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LA CORSE NAPOLÉONIENNE

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Texte intégral

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LA CORSE OU LA FRANCE ?

Le rapport qu’entretenait Napoléon avec son île de naissance a toujours été complexe : tantôt territoire de ses premières émotions, tantôt île avec laquelle il a maintenu une certaine distance à partir de l’âge adulte.

« Je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la Liberté dans des flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards. » Ces mots écrits par Napoléon Bonaparte, encore jeune officier, en 1789, à Pascal Paoli, principal fondateur de l’identité nationale corse, nécessitent de connaître certains éléments de l’histoire corse. Cette île, génoise depuis le XIIIe siècle, s’est soulevée en 1729 à l’encontre de la République de Gênes. Au terme de quarante ans de révoltes, notamment marqués par l’adoption d’une Constitution corse en 1755, celle que l’on surnomme l’île de Beauté devient propriété de la France. La proclamation par Louis XV de la réunion de la Corse à la France a lieu le 15 août 1768.

Un an plus tard, le 15 août 1769, Napoléon naît à Ajaccio.

Nul n’est prophète en son pays

Pour autant, les rapports entre Napoléon et son île de naissance, qu’il quitte à l’âge de 10 ans afin d’intégrer une école d’officiers sur le conti- nent, demeurent compliqués. En effet, même si, au début de la Révolu- tion française, il a su conserver son âme corse, il prend tout de même, à partir de 1793, le parti de la France. Suite à quoi sa famille et lui quittent l’île car ils y sont considérés comme des traîtres par les nationalistes corses – les paolistes.

Penser donc que la Corse était totalement pacifiée durant la période du Consulat et de l’Empire, et entièrement dévouée à Napoléon, est faux.

Bien au contraire : durant cette époque, elle se distingue plutôt par des rébellions violentes, des désertions, etc. Et les plébiscites et succès politiques de Bonaparte, comme la proclamation du Premier Empire, y sont accueillis sans entrain, pour ne pas dire avec hostilité. Pour preuve, le 4 mai 1814, face à la nouvelle de l’abdication de l’Empereur, les proches de Napoléon se font malmener à Ajaccio, qui est pourtant sa ville natale !

Par conséquent, même si l’épopée de Napoléon à travers l’Europe a pu permettre de rapprocher la Corse du reste de la France, l’identité nationale corse a su demeurer vive.

Pour autant, certains lieux demeurent emblématiques de Napoléon, soit de son enfance, soit d’autres événements.

Plus vielle représentation de la Maison natale de Napoléon Bonaparte, vers 1850 par Daligé de Fontenay.

LA CORSE

NAPOLÉONIENNE

Chapitre 5

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LA MAISON NATALE DE NAPOLÉON

15 août 1769 : la naissance de Napoléon

D’origine italienne, et notamment florentine, la famille Bonaparte est installée en Corse depuis près de trois siècles lorsque, le 15 août 1769, dans la Casa Bozzi, rue Saint-Charles, à Ajaccio, propriété de Charles et Letizia Bonaparte, naît un enfant prénommé Napoleone – en l’honneur de plusieurs de ses ancêtres dont le prénom faisait lui-même référence une lointaine ascendance hellénique. L’accouchement a eu lieu dans le salon de la maison familiale, puisque le temps n’a pas permis à Letizia d’atteindre sa chambre à l’étage. Dès sa naissance, Napoléon était pressé… !

Une maison familiale

Dans cette maison familiale, sont nés tous les frères et sœurs de Napoléon, à l’exception de Joseph, l’aîné, né à Corte. Elle a donc conservé une importance pour la famille Bonaparte, même après le décès de Charles, le patriarche, en février 1785. Le soutien financier de Napoléon, nommé lieutenant la même année, devient alors de plus en plus important pour le reste du clan qui doit s’exiler sur le continent en 1793, à la suite de désaccords entre les Bonaparte et Paoli,

chef des indépendantistes corses : leur maison a été incendiée et mise à sac. Letizia tient cependant à y revenir à la fin de l’année 1796, et la fait remettre en état à l’aide d’une indem- nisation financière du gouvernement qui récompense le clan d’avoir été fidèle à la France face aux séditieux. Considérant que la situation se dégrade de nouveau, elle la quitte définiti- vement en juillet 1799 pour aller s’installer chez Joseph à Paris.

Pour sa part, Napoléon y séjourne une dernière fois sur le chemin du retour de sa campagne d’Égypte, du 28 septembre au 6 octobre 1799. Il déclare alors : « J’y logeais, ainsi que tout l’État-major. Il y avait une grande galerie. Je donnais à dîner à quarante personnes. Tout le monde s’y trouva bien. »

Chambre de la Maison Bonaparte avec le sofa sur lequel serait né Napoléon le 15 aout 1769

La porte de la maison natale de Napoléon, rue Saint-Charles, actuelle entrée du musée national de la Maison Bonaparte, créé en 1967.

Citation

« Il y a à Ajaccio une maison que les hommes qui naîtront viendront voir en pèlerinage ; on sera heureux d’en toucher les pierres, on en gravira dans dix siècles les marches en ruine, et on cueillera dans des cassolettes le bois pourri des tilleuls qui fleurissent encore devant la porte, et, émus de sa grande ombre, comme si nous voyions la maison d’Alexandre, on se dira : c’est pourtant là que l’Empereur est né ! »

Flaubert dans Voyage dans les Pyrénées et en Corse, 1840

Le destin de la maison

À l’automne 1799, le Premier Consul Bonaparte prend le pouvoir. La famille Bonaparte est alors bien loin d’Ajaccio, et la maison familiale a été confiée à Camilla Illari, la nourrice du futur Empereur. En 1801, elle est mise à la disposition du nouvel administrateur général de la Corse, André-François Miot de Melito, qui n’y reste qu’un an. Napoléon envisage ensuite de la donner à sa nourrice, mais Letizia refuse qu’elle sorte de la famille, et préfère la donner en 1805 à André Ramolino, son cousin. Celui-ci mort en 1831 sans enfants, la maison revient à André-Napoléon Lévie, fils de sa cousine germaine, héritage contesté par Letizia. Une transaction a finalement lieu en 1843 : Joseph Bonaparte reprend possession de la maison, le mobilier étant laissé à André-Napoléon.

