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Les limites de la protection contre les créanciers en assurance vie

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Les limites de la protection contre les créanciers en assurance vie

L’une des composantes intéressantes des contrats d’assurance vie est la protection qu’ils offrent contre les créanciers. Cependant, ces dernières années, cette protection a fait l’objet de nombreuses contestations. La bonne nouvelle est qu’elle continue d’exister et de s’appliquer dans certains cas. Toutefois, il faudrait en examiner attentivement les limites. Le présent bulletin traite de la manière dont la protection des sommes assurées contre les créanciers a été interprétée au cours des dernières années. Il est également recommandé de consulter le bulletin Actualité fiscale intitulé « Protection contre les créanciers et assurance vie ».

Protection contre les créanciers lors d’une faillite

L’application de la protection des produits d’assurance vie et de rente contre les créanciers a toujours été incertaine dans les cas de cession de faillite, jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans l’affaire Ramgotra (Banque Royale du Canada c. La Nord-américaine, compagnie d’assurance-vie et Balvir Singh Ramgotra, (1996), 1 R.C.S. 325). Auparavant, plusieurs décisions prises, à commencer par celle dans l’affaire Klassan, (Klassan (Trustee of) v. Great West Life Assurance Co. (1990), 1 C.B.R., (3d) 263 (Sask. Q.B.), avaient soulevé la question de l’effet de la protection contre les créanciers dont disposait la législation provinciale par suite d’une « disposition » des biens en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »).

Lorsqu’un particulier devient insolvable, les droits du failli et de ses créanciers sont régis par la LFI, laquelle renferme une disposition particulière empêchant le syndic de faillite de saisir tout bien considéré comme insaisissable aux termes d’une loi provinciale. Lorsqu’un membre de la famille est nommé bénéficiaire ou qu’un bénéficiaire irrévocable est désigné, ou que les fonds sont immobilisés et protégés par la législation provinciale, le syndic ne peut forcer le rachat d’un contrat d’assurance vie ou de rente pour satisfaire à la réclamation des créanciers.

La question de la « disposition » de biens a été soulevée dans l’affaire Ramgotra. La définition de

« disposition » inclut une désignation de bénéficiaire aux termes d’un contrat d’assurance vie faite à titre gratuit ou pour un apport purement nominal. Le paragraphe 91(2) de la LFI stipule que sont inopposables au syndic les « dispositions » de biens faites au cours des cinq années qui précèdent la date de la faillite si les intérêts du disposant dans ces biens n’ont pas cessé lors de la disposition.

Dans cette affaire, le syndic a demandé un jugement déclaratoire portant que, en vertu du par. 91(2) de la 1

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LFI, le transfert des fonds des REER dans un FERR était nul. Le transfert a été effectué en juin 1990 et Dr Ramgotra a fait une cession de faillite en février 1992. Le tribunal a déterminé que le FERR établi par l’assureur était un contrat de rente et d’assurance vie. Il a statué que le transfert d’un fonds REER d’un contrat non protégé à un REER (ou à un FERR) géré par une société d’assurance vie et protégé ainsi contre les créanciers ne constitue pas une disposition au sens de la loi. Il a été conclu qu’une personne ne peut disposer de biens en faveur d’elle-même et que le bien faisant l’objet de la disposition doit être détenu pour le bénéfice d’une autre personne.

Le tribunal a reconnu les rôles distincts que jouent l’article 91 et l’alinéa 67(1)b) de la LFI. Ceux-ci régissaient deux étapes différentes de la faillite et ne constituaient pas de prérequis l’un par rapport à l’autre. Le tribunal a statué que la désignation du conjoint du titulaire comme bénéficiaire constituait une disposition faite au cours des cinq années qui précédaient la faillite et était donc inopposable au syndic conformément au

paragraphe 91(2). En conséquence, le tribunal a rendu nulle la désignation d’un bénéficiaire faisant partie de la famille faite au cours des cinq années précédant la faillite. Néanmoins, il a pris en compte l’alinéa 67(1)b) de la LFI. Même si au moment de la faillite un bien exempt en vertu des lois provinciales passe en la

possession du syndic, l’exemption empêche ce dernier de partager le bien entre les créanciers. Le syndic était tenu de retourner le bien au failli avant de demander sa libération.

