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Das heroische Testament de Irmtraud Morgner : un jeu utopique avec les mythes

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Academic year: 2021

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Das heroische Testament de Irmtraud Morgner : un jeu utopique avec les mythes

Emmanuelle Terrones

To cite this version:

Emmanuelle Terrones. Das heroische Testament de Irmtraud Morgner : un jeu utopique avec les

mythes. La littérature allemande à l’épreuve de la géo-politique depuis 1945, 2014. �hal-02532501�

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Emmanuelle TERRONES, ICD EA6297

« Das heroische Testament de Irmtraud Morgner : un jeu utopique avec les mythes fondateurs ». In : La littérature allemande à l'épreuve de la géo-politique depuis 1945, Ed. A.

Lemonnier, CEGIL-Nancy 2014, p. 73-85.

Das heroische Testament de Irmtraud Morgner : un jeu utopique avec les mythes Emmanuelle Terrones, Université François Rabelais (Tours)

Dans l’œuvre de Irmtraud Morgner

1

, Das heroische Testament (« Le testament d’Héro ») constitue le dernier volet d’une trilogie intitulée communément « Trilogie de Salman »

2

selon le nom d’un des personnages principaux. Parmi les textes publiés par Morgner, c’est-à-dire entre la fin des années cinquante et la fin des années quatre-vingts, la trilogie représente l’entreprise littéraire la plus vaste et certainement la plus complexe. Elle demeure inachevée : le troisième tome qui paraît en 1998 de façon posthume est le fruit d'un travail éditorial considérable car il se compose de fragments et notes accumulés durant six ans

3

par l'auteur jusqu'à sa mort en 1990.

Cette vaste entreprise d'écriture annonçait une œuvre à l'égal des deux premières : Morgner y fait la part belle à l’imagination, superposant des espaces aussi divers que la mythologie antique, l’époque médiévale et contemporaine, la littérature (notamment le conte, le théâtre), un monde fantastique peuplé de sorcières, de personnages mi-homme, mi-machine etc. Notons qu'il s'agit ici de la deuxième version de la « longue histoire » annoncée à la fin d'Amanda. Morgner abandonne en effet sa première ébauche en 1986 au moment de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl pour la reprendre ensuite. Comment poursuivre désormais le récit de ce qu’elle nomme « Eintritt der Frauen in die Geschichte »

4

, car tel était le principe moteur des deux premiers romans, alors que le futur est remis en question et par là même le concept d'Histoire ? La figure centrale de Léandre, qu’Héro tire de sa côte, donne un nouvel élan créateur à l'écrivain, engendre d'étranges intrigues et interrogations, lui permet d'aller plus avant dans cette somme littéraire, témoin des problèmes de son temps (la fin des années 1980 en Europe en général et en RDA en particulier).

Le jeu mené avec des mythes

5

(antiques, bibliques, littéraires) sera révélateur des tensions et des questionnements qui émergent à cette époque et dont l'enjeu central est celui d'une utopie. Morgner,

1

Irmtraud Morgner est née en 1933 à Chemnitz, ex-Allemagne de l’Est ; assistante de rédaction du magazine Neue deutsche Literatur après avoir achevé des études d’allemand, elle publie ses premiers romans dans les années 1960.

2

Cette trilogie est composée de Trobadora Beatriz, Amanda (romans parus respectivement en 1974 et 1983) ainsi que des fragments intitulés Das heroische Testament.

3

Soit des centaines de dossiers contenant des milliers de pages manuscrites.

4

Joachim Walther : « Interview mit Irmtraud Morgner », Meinetwegen Schmetterlinge. Berlin (RDA) : Der Morgen, 1973, p. 49.

5

Au sens étymologique, « mythos » désigne tant une « suite de paroles qui ont un sens » que leur contenu, l’avis, la

pensée. Qu'elle soit antique, biblique ou autre, la mythologie a fourni à l'Occident un réservoir de récits, de figures et

de symboles qui a nourri la création littéraire sans discontinuer.

(3)

en tant qu'écrivain socialiste et féministe, a cru en la possibilité d'une société humaine, dans laquelle chaque individu qu'il soit homme ou femme trouve sa place et reste intègre. Cette certitude est mise à mal dans le dernier pan de la trilogie puisque les conditions de cette utopie ne semblent plus réunies. Que l'écrivain ait pu reprendre encore des mythes fondateurs dans une société, un monde en train de s'effondrer est révélateur de sa démarche et laisse imaginer le champ de tensions et de contradictions dans lequel se place ce dernier roman.

Nous proposons donc d'observer tout d'abord ce jeu avec les mythes auquel l'auteur se livre, puis de réfléchir à la difficulté qui en découle d'inventer de nouveaux moyens d'agir, avant d'aborder le concept d' « utopie utopique », un des vecteurs de Das heroische Testament.

