante était liée aux enfants présentant des signes cliniques similaires pourtant non infectés 270
par le VIH mais souvent carencés par manque d’apport calorique et/ou souffrant d’une forme avancée de tuberculose extra pulmonaire ou d’autres affections chroniques. Ces enfants cachectiques pouvaient présenter les mêmes signes cliniques que les enfants infectés par le VIH car ils avaient une baisse de leur immunité cellulaire due à la MPE.
Dans la première partie de ce travail, l’étude AMATA a montré 2 façons efficaces de diminuer la transmission du VIH 275
de la mère à l’enfant.
Dans la deuxième partie, on a évalué une méthode de diagnostic clinique précoce proposé par l’OMS afin de détecter les enfants infectés par le VIH en l’absence de test virologique PCR mais la basse spécificité indique la nécessité
d’améliorer la séquence diagnostique.
280
1 PARTIE I : Prévention de la transmission postnatale du VIH-1 1.1 Introduction :
1.1.1 Historique du VIH :
Le docteur Michael Gottlieb et ses collègues ont décrit en 1981 trois nouveaux cas de patients parmi la communauté 285
homosexuelle de Los Angeles dont les signes cliniques regroupent des infections pulmonaires (pneumonie à Pneumocystis1 Jiroveci (et non Carinii), du muguet buccal et un amaigrissement sévère. En Juin 1981, un patient présentant des signes similaires est détecté en France (Hôpital Claude Bernard de Paris). La maladie est décrite comme transmissible par voie sexuelle2. D’autres patients furent identifiés en Belgique chez des malades venus du Congo3. Très vite, on parlera d’épidémie car tous les continents étaient atteints. En 1982, les chercheurs scientifiques découvrirent 290
que la transmission du VIH peut se faire également par le sang (héroïnomanes plus souvent infectés), par transfusions sanguines ou de dérivés sanguins (hémophiles particulièrement atteints). Cette maladie fut nommée le Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise (SIDA). En mai 1983, Luc Montagnier, Françoise Barré-Sinoussi et leur équipe sont les premiers à isoler l’agent responsable du SIDA auquel ils donnent le nom de LAV4 (Lymphadenopathy Associated Virus) et dépose une demande de brevet pour un test du dépistage de la maladie en septembre 1983. Un an après, Robert Gallo 295
isole à son tour le virus du sida et lui donne le nom de HTLV-35. En 1985, aux Etats-Unis, les premiers tests de dépistage sont mis sur le marché ainsi que les premiers essais thérapeutiques avec de l’AZT. En 1986, la communauté scientifique adopte le nom de HIV (Human Immunodeficiency Virus) mais c’est seulement en 1994 que l’identification du virus est attribuée officiellement à l’Institut Pasteur, on découvre que ce virus existait sur des tissus humains6 depuis des décennies sans être connu.
300
Les premiers enfants infectés par le VIH ont été repérés dans le Bronx (NY) à partir de 19847. La transmission hétérosexuelle est déjà largement décrite ainsi que la composante familiale de la maladie, particularité de cette infection compliquant le vécu des malades, culpabilisés et pointés du doigt, contaminant conjoint et enfants. La transmission de la mère à l’enfant est décrite dès 1984 ainsi que la transmission par le lait maternel en 198789.
Les premières trithérapies donnent des premiers résultats très encourageants dès 1996 mais la plupart des trithérapies 305
antirétrovirales ne furent disponibles pour les enfants des pays industrialisés qu’à partir de 1997.
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
1.1.2 Dernières données épidémiologiques OMS (2011)
10:
Figure 1 : Résumé épidémiologique de l’épidémie mondiale par le VIH mis à jour en novembre 2011.
310
L’évolution du nombre d’enfants infectés par le VIH reste semblable depuis des années malgré les efforts de prévention et le nombre de décès réduits par la trithérapie antirétrovirale. Les patients vivent longtemps et l’infection par le VIH est reconnue comme une maladie chronique dont on ne connait pas encore l’espérance de vie. Le nombre de patients ne 315
diminue pas malgré les progrès des traitements étant donné l’effet cumulatif des patients regroupant les nouveaux cas et les anciens patients vivant plus longtemps.
Figure 2 : Nombre d’enfants vivant avec le VIH de 1990 à 2009 320
L’épidémie chez l’enfant est bien contrôlée dans les pays à hauts revenus mais le nombre de nouveaux cas reste 325
similaire dans les pays où les femmes en âge de procréer (48% des nouveaux cas) restent vulnérables constituant la plupart des nouvelles infections. L’épidémie chez l’enfant persiste, on note actuellement 7000 nouveaux cas par jour dont 1000 enfants, 42% de ces nouvelles infections concernent les jeunes entre 15 et 24 ans. Les chiffres restent semblables car la prévention s’améliore lentement : 50% des femmes enceintes infectées par le VIH ont accès à une prévention durant la grossesse, le plus souvent pré et perpartum mais rares sont celles qui bénéficient d’une 330
prophylaxie postnatale. L’infection liée au lait maternel est désormais le mode de transmission le plus fréquent chez l’enfant (mise à jour épidémiologique de l’OMS en 2011); 97% de
ces infections concernent les pays à bas et moyens revenus où le LA n’est pas recommandé. Les jeunes femmes vivant dans une grande précarité sociale dans les pays où règnent l’instabilité 335
politique et l’insécurité sont plus souvent abusées et victimes indirectes de ces enjeux politico-sociales. Les mouvements désordonnés de populations aggravent ce phénomène de violences sexuelles favorisant la transmission du VIH et les
grossesses dans un contexte où la prévention n’est pas disponible.
