ALEXIS CAILLE
a Question mexicaine
et les Intérêts français
PARIS
Édité par “ Le Nouveau Monde ”
ORGANE HEBDOMADAIRE DES INTÉRÊTS FRANCO-AMÉRICAINS
7,
Rue
Laffitte1913
INTRODUCTION
.
Depuis
plusieursmois, on
parlebeaucoup du Mexique en France. Les événements récents dont
il
a
été lethéâtrevont,pour
lapremière
foispeut-être,mettre
officiellementen opposition
les intérêtsdes Etats-Unis avec ceux des nations de
lavieilleEurope.
La question mexicaine
estdevenue une question
d’intérêtmondial
; elle fait l’objet déjàd’études nombreuses
etde
discussionsmultiples
;on
parle,on
cite
des
chiffres,on conte des anecdotes, on
se livreaux conjectures
;on énonce, sur ce
sujet,des
vérités précises et l’onrépand
ausside graves
inexactitudes.Le Mexique
estmal connu en France. Pendant de longues années on
luia
faitune confiance presque aveugle
etaujourd’hui on
serait àdeux
doigtsde
luitémoigner
laplus
injustedes méfiances.
Pour ma
part,j’aisuivide
très près, etdepuis
long-temps
déjà,son évolution
constante.Les
séjoursque
j’y ai faits
chaque année depuis
bientôtcinq ans m’ont profondément
attachéà
cemerveilleux pays
et c’estprécisément
cesentiment de
sincèreattachement
^ qui m’a amené
à écrire labrochure que
jeprésente aujourd’hui au
lecteur.Si je
contribue par
cetteétude
à éclaircirun peu,
à sesyeux, une question
capitale qu’il n’apu qu’en- J
trevoirau
traversdes
câblesd’Amérique
etdes études
t hâtives
de nos journaux, mon ambition
sera pleine-J ment
satisfaite.J’ai
voulu, en premier heu, me débarrasser de
toute74560:1
—
4—
idée préconçue
etme garder de
toute partialité à l’égarddes deux grands
partis politiquesqui
divisentaujourd’hui
leMexique.
J’ai
voulu
n’être ni « Huertiste » ni « Constitution- naliste», etpour
atteindrece but
jeme
suis attachéà n’envisager
leschoses qu’au
seulpoint de vue des
intérêtsde mon pays, au
seulpoint de vue des
intérêts français.J’ai
voulu qu’on sache
àquel
chiffre atteignaientprécisément
ces intérêtsque
j’envisage.J’ai
voulu qu’à
la veille,sans
doute,de graves débats parlementaires, chacun puisse
réfléchir,devant
la
complexité
etl’énormitédes
intérêtsen
cause,aux conséquences que peuvent
avoir, soitune parole imprudente,
soitune
affirmationhasardée,
soitencore une appréciation trop
hâtive.J’ai
voulu qu’on
sedemandât
si,parce que
leMexique
traverseune
crise politiquetrèsgrave
et très réelle, il fautsemer
l’inquiétudechez tous ceux qui
lui
ont
fait crédit.Alexis CAILLE.
CHAPITRE PREMIER
Les Intérêts français au Mexique.
ourquoi
laFrance
doit sepréoccuper de
laquestion mexicaine.
La
questionmexicaine préoccupe un nombre
consi- dérablede
Français.Après une
trèslongue
périodede
tranquillité parfaiteque
cemerveilleux pays
amis
à profitpour
arriver àun
extraordinairedéveloppement économique,
leMexique
se trouve,depuis
bientôt trois ans, livré,presque
sans répit,aux
luttes intestines les plus graves.Après
être arrivé à s’assurerdans
lemonde
entierun
créditque
lui enviaient sans doute,non seulement beaucoup
d’autresrépubliques de l’Amérique
latine,mais encore quelques gouvernements
européens, leMexique
adonné de
très réelles inquiétudes à tousceux
qui lui avaient fait la plus large confiance. Pro- priétaire d’undomaine
foncier doté des richessesde
tous ordres, cepays
avaitvu
affluer les capitaux néces- saires à lamise en
valeur de ses ressources agricoles,minières ou
industrielles. Il les avait d’ailleursadmi- rablement
fait fructifier et la crise actuelle risque d'interrompreune
vieéconomique
intenseoù
le prê- teurcomme l’emprunteur
trouvaient toujoursun
béné- ficelargement rémunérateur.
„es
emprunts mexicains
introduitsen France dépassent 4
milliards.Parmi
lespuissances
de la vieilleEurope
qui ont ainsi servide banquiers au Mexique,
laFrance
tientassurément
lepremier
rang.—
6—
En
effet, sion
essaie, tout d’abord, d’établir lemon-
tant
des
valeursmexicaines
introduitesen
France,on
arriveau
tableau ci-dessous (1) :Cote officielle.
Mexique
4 0/0 or 1904 Fr. 207.200.0004 0/0 or 1910 280.275.000
Banque
CentraleMexicaine..
67.500.000Banque de Guanajuato
7.500.000Banque
de l’Etatde Mexico
7.500.000Banque
deLondres
etMexico
58.750.000Banque
Nationaledu Mexique
79*.438.250 CréditFoncier Mexicain,
actions... 12’.500.000
—
obligations41.120.000
Foncière du Mexique,
actions. 26!.500:000—
obligations.. 31.500.000Nationaux du Mexique,
actions 625.000.000—
obifgâtions.. 152.810
.000Mexico Tramways 54
.186.000Boléo
12.000-.000El
Büen Tono
9.750.000Fr. 1.668,529.250
(1) Cetableau a été établien prenant pour chaque valeur le
taux d’émission oud’introduction etle
nombre
des-titres-ins- crits àla cote française:Il n’estpas douteux,queles:résultats d’un semblablerelevé sonttrès approximatifs.
Tous
les titres quiy
figurentne sont pasdemeurés
en France etun
grandnombre
d’entre eux furent introduits au-dessousdu
pair.Toutefois,
un
pareil travail conserve une complète valeur d’indication,car un bon nombre
des titres quiy
sont inscritsfurent introduits avec prime, ce qui
compense
la: première objection. D’autre part, siun grand nombre
de ces titres ne sont pas restés en France, le nombre:est plus grand encore des affaires mexicaines- qui ont fait appel-aux.capitauxfran- çais et dont les titres n’ont été cotés que passagèrement oumême
ne furent jamais cotés.-7
—
Marché en banque
,AguascalienteS'
5
0/0 1910Durango
5 0/0 1907— 3 Ù/Ù
1910•Mexique
5- 0/0 int— 3
0/0 int— 5
0/0 or 1399.. .Industrielle d’Atlixco
Las Dos
EstrellasMexican Eagle
pref— ord Mexico Mines
of ElOro
..
