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La gestion contractuelle du droit à l'image des sportifs

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La gestion contractuelle du droit à l'image des sportifs

DE WERRA, Jacques

DE WERRA, Jacques. La gestion contractuelle du droit à l'image des sportifs. In: Rigozzi,

Antonio, Sprumont, Dominique, Hafner, Yann. Citius, altius, fortius. Mélanges en l'honneur de Denis Oswald . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2012. p. 243-258

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:24390

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La gestion contractuelle du droit à l’image des sportifs

par

J

ACQUES DE

W

ERRA*

I. Introduction

La carrière riche et variée de DENIS OSWALD lui a permis de s’intéresser à de nombreuses facettes du droit du sport, et ce, sur les plans tant scientifique que pratique. Il a en particulier eu l’occasion de se pencher il y a déjà une vingtaine d’années sur la thématique épineuse du droit à l’image des sportifs (dans le cadre de contrats de sponsoring) en siégeant dans un tribunal arbitral institué sous l’égide du Tribunal Arbitral du Sport1. Sachant ainsi ses intérêts et ses compétences dans cette matière, l’objectif de la présente contribution est de faire le point sur la gestion contractuelle du droit à l’image à la lumière de certains développements récents de la jurisprudence suisse2 et étrangère3 ainsi que de la doctrine4, et tout particulièrement d’un récent arrêt rendu par le Tribunal fédéral

* Professeur ordinaire de droit des obligations et de droit de la propriété intellectuelle, Faculté de droit de l’Université de Genève.

1 Sentence arbitrale 91/45 (1992), publiée in : Recueil des sentences du TAS 1986-1998, REEB MATTHIEU

éd., 1998, p. 19 ss.

2 ATF 136 III 401, JdT 2011 II 508 (présenté et analysé sous II ci-dessous) ; voir aussi les arrêts concernant le droit à l’image dans le domaine sportif du TF 4A_94/2011, et du Tribunal cantonal du Valais, RVJ 2007, p. 239.

3 Voir l’arrêt de la Court of Appeal (Civil Division) du 1er décembre 2011, Proactive Sports Management v Wayne Rooney and others, [2011] EWCA Civ 1444, qui concerne la gestion des droits à l’image du footballeur Wayne Rooney ; voir aussi les arrêts allemands concernant un contrat d’équipement sportif rendus par le Landgericht Düsseldorf du 17 juin 2009 (réf. 12 O 441/08) et, sur appel, par l’Oberlandesgericht Düsseldorf du 26 avril 2010 (réf. I-20 U 117/09).

4 Pour la Suisse, voir récemment MANAÏ STÉPHANE, Les attributs de la personnalité du sportif et leur commercialisation dans le contexte du contrat de sponsoring individuel, thèse Lausanne 2008 ; ROUVINEZ

JULIEN, La licence des droits de la personnalité, thèse Lausanne 2011 ; MEYER CAROLINE B., Privatrechtliche Persönlichkeitsrechte im kommerziellen Rechtsverkehr, thèse Bâle 2008 ; voir aussi l’ouvrage collectif édité par Blackshaw Ian S./SIEKMANN ROBERT C.R., Sports Image Rights in Europe, TMC Asser Press La Haye 2005, et le chapitre concernant la Suisse figurant dans cet ouvrage rédigé par TROLLER KAMEN, Chapter XVII : Switzerland, p. 301 ss ; à l’étranger, voir CARON CHRISTOPHE, Les contrats d’exploitation de l’image de la personne, in : L’image, Journée nationale Tome VIII/Grenoble (Actes du colloque organisé le 20 juin 2003 à l’Université de Grenoble par l’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française), Paris Dalloz 2005, p. 95 ss ; CASTALDI CAROLE,

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concernant un contrat relatif à l’exploitation de l’image d’une personne (ci-dessous II). On esquissera ensuite certaines réflexions quant à la gestion contractuelle du droit à l’image des sportifs (ci-dessous III).

II. L’ATF 136 III 401

A. Les faits

Dans un arrêt du 27 mai 20105, le Tribunal fédéral a tranché que le droit à l’image d’une personne pouvait être valablement cédé par contrat. Dans cette affaire, notre Haute Cour avait à juger si une mannequin qui avait accepté de poser pour des photographies (que l’on qualifiera de roses) et avait ainsi autorisé par contrat une agence d’escorte et de production de films érotiques à exploiter les droits sur ces images et sur un film érotique qu’elle avait tourné pouvait valablement faire cesser l’usage de ces photographies et du film sans devoir s’acquitter du montant qui avait été convenu en cas de résolution anticipée du contrat6. Les parties avaient en effet convenu par contrat7 que le mannequin cédait de manière irrévocable ses droits à l’image et sur le film en vue de la divulgation et de la commercialisation des photos et du film et s’engageait en cas de diffusion de ces images à ne pas faire valoir de prétentions envers quiconque. Le contrat permettait en outre à l’agence d’utiliser, de sauvegarder et d’exploiter les images sans aucunes restrictions L’exploitation commerciale de l’image des personnes physiques, Bruxelles 2008, Bruylant; BLACK

GILLIAN, Publicity Rights and Image Exploitation and Legal Control, Oxford Hart Publishing 2011 ; la présente contribution n’a pas pour but d’évoquer la question de la protection du droit à l’image comme telle, à ce propos, voir p. ex. DESSEMONTET FRANÇOIS, Le droit à sa propre image : Droit de la personnalité ou droit à la publicité, in : Mélanges en l’honneur de Jacques-Michel Grossen, Bâle 1992, p. 41 ss.

5 ATF 136 III 401, JdT 2011 II 508 (la présentation et l’analyse de l’arrêt qui est faite dans la présente contribution se fonde sur la version originale de l’arrêt – rédigé en allemand – en raison de l’intérêt présenté par la terminologie qui y est utilisée) ; vu son importance, il n’est pas étonnant que cet arrêt ait fait l’objet de commentaires doctrinaux, voir AEBI-MÜLLER REGINA E., Medialex 2010, p. 225 ; idem, Grenzen des Bildnisschutzes – überwiegendes Interesse des Versicherers an der Observation eines Geschädigten und Rückzug einer Einwilling zur Publikation erotischer Bilder im Internet, RJB 147/2011, p. 330 ss (cité : AEBI-MÜLLER, RJB) ; HAAS RAPHAËL, Einwilligung in eine Persönlichkeitsverletzung ohne Widerrufsmöglichkeit, in : Jusletter 15 novembre 2010, par. 18 ss.