Dans la décision Ramgotra, le tribunal a donc maintenu la protection contre les créanciers prévue par la législation provinciale du contrat de rente souscrit auprès de la société d’assurance vie lorsque le titulaire a fait faillite. Le syndic de faillite ne peut forcer le rachat d’un contrat d’assurance vie ou de rente protégé afin de régler la réclamation des créanciers. Toutefois, cette protection ne s’applique pas toujours. Les conseillers devraient au moins se renseigner sur les décisions rendues par les tribunaux pour savoir si, dans certains cas, il serait préférable de consulter un conseiller juridique.

Des modifications apportées à la LFI ont été adoptées en 2008. Ces modifications maintiennent l’exemption provinciale pour les produits d’assurance vie ayant une désignation de bénéficiaire appropriée et étend la protection contre les créanciers, en cas de faillite, aux produits enregistrés qui n’ont pas droit à une telle protection aux termes de la loi provinciale. Comme la plupart des REER et des FERR établis par des sociétés d’assurance sont assortis d’un engagement à procurer une rente, ces régimes relèvent de la définition de l’assurance vie en vertu des lois provinciales sur les assurances. Les modifications prévoient une protection contre les créanciers pour tous les REER et les FERR offerts par tout émetteur, sans qu’il soit nécessaire de désigner un bénéficiaire particulier, mais cette protection comporte des restrictions (p. ex. réattribution des cotisations des 12 derniers mois). Ainsi, lorsqu’un REER souscrit auprès d’une société d’assurance vie comporte une désignation de bénéficiaire appropriée, il bénéficie de la protection contre les créanciers conformément à la loi provinciale et, par conséquent, de l’exemption provinciale prévue à la LFI. Lorsque des produits d’assurance enregistrés ne sont pas couverts par l’exemption provinciale (par exemple, les produits dont le bénéficiaire désigné n’est pas un membre de la famille) et si certaines provinces n’ont pas encore adopté de loi prévoyant expressément la protection de tous les REER (comme la Saskatchewan, l’Î.-P.-É., la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba et Terre-Neuve-et-Labrador), il est maintenant possible d’obtenir une telle protection au titre de la LFI. Cette protection demeure soumise à certaines restrictions, tel qu’il a été indiqué précédemment (p. ex. réattribution des cotisations).

Rentes différées

Les rentes différées ont également trouvé grâce aux yeux de la justice. Une trilogie d’affaires a été présentée devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique : Sykes, Robson v. A.R. Thompson, In the matter of the Bankruptcy of Russell Boyd Sykes v. Smythe McMahon Inc., Trustee in Bankruptcy for the Estate of Russell Boyd, the « Bankrupt » and Russell Boyd Sykes and Shirley Anne Sykes; Edison Robson and Daniel Robson v.

Seaboard Life Insurance Company and Royal Life Insurance Company Limited; A.R. Thomson Ltd. v. Dennis Stock and Coast Seal Co. Ltd. and Cameron Waddall, 156 D.L.R. (4th) 105, (sub nom. Sykes (Bankrupt), Re) 103 B.C. A. 81, (sub nom. Sykes (Bankrupt, Re), 169 W.A.C. 2 C.B.R. (4th) 79, 1 C.C.I. (3d) 1, 48 B.C.L.R.

(3d) 169, [1998] 8 W.W.R. 120, C.C.P.C. 219 (B.C.C.A.). Dans ces causes, la Cour d’appel a renversé la décision des tribunaux inférieurs qui soutenaient qu’un fonds distinct et les REER à rente différée n’ont pas droit à la protection contre les créanciers dont bénéficient les contrats d’assurance vie. Les contrats visés refermaient des clauses permettant au titulaire de convertir son contrat en rente, au plus tard à l’échéance du contrat. Contrairement à l’affaire Ramgotra, le contrat ici n’était pas encore converti en rente.

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Dans son argumentation, le tribunal avait pris en considération le paragraphe 147(2) de la loi sur les

assurances de la Colombie-Britannique qui énonce les règles sur la protection contre les créanciers lorsqu’un bénéficiaire est nommé au sein d’une famille (voir le bulletin Actualité fiscale intitulé « Protection contre les créanciers et assurance vie »), et une loi modificative qui a élargi la définition d’assurance vie pour y inclure les rentes. Le tribunal a statué que les intentions du législateur ayant rédigé le projet de loi modificatif était sans doute d’étendre la protection dont bénéficient les bénéficiaires et personnes à charge liés à un contrat d’assurance vie aux contrats de rente établis par une société d’assurance. Il a conclu que les fonds REER sous forme d’une rente différée, y compris les contrats à fonds distincts établis par un assureur vie, sont

admissibles à la protection contre les créanciers, sauf dans le cas de transfert frauduleux des biens.

