• Aucun résultat trouvé

Dispersion de la connaissance et apprentissage organisationnel

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Dispersion de la connaissance et apprentissage organisationnel"

Copied!
30
0
0

Texte intégral

(1)

Cet article développe une typologie des règles d’organisation qui met au cœur des processus organisationnels les deux questions centrales de la coordination et de la coopération. Le point de départ est que la connaissance est nécessairement et radicalement dispersée dans les organisations, et que ce fait doit être perçu moins comme une contrainte qu’un avantage. Les règles organisationnelles jouent un rôle crucial dans la mobilisation et l’utilisation de la connaissance dispersée et déterminent les processus d’apprentissage collectif au cœur de la dynamique et de la compétitivité des organisations. Les règles jouent un double rôle : celui de coordonner la connaissance dispersée et l’apprentissage organisationnel et celui de susciter la coopération active des subordonnés hiérarchiques dans cette activité de coordination.

Mots-clés : connaissance dispersée, coordination, coopération, règles, apprentissage organisationnel.

1. Introduction

L’objectif de cet article est d’explorer la nature du lien entre l’un des principaux faits organisationnels, la dispersion de la connaissance, et l’un des principaux supports de la compétitivité des organisations, l’apprentissage collectif. Ce lien est principalement abordé à travers la question de la coopération entre les différents membres d’une organisation et particulièrement entre les différents niveaux de la hiérarchie organisationnelle.

La dispersion de la connaissance dans les organisations est un fait peu pris en compte comme élément central de l’analyse des organisations, et rares sont les exceptions (Minkler, 1983 ; Tsoukas, 1996 ; Foss, 1999 ; Becker, 2001). Or, la réflexion sur la dispersion de la connaissance permet de renouveler la théorie et montre que les organisations, dès qu’elles dépassent un certain seuil de complexité, deviennent des systèmes cognitifs distribués qu’il importe de comprendre et d’expliquer.

Pourtant, les thèmes de la connaissance, de l’économie de la connaissance et de la gestion de la connaissance sont aujourd’hui de plus en plus présents sur le plan académique comme sur le plan des pratiques gestionnaires et de l’industrie du conseil. Il se trouve que les discours

Mohammed Bensaïd* Nathalie Richebé**

* LEID (Université Mohammed V-Agdal, Rabat)

(bensaidleid@yahoo.fr)

** Audencia

Nantes.Ecole de management

(nrichebe@audencia.com)

et apprentissage organisationnel

(2)

dominants en la matière sont largement marqués par une faiblesse des fondements théoriques. Un grand flou existe, en effet, autour de la notion de connaissance, des rapports qu’elle entretient avec la notion « voisine » d’information, de la signification à donner à des expressions comme connaissance individuelle, connaissance collective ou organisationnelle, sans parler de la dichotomie entre connaissance tacite et connaissance explicite, fréquemment utilisée mais souvent de manière erronée. Tsoukas et Vladimirou (2001) soulignent que la littérature sur la gestion de la connaissance (1), est dominée par une approche cartésienne de la connaissance qui privilégie la pensée pure au détriment des formes de vie sociale qui sous-tendent les différents types de connaissance. Nombre de chercheurs pensent que, étant donné la grande complexité du thème de la connaissance, il est plus utile de se contenter de définitions simples quoique peu correctes de la connaissance et qu’il n’y a aucun besoin d’aller plus loin dans le développement d’une définition plus satisfaisante, puisqu’un tel effort risque de rendre plus ardue la tâche du chercheur et n’apporterait rien d’essentiel sur le plan de la recherche ou de l’action. Or, améliorer notre compréhension de la connaissance organisationnelle ne peut se suffire de la simple reprise de conceptions par trop simplistes et irréalistes de la cognition humaine. Face à la difficulté de la question de la cognition et de son rôle dans l’action humaine, individuelle ou collective, la meilleure attitude à adopter n’est pas celle de se satisfaire des simplifications et approximations mais d’approfondir l’investigation et la recherche tant théorique qu’empirique.

Dans cette perspective, on propose de faire une analyse qui prend pour point de départ la théorie de la connaissance développée par Hayek. Cet auteur, grande figure de la pensée économique moderne, a produit une œuvre qui met au cœur de l’analyse économique le problème de la dispersion de la connaissance. Mais il s’est principalement intéressé à la dispersion de la connaissance dans les systèmes économiques, au sens large du terme, et rarement à ses manifestations ou à ses effets au sein des organisations.

C’est le cas aussi des autres notions hayekiennes de règle et d’ordre, intimement liées à celle de dispersion de la connaissance et qui sont d’une grande richesse analytique. Ces notions sont largement reprises et retravaillées par des auteurs comme Vanberg (1994) ou Langlois (1992, 1995), qui n’hésitent pas à s’écarter de Hayek quand ils le jugent nécessaire. Si la notion de dispersion de la connaissance se transpose facilement et utilement au domaine des organisations, Hayek n’a pas réussi à en penser les principales implications. En particulier, la dispersion intra-organisationnelle de la connaissance pose de sérieux problèmes de coordination qui, eux-mêmes, posent de sérieux problèmes de coopération. Si l’on considère la connaissance dispersée dans sa dimension dynamique, c’est-à-dire dans sa relation avec l’apprentissage individuel et collectif, la nature de la relation entre

(1) Ces auteurs n’épargnent pas dans leur critique l’une des références de base de la littérature en knowledge management, Nonaka et Takeuchi (1995).

(3)

employeur et employés et les mécanismes de coopération qu’elle implique deviennent centraux pour l’analyse.

Afin de dépasser les limites indéniables de l’analyse hayekienne qui met trop l’accent sur les vertus du marché, on s’appuiera sur l’économie des conventions (Favereau, 1994, 1995) et la théorie de la régulation sociale (Reynaud, 1988, 1997, 1999). Ces deux théories mettent l’accent, chacune à sa manière, sur l’importance centrale des phénomènes d’apprentissage organisationnel et sur le fait que la coopération des employés ne peut se réduire à de simples mécanismes de marché.

Cette contribution est une tentative de combiner les apports de ces deux corpus théoriques a priori éloignés, Hayek d’un côté, et l’économie des conventions ou la théorie de la régulation sociale, de l’autre. Cette rencontre fait émerger la question centrale que l’on se propose de traiter ici : en quoi le problème de la coordination de la connaissance dispersée est-il assimilable à celui de l’apprentissage organisationnel, et en quoi impose- t-il une réflexion sur les mécanismes de coopération et, par conséquent, sur les pratiques de gestion de la connaissance, voire de gestion des ressources humaines ?

Dans la section 2, il sera principalement question de la notion de dispersion de la connaissance, ses fondements et ses conséquences générales. La section 3 reprend cette notion pour développer une conception de l’organisation comme système complexe de règles de types différents, de reflet la dispersion intra-organisationnelle de la connaissance.

La section 4 explore les liens entre dispersion de la connaissance et apprentissage organisationnel, ce dernier étant pensé comme processus complexe de transformation des différents types de règles et impliquant les différents niveaux de la hiérarchie organisationnelle. La section 5 entame une discussion sur le caractère central de la coopération dans ces processus d’apprentissage et sur ses implications en matière de gestion de la connaissance et des ressources humaines.

2. La dispersion de la connaissance : de quoi s’agit-il ?

La notion de dispersion de la connaissance s’inscrit dans le cadre général de la perspective autrichienne et de ses spécificités méthodologiques et théoriques. Appliquée au domaine des organisations, elle permet de fonder un des caractères centraux des économies complexes, la dispersion intra- organisationnelle de la connaissance.