6 Sous la forme du paiement d’un « Rücktrittsgebühr » d’un montant de 390 fr.

7 A la lecture du résumé des faits figurant dans l’arrêt du Tribunal fédéral, il apparaît que plusieurs contrats ont été conclus entre les parties (un contrat d’intermédiaire, un contrat de modèle et un contrat de production et de distribution de films et de photos) sans que cet élément n’ait eu de conséquence sur le plan juridique.

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géographiques ni temporelles. Il prévoyait enfin que le mannequin pouvait résoudre le contrat de manière anticipée en payant un montant convenu.

Le mannequin avait alors attaqué en justice son ex-agence d’escorte en faisant valoir une violation de son droit de la personnalité, et ce avec succès devant les deux juridictions cantonales successivement saisies du dossier8. Sur recours de l’agence d’escorte, le Tribunal fédéral a au contraire décidé que le mannequin ne pouvait pas se prévaloir de la protection de la personnalité et qu’il était tenu par les engagements contractuels qui avaient été pris.

Même si cet arrêt du Tribunal fédéral a été rendu dans des circonstances factuelles particulières qui se distinguent assurément du domaine sportif, force est de constater qu’il soulève des questions importantes tenant à la nature et aux limites des contrats portant sur l’exploitation de l’image. A ce titre, il est susceptible d’avoir un impact dans le monde du sport professionnel, de sorte qu’il paraît utile de l’analyser de manière plus détaillée.

B. L’analyse du Tribunal fédéral

Après avoir constaté que le mannequin était objectivement susceptible d’être identifié sur les photographies concernées, de sorte qu’une violation de son droit de la personnalité (droit à l’image) était envisageable, le Tribunal fédéral s’est concentré sur la question du consentement donné par le mannequin à l’atteinte à son droit à l’image et a rappelé la règle légale selon laquelle une atteinte à un droit de la personnalité est illicite, à moins qu’elle ne puisse être justifiée (notamment) par le consentement de la victime (art. 28 al. 2 CC).

A cet égard, le Tribunal fédéral a suivi une frange de la doctrine qui admet que certains droits de la personnalité, comme le nom, la voix et l’image – qui ne font pas partie du noyau dur de l’existence humaine9 –, peuvent faire l’objet d’engagements « contractuels et irrévocables »10. Dans ces circonstances, il a considéré que, compte tenu de l’importance prise dans la société actuelle par la commercialisation des attributs de la personnalité, il serait totalement inadéquat11 de soutenir que le « consentement à une cession des droits à l’image »12 ne pourrait pas faire l’objet d’un accord contractuel contraignant et pourrait être

8 Bezirksgericht de Baden et Obergericht du canton d’Argovie.

9 « Kernbereich menschlicher Existenz » consid. 5.2.2 (voir les auteurs cités par le Tribunal fédéral au début de ce considérant).

10 « Gegenstand von vertraglichen und unwiderruflichen Verpflichtungen », cette formule étant identique à celle figurant dans la thèse de RAPHAËL HAAS, Die Einwilligung in eine Persönlichkeitsverletzung nach Art. 28 Abs. 2 ZGB, thèse Lucerne 2007, p. 284 par. 802.

11 ATF 136 III 405 : « lebensfremd ».

12 ATF 136 III 405 : « die Einwilligung zur Abtretung der Rechte am eigenen Bild ».

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librement révocable en tout temps13. Il a estimé à cet égard que cette approche devait s’appliquer non seulement aux personnalités célèbres qui mettent à disposition leur nom ou leur image à des fins commerciales dans le cadre de contrats de licence, mais aussi à toutes personnes, notamment celles participant à des productions « plus modestes »14 (selon la terminologie pudique du Tribunal fédéral), ces dernières pouvant également être motivées à conclure de tels contrats par intérêt financier.

Notre Haute Cour a constaté que cette solution s’imposait afin que de tels contrats (portant sur l’exploitation de droits de la personnalité) ne soient pas laissés dans une situation de vide juridique15.

Le Tribunal fédéral a en outre balayé l’argument selon lequel admettre la validité d’un engagement contractuel couplé à une obligation de payer une indemnité de résolution reviendrait au même résultat que d’admettre une libre révocation du consentement en tout temps conditionnée à une obligation de réparer le dommage (conformément à l’art. 404 al. 2 CO)16. En effet, la fixation d’une indemnité contractuelle due en cas de résolution du contrat est beaucoup plus aisée à mettre en œuvre en comparaison des difficultés liées à la détermination judiciaire d’un dommage, le Tribunal fédéral soulignant à cet égard que la multiplication de ce genre de contrats notamment grâce à Internet invite à trouver des solutions claires. En outre, du point de vue du fardeau de la preuve, la solution préconisée par le Tribunal fédéral a pour avantage de faire en sorte qu’il appartient à la personne qui souhaite revenir sur son engagement contractuel de démontrer les circonstances lui permettant d’éviter le paiement de l’indemnité convenue et pas au partenaire contractuel (exploitant l’image) de prouver le dommage subi suite à la révocation du consentement.

En synthèse, le Tribunal fédéral en a conclu que les engagements contractuels sur la base desquels le droit à l’image d’une personne était cédé sont valables17. Par conséquent, des clauses contractuelles prévoyant une indemnité de résiliation ne sont pas illicites comme telles. Ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles qu’il sera possible de déroger à ces principes.

Sur cette base, le Tribunal fédéral a constaté que le mannequin avait valablement donné son consentement et avait compris la portée de l’engagement qu’elle avait pris, le consentement étant ainsi jugé concret et spécifique (les images ayant été utilisées conformément au but qui était connu et avait été accepté par le mannequin).

13 Comme le soutient une partie de la doctrine citée par le Tribunal fédéral (ATF 136 III 405 consid. 5.2.2).

14 ATF 136 III 406 : « Es muss aber auch für Personen gelten, die sich wie hier an bescheideneren Produktionen beteiligen ».

15 ATF 136 III 406 : « im rechtsfreien Raum ».

16 ATF 136 III 406.

17 ATF 136 III 406 : « 5.2.3 Es ist deshalb im Ergebnis von einer grundsätzlichen Zulässigkeit von vertraglichen Verpflichtungen auszugehen, durch welche das Recht am eigenen Bild veräussert wird ».