« Ich mag das Spiel mit unbedeutenden Bedeutungen »

6

ou le jeu avec les mythes

L'évolution rencontrée dans les deux premiers tomes se confirme dans le dernier. Alors que Trobadora Beatriz ne recourait à la mythologie antique que de manière épisodique et souvent grotesque, les mythes gagnent une importance considérable dans Amanda et la conservent dans Das heroische Testament, et ce de manière quelque peu différente. Amanda puisait un certain nombre de figures à la mythologie, notamment grecque et latine, et proposait surtout une réflexion sur celles-ci (quête du personnage de Pandore) ; Das heroische Testament propose une démarche moins théorique, disons plus pratique et plus concrète. Car il s'agit bien d'agir désormais, de mettre en pratique, de créer dans le sens de réaliser ce qui n'existe pas encore. Pour ce faire, Morgner puise à différentes sources et remodèle tout un héritage culturel, une démarche qui s'oppose d'ailleurs radicalement à ce que préconisait la politique culturelle en matière d'héritage littéraire en RDA.

Quelques principes à la base de son écriture peuvent éclairer le propos, principes pour la plupart déjà utilisés dans Amanda mais qu'elle reprend et complique plus encore.

Premier principe fondamental cher à l'écrivain, celui de la combinaison dont les deux trames principales du roman nous fournissent de parfaits exemples : Héro (prêtresse d'Aphrodite dont on retrouve l'histoire tragique chez Virgile et Ovide), tire de sa côte (mythe biblique de la création d'Adam et Ève) un homme nommé Léandre (l'amant malheureux du mythe grec). Ou encore – et ceci poursuit la trame narrative des deux premiers tomes – la troubadoure Béatrice transformée en sirène antique (mi-femme, mi-oiseau) dans le deuxième roman, revit avec un homme nommé Désiré le conte de la Belle et la Bête et redevient femme. Au-delà de l'aspect ludique du procédé, il s'agit bel et bien d'un travail de ré-appropriation de tout un héritage culturel, mis en œuvre dans l'objectif de le réanimer, de relancer ses images. Ce travail se trouvait déjà au cœur d'Amanda, et Béatrice y tirait un précepte révélateur de sa propre démarche : « Im Gegensatz zu den meisten anderen europäischen Völkern ist im Griechischen der Mythos als natürlicher Bildungsschatz nach wie vor

6

Irmtraud Morgner : Das heroische Testament. München: Luchterhand, 1998, p. 189.

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lebendig. »

7

Le mythe représentait dans Amanda un élément essentiel dans la redécouverte d’une langue éclairante et encore féconde, il signifie plutôt dans Das heroische Testament une possibilité d'action. Et donc dans l'infini des combinaisons possibles, un potentiel d'action illimité. Il ne s'agit de répondre ni à des normes, ni à des attentes, mais d'agir, de prendre les choses en main.

Se ré-approprier un héritage culturel implique dans l'œuvre de Morgner la mise en œuvre d'autres procédés tout aussi significatifs. Le plus évident à la lecture est celui d'une ré-interprétation dans le sens d'une actualisation du mythe. Les centaures, par exemple, ne sont plus des créatures mi- homme, mi-cheval désormais, mais mi-homme, mi-machine. Morgner précise par le biais d'un de ses personnages : « Es gibt zwei Sorten : Eine ist oben Mensch und unten Maschine, die andere ist unten Mensch und oben Maschine. »

8

Actualisation qui paraît anecdotique, mais qui ne l'est pas au regard de l'importance donnée à la technologie et au progrès scientifique en RDA. Intégrés dans la fiction, ces êtres mi-homme, mi-technologie, incarnent tout ce que le progrès scientifique peut avoir de menaçant, à savoir ici le remplacement possible de l'être humain par la machine. H. Rossoll affirme à juste titre que mythologie et science sont pour Morgner intimement liées dans la mesure où toutes deux signifient une quête de savoir. Toutefois, la mythologie contrairement à la science se pose d'emblée en tant que fiction et ne prétend pas parvenir à une vérité objective. C'est donc à la fiction que Morgner accordera plus de crédit : « Angesichts der grundlegenden Rolle, die Morgner der Poesie zuweist, erscheint das im sozialistischen Realismus vertretene Primat der Wissenschaft wie eine Verkehrung der tatsächlichen Verhältnisse. »

9

Il s'agit pour Morgner en quelque sorte de remettre les choses à leur place, de réhabiliter le savoir et les interrogations contenues dans les mythes.

Dans ce dernier tome, elle va aussi plus avant : il faut désormais mettre en œuvre, mettre en pratique ce savoir. C'est ce que fait Héro en tirant Léandre de sa côte, opération qu'elle cherche à faire reconnaître comme une opération scientifique, sous forme de thèse qu'elle présente devant une commission de professeurs de l'université Humboldt. Or, si Héro est parvenue à tirer un homme de sa côte, elle se heurte très rapidement à des obstacles inattendus (Léandre est créé par Héro lors d'un voyage en RFA, et la RDA refuse, par exemple, d’accorder à cette nouvelle créature un visa d’entrée !). A l'instar du récit antique, Héro et Léandre se trouvent séparés, cette fois non par un détroit, mais par la frontière est-ouest, non par la mer, mais par un système lourd, arbitraire et destructeur : « Heute ist dieses Meer kein Wasser, sondern Waffen, Verbote, Bürokratie, Willkür der Bürokratie, abgehörte Telephone. »

10

La mer, dans toute la trilogie de Salman une métaphore du

7

Irmtraud Morgner : Amanda. Berlin : Aufbau Taschenbuch Verlag, [1983] 1999, p. 591.