2.1. Le subjectivisme méthodologique

La principale marque de l’école autrichienne est d’avoir développé une méthodologie et une approche subjectivistes. Comme le résument O’Driscoll et Rizzo (1985), le subjectivisme se réfère à l’hypothèse que les contenus de l’esprit humain et, par conséquent, les processus de prise de décision ne sont pas rigidement déterminés par les événements externes.

(4)

Le subjectivisme donne place à la créativité et à l’autonomie du choix individuel, et les phénomènes collectifs doivent être expliqués par la prise en compte des choix et actions des individus participant à leur formation.

On pourrait objecter à cette thèse en disant que l’ensemble des écoles marginalistes adoptent le subjectivisme. Or, il n’en est rien puisque les néoclassiques se contentent d’un subjectivisme des préférences et rejettent toute approche subjectiviste des choix et des actes humains. Pour eux, le subjectivisme défendu par les autrichiens constitue un obstacle au développement d’une science économique qui devrait tendre à l’idéal de science pure. Ils préfèrent plutôt s’appuyer sur l’instrumentalisme méthodologique et le formalisme mathématique, d’où le recours massif et systématique à des hypothèses cognitives irréalistes, certains auteurs n’hésitant pas à considérer que l’irréalisme cognitif constitue plus un atout qu’un obstacle dans le processus d’élaboration des théories (Friedman, 1953). Or, les autrichiens (et d’autres courants hétérodoxes) montrent que cette méthodologie est défaillante et qu’une prise en compte du point de vue subjectif des acteurs eux-mêmes est nécessaire pour l’explication des phénomènes économiques. Ainsi, Hayek considère-t-il que la plupart des objets de l’action humaine ne sont pas des faits objectifs au sens où ils ne peuvent être définis en des termes physiques. Ce que les individus pensent des choses ou des autres est un déterminant essentiel de leur action comme le montre la définition même d’un besoin, d’un bien ou encore d’une relation d’échange (2).

Le subjectivisme requiert que les théoriciens en sciences sociales prennent sérieusement en compte le rôle du contexte et de l’interprétation et qu’ils reconnaissent que les perceptions subjectives qui guident les acteurs dans leurs actions sont constitutives de la réalité sociale. Or, comprendre les choix et actes individuels implique de disposer d’une théorie de la connaissance et de l’action humaine en société. Le temps réel et dynamique, qu’il faut distinguer du temps logique et statique (O’Driscoll et Rizzo, 1985), est une dimension essentielle des choix et actes humains. Il implique l’incertitude radicale et donne sens au fait indépassable de l’ignorance des individus, foncièrement incapables de prédire (de connaître) le futur et ses nouveautés.

Comment font alors les individus pour composer avec leur ignorance constitutive ? L’un des principaux moyens que les individus utilisent est de s’appuyer sur un ensemble de règles et d’institutions. Celles-ci permettent de stabiliser leur environnement physique et social, de le rendre plus prévisible et de réduire le champ de leurs choix. Ce sont des modèles ou schèmes qui guident à la fois les perceptions et les actions des individus (Hayek, 1964, 1967, 1980). En incertitude radicale, l’adoption de règles (normes, conventions, routines) s’avère, en effet, plus rationnelle que l’optimisation au cas par cas sur laquelle s’appuie exclusivement la théorie néoclassique de la rationalité (Vanberg, 1994). Et puisque l’ignorance des

(2) « Une “marchandise”

ou un “bien économique”, la

“nourriture” ou la

“monnaie” ne peuvent se définir en des termes physiques. La théorie économique n'a rien à dire des petits disques de métal rond qu'une conception objective ou matérialiste pourrait essayer de définir comme monnaie. Elle n'a rien à dire du fer ou de l'acier, du bois ou de l'essence, du blé ou des œufs en tant que tels. L'histoire de n'importe quelle marchandise montre en vérité que lorsque la connaissance humaine se modifie, la même chose matérielle peut rentrer dans des catégories économiques tout à fait différentes. Nous ne pourrons pas non plus

(5)

individus porte en partie sur les anticipations et actions des autres individus, une partie des règles et institutions servent à faciliter leur coordination.

Si l’école autrichienne applique le subjectivisme méthodologique principalement à l’analyse des phénomènes de marché, la pertinence d’une telle approche n’est pas moins manifeste pour l’analyse des organisations.

C’est ce dont témoigne l’émergence d’une nouvelle théorie de la firme d’inspiration autrichienne (cf. Dulbecco et Garrouste, 1999 ; Foss, 1997, 1999 ; Ioannides, 1999a, 1999b ; Witt, 1999). La tentative menée ici va dans le même sens.

2.2. De la connaissance subjective à la connaissance dispersée Quel est le lien entre le subjectivisme et la dispersion de la connaissance ? Dans «Economics and knowledge» Hayek voit dans le recours abusif des économistes à ce qu’ils appellent “données” un véritable obstacle à une bonne appréhension des faits économiques et sociaux (3). Au lieu de verser dans le système de tautologies que constitue la théorie de l’équilibre général, il propose de considérer que l’élément empirique de la théorie économique concerne la question de l’acquisition de la connaissance. La théorie dominante ne donne pas de réponse à la question de la compatibilité entre des plans individuels fondés sur des connaissances personnelles, non plus à la question du processus par lequel la connaissance individuelle change et évolue dans le temps (processus d’apprentissage).

Hayek montre que la voie utilisée par la théorie de l’équilibre général consiste à se donner des hypothèses qui s’apparient bien à l’objectif recherché.

C’est le cas lorsque cette théorie se donne l’hypothèse de marchés parfaits où l’ensemble du système économique est réduit à un marché parfait. Or cette hypothèse est plus une hypothèse sur les capacités cognitives des individus qu’une hypothèse sur les caractéristiques du marché et signifie notamment que les individus sont modélisés comme étant automatiquement et parfaitement informés de tout ce dont ils ont besoin (du point de vue de la théorie). Le caractère tautologique de cette théorie est manifeste puisque

« l’affirmation selon laquelle si les gens savent tout ils sont à l’équilibre est correcte uniquement dans la mesure où c’est de cette manière que nous définissons l’équilibre » (Hayek, 2002, p. 127).

Ce dont a besoin la théorie économique, dit Hayek, c’est d’expliquer par quels processus les individus réussissent à acquérir la connaissance utile à leur action individuelle ou concertée. Hayek insiste sur l’importance de prendre comme point de départ non pas des individus plus ou moins omniscients mais des individus ayant des connaissances et des visions personnelles et subjectives, c’est-à-dire partielles, différentes et hétérogènes.

Ce qui semble intéressant dans cette démarche c’est de mettre au cœur de l’analyse tout un ensemble de questions qui se trouvent d’emblée éliminées dans les théories qui s’appuient sur des hypothèses cognitives irréalistes. Intervient ici la thèse de la division ou dispersion de la

distinguer en termes physiques si deux hommes procèdent à un troc ou à un échange, s'ils sont à jouer ou à accomplir un rite religieux. Faute de pouvoir comprendre ce que les gens qui agissent veulent dire par leurs actions, tout essai de les expliquer, c'est-à-dire de les rattacher à des règles qui relient des situations semblables à des actions semblables, est voué à l'échec » (Hayek, 1953, p. 40-41).

(3) « La confusion à propos du concept de

“données” est à la source de tant de nos difficultés dans ce domaine qu’il est nécessaire de le considérer d’une manière quelque plus détaillée.