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Notre Haute Cour s’est ensuite attachée à vérifier que l’engagement pris par le mannequin ne heurtait pas l’art. 27 CC et a constaté que tel n’était pas le cas, en relevant notamment que cet dernier avait cédé son droit à l’image contre rémunération18, en ayant pleinement conscience du but de la mise à disposition des images qui avaient été prises et en ayant un intérêt financier propre à la mise à disposition de celles-ci. Le Tribunal fédéral a constaté dans le même temps que le contenu du contrat concerné ne violait pas l’art. 20 CO, les activités faisant l’objet du contrat ne heurtant pas la conception actuelle des bonnes mœurs, compte tenu notamment de la large diffusion de contenus pornographiques sur Internet19.

Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral a constaté qu’aucun élément ne permettait de justifier une résiliation inconditionnelle du contrat qui aurait pu libérer le mannequin de l’obligation contractuelle de payer l’indemnité de résiliation convenue.

C. Commentaire

On doit tout d’abord saluer la décision prise par le Tribunal fédéral qui a fait preuve d’un réalisme bienvenu en reconnaissant l’importance pratique (et commerciale) des contrats portant sur l’exploitation du droit à l’image et la nécessité de leur donner un cadre juridique clair, et en décidant sur cette base que le droit à l’image peut faire l’objet d’engagements contractuels qui ne sont pas librement révocables.

On peut toutefois regretter que notre Haute Cour ne se soit pas arrêtée de manière plus détaillée sur la qualification du contrat d’exploitation du droit à l’image qui avait été conclu entre le mannequin et son agence. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral semble20 en effet s’être fondé sur la terminologie utilisée par les parties dans le contrat en vertu duquel le mannequin paraît avoir cédé ses droits à son image à son agence21, ces droits pouvant être

« rachetés » contre paiement d’une indemnité22. Ce faisant, il n’a pas remis en cause le rattachement du contrat à un modèle de cession de droit à l’image respectivement de vente de droit à l’image (ce rapprochement résultant aussi de la mention du « rachat » de ces droits).

18 ATF 136 III 409 : « In diesem Zusammenhang ist zunächst darauf hinzuweisen, dass die Beschwerdegegnerin ihre Bildrechte entgeltlich abgetreten hat ».

19 ATF 136 III 409.

20 Ce n’est pas une certitude dès lors que l’état de fait retenu par le Tribunal fédéral dans l’arrêt ne cite malheureusement pas le texte même du contrat litigieux.

21 ATF 136 III 403 : « Durch den Vermittlungs- und den Model-Vertrag übertrug Y. die Rechte am Bild bzw. Film für die Veröffentlichung und den Vertrieb der Foto- und/oder Filmaufnahmen unwiderruflich der Agentur […] ».

22 ATF 136 III 403 « Ein Rückkauf der Rechte war gegen Bezahlung einer Entschädigung möglich […] ».

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Or, la figure juridique de la cession ne reflète pas la nature juridique du contrat concerné. En effet, lorsqu’une personne autorise contractuellement un tiers à utiliser son image ou un autre attribut de sa personnalité, ceci ne peut être qualifié de cession du droit de la personnalité correspondant, mais doit bien plutôt être considéré comme une licence23. En effet, il est acquis que les droits de la personnalité sont incessibles24, la doctrine soulignant avec raison que le droit de la personnalité ne peut logiquement pas être totalement détaché de son titulaire, ce qui serait le cas si la figure de la cession était admise25. Une personne qui concède à une autre le droit d’utiliser des images d’elle-même (p. ex. sous forme de photographies) exerce son droit de la personnalité et consent ainsi aux atteintes à la personnalité au sens de l’art. 28 al. 2 CC. Ce consentement constitue le fondement d’une licence d’utilisation. Une telle autorisation qui porte sur l’usage d’un bien immatériel (certes pas protégé par une réglementation de propriété intellectuelle, mais par le droit civil général) et qui s’étend sur une certaine durée, à l’image d’une licence en matière de droit de la propriété intellectuelle, fait qu’un tel contrat doit être qualifié de contrat de licence.

Il aurait ainsi été adéquat que le Tribunal fédéral qualifie de licence le contrat conclu entre les parties, même si les parties s’étaient référées à une cession de droits. On sait en effet assez que la terminologie contractuelle utilisée par les parties ne peut être déterminante (art. 18 CO). Il n’est d’ailleurs (malheureusement) pas rare qu’il soit délicat de distinguer une cession de droit d’une licence en matière de propriété intellectuelle, tout particulièrement en droit d’auteur, le Tribunal fédéral ayant déjà requalifié en licence un contrat portant donation de droits d’auteur26.

Quoi qu’il en soit, comme tout contrat de durée, un contrat de licence peut être résilié pour justes motifs, soit lorsque, selon les règles de la bonne foi, la continuation des rapports contractuels ne peut plus être exigée de la partie qui souhaite résilier27. Ainsi, un

23 Voir notamment BÜCHLER ANDREA, Persönlichkeitsrechte als Vertragsgegenstand ?, in Aktuelle Aspekte des Schuld- und Sachenrechts, Festschrift für HEINZ REY zum 60. Geburtstag, Zurich 2003, p. 177 ss, p. 184 ; BRÜCKNER CHRISTIAN, Das Personenrecht des ZGB, Zurich 2000, no 449, p. 132 ; voir aussi MANAÏ STÉPHANE, op. cit., p. 605 ; HAAS, op. cit. (note 11), p. 348 par. 965.

24 ATF 118 II 1, 5 ; ATF 134 II 260, 264 ; voir aussi MANAÏ, op. cit., p. 578 ; ROUVINEZ, op. cit., p. 53 par. 170 et la doctrine citée en note 264.

25 BÜCHLER, op. cit., p. 192 ss.

26 Voir TF 4C.313/2002, consid. 5.2, qualifiant de licence de droit d’auteur un contrat par lequel une partie

« donnait son copyright » à l’autre.

