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Les s´eries de Fourier

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Academic year: 2021

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(1)

Les s´eries de Fourier

Les s´eries de Fourier forment un outil essentiel des aplications des math´emat´ematiques : elles permettent de “d´ecomposer” une fonction `a l’aide de nombres (les coefficients de Fourier), puis, sous de bonnes hypoth`eses, de “recomposer” la fonction `a partir de sa s´erie de Fourier. Elle sont utilis´ees dans de nombreux domaines : r´esolution des ´equations de la chaleur, compression (et d´ecompression) des signaux (son, image...), physique des milieux p´eriodiques (cristaux), th´eorie des harmoniques en musique...

Nos objectifs sont (v´erifiez que ces objectifs prennent sens au fur et `a mesure que le cours avance) :

• D´efinir les coefficients de Fourier d’une fonction p´eriodique, les calculer pour quelques fonctions basiques. D´efinir la s´erie de Fourier associ´ee.

• Manipuler les diff´erentes techniques de calculs des coeffecients de Fourier et re- connaˆıtre l’aspect hilbertiendes s´eries de Fourier.

• Pr´esenter (sans d´emonstration compl`ete) des th´eor`emes de convergence de la s´erie de Fourier d’une fonction, les utiliser pour ´ecrire une fonction comme somme de Fourier.

• Donner quelques applications.

Un conseil pour lire ce cours : il y a de nombreuses formules, qui seront dans un premier temps donn´ees comme d´efinitions ou propri´et´es issues du calcul. Il ne faudra pas essayer de les m´emoriser toutes imm´ediatement, mais faire des aller-retour au fur et `a mesure que nous interpr´eterons l’origine de ces formules.

1 Fonctions p´ eriodiques et coefficients de Fourier

1.1 Fonctions p´ eriodiques : les polynˆ omes trigonom´ etriques, et les autres...

On rappelle qu’une fonction f :R→C est 2π-p´eriodique lorsque

∀t∈R, f(t+ 2π) = f(t).

Nous allons nous restreindre aux fonctions continues par morceaux sur R, voire continue surR :

(2)

D´efinition 1: Fonctions p´eriodiques

On noteCM(R) l’ensemble des fonctions continues par morceaux surR(`a valeurs complexes) et 2π-p´erodiques. On note C(R) le sous-ensemble de ces fonctions qui sont de plus continues sur R.

Hormis les fonctions constantes, qui sont trivialement p´eriodiques, les premiers exem- ples qui viennent en tˆete sont les fonctions trigonom´etriques, cosinus et sinus. On peut alors remarquer un fait physique : si on fait osciller une de ces fonctions “n fois plus vite”, avecn≥1 un entier, sa p´eriode est divis´ee parn. Ainsi, elle reste 2π-p´eriodique, puisque tout multiple entier de la p´eriode est encore une p´eriode. Mettons cela en ´equation : on introduit pourn ≥1 les fonctions

t7→cos(nt) et t 7→sin(nt).

Ces fonctions sont encore 2π-p´eriodiques, et leur plus petite p´eriode est n. On a trac´e les quatres premi`eres sur la figure 1 dans le cas du sinus. Afin de compl´eter ces fonctions, on y ajoute la fonction constante ´egale `a 1.

0 1 2 3 4 5 6 7

0

−1 1

−0.5 0.5

sin(t)

0 1 2 3 4 5 6 7

0

−1 1

−0.5 0.5

sin(2t)

0 1 2 3 4 5 6 7

0

−1 1

−0.5 0.5

sin(3t)

0 1 2 3 4 5 6 7

0

−1 1

−0.5 0.5

sin(4t)

Figure 1: Les fonctions sinus “contract´ees” t7→sin(nt) pour 1≤n ≤4 sur [0,2π].

On introduit alors l’espace vectoriel engeandr´e par ces fonctions:

(3)

D´efinition 2: Polynˆomes trigonom´etriques

On note P(R) l’espace vectoriel des fonctions, appel´ees “polynˆomes trigonom´etriques”, de la forme

f(t) = α0+

N

X

n=1

ncos(nt) +βnsin(nt)), (1) o`u N ∈ N est un entier, appel´e degr´e du polynˆome trigonom´etrique f, et (αn)n=0,...,N et (βn)n=1,...,N sont des scalaires, appel´es “coefficients du polynˆome trigonom´etrique”.

On parvient ainsi `a fabriquer de nombreuses fonctions 2π-p´eriodiques. Bien sˆur, on ne les a pas toutes : en fait, il y a “autant” de fonctions p´eriodiques que de fonctions dans l’intervalle de p´eriodicit´e [0,2π]. Un peu plus rigoureusement : il y a une correspondance exacte (une bijection) entre l’ensemble C(R), et l’ensemble des fonctions continues sur [0,2π] telles que f(0) = f(2π), il suffit pour montrer cela de prendre une fonction dans C(R) et de consid´erer sa restriction `a l’intervalle [0,2π]. On peut construire une bijection similaire pour mettre en lienCM(R) et les fonctions continues par morceaux sur [0,2π].

L’id´ee r´evolutionnaire de Joseph Fourier, pr´esent´ee en 1811, est d’essayer “d’atteindre”

une fonction p´eriodique quelconque `a partir d’un polynˆome trigonom´etrique. Un id´ee clef est d’´etudier une limiteN →+∞dans la formule (1), apr`es avoir construit judicieusement les coefficients. Mais vous savez maintenant que la convergence d’une suite ou d’une s´erie de fonctions est quelque chose de complexe. Cette id´ee est d’un certain point de vue choquante : comment pourrait-on approcher une fonction non continue (par exemple, un creneau), `a partir des polynˆomes trigonom´etriques, qui sont des fonctions C? Nous allons r´epondre `a ces probl´ematiques dans ce cours.

La d´efinition pr´ec´edente s’appuie sur des fonctions trigonom´etriques “de base”, qui sont `a valeurs r´eelles. Les coefficients, eux, peuvent ˆetre complexes, mais la forme (1) n’a alors pas beaucoup d’int´erˆet. Il faudra alors jongler avec une approche parall`ele bas´ee sur les exponentielles complexes :

(4)

Exercice 1: Lien entre les formes expo et trigo

Soit f ∈ P(R) un polynˆome trigonom´etrique. On l’´ecrit sous la forme (1). Mon- trer que l’on peut alors ´ecrire

f(t) = α0+

N

X

n=1

ncos(nt) +βnsin(nt)) =

N

X

n=−N

γneint,

o`u les coefficients (γn)n=−N,...,N sont reli´es aux coefficients (αn)n=0,...,N et (βn)n=1,...,N par les formules

γ00 et





γn= αn−iβn

2 si n >0 γn = α−n+iβ−n

2 si n <0 ainsi que

∀n ∈ {1, . . . , N}: αnn−n et βn=i(γn−γ−n)

Correction : Des formules qui relient des exponentielles complexes et des fonctions trigonom´etriques... cela sent les formules d’Euler `a plein nez! Supposons donc que

f(t) = α0+

N

X

n=1

ncos(nt) +βnsin(nt)), et ´ecrivons

cos(nt) = eint+e−int

2 et sin(nt) = eint−e−int

2i ,

et en on d´eduit directement (en utilisant 1i =−i) que f(t) = α0+

N

X

n=1

αn−iβn

2 eintn+iβn 2 e−int

,

0+

N

X

n=1

αn−iβn 2

eint+

−1

X

n=−N

α−n+iβ−n

2

eint

On obtient le r´esultat en introduisant les coefficients (γn)n=−N,...,N comme indiqu´es dans la proposition. A l’inverse, les coefficients αn et βn s’expriment facilement `a partir des coefficients γn et γ−n.