8

Note n°6, p. 166.

9

Hildegard Rossoll : Weltbild und Bildsprache im Werk Irmtraud Morgners. New York : Peter Lang, 1999, p. 12.

10

Note n°6, p. 219.

(5)

monde patriarcal

11

, fait obstacle et réduit à néant tous les espoirs engendrés par l'action d'Héro. Ce monde tel qu'il est ne laisse pas de place à l'utopie, pourtant le travail poursuivi sur les mythes de tous horizons prouve que l'écrivain ne s'abandonne pas complètement à la résignation.

Pour ce faire, elle reprend un autre principe déjà employé dans le reste de la trilogie, celui de l'inversion du masculin et du féminin. Au premier abord, le procédé peut paraître par trop univoque.

Lisible dans les réflexions souvent stéréotypées des personnages, l'inversion en question consiste en un simple renversement des valeurs du masculin au féminin. On remplace ainsi un système dit arbitraire par un autre dans l'objectif de rétablir un équilibre matriarcal originel, et ce de manière tout aussi arbitraire. La féminisation de termes uniquement masculins, par exemple, tient plus de l’anecdote que d’une revendication sérieuse : la troubadoure, la ménestrelle, etc

12

. Les inversions systématiques d’un événement ou d’une perspective en son contraire, afin de mettre en avant le rôle de la femme, conduisent aussi à des situations étranges : dans le second tome, Pandore (première femme créée dans la mythologie antique) est comprise comme une bienfaitrice et un espoir pour l'Humanité (un éclairage qui va à l'encontre de l'acceptation traditionnelle de ce mythe (celle d'Hésiode) ou encore, Béatrice métamorphosée en sirène antique a perdu sa voix (à l'image des sirènes de Kafka qui sont muettes) et cherche à la reconquérir, dans le troisième tome le renversement du passage de la Genèse est présenté ensuite avec toutes les conséquences grotesques ou absurdes qu’il entraîne :

Wir schreiben das Jahr 1989. Es ist die Endzeit des Kalten Krieges, noch steht die Mauer aus Beton und Stacheldraht zwischen den Machtblöcken unverrückbar fest. Da geht die Nachricht um die Welt, eine Frau habe sich einen Mann aus der Rippe geschnitten. Was soll das bedeuten? Die Medien im Westen wittern die Story des Jahres. Im Osten wird geprüft, welche Art Bedrohung von der Aktion ausgehen könnte. Die Frauen horchen auf: Wäre endlich die Kunst erfunden worden, sich den idealen Mann zu verschaffen?

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Au-delà de leur aspect systématique et parfois anecdotique, il faut comprendre ces inversions multiples avant tout comme la volonté de mettre en mouvement toutes choses. Une conception des choses n’étant jamais définitive, elle exige un déplacement, un dérangement permanent, une remise en cause perpétuelle. Cette approche est absolument essentielle puisqu’elle contribue dans une large mesure à générer le mouvement narratif dans toute la trilogie et relativise l'apparente univocité du

11

A ce sujet, les réflexions de H. Rossoll s'avèrent particulièrement pertinentes. Elle repère et analyse les occurrences de cette métaphore dans la trilogie : par exemple, l'Histoire dans Trobadora Beatriz est dite « ein Meer des männlichen Egoismus », note n°9, p. 81.

12

Ce principe d'inversion est plus systématique encore puisqu'il touche d'autres domaines que la mythologie : entre autres, le conte populaire de La Belle et la Bête devient « Der Schöne und das Tier » (p. 87), Morgner invente des

« lettres des femmes obscures » (p. 11) ou encore inverse le titre de certains romans comme celui de Thomas Brasch

« Vor den Müttern sterben die Töchter » (p. 285).

13

Note n°6, p. 7.

(6)

procédé. La trilogie se caractérise en effet par le dynamisme perpétuel qui l’anime et qui dépasse largement un simple mouvement d’inversion, le troisième tome va même jusqu'à en faire un principe d'action autant qu'un vecteur d'utopie.

Il en va de même pour un processus au cœur de la mythologie antique et qui prévaut dans les deux derniers pans de la trilogie : celui de la métamorphose. Béatrice, troubadoure transformée en sirène antique, prend le rôle de la Bête et redevient femme. Un cycle de 845 ans s'achève ainsi dans le dernier chapitre du fragment principal (un des rares à être entièrement rédigés) : « 'Ich bin ein Mensch', schrie ich und tanzte in den Federn, 'ich bin wieder ein Mensch' schrie ich, 'wirklich und wahrhaftig ein Mensch, und wer bist du? »

14

Les métamorphoses successives permettent à l'un des personnages principaux de retrouver une pleine intégrité. Est-ce à dire qu'il est encore un espoir pour l'être humain de retrouver une unité première perdue (telle est la quête principale des personnages de la trilogie) ou doit-on considérer plutôt que la joie de Béatrice est irréelle et dissimule un sentiment de résignation (la réalité seule ne permettant pas d'atteindre cette unité) ?