Donnée signifie, bien sûr, quelque chose d’établi, mais la question qui est laissée ouverte, et à laquelle les sciences sociales sont susceptibles d’apporter deux réponses différentes, est celle de savoir pour qui les faits sont supposés être établis.

Les économistes […] se sont défendus contre le sentiment qu’ils n’ont jamais véritablement su à qui les faits étaient supposés être établis en soulignant que ceux-ci sont donnés, quitte à faire usage de pléonasmes tels que “données établies”. Mais cela ne répond pas à la question de savoir si ces faits sont supposés être donnés à l’économiste observateur ou aux personnes dont il veut expliquer les actions et s’agissant de celles-là, s’il est supposé que les mêmes faits sont connus à toutes les autres

(6)

connaissance. Hayek fait remarquer que les économistes ne se sont historiquement intéressés qu’au thème de la division du travail, alors qu’il existe aussi « un problème de division de la connaissance, qui est au moins aussi important […] à celui de la division du travail ». Or, poursuit-il, « la question de la dispersion du savoir a été complètement négligée, bien qu’elle semble constituer le véritable problème central de l’économie en tant que science sociale » (ibid., p. 131).

Pour mieux appréhender la signification de la nation de dispersion de la connaissance, il ne serait pas futile d’en préciser les termes. La connaissance est loin de se limiter aux informations-prix, préoccupation majeure des économistes, et concerne d’une manière plus large et plus profonde l’ensemble des connaissances utilisées dans l’activité économique, qu’il s’agisse de la conception des biens, de leur production ou de leur commercialisation.

Dans son texte de 1945, Hayek dénonce alors la tendance qu’ont les économistes à se focaliser sur la connaissance scientifique et à négliger les autres types de connaissance, quand bien même elles s’avèrent fort utiles du point de vue économique (4).

La connaissance humaine étant largement contextuelle et locale, souvent tacite, personnelle, pratique, évolutive et spécifique au contexte social ou local, l’acteur économique dépeint par Hayek est très loin de l’homo œconomicus standard, de cet agent optimisateur parfait et objectif. C’est un suiveur de règles et quelqu’un qui est inséré dans un large tissu complexe d’institutions et de réseaux économiques et sociaux (cf. Hayek, 1964, 1967).

Les caractéristiques individuelles de la connaissance humaine ont des implications fondamentales sur le type de collectif qui leur correspondent, particulièrement dans les systèmes économiques complexes marqués par une large division du travail. Le fait que les individus possèdent des connaissances personnelles, souvent tacites et locales, conduit inévitablement à une large division ou dispersion de la connaissance. Hayek définit celle-ci comme le fait que « la connaissance dont nous pourrions avoir besoin n’existe jamais sous une forme concentrée ou agrégée, mais seulement sous forme d’éléments dispersés d’une connaissance incomplète et fréquemment contradictoire que tous les individus séparés possèdent en partie » (Hayek, 1986, p. 118).

Reconnaître la division de la connaissance implique de reconnaître le caractère central de la coordination de cette connaissance à l’échelle de l’ensemble du système économique. Il s’agit d’un problème central qui ne peut se résoudre en supposant, comme le font par exemple les théoriciens du socialisme, qu’il suffit de transmettre de la périphérie au centre de planification (et vice versa) les “informations” nécessaires pour l’obtention du plan idéal. La connaissance dispersée ne peut être transmise à volonté ou simplement en en payant le prix, puisqu’elle ne peut être facilement extraite de son caractère local, contextuel et institutionnel ni être dépossédée de son caractère tacite (Lavoie, 1985, 1986). La dispersion de la connaissance ne

personnes à l’intérieur du système ou si les données pour les divers individus peuvent être différentes » (Hayek, 2002, p. 123).

(4) « Un type particulier de connaissance, la connaissance scientifique, occupe une place si prééminente dans l’air du temps que nous avons tendance à oublier qu’il n’y a pas que ce type de connaissance qui soit intéressant. […] Mais peu de réflexions montrent qu’il existe sans nul doute un ensemble très important mais inorganisé de connaissances qui ne peuvent être qualifiées de scientifiques, puisqu’elles n’ont pas trait à la connaissance de règles générales, mais à la connaissance de circonstances

particulières de temps et de lieu » (Hayek, 1986, p. 121).

(7)

peut être réduite à une simple distribution inégale à un moment donné d’informations objectives (comme dans la théorie de l’asymétrie d’information) ou susceptibles de l’être (comme dans une bonne partie des discours autour de la codification de la connaissance). C’est la raison pour laquelle Hayek considère que « le problème économique central d'une société n’est […] plus un problème d’allocation de ressources données – si le terme de “données”

signifie « données à un seul esprit qui pourrait résoudre le problème ainsi posé’ ». C’est plutôt celui « d'obtenir la meilleure utilisation possible des ressources connues par n'importe lequel des membres de la société, à des fins dont l'importance relative est connue de ces individus et d'eux seuls ». Il s’agit donc « d’un problème d'utilisation de la connaissance, laquelle n'est donnée à personne dans sa totalité » (Hayek, 1986, p. 118-119).

Pour éviter toute confusion qui pourrait provenir de la réduction de la question précédente au simple problème statique de l’utilisation à un moment donné d’une connaissance qui, bien que dispersée, serait déjà là, Hayek insiste sur un second aspect du même problème. Il s’agit des changements permanents qui affectent les environnements interne et externe de chaque individu, un fait tellement important que « les problèmes économiques viennent toujours et seulement du changement » (ibid., p. 123). Etant donné l’incertitude radicale et les flux permanents de nouveautés, la thèse de la dispersion de la connaissance prend donc un sens plus radical et plus dynamique (5). De plus, comme le montrent Minkler (1983) et Becker (2001), l’incertitude radicale est aussi une incertitude endogène qui a trait au fait que la connaissance est dispersée entre les différents individus à l’intérieur d’une organisation et non pas seulement entre les individus ou des organisations autonomes.

2.3. De la dispersion inter-organisationnelle à la dispersion intra- organisationnelle

La dispersion de la connaissance, au sens radical et dynamique du terme, est un fait constitutif et inévitable des systèmes économiques complexes, une conséquence nécessaire de la division sociale du travail. Comment se fait dès lors la coordination d’ensemble de tels systèmes ? Deux niveaux de coordination doivent être soulignés ici : le premier concerne la coordination locale, et le second la coordination globale. La coordination locale a trait à l’adaptation rapide des individus et des organisations à ce que Hayek appelle les « changements des circonstances particulières de temps et de lieu » (ibid., p. 126) et correspond à l’autonomie des individus et des organisations. La coordination globale est celle qui, tout en s’appuyant sur le premier niveau de coordination, tend à réaliser la compatibilité entre les anticipations, plans et actions des différents individus et organisations composant ce système. L’étude des processus d’adaptation, tant au niveau individuel et organisationnel qu’institutionnel, devient alors un domaine de recherche fondamentale en économie. Hayek considère que la

(5) Pour une appréciation constructive de la notion de dispersion de la connaissance, voir Tsoukas (1996), et pour une tentative de son approfondissement, voir Becker (2001).

(8)

décentralisation effective constitue la meilleure procédure d’adaptation possible et que « les décisions finales doivent être laissées à ceux qui connaissent ces circonstances, qui apprécient directement les changements en cause et savent où trouver les ressources pour y faire face » (ibid., p. 126).

Or, cette solution produit à son tour de nouvelles formes de dispersion de la connaissance et ne doit pas être perçue comme un défaut à éliminer mais comme un fait indépassable, la solution à un problème qui se situe en amont.

