• Aucun résultat trouvé

Mises en garde ou prophéties ? Sept enseignants primaires genevois face aux prédicateurs de l'échec scolaire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Mises en garde ou prophéties ? Sept enseignants primaires genevois face aux prédicateurs de l'échec scolaire"

Copied!
191
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Mises en garde ou prophéties ? Sept enseignants primaires genevois face aux prédicateurs de l'échec scolaire

PINEIRO, Isabel

Abstract

Ce travail s'intéresse aux causes auxquelles théoriciens et praticiens attribuent l'échec scolaire et aux processus qui y mènent. Nous avons choisi de regrouper les diverses causes de l'échec en trois ensembles. Le premier regroupe les causes de l'échec qui sont extérieures à l'institution scolaire. Il s'agit de percevoir quelle responsabilité incombe aux familles et aux élèves dans la scolarité de ces derniers. Nous avons nommé ces causes les " attribution externes " : la culture, la nationalité, la langue maternelle, la classe sociale, la structure familiale, le style éducatif et la religion. Le deuxième ensemble regroupe les causes de l'échec dont le mode de fonctionnement de l'institution serait responsable. Nous les nommons ici : " attribution internes ". Il s'agit de percevoir en quoi et comment l'école elle-même crée et alimente l'échec scolaire de certains élèves. Le dernier ensemble regroupe les " attributions mixtes ". Ce type de causes n'est pas du aux acteurs (enseignants, parents et élèves), mais à la relation qui se noue entre eux. Les questions de recherche sont ainsi les suivantes [...]

PINEIRO, Isabel. Mises en garde ou prophéties ? Sept enseignants primaires genevois face aux prédicateurs de l'échec scolaire. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6432

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

TITRE/SOUS-TITRE

Mises en garde ou prophéties ?

Sept enseignants primaires genevois face aux prédicateurs de l’échec scolaire

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA LICENCE EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION

MENTION LME

Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres figurant dans le guide des étudiants

PAR Isabel Pineiro

DIRECTEUR DU MEMOIRE Olivier Maulini

JURY

Etiennette Vellas Valérie Vincent

GENEVE février 2010

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

(3)

RESUME (maximum 150 mots)

Ce travail s'intéresse aux causes auxquelles théoriciens et praticiens attribuent l'échec scolaire et aux processus qui y mènent. Nous avons choisi de regrouper les diverses causes de l'échec en trois ensembles. Le premier regroupe les causes de l'échec qui sont extérieures à

l'institution scolaire. Il s'agit de percevoir quelle responsabilité incombe aux familles et aux élèves dans la scolarité de ces derniers. Nous avons nommé ces causes les " attribution externes " : la culture, la nationalité, la langue maternelle, la classe sociale, la structure familiale, le style éducatif et la religion. Le deuxième ensemble regroupe les causes de l'échec dont le mode de fonctionnement de l'institution serait responsable. Nous les nommons ici : "

attribution internes ". Il s'agit de percevoir en quoi et comment l'école elle-même crée et alimente l'échec scolaire de certains élèves. Le dernier ensemble regroupe les " attributions mixtes ". Ce type de causes n'est pas du aux acteurs (enseignants, parents et élèves), mais à la relation qui se noue entre eux.

Les questions de recherche sont ainsi les suivantes : 1. Les théoriciens et les enseignants attribuent-ils l'échec scolaire à des causes internes, externes ou mixtes ? 2. Quel poids les théoriciens et les enseignants attribuent-ils aux variables communément évoquées, à savoir : culture, nationalité, langue maternelle, classes sociale, structure familiale, style éducatif et religion ?

Une revue de littérature et des entretiens compréhensifs avec 7 enseignants primaires

genevois montrent les écarts et les convergences entre le registre théorique d'explication, et la manière dont il est transposé pragmatiquement sur le terrain. L'analyse permet de poser à nouveaux frais une question pédagogique importante : dans quels mesures les prédictions d'un phénomène comme l'échec scolaire sont-ils des ressources pour neutraliser des effets non voulus et/ou, au contraire, les éléments d'une prophétie auto-réalisatrice qui verrait les stéréotypes se confirmer d'autant mieux qu'ils alimentent une forme ou une autre de fatalisme sociologique ? L'enquête ne permet pas de trancher, mais de formuler de nouvelles mises en garde à méditer.

(4)

PLAN:

I. INTRODUCTION

II. CADRE THEORIQUE II.1. L’échec scolaire

II.1.1. La notion d’échec scolaire II.1.2. Historique

II.1.3. Définition

II.2. Les causes de l’échec scolaire II.2.1. Introduction

II.2.2. Attribution externe de l’échec A) Introduction B) Causes

C) Acteurs mis en cause D) Résultats possibles II.2.3. Attribution interne de l’échec A) Introduction B) Causes

C) Acteurs mis en cause D) Résultats possibles II.2.4. Attribution mixte de l’échec A) Introduction B) Causes

C) Acteurs mis en cause D) Résultats possible

II.3. Les causes de l’échec scolaires invoquées par les enseignants II.3.1 L’ouvrage de référence

II.3.2 La nationalité II.3.3 La langue maternelle II.3.4 La classe sociale II.3.5 Le style éducatif II.3.6 La structure familiale II.3.7 La religion

II.4. Les solutions du point de vue des enseignants

III. QUESTIONS & HYPOTHESES DE RECHERCHE III.1. Question de recherches

III.2. Hypothèses

III.3. Schéma du questionnement

IV. METHODE DE RECHERCHE IV.1. Choix de la méthode de recherche

(5)

IV.2. Échantillon

IV.2.1. Localisation de la recherche

IV.2.2. Spécificité de la recherche et choix de l’entretien non-directif IV.2.3. Représentativité et choix des interviewés

IV.2.4. Présentation des enseignants questionnés IV.3. Caractéristiques des entretiens

IV.3.1. Prise de contacte IV.3.2. Lieu

IV.3.3. Durée

IV.3.4. Enregistrement et retranscription IV.3.5. Confidentialité et anonymat

V. ANALYSE

V.1. Introduction

V.2. Portraits V.2.1. Premier portrait: Aline V.2.2. Deuxième portrait: Béa V.2.3. Troisième portrait: Céline V.2.4. Quatrième portrait: Daniel V.2.5. Cinquième portrait: Émilie V.2.6. Sixième portrait: Fanny V.2.7. Septième portrait: Gigi

V.3. Analyse transversale V.3.1. Définition de l'échec scolaire V.3.2. Attributions externes: nos variables A_ La culture B_ La Nationalité

C_ La Langue maternelle D_ La Classe sociale E_ La Structure familiale F_ Le Style éducatif G_ La Religion

V.3.3. Attributions internes: les enseignants se mettent en cause V.3.4. Attributions mixtes

V.4. Réponses aux questions de recherche.

VI. CONCLUSION VII. BIBLIOGRAPHIE

VIII. ANNEXES

(6)

V.INTRODUCTION

Ce travail s'intéresse aux causes auxquelles théoriciens et praticiens attribuent l'échec scolaire et aux processus qui y mènent. Nous avons choisi de regrouper les divers causes de l'échec en trois ensembles. Le premier regroupe les causes de l'échec qui sont extérieures à l'institution scolaires. Il s'agit de percevoir quelle responsabilité incombe aux familles et aux élèves dans la scolarité de ces derniers. Nous avons nommé ces causes les « attribution externes ». Dans cette partie nous allons principalement traiter les variables suivantes: la culture, la nationalité, la langue maternelle, la classe sociale, la structure familiale, le style éducatif et la religion.

Car il s'agit pour nous de variables ayant un poids important pour les théoriciens ou/et pour les praticiens lorsqu'il s'agit d'expliquer l'échec scolaire.

Le deuxième ensemble regroupe les causes de l'échec Dont le mode de fonctionnement de l'institution serait responsable, nous les nommerons ici: « les attribution internes ». Il s'agit de percevoir en quoi et comme l'école elle-même crée et alimente l'échec scolaire de certains élèves.