Fr. 3.380.000 4.160.000
4.680.000
....500.000.000
.. i.211.
924.375
....
572.040.000
15.000.00085.200.000
22.100.000 107.900.0004.500.000
Fr. 2.530.884.375Rappel du
totaldes valeursinscritesÀ
la cote officielle..
-Fr. 1.668.529.250
Au marché en banque
2.350.884.375 Fr. 4.019.413.625Disons
toutde
suiteque
si ce chiffresupérieur à quatre
milliardsne
laissepas que d
?êtreimpression-
nant,.
on
doit reconnaîtreque
l’épargne française n’apas
faitau Mexique un
créditexcessif.Les événements en
ont fourniune preuve
éclatantepuisque
troisannées de
révolution n’ontpu que
faire fléchir lescours sans amener, dans un groupe
aussi considé- rable, les perturbationsgraves qu on
pouvait craindre.Si
maintenant,
à côtéde
ce chiffre d’intérêts pure-ment
financiers,on estime à
cinq cents millions les capitaux françaisengagés dans
les affaires indus- trielles etcommerciales, on ne
sauraitencore
êtretaxéd’aucune
exagération.Les
intérêtscommerciaux de
laFrance sont également
considérables.On
saitque
tout lecommerce de
lanouveauté
est entre lesmains de
la colonie françaiseémigrée
de Barcelonnette, notre petite ville des Alpes.Ce com-
merce
de lanouveauté
estdétenu à Mexico par une
—
8—
série de
maisons énormes
représentantchacune
des millions et quelquefois des dizainesde
millions de piastres.A
Orizaba, lagrande
fabriquedu Rio-Blanco
appartientaux magasins en
question. Si l’onsonge maintenant aux
autres affaires industrielles : brasse- ries, fonderies,chemins de
fer secondaires, etc., etc.,on
serend compte de
lamodestie de
ce chiffrede
cinq cents millions.Enfin, il est
presque
impossible de fixerpar un
chiffre la valeur
du débouché que
leMexique
constituepour un grand nombre de nos
industries eten
parti- culierpour nos
industriesde
luxe.Ce
brefexposé
suffiraà démontrer
à quel point la questionmexicaine peut préoccuper
tous les Français.La France se
doità elle-même
d’avoir,dans
laquestion mexicaine, une
politiquepersonnelle.
Il
montrera
aussipourquoi
laFrance
estdans
la nécessité d’avoirune
politiquemexicaine
toute person- nelle etcomment
elle se doit àelle-même de ne
laisseraucune puissance de
l’Europeou du Nouveau-Monde empiéter
sur les droitsque
luidonne une semblable
situation ni se substituerà
ellepour l’accomplissement
des devoirs quien
découlent.Il est
donc
nécessaireque
l’opinionpublique en France
se fasseune
idée très nette desévénements
quisurviennent au Mexique
etde
toutes leurs consé-quences
possibles. Jusqu’ici, leséléments
nécessaires à lasimple compréhension
des faits lui ontmanqué
et notrebut
seraprécisément
d’apporterun peu de lumière dans une
questionque
plusieurs confrères ont appelé déjà, avecun peu
d’exagération, «fimbro-
gliomexicain
».Il
convient
d’accueilliravec réserve
touteslesinformations de source américaine.
Pour y
parvenir, ilfaudra
tout d’abordnous
mettreen garde
contre tout ce qui risquerait de fausser notrejugement.
-
9—
Il
nous faudra donc
accueillir avec réserve la plupart des nouvelles quinous
arriverontdu Mexique par
la voie américaine, carnous démontrerons par
la suiteque
les Etats-Unisne peuvent pas
êtreimpartiaux dans
leur appréciation desévénements
actuels. Ils ont trop d’intérêtsen
jeupour conserver une
parfaite liberté d’interprétation et, d’autre part, le seul fait qu’ils se trouventen
contact direct avec leséléments
révolutionnairesrépandus
surtoutdans
lenord du Mexique,
les entraîne à envisager la situationsous
lemême
angleque
celui qui, desdeux
partisen
présence, est leur plusproche
voisin.Ceci posé,
nous
éviteronssoigneusement
d’aborder les questionsde
politique intérieure.Les
affairesdu Mexique nous
intéressent, je le répète,dans
lamesure seulement de nos
intérêts particuliers.Nous n’avons pas à
intervenirdans
les querelles intestinesen dehors de
cettemesure. Les questions de
politique intérieuremexicaine
doivent se régler entreMexicains.
Pour
nous, le meilleurgouvernement
est celui qui.saura ramener
l’ordre etpermettre
la libre évolutionéconomique d’un pays
sur l’avenirduquel nous som-
mes en
droit decompter en
raisonmême du
crédit con- sidérableque nous
luiavons
consenti.10
CHAPITRE
IILes dessous de
laquestion mexicaine.
On
se figure volontiers,en Europe,
la révolution mexicaine, quidure depuis
bientôt troisannées,comme
le résultat'
de
rivalitéssans causes
profondes.On
s’obstine
à
l’envisagercomme un simple choc
d’inté- rêts personnels,une
luttede
partisans feilequ’on en
voit àchaque
instantdans
tous lespays
d’origine espagnole.Une
pareille opinion constitueune
lourde erreur.La Révolution mexicaine a des causes
toutà
la foisd’ordre
social et
d’ordre économique.
La
révolutionmexicaine
a, bienau
contraire, descauses
d’ordre social et des causes d’ordreéconomique,
et cette vérité est d’une
importance
capitalenon
seu-lement au
pointde vue
actuel,mais
aussiau
pointde vue de
l’histoiredu peuple mexicain.