L’autre composante de la coordination correspond aux institutions qui permettent de favoriser la décentralisation et de la protéger (en particulier la propriété privée et la règle de droit), comme à celles qui permettent d’informer sur les comportements économiques des uns et des autres (en particulier le système prix).

Hayek a principalement utilisé sa théorie de la connaissance dispersée pour montrer l’incapacité des systèmes de planification socialistes à résoudre les problèmes de coordination qui en découlent puisque les modèles de planification ignoraient ce fait ou alors se donnaient pour ambition de l’éliminer (Hayek, 1948, 1988). Il l’a aussi utilisée pour asseoir son plaidoyer en faveur de l’économie de marché (1986, 1980). Ce faisant, il a eu tendance à doter les individus seuls du pouvoir d’adaptation et donc de coordination locale ou décentralisée et à réduire le problème de la coordination globale à celui de la compatibilité entre les plans et actions d’individus autonomes et séparés. Dans les deux facettes de la coordination, l’organisation s’évanouit en tant qu’instance de coordination. L’une des raisons de la négligence des organisations chez Hayek est la conception qui veut que l’objet des sciences sociales se limite à l’étude des phénomènes spontanés considérés comme les conséquences inintentionnelles des actions individuelles intentionnelles (Hayek, 1953). En faisant de l’organisation un produit de l’action individuelle délibérée, quoique concertée, Hayek ne pouvait s’intéresser qu’à ses conséquences inintentionnelles sur le marché (la formation des prix) et non sur son fonctionnement interne considéré d’emblée comme maîtrisable et ne posant pas de problème particulier au regard de l’objet de recherche central de l’économie.

Or, la décentralisation de la décision dans les systèmes économiques ne réside pas seulement ou principalement dans l’action individuelle mais aussi dans l’action collective organisée. Une bonne partie de la coordination locale est portée par les organisations et non par des individus atomistiques et séparés. Dans les systèmes économiques complexes, la connaissance est principalement dispersée non pas entre des individus séparés mais entre des organisations. C’est une question relative au niveau pertinent de coordination décentralisée dans un système économique, qui est aussi l’une des questions principales que se pose la théorie économique moderne lorsqu’elle s’interroge sur les raisons de l’existence des firmes. Ici la connaissance est dispersée au sens où elle est distribuée entre différentes organisations (et individus) composant le système économique, et non plus

(9)

entre de simples individus. Il s’agit alors d’une dispersion inter- organisationnelle, qu’il faut distinguer de la dispersion interne aux organisations : la dispersion inter-organisationnelle est le fruit nécessaire de la division sociale du travail alors que la dispersion intra-organisationnelle va de pair avec la division technique du travail (Loasby, 1998). Cette seconde forme de dispersion de la connaissance implique de développer une nouvelle vision de la firme.

3. L’organisation comme système de règles de différents types Peu d’auteurs ont cherché à exploiter la notion de dispersion de la connaissance dans l’analyse des organisations (6). Tsoukas (1996) considère que le problème organisationnel est celui de l’utilisation et de la coordination d’une connaissance dispersée entre les différents membres d’une organisation (7). Le même auteur souligne, à juste titre, que les travaux de Mintzberg (1994) peuvent être éclairants ici et montrent à quel point la connaissance dans les organisations est dispersée, elle ne peut être totalisée par le top managementni être facilement déployée dans la formulation de stratégies centralisées.

La dispersion intra-organisationnelle peut être traduite en termes de règles. Les organisations peuvent alors être analysées sous forme de systèmes de règles qui appartiennent à quatre catégories différentes. Pour ce faire, un détour par les typologies de Hayek et de Langlois s’impose.

3.1. La typologie des ordres de Hayek

Hayek fait une distinction fondamentale entre les deux types d’ordre, les ordres organisés et les ordres spontanés (8). Les premiers sont construits délibérément, obéissent à un dessein humain, sont gérés par commandement ou par des règles concrètes (qui s’appliquent à des situations limitées en nombre et définies en avance) et dépendent des objectifs de la direction.

Les gouvernements, les associations ou encore les firmes en sont des exemples.

Par contraste, les ordres spontanés sont auto-organisés qui ne sont pas le résultat d’un dessein humain (mais d’actions dispersées d’individus séparés), obéissent à des règles abstraites (qui s’appliquent à un nombre indéfini de cas ayant des traits typiques communs récurrents), sont indépendantes de toute finalité humaine directe, et ne sont donc guidées par personne. Le marché et le common law en sont des exemples.

La finalité (ou non finalité) des ordres est, de loin, la caractéristique la plus fondamentale de toutes, au point qu’elle constitue une condition suffisante pour distinguer les ordres organisés des ordres spontanés. Les ordres organisés étant consciemment dirigés par un centre, ils sont « au service d'une intention de celui qui les a créés ». En revanche, un ordre spontané n'est créé par aucun agent extérieur et ne peut, en tant que tel, « avoir une intention, bien que son existence puisse être fort utile aux individus qui se meuvent en son sein » (Hayek, 1980, p. 45-46). Dans les ordres spontanés,

(6) Voir en particulier Minkler (1983), Langlois (1997), Foss (1999) et Tsoukas (1996).

(7) Tsoukas (1996) considère que pour donner une formulation originale du problème organisationnel, il serait judicieux de reprendre la formulation hayekienne du problème économique central et de substituer le terme de “firme” au terme de “société”. Ce qui donnerait la formulation suivante :

« The organizational problem is “the problem of how to secure the best use of resources known to any of the members of the [firm], for ends whose relative importance only these individuals know.

Or to put it briefly, it is a problem of the utilisation of knowledge which is not given to anyone in its totality. » (Tsoukas, 1996, p. 12).

(8) Hayek définit de manière abstraite un ordre comme étant « un état de choses dans lequel une multiplicité d'éléments de natures différentes sont en un tel rapport les unes aux autres que nous puissions apprendre, en

connaissant certaines composantes spatiales ou

(10)

les individus peuvent agir intentionnellement, mais ceci ne détermine pas directement le cours de l'ordre. Mais l'ordre spontané n'a pas de finalité, il constitue néanmoins un ensemble de ressources cognitives et de repères pour l'action finalisée des agents le composant (individus et organisations).

Les ordres organisés sont « relativement simples » ou au moins forcément cantonnés dans des degrés de complexité suffisamment modérée pour que leurs auteurs puissent encore les embrasser du regard. Les ordres spontanés sont, en revanche, d'une complexité qui « n'est pas limitée à ce que peut maîtriser un esprit humain » (ibid., p. 45). Seuls les ordres spontanés peuvent a prioris'accommoder de hauts degrés de complexité, et c’est même « parce que la structure de la société moderne ne dépendrait pas d'une organisation, mais s'est développée comme un ordre spontané, qu'elle a atteint le degré de complexité auquel elle est parvenue » (ibid., p. 59). La dynamique des ordres spontanés se mesure à leur capacité de faire émerger la coordination d'une grande quantité de connaissances et d'informations hétérogènes et dispersées, chose qu’une organisation délibérée est strictement incapable de réaliser.

Les ordres organisés sont régis par voie de commandements directs et de règles simples et concrètes, alors que dans le cas des ordres spontanés, l'absence d'instance centrale ou centralisatrice est plus que compensée par l'existence de règles abstraites qui délimitent et protègent le champ d'action des différents éléments composant l'ordre et qui facilitent aussi la coordination d'ensemble.