Le dernier ensemble regroupe les « attributions mixtes ». Ce type de causes ne sont pas du aux acteurs( enseignants, parents et élèves), mais à la relation qui se noue entre eux.

Pour mener à bien cette recherche, nous allons proposer quelques données théoriques qui vont nous permettre de savoir à quelle causes les chercheurs attribuent l'échec scolaire. Celles-ci seront réparties dans deux parties distinctes du cadre théorique. La première partie sera composée d'éléments issus de la littérature concernant la notion d'échec scolaire et les recherches menées afin d'en définir les causes. La deuxième partie du cadre théorique sera basé essentiellement sur l'ouvrage de Thin(1993) et aura comme but de décrire ce à quoi les praticiens attribuent l'échec scolaire. De plus, nous apporterons diverses données statistiques concernant notre terrain de recherche.

A l'issu de ce chapitre dédié à la théorie nous allons vous proposer les questions de recherches qui sont à la base de ce travail. Celle-ci seront accompagnées de nos hypothèse et d'un schéma du questionnement qui rendra plus compréhensible le raisonnement que nous avons suivi pour mener à bien cette recherche.

Le chapitre suivant sera composé de la méthode de recherche utilisée pour obtenir les données que nous analyserons dans la dernière partie.

(7)

L'analyse des données recueillies sera divisée en deux axes. Le premier se rapportera aux portraits des enseignants que nous avons questionné et émergera, pour chaque praticiens une description dans laquelle nous mettrons en exergue ce à quoi il attribue l'échec scolaire. La deuxième partie sera une analyse transversale des données recueillies. Nous examinerons pour chacune des attributions (externe, interne et mixte) les commentaires des enseignants afin de pouvoir répondre au mieux à nos questions de recherche.

Nous finirons ce travail avec une conclusion qui illustrera les apports d'une telle recherche ainsi que ses déficits. Nous tenterons également de proposer une ébauche de réflexion pour poursuivre le questionnement ici initié.

(8)

CADRE THEORIQUE

Le cadre théorique de ce travail est constitué de deux parties: la première recueille les données que nous avons sélectionnées dans divers ouvrages qui vont nous permettre de comprendre comment les chercheurs perçoivent et analysent l'échec scolaire. La deuxième partie se basera essentiellement sur un ouvrage qui va nous permettre d'appréhender la manière dont les enseignants perçoivent et analysent l'échec scolaire à travers les recherches des théoriciens.

2.1. L’échec scolaire

L'échec scolaire est une notion complexe et c'est pourquoi nous allons proposer ici une explication de sa signification à travers le temps et l'espace. Nous allons donner un aperçu historique de cette notion ainsi que les critères qui permettent aujourd'hui en Suisse d'identifier un élève dit en échec scolaire.

1.La notion d’échec scolaire

Nous allons, donner une définition de la notion « d’échec scolaire » à partir des données théoriques. Pour ce faire, il est nécessaire de prendre en compte le contexte et le moment dans lequel il intervient et les différences qui existent entre les individus en situation d’échec scolaire. En effet, il s’agit d’un phénomène qui est liée au contexte :en France il n’est, par exemple, pas le même que celui que l’on peut observer en Suisse. Par exemple parce que les notes en France vont de un à vingt et que en Suisse elles vont de un à six. Mais aussi parce que les branches principales diffères et leur coefficient aussi. On peut même dire que d’une ville à l’autre, d’un quartier à l’autre, d’une école à l’autre et même d’une classe à l’autre, l’échec scolaire diffère. Malgré ces différences, il existe des similitudes lorsque l’on observe l’échec scolaire quel que soit le pays. Pour mieux comprendre ce phénomène voici un bref historique de cette notion.

2.1.2 Historique

La notion d’échec scolaire n'apparaît que dans les années cinquante même si le phénomène existe avant. En effet, avant cette période, il n’y avait, pour la société, aucune nécessité de former tous les enfants. La sélection se produisait avant l’entrée à l’école. Si les enfants confiés à l’institution échouaient on invoquait alors des problèmes d’ordre génétique (échelle des dons), psychologique (mérite personnel) ou la nécessaire stabilité des hiérarchies des classes sociales.

(9)

L’échec scolaire naît dès que l’école devient obligatoire et que son public n’est plus trié aux portes de l’institution scolaire. Ce n’est pas pour autant qu’on se soucie de la réussite de tous les élèves. On estime que ceux qui réussissent ont un don ou plus de mérite que les derniers de la classe, et que les autres en sont simplement dépourvus.

C’est dans les années soixante, lorsque les sociologues se demandent s’il est possible que ce ne soient pas les élèves, mais plutôt l’école qui ne soit pas adaptée à la mission qu'elle s'est donnée, que la notion d’échec scolaire émerge réellement. En effet, l’école est obligatoire, son public est hétérogène mais l’enseignement est toujours uniforme. Les chercheurs vont mettre en évidence l’inégalité des chances de réussite à l’école par rapport aux différents milieux sociaux des élèves. La démocratisation de l’école ne veut pas dire que celle-ci donne les mêmes possibilités d'accéder aux savoirs à tous les élèves.

Aujourd’hui, on préfère dire d’un élève qu’il a des difficultés scolaires plus ou moins grandes plutôt que d’utiliser le terme d’échec scolaire. Pour Best (1997), les différentes terminologies euphémisées qui existent pour définir les problèmes que rencontrent certains élèves dans leur scolarité sont dus à deux causes principales. La première est en rapport avec les individus : « On craint de stigmatiser des individus ou un groupe social en le déclarant en échec.»(p.3). La deuxième concerne l’institution : « La peur de voir l’école être accusée de mettre ou de laisser des enfants en échec.»(p.3). Néanmoins, quelque soit le terme utilisé pour définir l’échec scolaire, le problème reste patent.

2.1.3 Définition

Nous pouvons, tout d’abord, considérer que l’échec scolaire est individuel, il est

« porté » par un élève qui est perçu par l’institution comme :dépourvu d’un don ou ayant des problèmes psychologiques et/ou sociaux. Ainsi, l’échec n’est pas le fait de l’institution, mais de l’élève. Par la suite, à l’instar des différentes recherches menées sur l’école, l’échec scolaire apparaît. Émergent dès lors clairement les inégalités entre élèves et, fait nouveau, celles créées par l’institution. Ainsi les enfants d’ouvriers, les étrangers, les allophones…désormais répertoriés sont ceux pour qui l’école ne semble pas être adaptée.

Ceci ne suffit pas à définir l’échec scolaire. C’est pourquoi, il nous faut exposer dans quelles situations on considère qu’un élève est en échec. Selon Best (1997), un élève est en échec si l’on peut observer : un retard scolaire, une orientation défavorable ou une sortie de l’école prématurée et sans diplôme, ainsi que des résultats insuffisants aux épreuves nationales ou, de plus en plus, internationales (PISA). Même si ces critères sont donnés pour le cas d’élèves en France, les même sont utilisables dans le canton de Genève malgré les différences qui existent entre ces deux systèmes scolaires. Il s’agit d’observer le redoublement ou le retard scolaire, l’orientation en classe spécialisée et les résultats aux épreuves communes

(10)

qui permettent de mesurer le niveau des élèves par rapport à tous les autres écoliers du canton.

Ainsi, si par exemple un élève a déjà redoublé ou qu’il a obtenu des notes insuffisantes aux épreuves communes, alors celui-ci peut vivre des difficultés scolaires qui pourront se traduire en échec scolaire.

Nous allons maintenant observer à quoi les théoriciens d’abord, les enseignants ensuite, attribuent l’échec scolaire. Puis nous verrons comment ils perçoivent l’influence des variables potentielles sur l’échec scolaire.

2.2 Les causes de l’échec scolaire

Il s'agit ici de donner les causes auxquelles les chercheurs attribuent l'échec scolaire.

Nous allons diviser ces causes en trois groupes: les attributions externes, les attributions internes et les attributions mixtes.