La d´enomination “polynˆome” trigonom´etrique prend alors tout son sens, puisque eint = (eit)n, d’ailleurs, en utilisant les formules d’Euler, on voit qu’un polynˆome trigonom´etrique est une combinaisons lin´eaire de puissances des fonctions cosinus et sinus.

1.2 Les coefficients de Fourier d’une fonction p´ eriodique

La proposition suivante, issue du TD2 (exo 15), sera importante dans cette section. Elle dit que l’int´egrale d’une fonction p´eriodique le long d’une p´eriode est la mˆeme, quel que

(5)

soit le point de d´epart :

Proposition 1: Int´egrale sur une p´eriode Soit f ∈CM(R). Alors pour tout a∈R,

Z 0

f(t)dt=

Z a+2π a

f(t)dt.

Etant donn´ee une fonction p´eriodique, appuy´es par la proposition pr´ec´edente, on va lui associer des suites de scalaires, appel´es “coefficients de Fourier” :

D´efinition 3: Coefficients de Fourier

soit f ∈CM(R). On d´efinit ses coefficients de Fourier exponentiels par

∀n∈Z, cn(f) = 1 2π

Z 0

f(t)e−intdt. (2)

On d´efinit ´egalement ses coefficients de Fourier trigonom´etriques para0(f) = c0(f), et

∀n∈N, an(f) = 1 π

Z 0

f(t) cos(nt)dt et bn(f) = 1 π

Z 0

f(t) sin(nt)dt. (3) Les coefficients de Fourier ont des propri´et´es de lin´earit´e ´evidentes :

Proposition 2: Lin´earit´e des coefficients de Fourier Soit f etg dans CM(R), et α∈C. Alors

cn(f +αg) =cn(f) +αcn(g),

et on a des formules similaires pour les coefficients de Fourier trigonom´etriques.

La preuve de cette proposition est imm´ediate, et elle paraˆıtra encore plus claire lorsque nous auront interpr´et´e les coefficients de Fourier en terme de produit scalaire.

Comme pour les diff´erentes formes d’un polynˆomes trigonom´etriques, ces nombres peuvent ˆetre reli´es par les formules suivantes :

(6)

Proposition 3: Lien entre les coefficients

Soit f ∈CM(R). Les coefficients cn(f) sont reli´es aux coefficients an(f) et bn(f) par les formules

c0(f) = a0(f) et





cn(f) = an(f)−ibn(f)

2 sin > 0 cn(f) = a−n(f) +ib−n(f)

2 sin < 0 ainsi que, pour n entre 1 etN :

an(f) = cn(f) +c−n(f) et bn(f) =i(cn(f)−c−n(f))

Proof. Si vous avez su faire l’exercice 1, vous n’aurez aucun probl`eme `a faire la preuve : c’est la mˆeme!

D´efinition 4: Sommes de Fourier partielles

Pour un entier N ≥0 donn´e, on d´efinit la N-i`eme somme de Fourier partielle de f comme ´etant la fonction

SN(t) =

N

X

n=−N

cn(f)eint=a0+

N

X

n=1

(an(f) cos(nt) +bn(f) sin(nt)),

l’´egalit´e entre les deux sommes ´etant garantie par les relations entre les coefficients.

On noterea parfois SN(f) pour rappeler qu’il s’agit de la s´erie de Fourier de f. La s´erie de Fourier associ´ee `a f est la s´erie

X

Z

cn(f)eint=a0+X

N

(an(f) cos(nt) +bn(f) sin(nt)).

Remarque : Quand on parle de “s´erie”, c’est bien au sens de votre cours de S3. En particulier, on ne sait pas encore si cette s´erie de fonctions converge, ni en quel sens.

A ce stade, le nombre de nouvelles formules peut paraˆıtre effrayant! Pour retenir ces formules, deux ´etapes : il faut bien sˆur les interpr´eter et les lier les unes aux autres, et il faut les mettre en applications avec des exemples concrˆets (bientˆot).

Pour l’instant, retenons que pour une fonction f p´eriodique donn´ee, la quantit´e

1

R

0 f peut ˆetre interpr´et´ee comme sa valeur moyenne au cours d’une p´eriode. Ainsi, les coefficientscn(f) peuvent s’interpr´eter comme la moyenne de la fonction f, pond´er´ee par une fonction oscillante t 7→ e−int, sur une p´eriode. En particulier, le nombre c0 est la moyenne de f sur une p´eriode, parfois appel´ee aussi harmonique fondamentale. La fonctiont7→an(f) cos(nt) +bn(f) sin(nt) est appel´ee lan-i`eme harmonique de la s´erie de Fourier def. Nous verrons une interpr´etation plus profonde des coefficients de Fourier et de la somme partielle plus tard.

(7)

1.3 Propri´ et´ es des coefficients et premiers calculs

Nous d´ecrivons ici quelques propri´et´es des coefficients. Certaines ont une importance th´eorique, tandis que d’autres permettront de nous aiguiller sur la mani`ere de calculer des coefficients de Fourier.

La propri´et´e suivante donne des indications sur ce que l’on peut attendre du calcul des coefficients de Fourier :

Proposition 4

Soit f ∈CM(R). Alors

• Si f est `a valeurs r´eelles, alors tous les coefficients trigonom´etriques an(f) et bn(f) sont r´eels, et pour tout n≥0 on a c−n(f) =cn(f).

• Si f est paire, alors bn(f) = 0, pour toutn≥1.

• Si f est impaire, alors an(f) = 0, pour toutn ≥0.

Proof.

• Sif est `a valeurs r´eelles, alors les formules d´efinissant les coefficients trigonom´etriques an(f) et bn(f) montrent directement que ceux-ci sont r´eels. De plus, puisque f est

`

a valeurs r´eelles, on a f =f, et donc pour tout n≥0 on a c−n(f) = 1

2π Z

0

f(t)eintdt = 1 2π

Z 0

f(t)e−intdt= 1 2π

Z 0

f(t)eintdt =cn(f).

