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LETTRE
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A U
CITOYEN GARAT.
EX-MINISTRE DE LA JUSTICE.
Jam satisterris nirisatquediraô grandinis
PAR PIERRE GRANIÉ.
Prix douze sous.
A PARIS,
!
M
ar
e t,courdesF
ontaines, Palais Égalité.Desenne,
sous les arcades, n°. 1. Palais Égalité.On trouve
, chez les mêmesLibraires
> l’Histoire del’Assem- bléeConstituante de France, parl’auteur de cette Lettre, 1 vol. iu«8°.
AN
Ve.3HENEWBERKY
LETTRE
A U
CITOYEN GARAT.
EX-MINISTRE DE LA JUSTICE.
J’
a
i lu, citoyen,dansle
numéro du m
Germinal,
du
journal, intitulé la Clefdu
Cabinet des Souve- rains,un
articlesignédeyous, et relatifàun
écritdu
représentantGamon,
adressé àsesconcitoyens.Permettez-
moi
de m’entretenirun moment
avec vous, sur quelques phrases dont les unes m’ont étonné, et dontle sens des autres à échappé sans douteàmafoibleconception.Votreréponse,sivous daignezm’en
faireune
, fera cessermon
étonne-ment,
etouvriramon
intelligence. Si je trouve en vousun
précepteur indulgent, je vous prometsun
disciple docile.
Une
lettre qui débute parun compliment
, enest
mieux
accueillie, et celui que je vous fais estbien sincère. Je vois que nous
sommes
d'accord surun
personnage principal clés premiers jours de la révolution , surM.
Necker. Ses opinions,que
si long-tems vous avez admirées, et que( 4 )
vous avez louéesdansvosécrits etdansvos paroles de touteslesfacultésde votre esprit, ses opinions nesont plus lesvôtres) aussijelis cesparoles dans
le
compte
que vous rendez del’ouvragedu
répré- sentantGamon.
€c Cestrois
ou
quatre lignesexpliquentmieux
ce33 terrible
phénomène
historique etpolitique, que
» les prétendues histoires écritespar des
hommes
:» qui vivoient à cent cinquante lieuesde la Con-
»> vention, quise croyoientdans la solitudeparce
33 qu’ils étoientsurles bords des lacs, et en pré-
» sence des Alpes, et qui peuploient ces lieux
» augustesfaitspourlasolitude,laliberté etlana-
»
ture, desfollesopinions,etdesillusionsorgueil- leuseo des vieillesmonai
ehiesVoici ce quejedis dansl’Introductionde l’His- toire de l’Assemblée Constituante deFrance queje viens depublier, (pag. 4*
)“M.
Turgotvouloitpar desmoyens
facilesetdoux
,détruirelesgabelles,
a> lescorvéeset les droitsféodaux.Lestemples dela
3> Justice retentirentde discourscaptieux,d’après
lesquels ilfut arrêté quel’étatne pouvoitsubsis-
» ter sanslescorvées, lesdroitsféodeaux etlesga-
»
bellesj etquesansces institutions,lamonarchie» crouleroit par ses fondemens.
La
perte de ce>3 ministre vertueux fut résolue. Ilfut écarté par
33 les intrigues d’un banquier de
Genève
, égalé-es
ment
étrangerànosmœurs
, à nos coutumes et» à nosloix
$ promulgateur infatigable de phrases
( 5 )
» laborieuses remplies de l’orgueil domestique le
35 pins rebutant, etc.
»
Lisez la suite, et vous y verrez ce quechacun
sait, que ce ministre à tout perdu par sa vanité, et par ses emprunts désor- donnés.
Vous
voyez que sur cetécrivain ministre ,nous
pensonsdelamême
manière dansle tems présent,
si nous avons été divisés d’opinion dans le tems
passé.J’enaitoujoursparlé dansles
mêmes
termes; votreami
Condorcet vous àdit lesmêmes
choses mille fois, et ce n’est qu’à cette heure que vouscomprenez
qu’il avoit raison. Les lignes que vous avezécrites à sa louange, ne signifientdonc
rien aujourd’hui;maiselles subsistentcomme
la remar- que deM.
