A. L ACHENY J. L. P ETIT
E. T ÉROUANNE
Vous avez dit proportionnelle ?
Mathématiques et sciences humaines, tome 94 (1986), p. 5-32
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1986__94__5_0>
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VOUS AVEZ DIT PROPORTIONNELLE?
A.
Lacheny*,
J.L.Petit**,
E. Térouanne**INTRODUCTION
Supposons
que nousjouions
aujeu
suivant:"Election d’une chambre de 571
députés"
avec les
règles
suivantes:- Première
règle:
le nombre desièges
affectés àchaque département
estproportionnel
à sapopulation.
- Deuxième
règle:
danschaque département,
les listes enprésence
et les voix obtenues sontcelles des élections
européennes
de 1984. Larépartition
dessièges
se faitproportionnellement
aux nombres de voix.
Rappelons
que lors de ce scrutin il y avaitquatorze
listes enprésence.
Huit furent éliminées par le seuil des5%,
les six restantes étant:PC, PS, UDF-RPR, ERE, VERTS,
FN.En
appliquant
trois méthodesproportionnelles raisonnables,
on aboutit aux neufchambres très différentes du tableau 1
(9=3x3:
3 choix pourappliquer
lapremière règle,
3 pour laseconde;
en réalité il existe une infinie variété de tellesméthodes).
Lafigure
1 illustre les troispremières
chambres du tableau(pour
ces troischambres,
le choix effectué pourappliquer
la
première règle correspond
à celui de la loi électoralefrançaise).
Figure
1 - Les troispremières
solutions de notrejeu.
*
Département d’Informatique, LU.T.,
99Avenued’Occitanie,
34075Montpellier
Cedex** U.E.R.
Mathématiques,
Université PaulValéry,
B.P.5043,
34032Montpellier
CedexTableau 1 - Neuf solutions pour le
jeu proposé (on rappelle
que lamajorité
absolue est à286
sièges).
Ceci pose donc un
problème
difficile:Quelle
méthode choisir?PRESENTATION DU PROBLEME
Tout le monde
connait,
ou croit connaître lesystème
d’élections avec"représentation proportionnelle " (la
R.P. pour lesintimes).
Cequi
est moins connu, c’est lacomplexité
deschoix
qu’il
a fallu faire pour en arriverlà,
la trèsgrande
variété des"représentations proportionnelles " possibles
et des résultatsqu’elles
donnent.L’idée
proportionnaliste
vient d’être réintroduite en France pour les électionslégislatives
etrégionales.
Pour illustrer nos propos, nousprendrons l’exemple
des électionslégislatives.
La France est divisée en 101départements qui
doivent élire 571députés (96 départements métropolitains
et 5 D.O.M.. Nous ne tiendrons pascompte
des T.O.M. avecleurs six
représentants).
La loi électorale envigueur
estcomposée
de deuxétages proportionnalistes (correspondant
à nos deuxrègles
del’introdudion)
Le
problème,
dans les deuxétages,
est formellement le même. Mais dans laréalité,
ces deux
étages
sont fortement différents. Nous pouvons établir unecorrespondance
entre lesdeux
étages:
Nous
allons,
pour le moment, nous installer aupremier étage,
et dansla suite de ce
papier
nous utiliserons son vocabulaire:départements, populations.
Le deuxièmeétage
estbeaucoup plus compliqué
àinvestir,
car d’un studio à unappartement
de 101pièces,opération qui
alourdit considérablement lescharges.
Notre seule incursion au deuxièmeétage
sera pourpréciser
le"jeu"
introductif des neuf chambres.Le
problème
de laproportionnelle
semblepourtant simple.
Considérons lepremier étage
de notreexemple.
Lespopulations
utilisées sont celles du recensement de 1982. Lapopulation
totale est de 55.586.725 habitants. Nous pouvons ainsi calculer lequotient
électoral:qe
= 55.586.725 / 571 = 97.349.781(c’est
le nombre moyen d’habitants parsiège).
Ainsi,
l’Hérault avec 706.499 habitants recensés en82,
devrait recevoir:q34
= 706.499 /qe
=7,257 députés.