• En utilisant la proposition (1.2), on sait que bn(f) = 1

π Z π

−π

f(t) sin(nt)dt.

Si f est paire, puisque la fonction t 7→ sin(nt) est impaire, alors leur produit t 7→

f(t) sin(nt) est aussi impaire. On d´eduit donc que son int´egrale sur l’intervalle sym´etrique ]−π, π[ est nulle d’apr`es les propri´et´es vues en int´egration.

• Si f est impaire, c’est la mˆeme preuve que ci-dessus, sauf que cette fois c’est le produit t7→f(t) cos(nt) qui est impaire.

Ainsi, pour une fonction paire (respectivement impaire), il suffira de calculer an (re- spectivementbn). On utilisera par ailleurs la Proposition 1.2 pour se placer sur un inter- vable convenable, selon les propri´et´es de parit´e de la fonction et sa d´efinition.

Lors du calcul effectif des coefficients de Fourier, on aura de besoin de nombreuses valeurs des fonctions trigonom´etriques. Je vous invite `a remplir le tableau suivant pour vous entraˆıner. Le cercle trigonom´etrique n’est pas une option! Tant que ce n’est pas automatique, revenez-y :

(8)

argument (n ∈Z) nπ nπ+ π2 valeur pour le cosinus (−1)n 0 valeur pour le sinus 0 (−1)n

Exercice 2: (Un premier calcul)

Soit f la fonction r´eelle 2π-p´eriodique d´efinie sur ]−π, π] par

f(t) =





1 si t∈]0, π[

0 si t= 0 ou π

−1 si t∈]−π,0[

1. Tracer la fonctionf et donner sa parit´e.

2. Montrer quean(f) = 0 pour tout n≥0, tandis que

∀n ≥1, bn(f) = 2

nπ(1−(−1)n).

3. Montrer que la s´erie de Fourier de f est 4

π X

p≥0

sin((2p+ 1)t) 2p+ 1 . Correction :

1. Le graphe de f (voir ci-dessous) montre que la fonction f est clairement impaire.

0

−8 −7.5 −7 −6.5 −6 −5.5 −5 −4.5 −4 −3.5 −3 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 5.5 6 6.5 7 7.5 8

0

−1 1

−0.8

−0.6

−0.4

−0.2 0.2 0.4 0.6 0.8

Figure 2: La fonction f sur ]−2π,2π[.

2. Ainsi, puisque f est impaire, on a an(f) = 0, tandis que bn(f) = 1

π Z π

−π

f(t) sin(nt)dt= 2 π

Z π 0

f(t) sin(nt)dt,

(9)

o`u on a exploit´e la parit´e pour se ramener `a l’intervalle ]0, π[. Puisque la fonction f y vaut 1, on a donc

bn(f) = 2 π

Z π 0

sin(nt)dt= 2

π[−cos(nt)

n ]π0 = 2

nπ(1−cos(nπ)) = 2

nπ(1−(−1)n).

3. Puisque an(f) = 0 pour toutn ∈N, la s´erie de Fourier de f s’´ecrit X

n≥1

bn(f) sin(nt).

Le calcul des coefficients nous am`ene `a distinguer deux cas selon la parit´e de n : bn(f) =

 4

nπ si n est impair 0 sinon.

Ainsi, en s´eparant la s´erie de Fourier en deux : X

n≥1

bn(f) sin(nt) = X

p≥1

b2p(f) sin(2pt) +X

p≥0

b2p+1(f) sin((2p+ 1)t), on obtient l’´ecriture demand´ee.

Rappel : Avant de se lancer dans l’exo suivant, un rappel sur la convergence normale.

Je vous rappelle la d´efinition : une s´erie de fonctions P

n∈Nfn, d´efinies sur un intervalle I, converge normalement sur I lorsque la s´erie num´erique

X

n∈N

sup

t∈I

|fn(t)|

converge. On prendra bien garde aux | · | dans cette d´efinition, qui sont cruciales, en particulier si les fonctions sont `a valeurs complexes, en effet, prendre le sup d’une fonction

`

a valeurs complexe n’a aucun sens... On notera que la quantit´e supt∈I|fn(t)| ne d´epend que de n, aussi la s´erie ci-dessus est une s´erie num´erique (positive). Pour montrer sa convergence, deux strat´egies :

• On calcule supt∈I|fn(t)|. Cela peut ˆetre laborieux... mais cela peut aussi montrer la divergence de la s´erie ci-dessus (et donc l’absence de convergence normale).

• On majore |fn(t)| pour tout t ∈ I par une quantit´e qui ne d´epend que de n, et qui est le terme g´en´eral d’une s´erie convergente. On conclut avec un th´eor`eme de comparaison des s´eries positives.

Pour montrer la convergence normale d’une s´erie de Fourier, il suffit d’´etudier la s´erie de ses coefficients, en effet on a |eint|= 1 pour tout t ∈R, et donc on a directement :

X

n∈Z

|cn(f)| converge ⇐⇒ X

Z

cn(f)eint converge normalement sur R.

(10)

Un crit`ere similaire s’´ecrit facilement `a partir des coefficients trigonom´etriques : siP

n≥0|an(f)|

etP

n≥1|bn(f)| convergent, alors la s´erie de Fourier de f converge normalement sur R. Exercice 3: (Un deuxi`eme calcul, plus complexe)

Soit f la fonction r´eelle 2π-p´eriodique telle que f(t) = t2 sur [−π, π[.

1. Tracer la fonction f et d´emontrer qu’elle est paire et continue. Est-elle de classe C1 surR?

2. Calculer ses coefficients de Fourier, et ´ecrire la s´erie de Fourier associ´ee 3. Montrer que la s´erie de Fourier de f converge normalement surR. Correction :

1. Pour tracer la fonction f, on la trace de mani`ere analytique sur [−π, π[ en tra¸cant la parabole d’´equation t 7→ t2, puis on translate son graphe par les multiples de 2π `a gauche ou `a droite pour obtenir le graphe final (figure 3). Il est clair sur le graphe que la fonction est paire, continue, d´erivable sauf aux points de la forme t= (2k+ 1)π aveck ∈Z.

Figure 3: La fonction f sur [−3π,3π].

Bien que l’argumentation par un graphique clair soit valide, montrons analytique- ment ces points afin de voir comment manipuler des fonctions p´eriodiques. Ceux qui ne sont pas int´eress´es par ces d´etails peuvent passer `a la question suivante dans un premier temps. Il faut au pr´ealable trouver une expression de la fonction f sur R. Pour un r´eel y ∈R, il existe un entier k ∈Z tel que y∈ [(2k−1)π,(2k+ 1)π[, c’est-`a-dire (2k−1)π ≤ y < (2k+ 1)π. Cet entier est le plus grand k ∈ Z tel que (2k −1)π ≤ y, on d´eduit donc que k = E(y + 12). On se ram`ene `a l’intervalle [−π, π[ : on ´ecrit y = 2kπ+x, avec x∈[−π, π[, et on a alors

f(y) = f(2kπ+x) =f(x) =x2 = (y−2kπ)2.