27 Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, récemment confirmée dans l’arrêt du TF (destiné à publication aux ATF) 4A_589/2011 consid. 7 ; TF 4A_148/2011 du 8 septembre 2011 consid. 4.3.1 ; ATF 128 III 428 ; ATF 122 III 262 ; on peut parvenir à la même conclusion sous l’angle de l’appréciation de la protection fondée sur l’art. 27 al. 2 CC, voir AEBI-MÜLLER REGINA E., Personenbezogene Informationen im System des zivilrechtlichen Persönlichkeitsschutzes, Berne 2005, p. 111 no. 220.

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contrat de licence d’exploitation de l’image d’une personne est résiliable pour justes motifs28.

La doctrine relève à cet égard qu’il conviendra d’apprécier avec une plus grande flexibilité l’existence de justes motifs et donc d’admettre plus facilement de tels motifs pour un contrat mettant en jeu des droits de la personnalité29. S’agissant en l’espèce d’un contrat portant sur l’exploitation d’images érotiques, on doit considérer que le seuil d’admission de justes motifs pourrait être placé relativement bas, dès lors qu’il paraît légitime qu’une personne ayant consenti à l’exploitation commerciale de ces images puisse résilier un tel contrat, particulièrement lorsque le contrat concerné a été conclu pour une durée indéterminée (comme c’était le cas en l’occurrence). On rappellera à ce propos que les justes motifs de résiliation d’un contrat peuvent aussi relever de la protection des intérêts personnels de la personne concernée et ne sont ainsi pas limités aux seuls intérêts financiers30.

C’est donc à l’aune de justes motifs éventuels de résiliation du contrat de licence d’exploitation de l’image du mannequin que le Tribunal fédéral aurait pu examiner la possibilité de résilier ce contrat de manière anticipée, sans que le mannequin soit tenu d’acquitter le montant contractuel convenu.

On relèvera sous cet angle que la terminologie apparemment utilisée dans le contrat concernant l’indemnité convenue en cas de fin anticipée du contrat a aussi pu avoir une certaine influence sur la détermination de la nature du contrat. Il y est en effet fait mention de résolution et de frais de résolution du contrat (« Rücktritt », « Rücktrittsgebühr »)31, ceci ayant pour conséquence de provoquer un rapprochement – trompeur – avec un modèle contractuel de résolution du contrat avec effet rétroactif32, et de conforter ainsi l’approche fondée sur la cession/vente de droits à l’image.

En l’espèce, le Tribunal fédéral a constaté qu’aucun élément factuel ne permettait de justifier la résiliation du contrat pour justes motifs33, étant rappelé qu’il avait jugé – dans

28 BÜCHLER, op. cit., p. 187 s.

29 BÜCHLER, op. cit., p. 188.

30 ATF 128 III 428, 432 (JdT 2005 I 284) : « Im Vordergrund steht vielmehr die Frage, ob das Gebundensein an den Vertrag für die Partei wegen veränderter Umstände ganz allgemein unzumutbar geworden ist, also nicht nur unter wirtschaftlichen, sondern auch unter anderen die Persönlichkeit berührenden Gesichtspunkten ».

31 ATF 136 III 403.

32 Conformément à l’art. 107/109 CO (la terminologie du texte légal français de « résiliation » n’étant pas adéquate et devant être comprise comme une résolution, voir pour tous THÉVENOZ LUC, Commentaire romand du Code des obligations, Bâle 2003, n° 3 et 4 ad art. 109 CO) ; GAUCH PETER/SCHLUEP

WALTER/SCHMID JÖRG/EMMENEGGER SUSAN, Schweizerisches Obligationenrecht, 9e éd., Zurich 2008, vol. I, n° 1567 p. 354 : « Durch Rücktritt wird der Vertrag "ex tunc" aufgelöst ».

33 ATF 136 III 409.

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un arrêt certes relativement ancien – que de justes motifs de résiliation peuvent être retenus même si ceux-ci n’ont pas été formellement invoqués34. Le Tribunal fédéral aurait ainsi été légitimé à examiner l’exigibilité de l’indemnité de résiliation sous l’angle du droit de résiliation du contrat pour justes motifs, sachant qu’il n’est pas admissible de soumettre au paiement d’une indemnité un tel droit de résiliation fondé sur de justes motifs35.

La qualification de contrat de licence et ainsi de contrat de durée sui generis a également pour effet d’exclure l’application de l’art. 404 CO36. Elle évite dès lors la discussion de l’application de l’art. 404 al. 2 CO, norme qui, selon certains auteurs, permettrait de gérer adéquatement le risque de révocation intempestive du consentement par le titulaire du droit à l’image et protégerait ainsi suffisamment le partenaire contractuel37. Or, même à supposer qu’il soit applicable (ce qui est exclu si la qualification de contrat de licence est retenue), l’art. 404 al. 2 CO ne peut pas offrir de solution appropriée. En effet, comme relevé par le Tribunal fédéral, on ne peut pas considérer comme équivalentes, d’une part, l’approche consistant à retenir qu’un consentement donné à une atteinte à la personnalité n’est révocable que contre le paiement d’une indemnité contractuellement convenue et, d’autre part, celle qui veut qu’un consentement soit librement révocable sous réserve de la réparation du préjudice (sur la base de l’art. 404 al. 2 CO). Au-delà des considérations pratiques et probatoires (qui sont évoquées par le Tribunal fédéral pour justifier le choix de la première approche), la différence fondamentale entre ces deux approches tient en effet au respect du principe cardinal de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda)38. Si le consentement donné à une atteinte à la personnalité s’inscrit dans un cadre contractuel et porte sur des droits sur lesquels l’ordre juridique considère que le titulaire bénéficie d’une certaine autonomie (comme le droit à l’image), force est de constater que le titulaire ne devrait pas être en mesure de révoquer

34 ATF 89 II 30, JdT 1963 I 591.

35 VENTURI ZEN-RUFFINEN MARIE-NOËLLE, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, thèse Fribourg 2007, n° 1271 p. 338.

36 ATF 120 V 299, 305.

37 Certains auteurs considèrent que le mécanisme de l’art. 404 al. 2 CO permet de protéger suffisamment les intérêts du partenaire contractuel, voir HAAS, op. cit. (note 6), par. 18 ss ; voir aussi BÄCHLI MARC, Das Recht am eigenen Bild, Die Verwendung von Personenbildern in den Medien, in der Kunst, der Wissenschaft und in der Werbung aus der Sicht der abgebildeten Person, thèse Bâle 2002, p. 173.