2.2.1. Introduction

Nous allons proposer divers éléments théoriques pour savoir comment l’échec scolaire est compris par les théoriciens à travers l’histoire. Nous verrons que selon les époques et les

« nécessités » de la société, l’école change de rôle et l’échec scolaire devient une notion plus ou moins importante. Par exemple, nous verrons pourquoi l’école devient obligatoire et comment celle-ci s’ouvre à de nouveaux élèves.

Nous allons exposer ici les changements qui ont eu lieu dans le choix des éléments observés par les chercheurs et leurs conséquences. Nous verrons aussi le changement de point de vue opéré par les théoriciens. En effet, ceux-ci observaient tout d’abord l’école d’un point de vue macrosociologique, c’est-à-dire qu’ils observaient les structures et le système dans son ensemble. Par la suite, les recherches menées ont adopté un point de vue microsociologique : ils observent dès lors une situation et les interactions que celle-ci produit. (Par exemple : on observe une leçon donnée au tableau noir, et on analyse les interactions qui se déroulent entre les élèves et l’enseignant).

Nous avons décidé de répartir les théories qui expliquent à quoi/et à qui les théoriciens attribuent l’échec scolaire en trois groupes. Le premier groupe que nous allons étudier ici concerne les théories qui attribuent l’échec scolaire à des causes externes à l’institution. Puis nous allons regrouper les théories qui attribuent l’échec scolaire à des causes internes. Le dernier groupe concentre tous les éléments qui considèrent que l’échec scolaire est dû à une cause « mixte ». C’est dans ces théories- celles qui prennent en compte la « distance

(11)

culturelle » et la relation qui existe entre les familles et l’école- que l’on trouve l'interprétation la plus aboutie et la plus complexe de la cause des échecs scolaires des enfants dont les familles sont les plus éloignées de la culture scolaire.

2.2.2. Attribution externe de l’échec

Dans cette partie du travail, nous nous appuyons sur le postulat suivant : l’institution scolaire ne joue aucun rôle dans l’échec scolaire. Effectivement, si l’on attribue l’échec scolaire à des causes externes à l’école, cela veut dire que celle-ci n’en est pas responsable.

Les théories que nous allons exposer ici apparaissent au moment où la scolarité se démocratise. Pour la France, on prend comme point de référence la loi Guizot de 1881 qui crée l’école obligatoire et gratuite. Mais c’est en 1975 que l’école obligatoire se veut structurellement égalitaire et que l’on crée le collège unique. En Suisse, c’est en 1848 que l’école devient obligatoire et gratuite. A partir de ce moment, tous les enfants, sans distinction due à l’appartenance sociale, sont scolarisés. La notion d’échec scolaire, comme nous l’avons déjà dit, n’apparaît que dans les années cinquante et est réellement utilisée dans les années soixante. Avant cette date, la société industrielle et agricole n’avait pas les mêmes besoins en personnel qualifié, par conséquent, on ne se préoccupait pas des élèves qui ne réussissaient pas leur scolarité.

Avant les années cinquante, les enfants qui ne réussissent pas à l’école sont considérés comme « inadaptés », « débiles »…l’échec scolaire est expliqué par des causes psychologiques qui rendent l’élève seul responsable de son échec. Aujourd’hui, des raisons psychologiques sont encore utilisées pour expliquer certains cas d’échec. En effet, il n’est pas rare qu’un élève soit orienté dans une structure d’enseignement spécialisé (SMP) car il est hyperactif.

En 1905, Binet et Simon proposent la première version d’une échelle métrique de l’intelligence qui permet de la quantifier (test de Q.I). Ainsi, on peut savoir quels sont les enfants aptes à la scolarité et ceux qui sont inaptes. Ces tests ne font pas l’unanimité et une polémique voit le jour : l’intelligence est-elle innée ou acquise ? Pour Eysenk, l’intelligence est héréditaire. Ainsi, les élèves qui n’ont pas reçu de leurs parents l’intelligence

« nécessaire » pour mener à bien une scolarité sont considérés comme inaptes. Dès lors, l’échec scolaire résulte d’un « handicap biologique ». En 1946, c’est « l’idéologie du don » qui explique les cas d’échec. En effet, on considère qu’un élève a ou n’a pas le don qui va lui permettre de mener à bien sa scolarité. Là encore, le don est considéré comme inné et il ne peut, par conséquent, être acquis par le travail.

C’est en 1949 que, pour la première fois, on considère le milieu social d’un élève comme un facteur déterminant par rapport à la scolarité. Cette idée est celle de Roger Gal qui

(12)

est, en France, le créateur du service de recherche de l’institut pédagogique national. La corrélation que celui-ci met en lumière entre la classe sociale et la scolarité est également étudié aux États-Unis où, dans le milieu des années cinquante, la théorie du handicap socioculturel voit le jour. On considère dès lors que certains milieux sont « handicapés » au niveau linguistique, cognitif et culturel. La théorie du handicap socioculturel, dans sa première forme (théorie de la déprivation selon Charlot), tend à démontrer que les enfants des milieux modestes ne sont pas assez stimulés intellectuellement ainsi que linguistiquement et cognitivement. Leurs familles, qui possèdent de faibles moyens économiques, seraient incapables de donner à leurs enfants les outils nécessaires pour réussir leur scolarité. Nous étudierons plus loin la seconde et la troisième forme de cette théorie, car celles-ci attribuent l’échec soit à la distance culturelle entre les familles et l’école, soit à l’institution scolaire seulement.

Les travaux de Bernstein (1975, date de traduction) sur la disparité linguistique entre les diverses couches sociales ont, malgré la volonté de l’auteur, été utilisés pour cimenter la théorie du handicap socioculturel. Bernstein ne croit pas que l’habilité du langage et la réussite scolaire soient des « aptitudes » naturelles chez certains enfants et pas chez d’autres.

Il va mettre en évidence l’existence de deux codes linguistiques. Le code « restreint » est utilisé par les familles des classes sociales les plus modestes. Le deuxième code dit

« élaboré » est utilisé par les classes aisées, mais celles-ci peuvent également, selon la situation, utiliser le code « restreint ». Ainsi, les classes aisées peuvent utiliser deux types de code alors que les classes les plus défavorisées n'ont qu’un seul code à disposition.

Dans les années soixante, la théorie du handicap socioculturel crée la polémique : les partisans de la gauche la trouvent ethnocentriste et rappellent qu’il existe de réelles disparités économiques entre les classes sociales. La droite, quant à elle, défend l’idée selon laquelle il existe des différences « psychogénétiques » entre les élèves.

Les recherches de Bernstein furent aussi contestées par des linguistes français et américains comme nous le rappelle Van Heacht (2006): « selon eux, les différences linguistiques entre les groupes sociaux sont à interpréter par rapport à des normes socioculturelles seulement et non par rapport au fonctionnement de base du langage.»(p.82).

Nous verrons plus loin les solutions qui ont été imaginées à l’époque aux États-Unis pour pallier le «handicap socioculturel » de certaines familles et les résultats obtenus par ces méthodes.

Nous allons maintenant nous appuyer sur l’ouvrage de Boudon « L’inégalité des chances » (1979), pour présenter d’autres théories que divers chercheurs ont mis en avant afin

(13)

d’expliquer comment l’élève d’abord, son entourage familial ensuite, sont responsables du parcours scolaire de l’enfant. Ces chercheurs travaillent sur les cas d’échec scolaire et notamment sur la correspondance statistique qui existe entre la classe sociale d’un élève et sa réussite à l’école. Les théories macrosociologiques retenues par Boudon sont celles de Sorokin (1927) et de Parsons (1940/1953/1970) qui attribuent à la famille de l’élève un rôle important dans son parcours scolaire. Sorokin part de l’idée que la société tend à se reproduire et que les deux acteurs qui assurent cette reproduction sont la famille et l’école. La famille d’un élève tend à garantir une « continuité familiale ». Pour ce faire, elle va niveler les ambitions scolaires de l’élève. La théorie de Parsons est similaire à celle de Sorokin et part de l’idée que la famille est un système de solidarité dans lequel les membres partagent un statut social identique. Pour ce chercheur, la famille veut préserver le système de solidarité et influence en conséquence les ambitions scolaires de l’enfant. Ces deux auteurs ont aussi mis en cause l’institution scolaire dans leur théorie mais nous avons choisi d’exposer ici uniquement les éléments qui concernent l’attribution externe de l’échec scolaire.

