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Chronique commentée de quelques faits internationaux

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Chronique commentée de quelques faits internationaux

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Chronique commentée de quelques faits internationaux. Swiss Review of International and European Law , 2005, vol. 4, p. 591-610

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:25035

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Chronique commentée de quelques faits internationaux

Première partie par Robert Kolb*

Sommaire

I. Introduction II. La chronique des faits

A. Les sources du droit international

1. Conclusion d'un traité lésant les droits d'un tiers :litige russo-japonais sur des pêcheries

2. Conflit entre traités et de hiérarchie normative : Statut de la Cour pénale inter- nationale et Traités bilatéraux conclus par les Etats-Unis d'Amérique 3. Réactions à la violation d'un traité (inadimplendi non est adimplendum):

Traité US/Corée du Nord sur l'abandon des programmes atomiques

4. Interdiction de ventes d'armes comme relevant de l'ordre public international:

arrêt du Tribunal fédéral du 28 mars 2001 B. Les compétences des Etats

1. Les compétences personnelles

a. Une naturalisation abusive? I:affaire de la naturalisation du gendre du président Fujimori au Japon

b. I:octroi d'une nationalité« fonctionnelle» à des fins de transit: le différend entre la Russie et la Géorgie

2. Les compétences extraterritoriales

a. La législation hongroise sur le soutien financier de ses ressortissants dans les pays voisins : le différend entre la Hongrie et la Roumanie

1. Introduction

Il est proposé de relater et de commenter de manière brève quelques faits inter- nationaux tirés de la lecture d'un journal quotidien. Parfois ces faits sont connus et importants ; d'autres fois, en revanche, ils ne sont pas bien connus par les internationalistes. Pour ne pas excéder les limites utiles d'un article de re- vue, la concentration sera portée sur les contributions publiées dans le quotidien suisse de grand reno~ qu'est la Neue Zürcher Zeitung. La période considérée

*

Professeur de droit international aux Universités de Neuchâtel, de Berne et de Genève (Centre universitaire de droit international humanitaire).

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s'étendra de 1' année 2000 jusqu'à la fin de 1' année 2003. Les faits internatio- naux à analyser sont classés dans les catégories suivantes :

A. Les sources du droit international B. Les compétences des Etats

C. La non-intervention dans les affaires intérieures et l'interdiction du recours à la force

D. Les immunités diplomatiques et consulaires

E. Le droit pénal international et le droit des conflits armés F. La responsabilité internationale

Ces catégories ont été établies a posteriori d'après les faits à commenter. Elles n'ont rien de préétabli ou de général. Quant à la présentation, chaque chef sera biparti : le récit du fait sera suivi d'une partie dévolue aux commentaires. Ces derniers seront concis. Afin de gagner sur l'espace imparti, l'appareil scienti- fique sera laissé de côté. Le lecteur intéressé pourra trouver des approfondisse- ments dans les ouvrages du droit international et dans les bibliographies cou- rantes. Ici, seuls des renvois essentiels seront effectués. Après ces quelques remarques préliminaires, il sied de plonger immédiatement in media res.

Il. la chronique des faits

A. les sources du droit international

1. Conclusion d'un traité lésant les droits d'un tiers : litige russe-japonais sur des pêcheries 1

a) Faits. En décembre 2002, la Russie et la Corée du Sud ont conclu un accord international relatif aux pêcheries. Par cet accord, la Russie concédait aux ba- teaux de la Corée du Sud le droit de pêcher dans certaines de ses eaux territo- riales et zones économiques exclusives. Parmi les zones couvertes par cette ha- bilitation figurent aussi les îles annexées par Staline après la guerre et situées au nord-est de l'île japonaise de Hokk:aido. Selon le Japon, ces îles lui appar- tiennent de droit et la Russie ne saurait dès lors conclure un traité avec des tiers à leur égard. Plus généralement, un Etat ne saurait conclure unilatéralement de tels accord sur des îles dont la possession est contestée. Selon la Russie, les pro- testations japonaises sont infondées du fait que ces îles relèvent de la souverai- neté de la Russie ; à titre apparemment subsidiaire, elle fait valoir que l'accord

Voir NZZ du 3 août 2001, no. 177, p. 5.

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en cause est de nature purement commerciale et ne dépend pas de l'apparte- nance définitive des îles en litige.

b) Commentaires. Cette espèce soulève une série de questions juridiques importantes et difficiles. Il s'agit d'un cas où la conclusion d'un traité lèse, po- tentiellement ou actuellement, les droits qu'un Etat tiers peut avoir. En règle gé- nérale, des traités conclus ne sauraient affecter la position de l'Etat tiers ; ils sont res inter alios acta. La protection qu'offre le droit en ne reconnaissant pas qu'un tel acte puisse grever le tiers (effet relatif des traités) suffit à garantir sa position juridique : pacta tertiis nec nocent nec prosunt, dit 1' adage. Cette « neu- tralisation » des effets d'un traité envers le tiers intervient de manière satisfai- sante dans la grande majorité de cas où des compétences étatiques sont en cause. Par exemple, si deux Etats décident de traiter inter partes une partie de la haute mer comme zone de contrôle réciproque de leurs navires par des unités de police de chacun d'entre eux, cette redistribution des compétences n'affecte pas la position d'Etats tiers, qui continueront à y jouir de l'immunité. A supposer, en allant un pas plus loin, que deux Etats tentent d'imposer ce régime à un Etat tiers, celui-ci serait juridiquement fondé à refuser de s'y soumettre en invoquant le principe de la relativité des traités.

Cette protection purement normative ne suffit cependant pas dans certains cas où l'exercice d'une compétence implique directement, ipso facto, l'empié- tement d'un droit tiers. l?interférence n'est pas ici séparée du traité, en cela qu'elle porte sur un acte à accomplir dans l'avenir; c'est la conclusion même du traité ou l'ensemble de sa mise en œuvre qui empiètent déjà sur les droits du tiers. Il est plusieurs exemples de ce type. l?exercice de la compétence de la Cour internationale en fournit un ; la possession territoriale est sedes materiae de la grande majorité des cas tombant sous ce chef. Pour ce qui est de la com- pétence de la Cour, on rappellera le principe dit de l'Or monétaire. La Cour s'abstiendra d'exercer la compétence qui lui a été régulièrement conférée par les parties à l'instance si l'exercice de cette compétence l'amènerait nécessaire- ment à devoir trancher préalablement la position juridique d'un Etat tiers, non partie à l'instance, et qui refuse de donner son accord.2 Exemple: pour décider si certains droits peuvent être invoqués entre les Etats A et B, il serait nécessaire de trancher d'abord la question de savoir si l'Etat C, qui refuse de participer à l'instance, a ou n'a pas commis un acte internationalement illicite envers les Etats J.A,.. et B, car les droits de ceux-ci, qui sont en cause, en découlent. Si la Cour exerçait une telle compétence, elle déterminerait la position juridique de l'Etat tiers, qui n'y a pas consenti ; or, la règle applicable est que nulle compé-

Cour internationale de Justice (CIJ), affaire de l'Or monétaire pris à Rome en 1943, CIJ, Recueil, 1954, p. 30-33.