340
Figure 4 : Image électronique du virus VIH
http://fr.123rf.com/photo_748605_virus-vih.html
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
1.1.3 Transmission du VIH chez l’enfant :
345
Il existe différents modes d’infection par le VIH chez l’enfant et l’adolescent : la transmission mère enfant (TME)11, la transmission sexuelle chez les adolescents, les sévices sexuels, la transfusion de produits sanguins contaminés par le VIH, les techniques d’injection non aseptiques12, la scarification, la circoncision ou autres interventions effectuées avec du matériel non stérile, l’allaitement par nourrice. En Afrique, plus de 98% des nourrissons infectés par le VIH ont été contaminés par leurs mères. La transmission se fait soit au cours de la grossesse (fin de grossesse le plus souvent), soit 350
au moment de l’accouchement, soit durant l’allaitement13, allaitement souvent prolongé et mixte. Sans aucune intervention, 30 % à 45 % des femmes infectées par le VIH-1 allaitantes transmettent le VIH à leurs nouveau-nés14, 20-25% sans l’AM15 (étude ACTG 076). L’efficacité de la prévention fut prouvée dès 1994 par l’étude ACTG 076, première grande étude randomisée sur la transmission.
Réduire drastiquement la transmission du VIH de la mère à l’enfant reste la meilleure approche pour enrayer 355
l’épidémie persistante dans la population pédiatrique. Les méthodes de prévention furent encore améliorées en
donnant un traitement antirétroviral HAART très efficace dès que possible dans la grossesse voire en anténatal avec une éviction totale de l’AM et la transmission du VIH de la mère à l’enfant a quasi disparu dans les pays à hauts revenus.
Figure 4 : Le rôle de la zidovudine dans la réduction de la transmission du virus VIH de la mère à l’enfant 360
enfants non contaminés par le VIH. L’AM reste ainsi recommandé dans les pays à ressources limitées pour toutes les femmes quel que soit leur statut sérologique. L’AM demeure la meilleure prévention de la malnutrition protéino- énergétique(MPE)17.
370
Les priorités de la prise en charge globale de l’infection par le VIH chez l’enfant sont très différentes dans les pays à hauts revenus et dans les pays à ressources limitées. Dans les pays à hauts revenus, les difficultés sont liées à la chronicité de la maladie (l’infection par le VIH est reconnue comme étant une maladie chronique par l’OMS depuis 2005) nécessitant une approche globale et multidisciplinaire pour limiter les dégâts psychologiques et physiques au long cours liés à cette infection stigmatisante18. Cette vision est une réussite médicale si l’on se réfère à la présentation létale 375
de cette maladie il y a 15 ans, époque où les soins palliatifs étaient la prise en charge principale, surtout pour nos jeunes patients19. La transmission de la mère à l’enfant durant la grossesse et l’accouchement reste inférieure à 1% avec les schémas de traitement combinant au moins 3 antirétroviraux (ARVs) de 2 classes différentes (HAART), voire 0,1% si ces traitements sont donnés dès la conception ou même avant la conception avec une prophylaxie donnée durant
l’accouchement et un traitement prophylactique donné à l’enfant exposé. La prévalence reste basse chez les femmes 380
enceintes (prévalence maximale en Ukraine avec 0,6% selon la plus récente enquête épidémiologique de l’OMS fin 2010). Les défis auxquels sont confrontés les enfants infectés sont liés à la prise d’un traitement quotidien provoquant des effets secondaires à long terme20 graves et inesthétiques (lipodystrophie, lipoatrophie, risque de diabète,
hypercholestérolémie, risque accrue d’accident cardio-vasculaire...), aux difficultés d’annonce du diagnostic21 et de dialogue avec ces enfants devenus adolescents et sexuellement actifs. Pour les adultes, les difficultés persistent pour 385
créer un foyer, avec la crainte de contaminer son partenaire ou son enfant malgré le désir d’avoir une famille.
Les risques de transmission sont différents selon les contextes économiques et la nécessité d’allaiter.
Les priorités dans les pays à bas revenus sont liées à la contamination et la stigmatisation, l’accès au diagnostic et aux traitements HAART, maladies opportunistes et cancers.
1.1.4 Moment et facteurs aggravant la transmission du VIH de la mère à l’enfant
22.
390
Image tirée du Manuel sur le sida pédiatrique en Afrique23
395
400
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
Les facteurs suivants sont associés à un risque accru de transmission verticale du VIH : Facteurs maternels 2425
• Une charge virale élevée, mais il n’y a pas de seuil critique inférieur de la charge virale à partir duquel la transmission 405
de la mère à l’enfant est nulle.
• Une immunosuppression sévère (numération des lymphocytes CD4 inférieure à 200)26.
• Une maladie à un stade clinique avancé.
• Des carences maternelles en micronutriments.
• Une rupture prolongée des membranes.
410
• Une chorioamniotite et les infections sexuellement transmissibles durant la grossesse.
• Au cours de l’allaitement, les crevasses et les abcès du sein.
Facteurs infantiles :
• La prématurité.
• Le muguet et les ulcérations buccales.
415
Figure 5 : La prévention du virus VIH de la transmission de la mère à l’enfant27 (en bleu : allaitement maternel ; en vert : alimentation artificielle) :
Facteurs obstétricaux : 420
•Le taux de transmission mère-enfant du VIH-1 est plus élevé que celui du le VIH-2.
•Le sous-type C augmente le risque de TME.
*Sous types de VIH liés au risque de transmission 430
Le VIH-1, existe dans le monde entier, responsable de la pandémie mondiale. Le VIH-2, est retrouvé principalement en Afrique de l’Ouest, au Mozambique et en Angola. Le VIH-2 contribue peu au SIDA pédiatrique.