L’Indien
du Mexique
n’estpas une
race uséeou déprimée, malgré
ledur
esclavagede
lapériode
colo- niale,malgré
le véritable servageauquel
il s’est trouvésoumis un peu
partout, ledescendant
deMoctezuma a conservé une
réelleindépendance
d’esprit. Il ade
la finesse, il voit clair, il raisonne. Enfin, ilpossède
àun
trèshaut degré
le sens de la propriété personnelle etl’amour du
sol sur lequel il vit.C’est là
précisément
qu’est lenœud
de la question.Dans presque
tout leMexique,
les terres appartien-nent à une
artistocratiede
riches «hacendados
»dont
les propriétés sont
à
ce pointimmenses
qu’ilsne
par-viennent pas
toujoursà en
assurer l’exploitation totale.—
11—
Sur
ces ferres, lamain-d’œuvre
est représentéepar
l’Indien, qui travaille
sous
lecontrôlede
gérants, géné-ralement
espagnols, et qui n’ontpas
foutperdu de
ladureté
destemps
coloniaux.Or
cet Indien n’estpas
révolutionnaire d’instinct. Je n’enveux pour preuve que
ce qui s’est passédans un
petit coin fertile de ce
merveilleux Mexique,
la Sierrade
Puebla.L’Indien
de
l'a Sierrade Puebla
estcalme
et travail- leur.Les
politiciens qui veulent l’arrachera
sa terre usenten
vaiil leurs efforts ;on peut
lui offrir deux,ou
trois piastres
par
jourpour
« se soulever », il refusera.Car
il estdevenu un
petit propriétaire,un
agriculteur qui vittranquillement
sur « sa. » terre.Autrefois, il a lutté aussi :
sous
les ordresde Fran-
cisco Lucas, il s’est battuaux temps
déjà lointainsou
Porfirio Diazcommençait à
faire parlerde
lui, et c’estprécisément
PorfirioDiaz
qui a fait répartir cette Sierra de Ptiebla entre leshommes de son
lieutenant Lucas. Ils s’y sont fixés et sontdevenus
despaysans
aussi attachésà
leur terreque
notrepaysan de
France.Ce
qu’est,devenu
l’Indiende
la Sierrade
Puebla, iln’est
pas un
«peone
» d’une autrerégion
quine vou-
drait le devenir àson
tour, et, lorsqu’ilcontemple
les propriétésénormes
de ses maîtres-, il sent'monter en
lui le désir
impérieux de posséder
àson
tourun peu
de cette terre sur laquelle il vit etdont
tantde
sur- facesencore ne
sontmême pas
cultivées.question agraire
està
l'originedu mouvement révo-
utionnaire.Il
y
adonc une
question quidomine
toute l’agitation mexicaine, c’est la question agraire. Cela est tellement vraique tous
lesmeneurs
ont choisipour
plate-formeprécisément
les revendications populaires relatives-au problème
de la répartition des terres.On
doit sedemander
pourtant' si cette question,mal-
gré l’ardeurdes
aspirations qu’elle développe, étaitde
12
—
nature
à précipiter leMexique dans
la crise terrible qui lesecoue depuis
tantde
mois.Il
semble
bien,en
effet, qu’il devait être possiblede renouveler
ailleurs cequ’on
avait faitdans
la Sierrade Puebla sans
qu’il fûtbesoin pour
cela des convul- sions terribles de ces dernières années.Voici
précisément où
d’autreséléments
intervien- nent.Si les revendications agraires sont bien
à
labase du mouvement
révolutionnaire mexicain, elles n’ont serviaux
agitateursque
de prétexte et,comme nous
le disions toutà
l’heure,de
plate-formeaux yeux
de la population.A
elles seules,jamais
elles n’auraientamené
l’agita- tion actuelle. Il eût été tropsimple
decalmer ou
de canaliser cette agitationpar
des concessions faciles etmême
désirablesdans un pays où
la densité de lapopulation
estencore
très faible.Mais
d’autres facteurs d’ordreéconomique
sont inter-venus
et ils n’ontpas
tardé,en
fait, à reléguerau second plan
ce qui avait été lacause
première.Les
conflits d’intérêtsétrangers.
Il est né,
en
effet,dans
cepays
qui faisaitun
si large appelaux concours du dehors pour
l’exploitationavantageuse
de ses richesses naturelles, des conflits très graves entre ses différents prêteurseux-mêmes.
Les
Etats-Unis étaient des voisins tropproches pour que
tant d’entreprises fructueusesne
les attirassent pas.Leurs
capitalistes sontvenus en grand nombre
jet ils se sont bientôt heurtés
à
leursrivaux
européens,j
Le choc
fut assezrude
eton
connaîtsuffisamment
les
tendances
impérialistes qui ontdominé
jusqu’à ce jour toute la politique desAméricains du Nord pour comprendre que
laconcurrence dans un pays
siproche du
leur eût tôt faitde
leursembler inadmis-
sible.
Ils oubliaient
du
reste,dans
leur ardeur,un
facteurimportant
toutà
faità
leurdésavantage
: la questionde
—
13—
race. Cette question, toujours sérieuse, -est plus
impor-
tanteque jamais aux
frontières et si le Latindu Sud
etdu Centre-Amérique n’aime guère V Anglo-Saxon de l’Amérique du
Nord, cetéloignement
devientau Mexi-
que de
l’hostilité,en
raisonmême du
voisinageimmédiat.
Les
Etats-Unis avaientune
autre raisonde
s’élever contre cette rivalité. L’ouvertureprochaine du
canal dePanama
les incitaità
s’assurer toutau moins une domination
d’influence sur lespays compris
entre leur frontièresud
et lazone du
canal.Le gouvernement du
général Porfirio Diaz, qui fut toujoursde tendances extrêmement
« nationales », prit desmesures importantes
quidéçurent grandement
lesAméricains du Nord.
Nous
citeronsseulement
trois questions,parmi beau- coup
d’autres, qui prirentune tournure peu conforme aux vues
des Etats-Unisrachat des Chemins de
fernationaux.
C’est d’abord la
grande œuvre de
l’ancien ministre des finances,M.
J.-Y.Limantour,
la réorganisation desChemins de
ferNationaux du Mexique. Ce remanie- ment assura au gouvernement mexicain
le contrôleabsolu de son système de
voies ferrées, contrôle qui échappait, ainsi,aux magnats
deschemins de
fer américains.Chemin de
ferde Tehuantepec.
Ce
fut ensuite laquestion du Chemin de
ferde
l’isthmede Tehuantepec.
Cette ligne avaitun
intérêt capitalpour
les Etats-Unis, car elle constituera tou- jours, quoiqu’on
puisse dire,une concurrence
sérieuseau
canalde Panama,
puisqu’elle raccourcit d’environ 3,000 milles le trajetde New-York à San-Francisco
et
qu’une
telle différencepeut compenser dans bien
des cas lesennuis du double transbordement du bateau
au chemin de
fer etdu chemin de
ferau
bateau.— U —
Elle fut construite
par
l’Etatmexicain, mais
la ges- tionen
fut confiée,par
contrat,au groupe Pearson de Londres.
Les terrains du Chamizal.