Ce nombre
q34 s’appelle
lequota
de l’Hérault.La difficulté
provient
bien sûr de ce que les nombres ainsi obtenus ne sont pas des entiers. Or on s’interdit de couper lesdéputés,
ou même leurssièges,
en morceaux.Quelle
que soit la méthodequi
vienne enpremier
àl’esprit
pour "arrondir" ces nombres et en faire desentiers,
elle a desinconvénients,
et de farouchesopposants.
Il existe en effetbeaucoup
de méthodes. Et si faible que semble la différence entre deuxméthodes,
elle setraduit forcément elle aussi en nombres entiers. Or un
siège
deplus
ou demoins,
en cettematière,
c’estquelque
chose de trèsimportant.
Surtout pour celuiqui l’occupe,
ouqui
voudraitl’occuper.
A cet
égard,
l’histoire électorale des Etats-Unisd’Amérique
constitue une mined’informations et de débats: la
représentation proportionnelle
y est inscrite dans la constitutiondepuis
1791:"Representatives
and direct taxes shall beapportioned
among the several states ...according
to theirrespective
numbers". En deux cents ans, on y aprocédé
20 fois à larépartition
dessièges
dereprésentants
entre les états del’Union;
on a utilisé pour cela presqueautant de méthodes
différentes;
et le débat sur le choix de la "meilleure" d’entre elles y esttoujours
ouvert.En
1982,
Michel L. Balinski et H.Peyton Young
ontpublié
un livrepassionnant qui
raconte cette
longue
histoire etqui
donne lespremières
bases d’uneapproche
cohérente detoutes les méthodes de R.P.
[1].
La famille des méthodes
proportionnelles
actuellement utilisées separtage
en deuxgrandes
sous-familles:- les méthodes à restes
(méthode
desplus
fortsrestes...),
- les méthodes à diviseurs
(méthodes
deSainte-Lagüe, d’Hondt ,... ;
ces méthodes ont chacuneplusieurs noms).
Ces deux familles de méthodes seront
explicitées plus
loin.Chaque problème
derépartition proportionnelle peut être,
et est enpratique
leplus
souvent, modifié par l’introduction de seuils :
Dans le cas d’une
répartition
desièges
entre desdépartements,
les moinspeuplés
d’entre eux
peuvent
se retrouver sans aucunsiège.
Or ilpeut
êtrejugé insupportable
que certains habitants ne soient pasreprésentés.
C’estpourquoi
on assortitgénéralement
larègle
deR.P. choisie d’une clause de
représentation
minimale: en France en86, chaque département
aau moins deux
sièges
àpourvoir,
saufSaint-Pierre-et-Miquelon qui,
avec 61~41 habitants et unquota
de0,06,
n’en auraqu’un.
Dans le cas de la
répartition
desièges
entre des listes decandidats,
onpeut
au contraire vouloir éviter un certainéparpillement
etimposer
pour ce faire un seuil au dessousduquel
une liste nepeut
pas obtenir desiège.
En France en86,
une listequi
obtient moins de 5% dessuffrages
dans undépartement
y estéliminée,
même si cedépartement, ayant plus
de 20sièges,
luipermettrait
d’enespérer
un au bénéfice de larépartition proportionnelle
pure.Les notions de seuil utilisées aux deux
étages
sont donc diamétralementopposées.
Cequi
illustre bien la natureprofondément
différente de ces deuxétages.
LES GRANDES PROPRIETES
Pour comparer entre elles toutes ces méthodes
proportionnelles,
nous allons utilisertrois
grandes propriétés:
- la
robustesse,
- le
respect
desquotas.
- le biais.
La robustesse
Cette
propriété
concerne lecomportement
des méthodesquand
les données duproblème
derépartition
évoluent dans letemps.
Il y a trois sources de variationpossibles, quis’appellent
dans notreexemple:
-la taille de la
chambre,
-la
population,
-la liste des
départements.
Pour chacune de ces sources de
variation,
on attend d’une "bonne" méthodeproportionnelle
uncomportement précis:
"monotonicité" vis à vis de la taille de la chambre et de lapopulation, indépendance
conditionnelle parrapport
à une restriction de la liste desdépartements.