38 Principe que le Tribunal fédéral a appliqué dans le contexte des contrats de durée en retenant, à propos d’un contrat de licence (de marque) qu’une résiliation immédiate qui se fonde prétendument sur de justes motifs de résiliation qui ne sont en réalité pas donnés ne déploie aucun effet de sorte que le contrat doit continuer à être exécuté conformément au principe de la fidélité contractuelle, ATF 133 III 360, SJ 2007 I 482 ; ce principe a été réaffirmé récemment par le Tribunal fédéral, TF 4A_589/2011, consid. 10, en dépit de certaines autres propositions doctrinales, voir récemment KULL MICHAEL, Verbindlichkeit der fristlosen und ungerechtfertigten Kündigung von Dauerschuldverhältnissen, RSJ 2011, p. 245.

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unilatéralement son consentement sans avoir à justifier de quelconques motifs pour ce faire39, le fait qu’il s’expose à devoir réparer après coup le préjudice subi par l’autre partie n’étant pas déterminant à ce propos. On ne peut donc pas mettre sur le même plan et considérer comme équivalentes des approches qui divergent de manière aussi fondamentale sur la question de l’application du principe – tout aussi fondamental – de la fidélité contractuelle.

Au demeurant, il faut être conscient que le rapprochement entre le paiement d’une clause contractuelle d’indemnisation et la réparation du préjudice subi (fondée sur l’art. 404 al. 2 CO) qui est fait par le Tribunal fédéral dans cet arrêt, ne permet pas de résoudre les cas (fréquents en pratique) dans lesquels les parties n’ont pas prévu de clause d’indemnisation en cas de résiliation anticipée. Aussi est-il indispensable de décider si le consentement à une atteinte à la personnalité, soit à l’exploitation du droit à l’image, qui s’intègre dans un contrat, peut être librement révoqué ou non, indépendamment de l’existence d’une éventuelle clause d’indemnisation à la charge de la partie qui révoque.

Or, le principe de la fidélité contractuelle exige que les parties à un contrat portant sur l’exploitation commerciale de l’image d’une personne puissent avoir confiance dans la validité de ce dernier, en évitant ainsi que le partenaire contractuel se voit menacé par une épée de Damoclès qui résulterait de la reconnaissance de la libre révocabilité du consentement. Dans cette perspective, l’octroi de potentiels dommages-intérêts (négatifs) sur le fondement de l’art. 404 al. 2 CO ne constituera qu’un bien maigre pis-aller. Cette disposition ne peut dès lors occulter l’impérieuse nécessité que les parties à un contrat de durée puissent compter sur la bonne exécution des obligations contractuelles convenues sous réserve de motifs – justifiés – qui permettraient une résiliation anticipée du contrat.

D’autres pistes relatives aux contrats de licence portant sur des attributs de la personnalité auraient d’ailleurs aussi pu être explorées dans cet arrêt. Ainsi, il a été proposé (dans le contexte des contrats de sponsoring sportif) d’admettre un droit de libre révocation en tout temps du consentement donné à l’utilisation du droit à l’image par le titulaire concerné, mais de tenir néanmoins compte des intérêts du partenaire contractuel de sorte que ce dernier – qui s’est vu conférer un droit d’usage sur l’image – puisse se

39 Etant relevé que la protection contre les engagements excessifs pourra aussi légitimer une résiliation anticipée du contrat dans certaines circonstances ; la jurisprudence allemande confirme que la révocation d’une autorisation d’exploitation de l’image d’une personne doit se fonder sur de justes motifs pour être valable, cf. arrêts de l’Oberlandesgericht de Francfort sur le Main du 24 février 2011, réf. 16 U 172/10 et de l’Oberlandesgericht de Düsseldorf du 24 mai 2011, réf. I-20 U 39/11.

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prévaloir d’un intérêt privé prépondérant au sens de l’art. 28 al. 2 CC. Ce motif justificatif permettrait alors de suppléer à la révocation (valable) du consentement à l’atteinte à la personnalité (soit à l’usage de l’image)40 et de donner ainsi un nouveau fondement légitimant la continuation de l’usage de l’image. Ceci supposera la démonstration de l’existence d’un intérêt privé prépondérant du partenaire contractuel à la continuation du contrat, dont l’appréciation devra se faire selon les circonstances du cas particulier et du contrat concerné41. Il semble à cet égard envisageable de considérer que l’appréciation de l’existence d’un intérêt privé prépondérant du partenaire contractuel (par exemple un sponsor) puisse rejoindre l’analyse de la présence de justes motifs de résiliation. En effet, si l’on admet que le titulaire du droit à l’image bénéficie de justes motifs de résiliation du contrat, on devra estimer par le même temps que son partenaire contractuel n’a pas d’intérêt privé prépondérant à pouvoir continuer à utiliser l’image.

En tout état, en se fondant sur une cession du droit à l’image, le Tribunal fédéral s’est engagé sur des voies délicates qui auraient peut-être pu être évitées si la qualification de contrat de licence avait été retenue, ce qui aurait alors conduit à l’analyse de l’existence d’éventuels justes motifs de résiliation, et, plus généralement, de la détermination des modes de résiliation anticipée applicables aux contrats de durée.

En fin de compte, si la solution libérale du Tribunal fédéral adoptée dans cet arrêt, qui a pour effet de récompenser la fidélité contractuelle, est assurément appréciable, l’approche qui y a été suivie l’est moins, ce que l’on peut regretter s’agissant d’un contrat dont l’importance pratique n’est pas négligeable, tout particulièrement dans le domaine du sport professionnel.

III. Réflexions concernant l’exploitation contractuelle du droit à l’image des sportifs

Les enseignements tirés de l’ATF 136 III 401 et d’autres développements récents permettent de formuler quelques réflexions concernant les contrats relatifs au droit à l’image conclus dans le domaine sportif, et spécialement les contrats de sponsoring, dans le cadre desquels l’exploitation commerciale de l’image du sportif sponsorisé joue un rôle essentiel42.

40 MANAÏ, op. cit., p. 843 ss.

41 MANAÏ, op. cit., p. 844.

42 Voir GROS BERTRAND, Sponsoring des athlètes, Relations contractuelles avec les sponsors et droit à l’image, RDS 2005, I p. 383 ss, p. 392.

