FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1896-1897 1«° 78
DE L-A.
dans les Affections Inflammatoires Pelviennes
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenuepubliquementle 28 Avril 1897 #'f-
<2
"S
!Pau.l-Georges I3IEZOIn|Ç> ^ ^ /
Néà Bordeaux(Gironde), le 31mars 1870. —
/ MM. BOURSIER professeur.... Président.
Examinateurs de la Thèse: professeur'
•{
.I CHAMBRELENT agrégé Juges.
{
BRAQUEHAYE agrégé 'Le Candidatrépondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI - PAUL GASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1897
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS MM. MIGE.
AZAM Professeurshonoraires.
Cliniqueinterne
MM. MM.
\ PICOT.
Physiologie JOLYET.
"/PITRES. Hygiène
LAYET.
\ DEMONS. Médecine
légale MORACHE.
Clinique externe
j
l\nei,0NGUE. PhysiqueBERGONIE.
Pathologie interne...
DUPUY. Chimie BLAREZ
Pathologie et théra-
Histoire naturelle
...GULLAUD.
peutique générales.
\ERGEL\. Pharmacie IHGUIER.
Thérapeutique
ARNOZAN. Matière médicale de NABIAS.
Médecine opératoire.
MASSE. Médecine expérimeu-
.Clinique d'accouché-
laie 1<ERRE.
ments MOUSSOUS. Clinique
ophtalmolo-
Anatomie pathologi-
gique BADAL.
qUe
COYNE. Clinique des maladies Anatomiê".!
BOUCHARD.chirurgicales des
en-Anatomie générale et
lants P1ECHAUD.
histologie
YIAULT. Clinique gynécologique BOURSIER.
AGRÉGÉS «5 A EXERCICE :
section de médecine(Pathologie interneetMédecine
léijale.)
MM. MESNARD.
"|
MM.SABRAZÈS.
CASSAET. | Le DANTEC.
AUCHÉ. |
section de chirurgie etaccouchements
(MM.YILLAR. I . , . \MM.
RIVIÈRE.
Pathologieexlerne
BINAUD. | Accouchements.... CHAMBRERENT j
BRAQUEHAYE |sectiondessciences anatom1ques et physiologiques
(MM. PRINCETEAU | Physiologie MM.
PACHON.
Anatomiê
|
CANN1EU. | Histoirenaturelle BE1LLE.section des sciences physiques
Physique
MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
Chimie etToxicologie
DEN1GÈS.
|«OURS COIII9I:É)IC\TllRC§ :
Clinique interne des enfants
MM. MOUSSOUS.
Clinique desmaladies cutanées et
syphilitiques DUBREU1LH.
Clinique desmaladies desvoies urinaires
POUSSON.
Maladies du larynx, des
oreilles
etdunezMOURE.
Maladies mentales REGIS. .
Pathologieexterne
DENI CE.
Accouchements Rl'S 1ERE.
Chimie
DEN1GÈS
Le Secrétaire de la Faculté: LEMA1RE.
Par délibération du5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les
Thesesquilui sontprésentéesdoivent être considérée# commepropres à leurs auteurs, et
qu'elle n'entend leurdonnerni approbation niimprobation.
■•
A MONSIEUR LE DOCTET'R YIAULT
PROFESSEUR D'ANATOMIE GÉNÉRALE ET D'HISTOLOGIE A LA FACULTÉ
I)E MÉDECINE DE BORDEAUX
DOCTEUR ES SCIENCES
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
Nous cherchions des matériaux pour notre thèse
lorsque
nous fûmes assez heureux pour tomber sur le discours que prononça, en 1893, M. le professeur Verneuil à la Société de
Chirurgiede Paris.Les idéesémises danscesquelques lignes rentrent si bien dans le cadre de notresujet etcorrespondent si exactement à celles que nous voulons développer, que nous croyons devoir reproduire exactement les paroles du célèbre professeur.
Elles auront le double avantage de nous servir de préface
etde montrerl'esprit sous lequel nous voulons envisager ce qui fait le titre de notre travail.
« Je n'entends pas dire que la chirurgie conservatrice soit devenuelettre morte, qu'on verse le sang sans réserve, à tort et à travers, carje sais, et vous aussi, qu'on guérit fort bien les arthrites sons arthrotomie, résections ni amputa¬
tions ; qu'en notre pays, du moins, on
n'extirpe
pas souvent lesgoitres quel'on guérit si fréquemment avec l'iode et la seringuede'Pravaz,
que lescorps fibreux de la matrice sont dans la grande majoritédes cas tenus en respect et guéris, même avecl'ergotine, l'eau chaude et les thermes salins;qu'enfin les intempérances de la gynécologie se modèrent
et finiront par disparaître : mais ce qui me surprend, c'est que les apôtres, encore nombreux, Dieu merci, de la conser¬
vation, de la temporisation, de la prudence, de la chirurgie médicale ou de la médecine
chirurgicale,
si je puis associerces deux mots, gardent si timidement le silence, ne protes¬
tent pas davantage et défendent si mollementet si mal leur
- 10 —
belle cause, comme s'ils rougissaient vraiment de mettre trois ou six mois à guérir sans coup férir, sans danger, ou
avec les acta minoris
yericùli, de
sérieuses maladies que d'autres croientindispensable de traiterparde
graves opé¬rations.
» Que dans votre enceinte donc, les conservateurs, dussent- ils être traités de réactionnaires, reprennent hardiment la parole ou la plume pour tempérerles ardeurs excessives de la pratique et signaler les écueils semés sur son chemin, qu'ils s'organisent en une sortede droite constitutionnelle, de sénat modérateursi vous voulez, et l'onverra bien autour de nous et en dehors que la chirurgie française n'a perdu
aucune desesqualitésmaîtresses, et que ses représentants
actuelssont, comme toujours, prudents, instruits, humains, économes de la vie d'autrui, et aussi fidèles serviteurs de la science que rompus aux difficultés de sonapplication»
(*).