(11)

• Montrons que f est paire. Prenons y >0. Si y∈[0, π[, alors c’est ´evident car f(y) = y2 = (−y)2 = f(−y). Si y ∈](2k−1)π,(2k+ 1)π[ avec k ≥ 1, alors on en d´eduit que (−2k−1)π < −y < (−2k + 1)π, et donc en appliquant la formule analytique

f(−y) = (−y−2(−k)π)2 = (−y+ 2kπ)2 = (y−2kπ)2 =f(y).

Il reste `a traiter le cas o`uy = (2k+ 1)π, on a alors par 2π-p´eriodicit´e f(y) = f(−π) = π2 tandis que f(−y) = f((−2k−1)π) =f(−π) = f(y). Dans tous les cas, f(−y) =f(y).

Notons que la preuve est g´en´erale : on a en fait montr´e qu’une fonction p´eriodique est paire si sa restriction sur ]−π, π[ l’est.

• Montrons que f est continue et C1 sauf aux points de la forme (2k+ 1)π. Sur tout intervalle de la forme ](2k−1)π,(2k+ 1)π[, on af(y) = (y−2kπ)2 et donc f y est C. Int´eressons-nous au point (2k+ 1)π : si y < (2k+ 1)π en ´etant assez proche de ce point, on ´ecrity= (2k+ 1)π−, et on a alorsf(y) = (π−)2 qui tend vers π2 =f((2k+ 1)π) lorsque →0. De mˆeme, si y= (2k+ 1)π+, il faut ´ecrire y= (2k+ 2)π+ (−π) et on af(y) = (−π)2 qui tend aussi vers π2 lorsque tend vers 0.

Etudions la d´erivabilt´e en ce point. Le taux d’accroissement `a gauche (c’est-

`

a-dire pour y = (2k+ 1)π− vaut f(y)−f((2k+ 1)π)

y−(2k+ 1)π = (π−)2−π2

− →

→02 tandis que celui `a droite (c’est-`a-dire pour y= (2k+ 1)π−) vaut

f(y)−f((2k+ 1)π)

y−(2k+ 1)π = (π−)2−π2

+ →

→0−2.

Les taux d’accroissement n’ont pas les mˆemes limites `a droite et `a gauche (v´erifiez par ailleurs sur le graphique que la monotonie `a gauche et `a droite du point (2k+ 1)π correspondent aux signes des limites des taux d’accroissements : poisitif `a gauche et n´egatif `a droite). On en d´eduit que la fonction n’est pas d´erivable en ce point.

Comme on vient de le voir, montrer manuellement ces comportements ´el´ementaires est p´enible, et on a tout int´erˆet `a argument plutˆot avec un dessin (ce qui est un raisonnement valide, dans certaines limites). Notons ´egalement que les preuves sont possibles avec l’expression analytique

∀y∈R, f(y) = (y−2πE( y 2π +1

2))2.

2. Puisque la fonction est paire, on va calculer les coefficients de Fourier trigonom´etriques def, on sait d´ej`a que

∀n≥1, bn(f) = 0.

(12)

Pour le calcul des coefficients, on se place sur la p´eriode ]−π, π[, et on utilise la parit´e. On calulea0(f) `a part :

a0(f) = 1 2π

Z π

−π

t2dt= 2 2π

Z π 0

t2dt = π2 3 . Les autres coefficients sont d´efinis par

∀n≥1, an(f) = 1 π

Z π

−π

f(t) cos(nt)dt= 2 π

Z π 0

t2cos(nt)dt.

On r´ealise une premi`ere IPP : an(f) = 2

π

[t2sin(nt) n ]π0 −2

Z π 0

tsin(nt) n dt

=− 4 nπ

Z π 0

tsin(nt)dt, o`u on a utilis´e sin(nπ) = 0 pour tout n≥0. On r´ealise encore une ipp :

Z π 0

tsin(nt)dt= [−tcos(nt) n ]π0 +

Z π 0

cos(nπ) n dt.

Un calcul de primitive donne Z π 0

cos(nπ)

n dt= [sin(nt)

n ]π0 = 0, et donc

Z π 0

tsin(nt)dt=−π

n(cos(nπ)−0) =−π

n(−1)n. En conclusion,

an(f) = 4(−1)n n2 .

3. Les coefficients de Fourier bn(f) ´etant nuls, la s´erie de Fourier def est la s´erie a0+X

n≥1

an(f) cos(nt) = π2

3 + 4X

n≥1

(−1)n

n2 cos(nt).

Remarque : Entre les r`egles de trigonom´etrie et les signes dans les ipp, il est im- probable de faire ce calcul juste du premier coup. Heureusement, les calculs de coefficients de Fourier se ressemblent tous, assurez-vous donc d’en faire assez pour faire ce type d’ipp et de calcul sans probl`emen en particulier en primitivant le cosinus ou le sinus de tˆete.

4. On a la majoration

∀n ≥1,∀t ∈R, |(−1)n

n2 cos(nt)| ≤ 1 n2. La s´erie P

n≥1 1

n2 converge, et le terme g´en´eral ne d´epend pas de t, donc la s´erie P

n≥1 (−1)n

n2 cos(nt) est normalement convergente sur R, et donc la s´erie de Fourier def aussi.

(13)

La derni`ere question a pu ˆetre trait´ee “manuellement” en ´etudiant la forme des co- efficients. Nous verrons des propri´et´es de convergence “g´en´erale” des s´eries de Fourier.

La question de la limite aura ´egalement une r´eponse. Pour l’instant, contentons-nous de tracer le graphe des sommes partielles dans les figures 4-6. On a maintenant un indice sur la limite de la s´erie de Fourier dans cet exemple : cela semble ˆetre la fonction f elle- mˆeme, mais on n’a pas encore d’explication sur ce fait. On constate que pour N = 50 et N = 100, les sommes de Fourier SN sont tr`es proches de f, y compris au point t =π o`u la fonction f n’est pas C1.

(14)

0

−2 2

−3 −1 1 3

0 10

2 4 6 8

S1

0

−2 2

−3 −1 1 3

0 10

2 4 6 8

S2

0

−2 2

−3 −1 1 3

0 10

2 4 6 8

S3

0

−2 2

−3 −1 1 3

0 10

2 4 6 8

S4

0

−2 2

−3 −1 1 3

0 10

2 4 6 8

S5

0

−2 2

−3 −1 1 3

0 10

2 4 6 8

S6

Figure 4: Les premi`eres sommes de Fourier partielles SN avec 1≤N ≤6, et la fonction f sur [−π, π]. On voit que les sommes de Fourier se rapprochent de f.