Le fait que le centre puisse connaître les éléments composant un ordre organisé et les relations les régissant rend possible l’action efficace sur le cours général ou particulier d'un tel ordre, notamment en manipulant les règles organisationnelles. Dans le cas des ordres spontanés, les pouvoirs de contrôle sont ambivalents et « nous ne pouvons, au mieux, connaître que les règles suivies par les éléments de natures diverses dont se composent les structures, sans connaître tous les éléments pris un à un, et encore moins toutes les circonstances particulières où se trouve chacun de ces éléments » (ibid., p. 48). Il s'ensuit que notre connaissance se limitera « au caractère général de l'ordre qui va se former » et qu’il ne sera possible d’influencer que sur « le caractère général de l'ordre résultant, et non pas sur ses détails » (ibid.), notamment en manipulant ses règles abstraites.

Quelle est alors la relation entre le concept d’ordre et la notion de dispersion de la connaissance ? Le concept d’ordre permet l’étude de la coordination dans les systèmes sociaux à large division du travail et de la connaissance, c’est-à-dire l’étude des processus de convergence des perceptions, anticipations et actions des différents membres les composant.

La théorie de l’équilibre général élude ce problème de coordination en postulant d’emblée que chaque individu connaît parfaitement, directement ou indirectement, tout ce dont il a besoin. Le concept d’ordre représente une tentative de dépasser les insuffisances de cette théorie. L'ordre se distingue

temporelles de l'ensemble, à former des pronostics ayant une bonne chance de s'avérer corrects (Hayek, 1980, p. 42).

(11)

de l'équilibre par la possibilité qu'il offre d'intégrer dans l'analyse les dimensions d'interaction collective et de temps, les deux étant facteurs d'incertitude radicale. Pour qu'il y ait une coordination de l'ensemble des plans et actions des divers agents économiques, un minimum de correspondance entre les anticipations (une forme de connaissance) et actions (une autre forme de connaissance) des différents individus est nécessaire (9).

Les interactions économiques prennent nécessairement corps dans le temps, et il importe de rendre compte de la coordination intertemporelle. A cet égard, le concept d’ordre a l’avantage « que nous pouvons parler d’un ordre approché à des degrés variables, et que cet ordre peut être préservé à travers un processus de changement » (Hayek, 1978, p. 184). C’est donc un concept essentiellement procédural et dynamique, alors que celui d'équilibre statique se focalise sur les états finaux. En ce sens, l’élaboration du concept d’ordre est intimement liée à la question de savoir comment est (devrait être) utilisée ou coordonnée la connaissance dispersée dans un système économique.

Plus un système se complexifie, plus il fait émerger une large division de la connaissance, et moins il peut être coordonné d’une manière centralisée.

Autrement dit, il ne peut être coordonné par commandements ou règles concrètes et spécifiques. Sa coordination ne peut se faire que d’une manière indirecte, par le biais de règles abstraites et indépendantes de la volonté d’un quelconque centre. Ces règles facilitent la coordination de la connaissance dispersée dans la mesure où elles délimitent les espaces de décision et d’autonomie de chaque individu (permettant par là même à chacun de développer au mieux sa connaissance personnelle liée à ses conditions particulières) mais aussi en stabilisant les anticipations.

La distinction entre les deux types d'ordre est certainement fondamentale mais peut prêter à confusion si son statut épistémologique n'est pas précisé.

Si elle est utilisée comme outil descriptif, elle risque fort d’évacuer la complexité des ordres réels ainsi que les relations de complémentarité entre les ordres organisés et les ordres spontanés. Ainsi, les ordres spontanés sont ontologiquement composés d’organisations qui sont liées entre elles par des relations de rivalité et/ou de coopération. Aussi, les organisations ne peuvent exister sans s’inscrire dans le cadre d’un ordre spontané les englobant. Y aurait- il un sens à parler, par exemple, d’entreprises privées et concurrentielles en dehors du contexte de marchés spontanés, et peuvent-elles exister dans des systèmes socialistes planifiés (10) ?

Le lien que Hayek établit entre dispersion de la connaissance, complexité et ordre spontané peut être défait en déconnectant l’association qu’il fait entre l’organisation et son faible degré de complexité. Il suffit pour s’en convaincre de reconnaître que les organisations peuvent, elles aussi, être des systèmes complexes, c’est-à-dire connaissant une large division de la connaissance et du travail. Dès que les organisations atteignent un certain degré de complexité, la connaissance devient dispersée entre ses différents membres, entre l’employeur et ses employés mais aussi entre les employés,

(9) « Vivant comme membres de la société et dépendant, pour la satisfaction de la plupart de nos besoins, de diverses formes de collaboration avec autrui, il est clair que nous ne pouvons poursuivre efficacement nos objectifs que si les prévisions que nous pouvons faire des actions des autres, sur lesquelles reposent nos plans, correspondent à ce que ces actions seront effectivement » (Hayek, 1980, p. 42).

(10) L’œuvre de Janos Kornai et son évolution est une formidable démonstration de cette assertion. Voir en particulier Kornai (1991).

(12)

entre les équipes, entre les ateliers, entre les établissements, etc. Or, l'employeur a besoin des connaissances et de l'apprentissage de ses subordonnés alors qu’il est dans l’impossibilité, essentiellement cognitive, de planifier ou de contrôler cet apprentissage. Par conséquent, et comme le reconnaît quelque peu paradoxalement Hayek lui-même, « toute organisation doit aussi s'appuyer sur des règles [abstraites], et pas seulement sur des commandements spécifiques », puisque, « en guidant les actions des hommes par des règles [abstraites] plutôt que par des commandements spécifiques, il est possible de mettre en œuvre une connaissance que personne ne possède en entier » (Hayek, 1980, p. 57). Tout se passe comme s’il s’agissait d'imiter délibérément la logique de l’ordre spontané, les règles abstraites étant considérées comme des outils organisationnels qui permettent de réaliser la décentralisation et l’autonomie nécessaires dans le processus d’adaptation (11).

Est-ce à dire qu’il n’y a plus lieu de distinguer entre ordres organisés et ordres spontanés, les deux s’appuyant sur des règles abstraites ? C’est en fait l'intentionnalité qui va séparer les règles abstraites des deux types d’ordre : si les règles abstraites des ordres spontanés sont, par définition, sans finalité, celles des ordres organisés sont, ou doivent être, en revanche, liées aux objectifs du centre de l'organisation et sont spécifiques aux fonctions assignées à chaque individu.

3.2. La typologie des ordres de Langlois

Si la définition dichotomique des ordres ne doit pas être considérée comme un outil descriptif, elle peut constituer un pas dans le développement de catégories conceptuelles plus appropriées. Langlois (1995) établit ainsi une nouvelle typologie des ordres qui se fonde sur une double distinction : la première entre origines organiques (spontanées) et origines pragmatiques (créées) des ordres, la seconde entre fonctionnement (ou évolution) dirigé et fonctionnement spontané des ordres. La combinaison de ces deux entrées fait ressortir quatre types d’ordre (12) :

(11) « Toute organisation dont les membres ne sont pas de simples outils de l'organisateur détermine par commandement seulement la fonction que chaque membre doit remplir, les objectifs qu'il faut atteindre et certains aspects généraux des méthodes à appliquer ; mais elle laisse le détail à décider par les individus sur la base de leur savoir et de leurs talents respectifs » (ibid., p. 57).

