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Article pp.347-355 du Vol.27 n°4-5 (2007)

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© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

FOCUS : Sucre, sucreries, chocolat, quelle place ?

Sucres simples purifiés versus sucres des aliments naturels,

ont-ils les mêmes effets métaboliques ?

C. Rémésy, C. Demigné

RÉSUMÉ

Les sucres simples (saccharose, glucose, fructose) peuvent être apportés par des produits végétaux complexes tels que les fruits et légumes, ou sous forme purifiée. La consommation de sucres purifiés de toutes origines est nettement plus élevée que celle des végétaux naturels. Dans ces ali- ments, le sucre bénéficie d’un environnement nutritionnel riche en miné- raux, micronutriments, fibres alimentaires, acides organiques de potassium favorable au fonctionnement de l’organisme. À l’inverse, une consomma- tion élevée de sucres purifiés induit diverses déviations métaboliques (liées à la lipogenèse hépatique) et prive l’organisme de nombreux micronutri- ments protecteurs.

Mots clés

glucose, fructose, saccharose, fruits, métabolisme.

1 – INTRODUCTION

Dès la naissance, le bébé apprécie le goût sucré et manifeste une réaction de plaisir lorsqu’on dépose une goutte de sirop sur sa langue. Par comparai- son, le goût du lait maternel apparaît bien fade. Compte tenu de nos origines de chasseur-cueilleur, il n’est pas étonnant que le goût sucré soit inné chez l’homme. Cette sensibilité au sucre était indispensable à la recherche des pro- duits végétaux riches en sucres assimilables dans un univers naturel pas néces- sairement favorable à la survie de nos ancêtres.

Unité de Nutrition Humaine, CRNH d’Auvergne – INRA de Clermont – Theix – 63122 Saint-Genès-Cham- panelle – France.

Correspondance : remesy@clermont.inra.fr

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La prédilection des enfants pour le goût sucré a été à l’origine de bien des dérives : celle des gâteries affectives via un large assortiment de bonbons ou de confiseries, celle de l’usage immodéré de boissons sucrées, celle de la manipulation du goût des aliments de base tels que les produits céréaliers et maintenant les produits laitiers. Manipulation du goût des enfants mais aussi progressivement infantilisation du goût des adultes toujours plus tournés vers la consommation de produits laitiers sucrés, de glaces, de jus de fruits ou de sodas. Il existe donc une interrogation récurrente sur les risques liés à la con- sommation de sucres ajoutés dont les effets métaboliques pourraient être diffé- rents de ceux des aliments naturels.

2 – ÉVOLUTION DE L’UTILISATION DES SUCRES DANS LA CHAÎNE ALIMENTAIRE

À l’origine, le sucre était une denrée rare et chère et les glucides simples tels que le saccharose ou le fructose occupaient une place bien modeste dans la couverture des besoins énergétiques de l’homme. La situation alimentaire a bien changé. Le kilo de pain est devenu plus cher que le kilo de sucre et l’utili- sation de cet ingrédient dans une multitude d’aliments et de boissons est deve- nue très avantageuse sur le plan économique. Ainsi la consommation de sucres simples n’a cessé d’augmenter : celle du saccharose s’est stabilisée mais elle a été relayée par une utilisation de sirops de fructose et de glucose. Aux 35 kg de saccharose consommés par an et par personne, il faut ajouter une dizaine de kg de fructose de toutes origines et sans doute autant de glucose (AFSSA, 2004, Demigné et al., 2006). Si cette évolution se poursuivait nous finirions par consommer plus de sucres simples que de pain et cela sans nous en rendre compte !

Avant l’essor de l’industrie agroalimentaire, la majorité du sucre consommé était donc achetée par les consommateurs. Actuellement, alors que l’achat de sucre par les ménages a tendance à diminuer nettement, la consommation de sucres simples est toujours en augmentation du fait de l’ajout de saccharose et maintenant de glucose et de fructose dans les aliments transformés et les bois- sons. À côté du saccharose issu de la betterave et de la canne à sucre, il s’est développé une industrie florissante de production de glucose et de fructose à partir de l’amidon des céréales (principalement du maïs). Pour assurer un débouché au maïs, les USA ont lancé des sirops de glucose (un mélange de glucose, de maltose et de petits polymères) et des sirops mixtes de glucose- fructose. Ces « high fructose corn syrup » (HFCS) titrent, selon les préparations, de 40 jusqu’à 90 % de fructose. Il faut noter que ces HFCS contiennent des petites quantités d’oligosaccharides (environ 4 %) et sont très appréciés par l’industrie agroalimentaire pour leurs qualités d’utilisation et leur pouvoir sucrant. La situation sur le marché Européen est sensiblement différente puis- que toute production de sirop de glucose titrant plus de 10 % de fructose est interdite afin de protéger le marché du sucre de betterave. Avec l’évolution des règles du commerce mondial, il est probable que les HFCS soient utilisés plus abondamment, ce qui pose la question de l’innocuité du fructose. Il est en effet

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clair que le glucose est le sucre physiologique alors que l’organisme débarrasse rapidement de la circulation sanguine le fructose de même que le galactose ou quelques sucres alcool minoritaires (sorbitol).