Une méthode est monotone par
rapport
à la taille de la chambresi, quand
celle-ciaugmente,
le nombre dessièges
attribués àchaque département
ne diminue pas. La méthode desplus
forts restes, parexemple,
nepossède
pas cettepropriété.
Une telle bizarrerie a été observéeen 1870 par le bureau du recensement des
U.S.A., qui
avait calculé lesrépartitions
dessièges
entre les états avec cette
méthode,
pour des tailles de la chambre allant de 241 à 300sièges:
Ilapparut que l’état de Rhodes
Island, qui
sevoyait
attribuer 2sièges
dans une chambre de 270membres,
n’en avaitplus qu’un
dans une chambre de 280.Le fait était-il
trop choquant
pourqu’on accepte
de leprendre
encompte? toujours
est-il
qu’on
n’enparla guère
sur le coup. Dix ansplus
tard onsignale
à nouveau ce"paradoxe"
àl’occasion des calculs faits sur le recensement de
1880,
et cette fois-ci à propos de l’Alabama.C’est sous le nom de cet état
qu’il
devint célèbre.La monotonicité par
rapport
à lapopulation
estplus
subtile: nous n’en connaissons actuellement que des définitionspartielles
ou insatisfaisantes.Une restriction sur la liste des
départements s’opère
ensupprimant
en mêmetemps
unou
plusieurs départements
de laliste,
et lessièges qui
leur étaient attribués. Une méthode estindépendante
de cette restriction si la distribution dessièges
restants entre lesdépartements
restants coïncide avec l’ancienne distribution.
Les trois
principes
de robustesse sont violés par les méthodes à restes. Par contre les méthodes à diviseur lesrespectent.
Le
respect
desquotas
Cette
propriété
veut que le nombre desièges
attribué àchaque département
soit oubien l’entier immédiatement
supérieur
à sonquota (le "quota supérieur")
ou bien l’entier immédiatement inférieur(le "quota inférieur"). Ainsi,
parexemple,
l’Hérault devrait obtenir 7ou 8
sièges.
L’introduction de seuils
oblige
à modifier la notion dequotas.
Dans notreexemple,
les13
départements
dont lequota
estcompris
entre0,1
et 2 se voient attribuer unquota
modifié de2,
etSaint-Pierre-et-Nliquelon reçoit
unquota
modifié de 1. Les quotas modifiés des 87 autresdépartements
sontcalculés, proportionnellement
à leurspopulations,
de manière à ce que lasomme de tous les
quotas
modifiés reste 571. Biensûr,
ilpeut
alors arriver que l’un de cesquotas
modifiés soit inférieur auseuil, auquel
cas il faut réitérer laprocédure...
Les méthodes à reste, par
définition, respectent
lesquotas.
Par contre toutes les méthodes à diviseur les violent.ii
La
figure
1 illustreparticulièrement
bien cette notion:quand
nous la lisons degauche
àdroite,
nous constatons que lespetites
listesperdent
dessièges
au bénéfice de laplus
grosse. Il arrive ainsiqu’entre
deux méthodes onpuisse
dire que l’une favorisedavantage
les grosdépartements
que l’autre(qui, elle,favorise davantage
lespetits,
car nous sommes dans unjeu
de somme
nulle!).
C’est cequ’on appelle
le biais. Cetteappellation
est enpartie impropre
car onne
peut
pasparler
du biais absolu d’une méthode: cette notionpermet
seulement de comparer deux méthodes entre elles. C’est un ordrepartiel.
LES METHODES A RESTES
Nous avons
déjà
rencontré les deux notions suivantes:- le
quotient
électoralqe
= P /h ,
- les
quotas qi
=Pi
/qe (ou les quotas modifiés),
où P =population totale,
h = nombre desièges,
etPi
=population
dudépartement
i.Nous allons utiliser la
décomposition
suivante:où
[qij
est lapartie
entière deqi,
c’est à dire leplus grand
entier inférieur ouégal
àqi, ri
étantdonc le reste. Par
exemple:
Les méthodes à restes sont basées sur les
quotas:
on commence par accorder àchaque département
lapartie
entière de sonquota.