D’autres législations provinciales ont confirmé que les modifications apportées à la définition visent d’abord à protéger les fonds d’épargne-retraite sous forme de rentes (qu’il s’agisse de rentes différées ou à fonds distincts) contre les créanciers, tout comme dans le cas des contrats d’assurance vie. Ces décisions nous apportent un certain réconfort, car les tribunaux ont ainsi statué sur la question de la protection contre les créanciers en confirmant qu’une telle protection couvre bel et bien ces types de produit.

Au Québec, dans la plupart des décisions, on s’est penché sur la question de savoir si les produits de rente peuvent faire l’objet d’une réclamation des créanciers. Dans l’affaire Scotia Capitaux inc. c. Banque de Nouvelle-Écosse et Guy Thibault, [2004] 1 R.C.S. 758, la Cour suprême du Canada a conclu que le régime autogéré ne peut être qualifié, avant son échéance, de contrat de rente au sens du Code civil du Québec, S.Q.

1980, ch. 39, vu l’absence d’aliénation de fonds, un élément central du contrat de rente. Par conséquent, un contrat qui réserve à l’épargnant la propriété et le contrôle de son capital ne reflète pas la philosophie de protection de la famille qui est historiquement à la base de l’insaisissabilité des contrats.

En conséquence, en 2002 l’Assemblée nationale du Québec a présenté des modifications à la loi régissant ces contrats au Québec. Les modifications renfermaient une disposition déclaratoire qui stipule que les contrats sont considérés comme des contrats de rente, même s’ils prévoient un retrait intégral ou partiel du capital.

Cette disposition s'applique à tous les contrats de rente futurs et aux contrats de rente établis antérieurement (à l'exception de ceux qui, le 16 décembre 2002, faisaient l'objet d'un litige ou dont le litige était réglé à cette date). On espérait que les modifications apportées annuleraient l'effet de la décision de la Cour dans l'affaire Thibault. Cependant, comme rien n’a été changé à la règle selon laquelle le capital doit être aliéné, cela n'a pas réglé l'une des principales conditions qui déterminent si un contrat peut être considéré comme un contrat de rente. Quoique la décision de la Cour soit fondée sur la loi en vigueur au Québec et qu'elle peut ne pas s'appliquer à l'extérieur de la province, il reste que si les exigences législatives définissant une rente ou une fiducie sont semblables à celles des autres provinces, la décision rendue par la Cour pourrait y avoir des répercussions.

Transferts frauduleux

La loi provinciale qui régit le transfert frauduleux de biens fournit un autre argument aux créanciers qui cherchent à recouvrer une dette impayée. Dans l’affaire Sykes, le tribunal a jugé que la protection contre les créanciers s’appliquait sans égard à la LFI; la décision aurait été autre avec la loi sur les transferts frauduleux (Fraudulent Conveyance Act) de la Colombie-Britannique. Il ne fait aucun doute que la décision dans l’affaire Ramgotra a soulevé une controverse en ce qui a trait aux transferts frauduleux.

Un contrat d’assurance vie ne doit pas être souscrit uniquement dans le but d’échapper à ses créanciers. Ce point devrait être vérifié avant de faire souscrire le contrat. Si le contrat est souscrit dans ce but, il peut être considéré comme un transfert frauduleux de biens. Alors que le nombre de réclamations de la part des syndics basées sur LFI tend à diminuer, le nombre des réclamations invoquant la loi sur les transferts frauduleux pourrait augmenter.

En général, la loi provinciale donnera gain de cause au créancier s’il est déterminé que le principal but de l’opération était de mettre le débiteur à l’abri des réclamations du créancier. Toutefois, il incombe alors à ce dernier de prouver qu’il y a une intention véritable de retarder le paiement des dettes, d’y faire obstacle ou d’escroquer le créancier. Le tribunal vérifiera également si le cessionnaire a versé des sommes au cédant et si ces sommes permettent d’établir que l’opération a été faite en toute bonne foi et non à des fins de fraude. Si le créancier réussit à prouver qu’il y a eu intention de fraude, l’exemption en vertu de la LFI sera levée et

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aucune protection ne s’appliquera.