L’industrie agroalimentaire a donc toutes les capacités et facilités pour inclure des quantités très élevées de sucres simples dans l’alimentation alors qu’il serait difficile d’atteindre un tel niveau d’apport en consommant des ali- ments naturels tels que les fruits et légumes. Quelles sont les conséquences d’une consommation élevée de sucres simples, quelles limites doit-on donner à cette utilisation et sur quels arguments scientifiques, enfin dans quelle mesure les sucres présents dans les aliments naturels ont-ils des effets métaboliques très différents des sucres ajoutés ?

Pour situer l’importance des sucres ajoutés, il est intéressant de connaître les teneurs naturelles de sucres simples présents dans les fruits ou le miel. En moyenne l’ensemble de ces produits contiennent environ 30 % de glucose et de saccharose et 40 % de fructose, ce qui équivaut à une répartition de 45 % en glucose et 55 % en fructose, on est donc peu éloigné de la parité glucose/

fructose du saccharose. Dans les légumes dont la teneur en sucres totaux est beaucoup plus faible que celle des fruits (2,5 g contre 10 g : 100 g en moyenne dans les fruits), la répartition en équivalents glucose et fructose est presque identique. On pourrait en tirer la conclusion qu’il n’y a pas lieu de s’éloigner sensiblement de cette parité qui correspond à notre adaptation à un environne- ment naturel, même s’il existe quelques fruits tels que la pomme et la poire naturellement plus riches en fructose (70 % d’équivalents fructose) ; or le fruc- tose est souvent perçu comme un sucre diététique intéressant. Sur le plan quantitatif, une consommation recommandée de 300 g/jour de légumes et de 300 g de fruits (couvrant environ 10 % des dépenses énergétiques) équivaudrait à un apport quotidien au maximum de 40 g de sucres simples. Chez certains individus frugivores, la consommation d’un kilo de fruits/jour apporte aux alen- tours de 100 g de sucres simples. C’est un apport de cet ordre de grandeur (80 g ou plus) qui est consommé par la majorité de la population française sous forme de saccharose purifié, sauf que cette consommation de sucre fournit zéro micronutriment alors que celle sous forme de fruits est accompagnée de fibres, de minéraux, d’antioxydants, d’acides organiques de potassium dotés de propriétés alcalinisantes ou de divers micronutriments protecteurs.

3 – LA DÉRIVE DES CALORIES VIDES

Pourquoi l’utilisation de sucres purifiés pose problème ? Tout d’abord cela affecte la couverture des minéraux, vitamines et autres micronutriments dont nous avons besoin. En effet, les sucres simples ajoutés sont des calories vides qui diminuent d’autant la densité nutritionnelle de notre alimentation. Or, il existe un problème récurrent de densité nutritionnelle dans les aliments trans- formés, trop riches en ingrédients raffinés, trop chargés en sucre, en matières grasses ou en amidon purifié, si bien que l’abondance alimentaire de nos supermarchés ne nous donne pas l’assurance de bien couvrir les apports nutri- tionnels conseillés avec une prise calorique normale.

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En plus de ses conséquences nutritionnelles négatives directes sur la cou- verture en micronutriments, la recherche du goût sucré joue un rôle déterminant dans les déviations du comportement alimentaire qui aboutissent au dévelop- pement de l’obésité (Bray et al., 2004), en particulier chez l’enfant. Dans un fruit sucré parvenu à maturité, le bon goût sucré ne nous trompe pas, il est garant d’une bonne complexité nutritionnelle favorable à la santé. Dans les produits transformés, l’addition de sucre sert à rendre appètent des ingrédients sans goût et qui ont souvent un très faible intérêt nutritionnel tels que des farines, de l’amidon, des agents de texture, de matières grasses saturées. C’est ainsi que des produits à base d’ingrédients céréaliers ou laitiers sont devenus les princi- pales sources de sucres simples. Pire, l’habitude de consommer des produits sucrés et aromatisés détourne sans doute d’autant les consommateurs, surtout les plus jeunes, d’une consommation naturelle de fruits.