Le VIH-1 comprend divers sous-types : A, B, C, D, E. En Afrique, nous trouvons principalement les sous-types A et D (à l’est et au centre), C (90 % des infections en Afrique australe) et les sous-types recombinants A (Afrique de l’Ouest).
1.1.5 Particularités pédiatriques de l’évolution de l’infection par le VIH
29:
435
En l’absence de traitement, l’histoire naturelle de l’infection chez le nouveau-né dans les pays industrialisés est
bimodale30 : 25 et 30% des enfants présentent une évolution rapide jusqu’au stade SIDA au cours de la première année de vie dont la moitié décède avant l’âge de 3 ans. Les autres ont une évolution plus lente : 40% d’entre eux présentent un stade SIDA à l’âge de 6 ans31. Il n’existe pas de critères prédictifs permettant de distinguer les enfants qui
deviendront progresseurs rapides ou progresseurs lents.
440
Dans les pays à ressources limitées, l’évolution de l’histoire naturelle32 de la maladie distingue 3 groupes:
-Les progresseurs rapides (environ 25 % à 30 %) le plus souvent contaminés in utero ou au cours de la période périnatale précoce. Ils présentent rapidement des manifestations sévères de la maladie, le risque de décès avant l’âge de un an est élevée (>50%).
- Les enfants qui développent précocement des symptômes avec une dégradation rapide de l’état clinique pour lesquels 445
le risque de décès se situe entre 3 et 5 ans (environ 50 % à 60 % des enfants contaminés).
-Les survivants à long terme (5 % à 25 %) qui vivent au-delà de l’âge de 8 ans33.
Charge virale chez l’enfant:
Au cours des phases initiales de la maladie VIH chez l’adulte, le système immunitaire va limiter la réplication virale. En 450
utilisant l’amplification en chaîne par la polymérase (PCR), il est possible de détecter la présence d’ADN ou d’ARN viral et de révéler le virus dans le sang d’individus infectés par le VIH. Diverses méthodes peuvent être utilisées afin de quantifier l’acide ribonucléique du VIH. Les analyses les plus fréquemment utilisées ont une limite inférieure de
détection de 50 ou 20 copies/ml. Le modèle d’évolution du titre d’ARN du VIH circulant chez les nourrissons infectés en période périnatale diffère de celui de l’adulte. Les taux d’ARN du VIH atteignent des valeurs élevées (> 100 000
455
copies/ml) à l’âge de 2 mois et restent élevés pendant les douze premiers mois pour ensuite diminuer progressivement les années suivantes Ce modèle reflète l’incapacité du système immunitaire immature du nourrisson à limiter la
réplication virale et le plus grand nombre de cellules sensibles au virus. Le risque de décès est proportionnel à la CV et à l’âge de l’enfant.
460
Figure 6 : Charge virale du jeune enfant infecté par le VIH sans traitement antirétroviral34
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
Action sur le système immunitaire:
L’action de base du VIH sur le système immunitaire est celle d’une déplétion et d’un dysfonctionnement des lymphocytes CD4+. Les déficits fonctionnels surviendront avant la chute du taux de ces cellules. D’autres déficiences 465
immunologiques dues au VIH englobent la destruction des tissus lymphoïdes, le dysfonctionnement des lymphocytes CD8+, les anomalies des lymphocytes B, le dysfonctionnement thymique et les anomalies auto-immunes. Le risque de mortalité est directement lié au taux de CD4 chez l’enfant.
Figure 7 : Probabilité de décès selon l’âge et le taux de CD4 chez l’enfant35
en fonction de l’âge du patient.
475
Figure 8 : Courbe des normes du nombre absolu de CD4 en fonction de l’âge de l’enfant non infecté par le VIH :
Le nombre absolu de lymphocytes T CD4+ illustre un niveau particulier d’immunodépression qui change en fonction de l’âge pour les enfants infectés par le VIH36:
480
Valeurs des CD4 en fonction de l’âge Catégories
immunitaires
< 11 mois 12-35 mois 36-59 mois >5 ans
Pas de déficit >35 % >30 % >25 % >500 cellules/mm3
Déficit immunitaire moyen 30-35 % 25-30 % 20-25 % 350-499 cellules/mm3
Déficit immunitaire important
25-30 % >30 % >25 % 200-349 cellules/mm3
Déficit immunitaire sévère <25 % <20 % <15 % <15 ou 200 cellules/mm3
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1.1.6 Classification clinique
Depuis 2006, les stades cliniques de l’enfant infecté par le VIH ont une nouvelle définition internationale décrite par les experts de l’OMS (www.WHO.INT/HIV/PUB/Guidelines) et ont remplacé les définitions précédemment utilisées37 485
émanant du CDC38.