Par la suite, en 1852, l’héritière et fille de Joseph Bonaparte, Zénaïde Bonaparte, la donnera à son cousin, Louis-Napoléon Bonaparte.

La Maison natale de Napoléon Bonaparte à Ajaccio, fin xixe siècle. Anonyme.

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LA MAISON AUJOURD’HUI : L’ŒUVRE DE NAPOLÉON III

En 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, alors président de la République, rétablit le régime impérial pour s’inscrire dans les pas de son oncle glorieux. Le nouvel empereur va donc avoir les coudées franches pour restaurer au mieux ce lieu emblématique de l’histoire des Bonaparte. Plus de 20 000 francs sont alors investis pour cela et pour aménager les caves se trouvant sous la galerie qui n’appartenaient pas à la maison et qui sont achetées en même temps. Néanmoins, lors de la visite du couple impérial en Corse, en 1860, Napoléon III pénètre dans une maison encore vide : les descendants d’André-Napoléon Lévie en détiennent toujours le mobilier. Une négociation s’engage et les meubles leur sont rachetés. Napoléon III et son épouse Eugénie peuvent ainsi mieux apprécier le charme de cette maison lors d’un nouveau voyage à Ajaccio à l’occasion du centenaire de la naissance du fondateur de la dynastie des Bonaparte, le 15 août 1869. C’est à cette occasion qu’Eugénie place sur la cheminée de la chambre natale de Napoléon le buste du Prince impérial.

Un musée

Après la défaite française de 1870 face à la Prusse, la maison est confisquée pour n’être rendue qu’en 1874 au prince impérial. Lorsque celui-ci meurt, en 1879, sa mère Eugénie reprend possession de la maison qui revient ensuite au prince Victor, petit-fils du plus jeune frère de Napoléon Ier, Jérôme, désormais chef de la Maison impériale. En 1923, le prince fait don de la demeure familiale à l’État, qui la classe au rang des Monuments historiques. Elle devient un musée national à l’approche du bicentenaire de la naissance de Napoléon, en 1967. De nos jours, ce musée est rattaché à celui du château de Malmaison.

Le visiteur peut y découvrir l’histoire de la Corse au xviiie siècle, puis celle de la famille Bonaparte et la jeunesse de Napoléon, avant de retrouver le décor restitué sous le Second Empire ainsi que diverses salles consacrées à la vie et à la légende de l’Empereur à travers objets, portraits, bustes ou vues optiques.

Anectdote

Au sujet de la naissance de Napoléon, Stendhal, qui a tant écrit sur Napoléon, raconte que le nouveau-né fut déposé « sur un de ces vieux tapis antiques à grandes figures de héros ». Magnifique image que de voir Na- poléon prédestiné à marcher sur les pas d’Hector ou d’Achille. Malheureusement pour tous les amoureux de l’histoire napoléonienne, le récit de Letizia Bonaparte a invalidé cette légende : « Nous n’avions point de tapis dans nos maisons de Corse et encore moins en plein été qu’en hiver. »

Napoléon, un héros venu tout droit de l’Antiquité ?

Page de gauche : Napoléon III en visite à Ajaccio,

le 14 septembre 1860.

Ci-contre en haut : Vue intérieure de la maison Bonaparte : la salle à manger.

Ci-contre :Au premier étage de la maison, le mobilier installé par Laetitia en 1796 et racheté par Napoléon III.

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LA CASONE

Une jeunesse passée dans une grotte

Enfant, Napoléon possède déjà un caractère fort et affirmé, qui laisse entrevoir certaines caractéris- tiques morales qui feront plus tard sa renommée. Il mange volontiers du pain noir pour vivre comme un soldat, et aime jouer à la guerre – parmi ses jouets visibles encore aujourd’hui dans le musée Napoléon, on peut notamment apercevoir un petit canon de trente livres. De même, il apprécie de se retrouver seul, loin du tumulte de la vie ajaccienne de son siècle. Ses promenades solitaires le mène souvent vers une grotte située sur le lieu-dit du Casone. La légende populaire, relayée par l’historien corse Toussaint Nasica dans Mémoires sur l’enfance et la jeunesse de Napoléon, raconte qu’il en profitait pour méditer sur son destin en lisant La Vie des hommes illustres de Plutarque. Formée d’un enchevêtrement de roches monolithiques idéal pour se cacher des regards indiscrets, cette grotte est encore visible, non loin du monument dédié à Napoléon sur la place d’Austerlitz, à Ajaccio.

Malheureusement pour la beauté romantique de cette histoire, il paraît peu sérieux de l’accréditer pour deux raisons. La première est qu’il aurait fallu que Napoléon franchisse les remparts de la ville ajac- cienne et marche à travers le maquis. La seconde est que cette grotte se situait sur une propriété privée.

Néanmoins, ceux qui voudraient s’y rendre peuvent être assurés que Napoléon y est effectivement venu, mais c’était en 1799, avec les généraux Berthier, Lannes et Murat, au retour de la campagne d’Égypte : la dernière fois qu’il revint à Ajaccio.