« Ihre Notizen aus den letzten sechs Jahren vor ihrem Tod sind eine gnadenlose Bestandsaufnahme der Hoffnungslosigkeit und eine ruhelose Suche nach dem, was in der Aussichtslosigkeit drin Bestand haben könnte »

15

, écrit Rudolf Bussman. Si les convictions de Morgner ont été ébranlées par les événements récents, elle n'abandonne pas complètement la dimension utopique des mythes et continue à y chercher une source d'espoir, un potentiel d'action : « unbegrenzte Möglichkeiten anderswo »

16

.

De la difficulté d'instaurer une « philosophie de l'action »

Tout ce jeu (sérieux ou non) engagé avec la mythologie revient à la recherche d'un nouveau rapport entre pensée et réalité. C'est, entre autres

17

, dans cet objectif que le personnage d'Héro soutient sa thèse sur une philosophie dont elle est l'auteur, « eine Philosophie der Tat »

18

. A la grande surprise des professeurs berlinois, la thèse en question n'est pas un travail rédigé sur papier, mais Léandre lui-même présenté comme l'incarnation de cette philosophie. Héro conçoit en 26 thèses qu'elle présente à son jury une philosophie concrète, praticable. En ce sens, elle reprend à la lettre la formule de Karl Marx, car il s'agit bien pour elle de transformer le monde. Elle souhaite agir directement sur la réalité quotidienne pour obtenir un changement, enrayer l'engrenage tragique de la puissance et de la domination. « Heroische Philosophie », écrit la candidate, « ist fassbare Philosophie. / Anfassbare. / Der gängige Vorwurf, die Dichter und Denker des Landes hinkten hinter

14

Note n°6, p. 99.

15

Rudolf Bussmann : « Der aus den Rippen geschnittene Mann », Neue Zürcher Zeitung. 07.05.1994, p. 67.

16

Note n°6, p. 19.

17

Cette thèse est en tout premier lieu une astuce trouvée par Héro pour faire entrer Léandre en RDA.

18

Note n°6, p. 7.

(7)

der Realität hinterher, trifft auf mich nicht zu. »

19

En cela Héro se place dans la lignée de Ernst Bloch, dont elle suit les cours d'histoire de la philosophie avec admiration (ceci fait l'objet d'un fragment) et dont elle retient la conception d'une utopie concrète

20

, une possibilité objective présente dans la réalité. « Utopie », écrit Bloch, « ist nicht die Flucht ins Irreale, sie ist die Ergründung der objektiven Möglichkeiten des Wirklichen und Kampf für ihre Verwirklichung. »

21

Cette définition est le fondement sur lequel repose la philosophie ébauchée par Héro.

Est-il encore possible d'agir ? Qu'est-il possible de faire ? La réponse ne vient pas de soi dans un monde que Morgner contemple avec pessimisme : « keine Zukunft / Utopie in der Katastrophe nicht möglich »

22

. Aussi radicale qu'elle soit, cette constatation ne conduit pas au désespoir ou à la résignation, mais entraîne une réflexion sur les possibilités d'action. Bussmann établit à juste titre un parallèle entre cette démarche et celle de Descartes : « Ihre Zweifel sind von kartesianischer Radikalität. Anders als Descartes fragt Irmtraud Morgner nicht nach der Grundlage des Denkens, sondern nach der Grundlage des Handelns. Worauf kann sich menschliches Tun stützen in einer Welt ohne Zukunft ? »

23

Là où il y a conflit entre le souhait et la réalité, Héro se doit d'inventer sa propre « recette »

24

. Son acte doit être compris comme un acte désespéré : contrairement au récit de la Genèse, la création de Léandre n'a pas lieu à l'origine du monde mais à sa fin, au moment où la crise atteint son paroxysme. On trouve la réflexion suivante dans les notes de Morgner : « Buch- Thema : Nothelfer / Die Taten von Einzelnen in der Krise (wo es keine Bewegung gibt, der man sich anschließen könnte). »

25

et plus loin : « Da bleibt nur: Selbstmord oder Schaffung einer Tatsache. »

26

L'individu, telle est la thèse centrale d'Héro n'a plus d'autre choix dans ce monde sans avenir et sans utopie que d'agir en tirant de lui-même une nouvelle source d'espoir : « In einer Welt ohne Zukunft / Utopie sich das Fehlende buchstäblich aus sich herauschneiden, um nicht krank zu werden. »

27

Elle précise ensuite ce qui fait défaut : avenir, espoir et amour.

La « Tatphilosophie » d'Héro est entièrement centrée sur l'idée énoncée dans sa 16e thèse : « Die Frau aus der Rippe: Garant unserer Gegenwart. / Der Mann aus der Rippe: eine Hoffnung auf Zukunft. »

28

Héro impose Léandre comme seul principe d'espoir, et ce pour deux raisons principales.

Léandre né de la côte d'Héro ne peut avoir subi les conséquences d'un système patriarcal, il n'est pas encore « déformé », mais parfaitement intègre ; Léandre ensuite est étranger à toute idée de pouvoir

19

Ibid, p. 38.