Al'heure qu'il est, les conseils de M. leprofesseur Verneuil
ontporté leurs fruits. La réaction commencée contre les abus de la castration s'accentue de plus en plus
depuis
1890,et nous ne prétendons pasaprès Bouilly, Bazy, Doléris, Pi- chevin et tant
d'autres,
faireœuvre d'initiativeet révolution¬nerla chirurgie. Notre autorité en la matière ne nous le permet du reste pas; mais il nous aparu intéressant d'envi¬
sagercette question dans son ensemble et
d'essayer
de faire ressortir les avantages de la modération, au double point devue des résultats
thérapeutiques
obtenus et des grossesses postérieures possibles.Nous avons constaté quelquefois une
critique
peut-être trop acerbe chez diversauteurs qui ont écrit sur ce sujet, aussi tenons-nousà affirmer dès maintenant, quec'est sans aucunesprit depolémique
que nous faisons ce travail. Il nous a été inspiré par un denosmaîtres et il nous a paru(9 Discours deM. le professeur Verxeuil (Bull, de la Société de Chirur¬
gie. 1893,p. 565).
— il —
assez intéressant en lui-même pour que nous Payons accepté
avecplaisir.
Nous ne nous occuperons icique des affections désignées
sous le nom d'infectieuses ou
inflammatoires,
récentes ouanciennes, aiguës ou
chroniques,
le terme d'inflammation^appliquant à tous ces états morbides où le substratum anatomiqueest réduit à des lésions irritatives sans aboutir à la formationde néoplasies
spécifiques.
Nous diviserons notre sujet en quatre parties.
La première partie comprendra un
historique
très résumé de lagynécologie
pour permettresimplement
de suivre l'évo¬lution de cette science.
La deuxième partie se divisera endeux chapitres. Dans le premier, nous nous étendrons sur quelques considérations sociales et morales.
Dans le second, nous envisagerons l'ovaire comme une
glande à sécrétion double et
interpréterons
l'action de cette sécrétion surl'organisme féminin. Nous essayerons, étant donnés les phénomènes qui suiventla castration,d'expliquer
leurcause possible par la destruction des fonctions physio¬
logiques
de l'ovaire (ménopauseprématurée).
La troisièmepartie comprendra deux
chapitres.
Elle trai¬tera desmoyens employésparla chirurgie conservatrice, de leurs indications et de leurs résultats. Nous y ferons ressor¬
tir la quantité considérable de femmes soulagées ou guéries parles méthodes médicaleset le nombre de grosses¬
sesqui en est la conséquence.
La quatrième partie comprendra une
analyse critique
des observations que nous avons pu nous procurer, ces obser¬vations elles-mêmeset nos conclusions.
Arrivé à la fin de nos études, nous sommes heureux de pouvoir dire à nos maîtres et à tous ceux qui nous ont aidé de leurs conseils combien nous leur en sommes reconnais¬
sant. Nous n'oublieronsjamais l'extrême bienveillance dont
nous avons été l'objet de la part de tous, et ceux qui nous connaissent assez savent que nous n'avonspas tant attendu pourleur en manifester toute notre gratitude.
— 12 —
QueM. leDr
Beaudrimont, dans le service duquel
nousavons fait nospremiers pas,
reçoive l'assurance de notre
profondrespect.
Nous avons passé un an
chez
M.le Dr Arnozan, et chaque
jour nous avons pu nous
rendre compte de
sabonté et de la
valeur de sonenseignement.Qu'il veuille
bien accepter ici les
respectueuxhommages de
sonancien élève et
sesplus sin¬
cères remerciements pour toutce
qu'il
afait
pourles siens.
Pendant notre trop court séjour
chez MM. les Drs Badal,
Moussouset Piéchaud, nous avons toujours reçu
le plus
parfaitaccueil
et nous engarderons
unprécieux souvenir.
Nous saisissons avec bonheur l'occasion de remercier M. le Dr Rivière pour toutes les
bontés
qu'il nous aprodi¬
guées pendant l'année
où
nous avons été son préparateuret
pour l'intérêt tout particulier qu'ilnous a témoigné en nous inspirant le sujet de notretravail.
M. leDrBoursier, en nous faisant l'honneur d'accepter la présidence de notre thèse, nous donne une marque de sym¬
pathie que nous n'oublierons pas. Nousle prions d'accepter
l'assurance de toute notre reconnaissance.
Nous tenons également à remercier M. le D1'Guément pour l'accueil si amical qu'il nous a toujours fait à la policlinique,
ainsi que MM. les Drs Sabail, Monod, C. Faguet et Beylot, que nous avons mis à contribution pour notre thèse et à l'obli¬
geance desquels nous devons un grand nombre de nos observations.
PREMIÈRE PARTIE
HISTORIQUE
Nous ne voulons pas, au commencement de ce travail, faire un historiquedétaillé de la gynécologie; ce serait sortir de notre sujet, ouplutôt l'allonger à plaisir, et tel n'est pas notre but. Aussi nejetterons-nous qu'un rapide coup d'œil d'ensemble sur cette science chez les Anciens et au moyen- âge pour en arriver de suite à la fin du xixe siècle;
mais avantd'aborder une question complexe et controversée entretoutes, il nous paraît intéressant de donner quelques indications sur la marche des idées dans ces dernières années, surtout depuis 1880 etsurl'état actuel dela question, jugée pourainsi dire en dernier ressort par le Congrès de
Genève de 1896.