Un monument dédié à Napoléon Ier

Tout avait commencé au début du xviiie siècle lorsqu’une « casone », c’est-à-dire une grosse maison, avait été construite par les jésuites sur cette colline dont ils étaient propriétaires. Après la Révolution, le lieu est racheté par Joseph Bonaparte, un des frères de Napoléon, puis passe aux mains du cardinal Fesch, oncle de l’Empereur qui envisage d’y installer un institut mais le lègue finalement à la ville d’Ajaccio en 1839 sans en avoir rien fait. Le lieu ne sert alors plus qu’à l’armée et la maison des jésuites est abattue en 1878.

Mais, en 1921, Ajaccio prépare la commémoration du centenaire de la mort de Napoléon. Et, parmi les projets, figure une réhabilitation totale du lieu avec la construction d’un monument à la gloire de Napoléon. Il faut cependant attendre 1935 pour qu’une souscription publique soit lancée par le Comité du monument Napoléon. L’idée est d’élever une pyramide au sommet de laquelle sera placée la statue en bronze de l’Empereur exposée depuis 1921 dans la cour anglaise de l’Hôtel de Ville et qui a été réalisée sur le modèle de celle sculptée par Émile Seurre pour le sommet de la colonne Vendôme. L’inauguration a finalement lieu le 18 mars 1938 sur la place du Casone rebaptisée à cette occasion place d’Austerlitz. La céré- monie revêt une importance toute particulière car, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie de Mussolini a des visées sur la Corse, qui manifeste ainsi son attache- ment à la France.

Ci-contre : Le monument à Napoléon Ier, non loin de la grotte du Casone à Ajaccio.

Napoléon Ier, vêtu comme à Austerlitz en uniforme de colonel de la garde, au sommet de la pyramide de granit rappelant ses victoires et ses réalisations du Casone à Ajaccio

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LA CATHÉDRALE D’AJACCIO

Un lieu richement décoré

La construction de la cathédrale s’est achevée en 1593. Néanmoins, ce qui en est aujourd’hui visible est bien plus récent. Elle a en effet été entièrement réhabilitée en 1789-1790, notamment son dôme. D’autres parties ont été refaites bien plus récemment : ainsi les parties supérieures de la façade ont-elles été retouchées en 1991 et 1993 pour lui conférer un aspect davantage classique. Une dernière réhabilitation a eu lieu en 2002 sur la voûte de la nef centrale.

À l’intérieur de la cathédrale, le décor est riche. On remarque surtout le grand maître-autel en marbre offert par Elisa Bonaparte, la sœur de Napoléon, princesse de Lucques et Piombino, merveille d’architecture qui date du xviie siècle et provient d’ailleurs justement de l’église dei Suffraganti à Lucques.

Le baptême de Napoléon

Ce paragraphe aurait pu s’intituler « La naissance de Napoléon ». En effet, le 15 août 1769, sa mère assiste en cette cathédrale à la messe solennelle de l’Assomption lorsqu’elle commence à ressentir les premières douleurs. Mais elle a juste le temps de rentrer dans la demeure familiale avant de donner naissance au futur Empereur. La cathédrale d’Ajaccio reste tout de même un lieu lié à Napoléon puisqu’il y est baptisé, le 21 juillet 1771. Le baptistère de marbre se trouve à droite en entrant – depuis 1900, au-dessus de la vasque sculptée des armoiries de Giustiniani se trouve une couronne de bronze avec une inscription en or : « Heic baptisatus Imperator Magnus » [« Ici a été baptisé le Grand Empereur »].

Le lieu de son baptême resta important pour lui, et lors de son exil à Sainte-Hélène, il nota parmi ses dernières volontés : « Si l’on proscrit mon cadavre, comme on a proscrit ma personne, que l’on me refuse un peu de terre, je souhaite que l’on m’inhume auprès de mes ancêtres dans la cathédrale d’Ajaccio, en Corse. » Le destin lui a finalement accordé que son souhait que ses « cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé » et son tombeau se trouve aux Invalides.

La chapelle des Bonaparte

La cathédrale d’Ajaccio possède également trois chapelles : la chapelle de la Vierge de la Miséricorde, la chapelle de la Madonna del Pianto, la plus ancienne de la cathédrale et la plus richement ornée, et la chapelle de Notre-Dame du Rosaire, consacrée en 1765 et où, selon la tradition, se trouvait l’ancien caveau de la famille Bonaparte. Celui-ci ne s’y trouve plus depuis la construction de la chapelle impériale sous le règne de Napoléon III.

exergue

Abem mentro movem desse iam ni periu esenatu spie nirmanu in se cero coni con

Le monument de Napoléon Bonaparte à cheval et entouré de ses quatre frères, sur la place du Général-de-Gaulle à Ajaccio.

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LA CHAPELLE IMPÉRIALE D’AJACCIO

Sa construction

La construction de la chapelle impériale d’Ajaccio, également connue sous le nom de chapelle palatine, procède des dernières volontés du cardinal Fesch. Avant sa mort, il avait écrit ceci : « Sur le produit de la vente de ma Grande Galerie de tableaux, mes héritiers prélèveront la somme de deux cent mille francs destinés à la construction d’une église à Ajaccio… où sera établie ma sépulture, celle de ma sœur Letizia et de tous les membres de la famille Bonaparte qui voudront y être ensevelis. » Mais il mourut en 1839 à Rome et fut été enterré à plus de 200 kilomètres, dans la commune de Corneto, en Italie. C’est Napoléon III qui rendit possible son souhait en confiant le projet à l’architecte Alexis Paccard. La chapelle, érigée en forme de croix latine surmontée d’une coupole, fut achevée en 1860 et le lieu béni le 9 septembre.