Puis onrépartit
lessièges
non attribués en fonctiondes restes.
La méthode la
plus employée
est celle desplus
forts restes, ou méthode de Hamilton:les k
sièges
restants sont attribués aux kplus grands
restes.(L’histoire
électorale est très confuse et ce flou se traduit enpartie
dans lagrande
diversité des nomsportés
par une même méthode. Nous suivrons lesappellations
de Balinski etYoung,
ensignalant
au passagequelques synonymes).
On
peut
aussiutiliser,
à laplace
des restes absolusri,
les restes relatifsri/qi.
Cetteméthode
porte
le nom de Lowndes. Elle favorisedavantage
lespetits départements
que la méthode de Hamilton. Le tableau 2 donne les résultats de ces deux méthodes surl’exemple
desdépartements français.
Nous allons montrer que ces méthodes ne
possèdent
pas lapropriété
de robustesse.Monotonicité par
rapport à
la taillede la
chambre : l’Alabama et leLoir-et-Cher
Le tableau 3 résume les résultats obtenus
quand
on réalise la mêmeexpérience
que le bureau américain des recensements: on a calculé larépartition
dessièges
entre les 101départements français
par la méthode de Hamiltonquand
la taille de la chambreaugmente
de 300 à 700sièges.
Pourchaque
nouveausiège,
ou bien un seuldépartement
gagne unsiège,
etAlabama ne se
produit
pas, ou bien il seproduit
et undépartement perd
unsiège
tandis que deuxautres en
gagnent
un.Tableau 2 -
Répartition
des 571sièges
par deux méthodes à restes pour unepopulation
totale de55 586 725 habitants.
Tableau 3 - Effets "Alabama" observés en
appliquant
la méthode de Hamilton au recensement de1982,
entre 300 et 700sièges.
Nous voyons sur cet
exemple qu’il
est "facile" deproduire
cet "effetHamiltonien", parfois
même àrépétition
comme l’illustre le Loir-et-Cher(figure 2).
Figure
2 -L’étrange comportement
du Loir-et-Cher sous 1"’effet Hamiltonien".Indépendance
parrapnort
à une restrictionLa
région Rhone-Alpes
estcomposée
de huitdépartements.
En utilisant les deux méthodes à restes, nous allons comparer(tableau 4)
les résultats obtenus dans les deux situations suivantes:- F = France entière
-F-RA : France moins
région Rhône-Alpes.
(Dans
la situationF-RA,
nous avonsappliqué
la méthode de Hamilton avec h = 519 car larégion
RA recoit 52
sièges
par cetteméthode,
et la méthode de Lowndes avec h = 522 car RA recoit 49sièges
par cetteméthode).
Tableau 4 - Illustrations du viol de
l’indépendance
par les méthodes à restes.LES METHODES A DIVISEI1RS
Manquer
de robustesse est un défaut trèsimportant
pour une méthodeproportionnelle.
Nous allons maintenant considérer une classe de méthodes
qui possèdent
cettepropriété:
lesméthodes à diviseurs.
Elles sont basées sur la recherche d’un diviseur commun, q, du même ordre de
grandeur
que
qe
maisgénéralement
différent de lui. Voici comment onprocède:
Partons par
exemple
de l’idée maximaliste suivante: si l’onpouvait
donner àchaque département
le nombre desièges
immédiatementsupérieur
à sonquota qi,
tout le monde seraitcontent. L’ennui est que le total des
sièges
attribuésdépasserait
h. Alors cherchons un diviseur q,plus grand
queqe,
tels que les entiers immédiatementsupérieurs
auxquotients Pi/q
aientexactement pour somme h. Telle est la méthode de Adams.
On
pouvait
tout aussi bienpartir
de l’idéeplus
minimalistequ’il
faudrait assurer àchaque département
au moins le nombre entier desièges
immédiatement inférieur à sonquota.