Si nousjetons un coup d'œil rétrospectif rapide sur l'état
des connaissances gynécologiques dans les temps antiques,
nous voyonsque l'étude des maladies des femmes y est déjà très avancée. Les notions cliniques sont étendues et assez
précises, la
thérapeutique
est variée et pleine de ressources, et certainement les progrès auraient été plus grands encore si Tanatomie etla physiologie n'étaient pas restées à l'état rudimentaire etsi certaines erreurs de l'époque hippocra- tique, rénovées ou mal interprétées par Gallien, ne s'étaient pas conservées pendantdes siècles, étouffant l'élan qui avait été donné par l'école d'Alexandrie.I
— u —
En arrivantau moyen-âge, nous entrons dans une ère d'ignorance et de décadence scientifique qui va durer près
de neuf siècles et que l'invasion arabe ne parvient pas à modifier. Durant cette longue période, on ne trouve en effet qu'une série d'erreurs et de
préjugés
touchant l'étude de la gynécologie, science presquedélaisséeet certainement moinsdéveloppée
que chez les Grecs.Au xvie siècle, malgré la Renaissance, les progrès de la gynécologiesontpresque nuls ou toutau moins très lents, eten-1564,
époque
où parurent les dix livres de chirurgie d'AmbroiseParé, à côté de notionsexactesonconstateencore les théories les plus bizarres et les plus invraisembla¬bles.
Les véritables progrès
scientifiques
ne commencent réel¬lement qu'au xviic siècle, et cela, grâce à la restauration de Panatomie et à la création de la
physiologie
et de l'anatomie pathologique.En effet, André Vésale et son ('-lève Fallope, en 1523, étu¬
dient et décrivent l'anatomie des organes génitaux de la femme. Harvey et Regnier de Graaf, en 1(1(15, entrevoient le mécanisme de l'ovulation et les fonctions
physiologiques
de l'œuf. Morgagniet et Santorini complètent ces données en corrigeantles erreurs de De Graaf.Morgagni
etMalpighi
créent l'anatomie
pathologique;
enfin lagynécologie,
qui était restéependant des siècles le domaine des matrones et desclercs, passe aux mains desmédecins.C'est à cette
époque
quenous trouvons la pléiade célèbre des accoucheurs, commençantpar Guillemcau et qui se con¬tinua pendant toutle xvne et xviiic siècle avec Mauriceau
(1637-1709), Philippe
Peu(1648-1707),
Ruleau, Pierre Donis, Van Devinter, André Levret(1703-1780),
Antoine Petit, Bau-delocque,
etc.En même temps paraissaient plusieurs travaux intéres¬
sants où nous relevons les noms de Bayle, 1669, Xatharel Sprye
(1635),
Friend(1703), Santorini, Letellier,
Stahl, ainsi— 15 —
({lie les célèbres mémoires de l'Académie de
Chirurgie
avec Levret, Louis et Le Dran(1).
Certes, on rencontre encore dans tous ces ouvrages de trop nombreuses théorieserronées, mais certaines maladies y sont bien étudiéeset bien décrites. Le toucher et
l'explora¬
tion bi-manuelle y sont parfaitement connus et méthodisés; toute la pathologie utérine a fait de très grands progrès, quoique l'on confonde encore le cancer et les inflammations
chroniques
de l'utérus. Lesprolapsus
et les déviations sont bien traités; pour la première fois aussi, les maladies des ovaires y tiennent une place à part eton propose même leur traitementchirurgical.
Le terrain était donc bien préparé au commencement clu xixe siècle pour permettre à la gynécologie de se
dévelop¬
per rapidement.
Aprèsune période
embryonnaire
longue ettourmentée,
cette science, arrivée enfin à terme, allait pouvoir vivre desa vie propre et profiter de tous les moyens
d'investigation
et deperfectionnement queles inventionsnouvelles allaient lui donner.Fait digne de remarque, la gynécologieva rester purement médicale pendant toute la première moitié du xix°
siècle et cela probablement grâce à l'organisation
hospita¬
lière pendant la Révolution
(2).
Le premiernom que nous trouvons dans cette
période
est celui de Récamier(1774-1852)
qui inventa le spéculumen 1816 et le curettageen 1829. L'invention du médecin de FHôtel-(')Toute la scieucegynécologique de l'époquese trouve résumée dans trois traités spéciaux qui parurent à la fin du xvme et au commencement du xixe siècle. Ce sont ceux d'âstruc(1765), Chambon de Morvaux 1784
etVigarous (1801).
(2)« L'organisation nouvelle,en effet, ne comprit exclusivement au début que des services demédecineet dechirurgie; et ce n'est que plus tardque furent fondés les services d'accouchements. Tout naturellement alors les femmes atteintes de maladies des organes génitaux furentdirigées vers les salles de médecine etles médecins furent amenés àfaire de la gynécologie »
(Boursier).
— 16 —
Dieu eut pour
résultat immédiat de porter l'attention des
praticiens sur le col et sur
les lésions
queI
onpouvait
y apercevoir, et par contre,de faire délaisser
un peul'étude
des annexes. En effet, avecGuilbert en 1821, Mêlier
(1832),
Ricord, Lisfranc, Robert, Gosselin,Ctiomel, il n'est question
que de la pathologieet
de la thérapeutique du segment inté¬
rieur de l'utérus.
Cependant,
à
peuprès à cette
époque,Duparque, de Bor¬
deaux (1831), essayait
de différencier le
cancerd'avec les
inflammations, chroniques, et sept ans- plus tard Téaliier
écrivaitunmémoireplusprécis etplusaffirmatifsurla même question. Lisfranc, Duparque, Mme
Boivin
et Dugescréaient
leur théorie de rengagement utérin. Ameline (1827) restau¬
rait le palper et le toucher, un peu en défaveur. Hervez de Chégoin étudiait les déviations utérines, enfin Lacroix, en 1844, faisait un essai malheureux des pessaires pour ces mêmes déviations.