Enfin,
une
dernière question,moins
grave,mais
tout aussi irritante, fut la question ditedu
« Cliamizal ».Ges
terrainsdu Chamizal
sontceux
sur lesquelson
a construitun bon
tiersde
la villeaméricaine
de El Passo.Le
traitéde
1847ayant
fixé lecours du
rioBravo .comme
frontière naturelle, les terrainsdont
il s’agit étaient
à
cette datesur
territoiremexicain.
Depuis, le
cours du
rioBravo se
modifiapour passer
trèsau sud de son
lit primitif.Les Américains pen-
sèrentque
la frontière était toujours,malgré
samobi-
lité, le cours
même du
rio Bravo.En
conséquence-, ilss’approprièrent les terrains
compris
entre le litdu
fleuve
en
1847 et lecours
actuel.La
ville de ElPasso y
construisit ses plusbeaux
quartiers,malgré
lesréclamations du gouvernement
mexicain, qui préten- daitque
lafrontière véritable avait été fixéeau moment du
traité.On
décidade
s’en rapporter à l’arbitrage et lasentence rendue
accueillit la thèsemexicaine
et décida le retourau Mexique
des terrainsdu
«Cha- mizal
».En
fait, ilne
s’agitde
rienmoins, pour
les Etats-Unis,que d’abandonner
le plusbeau
tiers d’une très belle ville.Les Américains avaient vu avec faveur
larévolution madériste.
Pour
toutes ces raisons, lemouvement
révolution- naire de 1910,dont
le chef futM. Francisco Madero,
futenvisagé avec
faveurde
l’autre côtéde
la frontière et les questions d’ordre pratiqueque nous venons
d’ex-poser ne
furentpas
toutà
fait étrangères à lachute
du
général Porfirio Diaz.Le mouvement
d’agitation maderiste, qui avait bien ses originesdans
les récla-mations
agraires, fut aidé, sinonpar
l’appui directdes
—
15—
Etats-Unis, tout
au moins par uns
neutralité qui allait jusqu’à permettre,à
la frontière, lepassage sans
dis- cussionde
tout ce qui pouvait être utileaux
révoltésen armes
eten munitions.
Avec
lerégime 4e M. Francisco Madero,
lesAméri-
cainseurent un moment
l’espoirde
voir s’aplanir bien des difficultés.Au
pointde vue
financier, lenouveau gouvernement, sans
se séparer toutefoisdu concours
desbanquiers
franco-anglais,noua
des relations plus suivies avec lemarché de New-York
eten
particulieravec
lamaison
Speyer.Les Américains purent même
croire réglée,un
ins- tant, la questiondu Chemin
de ferde Tehuantepec. Le gouvernement de
Mi.Madero
était disposé,en
effet,à
résilier le contrat
de
lamaison Pearson au
prixd’une indemnité de
10 millionsde
piastres.On
parlait enfin d’en appelerde
lasentence
arbitraleau
sujetdu Chamizal.
Les événements
de février dernier et lenouveau changement
d’orientation de la politiquemexicaine
réduisirent ànéant
toutes ces belles espérances, puis- qu’ilsmarquaient, dans une
certainemesure,
le retouraux
traditions « nationalistes »de
l’avant-derniergou- vernement.
Aujourd’hui, enfin, la finance
américaine
doit tenir rigueurau Mexique de deux nouveaux
succèsrem-
portéspar
la financeeuropéenne,
lepremier à propos
des pétroles, lesecond au
sujetdes chemins de
fercommerciaux.
question des
pétroles.On
sait,en
effet,que
desdécouvertes
relativement récentes ont établi laprésence au Mexique de
gise-ments
pétrolifères d’une richesse tellement extraordi- naireque
ce pays,en deux ou
trois années, arrivepresque au second rang parmi
lesproducteurs de
pétrole.La Standard OU américaine
risquede
se trouver très—
16-
atteinte
par
cetteconcurrence de
voisinageimmédiat
et elle aurait voulu,en
tout cas, mettre lamain
sur lesgisements en
question.Ce
projet n’apu
se réaliserparce que
legrand
syndicataméricain
s’estrencontré
avec le puissant syndicat anglo-français qui a constitué la «Compania de
Petroleo ElAguila
S. A. »,dont
les fondateurs sont lamaison
anglaise Pearson, qui apour
chef actuel lordCowdray
etun groupe
françaisimpor-
tantgroupé autour de
lamaison Bénard
et Jarilowsky.Cette
Compagnie possède maintenant,
prèsde Tux- pam, un gisement de
pétroledont
lerendement
s’estmaintenu
plusieurssemaines à
100,000 barilspar
jour, alorsque
les meilleurs puits californiensdu
trustaméricain
n’ontjamais dépassé de quarante à
cin-quante
mille barils.Le contrat avec
la Sociétébelge des Chemins de
fersecondaires.
Au
pointde vue
deschemins de
fercommerciaux,
le
succès
a étéremporté par
les Belges qui ontobtenu du gouvernement mexicain un
contrat autorisant la SociétéBelge
desChemins de
ferSecondaires
àémet-
tre desbons dont
l’intérêt est garantipar
leGouver- nement
Fédéral,en vue de
la constructionde
près de 5,000 kilomètresde
voies nouvellesdans
différentes régionsde
laRépublique mexicaine.
Cette Société a passé diverses ententes avec d’importantsgroupes
français qui sontavec
elle .encommunauté
d’intérêts.La connaissance de
ces diversproblèmes
essentielle-ment économiques permettra de mieux comprendre
lesévénements
d’hiercomme ceux de demain.
Le
sentiment
d'hostilitédu Gouvernement des Etats-Unis contre
leMexique
n’estpas partagé par
lepeuple américain.
Il convient
cependant de poser
ce principe,sans
aucune
hésitation,que
l’hostilitédu gouvernement
des Etats-Unis contre legouvernement
actueldu Mexique
—
17—
n’est
pas
l’expressiondu sentiment
nationaldu peuple
américain.Ce
dernier, jusqu’ici toutau moins, malgré
les excitations desgroupes
intéressés,n’épouse pas
la querellede
ses financiers. Il n’y a rien làd’ana- logueau mouvement
national qui apoussé
à laguerre avec
l’Espagne, et Ifonpeut même
direque
l’anti- pathie réelledu Mexicain pour
leNord-Américain
n’apas
,son équivalent de l’autre côtéde
la frontière.ï facteur le
plus important de
l’agitationmexicaine
est tout entier
dans
cette luttede
l’influenceaméricaine contre
l’influence anglo-française.En résumé,
si ce serait vouloirdiminuer par
trop la portéede
la questionmexicaine que de ramener
ledébat à
ces seuls conflitséconomiques, on ne
saurait nierpourtant que
le facteur le plusimportant
des per- turbationssurvenues depuis
troisans dans
cepays
consisteprécisément dans
cette rivalitéde
la financeaméricaine
et de la financeeuropéenne, dans
cechoc
des intérêtsaméricains
et des intérêts anglo-français.Après
avoirdégagé
ce principe préalable,nous com- prendrons mieux
le jeu desévénements que nous
allons essayerde démêler maintenant,
d’abordau
seul pointde vue de
la politique extérieure mexicaine, et, enfin,dans
toutes sesconséquences
à l’intérieurde
cegrand
pays.2
—
18—
CHAPITRE
IIILe Mexique et les Etats-Unis.