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Le contrat d’exploitation de l’image d’une personne, et ainsi d’un sportif, est valable en droit suisse, le sportif étant en principe tenu par les engagements contractuels qu’il a pris envers son partenaire contractuel, soit particulièrement un sponsor, sous réserve de motifs lui permettant de résilier le contrat de manière anticipée. L’exploitation de l’image d’un sportif relève ainsi d’une licence portant sur l’exploitation commerciale de l’image, ce contrat étant un contrat de durée.

Le contrat portant sur l’exploitation commerciale de l’image d’une personne peut être résilié pour justes motifs par chacune des parties selon les principes applicables aux contrats de durée43. Compte tenu de l’objet du contrat qui relève du droit de la personnalité, l’appréciation des justes motifs devra refléter la nature particulière du contrat, pour laquelle les tribunaux devront faire preuve d’une certaine sensibilité, sans toutefois que cela les conduise à admettre trop largement l’existence de tels motifs, faute de quoi le principe de la fidélité contractuelle serait excessivement battu en brèche. On pourrait en particulier admettre que le sportif puisse résilier le contrat pour justes motifs en cas de conflit patent d’image avec celle qui serait désormais véhiculée par le sponsor et qui heurterait les convictions légitimes du sportif (p. ex. un sponsor qui au moment de la conclusion du contrat avec le sponsorisé est actif dans le domaine des équipements sportifs, qui se lancerait dans le commerce de matériel militaire). Ce droit de résiliation reflètera celui qui appartient au sponsor en cas de comportement préjudiciable du sportif sponsorisé (notamment en cas de dopage avéré)44. C’est précisément ce que visent les

43 La notion de justes motifs pouvant être généralisée sur la base de la formule figurant à l’art. 337 CO en matière de contrat de travail, soit toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports contractuels.

44 La question de l’appréciation de justes motifs pourra être rendue plus complexe dans le cas où le sportif est lié par plusieurs contrats distincts avec un tiers (par exemple son équipe), qui pourra avoir pour effet que l’appréciation des justes motifs et de l’impact de clauses contractuelles sera susceptible de varier en fonction de la nature des contrats concernés, la liberté étant plus grande en matière de contrats innommés dans lesquels les parties sont considérées comme étant sur un pied d’égalité que pour certains contrats nommés visant à protéger la partie faible (comme le contrat de travail), voir p. ex. l’arrêt du TF 4A_94/2011 relatif à un contrat de travail entre un cycliste professionnel et son équipe, un contrat d’exploitation de l’image ayant été conclu parallèlement entre les mêmes parties. Pour une discussion, voir

DE WERRA JACQUES, Résiliation pour justes motifs de contrats liant un cycliste à son équipe : questions contractuelles et de règlement des litiges, in : Commentaires de jurisprudence numériques, Push-Service des arrêts, publié le 20 juin 2011.

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« clauses morales » (« moral clauses ») figurant dans les contrats de sponsoring, soit les

« moral clauses » proprement dites permettant au sponsor de résilier le contrat en cas de comportement dommageable du sponsorisé et les « reverse morals clauses »45 permettant au sponsorisé/sportif de résilier le contrat en cas de comportement dommageable du sponsor46.

Retenir la figure de la licence pour qualifier le contrat d’exploitation de l’image d’une personne et particulièrement d’un sportif permet en outre de tirer profit des principes acquis en matière de licences de droit de la propriété intellectuelle. Ceci sera précieux s’agissant des licences exclusives. L’exclusivité devrait en effet permettre à un preneur de licence exclusive d’invoquer son droit d’usage à l’encontre de tiers qui exploiteraient l’image du sportif sans être au bénéfice d’une autorisation, ce pour autant qu’un tel droit d’agir lui ait été concédé par le titulaire du droit à l’image (et donneur de licence)47, comme cela est admissible en matière de propriété intellectuelle48. D’ailleurs, un

45 Voir PORCHER L. TAYLOR, III, PINGUELO FERNANDO M., CEDRONE TIMOTHY D., The Reverse-Morals Clause : The Unique Way to Save Talent’s Reputation and Money in a New Era of Corporate Crimes And Scandals, Cardozo Arts & Entertainment Law Journal, Vol. 28, No. 65, 2010, p. 65 ss.

46 Voir récemment le litige entre un footballeur américain et l’un de ses sponsors au sujet de la clause invoquée par le sponsor pour résilier le contrat en raison d’une communication jugée politiquement incorrecte faite par le sportif sur Internet (soit un tweet posté sur Twitter), Mendenhall v. Hanesbrands, Inc., arrêt du US District Court for the Middle District of North Carolina du 12 avril 2012 (rejetant la

« motion for judgment on the pleadings » déposée par la société sponsor défenderesse au procès) dont le texte était le suivant : « If Mendenhall commits or is arrested for any crime or becomes involved in any situation or occurrence (collectively, the "Act") tending to bring Mendenhall into public disrepute, contempt, scandal, or ridicule, or tending to shock, insult or offend the majority of the consuming public or any protected class or group thereof, then we shall have the right to immediately terminate this Agreement. HBI’s decision on all matters arising under this Section 17(a) shall be conclusive » (l’arrêt est accessible à : http://docs.justia.com/cases/federal/district-courts/north-carolina/ncmdce/

1:2011cv00570/57212/18/).

47 Pour un exemple d’une telle clause, voir l’art. 6.4 du contrat d’équipement (« Ausrüstungsvertrag ») dans le litige ayant conduit à l’arrêt du Landgericht Düsseldorf du 17 juin 2009 (réf. 12 O 441/08) disposant :

« Sollten Namen oder Bild des Sportlers unberechtigt durch Dritte benutzt werden, so ist X berechtigt, jedoch nicht verpflichtet, die Rechte des Sportlers an seinem Namen und/oder seinem Bild auf eigene Kosten außergerichtlich und gerichtlich geltend zu machen. Der Sportler wird X hierbei im erforderlichen Umfang unterstützen » ; voir aussi l’arrêt sur appel de l’Oberlandesgericht Düsseldorf du 26 avril 2010 (réf. I-20 U 117/09).