Dela connaissance des déviations découlèrent la théorie de Velpeau contre les engorgements et les travaux d'Amus- sat,d'Huguier, de Simpson et de Valleix.
Les annexes délaissés depuis Récamier sont l'objet de
travauxintéressants. Le phlegmon péri-utérin est repris et décrit par Dance, Bepnet, Boyer, Nonat, Gallard; la pelvi- péritoniteparGoupil et Beflnutz;l'hématocèle est étudiéepar Nélaton et Vignes son élève, puis par Ricliet et Delvatz; la pathologie desovairesparBoinet, Scaglia, Gallard et Nélaton.
Tous ces travaux nous amènent en 1850,
époque
à laquelle Aran, résumant pour ainsi dire les idées de sontemps, écrivait que les maladies utérines ne devaient pas sortir du domaine de la médecine et que le traitement des affectionsgénitalespar les moyenschirurgicaux devaitêtre considéré comme une véritable calamité.
Pour si exagérée que soitcette opinion, elle ne nous éton¬
nera pas quand nous saurons dans quelles conditions on était alors obligé d'intervenir et le peu de succès qui avait couronné les efforts desplus hardis.
— 17 -
Mais avec les progrès de l'histologie, avec le perfectionne¬
ment de l'outillage et lacréation de centres
d'enseignement
confiés à des hommes compétents, surtout avec lesprogrès
réalisés par
l'anesthésie,
tout allait changer et la chirurgie abdominale, fière des succès qu'elle pouvait obtenir désor¬mais, allait faire délaisser de plus en plus les anciens pro¬
cédés.
C'est tout d'abord à l'étranger que furent utilisées ces découvertes et que lesprocédés nouveaux furent appliqués
avecsuccès à la
gynécologie.
Mais quoique entre les idées d'autrefois et celles d'aujourd'hui il semble y avoir un abîme,on peut constaterque la plupartdes
opérations attri¬buées aux Allemands, aux Anglais ou aux Américains
avaient étéessayées en France depuis longtempsetn'avaient
été abandonnées qu'à cause des dangers qu'ellesoffraient à
l'époque
où elles parurent.Les progrès furent rapidement
considérables
en Alle¬magne entre les mains de Kiwisli, Scanzoni, Mayer, Braun, Schrœder, Martin, Olslvausen, etc. En Angleterre, grâceaux
travauxdeSimpson,
Churchill, Barnes, Keith, Spencer Wells, Lawson-Tait et quelquesautres. En Amérique, avec la bril¬lanteécole des Marion Sirns, Peaslée, Emmet, Mundé, etc., et déjà la
gynécologie
était devenue à peu près partout chi¬rurgicale alors qu'en France les tendances étaient encore presque exclusivement médicales
avecCourty (1872)
et Sinety(1876).
En 1856, en effet,
après
de nombreusespolémiques l'Aca¬
démie de médecine n'avait pas hésité
à rejeter l'ovariotomie,
et ce n'est qu'en 1862 que Demarquav,
Kœberlé,
Boinet, Péan.et surtout Nélaton, après son voyage en
Angleterre,
purentarriver à gagner sa cause. Ellenedevait du reste segénéra¬
liser que vers 1880.
Avec la découverte de l'antisepsie, le mouvement chirur¬
gical s'accentue encore. Grâce à cette arme
précieuse,
on reprend en les complétant toutesles anciennes opérations
jadis impossibles. Simon, s'occupant des inflammations uté-Dezon
— 18 -
rincs,ressuscite le curettage
qu'avait tenté,
sanssuccès,
Récamier en 1829 ; Hegar et
Kaltenbach méthodisent cette
opérationqui
estdéfinitivement introduite
enFrance
par Doléris en 1884.Sclirœder, Simon, Hégar et Bouilly donnent
leurs
nou¬vellesméthodes
d'amputation
ducol.
Kimball et Kœberlé en 1863, Péan en 1870, enlèvent les fibromes utérins par divers
procédés d'hystérectomie.
En 1873, Freund faitl'hystérectomie abdominale,
et Kleeberg, Martin, Hégar, Pozzi,s'occupent tousde
cetteopération qu'ils
perfectionnentpeuà
peu.En mêmetemps Spencer
Wells
et Martin(de
Berlin) ima¬ginent la
myomectomie.
En 1880, l'hystérectomie vaginale, abandonnée, reparait
avec Czerny,
Billroth, Sclirœder,
Martin; et tandisqu'elle fait l'objet d'un longue discussion auCongrès de Londres de 1881, elle est introduite, en France, par M. Démons à Bordeaux, Péan à Paris et Bœckel à Strasbourg.En 1881, Alexander reprend
l'opération
qu'avait tentée^-Alquié
en 1840et qui devait désormais garder son nom.On s'occupe de tousles procédés
d'hystéropexie,
soit vagi¬nale, soit abdominale
(gastro-hystéropexie)
et on en métho-disel'emploi.
Sims etDoléris, en 1888. pratiquent la suture au moyen d'un pli transversal du vagin. Byford faitsa
métro-élytrorra-
pliie.Skutsch en 1888proposel'incisiontransversale;
en 1890, Bossi, reprenant une opération de Richelot, fait sa vagino- fixation.Schuckingen 1890-1891 fixe le fond de l'utérus au cul-de-
sacvésico-utérin.
Enfin Mackenrodt, Durhssen et Le Denfu en 1895 prati¬
quentla suture utérine à la paroi vaginale antérieure.
