• Aucun résultat trouvé

2 PARTIE II : Dépistage clinique précoce des enfants infectés par le VIH

2.1 Introduction

La difficulté du diagnostic de l’infection par le VIH chez le nourrisson est liée au fait que tous les enfants nés de mères infectées par le VIH gardent des anticorps (AC) maternels durant de nombreux mois, certains jusque 18 mois, voire plus si on utilise une technique de laboratoire telle que l’Elisa100. Ce test sensible est un bon marqueur d’exposition 1310

au virus VIH (présence résiduelle d’AC maternels ou AC de l’enfant ?) sans aucune certitude d’une infection101 par le VIH pour les enfants âgés de moins de 18 mois de vie. Le statut infectieux réel de ces enfants nés de mères infectées avec le VIH se fait par les tests VIH PCR102 (DNA ou RNA) et non par un test sérologique pour le VIH, ce qui permet de traiter systématiquement les enfants dès la confirmation précoce du diagnostic d’infection par le VIH. Les enfants non identifiés comme étant exposés au VIH ne bénéficient pas de diagnostic précoce. En l’absence de prise en charge 1315

immédiate, le diagnostic se fera lors de manifestations cliniques de la maladie correspondant à un stade plus avancé, signifiant un risque accru de décès dans les premiers mois de vie. La mortalité est quadruplée avant l’âge de 2 ans sans aucune prise en charge de l’infection par le VIH, données de l’étude CHER en Afrique du Sud40. Les combinaisons

d’antirétroviraux (ARVs) commencées précocement étaient utilisées depuis longtemps dans les pays à hauts revenus103. Par ailleurs, certains enfants ayant commencé une combinaison précoce d’ARVs gardent une sérologie VIH négative 1320

après l’âge de 18 mois, malgré la preuve d’infection durant le premier mois de vie104. L’absence de signes cliniques et moléculaires d’infection par le VIH correspond à une charge virale indétectable grâce à une combinaison d’ARVs donnée dès le diagnostic d’infection par le VIH dès le premier mois de vie. Cette absence de virus circulant explique l’absence de la formation d’AC par l’enfant lors de la disparition physiologique des AC maternels. La limite, pour commencer

systématiquement précocement une combinaison de traitements antirétroviraux chez les enfants infectés, reste la 1325

difficulté d’accès au test PCR dans les pays à ressources limitées, retardant la possibilité de confirmer cette infection avant l’âge de 18 mois. Le test PCR VIH garde une sensibilité et une spécificité de près de 100%. Les autres tests de diagnostics de l’infection par le VIH tels que l’antigène p24105 ultrasensibles et la culture virale sont peu accessibles et rarement validés dans les contextes de laboratoire des pays à ressources limitées. Les tests par PCR mettent en

évidence le génome viral VIH ou pro-viral (RNA ou DNA), ces examens complémentaires sont onéreux et nécessitent une 1330

bonne maîtrise technique de laboratoire avec un personnel formé et l’achat de machines sophistiquées et fragiles106. Le coût du test PCR a fortement diminué avec le « real time PCR107 » (12 $) mais l’entretien et l’achat des machines et des réactifs restent un facteur limitant majeur. La plupart des enfants habitant dans des zones rurales sont loin de ces

au talon pour un test PCR en utilisant un papier buvard Les photos de cette partie du travail sont prises de ma collection personnelle hormis

1340

la photo ci jointe du DBS fournie par le Professeur Mukherjee, Partner in Health.

Il est désormais possible d’extraire le génome viral à partir de papier buvard (Dry Blood Spot : DBS108, photo ci jointe) facilitant le prélèvement chez un nourrisson car quelques gouttes de sang seulement (simple effraction par lancette au talon sans 1345

prélèvement veineux obligatoire) sont nécessaires. Le transport jusqu’au laboratoire ne dépend plus du temps d’acheminement, permettant un délai de 15 jours après le prélèvement sans inhiber l’extraction du génome pro viral (DNA) VIH si le papier buvard reste au sec à température ambiante. Les enfants vivent parfois dans des

zones reculées. L’accès à la PCR VIH n’existe pas encore partout et même si le test peut être réalisé, les résultats sont 1350

trop souvent obtenus tardivement (des semaines voire des mois plus tard) limitant les possibilités de prise en charge thérapeutique précoce pour les enfants réellement infectés. Depuis que les bailleurs de fonds encourageaient l’achat d’ARVs pour les pays les plus démunis, les ARVs sous forme générique étaient disponibles avec une galénique

pédiatrique pour la trithérapie antirétrovirale de base avec un contrôle de qualité reconnu par l’OMS. Il existait de nombreux centres bénéficiant d’ARVs mais ne pouvant les distribuer aux jeunes enfants par absence de confirmation 1355

diagnostique d’infection par le VIH. Ce fut donc un véritable soulagement pour les équipes pédiatriques de lire qu’un document provisoire de l’OMS proposant des signes cliniques permettait ainsi de commencer un traitement HAART avant l’âge de 18 mois en l’absence de preuve PCR. Ce document provisoire était disponible en octobre 2004 sous forme de «draft» sur le site internet de l’OMS et fut officialisé en 2005109: D’après cette définition clinique, tout enfant âgé de moins de 18 mois ayant une sérologie VIH positive et présentant deux des signes cliniques suivants : Candidose