Soulignons certaines affaires dans lesquelles l’élément « d’intention » a été pris en considération relativement à des transferts frauduleux. Ainsi, dans l’affaire Abakhan & Associates Inc. v. Braydon Investment Ltd., 2008 BCSC 1547, 2009 BCCA 521 (autorisation de pourvoi en Cour suprême du Canada refusée), la Cour d’appel a conclu qu’il n’était pas nécessaire de déterminer une intention malhonnête lorsque les biens sont délibérément transférés en vue de les soustraire aux réclamations des créanciers actuels ou futurs. Cette décision reflète une certaine étendue de l’état actuel du droit en Ontario. Cependant, dans l’affaire Duca Financial Services Credit Union Ltd. v. Bozzo, 2010 ONSC 3104, (CanLII) la Cour supérieure de l’Ontario a indiqué qu’une personne peut mettre ses biens à l’abri de créanciers futurs, mais non des créanciers actuels.

Toutefois, la prudence est de mise. En effet, plus le prospect au titre d’un contrat d’assurance vie est informé sur ce point, plus il est probable qu’il ne pourra se prévaloir de cette protection. De plus, le contrat pouvant être saisi, la société d’assurance peut se retrouver dans une situation délicate. Il est recommandé aux conseillers en assurance vie de ne pas encourager une personne à souscrire de l’assurance vie dans le but de bénéficier d’une protection contre les créanciers si cette personne semble avoir des intentions douteuses ou s’il est évident qu’elle est en difficulté financière. Il est souvent difficile d’avoir une certitude dans ces cas-là.

En cas de doute, on peut recommander au client de consulter un conseiller juridique qui pourra le renseigner sur la protection contre les créanciers et les limites qu’elle comporte.

Montants disponibles pour le titulaire

Lorsque le titulaire d’un contrat d’assurance vie ou de rente demande le rachat de son contrat à sa valeur de rachat, la protection contre les créanciers ne s’applique pas. De plus, jusqu’ici on croyait qu’aucune protection légale ne couvrait les sommes reçues par l’assuré ou le rentier, de son vivant, au titre d’un contrat

d’assurance vie ou de rente. Même lorsque le contrat n’était pas soumis à une saisie ou un rachat, on croyait que les paiements effectués au titre du contrat étaient saisissables. Il n’en est plus ainsi depuis la décision Whalley v. Harris Steel, (1997), 46 C.C.L.I. (2d) 250 (Ont. C.A.). Dans cette affaire, le tribunal a conclu que de telles sommes proviennent d’un contrat d’assurance et, à ce titre, sont insaisissables, même lorsqu’elles sont versées à un assuré ou à un rentier.

Cependant, la décision Tennant v. Tennant (2002) 34 R.F.L. (5th) 167 va au-delà du raisonnement tenu dans la décision Whalley. Le tribunal devait décider si l’article 196 de la Loi sur les assurances de l’Ontario L.R.O.

1990, ch. I.8, peut empêcher une ex-épouse de forcer son ex-époux à respecter une ordonnance de pension alimentaire. La Cour d’appel a pris en considération les paragraphes 196(1) et (2) de la Loi sur les assurances de l’Ontario. En se fondant sur le paragraphe 196(1), la Cour a conclu que l’ex-épouse était la bénéficiaire des contrats de rente et que lorsqu’un bénéficiaire est désigné, la totalité des versements de rente ne peut être réclamée par les créanciers. L’ex-épouse avait fait valoir ses droits uniquement à titre de créancière et non à titre de bénéficiaire.

Toutefois, en vertu du paragraphe 196(2) de cette même loi, l’ex-époux avait fait valoir que tous les versements au titre du contrat de rente étaient protégés, car son ex-épouse était bénéficiaire des deux contrats. Cependant, comme ce paragraphe ne faisait pas mention de l’ex-épouse, l’ex-époux ne pouvait pas présenter cet argument pour protéger son contrat de rente en vertu de ce paragraphe de la loi. La Cour a donc conclu que l’ex-épouse était en droit de réclamer le revenu provenant des contrats de rente.