(15)

0

−6 −5 −4 −3 −2 −1 1 2 3 4 5 6 7 8 9

0 2 4 6 8

1 3 5 7 9

Figure 5: La somme de Fourier partielle S50. Elle semble ˆetre tr`es proche de la fonction f... Zoomons pr`es des “pics” (figure suivante).

3.2 3.1

3.08 3.12 3.14 3.16 3.18

3.07 3.09 3.11 3.13 3.15 3.17 3.19 3.21

9.4 9.6 9.8

9.5 9.7 9.9

9.45 9.55 9.65 9.75

9.85 S50

S100 f

Figure 6: Les sommes de Fourier partiellesS50 etS100, ainsi que la fonctionf : zoom pr`es du point t=π. Elles tentent d’imiter le “pic” de la fonctionf.

(16)

Une classe de fonction qui aura son importance est celle des fonctionsC1par morceaux.

Plutˆot que d’avoir `a assimiler une nouvelle d´efinition, rappelez-vous la d´efinition des fonctions continues par morceaux, car celle des fonctions C1 par morceaux en est tr`es proche : il existe une subdivision telle quef estC1 sur chaque intervalle de la subdivision, sauf peut ˆetre au bord, mais la fonction et sa d´eriv´ee y admettent alors une limite. La fonction de l’exercice pr´ec´edent en fait partie : elle estC1 sur ]−π, π[ (ainsi que sur chaque intervale de la forme ](2k−1)π,(2k+ 1)π[ avec k ∈Z), mais elle n’est pas d´erivable en les points de la forme (2k+ 1)π. Pourtant, en ces points, sa d´eriv´ee admet des limites

`

a gauche et `a droite. Notons qu’elle est aussi continue sur R, ce qui n’est pas le cas en g´en´eral.

Proposition 5: Coefficients de Fourier de la d´eriv´ee

Soit f ∈C(R). On suppose de plus que f est C1 par morceaux sur R. Alors

∀n∈Z, cn(f0) = incn(f).

Proof. On ´ecrit la d´efinition de cn(f0) et on int`egre par partie (il faut en toute rigueur adapter la formule aux fonctionsC1 par morceaux) :

cn(f0) = 1 2π

Z 0

f0(t)e−intdt= 1 2π

[e−intf(t)]0 +in Z

0

f(t)e−intdt

=incn(f),

o`u on a utilis´e la p´eriodicit´e pour annuler le terme de bord.

Remarque : On en d´eduit facilement les formules

an(f0) = −nbn(f) et bn(f0) =nan(f),

ainsi qu’une formule pour les coefficients de Fourier de la d´eriv´ee k-i`eme, avec les bonnes hypoth`eses de r´egularit´e.

Notre premier th´eor`eme est partiellement admis : Th´eor`eme 1: Lemme de Riemann-Lebesgues Soit f ∈CM(R). Alors

n→±∞lim cn(f) = lim

n→+∞an(f) = lim

n→+∞bn(f) = 0.

Proof. On prouve le th´eor`eme dans le cas o`uf estC1. D’apr`es la proposition pr´ec´edente, on a alors

|cn(f)|= |cn(f0)|

|n| . Or

|cn(f0)|=| 1 2π

Z 0

f0(t)e−intdt| ≤ 1 2π

Z 0

|f0(t)||e−int|dt≤ kf0k

2π Z

0

dt=kf0k.

(17)

Ainsi, pourf donn´ee de classeC1 par morceaux, on vient de montrer que cn(f) =O(1n).

Cette suite tend donc vers 0, et on d´eduit la mˆeme chose pour les suites (an(f))n≥0

et (bn(f))n≥1. Pour le cas g´en´eral, il faudrait approcher une fonction f continue par morceaux par une fonction C1 par morceaux, et exploiter ce que l’ont vient de faire.

Nous admettons que cette strat´egie est possible et fonctionne.

1.4 Et quand la p´ eriode n’est pas 2π?

En math´ematiques, les fonctions 2π-p´eriodiques apparaissent naturellement : en effet 2π est la longueur d’un cercle de rayon 1. Mais en pratique, peuvent apparaˆıtre des ph´enom`enes naturels de p´eriode quelconque. Notons T > 0 la p´eriode d’un ph´enom`ene, comment exploiter ce qui pr´ec`ede (et ce qui va suivre dans la section suivante) pour une fonction f qui est T- p´eriodique?

• Comment exploiter notre analyse?

Pour ne pas refaire les preuves, on d´efinit la fonction f˜(t) = f(T

2πt).

Alors

f˜(t+ 2π) =f(T

2π(t+ 2π)) =f(T

2πt+T) = f(T

2πt) = ˜f(t),

Alors cette fonction est bien 2π-p´eriodique, donc on lui applique les r´esultats de ce cours, puis on “tire la ficelle” grˆace au changement de variable (un physicien dirait

“changement d’´echelle”) inverset 7→ T t.

• Et en pratique?

Les fonctionsT-p´eriodiques “de base” sont les fonctionst 7→e2inπT t, avecn ∈Z. Les fonctions trignom´etriques associ´es sont les fonctionst 7→cos(2nπT t) et t 7→sin(2nπT t) avec n ≥ 0. Identifiez bien la pulsation ω = 2nπT vue en physique. Les coefficients de Fourier d’une fonctionT-p´eriodique sont alors d´efinis par

cn(f) = 1 T

Z T 0

f(t)e2inπT tdt, et la s´erie de Fourier associ´ee est

X

n∈Z

cn(f)e2inπT t.

On a des formules similaires pour les coefficients trigonom´etriques. Toutes les iden- tit´es sur les coefficients et les r´esultats de convergence de la s´erie de Fourier restent valides.

2 Convergence de la s´ erie de Fourier

La convergence (et en quel sens?) d’une s´erie de Fourier peut ˆetre une question tr`es diffi- cile. Nous allons nous placer dans des cadres o`u ces questions ont des r´eponses naturelles.

(18)

2.1 La convergence quadratique : une approche hilbertienne

Il est essentiel de bien comprendre cette section afin de saisir l’id´ee derri`ere les s´eries de Fourier, en particulier les d´efinitions des coefficients et de la somme partielle. Retenir les formules vous paraˆıtra alors plus naturel.

On rappelle que l’ensemble des fonctions continues sur [0,2π] est muni d’un produit scalaire naturel :

hf, gi= 1 2π

Z 0

f(t)g(t)dt.

La norme associ´ee `a ce produit scalaire, not´eek · k2, est appel´ee norme “L2” (“L” comme Lebesgues), et elle v´erifie

kfk22 = 1 2π

Z 0

|f(t)|2dt.

L’espaceC(R) h´erite naturellement de ce produit scalaire (mais pas directementCM(R), cette subtilit´e sera laiss´ee de cˆot´e dans ce cours). On dit que c’est un espace pr´ehilbertien (l’analogue d’un espace euclidien, mais en dimension infinie). Le terme “de Hilbert” r´ef`ere par ailleurs `a une propri´et´e que nous ne verrons pas : la compl´etude.