Napoléon III et son épouse Eugénie s’y rendirent dès le lendemain. Le fronton porte une inscription latine qui en rappelle l’origine et la destination : « À Marie-Letizia, mère de l’Empereur Napoléon Ier, et au cardinal Fesch qui de son vivant institua pour lui-même, pour son excellente sœur et pour les siens, cette sépulture, achevée par Napoléon III. »

Un lieu de recueillement

Ce lieu richement orné et décoré de di- vers symboles impériaux est conçu pour rendre hommage au clan Bonaparte.

Sur les piliers centraux, quatre plaques de marbre sont gravées d’inscrip- tions à la mémoire de Madame Mère, de Charles Bonaparte, du cardinal Fesch et de Charles-Lucien Bonaparte, neveu de Napoléon, décédé en 1857. Une crypte permet également d’accéder au lieu de repos de plusieurs membres de la famille impériale : Charles Bonaparte et Marie-Laetizia Ramolino – les parents de Napoléon –, Napoléon-Charles Bonaparte, Charles-Lucien Bonaparte, les princesses Zénaïde et Eugénie, le prince Victor et son épouse Clémentine, ainsi que leur fils le prince Napoléon, et enfin le cardinal Fesch.

La mémoire napoléonienne représentée

L’autel – magnifiquement paré tous les ans les 15 août et 5 mai, pour les anniversaires de la naissance et de la mort de l’Empereur, est surmonté d’un crucifix copte ramené d’Égypte par Napoléon qui l’avait offert à sa mère.

Mais la mémoire napoléonienne est largement représentée en ce lieu : la

chapelle constitue en effet une aile du palais Fesch qui a été de nos jours réaménagé en musée. Dès l’entrée, on peut admirer la réalisation d’un marbre de l’artiste François-Joseph Bosio représentant Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon, roi de Westphalie en 1807. De même, une série de tableaux magnifient la mémoire napoléonienne tel qu’un portrait en pied de Napoléon Ier en costume de sacre par le peintre Gérard. Par ailleurs, dans la salle des médailles, une collection impressionnante de médailles et des pièces en or, argent et bronze permettent de (re)découvrir la période napoléonienne sous un autre angle. Il y a également quelques objets précieux, comme une tabatière en or, ou bien encore l’ultime petite cuillère utilisée par Napoléon à Sainte-Hélène.

Page de gauche : L’entrée de la chapelle impériale dans la rue Cardinal-Fesch.

Ci-dessus : L’intérieur de la chapelle impériale construite sous Napoléon III.

Ci-contre : La crypte de la chapelle impériale.

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Région riche et prospère, la Normandie a dès le Moyen Âge joué un rôle moteur dans l’Histoire de la Nation. La Révolution puis l’Empire lui donnèrent une nouvelle occasion de conforter sa primauté. Enfin, Napoléon III, à son tour, intégra l’industrieuse province à ses moments de gloire.

Aujourd’hui, l’œuvre impériale est toujours bien visible de Rouen jusqu’à Cherbourg. En effet, dès les premières étapes du Consulat, Napoléon Bonaparte choie tout particulièrement cette région. Dès 1802, il s’efforce de la rallier au nouveau régime, conscient de son poids économique, culturel et humain. C’est ainsi qu’il avoue à son frère Joseph ses sentiments à l’égard de cette province : « Tout ici est consolant et beau à voir, et j’aime vraiment cette belle, bonne Normandie : c’est la véritable France. » L’éloge est fort et rare. Nul doute : la Normandie a conquis son cœur.

Dernier signe d’attachement de la Normandie à l’Empereur, en 1840, elle est la première à recevoir sur le sol de France ses restes mortuaires, ramenés de Sainte-Hélène. Le 2 décembre, la frégate La Belle Poule accoste à Cherbourg. Une chapelle ardente est dressée dans l’entre- pont du navire, plus de 100 000 personnes viennent lui rendre un dernier

Antoine-Léon Morel-Fatio, Transbordement des cendres de Napoléon en rade de Cherbourg, 1841.

Eugène Isabey, Transbordement des cendres de Napoléon à bord de La Belle Poule, 1842.

hommage. Dans la nuit du 8 au 9 décembre, sa dépouille est transférée sur le bateau à vapeur Normandie, qui gagne d’abord Le Havre, puis Rouen. Non loin de là, au Val-de-la-Haye, en 1844, on élevera une colonne commémorative de ce retour des Cendres, surmontée de l’Aigle impérial. Le 10 décembre 1840, les cendres de Napoléon arrivent à Paris, accueillies par près de un million de personnes…

Le second empereur, Napoléon III, ne parvient pas à établir les mêmes relations que son oncle. Cela ne l’empêche nullement d’associer la Normandie au riche bilan industriel de son règne et de consolider les liens qui unissent toujours la province à la capitale.

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LA NORMANDIE NAPOLÉONIENNE

Chapitre 9

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PREMIER VOYAGE OFFICIEL : LA NORMANDIE

S’inscrire dans l’Histoire

Le 29 octobre 1802, au petit matin, une berline escortée par les cavaliers de la garde consulaire quitte le domaine de Saint-Cloud à toute allure.

C’est le Premier consul Bonaparte qui part pour la Normandie où il a choisi d’effectuer son premier voyage officiel en province depuis sa prise de pouvoir du 18 Brumaire. Ce choix pour son premier déplacement en tant que chef d’État n’est pas anodin. Il s’agit pour lui de donner des gages aux oppositions, notamment royaliste, auxquelles la Normandie était en grande partie demeurée fidèle durant la Révolution. Il espère faire la démonstration de la stabilité de son nouveau régime et aussi manifester son attachement à la population normande qui a été durement touchée par les difficultés économiques dues aux guerres et par les raids britanniques. Il montre ainsi son souhait d’accompagner le redressement de la région et d’en faire un exemple de la réussite de sa politique économique et de réconciliation.