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tence ne peut être exercée à l'égard d'un Etat qui n'a pas donné son consente- ment. Trancher équivaut dès lors à empiéter ; il faut, dans de telles circonstan- ces, s'abstenir de trancher.

Une série de cas intéressant notre question se posent en matière de territoire (et plus largement dans le domaine des droits de type réel). Parfois, c'est à nou- veau dans la procédure judiciaire que des problèmes délicats se manifestent : c'est le cas, par exemple, quand des Etats parties à l'instance prétendent faire sanctionner leur frontière jusqu'à un « tripoint », mettant en jeu la frontière d'un Etat tiers. Même si l'arrêt n'a que la force relative de la chose jugée (inter partes), il est évident que la Cour exercera un degré plus ou moins prononcé de judicial restraint afin précisément de ne pas empiéter de fait, sinon de droit, sur la position du tiers.3 D'autres cas se posent dans la pratique étatique. Ainsi, un cas similaire au nôtre est celui du Timor oriental, dont la Cour eut à connaître en 1995.4 La question qui s'y posait était celle de savoir si l'Australie avait le droit de conclure avec l'Indonésie un accord relatif à la délimitation des terri- toires sous-marins (plateau continental) australien et timorais aux fins de l'ex- ploitation des richesses d'hydrocarbures. Le droit de conclure un tel traité avait été contesté par le Portugal, ancienne puissance administrant le Timor au nom des Nations Unies, du fait que l'Indonésie ne possédait pas un titre sur le terri- toire du Timor. En effet, ce territoire a été annexé suite à l'invasion militaire in- donésienne de 197 5. Dans les pièces écrites des parties, les questions liées à cette constellation des faits et la pratique y afférente ont fait l'objet d'analyses poussées. La Cour a finalement déclaré ne pas pouvoir exercer sa compétence ; elle a appliqué le principe de l'Or monétaire déjà exposé. Les problèmes essen- tiels qui se posent sur le fond sont les suivants. En cas d'annexion par utilisation de la force interdite, le droit prévoit l'interdiction pour les tiers de reconnaître la possession de l'Etat annexant (obligation de non-reconnaissance). Il en est ainsi parce qu'ii y a, dans ce cas, une situation de contrariété avec l'ordre public international (ius cogens). Cela inclut l'obligation de ne conclure avec l'Etat annexant aucun accord consacrant le statut illégal de possession. Sont exclus de cela les accords humanitaires et de gestion courante, qui ne peuvent s'orienter qu'au principe d'effectivité.5

Qu'en est-il en l'espèce, dans le différend russo-japonais ? Il s'agit de sa- voir si les accords de pêche sont des actes d'administration courante, que seul le possesseur effectif peut conclure, et que le droit lui permet de conclure sans

Voir HuGH THIRLWAY, The Law and Procedure of the International Court of Justice, Bri- tish Yearbook oflnternational Law 1995, vol. 66, p. 19ss.

CIJ, Recueil, 1995, p. 90ss.

Affaire de la Namibie, CIJ, Recueil, 1971, p. 16ss.

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égard à l'illégalité de la possession. Il ne paraît pas impossible de l'affirmer.

Mais, dans ce cas, il faudrait voir dans l'accord une clause tacite (si elle n'y fi- gure pas déjà explicitement) qui réserve la situation définitive des îles. Par conséquent, si dans l'avenir le statut des îles est déterminé comme relevant du Japon, des questions difficiles de restitution peuvent apparaître. En cas de né- gociations, un accord global pourrait être trouvé. Si un tribunal devait trancher le point, il pourrait estimer : (i) soit que les accords étaient à 1' époque de leur conclusion couverts par le principe d'effectivité et que, réguliers de ce point de vue, aucune restitution n'est due ; (ii) ou bien, au contraire, que l'annexion constituait un acte illicite déjà d'après le droit en vigueur dès la fin des années 1940 et qu'aucun avantage, y compris conventionnel, ne peut être acquis par l'URSS et ensuite la Russie du fait de cette illégalité grave (avec la consé- quence de la restitution des bénéfices illicites) ;6 (iii) ou encore qu'une restitu- tion intégrale des avantages acquis est due du fait de l'illicéité de la conclusion de l'accord parce qu'il s'agit d'un acte dépassant la gestion nécessaire; (iv) ou enfin que la question souffrait à l'époque de la conclusion de l'accord d'incer- titudes juridiques manifestes, si bien que sa conclusion n'était pas un acte contraire à la diligence due et à la bonne foi, ce qui ouvre la possibilité d'une restitution seulement partielle des avantages. Comme l'on voit, il y a une pléiade de points intéressants et protéiformes soulevés par cette espèce. Une analyse plus serrée dépasserait le cadre du présent article et supposerait une connaissance approfondie du dossier.

2. Conflit entre traités et de hiérarchie normative : Statut de la Cour pénale internationale et Traités bilatéraux conclus par les Etats-Unis d'Amérique7

a) Faits. Les Etats-Unis d'Amérique ont tenté par plusieurs moyens de faire échec au danger de voir leurs ressortissants, et notamment leurs militaires, re-

Avec ou sans compensation pour les dépenses ou désavantages concédés par l'Accord à la Corée du Sud ?

Parmi les nombreux articles, cf. NZZ du 29 août 2002, no. 199, p. 2; NZZ du l" octo- bre 2002, no. 227, p. 2; NZZ du 27 juin 2003, no. 146, p. 3 ; NZZ du 14/15 juin2003, no. 135, p. 7 ; NZZ du 1er juillet 2003, no. 149, p. 3 ; NZZ du 2 juillet 2003, no. 150, p. 2; NZZ du 8 septembre 2003, no. 207, p. 5. En doctrine, voir Salvatore ZAPPALA, The Reaction of the United States to the Entry into Force of the !CC Statute: Comments on UN Security Council Resolution 1422 and Article 98 Agreements, Journal of Interna- tional Criminal Justice, vol. 1, 2003, p. 114ss. S. WIRTH, « Immunities, Related Pro- blems, and article 98 of the Rome Statute », Criminal Law Forum, vol. 12, 2001, p. 429ss; M. BENZING, «US Bilateral Non-Surrender Agreements and Article 98 of the

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mis par un Etat tiers à la Cour pénale internationale, dont le Statut a été ratifié à Rome en 1998 et qui est entré en vigueur en 2002. I.:un de ces moyens a été d'exiger çle toute une série d'Etats la conclusion d'accords bilatéraux dans les- quels ces Etats s'engageaient à ne pas livrer à la CPI des ressortissants des Etats-Unis. Divers traités bilatéraux de ce type ont été conclus, parfois après des pressions massives, par exemple des menaces de suspendre toute aide militaire ou financière. Les Etats de l'Union européenne ont protesté contre cette poli- tique des Etats-Unis et en particulier contre la conclusion de tels traités bilaté- raux. Selon eux, ces accords visent à mettre en échec le fonctionnement régu- lier de la CPI en laquelle ils reconnaissent un instrument de grande importance pour le progrès du droit et de la paix dans les relations internationales. Pour ju- stifier ces accords particuliers, les Etats-Unis se sont notamment fondés sur l'article 98, § 2, du Statut de Rome, qui a la teneur suivante :«La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels le consentement de l'État d'envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne relevant de cet État, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l'État d'en- voi pour qu'il consente à la remise. » I.:objet de cette disposition était de pré- server les traités d'extradition préexistants, qui pouvaient s'avérer être en conflit avec le Statut de Rome. Elle n'exclut cependant pas la conclusion d'ac- cords futurs, d'extradition ou autres, qui influent sur l'exécution du Statut.

b) Commentaires. Il ne peut être question à cette place de prendre en consi- dération toutes les questions juridiques que soulèvent ces traités bilatéraux. En particulier, il ne sera pas question ici des aspects de droit pénal international.