La
diplomatie despays de
la vieilleEurope,
ily
aseulement une
vingtaine d’années,n’auraitjamais pensé qu’un
rôlequelconque pût
être jouedans
l’une des quatre autres partiesdu monde,
qui fûtde nature
à influerde
façon sensible sur les destinées des nations.Nos diplomates
ignoraientde
l’Afrique tout cequi
n’était ni l’Algérie ni l’Egypte ; ilsne
connais- saienten
Asieque
l’AsieMineure
et,quand
àl’Amé-
rique,jamais
ilne
leur seraitvenu à
l’idéeseulement de songer
à elle.Mais
lesévénements
ontmarché
et l’évolutionécono- mique mondiale
achangé
tout cela.Un peuple du nouveau monde
a étéde
l’avant, et sa parolecompte maintenant, non
plusseulement dans
des discussions internationales lointaines, mais,chaque
jour,dans
ledomaine diplomatique
; ce peuple, c’est la nationamé-
ricaine, ce sont les Etats-Unis.
Aussi
bien, desévénements
récents ont-ilsdémon-
tré
que
les plus vieilles nationsd’Europe pouvaient
trouver àNew-York
desappuis
certains ;appuis
qui,pour
être d’ordre financier, n’en avaientpas moins
la répercussion la plus directe et la plus considérable sur leurs destinées.Il est
donc
bien naturelque
les Etats-Unis s’efforcent à jouerdans
la questionmexicaine
le rôlede
tout pre-mier
plan qui leur revient d’ailleurs,en bonne
logi- que, tantdu
faitde
leur situationgéographique
qu’en raisonde
l’importance de leurs intérêtséconomiques.
—
19,es intérêts
américains au Mexique sont considérables.
Nous avons vu
déjà l’importance des intérêts fran- çaisau Mexique. Les
Etats-Unis ont,eux
aussi,engagé
des capitaux considérablesdans
les mines,dans
la métallurgie,dans
les industries diversesun peu sur
toute l’étenduedu
territoire mexicain,mais
surtoutau
nord.L’intervention
américaine dans
les affairesdu Mexi- que
étaitdonc un événement prévu
et inévitable.La
politique,avant
tout nationale,du nouveau gou- vernement ne
pouvaitque
contrecarrer leurs desseins.Il était
donc également
naturel de les voir entreren
lutte avec ce
gouvernement. Ce
sont lesphases de
cette lutte, lesmoyens employés
et les résultatsobtenus que nous devons
étudierdans
ce chapitre.L’attitude des Etats-Unis a
eu
toutau moins
lemérite de
la netteté.Ce
fut, toutde
suite l’hostilité déclarée.es
Etats-Unis refusent de reconnaître
legouvernement du général Huerta,
Le gouvernement
des Etats-Unis s’est refuséà
recon- naître lenouveau gouvernement du
généralHuerta que
toutes lespuissances européennes
avaientcepen- dant
accepté.Ce
refus,pour
êtreune
manifestation d’hostilité,ne
constituaitpourtant qu’une
manifestation d’hostilité passive.La
diplomatie américaine,même au
prix, quel- quefois, des plus lourdeserreurs,répugne à
cettepassi- vité. Elle vouluten
venirà
l’action.Pour
agir, il n’y avaitque deux méthodes
: Factionarmée,
c’est-à-dire l’intervention, et l’actiondiploma-
tique.La première méthode,
cellede
l’interventionarmée,
n’était
pas
applicable.On en
abeaucoup
parléà
cer- tainsmoment. Nombre de
gens,en Europe,
la croyait prochaine. Cette idée vientde
l’ignoranceque nous
avons
icide
la situation.Les personnes au courant
des chosesaméricaines
savaientqu’une
interventionarmée
-
20—
était de toute impossibilité et
ne
s'y arrêtaient pas.A
ce pointde
vue, la situation n’apas changé
et ellene changera
pas.L’intervention armée des États-Unis au Mexique
estimpossible.
Certes, il existe
aux
Etats-Unisun
parti disposé à l’interventionarmée.
Si lesmagnats
deschemins de
fer ont joué leur rôledans
la révolution mexicaine, si lespuissances de
l’industriedu
pétrole sont interve-nues dans
les luttes intestines,nombre de
gens,aux
Etats-Unis, estimentque
ces applications particulièresde
la diplomatiedu
dollarne donnent pas
les résultats précis et définitifsqu’on
tirerait d’une intervention.Et ceux qui pensent
ainsi s’agitent et sont puissants.Pourtant, il
ne semble pas
qu’ils puissent être écou- tés, car les Etats-Unis doiventrepousser
toute idée d’interventionarmée, à
la fois,pour
des raisons d’or- dre militaire etpour
des raisons d’ordreéconomique.
L’armée des États-Unis
n’atteintpas 50,000 hommes.