À l’évidence, il existe une offre trop foisonnante de produits sucrés que nos jeunes consommateurs additionnent sans que cela contribue à régulariser leurs prises alimentaires durant les repas suivants. Par exemple, il a été montré que la consommation de boissons sucrées n’est pas compensée par une réduction concomitante de la prise de nourriture (Van Wymelbeke et al., 2004). Pire, l’offre d’un repas bien équilibré ne permet pas d’éviter que des enfants ou des adoles- cents réclament en supplément le maximum de sources sucrées (boissons, bis- cuits, glaces, barres…) et parfois, ce sont des adultes qui ont un tel comportement enfantin. Qu’une attirance si naturelle vers le sucre contribue à déstructurer si fortement le comportement alimentaire aurait dû attirer plus tôt l’attention des Pouvoirs publics et des professionnels de l’agroalimentaire pour prévenir l’épidémie mondiale d’obésité qui touche paradoxalement les popula- tions les plus démunies. Au total durant la transition nutritionnelle que nous avons subie, la consommation des sources de glucides complexes a nettement diminué au profit des sucres simples et des matières grasses, ce qui est à met- tre en parallèle avec la montée de l’obésité.

En plus des matières grasses, la consommation excessive de sucres sim- ples contribue donc à la prise d’excès caloriques. Certes, les glucides sont moins efficaces que les matières grasses pour aboutir à la conversion directe de l’énergie excédentaire en graisses corporelles, mais dans le cadre de l’industrialisation alimentaire, il y a suffisamment de graisses cachées qui ne demandent qu’à être stockées grâce à la synergie métabolique des glucides qui stimulent la lipogenèse par leurs effets sur l’insulinosécrétion. Il est inutile que les deux lobbies des sucres et des graisses se renvoient la responsabilité de la montée actuelle de l’obésité, ils en sont tous les deux responsables. Prendre conscience de l’importance de réduire la densité énergétique des aliments pour réduire la prise calorique et prévenir le risque de surcharge pondérale (Ledikwe et al., 2007) ne nécessite pas de diaboliser la consommation de sucres mais doit conduire tous les acteurs de la santé à donner des messages clairs sur la nécessité de contrôler leur consommation en particulier chez les jeunes.

Cependant deux questions se posent pour optimiser la nutrition préventive : dans quelle mesure le métabolisme du fructose ne risque pas d’induire des déviations métaboliques ? quels seraient les bénéfices de remplacer le plus systématiquement possible les sucres purifiés par des fruits ou des prépara- tions à base de fruits ?

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4 – LES SPÉCIFICITÉS MÉTABOLIQUES DU FRUCTOSE

Par le biais de l’amidon, on absorbe des quantités très élevées de glucose (de 200 à 300 g par jour) si bien que le glucose en provenance des sucres sim- ples (qui est de l’ordre de 30 à 50 g) ne semble pas poser de problèmes méta- boliques spécifiques à la différence du fructose. Il faut cependant souligner que le glucose de toutes origines (amidon, saccharose, glucose des fruits ou purifié) est particulièrement vite absorbé (la digestion du lactose peut être plus lente chez l’adulte). Le glucose bénéficie en effet pour son absorption intestinale d’un transport actif dépendant du sodium, si bien qu’il sert de glucide de référence avec un index glycémique de 100 pour calculer l’impact sur la glycémie des diverses sources de glucides. Une utilisation très abondante de sirops de glu- cose n’est donc pas recommandable en terme de contrôle de sécrétion d’insu- line.

Lorsqu’on compare l’index glycémique du saccharose ou du fructose par rapport au glucose, on trouve que ces deux sucres simples ont un index relati- vement bas d’environ 70 et 20, ce qui explique le bon index glycémique des fruits et de la plupart des légumes pauvres en amidon. L’origine de ces diffé- rences est bien connue, elle se situe à la fois au niveau de l’absorption intesti- nale et du métabolisme hépatique. L’absorption de fructose emprunte un transporteur (glut 5) distinct et beaucoup moins efficace que celui du glucose (glut 2). Le transport du fructose peut être rapidement saturé pour des apports modérés. On sait que beaucoup de personnes peuvent présenter une malab- sorption au-delà d’un apport de 15 g de fructose. À la différence du fructose, l’homme a des capacités presque illimitées d’absorption du saccharose, du fait des activités non limitantes de la sucrase intestinale (contrairement à la lactase) et parce que la présence de glucose stimule le transfert vers l’entéro- cyte du fructose.

Une autre spécificité du fructose concerne son métabolisme hépatique.