(12) Langlois modifie une typologie développée par Vanberg (1994) qui combine des thèses de Carl Menger (la distinction entre origines pragmatiques et origines organiques et des thèses de Hayek (distinction entre ordres spontanés et ordres organisés). Notons ici que le terme d’ordre est utilisé par Hayek de façon générique et exprime à la fois les ordres organisés et les ordres spontanés. Pour simplifier la présentation,

Typologie des ordres de Langlois

Organisations Ordres

(fonctionnement dirigé) (fonctionnement spontané) Origine pragmatique Organisations pragmatiques Ordres pragmatiques

(1) (2)

Origine organique Organisations organiques Ordres organiques

(3) (4)

Source: Langlois (1997, p. 64).

Il s’agit d’une typologie des ordres, où les deux catégories hayekiennes de départ, les ordres organisés et les ordres spontanés, occupent respectivement les cases (1) et (4). Deux nouvelles catégories sont rajoutées :

(13)

Langlois préfère utiliser les termes d’organisation pour les ordres organisés et d’ordre pour les ordres spontanés. Dans la suite de notre présentation, nous garderons plutôt la distinction

terminologique de Hayek, car elle met au clair ce qui est commun à l’organisation et au marché : l’un et l’autre sont des modes de coordination des anticipations, plans et actions individuels.

les organisation organiques, dont l'origine est spontanée mais qui fonctionnent comme des organisations (case 3), et les ordres pragmatiques dont l'origine est délibérée mais qui fonctionnent selon des modalités spontanées (case 2).

Pour Langlois, la théorie néoclassique (et ses prolongements) pense la firme en termes d’organisations pragmatiques, les cases 1 et 4 représentant alors la dichotomie coasienne entre le marché et la firme. La firme néoclassique renforce la dichotomie coasienne puisqu’elle n’est pas pragmatique de par son origine seulement mais aussi de par sa nature. La firme néoclassique n’a rien d’un système de règles de conduite, elle est tout juste une unité de prise de décision qui cherche la meilleure solution possible à des problèmes d’optimisation bien définis. Elle donne ainsi une fausse image du fonctionnement des organisations comme institutions et conduit à la conclusion erronée que la firme est un foyer permanent de planification consciente et de décisions entièrement orientées vers le futur.

Qu’en est-il des deux nouvelles catégories d’ordre : les organisations organiques (case 3) et les ordres pragmatiques (case 2). Les organisations organiques fonctionnent comme toute organisation mais ont une origine spontanée alors que les ordres pragmatiques ont une origine délibérée et fonctionnent de manière spontanée. Comme le remarque Langlois, le cas des organisations organiques est étonnant, du moins pour les habitudes intellectuelles classiques de la théorie de la firme ou des organisations. Mais les exemples qui montrent l’existence de ce type d’organisation ne manquent pas, notamment dans la littérature qui insiste sur les bureaucraties gouvernementales, considérées comme « des corps organisés qui émergent de façon spontanée de l'interaction d’intérêts privés, qui essaient de détourner à leur profit des flux de rentes ou de protéger des rentes dont elles jouissent déjà » (Langlois, 1997, p. 64).

Quant aux ordres pragmatiques, le meilleur exemple est offert par l’économie politique constitutionnelle, pour qui il serait possible de construire (et de faire évoluer) délibérément des systèmes de règles abstraites qui soient constitutives du niveau institutionnel le plus élevé d’un système économique et social. Les individus et les organisations peuvent alors mener leurs choix et actions à l’intérieur d’un tel cadre général commun.

En distinguant clairement la question des origines de celle du fonctionnement, la typologie de Langlois permet de surmonter les limites de la dichotomie hayekienne, de montrer la diversité et la complexité des types d’ordre possibles et de souligner l’impossibilité de réduire une firme à une simple organisation pragmatique. Pour Langlois, la firme est une organisation, qui se situe donc sur la première colonne du tableau. C’est un système composite comprenant, d’un côté, une dimension “organisation pragmatique” et, de l’autre, une dimension “organisation organique”.

Langlois considère que ces deux dimensions représentent deux périodes différentes dans la vie d’une organisation : prenant vie comme organisation

(14)

pragmatique, une firme tend au fur et à mesure qu’elle se développe à se transformer en une organisation organique. Mais ne serait-il pas plus correct de considérer que les deux dimensions prises en compte par Langlois sont simultanément présentes dans toute organisation (complexe) ?

Viktor Vanberg (1994) développe une autre conception qui situerait la firme non pas sur la première colonne du tableau de Langlois mais plutôt sur sa première ligne : la firme est alors un système qui comprend, outre la dimension “organisation pragmatique”, la dimension “ordre pragmatique”

et non plus la dimension “organisation organique”. Pour Vanberg (1994, p. 136), la dimension “ordre pragmatique” représente le côté typiquement constitutionnaliste de la firme puisque « les règles procédurales qui sous- tendent l’action organisée peuvent être considérées à juste titre comme une constitution, du fait qu’elles constituent les organisations en tant qu’acteurs collectifs [corporate actors]. ». Ces règles « ne définissent pas seulement le domaine des décisions organisationnelles en spécifiant quelles ressources sont sous le contrôle de l’organisation et jusqu’à quel point elles le sont », et permettent aussi de spécifier « le modus operandi pour l’entreprise collective ». Ce qui signifie qu’elles sont établies pour aider à résoudre deux types de problèmes, ceux relatifs aux décisions collectives et ceux relatifs à la répartition des revenus.

La théorie évolutionniste, largement développée depuis le travail pionnier de Nelson et Winter (1982) met, quant à elle, l’accent principalement sur la dimension « ordre organique ». Plus précisément, la firme est perçue comme un système de règles et de routines, qui se développent d’une manière spontanée et qui sont fortement tacites.

Une vision plus riche et plus complexe de la firme gagne à combiner les trois perspectives théoriques que nous venons d’évoquer. Ce qui équivaut à penser la firme comme une combinaison complexe des dimensions

« organisation pragmatique », « organisation organique », « ordre pragmatique » et « ordre organique ». Ce qui implique de transformer la typologie de Langlois, qui est une typologie d’ordres, en une typologie de règles.

3.3. Pour une typologie des règles organisationnelles

Commençons par signaler l’ambiguïté de la distinction entre règles organisationnelles d’origine délibérée et règles organisationnelles d’origine spontanée. Il semble en effet extrêmement difficile de dire, à propos d’un comportement organisationnel donné, à quel type de règles il appartient.

Surtout, le risque est grand de considérer que les règles émanant de la direction sont des règles d’origine délibérée et que celles provenant des employés sont d’origine spontanée. Or, ceci occulte le fait qu’une source indépassable de la dynamique organisationnelle, le travail des subordonnés, ne peut se réduire à une simple réactivité spontanée. Au lieu de raisonner en termes d’origine des règles, au sens de leur émergence historique, il serait plus pertinent de raisonner en termes de sources des règles, au sens de l’instance humaine

(15)

émettrice. C’est la distinction subtile à laquelle nous invite Jean-Daniel Reynaud (1988, 1997, 1999) pour qui toute organisation est un système de jeu entre deux formes de régulation (13) : une régulation de contrôle qui vient d’en haut et une régulation autonome qui vient d’en bas. Les règles de contrôle sont issues du top managementou de l’encadrement moyen de l’organisation en vue de guider les comportements des subordonnés dans une direction compatible avec la stratégie des dirigeants. Les règles autonomes émanent des subordonnés de l’organisation sans être nécessairement compatibles avec la stratégie et les règles édictées par la direction et rien n’oblige a priori qu’elles servent les intérêts de celle-ci. Se crée alors un jeu de régulations, de sources différentes, qui produit diverses combinaisons et/ou compromis, en fonction des multiples enjeux présents, à la fois d’efficacité et de pouvoir.