Supposons que A est le titulaire du contrat et qu’il fait partie de la catégorie protégée et que B est la personne assurée, il semblerait que l'on puisse avancer que la protection contre les créanciers existe aux termes du paragraphe 196(2) de la Loi sur les assurances de l’Ontario et d’autres dispositions législatives semblables dans les provinces de common law. On peut faire valoir ce point de vue, car le paragraphe 196(2) ne précise pas que l’exemption s’applique uniquement si un bénéficiaire (au sens de cette loi, bénéficiaire exclut l’assuré et son représentant personnel) est le membre de la famille qui bénéficie de la protection. Ce paragraphe exige simplement que soit en vigueur une désignation en faveur d’un membre de la catégorie protégée de la famille d’un assuré.

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Cependant, il n’existe aucune jurisprudence sur ce point où le titulaire fait aussi partie de la catégorie protégée en raison de son lien avec l'assuré. Il faut prendre en considération ce facteur avant d'invoquer la protection contre les créanciers au titre de cette disposition législative.

Bénéficiaires membres de la famille

En rendant les contrats d’assurance vie insaisissables, le législateur voulait protéger les membres d’une famille nommés bénéficiaires contre les réclamations des créanciers envers le titulaire du contrat. Cette protection s’applique au conjoint, à l’enfant, aux petits-enfants ou au père ou à la mère de la personne assurée mais, au Québec, le lien de parenté est établi avec le titulaire et non avec l'assuré. La définition de conjoint peut inclure des conjoints de fait ou des conjoints de même sexe, selon la juridiction provinciale.

Soutien des personnes à charge

Les personnes à charge qui sont membres d’une famille peuvent intenter un procès pour faire respecter une obligation alimentaire existante. Une réclamation pour soutien de personnes à charge peut avoir la priorité, en partie ou totalement, sur une désignation de bénéficiaire et entraîner ainsi la perte de la protection contre les créanciers qui aurait pu s’appliquer. La possibilité de faire une réclamation pour soutien de personnes à charge dépend de l’existence d’une législation provinciale permettant une action de cette nature. Dans l’affaire

Harrison (Litigation Guardian of v. State Farm Mutual Automobile Insurance Co. (1996) 21 O.T.C. 62), M.

Harrison était tenu par suite d’une ordonnance du tribunal de payer une pension alimentaire pour enfants de 1 200 $ par mois et d’assurer la protection de cette pension au moyen d’un contrat d’assurance vie de 150 000

$ souscrit sur sa propre tête et dont les enfants étaient les bénéficiaires irrévocables. Au moment de son décès, il avait du retard dans ses paiements et n'avait pas souscrit le contrat d'assurance tel qu’il avait été prescrit par le tribunal. Cependant, il avait souscrit un contrat d'assurance de 300 000 $ et désigné sa conjointe de fait comme bénéficiaire irrévocable. Le tribunal a statué que les paiements en retard seraient prélevés sur la succession de M. Harrison et que les enfants avaient droit à un montant jusqu'à concurrence de 150 000 $ sur le produit de l'assurance vie pour assurer leur subsistance et ce, malgré la désignation de bénéficiaire irrévocable faite en faveur de la conjointe de fait. Pour en savoir plus sur le soutien des personnes à charge, voir les bulletins Actualité fiscale intitulés « Rupture du mariage – Assurance vie et obligations alimentaires » et « Désignations de bénéficiaire : Pourquoi, quand et comment? ».

REER et FERR offerts par des institutions autres qu’une société d’assurance

Dans la plupart des provinces, la définition de « l’assurance vie » en vertu des lois provinciales a toujours inclus l’assurance vie, ainsi que l’assurance décès accidentel et l’assurance invalidité lorsqu’elles font partie d’un contrat d’assurance vie, de même que les rentes. Dans l’affaire Robson v. Robson, 1995 CanLII 3197 (B.C.C.A.), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé qu’une option de conversion en rente suffit pour qu’un contrat souscrit auprès d’une société d’assurance soit considéré comme une assurance vie.

L’élément essentiel de cette définition réside dans le fait que le produit revêt la forme d’un « engagement à procurer une rente ». Par conséquent, les REER, FERR et fonds distincts sont inclus dans cette définition. La protection contre les créanciers s’applique donc à ces types de produits d’assurance.

