• Aucun résultat trouvé

La naissance d'un régime juridique international de protection du climat

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La naissance d'un régime juridique international de protection du climat"

Copied!
13
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

La naissance d'un régime juridique international de protection du climat

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. La naissance d'un régime juridique international de protection du climat. Questions internationales , 2009, no. 38, p. 52-63

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:15016

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

ossier

Le climat

La naissance

d'un régime juridique international de protection du climat

Le droit et le doute

Laurence Boisson de Chazoumes

*

À Rio en 1992 puis à Kyoto en 1997, la communauté des États a marqué sa volonté de lutter contre le changement climatique, en dépit des nombreuses incertitudes qui existent sur l'ampleur et la portée de ses conséquences. Cette action qui entend appréhender les problèmes dans une perspective universelle et multisectorielle repose, dans sa quête de solutions, sur la recherche d'une équité

entre les États. Les approches régionales restent toutefois trés diverses et le nouvel instrument de régulation qui doit être élaboré pour la période de l'après-2012 fait l'objet de vastes tractations.

« Au cours des âges, l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans tenir c-ompte des effets sur

l'environne~ent. Grâce aux nouvelles perspectives

qu'offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour J'humanité - qü'il s'agisse des générations actuelles ou futures -, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d'instruments au cours des deux dernières décennies» 1. Ce constat de la Cour internationale de justice en 1997 révèle à la fois la prise de conscience récente de la nécessité de protéger l'environnement et le besoin pressant qu'il y a d'agir en ce sens.

Une préoccupation juridique récente

La véritable entrée en scène de J'environ- nement dans l'ordre juridique international ne

Questions Internationales n 0 38 -juillet·août 2009

s'est en effet réalisée qu'à partir des années 1970,

avec l'adoption en 1968 par l'Assemblée générale

des Nations Unies de la résolution 2398 (XXIII).

Cette résolution prévoyait la convocation de la Conférence des Nations Unies sur J'environnement humain (CNUEH), première conférence internationale consacrée à la protection de J'environnement à l'échelon universel, tenue en juin 1972 à Stockholm. Elle marque une étape décisive pour l'action institutionnelle et normative des Nations Unies en ce domaine. La déclaration de Stockholm sur l'environnement humain et les instruments adoptés dans son sillage sont porteurs d'une nouvelle vision. Le rapport de l'homme à l'environnement ainsi que l'idée de la finitude des ressources naturelles figurent parmi les concepts clés.

La déclaralion de Stockholm, bien que pionnière, reste loutefois marquée parunedimension principalement utilitariste et anthropocentrique.

1 Arrêt de la Cour internationale de justice du 25 septembre 1997,

Il Affaire relative nu projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie!

Slovaquie)", par. 140, Cu Recueil, 1997.

,

(3)

---

Le discours normatif qui découle de ladite déclaration vise à ériger J'environnement en « objet» de droit et non en « sujet }) de droit2 . Ce n'est pas l'environnement qui est au centre de la régulation internationale amorcée mais bel et bien l'être humain. L'environnement per se ne bénéficie que d'une protection juridique indirecte ou médiate.

C'est en cela que la conférence de Stockholm de 1972 est une conférence sur l' « environnement humain )).

Prolongeant cette dimension très présente, la déclaration de Stockholm porte les prémices d'une prise en compte de la nécessité de protéger l'environnement per se, son principe 2 précisant que « les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau~ Ja terre, la flore et la faune [ ... ] doivent être préservées dans l'intérêt des géné- rations présentes et ~ venir par une planification ou une gestion attentive

Les îles Sundarbans, qui forment la bordure du detta du Gange-Brahmapoutre entre l'Inde et le Bangladesh, abritent l'une des plus grandes mangroves du monde, Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, elle est mise en péril par l'élévation du niveau des mers et la déforestation. Depuis 1975, malgré la construction de digues, deux des îles Sundarbans ont déjà disparu sous les provoquant le déplacement de 6 000 habitants. Ici, des villageois travaillant pour replanter la mangrove, un projet financé par le gouvemement brftannique.

selon que de besoin ».

Progressivement, l'idée de complexité environnementale s'instaure. Elle renvoie à l'idée selon laquelle le phénomène naturel que constitue J'environnement est composé d'éléments interconnectés et indivisibles. En d'autres termes, l'environnement est un tout qui ne peut être protégé efficacement et effectivement que par le biais d'une approche juridique de type systémique.

Ainsi, l'air, l'eau, les sols, l'annosphère, l'ozone, la faune, la flore - pour ne citer que ceux-là - sont des éléments insecables qui, pris dans leur ensemble, sont à même de garantir une protection véritable de l'environnement. Le discours normatif international en matière de protection de l'environnement envisage cette idée au travers des notions d'écosystèmes ou de protection de l'environnement global. Par ces notions sont visés les phénomènes de détérioration de la couche d'ozone, de l'effet de serre, de l'appauvrissement de la diversité biologique, de la désertification ou encore des polluants chimiques. Ces problèmes doivent être appréhendés dans une perspective universelle et multisectorielle.

La prise en compte des changements

climatiques par le droit'·

Dans ce contexte, à partir des années 1980, des conventions internationales d'un nouveau genre sont négociées. l:enjeu est de gérer dans un cadre juridique unique un problème de protection de l'environnement dans son ensemble, sans le parcelliser, en considérant l'interdépendance des phénomènes naturels et des actiuns hUllli:lincs à l'origine des dégradations. Des actions doivent être menées à de nombreux échelons (universel, régional, national et local), afin qu'elles se complètent et se renforcent. On prend progressivement conscience que les distances géographiques ne sont pas des remparts contre la dégradation de l'environnement. Il convient de gérer les intérêts de la communauté internationale dans son ensemble, en prenant en compte les

2 Sur celle dialectique, voir François Ost, La nature hors la loi.

L·ecologie à l 'cpreuve du droit, la Découvcne, Paris, 2003.

(4)

ossier Le climat

intérêts communs et différenciés de toutes les parties concernées.