Pour ce produit scalaire, les fonctions en:t 7→eint jouent un rˆole particulier : Proposition 6: Une famille orthonormale

La famille (en)n∈Z forme une famille orthonormale de C(R).

Proof. Cette famille est bien dans C(R) par construction. Il suffit de calculer hem, eni pour deux entiers m et n. On a

hem, eni= 1 2π

Z 0

em(t)en(t)dt = 1 2π

Z 0

ei(m−n)tdt.

Sin 6=m, on calcule la primitive :

hem, eni= 1

2iπ(m−n)[ei(n−m)t]0 = 0,

o`u on a utilis´e ei(n−m)2π =e0 = 1. La famille est donc orthogonale. Il reste `a calculer la norme des ´el´ements de la famille :

kenk22 =hen, eni= 1 2π

Z 0

|en(t)|2dt = 1

2π2π = 1.

Les vecteurs de la famille sont de norme ´egale `a 1, cela prouve la proposition.

La formule pour les coefficients de Fourier et la somme partielle deviennent alors naturelle :

(19)

Proposition 7: La structure hilbertienne

Soit f ∈C(R). Alors cn(f) est la coordon´ee de f selon la fonction en : cn(f) = 1

2π Z

0

f(t)e−intdt=hf, eni.

Soit n ∈ N, on introduit EN = vect(e−N, . . . , eN) l’espace vectoriel des polynˆomes trigonom´etriques de degr´e inf´erieur ou ´egal `a N. Alors la somme partielle SN(f) est la projection orthogonale de f surEN :

SN(f) =

N

X

n=−N

cn(f)eint=

N

X

n=−N

hf, enien.

Proof. Il suffit d’´ecrire les d´efinitions et d’utiliser le cours d’alg`ebre lin´eaire. On sait que la coordonn´ee du vecteur f le long d’un ´el´ement d’une famille orthonormale (en)n∈Z est hf, eni, ce qui est exactement la d´efinition de cn(f). Puisque les fonctions (en)n=−N,...,N

forment une base orthonormale deEN, la projection orthogonale de f surEN est donn´ee par PN

n=−Nhf, enien. C’est exactement la d´efinition de la fonction SN.

Ainsi avec l’approche vue en alg`ebre lin´eaire, on voit que la somme de Fourier est la meilleure approximation de la fonction f par un polynˆome trigonom´etrique de degr´e N. Cette notion de meilleure approximation est au sens de la normek · k2, on peut visualiser que le vecteur SN ∈ EN est l’´el´ement du sous-espace vectoriel EN le plus proche de f. L’id´ee de Fourier est alors la suivante : si on prend N → +∞, la suite des projections (SN)N≥0 tend-elle (et en quelle sens) vers la fonction f initiale? On va voir que la notion de convergence quadratique (“au sens des carr´es”) est naturelle. Il y a un cas facile :

Corrolaire 1

Soit f ∈ P un polynˆome trigonom´etrique, de la forme (1). Alors cn(f) = γn et pour n≥N, on a Sn(f) = f, c’est-`a-dire que f est sa propre somme de Fourier.

Proof. Alors qu’une preuve manuelles demanderait des calculs, nous allons utiliser le cours d’alg`ebre lin´eaire pour une preuve sans aucun calcul. Ecrivons

f =

N

X

n=−N

γnen,

alors les γn sont exactement les coefficients de f dans la base (en)n=−N,...,N. Or cette famille est orthonormale, et on vient de voir que le coefficient d’un vecteur f selon un vecteuren appartenant `a une base orthonormale est donn´e parhf, eni. C’est exactement la d´efinition de cn(f). Donc γn =cn(f).

On sait de plus que si f ∈ EN, le projet´e orthogonal de f sur EN est lui-mˆeme, i.e.

SN(f) = f.

(20)

On rappelle la formule de Pythagore kfk22 =kSN(f)k22+kf −SN(f)k2. De plus, on a kSN(f)k22 = PN

n=−N|cn(f)|2 (rappelez-vous comment on calcule la norme (issue d’un produit scalaire) d’un vecteur `a partir de ses coefficients dans une base orthonormale).

On en d´eduit facilement l’in´egalit´e dite de Bessel :

∀f ∈C(R),∀N ∈Z,

N

X

n=−N

|cn(f)|2 =kSN(f)k22 ≤ kfk22 = 1 2π

Z 0

|f(t)|2dt.

Cette in´egalit´e montre que la s´erie num´erique P

Z|cn(f)|2 converge et qu’elle est major´ee par la norme L2 de la fonction. Nous admettons le th´eor`eme suivant, qui indique que cette in´egalit´e est en fait une ´egalit´e :

Th´eor`eme 2: Convergence quadratique et formule de Parseval

Soit f ∈CM(R). Alors la s´erie de fourier def converge en moyenne quadratique vers f, c’est-`a-dire :

N→+∞lim kf−SN(f)k22 = 0.

On a de plus la formule de Parseval : X

n∈Z

|cn(f)|2 = 1 2π

Z 0

|f(t)|2dt=|a0|2+ 1 2

X

n≥1

(|an|2+|bn|2).

Si la derni`ere in´egalit´e va servir `a un matheux `a calculer des s´eries, elle est cependant plus int´eressante en termes physiques : l’int´egrale 1 R

0 |f(t)|2dt peut ˆetre interpr´et´ee comme l’´energie moyenne d’un signal f, tandis que les s´eries s’interpr`etent comme les sommes des ´energies de ses harmoniques.

La convergence en moyenne peut ˆetre interpr´et´ee avec votre bagage d’analyse de S3 : elle dit queP, l’espace vectoriel engeandr´e par la famille (en)n∈Z, estdensedansC(R), muni de la norme k · k2. Rappelez-vous, cela veut dire que toute fonction f de C(R) peut ˆetre approch´ee par une suite de P, en l’occurence, la s´erie de Fourier de f. Pour cette propri´et´e, la famille (en)n∈Z est appel´ee base hilbertienne de C(R) (attention ce n’est pas une basealg´ebrique comme celle que nous avons vues en alg`ebre).

Exercice 4

En appliquant la formule de Parseval pour la fonction de l’exercice 1.3, calculer la somme P+∞

n=1 1 n4.

Correction :

2.2 Convergence ponctuelle

Nous avons vu que la s´erie de Fourier d’une fonction dansC converge en normeL2 vers f. Il est facile de montrer que cela reste vrai pour une fonction f ∈CM. On s’int´eresse maintenant `a des propri´et´es de convergence ponctuelle : a-t-on convergence simple, et si oui, est-elle uniforme? Autrement dit, pour un t∈Rfix´e, a-t-on SN(t) qui converge vers

(21)

f(t), et si oui, que peut-on dire de supt∈R|SN(t)−f(t)|? Et bien si la fonction f pr´esente des discontinuit´es, la r´eponse est non : il faut au pr´ealable modifier la fonction f.