Quelques réflexions de droit des traités s'avèrent cependant intéressantes. Les Etats-Unis avaient signé le Statut (c'était au dernier jour de sa présidence que M. Clinto11 avait apposé la signature des Etats-Unis sous le texte); mais ne l'ont pas ratifié. Au contraire, le nouveau gouvernement américain de M. Bush s'est empressé de retirer la signature. Cet acte, sans précédent international, a fait parler d'une« dé-signature» du traité. Il n'est pas dit que cet acte, inconnu jus- qu'ici du droit international, n'ait pas emporté de conséquences juridiques. En particulier, il a pu avoir pour effet de libérer les Etats-Unis de l'obligation contenue dans l'article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités8 (et

Statute of the International Criminal Court :An Exercise in the Law ofTreaties », Max PlanckYearbook of United Nations Law, vol. 8, 2004, p. 18lss.

Voici le texte de cette disposition : «Un Etat doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but : a) lorsqu'il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation, tant qu'il n'a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; ou b) lorsqu'il a

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entre-temps aussi dans le droit international coutumier). Cette obligation consiste en un devoir de ne rien faire, entre la signature du traité, sa ratification et son entrée en vigueur, qui puisse frustrer l'objet et le but de ce traité. Il est, à cause précisément de cette dé-signature, improbable que l'on puisse voir dans la politique de conclusion des traités bilatéraux, dont la pointe est bien dirigée contre le Statut de Rome, un acte contraire à 1' article 18 de la part des Etats- Unis d'Amérique. Ceci est vrai, répétons-le, non pas ratione materiae mais ra- tione personae, au regard du fait que les Etats-Unis ont« retiré» leur signature.

La situation est différente pour les Etats qui ont signé, puis ratifié le Statut ; et tout cela est vrai à plus forte raison depuis que le Statut est entré en vigueur, car dès ce moment il n'est plus protégé seulement par les obligations minimales de l'article 18, mais par le principe beaucoup plus exigeant de pacta sunt servanda.

La question qui se pose ici est celle de la collocation de la conclusion de ces ac- cords, en cela qu'ils visent à mettre en échec le Statut de Rome. Ils portent at- teinte à son esprit. Comme la Cour l'a affirmé dans l'affaire Nicaragua (1986),9 l'esprit général d'un traité, son objet et son but, peuvent faire l'objet d'une vio- lation à part, indépendante de dispositions précises ; l'objet et le but sont dès lors eux-mêmes couverts, jusqu'à un certain point, par le principe pacta sunt servanda.

Traditionnellement, le droit international traitait la conclusion de traités successifs dans le temps que comme une question de collision de normes, de conflit entre traités. Ces conflits peuvent être réglés par des règles explicites, si de telles normes sont contenues dans un instrument. C'est le cas de la Charte des Nations Unies qui, dans son article 103, organise sa priorité sur toute autre obligation issue d'autres traités internationaux. Si un traité ne contient pas une telle disposition (c'est le cas du Statut de Rome), alors les règles générales sont applicables. Elles reposent assez largement sur le relativisme conventionnel : aucune convention n'est privilégiée à raison de son contenu; les règles s'inspi- rent plutôt des principes formels de la lex specialis et de la lex posterior. Dans le cas qui nous intéresse, le principe de la lex specialis amène à la conclusion que les traités bilatéraux s'appliquent prioritairement inter partes, ce qui a pour conséquence que ces traités feront échec aux mécanismes du Statut selon les prévisions de l'article 98 § 2. On sait cependant qu'un tel mécanisme, entière- ment formel, n'est pas toujours satisfaisant. La doctrine évoque le cas de traités de droits de l'homme : si on leur appliquait les règles générales de la Conven-

exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l'entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée. » Sur son ap- plication, voir RoBERT Kow, La bonne foi en droit international public, Paris 2000, p. 182ss.

CIJ, Recueil, 1986, p. 136ss, § 271ss.

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tion de Vienne, cela signifierait par exemple que la conclusion des deux Pactes internationaux sur les droits de l'homme pourrait venir baisser les standards de la Convention européenne des droits de l'homme, puisque l'article 30 § 3 de la Convention de Vienne nous instruit qu'en cas d'identité des parties, le premier traité dans le temps (la Convention européenne) n'est applicable désormais que dans la mesure où ses dispositions ne sont pas incompatibles avec celles du se- cond, la lex posterior (les Pactes de 1966). Certains auteurs ont conclu que, dans le cas de conventions posant de véritables statuts internationaux, non bila- téralisables et en quelque sorte impératifs par l'intérêt collectif ou l'ordre public dont ils sont porteurs(« world order treaties »),des règles orientées davantage à la substance devraient prévaloir. 10 Un problème similaire se pose ici. Les traités bilatéraux conclus avec les Etats-Unis visent à mettre en échec un Statut qui est d'ordre public international (d'aucuns diraient de ius cogens). Il est donc possi- ble d'argumenter que ces accords bilatéraux ne sauraient prévaloir et ce en vertu d'un principe de hiérarchie des normes reposant sur leur substance, sur leur importance dans le système international. Alternativement on pourrait ar- guer que les Etats parties à un tel statut international ne possèdent plus le droit anciennement reconnu de conclure des conventions contraires à leurs obliga- tions contractées en vertu du Statut CPI.11 Il y aurait donc une limitation maté- rielle du ius tractatus l'intérêt collectif à l'uniformité du Statut prévaut alors sur l'intérêt d'admettre des régimes particularistes, ce dont témoigne aussi l'inter- diction d'émettre des réserves (article 120 du Statut). En un mot, si la conclu- sion de ces accords sous l'instigation des Etats-Unis n'est pas manifestement contra legem, l'effort d'entraîner des Etats parties dans un affaiblissement sub- stantiel du régime d'un Statut censé, par l'écrasante majorité de la communauté internationale, être l'expression d'un intérêt d'ordre public, n'est pas exempt de reproches quant à sa légalité. Il serait possible en la matière de contribuer, par des catégqries nouvelles, à une évolution considérable du droit des traités, no- tamment dans un bastion de règles encore assez anciennes, reposant sur la lo- gique dite du Lotus, 12 comme celles relatives à la collision de traités successifs.

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Voir KARL ZEMANEK, The Legal Foundations of the International System, Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye 1997, vol. 266, p. 225ss.