Le phénomène des changements clima- tiques - problème d'environnement mondial par excellence - émerge dans l'agenda des préoccupations internationales au cours des années 1980. Le risque d'une augmentation significative de la température du globe au cours du XXle siècle, provoquée par un accroissement des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, a été mis en avant. Renforçant la composante naturelle de l'effet de serre, les émissions d'origine anthropiques sont tenues pour responsables de ce phénomène, du fait notamment de la consommation de combustibles fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon mais également des émissions de méthane. De nombreux problèmes découleraient de cette situation, telles qu'une élévation du niveau des mers, la disparition d'écosystèmes, des inondations ou encore une dégradation des sols, sans parler de toutes les conséquences humaines comme les épidémies, les pénuries alimentaires ou encore les phénomènes migratoires. Les retombées pourront varier selon les pays, sans qu'aucun ne soit épargné. Un grand nombre de pays en développement risque toutefois d'en pâtir de manière plus importante, ne disposant pas touj ours des moyens d'y faire face pour mettre en place des stratégies d'adaptation.

Lun des préalables à l'édification d'un régime universel dans le champ de la protection de l'environnement global a trait au caractère holistique de la régulation mise en place. La régulation juridique des changements climatiques s'inscrit dans ce mouvement épistémologique.

Elle ne se limite pas à un aspect de la protection du' climat mais couvre tous les pans qui s'y rapportent.

Ainsi, l'effort de lutte contre les changements climatiques demande de porter son attention sur les mécanismes régulateurs du « système climatique [ ... ] ensemble englobant l'atmosphère, l'hydrosphère, la biosphère et la géosphère, ainsi que leurs interactions» (article 1 cr, par. 3 de la Convention-cadre sur les changements climatiques de 1992, dite Convention climat).

Un autre préalable majeur à l'édification d'un régime universel tient dans la formulation de droits et obligations propres à refléter juridi- quement l'intérêt collectif qui doit être protégé.

Les instruments internationaux relatifs à la lutte

Questions Internationales n 0 38 - juiflet·août 2009

contre les changements climatiques font de la nécessité d'agir au plan universel la clef de voûte des actions et stratégies juridiques dessinées. Les États, déclarant qu'ils sont conscients que «les changements du climat de la planète et leurs effets néfastes sont un sujet de préoccupation pour l'humanité tout entière» (préambule de la Convention, par. 1) ont tenté au travers de la mise en place d'un régime juridique de transcender les rivalités et intérêts nationaux et régionaux. C'est un droit de nature particulière, construit sur une échelle plurielle de droits et d'obligations aptes à servir de réceptacle à une perspective universelle.

L'universalité ne rime pas avec uniformité du régime pour tous, la différenciation des droits et obligations des différentes parties étant l'un des éléments moteurs de la construction du régime des changements climatiques.

X _En adoptant la Convention-cadre sur les changements climatiques, ouverte à signature lors de la conférence de Rio de juin 1992 et entrée en vigueur en mars 1994, la communauté des États a marqué sa volonté de lutter contre le problème du réchauffement planétaire, même si des incertitudes subsistaient sur l'ampleur et la portée de ses conséquences. La négociation de cet instrument a révélé les divergences d'intérêts des différents groupes d'États, portant essentiellement sur les aspects économiques et financiers liés à une action en ce domaine. Ces divergences ont marqué de leur empreinte le contenu de l'instrument qui fut négocié. (

En décembre 1997, l'adoption du protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a constitué une étape supplémentaire sur la voie de la consolidation du régime du climat avec la fonnulation d'un objectif de réduction du t6tal des émissions des États du Nord (dits « pays de l'annexe 1 ») « d'au moins 5,2 %par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagement allant de 2008 à 2012». L'universalisme se conjuguait avec une équité revendiquée par les pays du Sud, selon laquelle la responsabilité de la satisfaction de cet objectif commun ne devait reposer que sur les pays développés au nom du principe « des responsabilités communes mais différenciées ».

>

Outre des engagements de réduction

d'émissions, les pays industrialisés sont assujettis

(5)

De l'atténuation à l'adaptation:

vers un mlcrO-management terrHorial

À.partir des années 1970, les grandes ONG environne- m~ntaljstes se sont·fait entendre sur la Question du climat et ,ont e~traÎné une,prise de conscience de la communauté internationale. Elles ont clairement situé

le, débatà.l'échelle.de la-planète, défendant la viabilité

des générations futures eUa survie de l'humanité.

Concomitamment ,à .Ia naissance du Groupe d'experts inwrgouvernemental,sur révolution du climat (GrEC) en 1988, le changement climatique est apparu à l'ordre du jour des. grandes ré~nlons Internationales à la fin des années 1980. le sujet quitte le champ scientifique pou r le champ politique. Il est mis au rang des priorités politiques internationaleS à Rio en 1992 avant que le protocole de

~yoto de 1997 ne fasse. de ratténuation un engagement juridique qui impose des limites d'émissions de gaz à effet de serre aux pays industrialisés.

La prise en compte des vulnérabilités"

Une .autre prise de conscienc;e intervient en 2006 avec

.Ia publiéation des·travatx de l'économiste britannique Nièholas

Stem.

'Ce 'dernier ~.vertit que si aucune mesure d'attéiiuation n'est prJ~ pour empêcher une forte hausse des' tèmpérErtures; I~ mesures d'adaptation verront leur

: cOût montér énflèêhé 'et leur El'fticacité relative diminuer;

il préconisé'~onc léfmlsë.e'.' place d'objectifs d'adaPtation rapides'pourfaire de!;""économies à long terme.

Dans ies arlnœs 2060, les anaJYSesdes conséquences du

· changem'ent Cii~atiq'uê ont :par ailleurs progressivement

· souligné les différences de v.ulnérabilités selon les territoires: la montagne'n'est pas exposée aux mêmes risques que le littoral, les menaces urbaines diffèrent de

'~lles cjes carnpagnes;'un pays riche a plus de moyens pour

s'a~apter Qu'un pays'PBvvre:, etc. Le riSQue climatique est çj~ve.nu·pJurieLTant qu'il se.r~uisait à l'aléa, la solution

·était la ·même. ~.!Jr to~s .. Elle nécessite désormais des

modulations. .. ..