Symptômes associés au VIH Stade clinique OMS
Asymptomatique 1
Symptômes modérés 2
Symptômes avancés 3
Symptômes sévères 4
Stade 1 :
- Asymptomatique
- Adénopathies généralisées 490
Stade 2 :
- Hépatosplénomégalie inexpliquée - Parotidite chronique
- Infections ORL à répétition : Sinusites ou otites moyennes aigues (deux épisodes ou plus en 6 mois) 495
- Prurigo papulaire - Dermatite séborrhéique
- Infections mycotiques unguéales (onychomycoses) - Verrues planes disséminées
- Erythème gingival linéaire 500
- Infection disséminée à molluscum (>5 % de la surface corporelle)
- Ulcérations buccales à répétition (2 épisodes ou plus en 6 mois)-Herpès Simplex - Zona à répétition (2 épisodes ou plus en 6 mois)
Stade 3 :
- Malnutrition modérée (Poids/Age entre -2 et -3 Z scores) malgré des suppléments nutritionnels - Diarrhée persistante inexpliquée (> 14 jours)
- Fièvre persistante inexpliquée (> 1 mois)
- Candidose buccale persistante (nourrisson > 6 semaines) 510
- Leucoplasie chevelue - Tuberculose pulmonaire - Adénite tuberculeuse
- Infections bactériennes (présumées) pulmonaires à répétition (2 épisodes ou plus en 6 mois) - Gingivite et parodontose nécrotique
515
- LIP = pneumopathie interstitielle lymphoïde (visible sur la Rx thorax)
- Altérations hématologiques pour une durée > à 1 mois: Anémie chronique inexpliquée (< 8 gr/dl) malgré suppléments en fer et/ou Neutropénie (<500/mm3) et/ou Thrombocytopénie chroniques (< 50 000/mm3) Stade 4 :
- Malnutrition sévère persistante inexpliquée malgré des suppléments nutritionnels 520
- Pneumopathie à Pneumocystis Jiroveci
- Infections bactériennes sévères (empyème, pyomyosite, arthrite, ostéomyélite, méningite) ->2 épisodes/an - Infection herpétique labiale chronique (>1 mois)
- Tuberculose extra-pulmonaire (miliaire, méningite, péritonite, ….) - Sarcome de Kaposi
525
- Oesophagite mycotique à candida Albicans
- Rétinite à CMV ou infection CMV disséminée chronique (âge > 1 mois) - Toxoplasmose cérébrale (âge > 1 mois)
- Méningite à cryptocoques - Encéphalopathie VIH 530
- Cardiomyopathie liée au VIH - Néphropathie liée au VIH
- Lymphome cérébral ou lymphome non hodgkinien - Leucoencéphalopathie multifocale progressive
- Mycoses disséminées (cryptococcose extra-pulmonaire, histoplasmose, coccidiomycose, penicilliose).
535
- Cryptosporidiose ou isosporose chronique
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie Figure 9 : Mortalité en fonction du stade clinique OMS chez l’enfant 39
540
Nouveautés dans la prise en charge du VIH dans les pays à bas revenus :
L’accès aux ARVs dans les pays à bas revenus n’est qu’une réalité récente (2003) et reste encore limité malgré la grande campagne de l’OMS 3 X 5 (abréviation correspondant au projet ambitieux de traiter 3 millions de personnes par des ARVs en 2005 dans les pays à ressources limitées). Ce chiffre n’a été atteint qu’en 2010. On compte 6,2 milllions de patients sous ARVs ce jour (déclaration de Michel Sidibi, patron de l’ONUSIDA, le 9/7/2012) en Afrique subsaharienne 545
mais 40% de ces patients abandonnent leur ARVs à un moment donné «en raison d’une alimentation très insuffisante car les effets secondaires deviennent difficilement supportables».
Les succès en termes d’adhésion au traitement, mortalité, morbidité grâce à cet accès aux ARVs40 se multiplient. Une étude récente réalisée en Afrique du Sud (Etude CHER41) montre une réduction de 75% de la mortalité des nourrissons infectés par le VIH avec une trithérapie ARV systématique avant l’âge d’un an quel que soit l’état immunitaire ou 550
clinique. Ces résultats encourageants expliquent les recommandations pédiatriques de l’OMS faisant suite à la réunion d’avril 200842, à savoir de traiter tous les enfants infectés par le VIH de moins d’un an avant la moindre manifestation clinique ou immunologique de la maladie. D’après les dernières recommandations de 2010 de l’OMS, on conseillerait même de traiter tous les enfants âgés de moins de 2 ans43, résultats basés sur cette même étude « CHER ».
555
1.1.7 L’étude AMATA : recherche sur la problématique de l’allaitement maternel des femmes infectées par le VIH dans les pays à bas revenus
La première partie de ce travail détaille l’étude AMATA (signifiant « lait » en kinyarwanda, langue nationale au Rwanda), étude consacrée à l’évaluation de deux interventions visant à réduire le risque de transmission par l’AM. Ce mode de 560
contamination reste le plus important dans les pays à bas revenus car aucune prévention postnatale n’était disponible en 2005 et ce jusqu’en 2010. Le LA (ou autre alimentation de substitution) n’était et reste encore recommandé que dans des conditions optimales d’hygiène, de moyens et d’éducation correspondant à l’acronyme « AFASS » en anglais44 : A: Acceptable (acceptable), F: Feasible (faisable) , A: Affordable (abordable), S: Sustainable (durable) , S: Safe (sûr).