Pourcequi est de
l'hystéropexie abdominale,
nous pou¬vons citer les noms de Louis
(1875)
Olshausen(1886),
Klotz(1887),
Kelly,Sanger, Léopold,Czerny
en 1888 et enfin à la mêmeépoque Perrier etPicqué
en France.Marion Sims,
Demarquay,
Richet, Lefort, Polaillon, Simon,— 19 —
Ereund, Hildebrand, Hégar, Lawson-Tait traitent les rup¬
tures du périnée par toutesles nouvelles méthodes decolpo-
périnéorrapliie
postérieure et decolporraphie
antérieure.On aborde aussi le traitement des inflammations pel¬
viennes et nousy retrouvons les noms de Gottsclialk et de Picqué, en
1891,
quipréconisent l'incision
vaginale dansl'oophoro-salpingite; de Durlissen
en 1894 et de Martinen 1896 qui lui donnent tour à tourle
nomde cœliotomic
vaginale et deeolpotomie antérieure.
Polk, Mundé, ITowitz en 1887-88-89 préconisent certains moyens conservateurs
appelés
àremplacer
la salpingec-tomie.
Pour les
péri-métro-salpingites,
nous voyons Tenneson reprendreles
ponctionsdéjà employées
parSimpson.
En 1886, M. Laroyenne l'ait aussi
la ponction
parle vagindans les masses d'inflammation péri-utérine chronique,
avecépanchements latents, de nature
purulente,
séreuse ou hématique. Mundé yjointun curagede la cavité.
Lorsque l'abcès est
également éloigné du vagin
etdelà
paroi abdominale, on proposediverses voies
pourl'atteindre.
Ilégar, Sanger, Zuckerkandl veulent la
voie péritonéale.
WiedoAvetSonger
préconisentensuite la voixsacrée; Hégar,
la 1aparotomie
sous-péritonéa1
e.Enfin les discussions qui
s'élèvent
entrelaparolomistes
et hystérectomistes ou sujet desabcès pelviens, les modifica¬
tions quesubit
l'hystérectomie (Péon, Segond) dans l'ablation
des ovaires kystiques et
de l'utérus, les comptes rendus
sur le traitement des grossessesextra-utérines-,
nousamènent
au Congrès de Genève de
septembre 1896.
Nous ne voulons pas reporter
ici
toutesles discussions qui
se sont élevées entre chirurgiens
français
ou étrangers au deuxième Congrès degynécologie,
nousferons simplement
ressortir en quelques mots
les tendances actuelles et préci¬
serons l'état de la questionen ce
qui
concerneles affections
infla m matoir e s pelviennes.
Nous ne faisons que mentionner
les communications de
t
— 20 —
Kustner, Polk, Pozzi,
Reynier, Schwartz, Péaa, Pichevin,
P. Petit, Jacobset Kummer sur
les rétrodéviations utérines
etleur traitement, nous ne parlerons pas
davantage des
divers
procédés
defermeture de l'abdomen, des rétrécisse¬
mentsdu bassin et de diversesautres
questions qui ont lait
le sujet de travaux
importants.
Les suppurations
pelviennes entrent, du reste,
pourune
bonne part dans
les communications qui sont faites, et,
quoique l'on
défende
encoretrès énergiquement la laparo¬
tomie et l'hystérectomie,
il
estincontestable
quecesopéra¬
tions ont perdu beaucoup
de terrain
auprofit des inter¬
ventionsconservatrices.
M. Bouillv accepte trois
grandes méthodes de traitement
des suppurations
pelviennes
et, sonsabandonner les grandes
interventions, constateque lesdivers
procédés conservateurs
ontdonné d'excellents résultats.
M.Songer (de
Leipzig)
estnettement partisan des procédés
conservateurs (cœliotomie, drainage,
etc.). Il reprend la
défense de lalaparotomie contre
l'hystérectomie
en casd'in¬
tervention radicale.
Howard Kelly (de Baltimore) et M.
Delagenière préconi¬
sent la castration totale; MM. Richelot et Doyen
préfèrent
l'opération de Péan.M. Henrotin est nettement conservateur, M. Hartmann rejette l'hystérectomie et adopte l'incision vaginale
dans
l'immensemajorité des cas. M. P. Reynier défend résolument
la laparotomie, plus conservatrice que l'hystérectomie.
M. Henrotay s'occupe de la pathogénie des affections
inflammatoires utérines etpelviennes.
MM. Laroyenne, Jacobs, Pichevin etAdenot attaquent les suppurations pelviennes par le vagin, qu'elles soient intra- péritonéales ou non.
M. Segond insiste sur la technique de l'hystérectomie, et Doléris, procédant du simple au composé, n'opère radicale¬
ment quesi la méthodeconservatriceemployée longtempsne
- 21 —
lui a pas
donné de résultats. Il préconise la prophylaxie des
organesgénitaux
et la thérapeutique utérine précoce.
L'énumération trop rapide de toutes ces
méthodes opéra¬
toires appliquées
à la
curedes affections génitales de la
femme permet
cependant de faire comprendre combien, à
l'heure qu'il est,
les
ressources quepossède la gynécologie
sont nombreuses. Elle permet
aussi de constater les progrès
réalisés ces derniers temps par
les
moyensconservateurs.
#
-
DEUXIÈME
PARTIECHAPITRE PREMIER
Aujourd'hui où l'on s'occupe tant de dépopulation, où tout
tout le monde donne son avis pour essayer
d'enrayer le
mouvement qui
s'accentue chaque jour et menace notre
pays, il est
intéressant, parmi les nombreux facteurs qui en¬
trent en jeu dans
cette question, d'en envisager un purement
médical et de nous demander si les
abus de la castration
chez la femme nepeuvent pas
jouer
uncertain rôle dans ce
triste état de choses.