· Relayé Pai"leS pouvoirs publics. le choix de l'adaptation concemeaussi directement les entreprises qui cumulent les vulnérabilités territoriales, puisque leurs éta bl issements s'inscriventdansdes'territoires - la localisation de la matière première décide du lieu d'extraction, le bassin de·rnain-d'œuvre.du lieu de production, etc. -, et les vulnérabilités du. marché. Certes, les effets d'annonce de comportements vertueux se sont parfois accompagnés de CÔmportements mol!1~ a:Cceptables comme l'utilisation de paradis fiscaux ou envlfonnementaux dont la législation sur la pollution est très tolérante. Il n'en demeure pas

moins Que les entreprises sont désormais contraintes de respecter davantage ,'environnement.

Le secteur automobile constitue un bon exemple de ces évolutions qui obligent à repenser la dichotomie entre atténuation et adaptation. Inventer un nouveau moteur qui émet moins de gaz à effet de serre permet de pratiquer l'atténuation. Mais si le moteur est utilisé par une pompe pour assécher un marais, il contribue aussi à une action d'adaptation. Progressivement, les complémentarités entre actions d'adaptation et d'atténuation émergent donc, tout comme la prise de conscience que I"adaptation nécessite des ressources financières importantes.

La nécessité de territoriallser le risque climatique

Le dispositif de mise en adéquation des territoires avec le changement climatique recouvre plusieurs réalités distinctes: d'une part. une acclimatation graduelle et progressive à la hausse des températures et aux modifications des précipitations; d'autre part, le développement d'une capacité à supporter des phénomènes extrêmes d'amplitude nouvelle, jamais enregistrés et donc difficiles à prévoir; enfin. l'objectif final n'étant pas connu dans son intégralité, puisqu'il se modifie en permanence, le terme d" 'adaptation ~

n'apparaît pertinent qu'au pluriel.

Les adaptations doivent prévoir des mesures actives à prendre avant que les impacts ne salent constatés (mesures antlclpatoires), en réponse à l'évolution attendue.

Des aménagements comme la construction de digues ou l'enrochement devraient par exemple se multiplier dans l'avenir pour éviter le recul du trait de côte soumis à l'élévation attendue du niveau de la mer. Des mesures réactionnelles prises lors ou après les crises (mesures correctives) sont également à prévoir, notamment après l'analyse des dégats et des dommages consécutifs à un événement exceptionnel. Les mesures anticipées coûtant souvent moins cher que les actions réactives, la planification apparaît donc nécessaire d'autant Que les savoir-faire existent et que les techniques ont évolué: la pelleteuse et le bulldozer ont remplacé la pelle et le panier pou r creuser les canaux etconstruire les digues, la pompe électrique s'est substituée au moulin à vent pour évacuer l'eau.

Le changement climatique ne devrait pas avoir que des conséquences négatives - température estivale canicu lai re, pluies di luviennes et génératrices d' inondations

Questlon~ Interniltlonales ~ 55

(6)

ùossier

Le climat

dévastatrices, stress hydrique pouvant conduire à des conflits, réfugiés climatiques, etc. Les revendications de souveraineté des États riverains de l'Arctique ont montré les avantages économiques potentiels attendus du réchauffement dans. les grands Nord .. : ouverture de nouvelles routes commerciales, exploitation des ressources naturelles.,. D'autres avantages rarement évoqués pourraient aussi se faire ressentir dans d'autres pays: le radoucissement des hivers pourrait conduire à une diminution des besoins en chauffage, de nouveaux espaces actuellement hostiles pourraient devenir attractifs else développer. Dans l'agriculture notamment, l'introduction de cultures nouvelles pourrait être rendue possible grâce à l'allongement de la durée de la saison de croissance. S'acclimater signifie donc aussi penser les bénéfices Issus du changement et tenter de les maximiser.

l'analyse activité par activité, enjeu par enjeu, ne permet pas d'appréhender la complexité des territoires. Il convient de penser plusieurs secteurs simultanément et donc de prendre en compte des acteurs très variés et des échelles différentes, Les adaptations au changement climatique s'inscrivent dans le contexte plus large du développement durable. Une mesure pour le climat ne peut accroître une autre forme de vulnérabilité ou participer à la • déqualification. d'un territoire. De surcroît,les adaptations ne peuvent être que temporaires et réversibles du fait des progrès de la science et des évolutions humaines et du contexte naturel.

Vers une gouvernance décentralisée dans les territoires

Dans tous les pays, l'efficacité des actions passe par la mobilisation de nombreux acteurs. AJJ niveau internatkmal, des cuttures très différentes s'opposent aussi entre des pays au fonctionnement centralisé, comme la France, et ceux dont le fonctionnement est plus décentralisé. comme les Pays·Bas.

En France, le plan climat de 2004 mis à jour en 2006 et la Charte de l'environnement ont reconnu l'importance du rOle des collectivités locales dans l'adaptation au changement climatique. Bien qu'éparse et peu contraignante, la législation attribue une place majeure aux plans climat terrItoriaux qui prévoient que les collectivités locales dressent un bilan carbone, un diagnostic des vulnérabilités aux changements à venir et un plan d'action pour la collectivité - bâtiments, urbanisme, transports, développement économique, éducation etsensibilisation.

Alors que les élus ont désormais à leur disposition des instruments pour comptabiliser et limiter les émissions de gaz à effet de serre, aucune stratégie opérationnelle d'adaptation n'est en revanche obligatoire.