48 Voir ATF 113 II 190, JdT 1988 I 300 ; TF 4A.55/2007, consid. 5.1.5 (confirmant que l’autorisation du donneur de licence peut être donnée postérieurement à la conclusion du contrat de licence, « même en vue d’un procès déterminé ») ; l’analogie entre le droit à l’image et les droits de la propriété intellectuelle ne permet toutefois pas de présumer l’existence du pouvoir d’un preneur de licence exclusive, comme le permettent désormais les lois suisses de propriété intellectuelle (art. 62 al. 3 LDA ; art. 55 al. 4 LPM ; art. 75 al. 1 LBI ; art. 35 al. 4 LDes).

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tel preneur de licence pourra aussi invoquer la violation de la loi contre la concurrence contre les agissements parasitaires commis par des tiers49.

Tout comme pour les licences en matière de droit de la propriété intellectuelle, la notion d’exclusivité devra être soigneusement définie particulièrement dans les cas dans lesquels le sportif (bénéficiaire de contrats de sponsoring à titre individuel) pratique un sport collectif et sera intégré dans une équipe ou une autre institution dont le ou les sponsor(s) pourrai(en)t être concurrent(s) des sponsors individuels de l’athlète50. La question du co-branding devra ainsi être méticuleusement réglementée51.

Ensuite, le contrat d’exploitation de l’image pourrait conférer au preneur de licence (exclusive) un droit de concéder lui-même des sous-licences à des tiers qui souhaiteraient utiliser l’image du sportif concerné. Ce scénario est habituel dans le monde du sport professionnel où des tiers (agents, mais aussi fédérations ou clubs) peuvent parfois bénéficier du droit de gérer certains aspects du droit à l’image des sportifs concernés, étant de surcroît relevé que les sportifs et autres célébrités constituent fréquemment des structures juridiques propres dont l’objectif est précisément de gérer leur capital intangible, et particulièrement leur image52. Cela devra toutefois être spécifié clairement afin d’éviter

49 TF 4A.55/2007, consid. 7 ; tel est le cas en France, comme l’enseigne l’intéressant arrêt de la Cour d’Appel de Versailles à propos d’un contrat d’exploitation d’image conclu entre Johnny Halliday et la société Universal Music conférant à cette dernière le droit exclusif de reproduire l’image du chanteur, et la légitimant ainsi à « agir en concurrence déloyale du chef de reproduction de cette image au mépris de l’exclusivité qui lui avait été contractuellement consentie », voir CA Versailles, 12e chambre, 2e section, arrêt du 22 septembre 2005, SAS Calendrier Jean Lartigue c. Société Universal Music et autres, Légipresse n° 232 juin 2006 III p. 109 ; pour une discussion de cet arrêt, voir CASTALDI, op. cit., p. 81.

50 Voir la sentence arbitrale rendue par la formation arbitrale dans laquelle siégeait DENIS OSWALD (note 2 ci-dessus) rejetant la résiliation pour justes motifs du contrat de sponsoring par le sponsor ; pour une analyse critique de cet arrêt, voir MANAÏ, op. cit., p. 408 note 1736 qui se réfère à NETZLE STEPHAN, Der Sportler – Subjekt oder Objekt, RDS 1996 II p. 1 ss, p. 66 no 149 ; pour un autre exemple de conflits d’exclusivité entre différents contrats de sponsoring individuels et collectifs, voir l’affaire Ajax-Umbro v. Brian Roy-Borsumij, tranchée par un jugement du président du Tribunal de district de Breda (Pays-Bas) le 1er novembre 1989, réf. LJN : AH 2909, commentée par HAGEN STEFFEN, Sports Image Rights in the Netherlands, The International Sports Law Journal 2011/3-4, p. 115 ss, p. 126 note 44.

51 Voir l’article de BLACKSHAW IAN S., Co-Branding in Sport, Conflicts and Some Possible Ways of Resolving Them in Europe, The International Sports Law Journal 2006, p. 100 s. ; reproduit dans l’ouvrage Sports Marketing Agreements : Legal, Fiscal and Practical Aspects, TMC Asser Press, La Haye 2012.

52 TROLLER, op. cit., p. 306 ; voir par exemple l’affaire Raymond Weil, S.A. v. Theron, 585 F.Supp.2d 473 (2008), concernant la violation d’un contrat de sponsoring (« endorsement contract ») conclu entre la société Raymond Weil SA et la société californienne Denver et Delilah Films, cette dernière étant une société contrôlée par Charlize Theron ayant pour but la production cinématographique et servant aussi de « loan- out corporation », soit de société par l’intermédiaire de laquelle Mme Theron s’engage à fournir des services à des tiers (p. ex. dans le cadre de contrats de sponsoring) ; voir aussi le litige concernant la gestion des

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des litiges qui éclatent précisément en raison du fait qu’un intermédiaire concède des autorisations d’usage à des tiers (sponsors) sans bénéficier des droits à cette fin. Outre la fameuse affaire concernant le footballeur allemand OLIVER KAHN dont l’image avait été reprise sans son autorisation dans un jeu vidéo53, est illustrative à cet égard le litige récemment tranché par le Tribunal cantonal valaisan dans laquelle le sponsor prétendait – sans succès – avoir obtenu de Swiss-Ski le consentement à l’utilisation de l’image d’une skieuse54. Le Tribunal cantonal valaisan a ainsi estimé qu’« un entrepreneur doit partir du principe que l’utilisation à des fins publicitaires, d’une photo d’un tiers, et, a fortiori, d’une célébrité, nécessite toujours le consentement de l’intéressé »55. Une récente jurisprudence allemande confirme cette approche56.

Dans de telles opérations effectuées par le biais d’intermédiaires, il sera d’autant plus important de s’assurer que le consentement à l’exploitation de l’image du sportif soit éclairé : il sera nécessaire de définir avec précision l’usage contractuellement autorisé. A cet égard, des clauses générales et abstraites figurant dans des documents réglementaires standards de la fédération sportive concernée visant à la cession des droits à l’image et au nom des sportifs ne seront souvent pas suffisantes57. Il sera au contraire nécessaire de faire en sorte que le consentement donné par l’athlète définisse de manière précise l’usage

droits à l’image du footballer Wayne Rooney qui a également créé une société dans ce but, soit Stoneygate 48 Limited, l’activité de cette dernière étant décrite par le juge de première instance comme suit (par. 1 de l’arrêt) : « Stoneygate has since entered into a number of lucrative sponsorship contracts with major companies such as Coca Cola and Nike by which they have agreed to pay substantial fees to Stoneygate in return for the right to use the Rooney

"brand" in connection with the advertisement and promotion of their products », Proactive Sports Management Limited -v- Wayne Rooney and others, High Court (Queen’s Bench Division), 2010 EWHC 1807 (QB).