Symbole d’une concorde retrouvée

Durant ce voyage qui le mène à Rouen en 1802, Napoléon décide de faire une halte à Ivry. Le message est fort : c’est ici même que le « bon roi » Henri IV a livré bataille victorieusement en 1590 contre les troupes de la Ligue catholique. Les révolutionnaires avaient abattu la colonne élevée pour commémorer ce glorieux fait d’armes. Le Premier consul ordonne son redressement et y fait inscrire les mots suivants : « Napoléon Bonaparte premier consul à la mémoire d’Henri IV victorieux des ennemis de l’État aux champs d’Ivry ».

Symbole de la reconquête royale, Ivry devient par ce geste symbole de réconciliation politique. Napoléon entend montrer qu’il n’est l’homme d’aucun parti. « Ni bonnet rouge ni talons rouges, je suis national », avait-il dit en s’emparant du pouvoir. Plus que jamais au cours de ces grandes années du consulat, il est l’homme de l’unité nationale et de la nouvelle entente entre les deux France : celle de l’Ancien Régime et celle des révolutionnaires. Il envoie ainsi un message clair aux royalistes : s’inscrivant dans les pas du souverain réconciliateur, il se fait l’héritier des rois et assume toute l’Histoire de la Nation, « j’assume tout de Clovis au Comité de Salut Public », a-t-il coutume dire. La colonne commémo- rative trouve donc une nouvelle vie sous l’aspect d’un obélisque décoré d’un portrait d’Henri IV. Si le monument est toujours debout aujourd’hui, la déclaration de Bonaparte a été effacée durant la Restauration après son abdication en 1815.

Obélisque commémorative de la bataille d’Ivry (1590) à Épieds (Eure, France), 1804.

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Rouen quatrième ville de France en 1802

Le 2 novembre 1802, Napoléon arrive à Rouen, alors quatrième plus grande ville de France. Il effectue une visite remarquée des manufactures, notamment celle des frères Sévenne, fabricants de velours. Pendant plusieurs heures, le Premier consul, accompagné de son épouse Joséphine et des généraux Bessières et Duroc, se fait expliquer le fonctionnement des machines à tisser, visite les ateliers, échange longuement avec les ouvriers, inspecte chaque poste de travail, donne ses conseils, pose des questions et décore de la Légion d’honneur le plus ancien ouvrier de l’entreprise. C’est ce moment tout en symboles que le peintre Isabey a choisi de représenter pour honorer la commande que lui fait le couple consulaire pour commé- morer son déplacement en Normandie.

Bonaparte se montre ici en véritable initiateur de la relance économique du pays et fait de la Normandie un symbole. Il accorde les crédits de l’État et son soutien personnel aux manufactures et permet ainsi leur plein développement. À Elbeuf et à Louviers, au cours de ce même voyage de 1802, il fait partout accélérer les initiatives, notamment pour l’implantation des chambres de commerce. Le 3 novembre, parcourant les ateliers de filature de Delarue et de teinture de Lambert, le Premier consul s’enthousiasme pour l’élan économique et commercial et déclare : « Cette ville est une ruche où, heureusement, il n’existe pas de frelons. Les magistrats sont heureux d’avoir à gouverner des hommes laborieux, le travail assure à la fois le repos de la société et le bonheur de l’individu. » Napoléon s’occupe aussi accélérer la construction des routes, les travaux portuaires à Dieppe et au Havre ainsi que l’aménagement des industries. Toujours sensible aux marques d’affection que lui a montrées la population normande, il écrit à Talleyrand : « Il est difficile d’être plus satisfait que je le suis de tout ce pays-ci. »

ROUEN : UNE RELATION DE FIDÉLITÉ

Filatures et infrastructures

La politique économique de l’Empereur ainsi que les succès des débuts du Blocus continental de 1806, enrichissent la Normandie et permettent d’asseoir définitivement la primauté commerciale de Rouen. De 2 filatures mécaniques en 1800, on passe à 10 en 1806 puis 53 l’année suivante, on comptera également la mise en place de 47 imprimeries à tissus. Dès 1803, il y a fait rétablir les chambres de commerce et l’Académie.

En 1810, Napoléon est de retour à Rouen, accompagné cette fois de Marie-Louise et de son frère Jérôme notamment. L’Empereur s’attache à visiter la ville et à évaluer les travaux nécessaires pour soutenir son développement. Il fait ainsi percer

deux rues nouvelles : les actuelles rue de la République et rue La Fayette, et il ordonne la construction d’un nouveau pont de pierre reliant ainsi les deux rives de la Seine qui sépare la ville. Construit à partir de 1813, il faudra attendre 1829 pour que le pont soit enfin terminé, et il disparaît lors de la débâcle de juin 1940 sur ordre du génie militaire fran- çais. Se présentant en deux volées de trois arcades, il était agrémenté d’un grand terre-plein central permettant les échanges et la circulation. L’actuel pont, situé au même endroit, a été reconstruit en 1952.

Eugène Isabey, Bonaparte, Premier consul, visite la manufacture des frères Sévène à Rouen (1802), 1804.

Ci-dessus : En 1810, Napoléon Ier vient visiter Rouen et promet l’édification d’un pont en pierre : il tiendra parole. Le pont a la forme d’un accent circonflexe largement ouvert.

Ci-dessous : Camille Pissarro, Le Grand Pont, Rouen, effet de pluie, 1896.