Questions

Internatlona~

n 8 38 -juillet-août 2009

Pour leur part, les Pays-Bas, particulièrement vulnérables à une élévation du niveau de la mer et aux inondations de la Meuse et du Rhin en raison des caractéri~tiques de leur territoire - Amsterdam est à 2 mètres §ous le niveau de la mer -, ont fait très tôt des choix en faveur

de l'adaptation, Leur plan climat national a été décliné à

toutes les échelles. Après une analyse fine des aléas;des enjeux et des risques réalisée quartier par quartier· puis parcelle par parcelle, des actions concrètes d'adaptation ont été décidées: rehaussement de certaines digues, renforcement des écluses, multiplication des stations de pompage, création de brise-lames insulaires. surélévation de bâtiments patrimoniaux, évacuation de maisons et même de quartiers, etc. Le calendrier des travaux et les financements ont été mis au point en concertation avec tous les acteurs impliqués: résidents, entreprises, associations et autorités locales, aménageurs, agriculteurs, commerçants, etc. Les débats ont-même été retransmis en direct à la télévision. Ces initiatives permettent d'innover, de repenser les solidarités en vivant

.. avec· et non .. contre .. le changement de climat et ~

conséquences escomptées. L'approche et les réactions sont donc très différentes, sans doute influencées pqtJ! leS Néerlandais par la proximité plus palpable du danger.

Il est vrai que la culture du risque existe depuis cinq ou six siècles dans certains pays OÙ le maintien d'un niveau de vie élevé sur un territoire exigu a supposé un effort impo~nt et concerté. Dans d'autres pays, ces savoirs etsayoi,r~faire n'existent que régionalement pour certains risques bien' localisés: avalanches en montagne, inondations de fof)d· de vallée à crue, envasement de fond de baie sur d~ côt,~s à marée, etc. Dans toutes les mesures d'adaptatiol).au changement climatique, le passage par la terrjtorialisa~~:in apparaît donc obligatoire

Moins ambitieuse que l'atténuation

*

, l'adaptation au changement climatique se veut pragmatique. Ene implique chacun dans son propre territoire. Si elle se construit à

partir de la conciliation de multiples égocentrismes; elle permet à tous les acteurs de participer consciemme'nt à

des macro-actions de réduction du risque futur. Comrne, les territoires sont par nature inégaux face aux risques,les mesures à envisager et à mettre en œuvre doivent en ta.ut cas comporter des exigences de solidarité, technologiques et financières, vers les pays pauvres ou les régions les plus exposées.

Martine Yabeaud *

fi' Professeur de gêogr"aphie et de climatologie à l'université Panthéon- Sorbonne (Paris 1) et chercneUf à l'UMR Espaces, nature et cutture du CNRS.

(7)

à l'obligation de fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles aux pays du Sud, ainsi qu'à celle d'encourager, de faciliter et de financer le transfert de technologies à destination des pays en développement. Dans ce contexte, le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) - mis conjointement en place par la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) - a été reconnu comme le mécanisme financier chargé de fournir des ressources financières sous fonne de dons et de prêts concessionnels3.

D'autres mécanismes financiers ont ensuite été créés (Fonds d'adaptation, Fonds pour les pays les moins développés, Fonds spécial pour les changements climatiques). Tous sont marqués par la revendication d'équité dans le bénéfice des subsides à destination des pays du Sud ainsi que dans les systèmes de gouvernance mis en place.

Des engagements communs à tous les États visent notamment la constitution d'inventaires d'émission de gaz à effet de serre et la mise en place progressive de politiques sectorielles tendant à la réduction de ces émissions en recourant à des méthodes comparables. En outre, les États doivent encourager la mise au point et la diffusion de technologies qui permettent de maîtriser les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, notamment dans les secteurs de l'énergie, des transports, de l'industrie, de l'agriculture, des forets et de la gestion des déchets. Ces infonnations doivent être communiquées en vue de l'évaluation indispensable de la mise en œuvre du protocole de Kyoto, ainsi que de l'adoption éventuelle de nouvelles mesures nécessaires pour satisfaire à l'objectif ultime de la Convention climat.

Le régime qui doit être élaboré pour la période de l'après-20l2 - 2012 étant l'échéance fixée par le protocole de Kyoto- est l'objet de vastes tractations. Il s'agit de prendre en compte les évaluations du Groupe d'experts inter- gouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), et notamment celles de son quatrième rapport. Le GIEC en appelle à des efforts incommensurables au regard des actions présentes puisqu'il prône une véritable {{ décarbonisation » de l'atmosphère avec l'objectif de réduction de 50 % des émissions d'ici 2050. Vun des principaux responsables des

émissions de gaz à effet de serre mais absent du cercle conventionnel du protocole de Kyoto, à savoir les États-Unis, devra être partie prenante au nouveau régime et la négociation est conduite à cette fin.

En outre, les pays du Nord veulent défaire l'apparente solidarité du groupe des pays du Sud et impliquer les puissances économiques émergentes - notamment la Chine, l'Inde et le Brésil- en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Véquité cette fois-ci revendiquée par les pays du Nord s'appuie sur les taux d'émission actuels et projetés des puissances économiques émergentes, à la lumière des conditions de concurrence économique au plan mondial. À côté de revendications en faveur d'une différenciation entre les pays du Sud dans la mise en œuvre des droits et obligations ayant trait à la lutte contre les changements climatiques, d'autres stratégies sont mises en place. C'est le cas notamment des stratégies économiques dites « de marché»

qui doivent elles aussi concourir à l'objectif d'universalité du régime.

Différenciation

et actions régionales

L'action universelle et la recherche d'équité au sein de la communauté des États ne doit pas occulter la diversité des approches, dont les actions régionales peuvent être des vecteurs.

Caction européenne montre la voie possible vers une régionalisation de l'action dans le domaine des changements climatiques. Les discussions à l'échelon de l'Union européenne ont permis que se forge un consensus conduisant l'organisation à s'engager sur la voie d'une réduction de 20 % des émissions d'ici 2020, voire de 30 % si, dans le cadre de la négociation de l'instrument post- Kyoto, les autres États développés s'engageaient aussi en ce sens et si les puissances économiques émergentes montraient leur détermination à agir dans cette direction.