20

Morgner n'est pas le seul écrivain en RDA à avoir retenu ce concept. Stefan Schütz, un de ses contemporains, reprend cette même idée lorsqu'il affirme à propos de sa trilogie Medusa y avoir tenté une « utopie maniable ».

21

Ernst Bloch : Tagträume vom aufrechten Gang. 6 Interviews. Frankfurt/Main : Suhrkamp. 1977. p. 117

22

Note de Morgner citée par Rudolf Bussmann, note n°15.

23

Rudolf Bussmann, note n°15.

24

Note n°6, p. 20.

25

Ibid, p. 124.

26

Ibid, p. 125.

27

Ibid, p. 124.

28

Ibid, p. 35.

(8)

ou de domination et c'est en cela qu'une agitation nouvelle résulte de sa création : « Die zivilisatorische Unschuld des unbekannten Jünglings droht die etablierte Männergesellschaft aus dem Konzept zu bringen. »

29

Par sa simple existence, Léandre suggère une remise en question trop grande du fonctionnement de nos sociétés (en soi, entre elles). Il est le « Nestbeschmutzer der Männergesellschaft »

30

et représente l'espoir de sortir d'une société patriarcale destructrice et de voir advenir une société dans laquelle l'individu ferait l'expérience de son intégrité, une société qui serait par conséquent plus humaine. Il est une utopie qui s'est faite homme

31

.

Les espoirs mis en Léandre correspondent à deux idées (Morgner parle elle-même de dogmes) auxquelles l'écrivain tenait à tout prix, ou devrions-nous dire « malgré tout ». La première consiste en une totalité de l'individu. « Grunddogma: Einheit der Person »

32

est-il écrit dans les fragments, et chacun de ses personnages principaux s'emploie à réaliser cet idéal car tous ont perdu leur intégrité d'une manière ou d'une autre

33

. L'acte d'Héro participe de cette même démarche : « Ich = ein androgynes Wesen. […] Die Spaltung der Androgynität ist der erste Sündenfall. Wach ist der Mensch erst, wenn die Androgynität wieder hergestellt wird. »

34

C'est dans l'amour, l'acte d'amour, qu’Héro pense retrouver cette unité perdue entre l'homme et la femme, l'acte sexuel ne représentant plus la chute du Paradis biblique mais la reconquête d'une totalité : « In der Liebe muss die Androgynität wieder hergestellt werden »

35

. A la fin du seul fragment complet, Béatrice fait cette même expérience d'une reconquête de soi (« ich bin wieder ein Mensch ») dans le jardin où elle s'unit à Désiré, l'acte d'amour permettant de vivre une totalité

36

. Au-delà de cette dimension, il s'agit aussi de créer les conditions d'une société dans laquelle la différence entre les sexes ne serait plus ni une catégorie déterminante, ni une cause de domination, et de manière plus générale une société qui permette un plein épanouissement de l'individu. Les fragments à ce sujet sont empreints de pessimisme. Morgner reprend le personnage dédoublé de Laura/Amanda sans pouvoir envisager d'autre unité que lors d'instants rares et privilégiés (la danse, l'écriture, l'amour). Laura écrit les phrases suivantes à Amanda : « Ich schreibe an Dich / Um die Einheit herzustellen, die bis heute

29

Rudolf Bussmann, note n°15.

30

Note n°6, p. 123.

31

H. Rossoll tire une phrase des notes « Leander ist ein Mann zum Herauslesen » et ajoute fort justement : « Es ist anzunehmen, dass eine ähnliche Traditionsbefragung angewendet worden sollte wie bei der Suche nach weiblichen Vorbildern in Amanda. », note n°9, p. 169.

32

Note n°6, p. 182.

33

Ainsi dans le deuxième volet de la trilogie Laura, objet d’un tour de sorcellerie, se trouve dédoublée : elle demeure Laura, telle que le lecteur la perçoit dans le premier tome, mais elle est aussi Amanda, figure éponyme du roman et sorcière sur le Hörselberg. Dans ce même roman, Béatrice est devenue une sirène, mi-femme mi-oiseau, de surcroît Béatrice a perdu sa langue dans le deuxième tome, sa patrie dans le troisième.

34

Note n°6, p. 125.

35

Ibid, p. 125.

36

Ils s'unissent sous un Gingko Biloba, ce qui n'est pas sans rappeler le poème de Goethe du même nom : « Goethes

Gedicht bringt Morgners Vorstellung zum Ausdruck, dass die Erotik eine Ganzheitserfahrung ermöglicht. Die durch

Liebe vermittelte Erkenntnis ist somit eine Einsicht in die geheimsten Gründe der menschlichen Existenz[...]. »

Hildegard Rossoll, note n°9, p. 79.

(9)

nicht geglückt ist. Die Gewissheit: es wird nie sein. »

37

Le contexte présent et l'avenir plus qu'incertain, voire inexistant, laissent peu d'espoir de voir advenir un monde meilleur.