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LA NORMANDIE MILITAIRE

La rade de Cherbourg

Mais Napoléon doute encore de l’affection normande – il est vrai qu’il y a encore de nombreux royalistes dans la région : « Les habitudes d’esprit tiennent toujours un peu pour l’Ancien Régime, parce qu’ils n’ont pas d’imagination. » Il se tourne plus vers Cherbourg qui s’offre à la Manche et face à l’Angleterre depuis que Vauban songea à en faire « l’auberge de la Manche », soit une place forte militaire face à l’ennemi britannique. Aussi Napoléon ordonne-t-il à partir de 1803 la construction de la vaste rade de Cherbourg (aujourd’hui encore la rade artificielle la plus longue du monde) et l’aménagement de son port et du nouvel arsenal militaire.

Du 26 au 30 mai 1811, l’Empereur effectue ainsi sa troisième visite en Normandie en venant à Cherbourg pour inspecter l’avancée des chantiers. S’il entend accélérer la reprise des constructions de navires de guerre pour rattraper le retard pris sur l’Angleterre, il vient là encore soutenir sa politique économique, comme lors de ses premiers déplacements en 1802.

Cinquante voitures attelées, six berlines et trois calèches quittent Rambouillet le 22 mai 1811. Après une visite de Ouistreham et de l’embouchure de l’Orne, l’Empereur décide le creusement du canal de Caen à la Manche. Après s’être arrêté à Caen, il entre dans Cherbourg le 26 mai. Une « foule immense » l’accueille, un arc de triomphe est dressé. Le maire déclare : « Sire, nous vous recevons mal, mais nous vous aimons bien et nous venons vous le dire. » Napoléon inspecte le port militaire jusqu’à 22 heures. Le lendemain, dès 5 heures, il poursuit son inspection puis se rend ensuite sur les hauteurs et y détermine l’emplacement de la plupart des redoutes qui les couronnent encore aujourd’hui.

L’Empereur montre encore son intérêt pour Cherbourg en en faisant en 1812 la nouvelle préfecture maritime en remplacement du Havre. La ville le lui rendra et en retour songe même à se renommer Napoléon-Bourg.

Louis-Philippe Crépin, Napoléon Ier et l’impératrice Marie-Louise assistant au défilé de l’escadre de l’ amiral A. G. Troude le 30 mai 1811 en rade de Cherbourg, 1822.

Ci-contre : Armand Le Véel, Statue équestre de Napoléon Ier, 1858, place Napoléon à Cherbourg.

La statue est inaugurée le 8 août 1858 par Napoléon III accompagné de l’impératrice. Elle porte l’inscription :

« La main qui fonde, et non celle qui menace », en mémoire de la nouvelle impulsion que l’Empereur a inspirée aux chantiers de son port. Elle le présente dans son légendaire uniforme, le regard et la main portés vers la rade et non vers l’Angleterre comme on le prétend souvent…

En haut : Dès 1779, Louis XVI avait lancé la construction du fort de l’île Pelée et de trois autres forts dans la rade de Cherbourg.

Ci-dessus : Rade de Cherbourg : le fort de l’Ouest.

En 1813, l’avant-port est achevé et ouvert aux eaux. Napoléon envoie l’impératrice Marie-Louise inaugurer l’ouvrage le 25 août. Mais les difficultés militaires et économiques ralentissent l’achèvement des espoirs maritimes de l’Empereur et sa chute en 1815 met un coup d’arrêt aux aménagements de Cherbourg. Il n’en oublie cependant pas le dessein qu’il avait pour cette ville et déclarera à Sainte- Hélène : « J’avais résolu de renouveler à Cherbourg les merveilles de l’Égypte. »

Le fort du cap Lévi

Le long de la côte, à l’est de Cherbourg, se dresse le fort dit du cap Lévi. Napoléon, comprenant l’im- portance stratégique de ce point avancé en mer pour protéger le port de Cherbourg des assauts britanniques, ordonne sa construction dès 1801.

Achevé en 1806, il est alors doté de pièces d’artillerie et d’une petite garnison assurant, avec 11 autres batteries côtières, la défense du littoral normand.

Le fort fera feu à plusieurs reprises sur les navires anglais s’aventurant trop près de Cherbourg et des plages alentour. Aménagé au fil des ans, il sera no- tamment adapté aux progrès de l’artillerie. Toujours visible aujourd’hui, il s’est transformé en site touris- tique et accueille désormais des chambres d’hôtes.

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NAPOLÉON III ET LA NORMANDIE

Sur les traces de son oncle

Soucieux de perpétuer l’œuvre politique de son oncle, Napoléon III attache une tout aussi grande importance à la Normandie. Du 4 au 8 août 1858, le second empereur est en visite à Cherbourg où il célèbre l’entente avec l’Angleterre en s’affichant aux côtés de la reine Victoria. Cette somptueuse visite est l’occasion pour lui de continuer à étendre le réseau du chemin de fer en inaugurant la ligne ferroviaire au départ de Cherbourg.

S’inscrivant dans les pas de son oncle, Napoléon III inaugure l’achèvement des travaux du grand bassin du port de Cherbourg dont la construction avait été ordonnée en 1803 mais n’a été lancée qu’en 1836.

Véritable prouesse architecturale, le bassin est creusé à même la roche à 17 mètres de profondeur et se trouve en amont de l’avant-port. Il prend alors le nom de bassin Napoléon III.

C’est à cette occasion qu’il inaugure à Cherbourg la statue équestre de son oncle (rénovée en 2015).

Fortifications et sémaphore

Napoléon III fait lui aussi établir un nouveau fort tourné sur la Manche. C’est sur l’archipel Chausey, en 1859, sur la pointe sud-est du morceau de terre normand, qu’est entreprise la construction de ce fort moderne encastré de profonds fossés, gardés par de fières caponnières et autres casemates et talus. Il s’agit alors de prévenir toute tension militaire sur mer avec l’Angleterre voisine pourtant devenue amie de la France. Achevé en 1866, le fort est flanqué en 1860 d’un bureau dit « du génie militaire », destiné à abriter les officiers en charge des travaux. Aujourd’hui, le fort comme cette dépendance administrative sont devenus propriétés privées et abritent les pêcheurs locaux et leurs familles. Les lieux font l’objet d’une remise en valeur patrimoniale permettant de redécouvrir l’architecture militaire de cette petite île.