Dacier.Jairelu trois foislaphrasequejevaistranscrire
;
j’en croyois àpeine
mes yeux,
et je suis encore à revenir demon
étonnement. «Ce
n’est quedepuis3> cent ans à-peu-près
, que les traits auxquels
on
35 peutinfailliblementreconnoîtrelavérité, ontété
»
dessinés : que son signalement aétédonné
parla» philosophie à l’esprithumain. »
Voilà
d un
traitdeplume
legenre-humain plongé-
dans
d
épaisses ténèbres depuis le jour de sa créa- tion ;et vous fixezprécisément l’époqueou
leflam- beau dela vérité àcommencé
àluirepourles mal- heureuxmortels. Cette assertionestsiextraordinaire et sineuve
, qu’il doit vous paroître tout naturel
( 6 )
qu’on vousprie deluidonner
un
plusgrand déve- loppement, Cesparolessipositivesetsisimples,ne
suffisentpas
comme
cellesdu
maître$ votre école n’estpasassez généralemeiltreconnue encore, etilfaut des preuves àdes esprits superbesetprévenus.
D’un mot
vous changez enmensonge
et en folie cette sagesse si vantée des antiques Clialdéens ; lasuperbe Babilone, la magnifique Palmire n’ont été peuplées que d’insensés, de lâches esclavesqui n’ont jamais eu la moindre idée de la dignité del’homme
etde ses droits.Ces temshéroïques delà Grèce célébrésparHo-
mère
etdanslesquelslerapprochementdeshommes
étoit si touchant 3
ou on
voyoitlafille d’Alcinous avecsescompagnes
réglerelle-mêmetouslesdétailsdomestiques de son palais$
ou
les rois toujours confondus avecleurs sujets en étoient les pasteurs et les pères;ou
tous les étrangers étoient admis à leurs tablesfrugales, et faisoientavec euxdesliba- tionsaux
immortels : cestems d’innocence etd’é- galité, j'auroiscru qu’ils eussent été arrachés par vous à cette proscription générale, à cette dégra- dation universelle dé tous les êtresvivans. Je suis surprisque vousayezoubliéce quidoitvouscauser
une
joiesi pure, que dans ces temsThersite inju*rioit tout à son aise et en pleineliberté , le sage UIisse etlefilsd’Atrée, leroi desrois,lepuissant
Agamémnon.
V
ous n’avez égard niaux
sages loix de Sparte,
( 7 )
niaux vertus deces habitans. Par tous, nousap- prenons qu’il n’y a eu qu’erreur et aveuglement dans l’urbanité d’Athènes , dans la sagesse de Socrate,etdansl’éloquente politiquede l’orateur de ses
beaux
jours.Avant
ce tems, les vainqueurs de Salamine et deMarathon
, ces destructeurs de toute la puissance Asiatique n’avoient combattu qu'avecleurschaînes,jamaisle glaivedela liberté n’avoit brillé dans leurs mains. Ces personnages illustres, les trois censLacémodiens
desThermo-
piles sont
mort
dégradés:Les
traitsdela véritén
fétoientpas
encore dessinés, son signalement navoitpas
étédonnépar
laphilosophieà V
esprithumain
.Y
ous n’êtespasdu nombre de
ces gens delettresquineconnoissent d’Aristote
que
sonnom,
quinel’ont
même
pas ludans les versions latines, st qui depuislatraductionnouvelle poussent des crisd’é-tonnement
etd’admiration. Ilssontstupéfaitsqu’en contradiction desmodernes
pensées des philoso- phesdu
dix-huitièmesiècle,
on
aitpu
prévoirdansun
âge sireculé, les agitations et les fureurs d’un peuple qu’enhainedesroisou
investit de la toute puissance,et qu’onarme
d’un poignard dontil se déchirebientôtlui-même.Ce
puissant génieauroitpu
laisserquelques doutesdansl’espritd’unhomme
tel que vous, sisaqualitéde précepteur d’Alexan- drene vous eutpasrévolté, etvouseut permis d’en faire
une
étude plus profonde.Vous
y auriezvulesA
( 8 )
combinaisonsdiverses
du
Contratsocial pesées àîa balance de l’expérience , et d’une connoissance approfondie des affaires et deshommes
,commis-
sance sans laquelleon
erre confusémentau
grédeses vagues pensées, engendrées parles
événement du
jour, et parla foliedu moment.