3 Voir L. Boisson de Chazournes,« La gestion de J'intérêt commun à ['épreuve des enjeux économiques. Le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques }}, Annuaire français de droit international, 1997,pp. 700-715.

QuestIOns mternatlonales - ' " _ 57

(8)

JuSSler Le climat

Les actions envisagées au sein de l'Union européenne imbriquent étroitement celles des autorités publiques et celles du secteur privé.

Cette perspective régionale a pour vocation de s'enchâsser dans l'élaboration du régime universel à venir, tant dans l'élargissement possible du système d'échanges de crédits d'émission ou de permis d'émission mis en place que dans le système de contrôle du respect des engagements qui sera créé. D'autres stratégies régionales pourraient expérimenter des angles d'approche encore difTérents- par exemple, la réduction de l'intensité énergétique par secteur proposée par l'organisation intergouvernementale Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC). Les caractéristiques régionales de ces stratégies pourraient refléter plus spécifiquement les données climatiques, économiques ou sociales d'une région'. Le protocole de Kyoto avait d'ailleurs fait place à la possibilite d'actions à caractère régional au travers d'actions conjointes en matière de réduction des émissions. Ces actions conjointes font en outre place à des différenciations entre les États qui en sont parties prenantes. La " bulle européenne» constituée sur la base de l'article 4 du protocole de Kyoto est illustrative d'une telle approcheS. Les États membres de l'Union européenne ont décidé d'être liés conjointement à l'objectif de réduction de 8 % des émissions par rapport au niveau de 1990 au cours de la période allant de 2008 il 2012. En même temps, chacun de ces États s'est vu attribuer un objectif particulier en fonc.tion de son « profil énergétique» et de ses besoins économiques.

Précaution et prévention comme forces motrices d'action

Le régime de la luite contre les changements climatiques s'est en grande partie bâti sur la notion de risques de dommages significatifs, sinon irréversibles, liés à ces problèmes. Les risques continuent d'ailleurs de constituer en quelque

s~rte des forces motrices d'action. Il s'agit de risques entourés d'incertitude scientifique.

L'objectivation de ces risques repose sur un processus de consultation et de coopération scientifiques axé autour de l'objectif de parvenir

Questions Int...uon.lesn· 38 -juillet..août 2009

à un consensus mondial scientifique sur la nature des risques liés aux changements climatiques. La mise sur pied progressive d'un tel consensus, au travers notamment des travaux du GIEC, confere une certaine prévisibilité au régime juridique international de protection du climat. Mais l'édification de ce consensus est avant tout un gage et un facteur d'universalité afin de s'assurer que tous,

a

un niveau ou à un autre, se perçoivent comme parties prenantes à l'édification du régime.

Le souci de coopération scientifique au plan universel témoigne de changements de paradigme dans le droit international. Celui-ci devient poreux et perméable à la « science des changements climatiques )), science confrontée à certains niveaux - et non des moindres - à l'incertitude.

Aussi le doute entre-t-il dnns le droit. li l'imprègne et favorise le rôle du principe de précaution en tant que pierre angulaire du régime6. La Convention climat demande aux États de « prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes. Quand il y a risque de penurbations graves ou irréversibles, J'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l'adoption de telles mesures [ ... ] ».

Par le biais de la précaution, le régime juridique des changements climatiques impose aux États d'orienter leurs décisions dans le sens d'une prise en compte des risques liés aux activités humaines. Le principe de précaution tire sa raison d'être de l'incertitude scientifique. Il se différencie de ce fait du principe de prévention qui s'appuie sur la science, la prévision et l'expertise pour orienter les décideurs publics. La certitude a pu gagner du terrain sur l'incertitude et de œ fait la précaution laisse, peu à peu, place à la prévention.

4 Voir Philippe Le Prestre, « Géopolitique régionale du climat et coopération internationale )), in Marta Torre Schaub (dir.) Droil elc1imat, coll. « Cahiers droit, sciences et technologies )), tome 2, CNRS Éditions, Paris, 2009.

S Voir Michael80the et Eckard Rehbinder, Climate Change Policy, Eleven International Publishing, Utrecht, 2005.

(. L. Boisson de Chazoumes, (( Precaution in Internati9nal Law:

ReneclÎolI on ils ComposÎte- Nature» in Tafsir Malick Ndiaye Ct Rüdiger Wolfnun (dir.), Law o/the Seo. Em'ÎronmentaJ lAw and Seltlemenlo/ Disputes. Libe, AmÎcol1Jm Judge Thomas A .• \-Iensoh, Martinus Nijhoff, Leyde. 2007, pp. 21-34.

(9)

...

~

l.? évolution dans la connaissance scientifique des risques liés aux changements climatiques a toutefois été facilitée par la création de passerelles entres les diverses communautés scientifiques au niveau national, régional et international. Ces passerelles ont permis le façonnement progressif d'un discours scientifique « commun}) devant servir de substrat au discours normatif. Les rapports du GIECsont significatifs de l'évolution des connaissances dans le domaine couvert.

L'instrument normatif négocié pour la période allant au-delà de 2012, pour succéder au protocole de Kyoto sur les changements climatiques, fera sans nul doute une plus large place à la prévention, tout en reposant sur le principe de précaution car nombre de phénomènes liés aux changements climatiques ne sont encore que partiellement connus.

Économie et droit

Cempreinte de la globalisation économique dans le régime de lutte contre les changements climatiques est saillante, notamment dans l'appréciation des efforts à mener ainsi que dans les stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une très large place est réservée aux stratégies économiques forgées au gré de l'antienne des avantages comparatifs, au moyen d'échanges de crédits d'émission au travers de projets d'investissement, ou par la création de marchés de droits d'émission de gaz à effet de serre.

Ces mécanismes, nourris de la logique de l'économie de marché, peuvent constituer des incitations importantes pour les États et pour le secteur privé. Ils sont conçus autour d'une double finalité: d'une part, la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de « stabiliser [ ... ] les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (Art. 2 de la Convention climat) ; d'autre part, l'apport de revenus qui peuvent être réinvestis dans la recherche de technologies propres ou utilisés pour parer aux effets des changements climatiques qui menacent les plus démunis. La technicité de ces mécanismes et la logique lucrative pourraient toutefois tendre à

prendre le dessus, les détachant de leur prisme d'explication qu'est celui de la défense d'un intérêt collectif tenant à la protection du climat.