Auparavant, les contrats et rentes non considérés comme une assurance et offerts par des institutions autres que des sociétés d’assurance ne bénéficiaient pas de la protection contre les créanciers. La jurisprudence et les lois ont évolué dans ce domaine. Dans nombre de causes, on s’est demandé si les REER et les FERR offerts par des institutions autres que des sociétés d’assurance devraient être protégés. Si la jurisprudence continue d’évoluer dans ce sens, les produits offerts par des sociétés d’assurance et par les autres institutions

bénéficieront probablement tous du même type de protection.

La question a été soulevée pour la première fois dans l’affaire CIBC v. Beshara, (1989), 68 O.R. (2d) 443 (Ont. H.C.J.). Le tribunal avait alors statué que, nonobstant le fait que le titulaire d’un REER souscrit auprès d’une société de fiducie ait nommé son conjoint comme bénéficiaire, le produit de la rente faisait partie de la succession et devenait ainsi saisissable par les créanciers. Dans ce cas précis, le tribunal a considéré qu’il n’existait aucune exemption statutaire pour les REER contrairement au cas des contrats d’assurance vie.

Dans les affaires Curley v. MacDonald, 2001 D.T.C. 5141, (2000) 35 E.T.R. (2d) 201 et Banting v. Saunders Estate (2000) 34 E.T.R. (2d) 163, le tribunal a contesté le raisonnement tenu dans l’affaire Beshara et lui a préféré la décision rendue par la Cour d’appel du Manitoba dans l’affaire Clark Estate v. Clark, (1997), 15 E.T.R. (2d) 113. Dans l’affaire Clark, le tribunal a conclu que les fonds du REER payables à un bénéficiaire

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désigné ne faisaient pas partie des biens successoraux et que de tels fonds pouvaient être saisis par les créanciers des ayants droits, mais seulement après épuisement des autres biens successoraux. À noter qu’aux termes du paragraphe 160.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui porte sur l’impôt à payer sur les sommes reçues au titre d’un REER, le contribuable et le dernier rentier au titre du régime sont

solidairement responsables du paiement de la partie de l’impôt auquel est tenu le rentier pour l’année de son décès.

En 2004, dans l’affaire Amherst Crane Rentals Ltd. v. Perrin, 187 O.A.C. 336, la Cour d’appel de l’Ontario a examiné la question. La succession de M. Perrin était en faillite, et Amherst

Crane avait une créance de 53 000 $. La veuve de M. Perrin était bénéficiaire d’un REER de 107 000 $ qui avait été souscrit auprès d’une institution autre qu’une société d’assurance. La Cour d’appel de l’Ontario a refusé à Amherst l’accès au produit du REER. Elle a pris en compte le raisonnement tenu dans l’affaire Clark mentionnée ci-dessus. Elle s’est également basée sur l’article 53 de la Loi portant réforme du droit des successions de l’Ontario, L.R.O. 1990. ch. S. 26, et a conclu que le REER ne faisait pas partie de la succession du défunt et que les fonds ne pouvaient donc pas être utilisés pour rembourser les créanciers. La décision a été portée en appel auprès de la Cour suprême du Canada, qui a refusé d’entendre l’appel.

Le produit des contrats souscrits auprès de sociétés d’assurance continue de bénéficier de la plus haute protection contre les créanciers en vertu des lois provinciales. Plusieurs provinces (l’Î.-P.-É., la Colombie- Britannique, l’Alberta, le Québec, la Saskatchewan, le Manitoba et Terre-Neuve-et-Labrador) ont modifié leur loi de manière à étendre cette protection aux contrats de rente et aux REER offerts par les sociétés de fiducie et les banques, et les modifications à la LFI dont il est fait mention ci-dessus prévoient une certaine protection contre les créanciers pour tous les produits enregistrés, qu’ils soient vendus ou non par un assureur vie.

Réclamations par l’Agence du revenu du Canada (ARC)

L’Agence du revenu du Canada (ARC) dispose de deux moyens pour percevoir les sommes qui lui sont dues.

Elle peut adresser à un tiers un avis exigeant le paiement de ces sommes au ministre, conformément au paragraphe 224(1) de la Loi, où il est stipulé que les sommes sont payables immédiatement et qu’elles le deviennent généralement dans l’année qui suit. En vertu de ce paragraphe, l’ARC peut procéder à une saisie- arrêt. L’autre moyen fait appel au paragraphe 225(1) de la Loi qui permet au ministre d’envoyer un avis par écrit à son débiteur lui faisant part de son intention d’ordonner la saisie-arrêt et la vente de ses biens afin de percevoir les sommes impayées. On a donc recours à la saisie dans ce cas.