Il
ne
fautpas
oublier,en
effet,que
les Etats-Unis n’ontpas
d’armée.Même en
réduisantau minimum
lesgarnisons
indispensables sur différents pointsdu
terri- toire etaux
Philippines, ils n’arriveraientpas à
réunir plusde
40,000hommes,
c’esbà-direà
peine le quartde
ce qu’il faudraitpour
se lancer,avec quelques chan-
cesde
succès,dans une semblable
aventure.Le Mexique
n’estpas Cuba, où
l’indigène pouvait préférer bien desdominations à
ladomination
espa- gnole.Le Mexicain
estun peuple
librechez
lequel lesentiment
national est très vif. Ily
ade
plus, entrele
Mexicain
et leNord-Américain, une haine
de race quiva chaque
jouren
s’accentuant.Le Mexicain
aurait tôtfait d’oublier ses discordespour
se retourner contreun envahisseur
qui reste,malgré
tout, l’ennemicom-
mun
; il est toujours plusou moins
soldat, il sait sebattre, il connaît sa
montagne
; ce seraitune
lutte épui- sante et quine
finirait jamais.—
21—
Et d’ailleurs, si
même nous admettons un
instant qu’au prix de lourds sacrifices d’argent, les Etats-Unisparviennent
àgrouper une armée de
100à
150,000hommes, où
prendront-ils les officiers nécessairespour
la
commander
?On peut
trouver des soldats,mais
des cadresne
s’improvisent pas.C’est
donc
cettearmée, sans
chefs,sans
cohésion, quidevra envahir un pays mal connu, montagneux,
sou-vent
désertique ; c’est elle quidevra
parcourirquelque-
fois jusqu’à 300 kilomètres
sans
rencontrerune
goutte d’eau, harceléesans
cessepar un ennemi
qui reculeradevant
elle, fuiradans
samontagne
et réapparaîtra lelendemain.
Tout
cela, lesAméricains
le savent etde hauts
fonc- tionnaires n’ontpas
hésitéà
déclarerque
les Etats-Unis n’étaientnullement
préparés àune semblable
entreprise.„a
question japonaise.
Et
puis, ily
aencore
le Japon,qu’on
oubliepresque
toujours,
mais
quicompte,
qui veutcompter
d’ailleurs, et quicomptera.
Nous ne voulons pas
direpour
cela qu’il existeun
traité
ou une
ententequelconque
entre leMexique
et le Japon.On
l’a affirmé,on Ta
nié, celaimporte
peu,au
fond, carun
faitdomine
tout cela : l’antipathiedu Nord-Américain pour
leJaponais
et lahaine dont
leJaponais
paiede
retour leNord-Américain.
Les
incidentsde
Californie datent d’hier et ilsne
sontpas encore
réglés d’ailleurs, et c’est hier aussique
le
nouvel ambassadeur du Japon à Mexico a
étéreçu aux acclamations d’une
foule enthousiaste ; c’est hierencore que
leJapon
s’estempressé d’envoyer un de
ses croiseurs derrièreceux
qu’envoient lespuissances européennes dans
leseaux mexicaines
Que
les Etats-Unis soient obligés de concentrer tous leurs efforts sur leur frontièredu
sud,que
devient la Californie,que deviennent encore
les Philippines, placées làcomme pour
tenter lesJaponais
?La
lutte serait difficilepour
l’oncleSam
obligé d’aller se battreà
10,000 millesde
sa base.— 22 —
L’intervention
n’auraitque des conséquences fâcheuses pour
lesÉtats-Unis, même au
pointde vue économique.
Envisagée au
seul point devue
militaire,f
interven- tion seraitdonc une
folie, mais, si elle devait avoirpour conséquence une annexion quelconque
de terri- toiremexicain,
elle placerait Te cabinet deWashington devant de
redoutablesproblèmes économiques.
Pour
n’en citerqu’un
seul,nous
signalerons l’âpreté des luttes relativesau
maitiendu taux
des salaires,taux
qui reste toujourssupérieur
à2
dollarssur
ter- ritoire américain. S’il l’on reculait vers lesud
la fron- tière mexicaine,combien de
centainesde
milliers d’in- diensdo Sonora, de Ghihuahua ou
deNuevo Leon
seraient prêts à travailler
pour 50 sous par
jour ?L’intervention diplomatique des
États-Unis.L’intervention
armée
apparaissantdécidément
comme une
impossibilité absolue, l’intervention pure-ment diplomatique
était seule possible.Le
PrésidentWoodrow Wilson,
ainsique M. Bryan,
secrétaire d’Etataux
affaires étrangères, ont délibéré-ment assumé
lacharge
deconduire
la politiqueamé-
ricaine à l’égarddu Mexique.
A
vrai dire, ilne semble
pas, jusqu’à présent,que
le ministère d’Etat
de Washington
aitbrillamment
réussi.Sa
diplomatie semble,manquer singulièrement
de finesse etde
doigté, alorsque
l’attitudedu gouver- nement mexicain
a sudemeurer
trèsdigne à
l’exclu- sionde
touteprovocation comme de
toute faiblesse.Les
Etats-Unis ont persistédans
leur refusde
recon- naître legouvernement du
Président provisoire,géné-
ral Victoriano Huerta. Alors
que
toutes lespuissances européennes
ontprocédé à
cettereconnaissance
offi- cielle, les Etats-Unisprétendent ne pas y
consentir.Cependant,
ils ont laisséà
leurambassade de Mexico
un chargé
d’affaires etde nombreux
attachésqui
cor-respondent quotidiennement
avec les autoritésmexi-
caines.i
mission de M.
J.Lind, Agent
confidentiel.Ils ont
même innové dans
lesusages diplomatiques en imaginant
l’envoiau Mexique
d’unagent
confiden-tiel,
chargé
toutefois d’unemission diplomatique
offi- cielle.Cet
agent
estM
1. J. Lind, qui se rendit àMexico, non pas comme
représentantdu gouvernement
des Etats- Unis,mais comme
représentantdu
PrésidentWilson.
La
distinction était d’une subtilité toute nouvelleen
diplomatie.Nous ne donnerons pas
ici le détailde
lamission
deM.
Lind. C’estun
incident de l’histoiremexicaine
tropimportant pour
risquer d’endiminuer
la portéepar une
interprétationquelconque.
Nos
lecteurs trouverontaux annexes
le texte intégral des noteséchangées
entreM.
J. Lind, d’une part, etM.
F.Gamboa,
alors ministre des affaires étrangères,au nom du gouvernement
mexicain, d’autre part.\ politique
américaine
est toute d’hostilitépersonnelle contre
legénéral Huerta.
La
lecturede
cesdocuments donne
la plushaute
idéede
la dignité parfaitedu gouvernement mexicain
à cesheures
difficiles.Elledonne également
l’impressiontrès netteque
la politiqueaméricaine ne
visepas
telleou
telle théorie politique
ou économique, mais seulement
la
personne même du
Président provisoire, le général Victoriano Huerta.Tout
l’effort dela diplomatiemexicaine tend à
écarter sapersonne sans
vouloir considérerqu’une semblable
attitude estune
atteinte directeà
la souveraineté natio- nale età
l’indépendancedu Mexique.
M.
F.Gamboa
a trèsremarquablement
souligné toute l’étrangetéde
pareilsprocédés
et sesdeux
répon- ses, qu’on lira plus loin,demeureront comme
desmodèles
de dignité et de fermeté diplomatiques,— 24 —
La mission de M.