Ces termes décrivent les conditions indispensables pour permettre le LA dans les pays à ressources limitées pour les 565
femmes infectées par le VIH. L’OMS ne favorise pas non plus le soutien concret des femmes indigentes pour répondre à ces critères et les enfants exposés au VIH durant l’AM ont un risque surajouté d’être contaminé de 10 à 35%45 par rapport aux enfants non allaités. La justification de cette stratégie est de ne pas aggraver la mortalité des enfants non infectés par le VIH malgré l’exposition au virus mais de garder le bénéfice de l’AM46, élément majeur de la réduction de la mortalité infantile dans les conditions de vie et d’hygiène précaires. Ces risques d’infections et de MPE sont liés à la 570
pullulation bactérienne dans les biberons, au manque d’eau potable et mauvaises dilutions. En optant pour le LA, on perd le bénéfice passif de la protection immunitaire du lait maternel pour le jeune nourrisson expliquant cette massive campagne internationale en faveur de l’AM. Au Rwanda, des taxes avaient été ajoutées au prix du LA, déjà onéreux auparavant, afin de décourager les parents à donner du LA, rendant le LA tout à fait inabordable financièrement pour la très grande majorité des femmes rwandaises. Cette politique de santé publique à large échelle reste controversée pour 575
les enfants exposés au risque d’infection par le VIH car d’autres études ont montré une mortalité similaire entre les enfants allaités et non allaités. Les deux seules études randomisées avec l’AM et du LA dans des pays à ressources limitées ont été réalisées en Afrique. La première étude fut réalisée au Kenya et publiée en 200147 et a démontré l’efficacité du LA par rapport à l’AM dans la PTME ; Cette étude n’évaluait pas l’option de la prise systématique d’ARVs chez les femmes allaitantes. La deuxième étude, réalisée au Botswana, compare le LA avec une prophylaxie de l’enfant 580
(zidovudine) durant l’AM48, avec d’abord un avantage du LA démontré à 7 mois disparaissant si l’on compare mortalité et transmission à 18 mois. Ces études ne comparent pas non plus les effets du contrôle de la CV chez la mère allaitante par une combinaison d’ARVs. La cohorte kenyane montrait également une augmentation de la mortalité des femmes allaitantes infectées par le VIH49. En 2005, aucune étude faite dans les pays à bas revenus ne compare prospectivement dans la même cohorte l’AM sous HAART (Highly Active AntiRetroviral Therapy) avec le LA comme ce fut le cas dans 585
l’étude AMATA, en termes de survie et de transmission du VIH. Suite aux controverses sur la mortalité liée au LA, aucune étude majeure randomisée n’a été réalisée avec le LA malgré l’importance majeure et reconnue de la transmission postnatale ; on encourage encore l’AM exclusif afin de minimiser les risques de transmission.
L’allaitement maternel (AM) exclusif, montre une réduction très nette de la transmission quand on le compare à un allaitement mixte, surtout pendant les premiers mois de vie (transmission réduite à 12%50). Un risque de contamination 590
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par l’AM persiste même si la charge virale (CV) est contrôlée51. Cette proposition d’AM exclusif fut longtemps la seule prophylaxie postnatale proposée, pas possible sur une longue durée au-delà de six mois où une alimentation variée devient nécessaire pour la plupart des enfants. Des traitements ARVs prophylactiques donnés à l’enfant ou la mère52 ont montré leur efficacité pour réduire la transmission du VIH par l’AM (transmission < 5%).
Il est connu qu’un taux bas de CD4 chez la mère, une CV élevée dans le lait et le plasma maternel, la séroconversion 595
maternelle pendant l’AM et la durée de l’AM constituent des facteurs de risque favorisant la transmission postnatale du VIH53. La transmission du VIH réduite par une combinaison de 3 ARVs prise par la mère s’explique par la réduction de la charge virale, facteur majeur du risque de transmission du VIH, quel que soit d’ailleurs le mode de transmission. Le lait maternel reste un vecteur de transmission malgré une charge virale indétectable au niveau sanguin54. Cette
transmission est liée à un transport actif du virus par des cellules vectrices du virus porteurs de récepteurs et co- 600
récepteurs du virus et des lymphocytes CD4 activés55.
1.1.8 Situation au Rwanda en 2005 (début de l’étude):
La prévalence du VIH dans la population rwandaise était de 3% (6% en zone urbaine) en 2005 dans un échantillonnage important pour effectuer une enquête épidémiologique de qualité. Le Rwanda faisait partie des 20 pays les plus pauvres 605
au monde avec une mortalité infantile de 152‰56. Le pays souffrait d’un manque de ressources alors que sa population était la plus dense en Afrique (321 habitants/km2). Dans ces conditions, la famine restait un fléau avec 40% des enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition chronique. La situation s’améliore actuellement mais garde les séquelles d’années de guerres et du génocide en 1994.
D’après cette même enquête épidémiologique de 2005, les femmes rwandaises avaient une nette préférence pour 610
l’AM: 97% des femmes rwandaises allaitaient, souvent pour une durée prolongée (55% jusque l’âge de 3 ans) et 81%
avaient un allaitement exclusif jusque 4-5 mois avant de varier l’alimentation de leur enfant.
Le contexte de guerre, de déplacements de population et d’abus sexuels augmentent le risque de transmission du VIH.