Les recherches microsociologiques retenues par Boudon sont tout d’abord celles qui expliquent l’inégalité des chances de réussite à l’école par les différences de système de valeurs entre les classes sociales. Ces théories sont proposées notamment par Kohl (1953/1957) par Hyman (1953) et par Merton (1975). Selon Boudon(1979), Kohl, Hyman et Merton se basent sur l’idée selon laquelle « les inégalités que l’on observe à l’égard de la réussite sont dues pour une grande part à ce que les attitudes à l’égard de la réussite, la valeur accordée à l’enseignement varient selon les classes sociales» (p. 92). Ainsi, les classes sociales placées le plus bas dans la société sont celles qui croient le moins en leur réussite et inversement. On peut expliquer cela par un phénomène de rationalisation, mais Kohl a démontré que c’est l’attitude de la famille (du père) qui influence le plus celle de sa progéniture. Merton (1957) explique les différences de valeur et d’importance attribuées à l’instruction par rapport à la classe sociale à laquelle on appartient par la notion de « groupe de référence ». On peut conclure que les classes sociales adaptent leurs ambitions à leur position sociale actuelle (Keller &Zavalloni 1962/1964). Donc, il est faux de penser que les individus les plus défavorisés de la société donnent moins d’importance à l’instruction de leurs enfants que les classes aisées. En fait, on peut penser qu’ils définissent leur ambition en lien avec leur réalité sociale. C’est dans cet ordre d’idée que Boudon explique comment une famille ou un élève peuvent être responsables du parcours scolaire d’un enfant. Pour Boudon, les décisions quant au parcours scolaire envisagé par un élève et par sa famille sont dirigées par un raisonnement « mathématique ». On va prendre en considération le coût (financier, en temps…) d’un type de scolarité et le bénéfice que cette scolarité apportera à l’élève. Ce calcul sera également influencé par la position sociale actuelle de l’enfant. Par exemple si celui-ci

(14)

provient d’une famille bourgeoise, le coût financier n’est pas le même que celui d’un enfant du prolétariat.

A travers les différentes théories et explications de l’échec scolaire, des difficultés scolaires et des choix de cursus que nous avons présentés ci-dessus on se rend compte-et même si nous avons été sélectif- que les responsables seraient avant tout les élèves et/ou leurs parents.

L’idéologie du don et les tests de Q.I. rendent les enfants (ou leur héritage génétique) seuls responsables de leur réussite ou de leur échec scolaire. Il en est de même pour les différentes causes psychologiques avancées par les théoriciens et de l’explication d’inadaptation scolaire d’un élève. Les théories de l'inné, postulent que les compétences, les aptitudes ou leur absence sont « portées » par l'élève.

Si l'on observe l'attribution de l’échec à travers le prisme de la théorie du handicap socioculturel ou à travers les recherches qui considèrent la famille comme un système de solidarité, la responsabilité devient collective. En effet c’est la famille qui va plus ou moins consciemment orienter la scolarité de l’enfant. Sa classe sociale, par exemple, sera déterminante quant aux études de l’élève. Dès lors, ce sont les classes populaires qui sont considérées comme seules responsables de l’échec de leurs enfants.

Si l’on suppose que l’échec scolaire d’un enfant résulte d’une cause biologique, alors on peut imaginer que cette conclusion pousse au fatalisme. En effet, si les aptitudes nécessaires pour réussir une scolarité sont innées, alors ni l’élève, ni les parents, ni l’enseignant ou l’institution ne peuvent quelque chose pour lui; il est « condamné » à être en échec scolaire.

La théorie du handicap socioculturel a conduit aux États-Unis à la mise en place d’une action éducative compensatoire pour pallier aux manques des familles défavorisées. Ainsi, avant et pendant la scolarisation, des stimulations ont été proposées à certains élèves. Cette action éducative compensatoire n'a pas fonctionné. A travers cet exemple, nous percevons que si l’échec scolaire semble découler de la provenance sociale de l’élève, l’institution scolaire met en place des moyens pour combler les manques supposés de ces familles.

Les théories qui expliquent l’échec scolaire par rapport à la différence d’attitude de la famille et de l’élève face à l’école selon sa position sociale peuvent également pousser les enseignants au fatalisme. En effet, si la cause de l’échec n’est pas liée aux apprentissages mais qu’elle est liée à l’appartenance à une classe sociale, l’enseignant n’a pas de moyens pour changer cela. Ainsi, si l’échec scolaire est attribué à des causes externes à l’institution scolaire et qu’elles sont censées émaner des élèves et de leurs parents, alors la réponse de l’institution scolaire et des enseignants risque d'être timorée, voire contre-productive, donc inefficace.

(15)

2.2.3. Attribution interne de l’échec scolaire

Dans cette partie du travail nous nous appuyons sur le postulat suivant : l’échec scolaire est créé par l’école elle-même. L'excellence et l'insuffisance sont « fabriquées » de l'intérieur (Perrenoud). Ainsi les élèves et les familles ne portent aucune responsabilité dans les cas d’échecs. (Attribution interne plutôt qu'externe de l’échec).

C’est dans les années septante que les sociologues, en observant l’échec scolaire, considèrent l’institution comme responsable des difficultés scolaires des élèves. Même si Roger Gal avait souligné le lien qui existe entre la classe sociale et l’échec scolaire, c’est la théorie de la reproduction de Bourdieu & Passeron (1970) qui met en évidence le rôle de l’école dans le parcours scolaire des élèves.

Ces recherches sociologiques prennent place après une période durant laquelle on a considéré que l’échec scolaire était dû à des causes externes à l’institution. L’école peut être transformée, adaptée si elle s’avère être, dans son fonctionnement, « défavorisante » vis-à-vis de certains élèves. Ainsi les sociologues vont dénoncer les éléments de l’institution qui doivent être changés si l’on souhaite proposer une réelle égalité des chances face à l’enseignement.

La troisième forme de la théorie du handicap socio-culturel considère que l’école est seule responsable de l’échec scolaire. On parle alors de la « théorie de la déficience institutionnelle ». C’est le mode de fonctionnement et l’organisation de l’institution scolaire qui créent l’échec des élèves issus des classes sociales les moins favorisées de la société. En ce sens, la théorie du handicap socio-culturel rejoint celle de la reproduction: l'institution scolaire est responsables des inégalités qui existent entre les élèves.

C’est en 1970, que Bourdieu et Passeron écrivent la Reproduction, ouvrage qui met en avant les travers d’une école perçue jusqu’alors comme méritocratique. Ces auteurs s’intéressent aux statistiques scolaires qui mettent en évidence une corrélation entre le statut socioprofessionnel des parents et la réussite scolaire des enfants. Pour eux, cette relation résulte de la reproduction sociale importée dans l’école. C’est donc l’institution scolaire qui crée et reproduit les inégalités de manière à ce que chaque élève se maintienne dans la classe sociale dont il est issu. Elle le fait de manière relative mais puissante, parce qu'elle perpétue l'essentiel des inégalités mais parvient aussi à les légitimer, puisque la « fiction efficace » consiste à croire et faire croire aux élèves et aux familles que la place d'arrivée est moins due aux privilèges qu'aux mérites ou démérites personnels.

(16)

Dès les années septante, les sociologues dénoncent le fait que la démocratisation des études n’a pas réussi à créer l’égalité des chances face à la réussite scolaire. Nous allons maintenant nous intéresser dans le détail aux éléments de l’institution scolaire qui maintiennent ou qui créent des inégalités entre les élèves.