Mais lasomme de ces entiers serait inférieure à h. Alors on cherche un diviseur q,
plus petit
queqe,
tel quela somme des entiers immédiatement inférieurs aux
Pi/q
soit exactement h. C’est la méthode de Jefferson.Mais on
pourrait préférer
à l’une et l’autre de ces méthodes cellequi part
duprincipe qu’il
vaut mieux arrondir les
quotas
à l’entier leplus proche:
l’entiersupérieur
si lapartie
décimale estsupérieure
à0.5,
l’entier inférieur sinon. Là encore, les entiers ainsi obtenus n’ontgénéralement
pas pour somme
h,
et on cherche un diviseur q tel que la somme des entiers lesplus proches
desPi/q
soit exactement h. C’est la méthode de Webster.(Nous
avons: Méthode de Jefferson = Méthode d’Hondt = Méthode deHagenbach-Bischoff
= Méthode desplus
fortes moyennes = ...;Méthode de Webster = Méthode de
Sainte-Lagüe
= Méthode des nombresimpairs
=...)
Ce
qui
différencie les méthodes à diviseur les unes des autres est donc lafaçon
dont on y"arrondit" les nombres décimaux: à l’entier
supérieur,
à l’entierinférieur,
à l’entier leplus proche...
Il existe unegrande
variété de tellesméthodes, potentiellement
une infinité. Chacune estcaractérisée par une fonction
d,
associant àchaque
entier n leplus grand
nombre réeld(n) qui
seraarrondi à n. On suppose
d(n) compris
entre n etn+1,
et larègle
d’arrondi associée à d est la suivante: le nombre x est arrondi à n si et seulement si x estcompris
entred(n-1 )
etd(n).
Nous pouvons schématiser ces différentes méthodes d’arrondi par la
figure
3:Figure
3 - fonction d’arrondi.Les fonctions d
correspondant
aux méthodes deAdams,
Jefferson et Webster sontrespectivement:
dA(n)
= n ; idJ(n)
=n+1 ; dW(n)
= n+1l2 . °Ces trois fonctions
correspondent
aux trois méthodes d’arrondi suivantes:Ixl = plus grand
entier inférieur ouégal
à x(Jefferson)
~x~ = plus petit
entiersupérieur
ouégal
à x(Adams) Ixl
= entier leplus proche
de x(Webster)
Le tableau 5 illustre les différents
comportements
de ces méthodes sur les quotas de troisdépartements.
Tableau 5 - Effets de diverses méthodes d’arrondi.
Ces trois fonctions
appartiennent
à la famille des moyennesgénéralisées:
dr(n) _ «nr+ n+ 1)T)/2)I/T ,
pour r nonnul,
etHistoriquement,
au moins deux autres méthodes de cette famille ont étéproposées:
- la méthode de Dean avec la moyenne
harmonique (r=-l):
- la méthode de Hill avec la moyenne
géométrique (r=O):
On
peut
s’étonner que personne n’aitjamais proposé
dans ce cadre une moyenne aussi honorablement connue que la moyennequadratique:
Soulignons
enfin que les moyennesgénéralisées
ne sont pas les seules fonctions utilisables pour définir des méthodes à diviseur. Enparticulier,
rienn’empêche
de s’affranchir de la contrainte"d(n) compris
entre n et n+1" et de laremplacer
par "d croissante". La classe de méthodes à diviseursgénéralisées
ainsi obtenuepossède
despropriétés
intéressantes.Le tableau 6 donne la
répartition
dessièges
entre lesdépartements
pourcinq
méthodes àdiviseurs:
Adams, Dean, Hill,
Webster et Jefferson(la
méthode basée sur la moyennequadratique donne,
dans le casprésent,
les mêmes résultats que la méthode deWebster).
La loi électorale
française
a consisté àprendre
la méthode d’Adams.Il ne faut pas confondre la notion de diviseur et la notion de
quotient
électoral. Le diviseur de la méthode d’Adams est 108.000 maisl’expression
"unsiège
par tranche de 108.000 habitants"n’est pas correcte, comme le montre le
simple
calcul: 108.000 x 571 = 61.668.000 habitants. Ce nombre est considérablementplus grand
que 55.586.725. Deplus,
iln’y
a pas un diviseurunique
mais une infinité de diviseurs
qui
donneront la mêmerépartition:
parexemple
dans notre cas et pour la méthoded’Adams,
tous les entierscompris
entre 107.892 et 108.395.Examinons les résultats fournis par les
cinq
méthodes à diviseurs à la lumière de nosgrandes propriétés.