Le fait que la Cünventiûn ïecûnnaisse, dans l'article 98 § 2) une certaine mesure de<< dé- rogeabilité » à ses termes n'est pas décisif pour soutenir que d'autres accords du même type doivent aussi être admissibles dans l'avenir. La réserve des accords d'extradition préexistants stipule une exception à propos d'une catégorie d'actes précis et connus ; il n'est pas dit que cela doive être interprété comme permettant d'ajouter à la dérogation toute une série d'autres actes non envisagés par le Statut, et dont la portée est autrement plus grave.

Selon l'esprit de l'arrêt de la Cour permanente de Justice internationale de 1927 portant ce nom: Recueil, sér. A, no. 9.

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De surcroît, les pressions considérables, surtout économiques, exercées par les Etats-Unis pour induire à la conclusion de ces accords pourraient s'analyser à la lumière du principe de non-intervention, tel qu'il a été dégagé et appliqué par la Cour internationale de Justice dans l'affaire Nicaragua (1986).13

3. Réactions à la violation d'un traité (inadimplendi non est adimplendum) : Traité US/Corée du Nord sur l'abandon des programmes atomiques14

a) Faits. Par un accord conclu entre les Etats-Unis d'Amérique et la Corée du Nord en 1994, la Corée du Nord s'était engagée à abandonner son programme nucléaire et les Etats-Unis d'Amérique avaient en contre-partie concédé à la Corée du Nord de l'aide économique, ainsi que le financement pour la con- struction de deux réacteurs destinés à la fabrication d'énergie à des fins civiles.

Suite à la crise entre les deux Etats après les attentats du 11 septembre 2001 , la Corée du Nord avait fait connaître sa position selon laquelle elle n'était pas liée par ce traité, nul et non avenu, et qu'elle avait entre-temps, contrairement aux termes de la convention, continué à développer son programme nucléaire. En octobre 2002, les Etats-Unis d'Amérique firent savoir qu'ils se considéraient déliés des obligations de cet accord.

b) Commentaires. Cette affaire ne soulève pas de délicats problèmes juri- diques; mais elle se présente comme un cas d'application exemplaire de l'arti- cle 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1960), qui codifie le principe coutumier inadimplendi non est adimplendum: celui qui n'exécute pas un traité ne peut pas demander son exécution à l'autre (aux autres) partie(s).

L'article 60 se lit comme suit :

<d. Une violation substantielle d'un traité bilatéral par l'une des parties autorise l'autre partie à invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son ap- plication en totalité ou en partie.

2. Une violation substantielle d'un traité multilatéral par l'une des parties autorise : a) les autres parties, agissant par accord unanime, à suspendre l'application du traité en totalité ou en partie ou à mettre fin à celui-ci : i) soit dans les relations entre elles-mêmes et l'Etat auteur de la violation, ii) soit entre toutes les parties; b) une partie spécialement atteinte par la violation à invoquer celle-ci comme motif de suspension de l'application du traité en totalité ou en partie dans les relations entre elle-même et 1 'Etat auteur de la violation ; c) toute partie autre que 1 'Etat auteur de la violation à invoquer la violation comme motif pour suspendre l'application du traité en totalité ou en partie en ce qui la concerne si ce traité est d'une nature telle qu'une violation substantielle de ses disposi- tions par une partie modifie radicalement la situation de chacune des parties quant à l'exécution ultérieure de ses obligations en vertu du traité.

13 CIJ, Recueil, 1986, p. 1 06ss, § 202ss.

14 NZZ du 21 octobre 2002, no. 244, p. 3.

SZIER/RSDIE 4/2005 599 Kolb

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3. Aux fins du présent article, une violation substantielle d'un traité est constituée par:

a) un rejet du traité non autorisé par la présente Convention ; ou b) la violation d'une disposition essentielle pour la réalisation de 1' objet ou du but du traité.

4. Les paragraphes qui précèdent ne portent atteinte à aucune disposition du traité appli- cable en cas de violation.

5. Les paragraphes 1 à 3 ne s'appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire, notamment aux dispositions excluant toute forme de représailles à l'égare! des personnes protégées par lesdits traités. »

On notera que cette disposition n'ouvre la possibilité de suspendre ou de termi- ner un traité qu'après des violations dépassant un certain seuil, celles que la Convention appelle « violations substantielles » (« material breaches »). En- dessous de cc seuil, les violations n'emportent que les conséquences du droit de la responsabilité internationale au sens large : (i) d'un côté, le droit d'adopter des contre-mesures ;15 (ii) de l'autre côté, le devoir de réparation selon les prin- cipes généraux que la jurisprudence a développés à cet effet. Si, en revanche, une violation est substantielle, des conséquences de droit des traités peuvent être rajoutées à celles qui viennent d'être exposées: à savoir la suspension ou la terminaison du traité, selon les modalités prévues par la disposition citée. La violation substantielle est définie aux fins de la Convention au § 3 de l'article 60, comme découlant soit (1) d'une répudiation injustifiée de l'accord en cause, soit (2) de la violation d'une disposition essentielle pour la réalisation de l'ob- jet ou du but du traité. A ces deux chefs mentionnés, il semblerait que l'on puisse ajouter par analogie, tant par rapport à l'un qu'à l'autre, la situation où un Etat viole de manière continuelle des dispositions de moindre importance du texte, manifestant par là une attitude de défiance et de mépris pour l'accord.

En l'espèce, la Corée du Nord avait donné l'exemple d'une attitude consi- stant à la.fois en une répudiation illicite de l'accord et en la violation de ses dispositiohs les plus essentielles. Dès lors, les Etats-Unis pouvaient suspendre ou terminer l'accord bilatéral, à leur choix, selon les prévisions du paragraphe 1 de l'article 60, qui reflète le droit coutumier.

15 Leur contenu pourrait-il être précisément de suspendre ou de terminer le traité, en droit international général ? Il semble que non, car autrement on contournerait le seuil imposé par 1' article 60.

Kolh 600 SZIEI 1 D , 4/

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4. Interdiction de ventes d'armes comme relevant de l'ordre public international : arrêt du Tribunal fédéral du 28 mars 2001i6

a) Faits. Par un jugement du 28 mars 2001, le Tribunal fédéral helvétique a jugé qu'un contrat de vente d'armes ne pouvait pas être exécuté au vu du fait que cette vente d'armes contrevenait au principe des bonnes mœurs. Selon le Tribu- nal, il en était ainsi parce que cette vente avait été opérée en contournant l'em- bargo sur les armes décrété pour l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Une telle vente est dès lors contraire à 1' ordre public universel, car l'embargo du Conseil lie l'ensemble des Etats. Selon le Tribunal, l'argument de la nécessité de se procurer des armes afin de pouvoir exercer la légitime défense, que la Croatie, Etat concerné, avait fait valoir, ne modifie pas la position juridique

Y

b) Commentaires. On remarquera la force que prennent, dans les considé- rants du Tribunal fédéral, des considérations liées à l'ordre public international, c'est-à-dire à l'idée d'une hiérarchie des normes internationales selon l'impor- tance de leur contenu pour la communauté internationale dans son ensemble.

16

17

Arrêt non publié du TF 4C.l72/2000 du 28 mars 2001 (Beverly Overseas SA c. Pri- vredna Banka Zagreb). Cf. NZZ du 26/27 mai 2001, no. 120, p. 16.