1360

buccaleA, pneumonie graveB, marasmeC, septicémie était considéré comme infecté par le VIH et devait bénéficier d’une combinaison de traitements

antirétroviraux.

Suite au XVIème congrès mondial du SIDA à Toronto en 1365

2006, de nouvelles

recommandations OMS ont été élaborées pour améliorer les stades de gravité clinique remplaçant la classification clinique proposée par le CDC en 199438 et de proposer un diagnostic clinique d’infection par le VIH du jeune enfant de moins de 18 mois110.

Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie

1370

Figure 21 : Signes présomptifs d’infection par le VIH pour les enfants <18 mois (OMS 2006 reconduit en 2010)

Service de pédiatrie au CHU de Kigali Au CHU de Kigali, en octobre 2004 (début du projet

pédiatrique ESTHER-Luxembourg au Rwanda), la limitation diagnostique pour confirmer l’infection par le VIH pour les 1380

enfants âgés de moins de 18 mois ayant des signes très suspects d’infection était très frustrante d’autant que les ARVs étaient disponibles. Le laboratoire étant pourvu de machines à PCR, les prélèvements étaient bi-hebdomadairement envoyés et stockés au laboratoire mais il fallait souvent attendre de longues 1385

semaines, voire des mois pour connaître le résultat (manque de réactifs, depersonnel, nombre de demande trop importante simultanée pour tout le pays, problème d’organisation…). En

octobre 2004, les premiers documentsprovisoires concernant les signes présomptifs OMS du diagnostic d’infection par le VIH chez le jeune enfant ont été proposés.

1390

Les pédiatres ont appliqué ces critères pour donner les ARVs pour les enfants agés de moins de 18 mois pour lesquels les résultats de DNA PCR VIH tardaient. En appliquant ces propositions de diagnostic présomptif, nous avions observé qu’un nombre trop important d’enfants considérés comme infectés par le VIH selon ces critères cliniques avaient commencé une trithérapie antirétrovirale HAART et n’étaient pourtant pas infectés par le VIH (résultats PCR VIH

négatifs arrivés postérieurement). Cette constatation décevante était suffisante pour vouloir apprécier la sensibilité et la 1395

spécificité des signes cliniques proposés afin de mieux prendre en charge ces enfants qui présentaient des signes cliniques graves, faussement attribués à l’infection par le VIH.

2.1.2 Objectifs de l’étude

1400

L’objectif principal de cette étude était d’évaluer la sensibilité et spécificité de ces critères cliniques diagnostiques d’infection par le VIH chez l’enfant de moins de 18 mois ayant une sérologie positive111.

Chaque enfant hospitalisé dans le service de pédiatrie du CHU de Kigali bénéficiait déjà en 2005, dans le cadre d’une surveillance de prévalence hospitalière, d’une recherche systématique de sérologie (tests rapides) pour le VIH après consentement oral des parents, quels que fussent l’âge, la symptomatologie de l’enfant et les motifs d’hospitalisation. 1405

Les enfants de moins de 18 mois ayant une sérologie positive pour le VIH étaient ainsi déjà repérés. Les quatre critères cliniques de présomption d’infection du VIH ont été systématiquement notés selon un formulaire de collecte de

données conçu avec les pédiatres cliniciens travaillant dans le service selon ces propositions de l’OMS. Nous avions ainsi les données nécessaires pour calculer la sensibilité et la spécificité de ces signes présomptifs d’infection par le VIH chez le jeune enfant âgé de moins de 18 mois en utilisant le test HIV PCR DNA comme test « étalon or » de l’infection par le 1410

Promoteurs: Professeur Philippe Lepage et Professeur Jack Levy- Pédiatrie

Un dosage de CD4 < à 20% est aussi un signe en faveur d’une infection selon ces mêmes propositions de l’OMS, la sensibilité et spécificité furent également évaluées dans cette étude.

Une étude multicentrique est en cours actuellement, financée par le CDC et l’OMS pour valider ces signes cliniques mais les résultats ne sont pas disponibles jusqu’à présent.

1415

Documents relatifs