Nousconnaissonsles nombreux
motifs, tant d'ordre maté¬
riel quemoral, qui ont
été incriminés tour à tour, et certes
nous pensons
qu'ils ont bien leur valeur
;mais si nous cher¬
chons à nous rendre compte
de la portée de chacun d'eux,
nous sommes
obligé
dereconnaître
quependant ces der¬
nières années la chirurgie
radicale, la grande chirurgie,
commel'appellent
certains, entre
poursa part dans la dimi¬
nution des naissances.
A moins d'expliquerpar une
coïncidence bizarre du hasard
la relation
qui existe dans les grands centres entre la nata¬
lité et
l'apparition de l'ovariotomic et de l'hystérectomie, on
doit reconnaître que du
jour où l'on commence à pratiquer
en grand ces
opérations la population diminue d'une façon
notable, et cela dans tous les pays
et
pourtoutes les grandes
villes.
- 24 -
Nous ne voulons pas reproduire
ici les statistiques si inté¬
ressantes que nous donne
à
cesujet M. le Dr Canu dans
sa thèse inaugurale (l).Elles
nousparaissent cependant
assez démonstratives pour que nousles prenions
enconsidé¬
ration.
En effet, quece soit en Angleterre ou en
France, à Dublin,
Londres, Manchester ou à Paris, Lyon, Reims, Toulouse, Montpellieret Nancy, nous y voyonsla
moyennede la
popu¬lation augmentersans cesse, tandis que celle des
naissances
diminue en sens inverse et cela dans les proportions de
7 à 19 0/0.
Noussavons quedans ce pourcentage il faut faire inter¬
venir les diverses raisons dontnous parlions plus
haut, et
nous nevoulons pas rendre responsables les seuls gynéco¬
logues d'avoir accentué à un tel point un mouvement qui
s'accuse depuisquatre-vingts ans. Mais si nous considérons
quec'est surtout depuis 1880, enAngleterre, et trois ou qua¬
tre ans plus tard en France, que l'ona constaté un déficit de plus en plus marqué, nous sommes porté naturellement à rapprocher de ces dates celles où
fùrent
vulgarisées les opérations radicales, et d'y voir une relation directe decause à effet.
On sait quec'est surtout pendant la
période
génitale de lafemme que se manifestent les divers accidents qui nécessi¬
tent une intervention. Après la ménopause, les organes
s'atrophient, et si à ce moment les lésions n'ont pas rétro¬
cédéou ne sont pas guéries, on a bien des chances pour conserver chez sa malade tout au moins le statu quo. et pour avoir moins à redouter de nouvelles poussées inflam¬
matoires.
C'est donc de vingt à quarante ans, surtout de vingt à trente, comme l'indique l'âge des opérées dans les divers hôpitaux, en pleine ponte ovulaire, qu'il faut sacrifier des
(p Thèse Ca.nu, Paris1896, p. 120, 121, 122, 123.
organes
malades et rendre stériles des femmes qui,
parleur
âge môme,
étaient le plus aptes à devenir mères.
Le chiffre de 30000 à 40.000 femmes sans ovaires que
l'on
trouve à Paris seulement et 500.000
(*),
pourtoutela France,
nous
paraît peut-être exagéré, mais il est certain, et beau¬
coup l'ont
dit avant
nous, quel'on
acommis
unvéritable
abus depuis une
quinzaine d'années, et
sansprétendre attri¬
buer à une idée de lucre les motifs qui ont
poussé les chi¬
rurgiens à
intervenir
tropsouvent
sansmotifs sérieux,
ondoit regretter
l'engouement exagéré
pourdes interventions
qui semblaient donner
de si beaux résultats et dont on sai¬
sit mieuxaujourd'hui tous les
inconvénients.
Si l'on employait les
nouvelles découvertes scientifiques à
détruire l'humanité, la science n'en
resterait
pasmoins la
science, avec sa valeur propre,
mais elle deviendrait un dan
ger pour la nation et
il faudrait s'élever contre un tel état de
choses.
Le chirurgien qui tient entre ses
mains l'existence d'un
homme lutte avec toute son
habileté
et tout son courage pour le conserveràla société. Le gynécologue peut avoir à
répondre de plusieurs
existences et
«quand on est pauvre
comme nous le sommes »on ne doitpas
prodiguer
sonbien.
A côté deces raisonsd'un ordretout
général, si
nous pas¬sons à l'individu, nous retrouvons
les mêmes motifs pour
nous pousser à la
prudence.
Avec la castration, nous
faisons, des femmes jeunes et
vierges, des êtres pour
toujours
sansvaleur. Elles ne con¬
naîtront jamais les
joies de la maternité et de la famille.
Leur instinct de femme leur laissera
peut-être entrevoir ce
qu'elles ne peuvent etauraient dû être, et leur existence se
passera terne et sans
but, si elles
netournent à la manie ou
à la folie.
Pour les femmes mariéesou
mères,
noussupprimons chez
la plupart toute
espèce de désirs. Si elles ne deviennent un
(') Canu, thèseParis, 1896, p.
117.
objet de
répulsion
pourl'homme, elles sont du moins délais¬
sées peu à peu. Ce
dernier abandonne
sonloyer et
vacher¬
cher ailleurs un dédommagement. Il porte son argent etson affection dans une autre maison où il pourra avoir des en¬
fants qui neporterontpas son nom ou
qui le porteront
au détriment de ceux déjà existants, etnousarrivons ainsià
la désagrégation de la famille.Si certaines d'entre elles peuventconserver encoreun cer¬
tain goûtpourles
rapprochements sexuels,
ellesne pourront plus donner à celui qui les a choisies les enfants qu'ilespé¬
rait obtenir d'elles, etce sera encore une cause dedésunion et d'abandon.