Le Tribunal s'exprime comme suit (c. 5.f): «Bei dem in der UN-Charta fest verankerten Grundsatz des Gewaltverzichts, der in den meisten national en Rechtsordnungen und ins- besondere auch in der schweizerischen Kriegsmaterialpolitik seinen Niederschlag ge- funden hat, handelt es sich um einen ethisch hôchststehenden Wert, der allen Kulturstaa- ten gemeinsam ist. Waffen- oder Kriegsmateriallieferungen in Gebiete, in denen ein bewaffneter Konflikt herrscht oder auszubrechen droht, verstossen daher grundsatzlich gegen die universelle ôffentliche Ordnung. Liegt diesem Grundsatz zudem- wie im vor- liegenden Fall - ein vom Sicherheitsrat der Vereinten Nationen erlassenes weltweites Waffenembargo zu Grunde, so verstarkt und konkretisiert dies das Verbot. Im Rahmen der internationalen ôffentlichen Ordnung besteht für die schweizerischen Gerichte man- gels Inlandbezugs kein Grune!, sich dem Gehalt dieses weltweit umfassenden Waffenem- bargos in autonomer Weise durch konkretisierende Rechtsanwendung zu entziehen. Das muss umso mehr gelten, wenn die schweizerische ôffentliche Ordnung wie im konkreten Fall der internationalen entspricht. Dadas UN-Waffenembargo fUr das gesamte Gebiet des ehemaligen Jugoslawien keine Ausnahme oder Differenzierung im Einzelfall vor- sieht, ist umso weniger ersicht!ich, warum dann einze!staat!iche Gerichte ohne jeg!ichen Inlandsbezug der Streitsache eine autonome Differenzierung dieses Waffenembargos vornehmen und somit die hier strittige Waffenlieferung an die Republik Kroatien vom Verbot ausnehmen sollten. Der von der KHigerin im konkreten Fall geforderten Berück- sichtigung der Verteidigungssituation Kroatiens gegen Serbien ais Angreifer sowie der Zulassigkeit der Notwehrhilfe aufgrund von Vôlkergewohnheitsrecht ist daher ange- sichts der universellen und ausnahmslosen Geltung des durch das Waffenembargo kon- kretisierten Verbots von Kriegsmateriallieferungen in Krisengebiete der Boden entzo- gen.»

SZIER/RSDIE 4/2005 601 Kolb

---~----~---

(13)

Cet ordre public, et la propension de penser dans les termes hiérarchiques qu'il propose, ne fait que croître ces dernières années. Il est ici appliqué même à l'encontre d'un intérêt censé être vital pour les Etats: la légitime défense. Il est possible de s'interroger dans quelle mesure la légitime défense n'est pas elle- même un droit inaliénable. Non pas qu'elle ne puisse pas être restreinte, ou qu'il ne soit pas possible de la subordonner à l'action collective, comme celle du Conseil de sécurité (ainsi que le prévoit l'article 51). Mais la question qui se pose est celle de savoir si l'action collective et l'intérêt de la communauté telle que perçus par le Conseil pourraient aller jusqu'à exiger le sacrifice d'un Etat, à qui on dénierait les moyens de se défendre (et en définitive, le cas échéant, de survivre). Il faut rappeler que l'argument selon lequel la légitime défense était mise en danger par les mesures d'embargo frappant l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie sans distinction avait déjà été avancé par la Bosnie dans la re- quête qu'elle avait portée contre la Yougoslavie en 1993.18 La Bosnie avait fait valoir que les dépôts d'armes se trouvaient tous sur le territoire de la Serbie et que c'est l'armée fédérale yougoslave, dominée par les Serbes, qui les détenait.

Dès lors, argumenta-t-elle, imposer un embargo sur les armes sans discrimina- tion à 1 'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie revient à favoriser unilatéra- lement la Serbie et à ravir à la Bosnie tout moyen de se défendre contre l'agres- sion serbe. I:instance ayant ensuite été retirée, la Cour n'eut pas à se prononcer à son égard.

Sans prendre ici position sur le bien-fondé des arguments présentés par la Croatie, 19 le problème posé est des plus graves. Certes, la majorité des Etats est censée représenter l'intérêt collectif; mais la minorité possède également des droits, faute de quoi elle pourrait être menacée dans sa subsistance même. Ce sont là des principes élémentaires de démocratie et de l'Etat de droit. Invoquer un certain ordre public pour écarter ces autres principes d'ordre public que sont ceux visant la protection de la minorité et de l'individu (mutatis mutandis ap- plicables aux Etats), c'est faire un choix très délicat et poser crûment un pro- blème souvent inaperçu : quel ordre public choisir ? quels sont les critères en cas de collision d'ordres publics internationaux.? y a-t-il certaines limites à ne pas dépasser? faut-il réinventer certains droits inaliénables des Etats, qui ont eu si mauvaise presse depuis les abus avec les « droits fondamentaux des Etats »

18 Affaire relative à l'application de la Convention pour la prévention et la répression du génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie [Serbie et Monténégro}), CIJ, Recueil, 1993, p. 327-328. Cf. aussi THOMAS FRANCK, Fairness in the International Legal and In- stitutional System, Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye 1993, vol.240,p.283-4.

19 Il ne paraît pas établi, ni probable d'ailleurs, que son droit de légitime défense ait été mis en danger, ne fût-ce déjà que par des contournements fréquents de l'embargo.

Kolb 602 SZIER/RSDIE 4/2005

(14)

tels que présentés au XIXème siècle ? Nombre de questions de ce type, de grande gravité, sont soulevées par les cas mentionnés. La doctrine juridique n'a pas en- core formulé à leur égard des réponses adéquates, tant s'en faut !

B. les compétences de l'Etat

1. les compétences personnelles

a. Une naturalisation abusive ? L'affaire de la naturalisation du gendre du président Fujimori au Japon20

a) Faits. Les circonstances de la fuite de l'ancien président du Pérou, M. Fuji- mari, sont connues. I.:ancien Président, ainsi que nombre de membres de sa fa- mille, cherchèrent refuge au Japon, terre de leurs aïeuls. C'est dans ce contexte que le gendre du président, M. Aritomi, recherché par le Japon pour divers dé- lits de malversation de sommes, considérables d'ailleurs, se vit octroyer dans une procédure accélérée la nationalité japonaise. Le Pérou protesta contre cette naturalisation« de complaisance», qui selon lui visait à rendre impossible l'ex- tradition de M. Aritomi, le Japon faisant partie de ces Etats qui n'extradent pas leurs ressortissants à des Etats étrangers.

b) Commentaires. Cette espèce pose un problème classique de droit interna- tional. Le droit international laisse la réglementation de l'octroi et de la perte de la nationalité au droit interne ; il se borne à rattacher des conséquences, sur le plan international, à la nationalité, une fois qu'elle est conférée par l'ordre juri- dique interne. Mais le renvoi au droit interne n'est pas illimité. Le droit interna- tional impose quelques bornes à la discrétion des Etats afin d'éviter l'anarchie la plus grave. En effet, s'il n'y avait pas de limites, rien n'empêcherait un Etat de déclarer que tous les êtres humains sur terre sont ses ressortissants ! Il en va de même en matière de dénationalisation abusive. Dans la mesure, cependant, où une nationalité est octroyée en conformité avec les principes du droit inter- national, l'Etat tiers doit la reconnaître: on dit alors que cette nationalité lui est opposable, par exemple au titre de la protection diplomatique. Au contraire, si l'octroi de nationalité a lieu en contravention des limites imposées par le droit international, cette nationalité ne sera pas opposable aux tiers, sauf reconnais- sance de leur part, explicite ou implicite.