J.Lind, qui
étaitune
atteinte à lasouveraineté nationale du Mexique, n’a pas donné de
résultat pratique.En
fait, lamission de M. Lind
n’adonné aucun
résultat pratique. Elle
a seulement engagé davantage
le ministère d’Etat
de Washington dans
l'impasseoù
ils’estjeté
de son
plein gré.Les événements survenus depuis
lui fournirontsans doute un moyen
d’en sortir.Les puissances
euro-péennes
ont biencompris que
la questionmexicaine
était d’intérêt
mondial
et la décision qu’elles ont prise d’envoyer des naviresdans
leseaux mexicaines
apour but
demarquer nettement
leur désirde ne
pas laisseraux
Etats-Unis le soind’agirpour
leurcompte.
La
conversationdiplomatique
générale quiva
s’en-gager permettra aux
Etats-Unis,de
modifier leur atti-tude d’accord
avec
lespuissances
etde sauver
ainsi leuramour-propre
national, puisqu’ilsn’auront plusl’airde
céderdevant
le seulMexique.
Les États-Unis
s’obstinentdans leur
hostilitécontre
lapersonne même du Président
provisoire.Cependant,
il faut bien direque
les indicationsdonnées par
la diplomatieaméricaine au lendemain
de la consultation électoraledu
26 octobresemblent marquer une
regrettable obstination à vouloir inter- venirdans
la politique intérieure mexicaine.Un câblogramme
particulierdu Herald
, publié le
29 octobre dernier,
nous
paraît, à cet égard, tellement significatifque nous croyons
devoir le reproduire tout entier :Washington, mercredi.
— La
situation,en
ce qui concernele Mexique, reste stationnaire, en attendant
que
le présidentWilson
se soitprononcé surla politiquequ’il veutadopter.Bienqueje
ne
trouve personnequiprenne laresponsabilitéde
déclarer qu’il connaît la forme définitivedu programmé
que s’esttracéleprésident, oncroit généralementqu’ilespère trouver une issue autre que l’intervention ou autre que la—
25—
seule alternative qui reste, c’est-à-dire une sorte de recon- naissance
du
parti constitutionnel.Le
présidentWilson met
toujours son espoir dans la per- suasion morale et estconvaincu que, sans l’appui directou
occasionnel des puissanceseuropéennes, le président Huertane
pourra pas durer longtemps encore.Dans
les milieuxgouvernementaux
officiels, on espère qu’avec l’appui des gouvernements européens, les Etats-Unis arriveront à exercerune
pression suffisantepour amener
le généralHuerta à démissionneretquel’onpourra parla suite mettre lamain
surun
président provisoire que toutes les factions politiques pourront accepter.Au
ministère des affaires étrangères, on estime que la démission de M. Miguel Covarrubias, ministredu Mexique
à Saint-Pétersbourg, indique que leséléments sérieux sont sur le point d’abandonner Huerta.M. Govarrubias est l’un des rares
hommes
d’Etat mexi- cains dont le choix en qualité de président provisoire serait agrééparleschefs du parti constitutionnel. Il se peut que sa démission aitun
rapport avec l’éventualité d’une pareilledésignation.
Le
parti constitutionnel espèreque
la situation se résoudra parle faitqu’on reconnaîtraM.
Carranza.M. Roberto Pesqueria,
membre du
Congrès mexicain, a quittéHermosiMo
pour Washington, apportant au gouverne-ment
des Etats-Unis des dépêches deM.
Carranza.On y
trouve l’exposé de la politique et des desseins de M. Car- ranza, documents qui avaient été réclamés par le président Wilson.
es
puissances doivent
résisterà
latendance des
Etats-Unis à vouloir
intervenirdans
la politique intérieuredu Mexique.
Il n’est pas niable
que
le faitde
vouloir obliger legénéral
Huerta
àdémissionner équivaut
àprendre
partipour
les constitutionnalistes.Si l’on
veut
resteren dehors
des rivalités politiques, qui trouverait-on, d’ailleurs,pour
leremplacer
?On ne
peutsonger au
général Carranza. D’autre part,M. Miguel
Covarrubias,dont
il est parlédans
ce câble, estconnu,
depuis l’originedu mouvement, pour son
attachement
à lacause
constitutionnaliste ; sidonc on
comprend que
ce parti puisseadmettre
volontiers sa—
26candidature,
on peut
être assuréque
lesgouverne- mentaux
n’envoudront
pas.On
se retrouve alorsdevant
la difficultépremière
et
on ne
l’éviteraqu’en
laissant régler cette questionmexicaine par
lesMexicains eux-mêmes
eten
obser-vant
la plus stricte neutralité.C’était là ce
qu’on
devrait désireravant
tout.Le Foreign
Officede Londres
l’a compris, c’est lui le pr<mier qui
apris l’attitude nécessaire.Nous croyons
avoirdémontré
déjàque
lefond du problème mexicain
consisteen une
rivalité des intérêtsnord-américains
eteuropéens.
Ilne
doity
avoirdans
cette lutte pacifique ni
vainqueur
ni vaincu,mais son
résultatdevra déterminer
les droitsde chacun
et laisser joueren
toute liberté laconcurrence économique, sans
que
rien puisseavantager
les uns, nidécourager
les autres.—
27—
CHAPITRE IV
f
La Situation intérieure.
Il est nécessaire d’exposer ici la situation intérieure
du Mexique pour mieux comprendre
ensuite sa situa- tion financière etpour envisager en
pleine connais-sance de cause
l’influenceque
lesévénements mexi-
cainspeuvent
avoir sur les intérêts français.Pour
les raisons indiquées déjà,au début de
cette étude, l’exposédont
il s’agit est assez délicatà
établir.Il faut essayer
de démêler
la part exactede
véritédans
les nouvelles
parvenues
viaNew-York ou
viaWashing-
ton,
comme
il faut,en
outre, dépouiller les câblesreçus directement
deMexico
de cetoptimisme de rigueur dans
lescommunications
officielles.politique intérieure
du Mexique ne regarde que
les exicains.Il
convient également de
segarder de
toute idéepréconçue,
afinde demeurer
spectateur impartial,sinon
indifférent.La
politiquemexicaine regarde
les Mexicains.Nous ne pouvons que
suivre ses manifes- tationsdans
lamesure où
elles risquentde toucher
ànos
intérêts.Pour
nous, legouvernement du Mexique
est légitime lorsqu’il assure
normalement
les relationsdiplomatiques
internationales etnos sympathies
lui sont acquises tant qu’ilpermet
le libre jeude nos
rapportséconomiques
avec lepays dont
ila
la charge.Le
général Victoriano Huerta
est président provi- soire des Etats-Unisdu Mexique depuis
lemois de
— 28 —
février 1913.