C'est pourtant là le second « dogme » sur lequel reposent les écrits de Morgner : la possibilité d'une société vraiment « humaine ». Seul le personnage de Léandre incarne cet espoir car il ignore tout des lois et des règles sociales, il ignore tout du mensonge, du pouvoir, de l’exploitation de l’homme par l’homme. Léandre ne connaît ni croyance, ni religion, ni idéologie et en ce sens renferme en lui des possibilités d'avenir infinies. Voilà donc le cœur de la philosophie de l'action telle que la conçoit Héro : « […] jeder Einzelne nimmt sich heraus, Zukunft zu setzen, wo Ideologien versagen. »

38

Le jugement de Morgner est sans appel à la fin des années 80. Écrivain socialiste, elle s'oppose certes au socialisme tel qu'il est pratiqué en RDA, mais ne peut pour autant considérer le système capitaliste comme une alternative. Un fragment l'énonce clairement : « Wer nur ein politisches System kennt von den beiden prinzipiell zur Auswahl stehenden, kann in Augenblicken der Verzweiflung sich zum anderen hindenken und glauben, dort ginge es ihm wohl besser. Wer beide Systeme kennt, steht im Niemandsland mit seiner Phantasie. »

39

C'est justement ce néant que le personnage de Léandre et donc également la « philosophie de l'action » d'Héro viennent chercher à combler. Dans cette impasse où se trouve Héro et à travers elle Morgner

40

, s'ouvre la voie offerte par Léandre, une voie aussi précaire soit-elle qui mise sur l'individu, son imagination, sa capacité de la mettre en pratique et d'agir. C'est ce qu'énonce aussi l'avant-dernière thèse d'Héro : « Ein Mann, den es nicht gibt, macht noch keinen Sommer. Aber Frühling. »

41

« Eine utopische Utopie »

42

Dans les deux premiers romans de la trilogie, Morgner conçoit l'Histoire comme un processus de destruction et de déformation, et se dit séduite par l’immédiateté et l’intégrité de ce qui lui a précédé : « Der Mythos ist sozusagen überlieferte Geschichte aus Zeiten, wo es noch keine Geschichtsschreibung gab. »

43

Elle suggère de même que l’Histoire connaît ses premières déformations et dérives à partir du moment où elle se trouve écrite et donc interprétée

44

. Elle demande donc à poser un nouveau regard. Paradoxalement, c’est le pouvoir de suggestion des métaphores et des images du mythe qui doit rendre possible une appréhension plus adéquate de

37

Note n°6, p. 146.

38

Note n°6, p. 124

39

Ibid, p. 125

40

Les derniers entretiens publiés avant sa mort en sont témoins. Voir Emma, n°2, 1990, p. 32.

41

Note n°6, p. 36

42

Ibid, p. 147

43

Doris Berger : « Gespräch mit Irmtraud Morgner », GDR Monitor, n°12, 1984/85, p. 35.

44

On retrouve cette même idée chez un bon nombre d’écrivains de la même époque à l’Est comme à l’Ouest, entre

autres, Christa Wolf et Peter Weiss.

(10)

l’Histoire. C’est un regard non historique que l’auteur veut poser sur les choses grâce au recours à la mythologie, au merveilleux et à l’imaginaire. L’impulsion doit venir du mythe et non de l’Histoire.

C'est exactement ce qui a lieu dans le troisième roman puisque Morgner y engage toute une réflexion sur cette « utopie concrète » venue de la mythologie qui s'impose désormais dans toute sa nécessité : « Verteidigung der Utopie heißt: Verteidigung des Individuums gegen die Zerstörungsmechanismen der Gesellschaften. […] Je mehr der Mensch sich zur Schraube machen lässt, desto besser arbeitet die Zerstörungsmaschinerie. / Das Individuum: Sand im Getriebe. »

45

Si Morgner ne croit plus en la société telle qu'elle existe, elle n'abandonne pas pour autant l'espoir d'une action subversive à l'origine d'une société plus tolérante, pacifique et harmonieuse.

Elle puise donc de nouveau dans la mythologie ce qu'elle pense être une expérience première, utopique, car l'Histoire ne peut en aucun cas lui apporter de réponse. Laura dans Das heroische Testament nous livre d'ailleurs la réflexion la plus radicale à ce sujet chez Morgner : « Also habe ich keine Geschichte: Es gibt keine. Geschichte ist eine Fiktion der Männer. Wozu in die Historie eintreten wollen, wie Beatriz wollte? »

46

Dans le contexte de la fin des années 80, tout laisse entendre effectivement que les deux premiers romans conduisaient à une aporie : « Laura = Scheitern der sozialistischen Hoffnung / Amanda = Scheitern der feministischen Hoffnung »

47

, note Morgner. C'est donc le personnage de Léandre qui va permettre à la trilogie de trouver un nouveau dynamisme, sa création engendre une multitude d'interrogations (reculer les limites du possible, créer un être parfaitement intègre, retrouver une totalité perdue, faire advenir une nouvelle société ?), elle place les personnages face à de nouvelles tensions et contradictions (entre leurs souhaits et la réalité) qui les obligent à se remettre en mouvement. On retrouve ici cette même « agitation productive »

48

qui était au cœur du travail de Morgner jusqu'à présent. Léandre est ainsi l'élément qui va permettre au projet d'écriture de croître malgré tout : « Der Durchbruch zum neuen Stoff gab der schöpferischen Phantasie Auftrieb […] »

49

De la création de ce personnage vont naître des milliers de pages manuscrites ainsi que l'idée fondamentale de ce texte : tirer de la force en soi pour espérer un avenir, une idée qui n'étonnera guère chez un écrivain qui revendique la confiance en soi comme force productive

50

. C'est d'ailleurs de cette manière qu'elle définira le terme d'utopie dans ses notes :

Utopie

1. Alte Form: etwas denken, was (noch?) nicht machbar ist.

45

Note n°6, p. 144.