Les méthodes à diviseurs sont robustes. Par contre elles nerespectent
pas leprincipe
desquotas.
Parexemple
Paris avec unquota
de21,97
obtient 23sièges
par la méthode deJefferson,
tandis que les Bouches duRhône,
dont lequota
est17,41,
n’obtiennent que 16sièges
avec la méthode d’Adams.La méthode de Jefferson
respecte toujours
lesquotas
inférieurs mais viole souvent lesquotas supérieurs.
Al’opposé,
la méthode de Adamsrespecte
lesquotas supérieurs
et violesouvent les
quotas
inférieurs.(Le
fait que la méthode de Jeffersonrespecte
lesquotas
inférieursjustifie l’algorithme
"de laplus
fortemoyenne").
Nous pouvons illustrer l’information contenue dans le tableau 6 avec divers schémas. En voici
quelques exemples.
Tableau 6 -
Répartition
de 571sièges
parcinq
méthodes à diviseurs pour unepopulation
totale de55.586.725 habitants.
A
partir
du tableau 6 on constitue le tableau 7qui
serapporte
à la seule méthode d’Adams.Ce dernier tableau contient
(colonnes
3 et5)
l’information utile pour tracer la courbe deconcentration,
ou courbe deLorenz-Gini,
de larépartition
dessièges
entre lesdépartements.
Lafigure
4représente
cette courbe ainsi que celle que l’on obtient de la mêmefaçon
àpartir
de laméthode de Jefferson.
Tableau 7 - Cumul sur les
départements
et sur lessièges
pour la méthode de Adams.Figure
4 - Courbes de concentrationsièges-département,
pour les méthodes de Jefferson et Adams.Un autre moyen de comparer les méthodes entre elles est de calculer pour chacune d’elles le nombre moyen d’habitants par
siège
en fonction du nombre desièges
pardépartement (tableau 8).
Parexemple
pour la méthode deAdams,
il y a troisdépartements qui reçoivent
chacun douzesièges.
le nombre moyencorrespondant
est:Nous avons éliminé les
départements
au dessous du seuil(1
ou 2sièges).
Tableau 8 - Nombres moyens d’habitants par
siège
pour les méthodesd’Adams,
Webster etJefferson
La
figure
5 montre que sur notreexemple
la méthode de Jefferson favorisedavantage
lesgrands départements
que la méthode de Adams.Figure
5 -Comparaison
des biais des méthodes de Adams et Jefferson.Cette notion de biais
peut
sereprésenter
par le schéma suivant:Nous vérifions ces
phénomènes
encoreplus
clairement sur les courbes de concentration de lafigure
4. Eneffet,
ces courbescorrespondent
à la definitionmathématique
du biais: Uneméthode favorise
plus
lespetits départements qu’une
autre si sa courbe de concentration estau-dessus.
PROBLEMES DE COALITIONS
Quand
nous examinons les tableaux 2 et6,
nous sommesplacés
devant un desproblèmes classiques
de lastatistique:
l’information se lit mal car il y en atrop.
Pour réduire cetteinformation,
nous allons regrouper les
départements
parrégions.
Le tableau 9donne,
pour chacune des 23régions,
les cumuls dessièges
attribués par trois méthodes. Lesrégions
y sontrangées
par ordre décroissant depopulation.
Tableau 9 - Cumuls par
région
dessièges
attribués parAdams,
Webster et Jefferson.Nous voyons, sur ce
tableau,
des différences considérables entre les méthodes.Par exemple,
si nous utilisons l’écart absolu pour mesurer la différence entre les méthodes de Jeffersonet de Adams sur ce
tableau,
nous obtenons:23
Examinons alors le Problème des coalitions: que se
passe-t-il
si on décide derépartir
les571
sièges
nonplus
entre lesdépartements
mais entre lesrégions, proportionnellement
à leurspopulations?
Le tableau 10 donne les résultatscorrespondants
en utilisant les trois mêmes méthodes.Lesrégions
sonttoujours
par ordre décroissant depopulation.