Un cas illustratif est celui de l'affaire Nottebohm (1955),21 tranché par la Cour internationale de Justice. La Cour estima que la procédure de naturalisa-

20 NZZ du 20 juillet 2001, no. 166, p. 3.

21 CIJ, Recueil, 1955, p. 4ss.

SZIER/RSDIE 4/2005 603 Kolb

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tion accélérée d'un sujet allemand au Liechtenstein n'était pas opposable au Guatemala du fait que Nottebohm n'avait aucun lien de rattachement effectif avec l'Etat de naturalisation. 8idée sous-jacente était sans doute qu'il s'agissait d'une naturalisation de complaisance, obtenue par une prestation en argent, afin que Nottebohm puisse se défaire de sa nationalité allemande. Celle-ci l'ex- posait à des mesures de saisie de ses biens en tant que ressortissant d'une puis- sance ennemie en guerre avec le Guatemala (lieu où il s'était établi). La Cour a . établi le critère suivant pour décider de l'opposabilité d'une naturalisation :

« [L]a nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattache- ment, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est, peut-on dire, 1' expression juridique du fait que l'individu auquel elle est conférée[ ... ] est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l'Etat qui la lui confère qu'à celle de tout autre Etat. »22

Qu'en est-il du cas qui nous intéresse ici? Il est difficile de juger la législa- tion japonaise sans connaissance approfondie du dossier. Il faut tenir compte du fait que la famille Fujimori descendait de ressortissants japonais et que nombre d'Etats connaissent une législation permettant à des étrangers descendants de propres nationaux d'acquérir la nationalité de cet Etat de manière simplifiée, voire accélérée. 8arrêt Nottebohm ne doit pas être lu comme interdisant une telle pratique. Cependant, un autre problème se pose. Si la nationalité conférée à M. Aritomi ne l'a été qu'en vue de lui permettre d'échapper à la justice péru- vienne (en rendant impossible une extradition, qui aurait autrement été pos- sible), alors un abus de droit a été commis. 8interdiction de l'abus de droit est un principe applicable en droit internationai.23 8affaire Aritomi s'approche de 1' affaire Vitianu ( 1948) : dans cette affaire, il apparaît qu'un individu ait été nommé à un poste pourvu de privilèges diplomatiques avec le seul but de le soustraire ~des procédures pénales. Dans un avis de droit, l'éminent internatio- naliste qu'était Sir Hersch Lauterpacht concluait que les privilèges ainsi accor- dés ne doivent pas être reconnus par l'Etat territorial, étant donné qu'il y avait abus de droit.24 En somme, c'est sur le principe de l'abus de droit que le Pérou pourrait se fonder pour faire valoir que la nationalité japonaise octroyée à M.

Aritomi ne lui est pas opposable en vue de sa demande d'extradition.

22 Ibid., p. 23.

23 Cf. RoBERT KoLB, La bonnefoi en droit international public, Paris 2000, p. 399ss.

24 HERSCH LAUTERPACHT, International Law- Collected Papers, vol. III, Cambridge 1977, p. 451-3. Voir aussi SouHEIL RusTOM, Les conditions d'admission aux privilèges et im- munités diplomatiques, Genève, 1957, p. 94ss. Voir également l'affaire Shababo (1953), International Law Reports, vol. 20, p. 391.

Kolb 604 SZIER/RSDIE 4/2005

(16)

b. L'octroi d'une nationalité " fonctionnelle » à des fins de transit : le différend entre la Russie et la Géorgie25

a) Faits. Dès l'année 2002, la Russie permit aux ressortissants abkhases (dans la partie du territoire de Géorgie ayant de facto fait sécession) de prolonger la validité de leurs passeports soviétiques par une simple formalité accomplie de- vant ses autorités. Cet acte leur conférait, semble-t-il, la nationalité russe. Selon la Russie, il s'agit d'un geste purement h11manitaire et administratif, qui per- mettait aux Abkhases d'entreprendre des voyages vers la Russie malgré leurs passeports anciens, autrement périmés. Selon la Géorgie en revanche, il s'agit d'un acte de soutien aux séparatistes, d'une intervention dans les affaires inté- rieures, et plus particulièrement d'un premier pas qui permettrait ultérieure- ment aux troupes russes d'intervenir militairement en Abkhasie en faveur de

« ressortissants russes » en danger.

b) Commentaires. La question qui se pose est celle de savoir quel est exac- tement le statut de nationalité acquis. S'agit-il d'une «nationalité »purement fonctionnelle, ne donnant droit qu'à des facilités de transit et de voyage? Si tel est le cas, nous avons affaire à une espèce de visa permanent qui concerne l'en- trée sur le territoire russe et non pas le statut des ressortissants abkhases en gé- néral, en particulier sur le territoire géorgien. L'interférence avec la Géorgie et son territoire serait ici presque nulle et la mesure serait donc licite. (Même dans ce cas on peut certes se poser la question de savoir pourquoi cette facilité n'est octroyée qu'à certains ressortissants géorgiens et non pas à tous; mais c'est là une autre question, qui pourrait intéresser le principe de non-intervention). Si en revanche- comme cela semble être le cas-- il s'agit bien d'une nationalité à part entière accordée à ces ressortissants, il semblerait qu'il y ait là une interfé- rence excessive avec les affaires intérieures géorgiennes : un groupe entier de personnes, sans égard à leurs liens individuels, se voient conférer une nationa- lité contrairement aux volontés du souverain qui en revendique l'appartenance.

Une telle nationalité ne pourrait dès lors pas donner lieu à une opposabilité inter partes, si bien que par exemple la Russie ne pourrait pas l'invoquer pour lancer des opérations de secours militaires sur le territoire géorgien (à supposer que le droit international général permette de telles opérations). La question générale est ici de savoir quelles fonctions recouvre exactement une telle nationalité fonctionnelle. Quid du transit ? quid de la protection diplomatique ? quid de la taxation ? quid du service militaire ? etc.