Laissons cevilesclave, dontl’existencen’apasété placéedans
un moment
de régénération, et passonsaux Ro-
mains , qui ont vaincu lemonde
, et quilui ontdonné
des loix.En
n’allumantle flambeau,delavéritéqu’àl’épo*que que vousfixez, vous conviendrez peut-être qu’il en a éclaté quelques étincelles pendant la
duréedeceslongssiècles de puissanceetde gloire, qui ont fait , et qui font encore l’admiration de l’Univers. Je ne vois rien dans votre écritqui an-
nonce
enfaveurde ce peuple la plus légèreexcep- tion : ainsi jene vous parlerai point dela retraite surleMont
sacré5de cepacteentrelepetitnombre
qui abuse, et la multitude quidétruit5 de ces tri-buns qui ne doivent pas agir, mais qui peuvent
empêcher
; de ce Scipion, de cet Opimins
, qui
délivrèrent leur pays des Gracques
, quiprenoient
le génie de ladestruction pour celuidela liberté;
de ces belles annéesqui laissèrent respirerlegenre
humain
sous les loix tutélaires de Trajan, de ces joursde vraieliberté, pendantlesquelsTaciteécri- voitl’histoiredecestyransaussi absurdes, etaussi féroces que ceux que nos divisions ont fait naître
( 9 )
<au milieu de nous. Laissons tous ces
évènemens
,
et
abandonnons
tousceshommes
àl’esclavage età l’aveuglement auxquels vousles condamnez.Vous
devezêtreconvaincu, citoyen, qu’envous écrivantjen’ai d’autre but que de m’instruire, et
d’apprendre positivement de vous, sansvaines pa- roles et sans confusion , quels sont les écrivains célèbres,lesphilosophesillustres
,qui, depuis cent ans
ou
environ,ontalluméleflambeaudela vérité^Je compte assez survotrepolitesse
, pour êtreper-
suadé que vous voudrezbien
me marquer
lesécrits, lespassagesmême
des philosophes, dessinant les traits, etdonnant
le signalementde
la vérité.Vous
m’apprendrez surquel autel vousavez brûlé tous les ouvrages remplis des folles opinions des siècles antérieurs; quels sont les livres qui vous ont conduit à tant de sacrifices et qui sont sans doutevrais sans contradiction, parmi lesperson- nes qui exercent leurs pensées. Ils ne renferment point de principes opposés. Ils onttracé les plans fixes et invariables; posé les bases sûres et indes- tructiblesdel’édifice social; et averti parvous, le
genre
humain
n’a plusqu’à obéir etàseprosterner.Votre réponse m’intéresssesans doute; mais vous voyez qu’elle intéresseen
même
temsl'universalité deshommes,
et que sansune
félonie politique, vousnepouvezni refuser dela faire,nilaretarder.Vous
ne voulez plus parlerdu
livre de Montes- quieu>il estaisé de le comprendre. Je sais bience( 10
)
que vouspensiez de cetécrivainavantla convoca- tion desEtats-généraux,àl’époque
où
vousledéfen- dîtesdans leJournal dePariscontre Voltaire, qui Voustraitaà cesujetdebel espritdelà postedu
soir.Jamais,aprèsrétablissement de notre république
,
votreespritetvotreconsciencene vouspermettront delouer
un
êtrepusillanime,qui à tracé enhomme
de génie l’étonnant tableau de la constitution d’Angleterre, et qui a dit qu’on
y
voit la libertécomme
dansun
miroir. Les admirateursles plus modérésdes monarchieslesplus tempérées, n’ont jamais approchédu
flambeau de la vérité qu’avec des éteignoirs5 qu’on admire ailleurs le génie deMontesquieu
5 notreterre, que vous allezéclairer,
ne
verra plusenluiqu’un vilesclave,dontun
con- noisseur en 'vérité auroitdû
briser laplume
, et étoufferla voix.Vous
nevoulezévidemment
parlerque des phi- losophes,qui ont succédéaux
grands écrivainsdu
siècle deLouis
XIV, aux
écrivainsde Port-Royal,aux
Corneillles, auxFénélons,aux
Bossuets, etc.qui n’ont jamais
eu
dansla têtele pluspetit grain de philosophie, ni la plus légère connoissance de la vérité.Je voisdonc
s’avancer vers leflambeau delavéritéquivouséclaire,V
oltaire,Jean-JacquesRousseau, Diderot, d’Àlembert, Condorcet, Hel- vétius, le baron Dolbac , etc. agitant la
flamme
sacrée, etallumant de concert l’immortelflambeau qui, depuis cent ans seulement, éclaire le genre humain.