Introduisons ˜f, la r´egularis´ee def, d´efinie en un r´eel t0 par f(t˜ 0) = 1

2 lim

t→t+0

f(t) + lim

t→t0

f(t)

! .

la fonction ˜f co¨ıncide avecf, sauf en un nombre fini de points : les points de discontinuit´e de f. La fonction ˜f vaut alors la moyenne des valeurs limites `a gauche et `a droite. Une fonction et sa r´egularis´ee sont esquiss´ees sur la figure 7 :

Figure 7: Une fonction f (`a gauche) et sa r´egularis´ee ˜f (`a droite).

Ce genre de fonction arrive assez souvent dans les mod`eles physiques : on peut penser

`

a une signal ´el´ectrique en cr´eneau, ou `a une ´equation de la chaleur dans deux barreaux de temp´eratures diff´erentes accol´es : la temp´erature initiale n’est pas continue.

Th´eor`eme 3: Le cas C1 par morceaux : convergence ponctuelle (Th´eor`eme de Dirichlet)

Soit f ∈ CM(R) une fonction. On suppose que f est C1 par morceau sur R. Alors la s´erie de Fourier de f converge simplement vers ˜f surR.

Proof. La preuve, longue, riche et technique, n’est pas exigible.

Th´eor`eme 4: Le cas continue et C1 par morceaux : convergence normale Soitf ∈C(R) une fonction. On suppose quef estC1 par morceau surR. Alors la s´erie de Fourier de f converge normalement (et donc unifom´ement et simplement) vers f surR.

Proof. D’apr`es le th´eor`eme pr´ec´edent, la s´erie de Fourier def converge simplement vers la r´egularis´ee def, qui vaut exactementf puisque celle-ci est suppos´ee continue. Il reste

`

a montrer que la convergence est normale.

Afin d’exploiter l’hypoth`ese sur la d´eriv´ee, on s’appuie sur la proposition 1.3, qui donne

∀n∈Z, |cn(f)|= |cn(f0)|

|n| .

(22)

On voudrait montrer que la s´erie P

Zcn(f) converge absolument, et on voit le terme g´en´eral comme le produit de deux suites sur lesquelles on a des informations pour le carr´e. On utilise une in´egalit´e technique tr`es classique : pour deux nombres a et b, on

´ecrit que (a−b)2 ≥0 et on d´eduit

∀(a, b)∈R2, |ab| ≤ 1

2(a2+b2).

Ainsi, en appliquant cette in´egalit´e ici, on obtient

∀n∈Z, |cn(f)| ≤ 1 2

1

n2 +|cn(f)|2

. La s´erieP

Z 1

n2 est convergente, et la s´erieP

Z|cn(f)|2converge par la formule de Parceval.

On d´eduit que la s´erie P

Z|cn(f)| converge par comparaison des s´eries positives. En utilisant la majoration|eint| ≤1, il est alors clair que la s´erie de Fourier

X

n∈Z

cn(f)eint converge normalement sur R.

Exercice 5: Une convergence normale

En reprenant la fonction f de l’exercice 2, montrer que

∀t∈[−π, π], t2 = π2 3 + 4

+∞

X

n=1

(−1)n

n2 cos(nt).

En d´eduire que

X

n≥1

1 n2 = π2

6 . En d´eduire ´egalement la valeur de P

n∈N

(−1)n+1 n2 . Correction :

Il s’agit clairement d’appliquer nos r´esultats `a la fonction f de l’exo 3. Puisque f est continue etC1 par morceaux, on applique le th´eor`eme de Dirichlet pour les fonctions continues: la s´erie de Fourier de f converge normalement vers la fonction f. On peut

´ecrire

∀t ∈R, f(t) =a0+X

n≥1

(an(f) cos(nt) +bn(f) sin(nt)).

En restreignant cette identit´e `a l’intervalle [−π, π], et en identifiant les coefficients de Fourier via les formules trouv´ees `a l’exo 3 , on obtient

∀t∈[−π, π], t2 = π2 3 + 4

+∞

X

n=1

(−1)n

n2 cos(nt),

(23)

ce qui est la formule demand´ee. Pour convertir cette identit´e en des calculs de s´eries num´erique, on l’´evalue pour des valeurs det bien choisies. Pour t=π, on obtient :

π2 = π2 3 + 4

+∞

X

n=1

(−1)n n2 (−1)n et donc

X

n≥1

1 n2 = π2

6 . Pourt = 0, on trouve directement :

X

n∈N

(−1)n

n2 =−π2 12, et donc la somme demand´ee vaut π122.

L’exercice suivant illustre une application du th´eor`eme de convergence de Dirichlet : Exercice 6: Une convergence simple mais pas uniforme (ph´enom`ene de

Gibbs)

Soit la fonction f, 2π-p´eriodique, d´efinie sur [0,2π[ par

∀t ∈[0,2π[, f(t) = π−t 2 .

Calculer les coefficients de Fourier de f, et en d´eduire que ses sommes partielles s’´ecrivent

SN(f)(t) =

N

X

n=1

sin(nt) n .

D´eterminer la limite simple de la s´erie de Fourier de f. La convergence est-elle uniforme? Retrouvez la valeur de la s´erie P

n≥1 1 n2.

On a repr´esent´e la fonction f sur la figure 8 ainsi que sa r´egularis´ee et la somme de Fourier S50 sur la figure 9, sur trois p´eriodes (intervalle [−2π,6π]). Sur la figure 10 on a repr´esent´e la s´erie de Fourier S100 sur une p´eriode [0,2π]. Les graphes con- firment la convergence ponctuelle de la suite (SN)N≥1 vers la r´egularis´ee de f (notez bien que SN(f)(0) = 0 = ˜f(0) 6= f(0). Un ´etrange ph´enom`ene apparaˆıt tandis que N augmente : la s´erie de Fourier SN se rapproche bien de f, mais oscille pr`es des points de discontinuit´e de f. Ce ph´enom`ene, appel´e ph´enom`ene de Gibbs, est bien connu en compression d’image, o`u des oscillations peuvent avoir lieu pr`es des endroits o`u le con- traste est fort. Je vous recommande la lecture (non technique) de l’excellent article https://images.math.cnrs.fr/Le-phenomene-de-Gibbs.htmlsur ce ph´enom`ene.

(24)

0 10

−8 −7 −6 −5 −4 −3 −2 −1 1 2 3 4 5 6 7 8 9 11 12 13 14

0

−2 2

−1 1

−1.5

−0.5 0.5 1.5

Figure 8: La fonction f, affine par morceaux.

0 10

−8 −7 −6 −5 −4 −3 −2 −1 1 2 3 4 5 6 7 8 9 11 12 13 14

0

−2 2

−1 1

−1.5

−0.5 0.5

1.5 regularisée de f

S50

Figure 9: la r´egularis´ee de f, ainsi que la somme de Fourier S50.