25 NZZ du 15 janvier 2003, no. 11, p. 7.

SZIER/RSDIE 4/2005 605 Ko1b

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2. Les compétences extraterritoriales

a. La législaUon hongroise sur le soutien financier de ses ressortissants dans les pays voisins : le différend entre la Hongrie et la Roumanie26 a) Faits. Les faits de ce dossier très chaud, qui a occupé à plusieurs reprises les organes de l'Union européenne et de l'OSCE, sont très simples. Par une loi vo- tée avec les voix de la majorité de droite au Parlement hongrois, et qui entra en vigueur en 2002, il était prévu que les personnes appartenant à des minorités hongroises dans les pays voisins (notamment en Roumanie) pourraient bénéfi- cier de diverses gratifications sur le sol hongrois, et qu'elles se verraient aussi accorder des soutiens financiers à l'étranger. Cette loi eut plusieurs versions et fut plusieurs fois amendée. Ainsi, dans une première version, elle ouvrait le marché du travail en Hongrie aux personnes visées par la loi, en introduisant ainsi une discrimination contre les autres ressortissants des Etats concernés : un roumain de culture magyare pouvait ainsi accéder à ce marché du travail, mais non un roumain sans cette allégeance. Cet élément de discrimination a été éliminé par un accord entre les deux Etats signé en décembre 2001. La pierre d'achoppement fut par la suite la question des gratifications financières versées à l'étranger, en l'occurrence sur le sol roumain. Selon la Roumanie, cette loi a un effet extraterritorial excessif; elle introduit des discriminations entre les ci- toyens roumains en traitant la majorité de manière défavorable ; cette discrimi- nation peut avoir des effets néfastes sur 1' ordre public local en troublant les équilibres sensibles entre la minorité et la majorité, dans une région marquée il y a encore une décennie par des pogromes. Selon la Hongrie, la loi n'a pas d'ef- fet extraterritorial excessif; le soutien accordé à une minorité selon les princi- pes de la discrimination positive n'est pas contraire au droit, précisément parce que la majorité n'a pas besoin des mêmes protections. La Roumanie a pris en considération d'adopter des contre-mesures, visant à bloquer l'applicabilité de la loi hongroise sur son territoire. Le ton entre les deux Etats est monté. Il faut ajouter que la Slovaquie a également protesté contre l'application de cette loi sur son territoire. La solution des différends a été trouvée dans un affaiblisse- ment progressif de la loi hongroise ; mais toutes les difficultés n'ont pas encore été résolues.

b) Commentaires. Cette espèce met en jeu le droit international relatif aux mesures à effet extraterritorial, et aussi le droit international œlatif à la protec- tion des minorités. Il est proposé de se concentrer ici sur le premier aspect, afin

26 Voir dans: NZZ du 30 octobre 2001, p. 5; NZZ du 27 avril2001, no. 97, p. 7; NZZ du 23/24 juin 2001, no. 143, p. 7; NZZ du 23 juillet 2001, no. 168, p. 4; NZZ du 30 juillet 2001, no. 174, p. 5; NZZ du 15 novembre 2001, no. 266, p. 9; NZZ du 8 février 2002, no. 32, p. 3 ; NZZ du 31 mai 2002, no. 123, p. 5 ; NZZ du 25 juin 2003, no. 144, p. 5.

Kolb 606 SZIER/RSDIE 4/2005

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de ne pas trop gonfler les commentaires. En matière de compétences extraterri- toriales, 1' état du droit international est gravement insuffisant. La souveraineté, plus ou moins exempte de constrictions claires, y prédomine encore, si bien que 1' ensemble de cette branche semble encore plongée dans la lumière quelque peu anachronique de la société du Lotus. 27 En particulier, des principes y dominent à défaut de règles précises.28 Domaine sensible s'il en est, car il met aux prises les compétences souveraines de deux ou plusieurs Etats (le plus souvent l'une territoriale, l'autre extraterritoriale), non rarement dans ce qui, a un moment donné, est censé exprimer des intérêts importants de la nation. On ne peut, dès lors, qu'être frappé par l'absence d'une réglementation véritable au niveau du droit international d'un domaine présentant une telle importance pour la vie interétatique. En effet, le droit international se borne à renvoyer à une série de principes d'un vague évocateur. Selon le droit, il faut l'existence d'un« lien rai- sonnable » pour fonder une compétence ou son exercice ; il faut tenir compte des « intérêts en présence » ; il faut aussi soupeser les effets d'une mesure sur l'Etat qui la subit, voire sur des Etats tiers.29 C'est déraisonnablement vague,

27

28

29

Arrêt du Lotus de la Cour permanente de Justice internationale, Recueil, sér. A, no. 9, 1927, p. lss.

Cf. FRANCIS MANN, The Doctrine of Jurisdiction in International Law, Recueil des cours de 1' Académie de droit international de La Haye 1964, vol. 111, p. 43ss, 82ss. MAARTEN Bos, The Extraterritorial Jurisdiction of States, Annuaire de l'Institut de droit interna- tional 1993, vol. 65-I, p. 13ss. FRANÇOIS RIGAux, The Extraterritorial Jurisdiction of States (Rapport provisoire), Annuaire de l'Institut de droit internationall999, vol. 68-I, p. 507ss.

Une tentative de concrétisation de ces principes, et surtout de l'étoile polaire du« rai- sonnable», peut être trouvée dans le Restatement Third of the Foreign Relations Law of the United States (1986), § 402 et 403. 8application de ces règles-principes par les juri- dictions américaines montre cependant le degré de leur perméabilité à des considéra- tions d'espèce explicables seulement par une perception unilatérale des intérêts en cause. Voici le texte des deux dispositions célèbres :

« 402. Bases of Jurisdiction to Prescribe

Subject to § 403, astate has jurisdiction to prescribe law with respect to (1) (a) conduct that, wholly or in substantial part, takes place within its territory;

(b) the status of persons, or interests in things, present within its terri tory;

(c) conduct outside its territory that has oris intended to have substantial effect wi- thin its territory;

(2) the activities, interests, status or relations of its nationals outside as weil as within its territory; and

(3) certain conduct outside its territory by persons not its nationals that is directed against the security of the state or against a limited class of other state interests.

§ 403. Limitations on Jurisdiction to Prcscribe

(1) Even when one of the bases for jurisdiction under § 402 is present, astate may not exercise jurisdiction to prescribe law with respect to a person or activity having connections with another state when the exercise of such jurisdiction is unreasona- ble.

SZIER/RSDIE 4/2005 607 Kolb

(19)

d'autant plus que les intérêts susceptibles d'entrer en compte ainsi que leur poids respectif sont laissés à l'auto-appréciation des Etats. On comprend que chaque Etat tende à surévaluer ses intérêts propres (qui sont toujours raisonna- bles !) et à faire bon marché des intérêts d'autrui. Car tout repose en dernière analyse sur une pesée des intérêts concurrents, la pesée étant bien entendu en- treprise par chaque Etat uti singulus. Dès lors, un unilatéralisme remarquable domine l'ensemble de cette branche du droit. La loi Helms-Burton (1996?0 n'en est qu'un exemple caricatural. Mais il en est d'autres. On peut évoquer l'affaire Marc Rich (contentieux diplomatique Suisse/US, 1987?1 ou l'affaire Hartford Fire Insurance c. Californie (Cour suprême des Etats-Unis, 1993)32

30

31 32

(2) Whether exercise of jurisdiction over a persan or activity is unreasonable is determi- ned by evaluating ali relevant factors, including, where appropriate:

(a) the link of the activity of the regulating state, i.e., the extent to which the activity takes place within the territory, or has substantial, direct, and forseeable effect upon or in the terri tory;

(b) the connections, such as nationality, residence, or economie activity, between the regulating state and the person principally responsible for the activity to be regu- lated, or between that state and those whom the regulation is designed to protect;

( c) the character of the activity to be regulated, the importance of regulation to the regulating state, the extent to which other states regulate such activities, and the degree to which the desirablity of such regulation is generally accepted;

( d) the existence of justified expectations that might be protected or hurt by the re- gulation;

(e) the importance of the regulation to the international political, legal or economie system;

(f) the extent to which the regulation is consistent with the traditions of the interna- tional system;

(g) the extent to which another state may have an interest in regulating the activity;

and

(h) the likelihood of conflict with regulation by another state.