Revenons à la typologie de Langlois qui impliquait une autre idée importante à retenir. Indépendamment de leur origine (ou de leur source), les règles organisationnelles ont leur propre vie et ne restent pas figées. Elles font l’objet de multiples interprétations de la part de ceux qui les utilisent et évoluent en fonction de ces interprétations et des actions qu’elles induisent.

Deux cas de figure se présentent : les règles peuvent fonctionner de manière autonome et évoluer indépendamment du contrôle direct du management, comme elles peuvent être guidées et contrôlées par lui, utilisées ainsi comme outils au service de la stratégie de l’organisation.

Il devient dès lors possible de développer une typologie des règles qui prenne en compte la complexité des processus de coordination organisationnelle, qui dépasse l’opposition simple entre coordination centralisée et coordination décentralisée (i.e. entre fonctionnement dirigé et fonctionnement spontané) et qui reflète mieux la dispersion intra- organisationnelle de la connaissance. En combinant la dimension source des règles avec la dimension fonctionnement une nouvelle typologie émerge qui intègre les quatre types de règles suivants :

(13) Reynaud utilise le terme de régulation au sens de création, usage et transformation de règles.

Typologie des règles organisationnelles

Fonctionnement guidé Fonctionnement spontané Règles de contrôle Règles de contrôle Règles de contrôle

organisées (R1) spontanées (R2)

Règles autonomes Règles autonomes Règles autonomes

organisées (R3) spontanées (R4)

C’est une typologie des règles où les ordres organisés « purs » (ordres pragmatiques) ne représentent qu’un cas limite dans lequel n’existent que les règles R1, les autres types de règles ne jouant alors q’un rôle négligeable, sinon aucun. Une telle situation n’est envisageable que si les règles R1 ne subissent aucune transformation par les membres de l’organisation autres

(16)

que la direction émettrice, c’est-à-dire ne sont pas interprétées par les exécutants et sont strictement respectées et suivies par eux. Ce qui implique aussi que ces règles sont complètes, que toute la connaissance utile ou pertinente s’y rattachant est détenue par le centre – ou peut l’être facilement – ce qui signifie en fin de compte que l’organisation concernée ne connaît pas de problème de dispersion de la connaissance. Or ceci n’est possible que dans le cas d’organisations simples, de petite taille, agissant dans des environnements stables et prévisibles. Dans le cas inverse, celui des environnements concurrentiels et incertains, où agissent des firmes de différents niveaux de complexité ou de taille, ce genre d’organisations représente bien un cas-limite ou idéal-typique (14).

Les situations les plus réalistes et les plus communes sont certainement celles des organisations collectives complexes, celles où coexistent ensemble les quatre types de règles. Puisque ces différents types jouent chacun un rôle fonctionnel important dans l’organisation et puisqu’ils participent tous de sa vie, il est pertinent de les désigner sous le terme générique de règles organisationnelles. Les règles de contrôle (R1) qui visent la gestion et le contrôle direct par en haut ne peuvent donc à elles seules monopoliser cette appellation qui doit englober les trois autres types de règles.

La distinction entre les quatre types de règles et l’étude de leurs interactions s’avère un outil puissant pour comprendre l’apprentissage organisationnel que nous assimilerons ici à l’ensemble des processus de changement des règles dans les organisations.

4. L’organisation comme système d’apprentissage par les règles Chacun des types de règles composant une organisation complexe a sa propre raison d’être et supporte une forme particulière d’apprentissage organisationnel. On entend par apprentissage organisationnel le processus par lequel la connaissance utilisée dans leur activité productive par les individus composant l’organisation change et évolue. L’apprentissage organisationnel n’implique donc pas ici nécessairement la diffusion de la connaissance apprise par les individus à l’ensemble de l’organisation, tout comme il ne se réduit pas à une approche normative, puisque tout apprentissage organisationnel n’est pas nécessairement bénéfique à l’organisation.

4.1. Les règles R1 comme support de l’apprentissage organisationnel

“planifié”

Les règles R1, ou règles de commandement (15), sont émises par la direction de l’entreprise et supportent un objectif précis. Leur vocation est d’assurer le respect dans l’organisation d’un certain nombre de principes que la direction considère comme fondamentaux (normes de qualité, par exemple) ou de règles de gestion que l’entreprise est tenue de mettre en œuvre (temps de travail, règles de rémunération, règles d’hygiène, etc.).

(14) La même chose peut être dite des orders spontanés purs (ordres organiques), où seules existent les règles R4.

(15) Hayek (1980) distingue commandements spécifiques et règles de l'organisation. Pour homogénéiser les catégories utilisées dans

(17)

Ces règles sont élaborées d’“en haut” et ne tolèrent qu’une faible marge d’interprétation (16) et induisent une sanction en cas de déviation.

La direction de l’organisation cherche à travers ce type de règles à ce que chacun des participants obéisse, applique, voire internalise un ensemble de normes et de standards, qui seront plus ou moins partagés avec les autres membres de l’organisation. Le pouvoir de coordination de ces règles provient de ce que les individus, en tant que simples récepteurs, ne sont pas censés questionner leur pertinence et se trouvent dans l’obligation de se comporter comme de simples exécutants à qui il est demandé de les appliquer quasi automatiquement. Ces règles prouvent leur efficacité dans la coordination centralisée, là où celle-ci est possible et là où elle est utile.

L’évolution de ce type de règles peut prendre deux voies différentes. Dans un cas, elles gardent leur identité en tant que règles de contrôle organisées, alors que dans l’autre, elles se transforment en un autre type de règles.

Dans le premier cas, l’évolution se fait sous l’impulsion de la direction, par exemple lorsqu’elle cherche à induire certaines adaptations internes aux changements de l’environnement externe (ou interne). Une telle évolution se fait selon l’initiative des dirigeants et selon la stratégie organisationnelle qu’ils se tracent. Il s’agit dès lors de ce qu’on peut appeler un apprentissage organisationnel planifié. Les individus et leur organisation apprennent mais seulement dans un sens bien particulier et minimaliste : les individus apprennent les règles et les comportements qu’elles induisent telles qu’elles proviennent d’en haut ; l’organisation apprend au sens où il y a passage d’une connaissance d’un point donné, en l’occurrence la hiérarchie, à un autre point, les autres membres de l’organisation.

Le second cas correspond à la situation plus complexe où les dirigeants de l’organisation deviennent conscients que l’apprentissage organisationnel nécessite un certain cadre commun, lequel implique de formuler des règles dont l’objet direct est de construire et de diffuser des « modèles mentaux partagés » (culture d’entreprise, savoir commun), qui facilitent la convergence des visions et des anticipations des différents membres de l’organisation et qui définissent en même temps l’espace et l’étendue de la décision et de l’action décentralisée (cf. Foss, 1997; Witt, 1999).

Les règles de contrôle ont un fort pouvoir de coordination centralisée qui est certainement absolument nécessaire dans la vie d’une organisation, ce qui peut expliquer le fait qu’elles dominent la théorie classique de la firme.

Or, même si les règles qui permettent une telle coordination sont nécessaires au bon fonctionnement et à l’efficacité de l’organisation, elles ne peuvent suffire à elles seules pour assurer la coordination organisationnelle globale.