Le pays était connu au début de l’épidémie comme l’un des plus affectés par le VIH (17,8%57 pour les femmes enceintes en zone urbaine de Kigali avant le génocide). Ce taux était une extrapolation des taux retrouvés dans les quelques 615
centres de suivi de grossesse à Kigali où les femmes savaient que le test était disponible et n’était peut-être pas un échantillonnage aléatoire. Ces études faites au Rwanda furent à l’origine de la démonstration de la transmission de la mère à l’enfant par le LM58. Il est également probable que l’accès aux soins et au diagnostic avec une politique de prévention efficace explique une baisse importante de l’épidémie, très peu suivie et détaillée entre 1990 et 2005
Lors d’une première mission effectuée dans le cadre du projet ESTHER (Ensemble Solidarité Thérapeutique Hospitalier en Réseau) du Luxembourg en 2001, il était accablant de constater que les services de médecine interne et de pédiatrie débordaient de patients infectés par le VIH souffrant d’infections opportunistes récidivantes. Il était alors difficile de parler de trithérapie antirétrovirale, non accessible à large échelle pour des raisons financières et logistiques. Les prix 630
des ARVS étaient très élevés avant l’apparition des génériques devenus disponibles à la suite d’une lutte historique des activistes pour permettre l’accès universel au traitement ARV. En 2001, l’espoir d’extension de la distribution gratuite d’ARV a permis la création du projet européen ESTHER lancé par le Docteur Bernard Kouchner. Le Grand-Duché du Luxembourg s’est vite impliqué dans ce projet européen. Un jumelage (pour la formation d’abord) fut ainsi créé entre deux hôpitaux luxembourgeois et deux hôpitaux rwandais (CHU de Kigali et Hôpital de district de Rwamagana). L’achat 635
d’antirétroviraux (ARV) et les formations nationales ont commencé en 2003 à Kigali. La situation en pédiatrie restait particulièrement alarmante en raison du nombre réduit de pédiatres au Rwanda (15 pour tout le pays en 2005 y compris ceux travaillant que dans des cabinets privés) et pas d’expert luxembourgeois dans le domaine de l’infection pédiatrique par le VIH. Le volet pédiatrique fut une des priorités du projet ESTHER Luxembourg au Rwanda commencé en 2002 qui engagea une pédiatre habituée à la prise en charge et prescription d’ARVs chez l’enfant au CHU Saint Pierre 640
à Bruxelles. Pour appuyer le volet pédiatrique, un travail clinique au lit des malades et en consultation était effectué en travaillant sur le terrain avec les collègues du CHU de Kigali et de l’hôpital de district de Rwamagana. Ce travail clinique et d’organisation était effectué en collaboration avec le programme national géré par le centre de recherche du Rwanda (appelé TRAC en 2005: Treatment Research AIDS Center) afin d’élaborer et améliorer, avec les différents partenaires, les recommandations nationales pédiatriques dans le domaine de la prise en charge du VIH et de la prévention de la 645
transmission mère-enfant. Une des priorités du projet était aussi de garantir une poursuite du traitement ARV à long terme, en s’assurant de l’absence de rupture de stock d’ARVs ainsi que d’appuyer le laboratoire permettant également le diagnostic et le suivi immunologique et/ou virologique des patients (PCR, CD4). Par ailleurs le volet pédiatrique du projet ESTHER incluait un volet de recherche pour diminuer la transmission du VIH de la mère à l’enfant (étude de cohorte nommée « AMATA »).
650
Cette étude, puis d’autres études publiées après 2005, ont contribué à établir les recommandations nationales de PTME au Rwanda et fut aussi une des études encourageant les recommandations de l’OMS de 200943 , 2010 et reconfirmées en 2012 sur le site de l’OMS où la trithérapie maternelle prophylactique durant l’allaitement, voire à vie fut décidée afin de réduire la transmission de la mère à l’enfant.
655
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Figure 10 : Recommandations OMS pour la PTME de 2009
Figure 11 : Utilisation des antirétroviraux pour traiter la femme enceinte et prévenir l’infection à VIH chez le nourrisson.
Résumé analytique. Avril 2012 660
1TAR : traitement antirétroviral
1.2.3 Principales études sur le taux de transmission du VIH-1 de la mère a l’enfant des femmes allaitantes
La crainte de faire des essais thérapeutiques avec l’AM60-61 et les ARVs concernant de jeunes enfants, était due à la 665
possibilité d’effets secondaires et/ou un risque de résistances liées aux ARVs expliquant en partie le peu d’études sur ce sujet, ces risques étant difficiles à évaluer. Les assurances refusaient souvent de couvrir des risques liés à toute étude médicale de cohorte concernant les grossesses et nourrissons. Le manque de connaissance sur le passage des ARVs dans le lait maternel in vivo expliquait aussi une certaine inquiétude62; de nombreuses études dont l’étude «AMATA» ont permis d’encourager la trithérapie antirétrovirale durant l’AM malgré l’inquiétude de savoir le lait maternel
670
potentiellement riche en CD4 et en virus VIH63. Aucune étude ne compare prospectivement la prise d’ARVs de la mère allaitante à d’autres interventions efficaces pour réduire drastiquement la transmission postnatale du virus tel que le LA.
Ces études de prévention sont difficilement comparables car les contextes, les groupes d’intervention sont très
hétérogènes. Les principales études sur le taux de transmission des femmes allaitantes pour le virus VIH-1 de la mère à l’enfant selon les différentes prophylaxies débutées, soit avant la naissance, l’accouchement et durant l’allaitement sont 675
résumées dans le tableau page suivante. Les taux de transmission sont très différents mais les durées et suivis de l’AM étaient variables selon les études ainsi que les combinaisons d’ARV données à la mère et/ou à l’enfant. La trithérapie maternelle reste le plus efficace en termes de transmission et taux de survie sans infection par le VIH pour l’enfant exposé. Ces taux varient selon les études entre 1,8% à 6 mois (étude DREAM), 1,5% à 9 mois (étude AMATA), 5,4% à 12 mois (étude Kesho Bora) et 7% à 2 ans (étude ZEBS).
680
Aucune étude n’a été conçue pour comparer différentes prophylaxies durant l’AM avec le LA, véritable référence pour un taux de transmission VIH minimale. La crainte de l’augmentation de la mortalité d’enfants non infectés explique ces groupes de comparaison bien différents des groupes habituels lors des études antérieures faites dans les pays à hauts revenus (pas de véritable groupe étalon or) et peu ou pas de randomisation. Lors de la conception du projet AMATA, il était inconcevable pour les comités d’éthique dépendant de normes internationales de parler de randomisation.
685
D’autres études ont pu réaliser cette randomisation en imposant un AM plus ou moins protégé selon ces mêmes normes d’éthique. La méthodologie de certaines études peut sembler choquante mais il est surtout dommage que les études sur les prophylaxies post natales n’aient pas été encouragées plus tôt.