(3) When it would not be unreasonable for each oftwo states to exercise jurisdiction over a person or activity, but the prescriptions by the two states are in conflict, each state has an obligation to evaluate its own as weil as the other state's interest in exercising jurisdiction in light of ail the relevant factors, Subsection 2; a state should defer to

the other state if th at state 's interest is cl earl y great er. »

Sur la législation Helms-Burton, cf. MrcHEL CosNARD, Les lois He/ms-Burton et d'Ama- ta-Kennedy, interdiction de commerce avec et d'investir dans certains pays, Annuaire français de droit internationall996, vol. 42, p. 33ss. VAUGHAN LowE, US Extraterritorial Jurisdiction: The He/ms-Burton and D'AmatoActs, International and Comparative Law Quarterly 1997, vol. 46, p. 378ss.

Voir Annuaire suisse de droit international1984, vol. 40, p. 160ss.

Cf. l'Op. diss. ScALIA, dans International Law Reports, vol. 100, p. 600 : « Under the Restatement, a nation having sorne <basis> for jurisdiction to prescribe law should non- etheless refrain from exercising that jurisdiction <with respect to a persan or activity ha- ving connections with another state when the exercise of such jurisdiction is unreasona- ble>. Restatement (Third) § 403 (1). The <reasonableness> inquiry turns on a number of factors including, but not limited to: <the extent to which the activity takes place within

Kolb 608 SZIER/RSDIE 4/2005

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Dans la première, un ordre judiciaire américain enjoignait de produire des do- cuments aux Etats-Unis à une entreprise suisse domiciliée en Suisse (et ayant une filiale aux Etats-Unis), alors que le droit suisse interdisait la remise de ces documents. L:ordre était muni d'une astreinte (« subpoena ») de 50 000 dollars par jour en cas de non-exécution. Les intérêts suisses se voyaient ignorés de ma- nière flagrante, d'autant plus que la mesure visait à obliger des individus suis- ses, sur sol Suisse, à agir d'une manière contraire au droit suisse. Le conten- tieux s'étendit dès lors vers les ministères des affaires étrangères. Dans la seconde affaire, il s'agissait d'appliquer la fameuse législation américaine anti- trust à un marché étranger, réglementé par la loi d'un Etat étranger, en l'occur- rence le marché des assurances anglais. La Cour suprême estima que les effets des activités londoniennes sur le sol des Etats-Unis étaient suffisants pour justi- fier l'application de la loi américaine. Elle estima que les entreprises britan- niques visées auraient parfaitement pu respecter la loi américaine sans contre- venir à la loi du sol britannique. Dès lors, selon la Cour, il n'est pas nécessaire de procéder à la pesée des intérêts pour voir lequel des deux Etats en cause avait un lien plus intime avec les transactions en question. Ce constat, qui fait bon marché du devoir de peser des intérêts, et donc de tenir compte de ceux de l'au- tre partie de manière adéquate, marque bien l'ampleur de l'impérialisme juri- dique que le droit international tolère en la matière à cause de 1' absence de rè- gles plus capillaires.

En l'espèce, la loi hongroise, dans le volet qui prévoit des contributions fi- nancières sur le territoire étranger, impose une extraterritorialité excessive. Le principe sur lequel elle est fondée (versement de sommes par l'Etat d'apparte- nance « ethnique ») est contraire au droit des minorités européen : celui-ci pré- voit que les droits sociaux et économiques de la minorité doivent être sauvegar- dés par l'Etat territorial et non pas par un Etat étranger. Le risque d'ingérences, le risque de 1' établissement de véritables souverainetés parallèles, mais aussi le risque de troubles publics - dus à des déséquilibres ainsi introduits ou à des ir-

the terri tory [of the regulating state] >; <the connections, such as nationality, residence, or economie activity, between the regula ting state and the person principally responsible for the activity to be regulated>; <the character of the activity to be regulated, the importance of regulation to the regulating state, the extent to which other states regula te such activi- ties, and the degree to which the desirability of such regulation is genera!!y accepted>;

<the extent to which another state may have an interest in regulating the activity>; and

<the likelihood of canflict with regulation by another state>. Rarely would these factors point more clearly against application of United States law. The activity relevant to the counts at issue here took place primarily in the United Kingdom, and the defendants in these counts are British corporations and British subjects having their principal place of business or residence outside the United States. Great Britain has established a compre- hensive regulatory scheme governing the London reinsurance markets, and clearly bas a he avy <interest in regula ting the activity>. »

SZIER/RSDIE 4/2005 609 Kolb

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rédentismes ainsi favorisés est trop grand. De plus, les Etats de l'Europe orientale en cause avaient conclu avec l'Union européenne des accords dans lesquels ils s'étaient engagés à ne pas pratiquer la discrimination basée sur la nationalité ; là aussi, la loi hongroise ne paraît pas exempte de critique. Eu égard à ce qui précède, il apparaît que l'interférence de cette loi avec la souve- raineté territoriale et personnelle de la Roumanie sur ses ressortissants dépasse la mesure admise par le droit international. Contrairement aux cas de la loi He/ms-Burton et de l'affaire M. Rich précités, il ne s'agit pas ici de mesures de contrainte à l'égard d'acteurs étrangers ou sur le territoire étranger. Cependant, eu égard à l'ensemble des faits pertinents, l'intérêt de la Roumanie à combattre la discrimination entre ses populations sur son territoire, discrimination qui peut être la base de troubles graves à l'ordre public et qui de toute manière contrecarre sa politique propre d'intégration de la minorité, semble devoir l'emporter. La compétence extraterritoriale doit céder en tout cas quand elle se heurte à l'exercice d'une compétence territoriale d'un autre Etat; l'intégrité et la compétence territoriale l'emportent en cas de conflit sur la compétence per- sonnelle extraterritoriale. C'est là un principe bien établi, qui découle de la no- tion même de souveraineté et de contrôle exclusif du territoire.

Un autre aspect peut être brièvement mentionné. Il a été soutenu que la Roumanie avait elle-même édicté une loi soutenant financièrement ses ressor- tissants dans des Etats limitrophes, notamment en Moldavie. Il ne nous est pas connu si cela est vrai et encore moins de quel type exact serait cette législation.

Si par hypothèse elle devait avoir la même portée que la législation hongroise, on pourrait envisager l'application du principe d' estoppel (ou directement celui de bonne foi), qui interdit à un Etat de se plaindre d'une attitude tierce dès lors qu'il a lui-même adopté une conduite identique. Nemo expropria turpitudine commodum capere potest. Quoi qu'il en soit, ce principe ne prévaudrait que dansJes rapports inter partes et seulement pour autant que ceux-ci sont vrai- ment comparables. Il ne préjugerait en rien la position juridique d'autres Etats, comme la Slovaquie.

Kolb 610 SZIER/RSDIE 4/2005

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