Elles fournissent ainsi une image incomplète, au risque d’être fausse, de la coordination et de l’apprentissage organisationnels. C’est ce que montre l’existence-même des autres types de règles.

ce texte, nous avons préféré utiliser le terme de "règles de

commandement" ou règles R1, pour désigner ce que Hayek appelle les commandements spécifiques. En revanche, ce que Hayek appelle les règles d'organisation seront nommées ici règles de type 2. L'assimilation entre commandement et règles R1 se justifie par le fait que ces règles sont considérées comme étant a prioricomplètement planifiées et contrôlables.

Elles ont donc une essence commune avec les commandements.

(16) Sur les règles

“à faible marge d’interprétation”, qui s’opposent à celles

“à forte marge d’interprétation”, voir Favereau (1995).

(18)

4.2. Les règles R4 comme support de l’apprentissage organisationnel spontané

Les règles R4 sont issues des employés et ne sont donc pas construites par la direction. De plus, elles fonctionnent et évoluent indépendamment du contrôle de celle-ci. Ces règles qui sont généralement – mais pas nécessairement – tacites résultent de l’interaction des différents employés de l’organisation. Une part substantielle de la connaissance et des pratiques développées par les employés sont souvent inconnues de la direction et échappent, par conséquent, au contrôle. C’est l’un des résultats nécessaires de la division intra-organisationnelle du travail qui engendre à son tour la division intra-organisationnelle de la connaissance (Loasby, 1998). La formation de règles “spontanées” est donc l’expression la plus forte de la dispersion de la connaissance dans les organisations.

La raison d'être de ce type de règles est que la direction ne peut organiser l'ensemble des connaissances, des faits et des changements quotidiens composant la vie d'une firme complexe. Une partie non négligeable des connaissances et des pratiques mises en œuvre par les employés échappent fondamentalement à la planification et au contrôle de la direction.

Les règles R4 sont le support d’une autre forme d'apprentissage organisationnel, cette fois-ci, contrairement au cas des règles R1, en tant que processus largement spontané. Il y a apprentissage organisationnel au sens où les employés apprennent localement, individuellement ou par groupes, à résoudre les problèmes qui émergent de leur activité productive, les solutions trouvées devenant alors des règles et des routines auxquelles ils recourent à chaque fois que des problèmes semblables émergent. Cet apprentissage est spontané dans la mesure où il n’est pas planifié par la direction qui, étant donné ses capacités cognitives nécessairement limitées, surtout dans les conditions de large division intra-organisationnelle du travail, n’est pas en mesure de savoir tout ce qui se passe au niveau local, de prévoir tous les problèmes qui y émergent ni d’en trouver rapidement les solutions les mieux adaptées.

Certes, on pourrait s’interroger sur la pertinence d’une conception spontanéiste de l'apprentissage organisationnel (17). Rappelons juste que chez les théoriciens évolutionnistes la transformation des règles est largement spontanée et que ce sont les « bonnes » règles qui sont sélectionnées et qui favorisent la viabilité de l'organisation. Soulignons encore une fois que les initiatives individuelles ou collectives, prises par les subordonnés, ne peuvent se réduire à des actions intuitives ou irrationnelles. Les règles R4 sont en partie le fruit des délibérations individuelles ou concertées de ces subordonnés. Elles ne sont spontanées qu’au sens où elles ne sont pas l’émanation de la direction.

R1 et R4 sont les deux cas-limites de règles organisationnelles.

Contrairement à l’apprentissage organisationnel planifié, impulsé et matérialisé par les règles R1, celui qui se produit par l’évolution des règles

(17) Chez Argyris et Schön (1978), un apprentissage organisationnel

“spontané” serait même un non-sens.

(19)

R4 est le fruit d’initiatives individuelles décentralisées. Le management ne joue a priori ici aucun rôle dans la dynamique de l’apprentissage organisationnel, à moins qu’il prenne conscience de la grande richesse que constituent la connaissance dispersée et les règles R4 qui l’accompagnent, auquel cas il peut jouer un rôle plus actif, en encourageant et en favorisant indirectement la création et la diffusion de ces règles – au moins en ne cherchant pas à les étouffer. Dans certains cas, le management cherchera même à officialiser et à généraliser ces règles, les transformant alors en un autre type de règle (cf. infra).

Les processus d’évolution des règles R1 et R4 ont en commun ceci que l’apprentissage organisationnel ne résulte pas de l’interaction entre le haut et le bas de l’organisation, entre la direction et les employés. La dispersion de la connaissance n’étant ni explicitement ni implicitement reconnue, comme dans le cas des organisations bureaucratiques, la connaissance détenue par le management et celle détenue par les employés ne rentrent pas en véritable interaction et évoluent indépendamment l’une de l’autre. Dans les deux cas, il n’y a pas de « transfert » de la connaissance entre la direction et ses membres et vice versa (sauf au sens limité de la réception-exécution dans le cas des règles R1). L’apprentissage organisationnel, si apprentissage il y a, se fait horizontalement et non entre des niveaux différents de la hiérarchie organisationnelle.

Or, dès lors que la dispersion intra-organisationnelle de la connaissance est prise au sérieux, les différentes sources de la connaissance ne peuvent qu’interagir et évoluer simultanément. Avec l’interaction des différents niveaux de la hiérarchie organisationnelle, d’autres formes ou types d’apprentissage organisationnel émergent. Les règles « spontanées » (R4) peuvent être mises à profit et redéployées par la direction pour servir sa propre stratégie et, réciproquement, les règles prescriptives émises par le centre (R1) peuvent subir un autre sort que celui de départ puisque les employés, censés les suivre, peuvent les faire dévier des intentions de la direction et de ses velléités de contrôle. Les règles R1, tout comme les règles R4, sont alors transformées en des règles d’autres types, auquel cas on assiste, au-delà du changement des règles, à un changement des processus d’évolution eux-mêmes.

4.3. Les règles R2 comme interprétation et adaptation des règles de contrôle

Les règles R1, nous l’avons vu, sont construites des fins de planification et de contrôle, mais elles donnent naissance à des interprétations qui peuvent dévier de la lettre, voire de l’esprit, de ces règles. Par exemple, certaines procédures de production émises officiellement par les directions d’entreprises sont souvent sans prise sur la réalité et ne sont pratiquement jamais appliquées.

En lieu et place, ce sont d’autres procédures qui sont suivies et qui font preuve d’efficacité, et ce grâce à un meilleur ancrage dans les spécificités des activités de production concernées et dans leur contexte spatio-temporel.

Références

Documents relatifs

De l’individu aux communautés de pratiques, en passant par l’organisation en tant que tel, ce Cahier dresse un panorama détaillé des théories ainsi que des usages conceptuels

• La première partie est consacrée à l’étude du moteur synchrone, dont le principe repose sur l’interaction entre un champ magnétique tournant produit par des courants

Trouver l'expression analytique de la dérivée d'un ordre quelconque de la fonction simple circulaire.. j =

Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens

• Reproduction : ce sont des insectes holométaboles : les femelles pondent des œufs (parfois des larves) ; de l’œuf sort une larve segmentée (composée de 12 segments), apode ;

Montrer que dans un ensemble totalement ordonné, tout élément minimal est le minimum (et donc tout élément maximal est le maximum).. Donner un exemple fini d’ensemble

Nous nous sommes placés dans le cadre de la théorie des ordres commutatifs et intègres, définis au-dessus d’un anneau de Dedekind.. Notre principal

ordre de Slater d’un tournoi, les méthodes exactes de résolution sont fondées sur des énumérations plus ou moins exhaustives des ordres totaux possibles (voir