Comment l’école, peut-elle, simultanément, produire de l’échec pour les uns et de la réussite pour les autres ? Nous avons trouvé dans la littérature diverses pistes pour répondre à cette question. C’est à travers le curriculum commun, le curriculum caché, les normes d’excellence, l’évaluation, les caractéristiques personnelles des enseignants et leurs attentes que les chercheurs expliquent comment l’école, à travers sa culture scolaire, crée de la sélection.

Le curriculum est un des éléments que les chercheurs pointent du doigt pour expliquer les inégalités culturelles présentes à l’école. On peut définir le curriculum scolaire ainsi selon Raynal et Rieunier (1997):

« Énoncé d’intention de formation comprenant : le public visé, les finalités, les objectifs, les contenus, la description du système d’évaluation, la planification des activités, les effets attendus quant à la modification des attitudes et des comportements des individus en formation»(p.132).

Pour Vinsonneau (2003), il est faux de penser qu’une école dont le public est hétérogène et qui se base sur un curriculum commun permet la réussite de tous les élèves. Bourdieu (1966) parle de « l’indifférence aux différences ». En effet, un curriculum commun ne garantie pas que la réussite d’un élève soit due à sont mérite et peut être le fait d'une plus grande proximité entre les savoirs valorisés à l'école et ceux acquis dans son cadre familial.

Vinsonneau (2003) considère que :

«[...]Le curriculum commun est en lui-même source d’inégalité : il favorise les élèves issus des groupes dominants auxquels le code en vigueur au sein de l’école est le plus familier. Une scolarisation soucieuse de fournir à tous les mêmes instruments favorise en réalité ceux qui au départ sont les plus richement équipés pour la compétition qu’elle exige» (p.143).

L’idée selon laquelle le curriculum commun crée des inégalités est expliquée ainsi par Kerzil & Vinsonneau (2004): les apprentissages se font à travers des représentations qui sont des produits culturels. Dès lors, si l’on ne prend pas en compte les différences de représentations, on rend certains apprentissages inaccessibles aux élèves éloignés de la culture scolaire.

(17)

Les sociologues britanniques se sont questionnés quant à l’influence d’une culture scolaire universaliste. Il existe entre eux un débat pour définir les effets d’une telle culture scolaire. Pour certains, la culture scolaire n’est pas assez universaliste, favorisant ainsi les classes dominantes. Pour d’autres, elle est considérée comme trop universaliste coupant ainsi les liens entre les élèves et leur communauté, il s’en suit que les enfants perdent leur identité culturelle.

De plus, le curriculum a plusieurs formes selon Perrenoud : le curriculum formel, le curriculum réel et le curriculum caché. Le premier peut être défini comme étant celui des textes officiels. Le curriculum réel est celui des textes interprétés, modifiés, adaptés par les enseignants par rapport à leur personnalité, leurs normes, leurs valeurs et en tenant compte de leurs élèves, de l’école et de la société. Le curriculum caché est « la part des apprentissages qui n’apparaît pas programmée par l’institution scolaire, du moins pas explicitement ». Il s’agit toujours selon Perrenoud des « expériences formatrices qui se déroulent dans le cadre scolaire et qui produisent des apprentissages qui échappent à la conscience des principaux intéressés, maîtres, élèves, parents. » En fait, ce curriculum ne serait pas vraiment caché, il serait non-dit.

L’évaluation, sous sa forme scolaire, est elle aussi culturellement marquée. Perrenoud (1982) considère qu’elle accentue les différences existant réellement entre les élèves. C’est par le biais des normes d’excellence scolaire, qui ne sont pas neutres culturellement, que sont évalués les écoliers. Les normes d’excellence nécessitent de ne pas être à la portée de tous et, par conséquent, de créer des différences entre les élèves. De plus, la forme et la fréquence de l’évaluation sont choisies par l’institution et sont favorables à certains enfants. En conséquence, l’évaluation creuse l’écart entre les élèves, favorisant ceux dont la culture est la plus proche de la culture scolaire.

Pour finir, soulignons l’importance du rôle des enseignants. Ceux-ci étant également porteurs d’une culture qui va les influencer au moment de juger des comportements, des attitudes et des normes. Ce phénomène est expliqué ainsi par Forquin (1996) :

« Il est de fait aussi que la compréhension des processus et des pratiques pédagogiques suppose de prendre en considération les caractéristiques culturelles des enseignants eux-mêmes, les savoirs, les référentiels, les présupposés, les valeurs, qui sous-tendent, de manière parfois contradictoire, leur identité professionnelle et sociale» (p.185-186).

Perrenoud (1982), va même jusqu’à expliquer partiellement le lien entre la culture scolaire et la culture des classes dominantes à partir de la classe sociale des enseignants. Il

(18)

confirme ainsi l’idée selon laquelle la variable « culture » influence la réussite scolaire des élèves :

« Actuellement on peut expliquer le maintien d’une forte parenté entre la culture scolaire et celle des classes supérieures en partie par le fait que les enseignants appartiennent soit à ces classes sociales, soit aux couches supérieures et scolarisées de la classe moyenne, qu’ils sont eux-mêmes issus des mêmes milieux sociaux pour beaucoup et qu’ils doivent à l’école leur position sociale»(p. 11).

En plus du lien qui existe entre la culture dominante et celle des enseignants, il faut prendre en considération les attentes des enseignants vis-à-vis des élèves. Celles-ci sont déterminées par rapport aux données qu’ils possèdent sur leurs élèves. Ainsi, un enfant issu de classes sociales défavorisées mène souvent l’enseignant à avoir peu d’attentes quant à ses résultats. Ceci peut être biaisé par les informations que l’on a communiquées à l’enseignant comme le montre l’expérience de Rosenthal et Jacobson. On parle de « l’effet Pygmalion » qui explique comment un élève que l’on présente à un enseignant sous l’étiquette « bon élève » obtiendra des notes supérieures à celles qu’il mérite.

Les sociologues ont mis en cause l’institution scolaire et son mode de fonctionnement inégal face aux élèves. Ainsi, c’est elle dans son ensemble qui est perçue comme responsable de l’échec scolaire. Puis les théoriciens ont mené des recherches au niveau microsociologique et ont ainsi mis en évidence les éléments de l’institution qui empêchent une situation scolaire méritocratique. Le curriculum formel ou caché, l’évaluation dans sa forme ou encore dans sa fréquence sont quelques uns des éléments qui ont été considérés comme n’étant pas

« neutres » pour les élèves.

Dans un deuxième temps, nous avons mis en évidence le fait que les enseignants eux- mêmes peuvent être la cause de l’échec scolaire et ce, la plupart du temps, de façon inconsciente. A cause de leur position sociale ainsi que des normes, des valeurs, qui y sont attachées, les enseignants sont plus proches de certains élèves, ce qui influe sur leur comportement avec eux. De plus, les attentes des enseignants face aux compétences des élèves sont également le fruit d’un certain nombre de représentations sociales.

La période durant laquelle ces diverses recherches sociologiques mettent en cause l’institution est perçue aujourd'hui comme une période de « fatalisme sociologique ». La mise en lumière de divers travers de l’institution a causé une désillusion dans le milieu enseignant qui se voulait bienveillant avec les élèves que la société lui avait confiés. Les enseignants se

(19)

voient, accusés d’être inégalitaires avec leurs élèves et se sentent « utilisés » par les élites pour que leur position favorable dans la société se maintienne. La démarche des sociologues avait certainement pour but de mettre en évidence les travers de l’institution, d’abord pour les dénoncer et surtout pour en venir à bout un fois ceux-ci identifiés.

2.2.4. Attribution mixte de l’échec

Nous parlons d’attribution « mixte » car il ne s’agit pas ici de mettre en cause les acteurs : élèves, parents, institution ou enseignants, mais leur relation. Nous allons analyser cette relation à deux degrés différents. Tout d’abord au niveau microsociologique, il s’agit d’observer la question du rapport au savoir. Nous allons dégager les conséquences engendrées par la différence, la distance entre le rapport au savoir des élèves et celui demandé par l’école.