Il y a, dans cet ordre d'idées, une foule de questionsque nous laissons aux sociologues et aux moralistes. Ne faisant pas une thèse philosophique nous ne voulons pas les envi¬
sagerici, mais avant de traiter notre sujet à un point devue plus spécial nous voulions retracer en quelques mots les dangers sociauxqui peuvent naître de l'abus d'une opéra¬
tion ou plutôt d'une méthode qui, entre les mains d'hommes consciencieux etprudents, peut êtreune ressource suprême.
CHAPITRE II
DES SÉCRÉTIONS INTERNES. DE LEUR ROLE PHYSIOLOGIQUE, ET EN PARTICULIER DE CELUI DU SUC OVARIQUE
A côtécle sa sécrétion externe, dont elleversele
produit
au dehors, il existetrès probablement
pourchaque glande
une sécrétion interne, c'est-à-dire unproduit qui
nequitte
pas l'organisme maisest repris
parle
sangauquel il donne
quelque chose
de spécial.
Certes, les
propriétés de
cessécrétions internes
nesont pas
toutes bien déterminées, et cela
malgré
lesnombreuses
re¬cherches faites
depuis
queBrown-Séquard
aétudié l'action
des injections desuc
testiculaire (1er juin 1889). Quoi qu'il en
soit, on saitaujourd'hui
queles divers liquides glandulaires
renferment « dessubstances
importantes
pour un organe oupourl'organisme tout
entier; peut-être même indispensables,
de sorte que, s'ils
diminuent
ousetarissent, il en résulte une
diminution de fonctionnement normal et,
à la longue, la
cachexie »
(Combe ').
C'est ainsi que l'on a reconnu au suc
testiculaire des pro¬
priétés dynamogéniques relevant les forces, la virilité et
atténuant la débilité sénile. Dansle foie, outre
le glycogène
qui est, en sorte, une
sécrétion interne, puisque ce produit
versé dans le sang intervient
dans la nutrition générale,
on a signalé l'existencede
substances toxicolitiques ou anti-
(') Combe, Contribution à la pharmacopée
de l'organothcrapie (Revus
médicalede la Suisse, 1896).
— 28 —
toxiques(Combes, Gilbert,
Carnot). Le
corpsthyroïde sécrète
unesubstancemyxolitique
dont la suppression
oul'insuffi-
sance entraîne rinflltration
myxœdéinateuse de tout l'orga¬
nisme. On sait, en outre, que le suc
pancréatique est
glycolitique;qu'une lésion de cet
organe,tarissant
sasécré¬
tion interne, entraine la glycosurie, et que
l'on
aemployé
des injections dece suc pour combattre
le diabète.
Enfin nous terminerons cette énumération en disant que l'on connaît les bons effets du succérébral dans la neuras¬
thénie (Constantin Paul,
1892),
du suc dela
ratedans la
cachexiepalustre, du suc prostatique
dans l'hypertrophie
de la prostate, du suc capsulaire dans la maladie
bronzée
d'Addison
(Langlois, 1893),
du sucpulmonaire dans les
affections des voies respiratoires(Brunet l).
Tous ces faits montrent surabondamment l'intervention des sécrétionsinternes surla nutrition des tissus et le fonc¬
tionnement de l'organisme en général: il n'est donc pas invraisemblable de supposer que l'ovaire produit lui aussi
un suc utile, probablement même indispensable,
à l'écono¬
mie, etcela
d'après
l'analogiequi semble exister entre toutes les glandes.L'ovaire se développe absolument comme le testicule, à tel point qu'à une certaine période de leur évolution on ne saurait les distinguer. L'ovaire, comme le testicule, a une sécrétion externe (ovule, spermatozoïde); de plus, onconnaît les propriétés de la sécrétion interne de la glande mâle, pourquoi donc son homologue, la glande femelle, nejouirait- il pas de propriétés analogues*? Pourquoi l'identité de développement, l'identitéde structure de ces deux glandes, si manifeste chez certains animaux
inférieurs,
n'explique¬raient-elles pas uneidentitéde fonction ?Pourquoi, la fonction du testicule ne se bornant pas à la production de la cellule mâle, celle del'ovaire sebornerait-elle simplement à la for¬
mation de la cellule femelle? Certes, il nedoit pas en être
(!) Brunet, Lesucpulmonaire,Bordeaux 1896.
— 29 —
ainsi, et si l'eunuque ne
diffère
passeulement de l'homme
par
l'absence
pureet simple de testicules, la châtrée
nese
distinguerapasseulement de la femme
parle défaut d'ovaires.
Pour MM. Spillmann et
Etienne la glande ovarienne
peut êtreconsidérée
commeayant
unesécrétion interne.
Pour ces auteurs, elle serait, en outre, chargée
d'éliminer
l'excès des toxines organiques par le sang
menstruel et
aurait un rôle très important dans
la nutrition générale. Du
reste, ilsconcluent,
chez les femmes châtrées, à l'emploi de
Vovareïne « parce
qu'elle introduit dans l'organisme
unprincipe antitoxique et augmente le nombre des globules
sanguins. »
En effet, la suppression
des ovaires
oude l'utérus, entraî¬
nera desmodifications notables dans
l'organisme tout entier.