Alors que le glucose de la veine porte passe largement la barrière hépatique (le foie ne commence à capter le glucose que si la glycémie s’élève largement au- dessus de 5 mM), le fructose portal est presque totalement capté à chaque passage sanguin. Néanmoins, en cas d’absorption de quantités très élevées de fructose, on peut le détecter dans la circulation générale. Il n’est donc pas étonnant que l’ingestion de fructose élève très peu la glycémie. Cette spécificité métabolique apparemment favorable limite en fait nos capacités à tolérer des quantités très élevées de fructose. À jeun la consommation de sucre dans un aliment complexe ne peut être que très favorable. D’une part le fructose via son métabolite, le fructose 1P aide à l’activation du glucose (et donc à son captage hépatique), d’autre part le fructose peut accélérer la reconstitution du glyco- gène après sa conversion en glucose 6P.

Les effets métaboliques du fructose posent par contre de nombreux pro- blèmes lorsque l’organisme dispose d’un excès de substrats énergétiques (Havel, 2005). Lorsque le fructose ne peut trouver une utilisation normale vers la synthèse de glucose et de glycogène (glycémie élevée et réserve de glyco- gène reconstituée), son métabolisme via les triose-phosphate ne peut conduire qu’à la stimulation de la lipogenèse hépatique. Le foie va ainsi exporter des lipides vers la circulation générale (sous forme de VLDL) qui s’additionnent au

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pool des lipides d’origine intestinale. La quantité de triglycérides à résorber devient très élevée, ce qui augmente la libération des acides gras libres dans le sang. Ces acides gras rentrent en compétition avec le glucose pour la fourni- ture d’énergie et gênent ainsi l’action de l’insuline. À la différence du fructose, un excès d’apport glucidique sous forme d’amidon conduit beaucoup plus dif- ficilement à une situation d’hypertriglycéridémie, tout au moins chez les sujets normaux.

Une autre déviation du métabolisme du fructose est la synthèse d’acide uri- que qui se rajoute chez certains sujets à la production d’acide urique à partir du métabolisme des nucléotides adényliques d’origine animale. Il faut noter qu’une disponibilité modérée d’acide urique est sans doute bénéfique pour l’organisme puisque ce composé est un antioxydant endogène que les reins réabsorbent largement (Lotito et Frei, 2005). Cependant, produit en excès l’acide urique peut non seulement favoriser le développement de la goutte ou des lithiases urinai- res mais jouer un rôle dans le développement du syndrome plurimétabolique.

Chez le rat un régime à base de fructose induit ce type de syndrome qui peut être prévenu en réduisant la teneur d’acide urique plasmatique (Nakagawa et al., 2006).

Lorsqu’il échappe au métabolisme hépatique, le fructose et ses métabolites pourraient exercer un certain nombre d’effets délétères. C’est la théorie des effets prooxydants du fructose qui a été développée en particulier par le groupe d’Yves Rayssiguier (2006) et le « rat fructose » est souvent présenté comme un bon modèle de reproduction du syndrome métabolique. Le fructose et ses métabolites pourraient, en interagissant avec les groupes aminés des protéines, générer des produits de glycation à l’origine de certaines atteintes fonctionnel- les (atteintes occulaires, rénales, neuropathies du diabétique). Le fructose sem- ble beaucoup plus actif que le glucose comme agent glycant et certains métabolites tels que le glycéraldéhyde 3P ou le methyl glyoxal sont très actifs pour stimuler la production des AGEs (advanced glycation endproducts), (Demi- gné et al., 2006). Le syndrome métabolique se caractérise par une hypertension associée à la surcharge pondérale, à la résistance à l’insuline et à une dyslipi- démie et le fructose pourrait jouer un rôle dans le développement de ce syn- drome (Basciano et al., 2005). Contrairement au rat, les impacts du fructose sur la tension artérielle restent à préciser. Chez le rat, un régime fructose semble exacerber le stress oxydant et les processus inflammatoires induits par le défi- cit en magnésium (Rayssiguer et al., 2006). Finalement, le fait de consommer des quantités élevées de fructose en dehors de son environnement végétal naturel, donc éventuellement avec une biodisponibilté insuffisante de fibres et de micronutiments, pose problème et peut conduire à des déviations métaboli- ques peu compatibles avec une bonne nutrition préventive.

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5 – QUEL ACCOMPAGNEMENT EN FIBRES ET MICRONUTRIMENTS POUR LES SUCRES SIMPLES ?