Les seuils utilisés pour lesrégions
sont obtenus en cumulant les seuilsdépartementaux:
iln’y
a en faitqu’une
seulerégion
touchée par ces
seuils,
la Corse.Tableau 10 -
Répartition
de 571sièges
entre 23régions
parAdams,
Webster et Jefferson.Nous
allons,
en nousrestreignant
aux méthodes deAdams,
Webster etJefferson,
étudierd’un peu
plus près
les effets de coalition. Lafigure
6représente
lesgains
et pertes obtenus par coalition(seuls
ont étéreprésentés
lesdépartements
pourlesquels
cesgains
oupertes
sont nonnuls).
Nous voyonsqu’il
est très difficile de tenir un discours cohérent sur ces effets. La seule certitude que l’onpossède
est: Si certains acteursgagnent
à secoaliser,
d’autres yperdent puisque
le nombre des
sièges
est une constante(Somme
desgains
= Somme despertes
en valeurabsolue,
c’est
un jeu de
sommenulle).
Figure
6 - Gains etpertes
obtenus par coalition desrégions,
pour les méthodes deAdams,
Websteret Jefferson.
POPULATIONS
Pour
préciser
ce que l’on entend parpopulation,
il faut réaliser les deuxopérations
suivantes:
- définition du mot
population,
- mesure de la
population.
Nous ne nous occuperons pas de la deuxième
opération (c’est
leproblème
del’INSEE).
Signalons
seulement à son proposqu’un
recensement est uneopération
trèscomplexe qui
entraînedes estimations hasardeuses: il ne faut pas
prendre
les nombres fournis par un recensement commedes nombres
absolus,
mais comme des valeursqui
doivent êtrecorrigées
par des "fourchettes".Ceci renforce la nécessité de choisir des méthodes "robustes".
Occupons
nous donc de lapremière opération.
Onpeut prendre plusieurs
définitions:-
Population
totale-
Population française
-
Population
des électeurs etc...Tableau 11 -
Répartition
de 571sièges proportionnellement
à lapopulation française, part
Adams,
Webster et Jefferson.Nous allons étudier les modifications
apportées
par leremplacement
suivant :Population
totale(T)
--->Population française (F).
Le tableau 11 fournit les résultats de trois méthodes
appliquées
auxpopulations françaises.(Nous
avonspris
pour lapopulation française
les nombrespubliés
par l’INSEE dans sonsondage
au 1/20. Comme dans cette étude les DOM n’interviennent pas, nous avons faitl’hypothèse
que dans ces derniers le nombred’étrangers
estnégligeable.
Ceshypothèses
ne sont pas
dérangeantes
vis à vis des buts que nouspoursuivons
dans cet article. De toutefaçon, l’estimation)
despopulations étrangères
semble peufiable).
Etudions
plus
en détail le cas de la méthode de Adams.Lafigure
7 montre lesdépartements
dont le nombre desièges
a varié lors du passage de T à F. On retrouvebien,
auniveau des
pertes,
lesdépartements
à fortpourcentage d’étrangers.
Mais lephénomène correspondant
pour lesgains
est moins clair(pourquoi
le Gard et le Loiretgagnent-ils
unsiège?)
Figure
7 - Gains etpertes
desièges
pour la méthode deAdams,
lors duremplacement
T ---> F.EXCURSION
AU SECOND ETAGENous allons
préciser
notrejeu
introductif. Nous ne considérons que les trois méthodes suivantes:Adams
(A); Webster(W);
Jefferson(J).
Nous avons
plusieurs possibilités
selon les choixopérés
aux différentsétages:-
choix dupremier étage: A, W,
J - choix du deuxièmeétage: A, W,
J.Tableau 13 -
Répartition départementale
dessièges
entre les six listes par la "solution 3".Nous obtenons ainsi neuf
possibilités représentées
par le tableau 12.Tableau 12 - Les neuf chambres
La numérotation des cases dans le tableau 12
correspond
à celle deslignes
dans le tableau1. La loi électorale
française correspond
à la case 3. Le tableau 13 donne les résultats pardépartement
dans ce seul cas.OUTILS
GRAPHIQUES
La
répartition
dessièges
entre leslistes,
par une méthodeproportionnelle donnée, peut
êtrereprésentée
par des moyensgraphiques
très efficaces. Nous illustrerons ces moyensgraphiques
avecl’exemple
des Hauts-de-Seine. Les résultats de cedépartement
aux électionseuropéennes
sont contenus dans le tableau 14.Tableau 14 -
Répartitions
des 13sièges
en fonction des résultats des électionseuropéennes
pour ledépartement
desHauts-de-Seine,
par 5 méthodesproportionnelles (entre
lesquatre
listesayant
franchi le seuil des5%).