Dans le premier cas, on croyait que l’ARC ne pouvait exercer la saisie que si la loi provinciale lui permettait d’avoir recours à un tel moyen. Dans l’affaire Sun Life Assurance Co. of Canada v. M.N.R., [1992], 2 C.T.C.

315 (Sask. Q.B.), la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a statué que l’ARC pouvait saisir des prestations de rente sans tenir compte des restrictions contenues dans la loi sur les pensions (Pension Benefits Act) de la Saskatchewan. La Sun Life avait soutenu que le ministre ne pouvait pas invoquer le paragraphe 224(1) de la Loi en raison des dispositions contenues dans l’article 19 de la loi sur les pensions de la Saskatchewan.

Comme la loi provinciale sur les pensions de la Saskatchewan spécifiait que les prestations de retraite ne pouvaient faire l’objet d’une saisie-arrêt, la question était de compétence fédérale. Le tribunal a statué que la Couronne fédérale ne s’était pas livrée à un acte régi par la loi provinciale, mais qu’elle exerçait sa propre autorité conformément à l’article 91 de la Constitution Act. Le tribunal a déclaré que les dispositions relatives à la perception de sommes dues entraient dans le champ de compétence fédérale. Il a également statué que la Sun Life était tenue par son contrat de verser les prestations au débiteur fiscal et que la demande des sommes dues avait été correctement envoyée au moyen de l’avis, conformément au paragraphe 224(1) de la Loi. Le tribunal a aussi indiqué que, dans ce cas, il existait une relation spéciale débiteur-créancier et que l’ARC faisait partie d’une catégorie à part de créanciers. Pour en arriver à cette conclusion, le tribunal a soutenu que l’intention énoncée dans la loi provinciale ne s’appliquait pas à l’ARC. Il a déclaré que l’ARC a le droit de percevoir des impôts et que le moyen utilisé était donc approprié. Cette décision indique que l’ARC dispose d’un statut spécial de créancier qui lui permet de saisir-arrêter les versements effectués au titre d’un contrat d’assurance vie placé dans un régime de retraite enregistré. Bien qu’aucune cour supérieure n’ait été appelée à revoir cette décision, elle doit être prise au sérieux. On pourrait analyser cette décision en prenant en compte la loi provinciale sur les assurances.

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Dans l’affaire M.N.R. v. Anthony, (1995), 32 C.B.R. (3d) 109 (Nfld. C.A.) présentée devant la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, la Cour a soutenu que le régime d’épargne-retraite qu’un dentiste en faillite avait souscrit auprès de l’Association dentaire canadienne au titre d’une convention définie comme un « contrat de rente variable » était un contrat d’assurance régi par la législation et, de ce fait, exempt d’exécution et de saisie. L’assureur détenait et plaçait les fonds des membres participants de l’association et se chargeait du versement des rentes individuelles aux membres du régime qui avaient choisi de recevoir sous cette forme une partie ou la totalité de sa valeur. Le ministère a soutenu qu’un assureur contractant n’entreprend la constitution d’une rente que lorsque le membre participant choisit de le faire et que, par conséquent, cette rente n’était pas protégée par les définitions contenues dans la législation. En fait, le ministère tentait d’obtenir une saisie-arrêt en vertu de l’article 224 de la Loi. La Cour a réfuté cet argument en indiquant que l’engagement de l’assureur à procurer une rente entrait dans le cadre de la Loi. La conclusion de cette affaire indique qu’à moins que des sommes ne soient payables par suite de l’exécution d’un contrat ou que le titulaire du contrat demande que lui soient versés les fonds, la demande de saisie-arrêt serait refusée. Malgré cette conclusion, l’ARC continue de prétendre qu’un ordre de payer est lié au contrat, qu’un montant soit exigible ou non, et que le contrat doit être réduit en conséquence.