La raison d'être de leur mise en place, notamment dans la promotion d'un développement durable pour tous les pays, ne doit pas être oubliée. Le rôle que la société civile peut assumer afin de vérifier que cette double finalité ne soit pas sacrifiée sur l'autel de compromis faciles devient, par ce biais, primordial et -est reconnu comme tel dans les stratégies internationales qui se dessinent.

L'assistance financière et technique

et la nécessité

d'un {( plan Marshall

»

climatique

C assistance financière et technique 7 dans le domaine des changements climatiques a pour objet de fournir une assistance en matière d'atténuation (ou mitigation) et d'adaptation. Si l'atténuation est l'objectif recherché par une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre, cette action n'est pas suffisante pour pallier les conséquences des changements climatiques. 1es mesures d'adaptation sont donc nécessaires, mêrt\e si elles ne s'attaquent pas à la cause du problème qu'est l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. eaide financière en matière d'atténuation vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre, par exemple, de projets concernant l'utilisation d'énergies renouvelables et le transport. L'assistance financière en matière d'adaptation procure des moyens financiers aux États pour renforcer leur résilience face aux impacts négatifs des changements climatiques 8 Il peut s'agir par exemple de projets relatifs à l'utilisation de semences mieux adaptées à des nouvelles conditions climatiques ou de la construction de projets hydro-électriques. C adaptation aux

7 Sur l'assistance financière et technique, voir L Boisson de Chazournes,« Technical and Financial Assistance )~, The Oxford Handbook oflntemational Environmental Lan: Oxford University Press, Oxford, 2007, pp. 947-973.

8 Voir Michel Damian, 11 Il faut réévaluer la place de l'adaptation dans la politique climatique », Natures, sciences, sociétés, vol. 15, nO 4, octobre-décembre 2007, pp. 407-410.

Questions mterniltlollilles , " , ' 59

(10)

"",ssier Le climat

Vietnam, Égypte, Népal, Kenya ...

quelques exemples d'adaptation

Dans son rapport sur le développement humain publié en 2007 intitulé La lutte contre le changement climatfque:

un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) souligne que les pays en développement les plus vulnérables aux aléas climatiques sont ceux dans lesquels l'adaptation aux changements climatiques est la plus difficile. Alors que dans les pays développés l'adaptation est

assurée grâce aux investissements publics, elle reste dans les pays les plus pauvres largement tributaire des efforts individuels d'autonomie et d'initiative. Dénoncée comme une dérive potentielle vers une situation d'~ apartheid mondial ~, selon J'archevêque sud-africain Desmond Tutu, l'inégalité mondiale en termes d'adaptation appelle la mise en place de financements innovants mais aussi d'une gouvernance à plusieurs niveaux afin de renforcer les capacités d'absorption des financements par les pays les moins avancés.

Des vulnérabilités locales aux Initiatives régionales

L'accroissement des risques liés aux changements climatiques tels que les tempêtes, les sécheresses ou les pénuries d'eau contraint les populations les plus démunies à s'organiser au niveau local. Dans le delta du Mékong, au Vietnam, les collectivités agricoles lèvent une taxe pour financer la protection côtière et réhabiliter les mangroves en guise de barrières contre les tempêtes. Au Népal, les communautés des zones inondables mettent en place des systèmes d'alerte précoce tels que les miradors et fournissent la main-d'œuvre et le matériel nécessaires à la construction de digues pour prévenir le débordement des lacs glaciaires. Au Kenya, le mouvement Green Belt fondé par Wangari Maathai (prix Nobel de la paix 2004) et mené par des femmes a permis la plantation de dix millions d'arbres depuis 1977.

Au niveau national, les politiques d'adaptation sont _particulièrement mises à mal dans les pays aux moyens de gouvernance limités. En Égypte, où l'augmentation du niveau de la mer de 50 cm entraînerait des pertes économiques estimées à plus de 35 milliards de dollars et le déplacement de 2 millions de personnes, la magnitude des risques climatiques impliquerait des réformes politiques en profondeur. Si l'étude cartographique du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) intitulée .: Le delta du Nil menacé par la mer ~ avait joué un rôle considérable dans l'adoption de la Convention-cadre des

Questions Intemat50nales n° 38 -juiliet-aoGt 2009

Nations Unies sur les changements climatiques - dite Convention climat - en 1992, les dommages annoncés étaient trop importants pour être sérieusement pris en compte en Égypte. Depuis, le gouvernement étudie la mise en place d'un programme d'action de 220 millions de dollars pour la construction d'un barrage le long de la côte.

Au niveau régional, l'adaptation aux changements climatiques implique une multiplicité d'acteurs. Des institutions politiques et économiques, des autorités régulatrices de bassins, des institutions scientifiques et des structures sous-régionales de paysans sont concernées.

Ainsi le Programme régional d'investissement agricole en Afrique de l'Ouest, lancé par la Communauté économique des Ëtats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et le Comité permanent inter-Ëtats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CllSS) vise à faire face aux mutations de la carte agricole africaine. Depuis son assèchement constaté dans les années 1970, le lac Tchad, devenu un grenier ceréalier et le refuge des populations chassées par les sécheresses sahéliennes, est géré par la Commission pour le bassin du lac Tchad. Créée en 1964, cette agence intergouvernementale ne dispose toutefois pas d'un soutien politique suffisant pour jouer un rôle politico-économique de poids dans le développement de la region.