46

Ibid, p. 145.

47

Note de Morgner citée par Rudolf Bussmann, note n°15.

48

Jürgen Engler : « Die wahre Lüge der Kunst ». Neue deutsche Literatur, 1983, n° 7, p. 138 : « produktive Unruhe »

49

Rudolf Bussmann, note n°15.

50

Irmtraud Morgner : « Selbstvertrauen als Produktivkraft », Irmtraud Morgner, Texte, Daten und Bilder. München :

Luchterhand, 1990, p. 19.

(11)

2. 'Neue Form' (perverse) = umgekehrt : etwas machen, was nicht vorstellbar ist.

3. Utopische Utopie: der Mensch ist sie selber. Dieses Wunder, das er nicht begreift. D. h. eine Utopie sein, ohne es zu wissen.

51

Les deux premières définitions s'avèrent insatisfaisantes du fait qu'elles privilégient la pensée au détriment de l'action ou inversement. Or, la « philosophie de l'action » selon Héro se propose d'unir les deux de façon plus probante. L'être humain, tel qu'il est ébauché dans les fragments, n'a ou ne connaît pas d'utopie, il est lui-même une utopie. Morgner reprend et adapte le concept de Bloch, insistant sur sa dimension encore utopique, car l'homme n'est pas encore ou n'est plus conscient de l'utopie dont il est porteur. Toutefois, aussi contradictoire que cela puisse paraître, les deux termes

« philosophie de l'action » et « utopie utopique » ne se font pas concurrence ou ne s'excluent pas l'un l'autre dans le roman. Ce qui pourrait paraître une indécision ne l'est pas dans la mesure où utopie et action, utopique et concret sont intimement liés, font partie d'un seul et même système de réflexions.

Morgner demande ainsi à déchiffrer ce qu'elle appelle « Utopie Mensch »

52

, même si elle ne peut s'empêcher de penser qu'il est déjà trop tard, que l'être humain à force de dérives et de déformations a déjà oublié ce qu'il est. L'« Utopie Mensch » dépasse un concept d'Histoire que Morgner rejette désormais, l'« Utopie Mensch » c'est se souvenir de ce qu'était l'être humain avant l'Histoire (ce que représente le personnage de Léandre) : « [d]er Mensch [muss sich] ab und zu seines Entwurfs erinnern. »

53

Deux conceptions de l'utopie se profilent donc dans le texte. La première est tournée vers un passé lointain et correspond à la reconquête d'un paradis perdu, d'une unité et d'une authenticité dites originelles ; la seconde est tournée vers l'avant et signifie la seule possibilité de s'engager vers l'avenir, si avenir il y a, en restant véritablement humain. Si l'auteur tient tant à cette seconde idée, c'est que l'existence et la préservation de notre moi en dépend : « Wer den Alpträumen der Realität keine Wunschträume der Utopie entgegensetzt, verkommt, verludert, verwest bei lebendigem Leibe, entartet als Mensch. »

54

Les deux mouvements contraires trouvent une origine en l'Homme, qui doit se reconnaître comme utopie sans quoi il n'est plus d'avenir. L'auteur y trouve une justification de l'écriture et fait dire à un de ses personnages : « Ich selber kann nicht leben, ohne mich meiner Utopie zu erinnern. Und einigen Menschen wird es ähnlich gehen. Für mich und für die schreibe ich. »

55

La démarche s'avère aussi nécessaire qu'insignifiante dans le contexte donné.

Affirmée en tant que telle, « l'utopie utopique » se heurte en effet dans les fragments à la réalité et à l'idéologie qui la régit. Outre les problèmes rencontrés par Héro pour faire admettre la création

51

Note n°6, p. 147.

52

Note n°6, p. 146.

53

Ibid, p. 147.

54

Ibid, p. 286.

55

Ibid, p. 147.