Le paragraphe 225(5) de la Loi stipule que dans certains cas les biens sont exempts de saisie. Toutefois, l’ARC a contesté cette exemption en vertu des dispositions de la loi sur les assurances du Manitoba. Dans l’affaire M.N.R. v. Ross, [1997] Fed. Ct. (T.D. No 1538) en appel [1997] F.C.J. 1765, le tribunal de première instance a déclaré valide l’ordre de saisie de contrats d’assurance vie opérée par le Ministère du revenu. Selon les faits rapportés, le contribuable avait manifestement évité d’effectuer ses paiements, ce qui a amené le tribunal à permettre la saisie de ses biens.

Le contribuable possédait trois contrats d’assurance décrits par le tribunal comme des comptes-chèques bancaires. Il arrivait souvent que des sommes soient déposées dans ces comptes ou en soient retirées. Par conséquent, le tribunal a conclu, sans tenir compte des dispositions de l’article 173 de la loi sur les assurances du Manitoba, que ces contrats d’assurance n’étaient pas exempts de saisie en vertu de la Loi. Le jugement rendu reposait sur une autre décision rendue par la Cour d’appel du Manitoba, même si cette affaire portait sur une saisie-arrêt et non sur une saisie. (Se reporter à l’affaire Red Development v. Triman Industries Ltd.

[1991] 6 W.W.R. 481). Tout comme dans l’affaire de la Sun Life, les remarques du juge de la Cour d’appel laissaient entendre que la Loi n’a pas seulement pour objet de permettre de lever un impôt, mais aussi de le percevoir.

La perception de l’impôt et son exécution en vertu de la Loi sont traitées dans le paragraphe 91(3) de la Constitution Act et ne sont pas seulement consécutives à la levée des impôts. Dans l’affaire Ross, le tribunal fédéral a indiqué que les dispositions sur la perception cadrent avec la loi fédérale et que, par conséquent, les contrats d’assurance n’étaient ni exempts ni soustraits à une saisie en vertu des lois provinciales. Le tribunal a conclu qu’à la différence de l’alinéa 67(1)b) de la LFI, la Loi ne renferme aucune loi qui protège contre la saisie les biens meubles, en vertu de la loi provinciale. Ce jugement a été porté en appel, mais l'appel a été rejeté.

Dans l’affaire Ross, la décision semble inhabituelle et ne pas cadrer avec les résultats des dispositions de la Loi. Bien que cette affaire semble avoir fourni à l’ARC des pouvoirs réparateurs élargis, il reste que ce sont les faits qui doivent être pris en compte. Le débiteur contribuable s’est continuellement dérobé au paiement des sommes dues et l’ARC a déjà eu recours à une saisie-arrêt pour obtenir des fonds pour recouvrer une dette.

Par contre, si le contribuable n’avait pas été aussi loin pour éviter de payer ses dettes, le tribunal n’aurait peut-être pas autorisé un tel recours en premier lieu. Toutefois, cette décision confirme que l’ARC peut recourir à de tels moyens pour obtenir un paiement et que les contrats d’assurance vie et de rente ne bénéficieront plus de la protection dont ils ont déjà joui dans le passé.

Un autre arrêt mérite notre attention : Higgins c. La Reine, 2013 CCI 194 (CanLII). Dans cette affaire, un appel avait été interjeté à la suite d’un avis de cotisation. L’ARC s’appuyait sur le paragraphe 160(1) de la Loi pour faire valoir qu’il y avait eu transfert d’un placement dans fonds distinct non enregistré et que donc un impôt était exigible. Cependant, la Cour a réfuté cet argument en indiquant que l'actif avait été distribué aux termes d’une désignation de bénéficiaire inscrite au contrat d’assurance. La Cour a constaté que la loi sur les assurances de la Colombie-Britannique s’appliquait et que par conséquent le contrat à fonds distincts était protégé par les dispositions de cette loi relatives aux bénéficiaires privilégiés.

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Sommaire

Même si la protection contre les créanciers continue de s’appliquer aux contrats d’assurance vie, il semble que dernièrement quelques brèches se soient créées. Toutefois, dans bien des cas, l’assurance vie continue de procurer une telle protection. Il est important de bien comprendre les restrictions qui s’appliquent à la protection contre les créanciers afin de déterminer si elle constitue toujours un avantage supplémentaire. La protection contre les créanciers ne devrait pas constituer le seul motif de la souscription d’un contrat

d’assurance vie. Cette caractéristique devrait plutôt être considérée comme un avantage supplémentaire pour se prémunir contre les créanciers, le cas échéant.

Dernière mise à jour : octobre 2014

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