Face à l'élévation du niveau de la mer, des groupements tels que les Petits États insulaires en développement (PEID) se sont fonnés. Ses populations vulnerables sont considérées comme des indicateurs du changement de l'environnement mondial. En 2005, avec les peuples autochtones de l'Arctique, les PEID ont constitué l'a11iance Many Strong Voices destinée à fournir aux décideurs des outils de connaissance pour sauvegarder les systèmes sociaux, économiques et naturels. Directement concernés par les changements climatiques du fait de leur mode de vie proche de la nature, les peuples autochtones pourraient jouet un grand rôle en renforçant leurcapacité à S'adapter. Mals leurs savoirs traditionnels n'ont été que tardivement impliqués dans la conception des programmes d'adaptation.

L'adaptation dans l'aide au développement : des financements Innovants

L'insuffisance de la part de l'aide publique au dévelop- pement liée aux questions climatiques appelle de nouveaux modes de • gouvernance du climat -. L'Afrique subsaharienne ne représente que 1,4 % des projets de

(11)

mécanismes de développement propre (MDP) alors qu'elle représente selon la Banque mondiale .. un JX)tentie1 énorme ~ de développement des énergies propres.

la quatorzième conférence des États parties à la Convention climat. qui s'est tenue en décembre 2008 à Poznan, a permis de rendre opérationnelle fonds pour l'adaptation dans les pays les moins avancés créé dans le cadre de la Convention. La transparence dans la sélection des projets de développement propre y a été améliorée, mais ce fonds ne devrait recueillir que 80 millions de dollars. Les pays en développement, notamment le Brésil et l'Inde, dénoncent l'insuffisance de l'aide face à l'ampleur des conséquences du dérèglement climatique que sont les sécheresses, les inondations, les épidémies et la montée du niveau des mers.

changements climatiques concerne prioritairement les pays les moins avances. Elle est, tout comme l'arténuation. indissociable du processus de développemenl.

La gestion de l'assistance financière dans le domaine des changements climatiques entretient de ec fait d'etroits liens avec l'aide au développement. La déclaration finale adoptée par le G8 au sommet de Hokkaido en 2008 met en exergue l'engagement des principales économies du monde, à la fois développées et en développement, à combattre le changement climatique en accord avec leurs responsabilités communes mais différenciées. Ces engagements s'inscrivent dans le cadre général de l'assistance multilatérale au développement.

Depuis le début des années 1990, de nombreux mécanismes financiers ont eté créés.

Le Fonds pour l'environnement mondial a été le premier mécanisme financier global destiné' à octroyer des moyens financiers pour couvrir les surcoûts de mesures visant à protéger l'environnement global et notamment la lutte contre le réchauffement planétaire. D'autres mécanismes ont été créés par la suite. Il en est ainsi du mécanisme de développement propre mis en place par le protocole de Kyoto en 1997', du Fonds d'adaptation, du Fonds pour les pays les moins avancés et du Fonds spécial pour les changements climatiques, ces trois derniers mécanismes financiers ayant été créés en vertu de décisions prises par la Conférence des

En 2008, la Banque mondiale a lanpour les pays en voie de développement les Fonds d'investissement climatiques, composés d'un Fonds pour les technologies propres et d'un Fonds stratégique pour le climat. Il leur a été reproché de saper le fonds d'adaptation créé dans le cadre de la Convention climat.

Enfin, lors des négociations climatiques de Bonn du 1er au 12 juin 2009, l'importance de la formation à l'utilisation des technologies propres a été soulignée, afin de garantir la capacité d'absorption des financements climatiques dans les pays les moins ava ncés avant l'entrée en vIgueur des« règles post-Kyoto • en 2012.

Anna Rochacka-Cherner

Parties à Marrakech en 2001. En outre, d'autres mécanismes financiers ont été mis en place au sein de la Banque mondiale, par exemple le Fonds prototype carbone crée en 1999. En juillet 2008, le conseil d'administration de la Banque mondiale a approuvé la creation de deux nouveaux fonds d'investissement, le Fonds pour les technologies propres et le Fonds stratégique pour le climat.

Moyen de coopération entre les pays développés et les pays en développement, les mécanismes financiers soulignent les responsabilités particulières des pays développés et les besoins des pays en développement. Ce partage des responsabilités a pour but la promotion d'un intérêt collectif, à savoir celui de la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre« à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique n.

Ce niveau doit être atteint« dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable » (art. 2 de la Convention climat).

Depuis l'adoption de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques

9 Voir Charloue Streck et Jolene Lin, « Making Market Worle:

A Review of CDM Performance and the Need for Reform J).

European Jmmwl of InlernO/;(J/ml LoW!. vol. 19, n° 3, 2008.

pp. 409-442.

Questions internationales 61

(12)

u~Sier Le climat

en 1992 et du protocole de Kyoto en 1997, le régime juridique des changements climatiques a considérablement évolué d'un point de vue matériel. procédural et institutionnel. Alors que désonnais la très grande majorité des scientifiques reconnaît l'impact des activités humaines sur le réchauffement du climat, le débat porte maintenant sur les contours du régime à mettre en place pour la période post-20 12. À Bali, en décembre 2007, les États ont une fois de plus insisté sur le fait que les ressources financières et les investissements sont des piliers importants dans toutes les stratégies à venir.

Dans ce contexte, l'assistance financière pour l'adaptation aux changements climatiques est désormais considérée comme cruciale 10. La contribution en termes d'émission de gaz à effet de serre de beaucoup de pays en développement a été, et continue d'être, marginale, mais ces États sont très vulnérables aux impacts des changements climatiques. De nombreux mécanismes financiers ont été mis en place pour assister les pays en développement. II devient cependant urgent d'augmenter le montant total de j'ai'de financière.

Le priIlcipe des -re.sponsabiIÜés communes mâis différenciées continue de jouer un rôle dans la détermination des moyens juridiques et financiers nécessaires pour luner contre les changements climatiques, une « préoccupation pour l'humanité tout entière», pays développés et pays en développement.

Quel rôle Pour le droit ?

Dans le contexte du façonnement d'une approche universaliste en matière de lutte contre les changements climatiques, le droit a sa part à jouer, mais il doit la réaliser de pair avec d'autres disciplines scientifiques. On comprend de ce fait la diversité des rôles joués par le droit. Ses contours prescriptifs peuvent être soulignés, mais ils sont de peu d'utilitédans la phased' élaboration d'un régime.