Non loin de là, un sémaphore est dressé en 1867 sur le point culminant de l’archipel, la colline Gros-Mont,

permettant aux gardiens des lieux de repérer les navires voguant à proximité et à ces derniers de suivre leur route sans danger. De cet observatoire maritime, on peut observer le Mont-Saint-Michel et toute sa baie. La bâtisse accueille depuis quelques années des scientifiques travaillant sur l’étude du littoral normand.

Enfin, on notera, en 1850, la construction d’une belle chapelle, bâtie en pierres et agrémentée d’un clo- cher. Son dernier curé partira dans les années 1980.

Ci-contre : L’arrivée de Napoléon III à Cherbourg, le 25 avril 1868.

Page de droite, en haut : L’inauguration du bassin Napoléon III à Cherbourg en 1858.

Page de droite, en bas : L’arsenal maritime de Cherbourg : le bassin Napoléon III.

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LA RADE DE CHERBOURG ET LES ÎLES CHAUSEY

En haut : Vue aérienne des nouveaux bâtiments du sémaphore des îles Chausey.

Ci-dessus : Le phare des îles Chausey.

Page de droite : La rade de Cherbourg.

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L’INDUSTRIE, FLEURON DE LA POLITIQUE NAPOLÉONIENNE NORMANDE

Bolbec et la famille Desgenétais

Napoléon III entend, comme son oncle près de soixante auparavant, faire des terres de Normandie le fer de lance de sa politique économique. Ainsi, la région continue d’entretenir la tradition de l’industrie drapière.

À Bolbec, à quelques kilomètres seulement de l’estuaire de la Seine, s’implante dès les années 1830 la famille Desgenétais qui inaugure le premier tissage mécanique de la région. L’entreprise familiale connaît sa plus belle expansion sous le Second Empire : ainsi, après un deuxième tissage mécanique en 1845, c’est un troisième qui est installé en 1853, accompagné d’une filature. Si la production de tissu s’étiole ensuite peu à peu, obligeant l’industrie normande à réduire son personnel, elle continue cependant à produire une forte quantité de fil qui lui permet de perdurer avec tout de même 250 ouvriers. Ces derniers sont pleinement intégrés à la vie de l’entreprise grâce à un système paternaliste et patronal en plein développement. Dans cet esprit, le temps de travail des ouvriers, régi depuis la loi de septembre 1848 et qui imposait les 12 heures quotidiennes, est réduit à 11 heures en 1868, sans diminution de salaire.

En 1865, la fabrique Desgenétais produit ainsi jusqu’à 7 000 pièces imprimées à l’année. Les établissements réunis sous la direction d’Auguste Desgenetais, comprenant une filature de coton et un tissage mécanique, sont considérablement agrandis. Et les années suivantes voient les bâtiments de production s’agrandir encore, réunissant la plupart des sites alentour sous la même direction et la même architecture en brique À Bolbec, l’ancienne usine textile de la famille Desgenétais est au xixe siècle l’un des plus grands centres français de production de toiles de coton imprimées appelées indiennes. Ces toiles sont à l’origine du développement et de la prospérité de la ville.

Le canal de Caen à la mer est inauguré en 1857. À proximité du pont de Bénouville (Pegasus Bridge) a été installé en 2000 le Musée Pegasus dédié à l’action héroïque de la 6e Division aéroportée britannique.

et aux hautes cheminées, typique de l’industrie de cette fin de xixe siècle qui allait perdurer jusqu’aux crises du monde contemporain.

Si l’industrie drapière a aujourd’hui disparu, son souvenir est encore vivace dans les mémoires normandes et particulièrement à Bolbec, qui fut durant ces longues années l’un des symboles de la prospérité écono- mique. Un Musée du textile, installé dans les bâtiments d’origine de la famille Desgenétais, y a remplacé les ouvriers et leurs métiers à tisser : il contribue à maintenir dans le patrimoine mémoriel et matériel cette production familière de Normandie et symbole de l’époque impériale qui l’avait rendue florissante.

Canaux et voies navigables

Le Second Empire modernise aussi les voies navigables. La basse-Seine représente désormais 20 % du trafic fluvial français et de vastes travaux sont lancés pour canaliser ce tronçon stratégique entre Paris et l’océan Atlantique. De même, le canal de Caen à la mer est inauguré le 23 août 1857, en présence des autorités civiles et militaires.

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DEAUVILLE UNE NAISSANCE IMPÉRIALE

En 1855, toujours en lien avec l’expansion ferroviaire française, les différentes compagnies de chemin de fer de Normandie se réunissent en une seule, donnant ainsi naissance à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. La liaison est alors de plus en plus régulière vers la capitale, inaugurant par là le lien désormais légendaire qui unit la Normandie à Paris.

Alors que Napoléon III a fait de Biarritz l’une des premières et des plus flamboyantes stations balnéaires françaises, consacrée en partie à l’impératrice Eugénie, les investisseurs du Second Empire portent davantage leurs regards vers la côte normande. Pas moins de trois villes voient leur histoire totalement bouleversée par l’expansion économique de l’époque : Cabourg, en 1853, Houlgate l’année suivante, puis Villers-sur-Mer en 1856 deviennent les nouveaux exemples de l’opulence et du luxe du xixe siècle français, incarnant le modèle type de la station balnéaire moderne.