Puis nous nous intéresserons à la question de la relation famille-école et à l’interaction entre l’école et la société. Pour ce faire, nous allons nous intéresser aux notions de culture, de capital culturel familial et de culture scolaire ainsi qu’au concept d’acculturation développé par Berry.

Pour traiter la question du rapport au savoir nous allons nous appuyer sur l’ouvrage de Charlot (1997) Du rapport au savoir dans lequel il propose d’observer autrement l’échec scolaire. Jusqu’alors, les sociologues ont traité ce sujet en développant une « sociologie des différences » (différences de position sociale, de position scolaire). Pour Charlot, «l’échec scolaire » est un phénomène qui va au-delà les différences précitées. Il propose de construire une sociologie du rapport au savoir qui serait avant tout une sociologie du sujet.

Charlot considère qu'apprendre ne veut pas dire acquérir des savoirs. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'accumuler des connaissances, apprendre c'est plus que cela. Il existe différents types de savoirs : les savoirs objets comme par exemple les livres; les savoirs qui nous rendent capable d’utiliser des objets du quotidien comme par exemple une brosse à dent; les savoirs qui sont des activités qu’il est nécessaire d’apprendre à maîtriser comme par exemple savoir lire; et les savoirs sous forme relationnelle comme par exemple savoir saluer quelqu'un dans la rue.

Chaque savoir s’apprend en situation avec un rapport au temps et à l’espace. Il existe différents espaces ou l’on peut accéder à des savoirs. L’école est un lieu qui a pour but d’éduquer mais que l’on peut également considérer comme un lieu de vie dans lequel on apprend des formes relationnelles de savoir.

(20)

Le rapport au savoir est un rapport au temps et à l’espace, mais aussi un rapport à soi et à l’autre. Il existe, selon Charlot (1997) un « rapport identitaire au savoir » qui se définit ainsi :

« tout rapport au savoir comporte une dimension identitaire : apprendre fait sens en référence à l’histoire du sujet, à ses attentes, à ses repères, à sa conception de la vie, à ses rapports aux autres, à l’image qu’il a de lui-même et à celle qu’il veut donner aux autres» (p.84).

Mais le rapport au savoir est aussi, et peut-être surtout, un rapport à soi, et c’est ainsi que l’on peut comprendre comment l’échec scolaire peut engendrer de gros dégâts sur l’ego du sujet et comment la réussite peut renforcer le narcissisme selon Charlot.

De plus, la société, par l’école, impose une forme de réussite, une manière de devenir

« un Homme » qui est liée à la scolarité. Ainsi le rapport au savoir « valable » est celui que l’institution scolaire impose. On parle alors du « rapport social au savoir » qui permet de comprendre le rapport au savoir d’un individu. « Pour comprendre le rapport d’un individu au savoir, il faut prendre en compte son appartenance sociale mais aussi l’évaluation du marché, du travail, du système scolaire, des formes culturelles… »(p. 87).

Nous allons maintenant nous intéresser à une autre relation : celle entre les familles et l’école et, plus largement, entre la société et l’école. Nous allons nous appuyer sur la notion de culture, que nous définirons d’abord au sens large, puis dans les formes qui nous intéressent ici : le capital culturel familial et la culture scolaire. Pour finir, nous exposerons le concept d’acculturation et son utilisation dans le monde scolaire.

Il existe entre la culture et l’échec scolaire un lien étroit. En effet, l’émergence même de la notion d’échec scolaire a pris de l’importance au moment où on a observé une diversification culturelle de la population scolaire. Kerzil et Vinsonneau (2004) illustrent ce fait lorsqu’elles disent, en parlant du cas de la France :

« Dès le début des années 1970, avec l’arrivée massive d’enfants migrants dans le cadre du regroupement familial, l’école s’est vue dans l’obligation de tenir compte des différences culturelles en présence» (p.45).

De même, Forquin (1996) dit ceci en parlant de l’Angleterre :

« Dans un pays où le nombre de personnes d’origine non européenne s’est accru de manière très rapide en l’espace de deux décennies […], le système d’enseignement

(21)

s’est trouvé face à un défi culturel […] sans précédent. Les phénomènes d’échec et d’inadaptation scolaire qui frappent massivement, […] les enfants des minorités ethniques […] » (p.153)

Notre champ d’études : le canton de Genève, ne déroge pas à cette règle et est un exemple de société dans laquelle cohabitent une multitude de cultures (nous verrons les données statistiques plus loin). De ce fait, il est nécessaire d’observer comment l’école primaire genevoise prend en compte cette diversité afin d’éviter les situations d’échec scolaire.

La notion de culture est complexe au point où de nombreux chercheurs de différentes sciences en ont proposé une définition. Ainsi, au sens étymologique, ce terme est lié à la culture du sol. Au sens figuré ce terme est lié à un certain développement intellectuel :

« homme cultivé », au sens sociologique, « la culture se confond avec l’ensemble des caractères formant le mode de vie spécifique à chaque groupe social ». Les chercheurs s’opposent même pour savoir s’il faut définir ou non cette notion. Nous avons choisit une définition de la culture qui estime que la culture complète et aisée a interpréter:

« est l’ensemble plus ou moins lié des significations acquises les plus persistantes et les plus partagées que les membres d’un groupe, de par leur affiliation à ce groupe, sont amenés à distribuer de façon prévalente sur les stimuli provenant de leur environnement et d’eux-mêmes, induisant vis-à-vis de ces stimuli des attitudes, des représentations et des comportements communs valorisés, dont ils tendent à assurer la reproduction par des voies non génétiques. » (Camilleri,1985, cité par Vinsonneau, 2003,p.54).

Il ressort de cette définition que la notion de culture implique l’existence de groupes distincts de personnes. Les individus porteurs de la même culture vont appréhender le monde de manière identique : avoir des réactions similaires au stimuli de leur environnement, valoriser les mêmes compétences et les mêmes attitudes, avoir les mêmes comportements.

Ainsi, on peut dire que la culture agit comme « un filtre » à travers lequel les individus comprennent et interprètent la réalité qui les entoure.

De plus, les membres du groupe veillent au maintien de leur culture plus ou moins consciemment et à sa reproduction par des voies dites « non génétiques ». Toute voie non génétique est donc acquise par un apprentissage. Pour Herskovits cité par Vinsonneau (2003) « la culture est l’élément appris du comportement humain» (p.54). Dans une société comme la nôtre, les apprentissages (que les enfants font) se déroulent dans deux lieux principaux : la famille et l’école. Ainsi, si la culture qui est transmise en ces lieux est similaire ou proche, le passage de l’enfant de l'un à l'autre se déroulera facilement et la scolarité n’en

(22)

sera pas affectée. Mais, selon notre hypothèse, dans le cas ou ces deux lieux de culture seraient trop éloignés, voire en opposition, la scolarité de l’enfant pourra en être affectée jusqu’à mener à l’échec scolaire. Ainsi, on peut dire que la culture joue un rôle dans la scolarité d’un élève. Si la notion de culture est bien entendu trop vaste pour notre champ exploratoire, il nous faut à présent la réduire à son expression la plus pertinente en la matière.

Dès lors, nous analyserons cette variable selon deux axes qui sont d’une part le capital culturel familial et d’autre part le capital scolaire.

Le comportement d'un individu est induit par la culture du groupe auquel il appartient.

Selon Vinsonneau (2003), c’est la culture qui va définir un comportement valable, des activités de perception (façon de percevoir le temps, l’espace, son corps etc.) et de cognition.

La culture va également définir le mode de communication, les croyances, les coutumes et les valeurs propres à un groupe d’individus. Pour Perrenoud (1995), le capital culturel est fait d’habitus système de dispositions, d’habitudes, de goûts... c’est la part « inconsciente » du capital culturel. Les représentations sont, quant à elles, la part « consciente » du capital culturel.