On
verraaux annexes comment
s’est effectuéeson
entréeen
fonctions.Le nouveau
président aassumé, en prenant
lepouvoir, la
double
tâche de réaliser la pacificationdu pays
et de faireprocéder à
des électionsaux
fonc- tionsde
président etde
vice-présidentde
laRépu-
blique.
La
pacificationdu pays
estune œuvre de longue haleine La première
de ces tâches, la pacificationdu
pays, étaitune œuvre
delongue
haleine. Ses difficultés s’aug-mentaient du
faitde
la situation difficiledu Trésor dont
les caisses avaient étéà peu
près vidéespar
la lutteque
legouvernement de M. Madero
avaiteu
lui-même à
soutenir contre les rebelles.Cependant,
le généralHuerta
a semblé, dès l’abord, toutà
faitcapable de dominer une
pareille situation, et tous lesMexicains
sesouvenaient de
la bellecam- pagne
qu’il avaitmenée
l’annéeprécédente au Chihuahua, campagne au
cours de laquelle ilput donner
toute lamesure de son
sang-froid,de
saméthode
etde son
extraordinaire ténacité.Le problème
consistaità
faire rentrerdans
l’ordredeux
catégories de révoltés,ceux du Nord
etceux du Sud.
Nous avons exposé dans un précédent
chapitre les origines agraires des troublesdu Mexique
et le rôle des divers facteurséconomiques dans
leur développe-ment
considérable.Nous
n’yreviendrons
pas.Toutefois,
nous marquerons
ici la différence très nette qui existe entre les révoltésdu Nord
et les révol- tésdu Sud.
Le zapatisme
estune
«jacquerie
»qui a
vitetourné au banditisme pur.
Ceux-ci, qui
opèrent
plusspécialement dans
leMore-
los, le
Guerrero
et quelquefoismême dans
l’Etatde
Mexico,
sontmoins
des révolutionnairesque
des—
29—
Révoltés. Ils ont prétexté,
eux
aussi, des revendications agrairespour entamer une campagne de
pillagesans but
social déterminé. C’estune
jacquerie qui a très vitetourné au banditisme
pur.Les
« zapatistes »,comme
on
les appelle,du nom de
leur chef, l’insaisissable Zapata, sontdes
incendiaires,des
pilleurs d’haciendas, des voleursde grand chemin,
qui n’ontaucune
notion d’unbut
politiquequelconque.
Ils pillaient
sous
legouvernement de Madero,
ils veulent pillerencore sous
celuide
Huerta.La
pacifi- cation,de
ce côté,ne peut donc
êtrequ’une
répressionméthodique, une
opération de police,dont
lanature
même du pays
a faitune œuvre de longue
haleine,mais
quine
nécessiteque du
sang-froid,de
la patience et de l’énergie.Depuis
huit mois, legouvernement
provisoire a poursuivi avec ténacitél’accomplissement de
cettebesogne.
Venustiano Carranza
et le parti constitutionnaliste.La
révoltedu Nord
aune
tout autre allure.Le
chefen
estun ancien membre du Sénat
mexicain, le géné- ralVenustiano
Carranza,qui gouvernait
l’Etat deCoahuila
sous la présidencede M. Francisco Madero.
M. Carranza
s’est refuséà
reconnaître legouverne- ment
provisoiredu
généralHuerta
et a soulevé contre lui toutes les forcesde
l’Etat qu’il gouvernait. Il a pris lacampagne
et tous leséléments
turbulents des régions voisines de la frontière américaine, ces élé-ments
qui, après s’être soulevés contreDiaz avec Made-
ro, se révoltèrent ensuite contre
Madero
avecPascual
Orozoo, cesmêmes éléments
se joignirentau
gouver-neur
qui entraiten
lutte contre le président Huerta.Ce mouvement, né au
Coahuila, agagné Durango
etSonora. M. Larranza,
se refusantà
reconnaître la léga- lité de l’élévationau pouvoir du
général Huerta, s’est déclaré lechampion
de la Constitutionmexicaine. Son
parti s’est intitulé Parti constitutionnaliste
mexicain.
Et
les hostilités sepoursuivent
depuis huit mois.—
30—
La
luttecontre
les rebellesdu Nord ne ressemble en
rienà nos guerres européennes.
Avant
de s’étonner de lalongueur
d’unesemblable
lutte, il faut essayer de se faire
une
idïïë exactede
cescampagnes
quine ressemblent en
rienà nos
guerreseuropéennes. La nature meme du pays en impose
les conditions principales.En
jetant lesyeux
sur la carte de lapage
60,on
voitque
les rebelles tiennent lepays précisément dans
la région lamoins peuplée du Mexi-
que,où
lesagglomérations de quelque importance
sontsouvent
séparées lesunes
des autrespar
des centainesde
kilomètres.La guerre
consisteà couper
les routes et les lignes dechemins
de fer.La besogne
est facile, carune
dizained’hommes, cachés dans
lamontagne,
suffisentà. faire sauter
un pont à un
pointquelconque
de la ligne, qui traversesouvent pendant des heures
entières des régionsabsolument
désertes (1).Les
villesou
lesagglomérations
voisines,avec
la petitegarnison
quipeut
les occuper, se trouvent ainsi séparées de leur point d’appui. Ellesdeviennent
alorsune
proie facilepour
les rebelles, qui s’enemparent,
lesoccupent
quel-ques
jours, lèventsur
les habitantsdes
contributions forcées et les quittentprécipitamment
dèsque
les forces fédérales,ayant
réparé les voiesde communi-
cation,
peuvent
enfin faire leur réapparition.De semblables
conditions expliquentsuffisamment
la lenteur obligatoirede
la pacification, quine peut
s’accomplirque par une progression
lente,venant du
centre etn’avançant
vers lenord
qu’après avoirassuré
(1) C’est ainsi que tous les voyageurs qui ont utilisé la ligne de.Laredo à Mexico comprendront avec quelle facilité les rebelles peuvent interrompre le trafic sur cette ligne.
Même
sans occuper enfait aucune des parties des territoires qu’elle traverse, il suffità
une de leurbande
de faire une incursion de ce côté et àun
seul de leurshommes
de se glisserjusqu’àla voie entre deux patrouilles fédérales : une•seule cartouche de dynamite et lavoie est de