De l’imagination du duc de Morny

En 1858, le duc de Morny, demi-frère de l’Empereur, est invité à séjourner sur cette fameuse côte normande par son ami le docteur Joseph Olliffe. Homme de mondanités mais surtout homme d’affaires aguerri, Morny tombe sous le charme de la région et comprend aussitôt l’intérêt économique qu’il y a à tirer de la beauté de la paisible Normandie. Apercevant en face de Trouville 160 hectares de terrains vierges et 3 kilomètres de sable fin, il saisit en visionnaire l’opportunité d’exploiter ce rivage pour créer une station balnéaire : bien que composé de marais plutôt hostiles et de quelques maisonnées, l’endroit lui apparaît pourtant comme le futur « royaume de l’élégance ».

Dès lors, il s’emploie à convaincre ses réseaux d’amis industriels et financiers de soutenir son projet et de construire une grande station balnéaire sur le modèle de celle que Napoléon III a conçue à Biarritz. Ainsi se forme une association d’hommes compétents et ambitieux venus d’horizons différents, dont le but sera, selon les propres mots de Morny, de créer « le royaume de l’élégance » : on trouve à ses côtés, outre le docteur Olliffe, M. Donon, un banquier parisien, directeur de la Banque ottomane, qui saura trouver les fonds nécessaires à l’opération et M. Breney, un architecte parisien, qui dresse les plans de la future ville (et deviendra le premier maire du grand Deauville).

L’empereur décrète alors le prolongement de la ligne de chemin de fer Paris-Lisieux pour la porter jusqu’à Deauville et ainsi mettre la capitale à moins de cinq heures de la station balnéaire.

C’est ainsi qu’en 1861, naît la Deauville moderne. La zone marécageuse a été asséchée, les terrains adaptés pour accueillir des constructions et bientôt on voit apparaître, sous la poussée des architectes de la bonne société du Second Empire, les plus belles villas de l’époque.

Morny lui-même s’y installe et fait de Deauville, par sa présence qui attire le « Tout Paris », cette ville de l’élégance, de la mondanité dont il rêvait.

Le plan d’urbanisme est typique du Second Empire et semble sor- ti tout droit de l’imagination bâtisseuse de Morny. Quatre zones organisent ainsi Deauville : une luxueuse zone résidentielle regroupant les plus beaux pavillons en bord de mer, une zone d’habitat populaire (qui ne sera finalement pas réalisée) reliant la ville neuve à l’ancien bourg qui préserve le charme normand au cœur de cette modernité galopante, la zone des mondanités ensuite, dédiée au gratin de la société impériale qui déferle sur Deauville, enfin la zone d’activité englobant le port et la gare.

Page de gauche : Charles Louis Joseph Demorny, duc de Morny (1811-1865), officier, industriel, homme politique et ambassadeur, voit grand et ne pourra aller au bout de ses ambitions pour Deauville.

Ci-dessus : Le duc de Morny, frère utérin de l’empereur Napoléon III, est le créateur de Deauville. Convaincu des bienfaits thérapeutiques des eaux, il devine le potentiel immobilier de la station et se lance avec fièvre en 1860 dans ce nouveau projet. Pour asseoir la réputation du lieu et pour son propre plaisir, il se fait construire une villa, la Sergewna.

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LES COURSES DE DEAUVILLE, UN ART DE VIVRE

En 1864, Morny – à qui le turf français est déjà redevable de l’aménagement de l’hippodrome de Longchamp (1857) et d’avoir participé à la création du Grand Prix de Paris (1863) – inaugure à Deauville l’hippodrome de La Touques, qui s’étend sur 70 hectares et qui demeurera un de ses héritages les plus célèbres – souvenir perpétué par le prix de Morny créé en 1865. Les courses de Deauville instaurent alors un véritable art de vivre.

Emblématique lui aussi de cet art de vivre, et autre symbole de richesse, un casino ouvre en 1864, offrant une grande variété de divertissements : jeux de hasard, cabinets de lecture et de conversation, bals, cafés et restaurants. Enfin, théâtre et musique représentent une attraction essentielle pour la station balnéaire naissante dont Morny lance la mode, invitant de nombreuses personnalités de l’époque – préambule aux défilés de stars qui arpenteront les célèbres Planches (installées en 1924) et renforceront plus tard la renommée du lieu.

Si Deauville devient ce qu’elle est en partie demeurée, une ville aux allures luxueuses et élitistes, il reste cependant hors de question de la couper des réalités. La société du Second Empire doit être celle de l’alliance entre les classes bourgeoises et travailleuses. Ainsi garde-t-on à cœur de ne pas effacer le bourg historique qui inspira les desseins de Morny à l’origine et on crée dès 1863 un quartier marchand et populaire au centre de la ville qui garde en outre le charme du terroir normand populaire.

Mort en 1865, Morny est honoré par sa ville de cœur qui lui élève une statue la même année. Et le bassin principal du port, inauguré en 1866 par l’impératrice, est baptisé de son nom.

Ci-contre : Morny pose personnellement, le 30 août 1864, la première pierre de la nouvelle église Saint-Augustin de Deauville, consacrée le 30 juillet 1865.

Ci-dessous : La statue du duc de Morny a été enlevée en 1942 sous le régime de Vichy pour être fondue. Une nouvelle version, actuelle- ment en place, l’a remplacée en 1955.

En bas à gauche : Deauville, la plage, (vue aérienne).

En haut : Lorsqu’il fonde la ville de Deauville, entre 1860 et 1864, Morny accorde une attention toute particulière à l’hippodrome de Deauville-La Touques, au point de le construire avant l’église !

exergue

Quam Rompl.

Epopoentus;

hos facchuiu quam.

Conuncum persona

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