L’individu n’est pas passif face à sa culture, il la vit, la transforme, la modèle. C’est ainsi que la culture du groupe devient un capital culturel familial puis individuel. Ainsi, le capital culturel familial peut être perçu comme la culture d’un groupe auquel appartient une famille qui va l’adapter pour qu’il lui soit propre. A son tour, l’enfant va transformer le capital culturel familial dont il est porteur. Voici comment Perrenoud (1995) définit ce phénomène :

« Dans toute société, les enfants s’approprient d’abord les modèles de conduite, le langage, les représentations du monde, les valeurs, les savoirs et les savoir-faire qui ont cours dans leur entourage immédiat. Certaines de ces acquisitions participent d’une culture partagée à l’échelle de la société entière. D’autres sont propres à des groupes plus restreints, et d’abord à la famille»(p.50).

Pour Lahire (1995), il ne suffit pas qu’une famille possède un capital culturel pour que celui-ci soit transmis à ses enfants. En effet, il faut selon lui : « du temps et des occasions favorables pour exercer pleinement, systématiquement, leur effet de socialisation scolairement positif » (p.289). De plus, le fait qu’un des parents fait des études et acquis une culture valorisée par la société ne permet pas d’assurer la transmission de ces savoirs. Thin (1998) confirme cette idée en relatant qu’on ne peut pas s’en tenir à des données statistiques pour évaluer un capital culturel car on obtient ainsi une vision partielle de la réalité. Pour illustrer son propos il donne l’exemple de deux grands-pères ayant le même bagage scolaire (BAC +3) qui se situent dans la même catégorie statistique. Si l’un des deux est souvent en

(23)

contact avec ses petits-enfants et que l’autre ne les voit jamais, le capital culturel de ces deux grands-pères sera transmis de façon inégale. De plus, Thin considère que, dépourvu de parents ou de grands-parents ayant fait des études, un enfant peut recevoir des « acquis culturels » par un grand frère par exemple. L’auteur parle « d’équivalence ». Il postule que le capital culturel familial peut être transmis par divers membre de la famille.

Le capital culturel est parfois confondu dans les recherches avec le capital économique d’une famille. Pour Vinsonneau (2003): « La problématique culturelle oblige de prendre en considération la dimension socio-économique : cette dimension est l’un des éléments constitutifs essentiels de la dynamique culturelle»(p.51).

Ainsi, un lien émerge entre la variable culture et la variable classe sociale. Ce lien devient flagrant dans certaines recherches qui étudient l’influence de la culture sur la scolarité en utilisant comme indice de la culture le degré d’études des parents. Ainsi, Girard et Clerc (1964) démontrent que le capital culturel familial participe du statut social acquis qui va influencer la réussite scolaire. En effet, dans leur recherche, les auteurs ont calculé le niveau du capital culturel familial par rapport aux diplômes en possession des parents.

Pour expliquer la culture scolaire, nous allons utiliser la définition proposée par Forcquin(1996) qui dit qu’il s’agit de :« L’ensemble des contenus cognitif et symboliques qui sélectionnés, organisés, « normalisés », « routinisés » sous l’effet des contraintes de didactisation font habituellement l’objet d’une transmission délibérée dans le cadre de l’école» (p.186).Mais où peut-on voir la culture scolaire ? Selon Perrenoud (1995), la culture scolaire, ou les éléments choisis d’une culture pour devenir la culture scolaire, ne s’observent pas uniquement dans les textes de loi de l’institution. Il faut, selon lui, observer les plans d’études et les manuels pour savoir quels choix ont été faits par l’institution. Il postule que la culture scolaire est surtout le fait des « gens d’école », comme par exemple les enseignants ou les directeurs d’établissement, car ils sont les tenants du lien entre la culture scolaire et les élèves.

L’école ne peut transmettre la totalité de « la culture », elle va donc choisir et transformer des éléments qu’elle juge nécessaire de léguer aux jeunes générations. Ainsi, la culture scolaire émane d’une sélection qui est forcément subjective. Le choix de l’institution scolaire se fera par rapport, par exemple, à un pays, une époque ou une idéologie politique dominante. Nous pensons donc qu’elle peut favoriser une certaine population scolaire au détriment d’une autre. Les recherches de Hargreaves(1967) et Lacey(1970) cité par Forquin (1996) ont fait apparaître l’existence chez les élèves des établissements scolaires anglais

(24)

d'une polarisation : certains seraient porteurs d’une « subculture favorable » à la scolarité et d’autre d’une « subculture défavorable » à celle-ci.

Identifions maintenant les élèves favorisés à l’école. De nombreuses recherches permettent de faire un lien entre la culture scolaire et la culture des classes dominantes. Par exemple pour Perrenoud (1982) : « Le rapport privilégié entre la culture scolaire et la culture des classes privilégiées apparaît déjà au plan des finalités globales de l’éducation» (p.24). En effet, on peut considérer que le but de l’école actuelle est moins de fournir des citoyens qui partagent la même culture que de reproduire des élites: « La hiérarchie académique des savoirs est fonction des rapports de pouvoirs, des conflits d’intérêts, des présupposés idéologiques qui prévalent à un moment donné à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur des institutions éducatives. » (Young cité par Forquin,1996, p.112). Nous avons défini la culture scolaire ainsi que le capital culturel familial, c’est lorsque l’enfant commence sa scolarité que ces deux cultures se rencontrent. On observe dès lors, que les acquis du capital culturel familial confrontés à la culture scolaire peuvent tant produire de l’échec que favoriser les enfants issus des classes sociales dominantes. Pour expliquer ce phénomène nous allons utiliser le concept d’acculturation définit ainsi par Berry (1989) cité par Retschitzky, Bossel- Lagus et Dasen : « Ensemble des changements culturels résultant des contacts continus et directs entre deux groupes culturel indépendants»(p.135-143). Le concept développé par Berry concerne les immigrés et leur mode d'acculturation dans un pays hôte. Nous allons adapter ce concept pour expliquer la rencontre entre le capital culturel familial et la culture scolaire qui s’impose aux élèves entrant à l’école. Si nous transposons ce modèle au monde scolaire, alors les élèves et le capital culturel familial dont ils sont porteurs constituent ici le statut de « groupe minoritaire »( les immigrés). L’institution scolaire peut être considérée comme le « pays hôte, le groupe majoritaire ». Berry a proposé deux questions auxquelles la réponse par la positive ou la négative expliquent les quatre type d’acculturation possible.

Nous allons transformer ces questions ainsi Le groupe minoritaire veut maintenir sa culture est équivalent à l’élève maintient son capital culturel familial. Le groupe minoritaire adopte la culture du pays hôte est équivalent à l’élève adopte la culture scolaire. Ainsi nous obtenons le tableau suivant :

Tableau 1: Acculturation au monde scolaire

L’élève maintient son capital culturel familial :

Réponse positive

L’élève maintient son capital culturel familial :

Réponse négative L’élève adopte la culture scolaire :

Réponse positive INTEGRATION ASSIMILATION

L’élève adopte la culture scolaire : SEGREGATION

(25)

Réponse négative SEPARATION MARGINALISATION

Ainsi, l’élève est libre de garder son capital culturel familial et il est libre d’adopter la culture scolaire. Néanmoins, il est plus favorable que celui-ci garde sa culture et laisse de la place pour celle que l’école valorise. Mais il nous faut préciser que l’école est obligatoire, qu’elle impose ses règles et ses contenus. Ainsi, entre l’école et les familles existe-t-il des rapports de domination. L’institution a une position dominante face aux familles, ainsi la culture scolaire devient la seule culture qui a cours entre les murs de l’institution. L’élève n’a d’autre choix que de se plier aux exigences de l’institution s’il veut mener à bien sa scolarité.