A une liste
i,
nous pouvons associer la droite suivante:Figure
8 - Lequota
et les restes pour une liste.Nous avons ainsi:
d’où:
Les résultats de la méthode de Hamilton se lisent donc
verticalement,
alors que ceux de la méthode de Lowndes se lisent horizontalement(figure 9).
Le calcul d’une
répartition
desièges
doit être effectué avec les outilsalgébriques
si l’ondésire une solution
précise
à unproblème précis,
parexemple
dans le cas dudépouillement
d’uneélection réelle. Par contre l’outil
graphique
estplus
utile dans des situationsimprécises,
parexemple
pour laprévision
des résultats d’une future élection.La
figure
9 montre bien que, dans notreexemple
des Hauts deSeine,
le résultat par la méthode de Lowndes est relativementrobuste,
alors que ce n’est pas le cas pour la méthode de Hamilton à cause dulitige
entre PS et UDF-RPR.Les
figures
10 et 11 montrent les résultats des méthodes de Jefferson et Webster.Il est facile de
représenter
la méthode d’Adams àpartir
du"processus
Jefferson": elle consistesimplement
à commencer par attribuer unsiège
à chacune deslistes, puis
àappliquer
laméthode Jefferson aux 9
sièges
restants.CONCLUSION
Nous avons vu
qu’il
existe ungrand
nombre de méthodesproportionnelles
conduisant à des solutions très différentes. Ainsi se pose leproblème
du choix d’une méthode. Dans la loifrançaise
on a choisi deux méthodes à diviseur différentes:- au
premier étage,
la méthode de Adams pour favoriser lespetits départements,
- au deuxième
étage,
la méthode de Jefferson pour favoriser les grosses listes.Les seuils choisis renforcent ces deux effets.
Figure
9 -Représentation graphique
des résultats des méthodes à restes dans le cas des Hauts-de-Seine.Figure
10Représentation graphique
de la"trajectoire
du processus de Jefferson" dans le cas des Hauts-de-Seine.Figure
11 -Représentation graphique
de la"trajectoire
du processus Webster" dans le cas de la Haute-Seine.La situation
proportionnelle
est certescomplexe
maisbeaucoup
moins que la situationmajoritaire.
Eneffet,
cette dernièreimpose
h =1,
cequi
entraîne unproblème pratiquement
insoluble de
chirurgie électorale, lequel
entraîne à son tour lapratique
connue sous le nom deGerrymander. (Dans
à peuprès
tous les domainesscientifiques,
on sait bien que lesclassifications
sont
sujettes
àcaution).
Terminons par les citations suivantes:
"La littérature concernant la
"représentation proportionnelle"
esteffrayante.
En volumed’abord - et souvent aussi par le
mélange d’arguments proprement politiques
etd’arguments prétendument mathématiques.
On nepeut
cacherqu’il s’agit
d’une affairemathématique"."
Aussil’énorme
bibliographie
dusujet comportera-t-elle
des noms de mathématiciensprofessionels (E.V.
Huntington,
A.Sainte-Lagüe,
même Henri Poincaré et John Von Neumann - et biend’autres).
Mais
politiciens
etpolitologues
se rebiffent - et ils ont bien raison: car lemathématicien, professionnel
ou amateur, ne se contente pasd’exposer
les difficultésconceptuelles,
ilprend parti
et veut
persuader
que telalgorithme
estmeilleur
que tous les autres.En
1901,
au cours d’un débat sur le mode derépartition
dessièges
dereprésentants
entreétats,
C.E.Littlefield, représentant
de l’état duMaine,
s’écrie:"God