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
690
Figure 12 : Tableau récapitulatif des études sur la prophylaxie de la transmission du VIH de la mère à l’enfant AG : age gestationnel ; s : semaines ; m : mois ; gr : groupe ; acc : accouchement
Nom de l’étude
Protocole (cf abréviations)
Traitement donné à la mère
Traitement donné à l’enfant
Durée du suivi
Taux de transmission en %
Année de publication et journal
Retro-Ci AZT seul < 36 s d’AG 0 3 m 16 AIDS 2002
Ditrame < 36 s d’AG +1 s
post partum
0 6 s 12 AIDS 2003
HIV net 012 NVP seul 1 dose per partum dose unique NVP
6-8 s 11,9 Lancet 2004
SAINT 1 dose per partum +
1 dose 24 à 48 h après
dose unique NVP
8 s 13,3
Ditrame + AZT+ NVP < 36 s d’AG + dose de NVP per partum
dose unique NVP + 1 s AZT
4 à 6 s 6,3 AIDS 2005
PETRA A AZT + 3TC < 36 s d’AG + 1 s post partum
1 s AZT + 3TC 6 s 5,7 Lancet 2002
PETRA B Acc +1 s post
partum
6 s 8,9
SAINT < 36 s d’AG + 1 s
post partum
8 s 9,3 J Infect Dis.
2003 SIMBA AZT+ DDI < 36 s d’AG + 1 s
post partum
AZT ou 3TC durant AM
8 s 6 Non publiée
ZEBS AZT + NVP 0 1)NVP unique
2)NVP+AZT 1 s
6 à 8 s 1) 20,9 2) 15,3
PLoS ONE 2007 AMATA AZT + D4T+
NVP
si CD4<350 vs AZT+3TC+NFV si CD4>350
1) < 28 s d’AG + 7 m si AM et stop 2 )< 28 s d’AG, stop à l’acc si LA
3) à vie si CD4<350
dose unique NVP + 1 s AZT
9 m 1) 1
2) 1,5
AIDS 2009
DREAM 1) HAART + LA 2) HAART + LM avec HAART
< 25 s d’AG. Stop HAART à l’acc.
si LA ou après AM
? 6 m 0,8
1,8
AIDS 2007
Kesho Bora 1) HAART : AZT+ 3TC+
Lopi/rito 2) AZT + NVP 1 dose per partum
< 28-36 s + durée d’AM sauf si HAART nécéssaire à vie
dose unique NVP + 1 s AZT
12 m 1) 5,4 2) 9,5
Lancet Infect Dis. 2011
MITRA Bithérapie AZT + 3TC
< 36 s AZT + 3TC Dose unique NVP + 3TC durant AM
6 m 4,9 J Acquir
Immune Defic Syndr.
2009
1.1.10 Objectifs de l’étude de cohorte « AMATA »
695
On a étudié le taux de transmission du virus VIH de la mère à l’enfant et la survie des enfants dans deux groupes non randomisés en proposant différentes interventions postnatales, en agissant dès le troisième trimestre de grossesse pour toutes ces femmes infectées par le VIH incluses dans cette cohorte.
Les deux interventions étaient:
700
- L’alimentation artificielle.
- L’allaitement maternel exclusif d’une durée de 6 mois avec la prise systématique d’une trithérapie antirétrovirale maternelle quel que soit l’état immunologique ou clinique des femmes.
Critères d’évaluation de l’intervention :
705
L’évaluation des interventions était basée sur les critères suivants :
1) Le taux transmission du VIH de la mère à l’enfant dans les deux groupes.
2) La mortalité globale des enfants dans les deux groupes.
710
3) La mortalité des enfants non infectés par le VIH dans les deux groupes.
1.2 Méthodologie :
1.2.1 Type et lieu de l’étude
Il s’agit d’une étude interventionnelle non randomisée sur un suivi de cohorte divisée en deux groupes mère- enfant, l’Intervention étant ici le mode d’alimentation, LA versus AM sous ARVs.
715
Cette étude a été réalisée au Rwanda dans des structures publiques (centres de santé) dont deux en milieu urbain (Gitega et Muhima à Kigali), un en milieu semi-urbain (Kicukiro, à 15 km de Kigali), un en milieu rural (Rwamagana, à 70 km de Kigali). Ces quatre sites étaient des centres de santé avec un suivi prénatal et un dépistage de VIH
systématiquement proposés aux femmes enceintes, analyses faites gratuitement dans le cadre du programme de santé national rwandais. Cette étude a été réalisée en collaboration avec le Ministère de la santé Rwandais, financée par le 720
Ministère de la Coopération et du Développement du Grand-Duché du Luxembourg.
Entre mai 2005 et janvier 2007, toutes les femmes enceintes séropositives consultant dans ces quatre centres, étaient invitées à participer à cette étude après 2 séances d’informations détaillées. Elles pouvaient être incluses à partir de la vingt-huitième semaine de gestation. Les femmes ont reçu des informations sur le mode d’alimentation de leur nourrisson en précisant le risque de transmission du VIH avec le lait maternel mais également sur les dangers de 725
l’alimentation artificielle susceptible d’accroître la morbidité et la mortalité des enfants même en l'absence d'infection
Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie
par le VIH. Les femmes souhaitant participer à l’étude devaient choisir le mode d’alimentation de leur nourrisson avant l’accouchement. Toutes les femmes infectées par le VIH et suivies dans ces centres de santé étaient invitées aux séances d’information et pouvaient participer à l’étude à partir de 28 semaines d’âge gestationnel. Les femmes déjà sous
traitement antirétroviral n’étaient pas exclues de l’étude, elles avaient reçu un traitement car elles étaient éligibles aux 730
ARVs à vie dans le cadre du protocole national. Les femmes, naïves de tout traitement antirétroviral, recevaient alors systématiquement une trithérapie antirétrovirale quel que soit leur stade clinique ou immunitaire. Les femmes enceintes pouvaient recevoir un traitement antirétroviral à vie gratuit via le programme national rwandais si elles avaient une immunodépression (CD4≤350/mm3) ou un stade clinique SIDA (Stade 3, 4 de l’OMS).