Mais l’institution scolaire peut faire preuve d’ouverture comme nous le prouve l’article 4 de la loi sur l’instruction publique de juin 1977 Charte et cahier des charges des enseignants primaire, Genève direction de l’enseignement primaire, préconise le respect des diverses cultures :

« L’enseignement public a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun : (…) d’aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques ; à cette fin l’enseignant reconnaît et valorise la diversité interindividuelle et culturelle (…) l’enseignant respecte les différences culturelles (…) »

L'institution scolaire et les enseignants doivent donc, selon cette loi favoriser le respect des divers cultures dont les élèves sont porteur. Nous verrons par la suite que l'institution scolaire a mené divers projet pour que la culture de chacun soit prise en considération dans l'institution. Malgré les efforts menés par l'institution c’est dans la relation qui résulte de l’entrée à l'école de l’élève avec sa culture familiale que semblent provenir un certain nombre de difficultés scolaires. Il n’y a pas de « coupable » désigné comme précédemment. C’est la relation qui crée la situation favorable à l’échec scolaire. D’abord parce que le rapport au savoir est personnel, que chacun le vit différemment et que l’école ne favorise qu’une forme de rapport au savoir. Ensuite, car l’école existe dans une société et qu’elle maintient et reproduit sa propre culture qui sera ou non compatible aux éléments de culture sélectionnés par les familles pour constituer leur capital culturel familial.

L'institution scolaire peut mettre en place d'autres actions pour être plus ouverte à la société qui l’entoure. Elle peut suivre les différentes pistes proposées par les chercheurs qui travaillent sur l’interculturel afin de permettre à chaque élève aussi différent soit-il culturellement de vivre facilement son « passage » à l’école.

(26)

II.3. causes de l'échec scolaire invoquées par les enseignants

1. II.3.1. L'ouvrage de référence

Il s'agit, dans cette partie, de donner les causes de l'échec scolaire invoquées par les enseignants et relevées par les recherches sociologiques qui se sont intéressées au terrain scolaire. Pour ce faire, nous allons nous référer essentiellement à la recherche menée par Thin (1998) et dont les résultats sont donnés dans l'ouvrage: « Quartier populaires. L'école et les familles ». D'autre part, nous allons exposer des données théoriques concernant les caractéristiques familiales (nationalité, langue, classe sociale, style éducatif, structure familiale,religion) concernant notre terrain de recherche: la canton de Genève. Ces données seront proposées afin de nous permettre par la suite de mener à bien notre analyse.

La recherche de Thin (1998) s'intéresse aux relations qui existent entre les enseignants, les travailleurs sociaux et les familles populaires. Son but est de savoir comment les relations entre ces différents acteurs se nouent et quel en sont les enjeux. L'étude de Thin a été réalisée dans une commune de la banlieue de l'est de Lyon, dans deux quartiers populaires, zone classée ZEP (zone d'éducation prioritaire).La population de cette commune est essentiellement constituée d'ouvriers et d'employés de nationalité étrangère et beaucoup d'entre eux ont des difficultés économiques. En 1991, le taux de chômage de ces quartiers atteignait 15,6% et 16,3%. Dans les écoles concernées par cette enquête, 53% à 70% des pères sont des ouvriers sans qualifications ou peu qualifiés et 47% à 89% des élèves ont des parents de nationalité étrangère. Thin a questionné des enseignants, des travailleurs sociaux et des familles. De plus, dans sa recherche il c'est également appuyée sur des bilans rédigés par des enseignants et/ou par les travailleurs sociaux et sur l'observation de la relation que existe entre les familles et les enseignants par exemple. Les résultats obtenus par cette étude permettent d'affirmer que les enseignants, mais aussi les travailleurs sociaux attribuent les causes de l'échec scolaire à des causes externes concernant les familles essentiellement. En effet, lorsqu'ils sont questionnés par Thin sur les causes d'échec scolaire ceux-ci parlent directement des familles de leurs élèves. Nous allons proposer deux citations de Thin (1998) qui nous semblent mettre en évidence ce fait: « [...]enseignants et travailleurs sociaux ont le plus souvent développé des propos sur les familles sans que nous les sollicitions sur ce sujet, faisant apparaître ainsi le discours sur les familles populaires urbaines comme inévitable et récurrent» (p.65). ou « lorsque l'on demande aux enseignants et aux travailleurs sociaux d'évoquer les difficultés scolaires des enfants des classes populaires avec lesquels ils

(27)

travaillent, et souvent avant même qu'on les interroge sur les causes de ces difficulté, leur discours s'oriente de façon élective sur les familles» (p.65). Ainsi, on met en évidence le fait que les enseignants parlent spontanément du milieu familial lorsqu'il s'agit d'évoquer la question de l'échec scolaire et que celui-ci est donc considéré comme un « acteur » important dans l'explication des difficultés scolaires. Au point où le discours sur les familles est plus important que celui qui se réfère directement aux difficultés de l'élève. Ceci est illustré par Thin (1998): « Très rare sont les enseignants qui centrent leurs propos quant aux difficultés scolaires uniquement sur les élèves en invoquant leur volonté de travail ou leurs capacités personnelles» (p.65).

Thin propose différents « registres » pour décrire les difficultés scolaires que les enseignants rattachent aux familles: « condition familiales de scolarité », « des "carences " du langage à la "pauvreté" culturelle » et « "désordre" familial et enfants "perturbés" ». Nous allons utiliser le contenu de ces « registres » ci-dessous, dans les parties concernant nos caractéristiques familiales.

Il y a, dans les discours des enseignants, un certains nombres de remarques qui concernent le fonctionnement de l'institution scolaire. Néanmoins, si l'on s'en tient à la recherche de Thin (1998), les défauts de l'école mise en avant par les enseignants ne sont pas perçus comme la cause de l'échec scolaire:

« […] On note une quasi-inexistence de mise en cause de l'école dans les explications des difficultés des enfants des familles populaires proposées par les enseignants. Tout au plus est évoquée l'idée que l'école (en général) ne serait pas toujours adaptée aux enfants des classes populaires, mais pour rappeler aussitôt que l'école spécifique dans laquelle on travaille est bien ajustée aux particularités de ses élèves» (p.66).

Même si les enseignants ne considèrent pas l'école comme la cause principale de l'échec scolaire, cela ne veut pas dire qu'ils soient forcément d'accord avec tout ce qui est fait et mis en place par celle-ci pour venir en aide aux élèves. Mais ce qui peut sembler étonnant c'est que dans les propose recueillis par Thin l'école n'est pas le problème mais en plus elle subit les problèmes des familles des élèves en difficultés: « L'école est vue par les enseignants comme instance qui enregistre, récupère et subit les difficultés des enfants engendrées par ailleurs mais qu'elle ne contribue pas à reproduire» (p.67).

II.3.2. La nationalité

Références

Documents relatifs

On pourrait, en fait, résumer la situation induite par Logo en notant que dans un contexte très dif- férent de celui qu'il peut connaître à l'école (consé- quence de

En effet, c’est en nous s’inspirant de La Mise en scène de la vie quotidienne - La Présentation de Soi (Goffman, 1956/1973a) et de la représentation théâtrale comme

La première décrit le vieillir en ville à travers trois mises à l’épreuve qui nous sont apparues comme centrales : la réadaptation des pratiques quotidiennes de l’espace urbain,

Mon parcours, pas forcément mon parcours scolaire mais je dirais plutôt mon parcours dans le sport qui m’a montré que voilà, c’est pas parce que tu y arrives pas

Ce qui pourrait interpeller sur le fait que la question n’est pas uniquement sociologique est que plus du tiers des élèves dits « précoces », donc des enfants qui ont les

Ils regrettent un effectif trop important pour une classe de ZEP (27 élèves) qui entraîne selon elle plus de problèmes de comportement à gérer. La violence, les conflits font

Suite à nos analyses, nous avons constaté que, dans l’ensemble, les attitudes des enseignants envers leurs élèves étaient positives; que ces enseignants présentaient cependant, et

In § 3 we define the concept of plumbing for even-dimensional knots, characterize the triples of matrices associated with knots obtained by plumbing (Theorem 3-4) and show that