3 Quelques applications

3.1 L’´ equation de la chaleur

L’application historique de Joseph Fourier est la r´esolution de l’´equation de la chaleur.

On propose ici une description formelle de la m´ethode, qui manque de rigieur.

On consid`ere un barreau de longueur L >0, de conductivit´e thermique α. En appli- quant la loi de Fourier et un bilan thermique par tranche, la temp´erature (not´ee T) au point x∈]0, L[ et au tempst >0 v´erifie l’´equation

∂T

∂t(x, t) = α∂2T

2x(x, t). (4)

Cette ´equation au d´erviv´ee partielle est compl´et´ee par une condition initiale : on suppose que la temp´erature est initialement distribu´ee selon une fonctionu0 continue sur ]0, L[, et on a donc

∀x∈]0, L[, T(x,0) = u0(x).

(25)

0 1 2 3 4 5 6

−0.5 0.5 1.5 2.5 3.5 4.5 5.5 6.5

0

−2 2

−1 1

−1.8

−1.6

−1.4

−1.2

−0.8

−0.6

−0.4

−0.2 0.2 0.4 0.6 0.8 1.2 1.4 1.6 1.8

S100

Figure 10: Zoom sur l’intervalle [0,2π] : la somme de FourierS100.

On a ´egalement des conditions au bord : on va ici supposer que la temp´erature au bord du barreau est constante, et, quitte `a retrancher cette constante, on peut supposer que la temp´erature au bord est 0 :

∀t >0, T(0, t) =T(L, t) = 0.

Cette derni`ere condition est appel´ee “condition de Dirichlet” (rien `a voir avec le th´eor`eme de convergence de Dirichlet!). On suppose que la distribution initiale est compatible avec les conditions au bord : u0(0) = u0(L) = 0. On ne verra pas o`u cela intervient dans l’analyse, mais cela permet d’avoir une condition intiale continue si on devait montrer la convergence de la solution que l’on va construire.

On cherche `a r´esoudre ce probl`eme. Un physicien chercherait une solution `a variables s´epar´ees, c’est `a dire sous la forme T(x, t) = g(t)h(x), en trouverait une famille, les ajouterait, et r´eglerait les constantes avec les conditions initiales. Cette m´ethode telle quelle ne garantit pas que l’on a r´esolue le probl`eme (il pourrait y avoir d’autres solutions), de plus, elle paraˆıt myst´erieuse. L’id´ee de Fourier (qui aboutit `a la mˆeme solution) est la suivante : il consid`ere une solution de l’´equation (4), et pour un tfix´e, regarde la fonction f : x 7→ T(x, t). Cette fonction, d´efinie sur [0, L], a les mˆemes valeurs au bord, en effet f(0) = f(L) = 0. De plus, puisque la valeur au bord est 0, on peut l’´etendre en une fonction impaire sur [−L, L], puis en une fonction 2L-p´eriodique impaire sur R. On va donc la d´ecomposer en s´erie de Fourier sur la base des sinus :

f(x) =X

n≥1

bn(f) sin(nπ L x).

(26)

Comme vous l’avez vu, cette d´ecomposition n’est pas totalement rigoureuse : quel est le sens de la convergence de cette s´erie de Fourier? Il faudrait d´emonter que la solution est bien continue par rapport `a x pour chaque t > 0 fix´e. Attention, ici la variable selon laquelle on applique la th´eorie des s´eries de Fourier est la variable spatialex, et la p´eriode n’est pas 2π mais L, `a vous d’adapter les r´esultats du cours! Par ailleurs, la fonction f (et ses coefficients de Fourier bn(f)) d´ependent de t... on va r´eecrire l’´egalit´e ci-dessus comme suit :

∀(x, t)∈[0, L]×[0,+∞[, T(x, t) =X

n≥1

βn(t) sin(nπ L x).

On injecte cette s´erie dans l’´equation de la chaleur (4), et on permute la d´eriv´ee et la somme (un fait qu’il faudrait justifier, par exemple en utilisant des propri´et´es de conver- gence normale), et on trouve :

X

n≥1

αβn(t)(−n2π2

L2 ) sin(nπ

L x) =X

n≥1

βn0(t) sin(nπ L x).

On se doute que deux s´eries de Fourier qui sont ´egales ont les mˆemes coefficients (un fait qu’il faudrait aussi d´emontrer, et qui repose sur de bonnes propri´et´es de convergence...), et on d´eduit les ´equations diff´erentielles suivantes sur les coefficients :

∀t >0,∀n≥1, αβn(t)(−n2π2

L2 ) =βn0(t) ⇐⇒ βn0(t) + n2π2

αL2βn(t) = 0.

Vous savez r´esoudre cette ´equation diff´erentielle :

∀t >0,∀n ≥1, βn(t) =κneτnt ,

o`u on a pos´e τn = nαL2π22, et o`u κn est une constante. Finalement, on a trouv´e T(x, t) = X

n≥1

κneτnt sin(nπ L x).

Les derni`eres inconnues sont les nombres κn : on les obtient en ´evaluant la solution construite ent = 0, ce qui donne

u0(x) =X

n≥1

κnsin(nπ L x).

On reconnaˆıt les coefficients de Fourier de la condition initialeu0. On peut les calculer `a partir des formules pour les coefficients de Fourier :

κn= 2 L

Z L 0

u0(x) sin(nπx)dx.

On constate que la solution est une superposition de “modes de Fourier”, qui sont les fonctions (x, t) 7→ eτnt sin(Lx). Chacune a une d´ecroissance exponentielle (en temps), avec un temps caract´eristique τn = nαL2π22 qui d´epend de la longueur du barreau au carr´e mais aussi du num´ero n du mode. On constate que le temps caract´eristique diminue avec n : en pratique on n’observe que les premiers modes de Fourier (et ce d’autant plus que la d´ecroissance est exponentielle en temps).

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3.2 Traitement du sigal (son et image)

La d´ecomposition de Fourier joue un rˆole crucial dans toutes les m´ethodes modernes de traitement du son et d’image. Sans entrer dans les d´etails, donnons l’exemple de la compression : un signal est d´ecompos´e selon ses modes de Fourier. Pour transmettre le signal, il suffit alors de transmettre les premiers coefficients. Celui qui les r´eceptionne peut alors recomposer le signal en consid´erant la somme de Fourier partielle, `a l’aide des premiers coefficients. L’approximation est d’autant meilleures qu’on a un grand nombre de coefficients, mais des probl`emes peuvent apparaˆıtre si le signal n’est pas r´egulier (voir exercice ci-dessus sur le ph´enom`ene de Gibbs). Il existe de nombreux raffinement de la th´eorie des s´eries de Fourier, par exemple la th´eorie des ondelettes, pour proposer de meilleures m´ethodes de compression du son ou de l’image.

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