1.2.2 Aspects éthiques :
735
Cette étude a été menée par la coopération luxembourgeoise au Rwanda (Projet RWA 21 appelé ensuite INT 107 suivi du Projet INT 108, suite du Projet ESTHER Luxembourg) en collaboration avec le Ministère de la Santé du Rwanda selon les besoins du pays afin d'adapter les recommandations nationales d’après les résultats obtenus.
Le comité d’éthique national du Rwanda jouit d’une reconnaissance internationale (enregistré sous la référence IRB 00001497). Le protocole et l’analyse des résultats intermédiaires de l’étude ont été réévalués chaque année.
740
Les patientes devaient signer un consentement éclairé écrit dans leur langue maternelle ou y apposer une empreinte digitale pour les illettrées en vérifiant que les termes de l’étude avaient bien été compris après deux séances
d’information en présence d’un témoin choisi par la mère. Les femmes mineures devaient être accompagnées par leur tuteur officiel pour avoir l’autorisation légale de participer à l’étude.
Aucun conflit d’intérêt n’a pu influencer l’étude, aucun soutien direct ou indirect de firmes pharmaceutiques ou 745
d’industrie alimentaire (lait) n’a été accepté.
Groupe1: Lait artificiel; Groupe2: Allaitement maternel + ARVs; J: jour ; M: mois; sem: semaine ; Médicaments : cf abr.
Stade clinique/ CD4 des femmes enceintes
Intervention prénatale
Accouchement Intervention postnatale Femmes n’ayant pas
besoin d’ARVs pour des raisons médicales : CD4 > 350 Stade 1 Et
Stade clinique OMS 1, 2
Trithérapie à partir de la 28ème semaine de gestation:
AZT + 3TC + EFV ou
D4T + 3TC + EFV si Hb < 8 g/dl
Groupe1 : Réduction de la montée laiteuse par
l’injection d’oestradiol
(5 mg IM) + Parlodel si
nécessaire Arrêt de la trithérapie avec Bithérapie AZT + 3TC durant 1 sem
après l’arrêt de l’EFV Groupe 2 : (AZT + 3TC + EFV)
Groupe 1 : Visite J0, J15, J45, M 3,6 ,7 ,9 Pas d’ARV
Suivi clinique et psychologique («Counseling») rapproché avec visite à domicile si nécessaire.
Groupe 2 : Visite J0, J15, J45, M 3, 6 ,7 ,9.
AM exclusif pour une durée maximale de 6 mois (AM mixte peut être autorisé pour des raisons médicales exceptionnellement) A 6 mois : Sevrage brutal
Stop trithérapie à 7 mois avec Bithérapie AZT + 3TC durant 1 sem après l’arrêt de l’EFV
Supplément nutritionnel systématique fourni pour le nourrisson entre 6 et 7 mois pour les deux groupes
Femmes ayant besoin d’ARVs pour des raisons médicales:
CD4 <350/mm3 et / ou
Stade clinique OMS 3, 4
Trithérapie res- pectant les recommanda tions du programme national:
D4T + 3TC + NVP
= Triviro®
Ou
AZT + 3TC + NVP si Hb < 8 g/dl
Groupe1 : ARVs à vie Réduction de la montée laiteuse par injection
d’oestradiol (5 mg IM) + Parlodel si nécessaire
Groupe2 : ARVs à vie
Groupe 1 : Visite J0, J15, J45, M 3, 6,7,9 ARVs à vie
Suivi rapproché
Groupe 2 : Visite J0, J15, J45, M 3, 6,7,9 ARVs poursuivis à vie.
AM exclusif pour une durée maximale de 6 mois (AM mixte exceptionnellement autorisé pour des raisons médicales)
A 6 mois : Sevrage brutal
Supplément nutritionnel systématique fourni au nourrisson entre 6 et 7 mois dans les 2 groupes
Nourrisson
(le deuxième-né des jumeaux est exclu de l’analyse)
NVP 2 mg/kg dose unique dès la naissance (≤ 2 jours de vie : 48 heures) + 7 jours d’AZT à la dose de 4 mg/kg 2X/Jour
Cotrimoxazole à partir de l’âge de 6 semaines pour tous les enfants jusque 9 mois (poursuivi d’office jusque 5 ans pour les enfants infectés)
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En 2005, le traitement ARV de base consistait en une combinaison de 3 différents médicaments ARVs dans 1 comprimé générique (stavudine (D4T)+ lamivudine (3TC) + névirapine ( NVP)= Triviro®).
Les femmes enceintes infectées par le VIH, non éligibles (CD4> 350/mm3 et ayant un stade clinique de l’OMS 1, 2) recevaient une trithérapie antirétrovirale, en évitant la NVP, connue pour ses risques d’hépatotoxicité64 pour les femmes enceintes ayant des CD4 élevés, polémique majeure en 2005. La combinaison de médicaments ARVs proposés 755
dans cette étude consistait alors en la combinaison de zidovudine (AZT) + 3TC + Efavirenz (EFV), combinaison la plus