D'autres fonctions doivent alors être soulignées, telles la formulation d'un langage commun et la définition d'instrument de légitimation.

I.:élaboration du régime de lutte-contre les changements climatiques est en effet très recenteo Le droit n'a fait immixtion en ce domaÎne que

Questions lntetNttonetes n· 38 -juillet-août 2009

depuis une quinzaine d'années. Il a néanmoins déjà contribué à préciser et asseoir la tenninologie à utiliser en ce domaine, aidant à forger un langage juridique et politique universel, commun aux différents acteurs - du Sud et du Nord, publics et privés. C'est un langage en évolution qui accompagne les connaissances qui se font jour, de même que les agréments qui se dessinent. Le droit ne cache pas pour autant les tensions qui sont présentes et qui obligent à des arbitrages et des compromis.

y Le recours à la stratégie de la ConventiOll- cadre est révélateur de ces situations. Offrant un cadre juridique pour un compromis initial, le contenu d'un tel accord est suffisamment souple pour permettre à toutes les parties en présence d'y adhérer, même si leurs attentes varient. Cette technique presente une autre vertu, celle de fournir les assises d'un régime qui se consolide progressivement, au gré de l'adoption ultérieure d'instruments de nature juridique diverse, qu'il s'agisse de protocoles additionnels, d'amendements ou encore de décisions des États parties à la convention. La Convention climat et le protocole de Kyoto remplissent tous deux celte fonction. Le protocole de Kyoto s'apparente en effet à un deuxième accord-cadreo Sa négociation a pennis la consolidation des assises du régime mis en place en 1992 par la Convention climat, tout en appelant à la poursuite de nouveaux engagements.

Adoptéen 1997, son contenu a été précisé au travers des négociations âpres et tendues à la suite de son adoption. Au protocole de Kyoto doit donc être joint un ensemble de 39 décisions adoptées par les États parties à la Convention, connues aussi sous la dénomination des « accords de Marrakech» du nor:n du lieu de réunion de la septième conférence des États parties à la Convention climat en 2001. Le protocole, entré en vigueur le 16 février 2005, ne peut donc être compris et interprété qu'à la lumière de ces nombreuses déc.isions adoptées subséquemment à son adoption et qui permettent son applicationo La mise en œuvre de chacune de

10 le rapport Stern sur l'économie du changement climatique (Slern Rel'iel'o on the Economies ojClimole Change) publié en octobre 2006 souligne que 1,3 milliard de doUars sont nécessaires pour les besoins ({ urgents et immédiats ) des pays les moins a .... aul:és en matière d'adaptation (voir \.\'ww.hm-treasury.gO\'.uk/

slem_revÎe"\4o_rcpor1.hlm).

(13)

ces décisions a eUe-même été l'objet de tractations et de négociations.

Développer une stratégie dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques a conduit à bâtir un nouveau régime juridique puisque le droit existant à l'époque n'était pas doté des moyens d'action nécessaires. Au-delà de l'élaboration d'une tenninologie, des principes d'action et des comportements devaient être formulés et des institutions mises en place. Le droit a permis leur fonnalisation et leur substantivation.

Le régime de luite contre les changements climatiques a pour pièces maîtresses la Convention climat et le protocole, et pour ramifications les décisions des parties contractantes et les nombreux instruments adoptés au plan national et régional pour mettre en œuvre le régi me. En d'autres mots, la Convention climat et.le protocole de Kyoto sont des instruments de légitimation d'un régime juridique en constante évolution.

L'instrument juridique qui entérinera les comportements à adopter à partir de 20 12 relèvera de cette même catégorie d'instruments, quoiqu'il puisse être plus précis dans la formulation des

comportements. Les stratégies et comportements identifiés pourront aussi évoluer. A lors que le protocole de Kyoro prescrivait des engagements quantifiés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut se demander si telle sera la stratégie retenue dans l'instrument qui prendra sa suite. Il semble que la flexibilité soit considérée comme un meilleur appât pour s'assurer de )'implicmion de tous les ÉTats - notamment les États-Unis qui devront s'engager SUT la voie de la réduction. Le protocole de Kyoto accorde une place prédominante aux stratégies économiques de portée internationale pour satisfaire aux réductions quantifiées d'émissions. On peut se demander si les arbitrages à venir, tout en prenant appui sur la logique de marché international du carbone, ne tèrent pas plus de place aux. « forces de l'intérieur» à J'échelon régional, national et local, pour trouver des solutions innovantes et de substitution à un recours trop pesant à l'énergie fossile. Ces actions devront bien sûr s'inscrire dans un cadre de coopération internationale fondé sur des approches d'équité et de partage de responsabilités entre les pays du Nord et ceux du Sud .•

Questions Internationales' '- , , j 63

1

Références

Documents relatifs

D’après cet auteur, dans l’hypothèse où le conseil d’administration de la société visée recommande aux actionnaires d’accepter l’offre qui leur est présentée (art. 132

Les cours d'eaux internationaux: éléments d'un régime juridique 41 On utilise traditionnellement trois méthodes de répartition utilisant les eaux de surface (fleuves et lacs)

Au regard de l'interdiction des juridictions ecclésiastiques, le caractère religieux de la communauté ne pourrait être reconnu que si ses croyances sont religieuses en

Notre corps a besoin d’énergie en permanence pour fonctionner : quand nous marchons, quand nous jouons, quand nous travaillons et même quand nous dormons!. Par quoi cette

Ainsi, force est de constater qu’en 1949, et a fortiori en 1944, le statut juridique de la reconnaissance des Etats (comme celle des gouvernements et des

Dans un livre consacré à l'émergence des sciences de l'éducation en Suisse, ce chapitre s'intéresse aux principaux acteurs de l'universitarisation de cette discipline académique. Sur

iv. le plan sert d’instrument de travail pour les autorités 192. Deux éléments peuvent être mis en évidence : le plan sert de base de décision ; il s’adresse aux autorités,