(12)

de Léandre, il est ébauché ici ce qui apparaissait déjà clairement dans Amanda, à savoir une séparation très nette entre l'imaginaire et la réalité, le poétique et l'idéologique

56

. Parallèlement à la trame principale, Morgner avait prévu « l'histoire d'une île qui n'existe pas »

57

, reprenant ainsi une riche tradition littéraire, et qu'elle comptait rattacher à l'histoire d’Héro et Léandre

58

. Les fragments donnent à voir une île miniature fantastique, dernière enclave poétique et utopique à l'intérieur d'un royaume ennemi effrayant où l'individu n'est plus qu'un instrument au service de l'idéologie en vigueur. La part accordée à l'île est très restreinte autant que les chances d’Héro d'atteindre son objectif. Les documents concernant cette trame narrative ne sont pas assez complets pour permettre de savoir si Morgner allait y souligner la mise en danger de toute pensée utopique et de sa réalisation concrète ou plutôt l'espoir même infime qu'il représente encore. H. Rossoll indique à juste titre : « Die Utopie einer menschlichen Gesellschaft war aufs engste mit Morgners Identität verquickt. Diese Hoffnung fallen zu lassen, wäre der Selbstaufgabe gleichgekommen. Wohl aus diesem Grund hielt Morgner beharrlich gegen alle Widerstände an ihrer Utopie fest. »

59

Dans ce conflit entre poésie et raison (dans l'acceptation la plus négative du terme), il s'agit pour l'écrivain de conserver ce qu'elle appelle « einen lebendigen Sinn dafür [...], was schön und moralisch ist. »

60

Ecrire pour garder éveillée cette conscience accrue de l'être humain

61

, c'est le rôle qui incombe à l'écrivain : « Leute, die dichten, schreiben nicht nur dichter als andere, sie leben vor allem dichter. »

62

Vivre plus intensément en tant que femme, en tant qu'individu dans une société donnée, en tant qu'écrivain. Les trois dimensions sont indissociables ici comme dans le reste de l'œuvre de Morgner. L'« utopie utopique » se sera donc au moins faite littérature.

En combinant, réinterprétant, inversant, métamorphosant des mythes antiques et bibliques entre autres, Morgner se ré-approprie tout un héritage culturel dans l'objectif d'agiter la pensée, de redonner du mouvement, de permettre l'action dans un contexte même défavorable. Il s'agit bien d'un jeu : « Spiel mit Lebensmöglichkeiten und Lebensentwürfen »

63

». Le troisième volet de la trilogie demeure une somme de fragments, toute approche ne peut donc engendrer qu'une série d'hypothèses, jamais aucune certitude, car chaque élément sera contrecarré par un autre ; Morgner aimait à esquisser différentes possibilités, expérimenter des combinaisons toujours nouvelles qu'elle retenait ou non. A partir du mythe d'Héro et Léandre et de celui d'Adam et Ève, elle exploite ainsi

56

Rappelons que Laura y avait une existence terrestre (Laura) et une existence imaginaire (Amanda).

57

« Von der Insel, die es nicht gibt » est le titre donné (par Morgner ? par Bussmann ?) à la deuxième partie du roman.

58

Dans les notes, Héro demande à Titania (qui règne sur cette enclave utopique) d'y emmener Léandre, seul espoir de le sauver. Elle-même doit mourir peu après. Léandre, testament d'Héro, est préservé. Note n°6, p. 123.

59

Hildegard Rossoll. Weltbild und Bildsprache im Werk Irmtraud Morgners. New York : Peter Lang, 1999, p. 171.

60

Note n°6, p. 138.

61

Morgner parle de « Poesie als Anwalt des Individuums ». Ibid, p.175.

62

Ibid, p. 297.

63

Marlis Gerhardt : « Geschichtsklitterung als weibliches Prinzip », Irmtraud Morgner, Texte, Daten, Bilder.

München : Luchterhand. 1990. p. 95.

(13)

tout autant l'idée d'une « philosophie concrète » que celle d'une « utopie utopique », toutes deux faisant partie intégrante d'un vaste système de réflexions. L'être humain demeure central dans le jeu que Morgner lance à travers les différents mythes qu'elle choisit, c'est donc à partir de l'être humain lui-même, de son pouvoir de création et d'imagination, que l'utopie pourra, peut-être, encore être préservée. L'écrivain redéfinit à son gré le terme d'utopie, par désillusion peut-être ou pour pouvoir conserver encore un espoir. Quoi qu'il en soit, c'est bien sur le potentiel créateur, poétique et utopique de la mythologie que repose à ses yeux le seul espoir d'avenir.

Bibliographie citée :

Morgner, Irmtraud: Das heroische Testament. München: Luchterhand, 1998.

Morgner, Irmtraud: Amanda. Berlin : Aufbau Taschenbuch Verlag, [1983] 1999.

Bloch, Ernst: Tagträume vom aufrechten Gang. 6 Interviews. Frankfurt/Main: Suhrkamp. 1977.

Bussmann, Rudolf: « Der aus den Rippen geschnittene Mann ». Neue Zürcher Zeitung, 07.05.1994, p. 67.

Berger, Doris : « Gespräch mit Irmtraud Morgner ». GDR Monitor, n°12, 1984/85, p. 29-37.

Engler, Jürgen : « Die wahre Lüge der Kunst ». Neue deutsche Literatur, n°7, 1983, p. 135-144.

Gerhard, Marlis (éd.) : Irmtraud Morgner, Texte, Daten und Bilder. München : Luchterhand, 1990.

Rossoll, Hildegard : Weltbild und Bildsprache im Werk Irmtraud Morgners. New York : Peter Lang, 1999.

Walther, Joachim : « Interview mit Irmtraud Morgner », Meinetwegen Schmetterlinge. Berlin

(RDA) : Der Morgen, 1973, p. 42-54.

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