Lavoix changera,
deviendra moins étendue et prendra
un registreparticulier (*). La nutrition
seraaltérée, car c'est à
tort que
certains auteurs ont prétendu
quela castration est
suivie de suractivité organique. La
menstruation
cessera brusquement ougraduellement selon les cas, l'utérus s'atro¬
phiera, onverra
le vagin
serétrécir, les seins diminuer de
volume et devenir semblables à ceux de
l'homme, l'aréole
mammaire perdre son
pigment, les forces diminuer, la vue
seprendre, et
enfin l'instinct sexuel disparaître ou se mo¬
difier.
Les modifications du côté du
système
nerveuxsont peut-
être plus
appréciables
encore.Barwell (2) cite une femme de
vingt-neuf ans qui,
à la suite d'une ovariotomie, devint
d'abord d'humeuraggressive,
puis fut frappée de folie pen¬
dant plus d'un
mois. Bryant
aobservé deux cas de folie
f1) Moure,RevuedeLarynyologie,
1er juin 1894.
Castex rapportequ'une femme mezzo-soprano,
qui avait subi la castra¬
tion, vitsa voix devenir déplus en plus grave,
descendre jusqu'au regis¬
tre de la contraltoet cela sansperdreses notes aiguës.
Au laryngoscope,
011 neremarquait, du reste, rien de
saillant; simplement
un peude pâleur
des cordesvocales (Congrèsde la Société
française d'Otologie).
(2) Barwell,Med. Times, mars
1895,
p.391.
— 30 —
transitoire consécutifs à l'ovariotomie. Doran cite une femme mariée qui
devint
folle trois semainesaprès
avoirété castrée. Edis nous parle de cas de
mélancolie
et de neu¬rasthénie consécutifs à l'ablation des ovaires. Bouilly, Pi- chevin, Canu et tous lesauteurs nousmontrent la
perturba¬
tion
profonde,
tantphysiologique
que morale, qui est sur¬venue
après
des interventions de ce genre. Lawson-Tait atoujours vu la folie s'aggraver
après
la castration; enfintoussont d'accord pour reconnaître l'état de dépression et denervosisme qui se produit
après
une ovariotomic ou unehystérectomie.
Nous pouvonsdirequela castration chez la femme, comme chez les animaux, a pour effetimmédiat une extraordinaire diminution de la force musculaire. Les cultivateurs, à l'u¬
nanimité, affirmentqu'un cheval entier, de mêmemuscula¬
ture qu'un cheval hongre, traînesanseffort une charge dou¬
ble. Lesglandetesticulaires ou ovariennes ontdonc sous ce
rapport un rôle
physiologique
indiscutable. Cette diminu¬tion des forces
paraît
encore plus nette chez la jument châ¬trée, à tel point que l'on renonce aujourd'hui à lui enlever
ses ovaires. Deplus, les jumentschâtrées mourraient pres¬
que toutes de pneumonie, et les vétérinaires prétendent que le traumastisme opératoire est
beaucoup
plus grave et a des conséquences plus sérieuses chez la femelleque chez le mâle.Touscesphénomènes n'ont, du reste,rien de particulier et d'étonnant,carils peuvent existeraumoment de laménopause normale.Quineconnaîtl'étatmaladif danslequelsetrouve la femmependant toute cette période,que l'on a appelée à juste titre l'âge
critique.
La femme estfrappée d'amaigrissement
oud'adipose, sesforcessont
diminuées,
elleest sujette à des palpitations, à des douleursmultiples
et variables, auxcéphalées,auxvertiges; sonétat
psychique
estaussi atteint: la neurasthénie et la foliepeuvent seproduire ; mais si tousces troubles sontgénéralementpassagers, c'est que la sécré¬
tion interne de l'ovaire, altérée par les modifications dont cette glandeest alors le siège, redevient normale, dans la
— 3i —
suite, et continue à donner à
l'organisme
cequilui
est utileou à lui enleverce qui est
nuisible. L'ovaire
d'une femme ménopauséen'est donc
pas un organecomplètement mort
à la vie
physiologique,
comme onl'a prétendu, et
par conséquentinutile. Il
aperdu simplement
unede
sesfonc¬
tions.
La preuve en est que
dans les accidents consécutifs à la
castration, qui, somme toute,
n'est qu'une ménopause pré¬
maturée etdéfinitive, lesinjections desucovarien
produisent
des effets merveilleux.
Nousnevoulons pas citer
ici
lesobservations de MM. Régis (Bordeaux),
Brown(Paris), Clément, Mainzer, Landau (Berlin), Spillmann et Etienne (Nancy), mais elles sont
nom¬breuses etnous
paraissent
assezconcluantes.
Dans le même ordre d'idées, Chrobaka soin dans
les abla¬
tions de l'utérus de conserver les deux ovaires et il se
montre très satisfait des résultats obtenus. Il a essayé, en outre, de remédier à l'absence deces organes par
l'adminis¬
tration de substance ovarique
d'animaux
sousforme de
pas¬tilles deOgr. 20. Dans troiscas
les résultats ont été excellents,
et,d'unefaçon
générale, la médication
neparaît
pasproduire
d'accidents.
A son instigation, Knauer,
après avoir enlevé des ovaires
de lapine, les a
greffés
end'autres points de l'organisme, par
exemple entrel'aponévrose
souspéritonéale et les muscles
de la paroi
abdominale,
etles
a vusprendre et continuer à
fonctionner normalement, c'est à dire
à émettre des ovules.
Les animauxainsi traités nemanifestaient aucun
des
symp¬tômes consécutifs à la castration et ne
perdaient ni leurs
forces, ni leurs
poids,
cequi semblerait
prouverque, même
dans leur nouvelle situation, ces
glandes continuaient à
verser dans l'organisme
le principe qui lui est indispensa¬
ble.
L'analogie
réelle
etsi apparente qui existe entre le testi¬
cule et l'ovaire nous permet
de
nousdemander si les
glandes génitales ne