53 Voir l’arrêt du Oberlandesgericht de Hambourg du 13 janvier 2004, SpuRt 2004, p. 210.

54 TC Valais, RVJ 2007, p. 239.

55 TC Valais, RVJ 2007, p. 242, p. 45-46.

56 Par. 46 de l’arrêt du Landgericht Düsseldorf du 17 juin 2009 (réf. 12 O 441/08) (accessible à : http://openjur.de/u/139482.html) : « Der Kläger [sportif invoquant la violation de son droit à l’image] hat der Firma X [partenaire contractuel] ausdrücklich nur das Recht eingeräumt, Werbung mit seinem Bild in Bezug auf Konzerngesellschaften, Lizenznehmer und Distributoren zu ermöglichen. Mithin konnte die Firma adidas der Beklagten weitergehende Rechte nicht einräumen, da ihr diese nicht zustanden. Ein gutgläubiger Erwerb von Rechten scheidet aus », la clause litigieuse du contrat étant formulée comme suit (art. 4.1) : « 4.1 Der Sportler duldet es während der Vertragsdauer ausdrücklich, dass sein Name und/oder Bild von X, deren Konzerngesellschaften, Lizenznehmern und Distributoren zum Zwecke der Werbung und Public Relations in jeder in Betracht kommenden Weise, u.a. auch für X- bezogene Gemeinschaftswerbung mit Kunden, weltweit verwendet wird » ; l’arrêt a été partiellement réformé en appel, par arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf du 26 avril 2010 (réf. I-20 U 117/09).

57 Le TC Valais exprime – à raison – ses sérieux doutes quant à la validité d’un consentement sur un tel fondement, RVJ 2007, p. 240 ; pour une analyse de la question d’un consentement implicite lié à l’adhésion d’un sportif à un club, voir NETZLE, op. cit., p. 47.

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autorisé de son image, particulièrement en cas d’usage dans un contexte commercial et publicitaire ce qui est naturellement la norme en matière de sponsoring58.

L’octroi d’une licence exclusive comportera toutefois un risque accru de porter atteinte aux intérêts personnels du sportif sous l’angle des limites générales à l’autonomie contractuelle, et particulièrement de l’art. 27 al. 2 CC. Ce risque sera particulièrement important en cas de licences exclusives conclues avec de jeunes sportifs, les contrats étant alors susceptibles de créer une dépendance jugée excessive envers le partenaire contractuel59. Un tel risque sera aussi susceptible de survenir en présence de clauses contractuelles interdisant à l’athlète de se livrer à une activité publicitaire sous réserve de l’obtention préalable de son employeur (p. ex. un club sportif)60. Sur le plan général, la validité d’une licence exclusive portant sur l’exploitation de l’image d’une personne sous l’angle de l’art. 27 al. 2 CC devra s’examiner à l’aune de l’intensité de l’engagement pris61, et spécialement de la durée de la licence62. Il conviendra ainsi de prendre garde au respect des limites découlant de la protection contre les engagements excessifs63.

58 ATF 136 III 405 ; voir aussi NETZLE, op. cit., p. 45.

59 Le Tribunal fédéral l’avait déjà retenu dans le célèbre arrêt Talent-Studio (concernant une jeune artiste), ATF 104 II 108 ; la jurisprudence anglaise récente démontre qu’un risque correspondant peut aussi exister en application d’autres doctrines, soit en l’occurrence celle de la « restraint of trade », dans l’affaire concernant Wayne Rooney, comme confirmé par le récent arrêt rendu par la Court of Appeal (Civil Division) le 1er décembre 2011, Proactive Sports Management v Wayne Rooney and others, [2011] EWCA Civ 1444.

60 Voir p. ex. l’art. 11 al. 1 du contrat type de travail de la Swiss Football League (« Contrat de travail pour joueur non amateur de la Swiss Football League », accessible à : http://www.football.ch/sfl/cm/

Contrat%20de%20travail_neu_f.pdf), qui dispose que « [l]’activité publicitaire personnelle du joueur n’est admise que moyennant le consentement écrit préalable de l’employeur » ; une telle clause pourrait être problématique sous l’angle des art. 328 CO et 27 CC, cf. Manaï, op. cit., p. 343 s. (discutant une version antérieure du contrat type – encore plus restrictive – qui prévoyait que « L’activité publicitaire est admise à titre exceptionnel, moyennant autorisation préalable et écrite de l’employeur »).

61 ATF 114 II 159, 162.

62 Dans l’ATF 136 III 401, la « cession » convenue n’était pas limitée ni géographiquement ni temporellement ; un tel engagement serait ainsi susceptible d’être jugé excessif selon l’art. 27 al. 2 CC, à tout le moins si le contrat n’avait pas comporté une clause de résiliation anticipée avec paiement d’une indemnité raisonnable (une indemnité contractuelle excessive étant elle-même problématique), cf. AEBI- MÜLLER, RJB (note 6), p. 338 s.

63 Une jurisprudence récente en matière d’arbitrage sportif confirme à cet égard qu’une violation grave de la personnalité d’un sportif et un engagement excessif (au sens de l’art. 27 al. 2 CC) peuvent constituer des motifs de violation de l’ordre public (matériel) au sens de l’art. 190 al.2 let. e LDIP, la sentence arbitrale ayant en l’occurrence été annulée pour ce motif, TF, arrêt 4A_558/2011 du 27 mars 2012 (destiné à publication aux ATF).

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IV. Conclusion

Le sportif professionnel vit aujourd’hui non seulement de ses performances sportives mais aussi – et même parfois essentiellement – de la commercialisation de son image, à laquelle des tiers, particulièrement des sponsors, chercheront à s’associer. Afin de permettre cette association qui donne aux athlètes les moyens de bénéficier des fruits de leurs efforts, il est indispensable de créer un cadre juridique qui favorise la conclusion de contrats d’exploitation de l’image des sportifs et les gère de manière appropriée. Faute d’intervention du législateur, il appartient ainsi aux tribunaux (étatiques et arbitraux) de contribuer à façonner des règles loyales et équitables dans l’intérêt de toutes les parties prenantes.

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