Un très grand nombre d’enquêtes épidémiologiques ont mis en évidence les bénéfices santé des fruits et légumes et de ce constat, on peut déduire que l’environnement des sucres est essentiel pour que leur métabolisme soit pleine- ment bénéfique. Brièvement quels sont les rôles protecteurs des composés de la fraction non énergétique ?

Dans la cellule végétale, les sucres sont environnés de fibres alimentaires de solubilité, de viscosité et de fermentescibilité différentes. Notre physiologie digestive nécessite de disposer de glucides non digérés dans le gros intestin pour assurer un très grand nombre de fonctions : une vitesse de transit suffi- sante, le développement de fermentations symbiotiques, l’élimination digestive du cholestérol, l’absorption dans les parties distales des minéraux peu solubles, la protection des muqueuses digestives. L’utilisation croissante de jus de fruits à la place des fruits a déjà pour conséquence négative de les priver d’une grande partie de leurs fibres, la consommation de sucres purifiés est de ce point de vue une situation extrême de dénutrition en fibres. Cependant on peut objecter que l’addition de sucres est une bonne manière pour faire consommer des végétaux très riches en fibres et micronutriments tels que des fruits rouges ou amers. Dans de nombreux aliments transformés, l’addition de sucres revêt souvent un intérêt nutritionnel très discutable. Surtout pour respecter une com- plexité nutritionnelle naturelle, il faudrait que les sucres ajoutés soient accom- pagnés d’un minimum d’oligosaccharides, de sucres alcool ou de pectines tels qu’on les trouve dans les fruits. C’est ce savant et élégant mélange qui fait du miel un produit différent du sucre blanc !

À la différence du sucre, les produits végétaux sont des sources majeures de minéraux et en particulier de sels organiques de potassium. Les citrates et malates de potassium, malgré un excès éventuel d’acides organiques respon- sables de l’acidité des fruits et légumes, exercent dans l’organisme des effets alcalinisants en étant transformés en équivalents de bicarbonate de potassium.

Or nous avons à lutter en permanence contre les effets délétères d’une aci- dose métabolique très légère induite en particulier par la consommation de certains aliments (viandes, fromages salés, poissons) ou certains sels (chlorure de sodium) à charge acide. La consommation de fruits et légumes dotés de propriétés alcalinisantes permet d’éviter que l’os ne délivre du calcium pour assurer l’équilibre acido basique. Cela leur donne un rôle clé dans une straté- gie de prévention de l’ostéoporose. Par comparaison le couple sel (aux pro- priétés hypercalciuriantes) et sucres purifiés (dépourvus d’éléments alcalinisants) omniprésent dans les produits transformés représente une consommation à risque.

La consommation de sucres dans les produits naturels est aussi associée à une grande diversité de micronutriments et en particuliers d’antioxydants, ce qui contrecarre les effets prooxydants du fructose. Par ailleurs, il est maintenant reconnu que la prise d’antioxydants sous forme de compléments est peu effi- cace, voire porteuse de risques métaboliques. Cette analyse sans être exhaus- tive montre à quel point il y a lieu de différencier les effets nutritionnels des

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sucres simples selon qu’ils sont consommés sous forme de sucres purifiés ou de produits végétaux complexes.

6 – CONCLUSION

Face aux risques liés à une consommation élevée de sucres purifiés et en particulier de fructose, on peut améliorer la situation nutritionnelle actuelle et lutter contre l’obésité par deux voies complémentaires : doubler la consomma- tion de fruits et légumes pour qu’elle atteigne plus de 500 g /jour et réduire de moitié par exemple la consommation des sucres ajoutés (pour qu’elle ne dépasse pas 50 g/jour et afin de garder les bénéfices culinaires essentiels).

Quant aux sucres utilisés dans la confection des aliments, il n’y a aucune raison de les purifier entièrement et de les débarrasser de toute trace de minéraux et micronutriments.

Cependant les conséquences de l’industrialisation alimentaire sur la montée de l’obésité ne peuvent être attribuées à un seul type de nutriment (sucres ou matières grasses) mais à un ensemble de produits transformés à force densité énergétique, source de calories vides. La question serait de faire adopter un ensemble de bonnes pratiques à l’ensemble de l’industrie agroalimentaire selon les recommandations du PNNS2. Au lieu de s’engager vers la voie la plus sûre de réduction du goût sucré des aliments et des boissons, l’industrie a mainte- nant de plus en plus recours aux édulcorants, ce qui ne résout pas pour autant les déviations du comportement alimentaire ou l’infantilisation du goût. Il sem- ble bien préférable de conserver un usage très modéré du sucre compatible avec une bonne gestion du plaisir et des relations entre alimentation et santé.

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Références

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