( 1* )
Cependant Rousseaucombattoit Helvétius,dont
lamoralelui paroissôitattristante, etpropre àdes- sécher le
cœur
humain. Voltaire semoquoit
de Rousseau , qui assurément le lui rendoit bien.Diderot s’égayoit
aux
dépens de Rousseau et de Voltaire, qui avoient refusé de recevoir le brevet d’Àthée que cephilosophe avoitsi généreusementoffertde leurexpédier. Chezle baron Dolbac ,
on
neparloit jamaisquecontreDieu
etcontrelesrois;on y
convenoitqu’une vingtaine de bêtes férocess’étoientpartagéesle
monde
politique,qui,
comme
le
monde
naturel, feroitbeaucoup mieux
de se gouverner par lui-même, ce qui est lachosedu monde
lamoins sujetteà des inconvéniens.Je pourrois vous tracer
une
peinture très-éten- due y et très*vraie des systèmes discordans, et ab- solument contradictoires de toute la philosophie qui remplit l'époque quiestdevenueexclusivement l’objetdevotreadmiration: maisjedoisme
borner dansune
lettre écrite àun homme
que je serois fâché d’ennuyer. Seulementje livrecequejeviens de direàvos sagesméditations.Dans
les ouvrages de tous les auteurs que je cite, je ne voisaucun
système politique,aucune
vue générale d*administration, dont Fessaipuissemême
êtrefait surlesréunionsd’hommes
quicom-
posent les divers Etats, qui partagent le
monde
civilisé.
On
trouve dans leurs écritsune
grande haine des institutions existantes , et sur-tout des( 12 )
personnes élevées en autorité. Je les vois tous d’accord pour détruire; mais dès qu’il s’agit de rebâtir,
comme
les architectes de la tour de Babel , ils ne s’entendent plus, et chacun se retire à l’écart avec son largage et ses concep- tions.Y
oyezparmicesphilosophes,etleursplusardens’
disciples
, qui ont tenu autre chose que la plume,
etauxquels nos destinées ont été livrées dans ces périlleux
momens
qui laisserontun
si long s6u- venir.Voyez
leurs opiniâtres disputes, et trouvez,si vous le pouvez , dans leurs paroles rien de
stable , rien de concordant, rien d’une utilité positive, applicable
aux
affaires etaux
nécessi- tés des gouvernemens.Vous
ne vouliez tous qu’unechambre
; et les extrêmes malheurs d’un peuple si long-tems assassiné, ontpu
seuls nousamener
à cette bienfaisante institution qui sera éternelleau
milieu de nous, et qui nous sauvera delaragedelamultitude qui sedéchire elle-même, etdu
pouvoir arbitraire qui sèche et flétrit tous les lieuxoù
il répand son souffle empoisonné.A
tous les avertissement de l’expérience et delasagesse, surlessociétéspopulaires, surla liberté si
imprudemment
, si précipitamment accordéeaux
noirs , vous ne répondiez qu’avec le souriredu
mépris; tous vous jasiez.Aussiconfusément Quefaisoientles Troyensquand la pauvre Cassandre
Ouvroitlabouche seulement. .
C 13 )
Apprenez
-moi
donc dans quels écrits, dans quels discours se trouve cette vérité, dont vous parlez avec trop d’assurance, pour ne pas con- noître parfaitement le lieu phisique dans lequel
on
peut la rencontrer.Ce
qu’on conçoit lemieux
dans tout ce que vous écrivez , c’est que vous placez la vérité dans la destruction des prêtres,
et dans celle des rois : mais ce n’est pas à
un homme
aussi instruit que vous qu’ilfaut appren- dre que , sans compter diverses contrées de laGrèce,
Rome
avoit pourles roisun
méprisaussi prononcé que celui dont nous nous glorifions aujourd’hui) cependant le patriciat que vous n’aimez pas plus que la royauté, vous faitmé-
priser ce peuple que le flambeau de la vérité n’a jamais éclairé. Je ne sais , mais
comme
sûrement vous ne songiez pas à cinq Directeurs entourés d’un grand éclat,quand on
fit accepter en 1793l’acte constitutionel5 j’ai peine à croire queleur costumeetleurssoldatssoientde votre goût
, puis- quel’autrejourvous vouspâmiezpresque deplaisir
enracontant, dans
un
Journal, qu’un municipal n’avoit point d’écharpe dansl’assemblée primaire
d’un canton.
Vous
conviendrez qu’ily
aune
très-grande différence entre Fontenelle et vous au sujet dela vérité. 11 disoit qu’il ne savoit
ou
la trouver, mais que s’ill’avoit dans sa main, il 11e la laisse- roit pas échapper parmi leshommes
indignes de(
M
)la recevoir.
Vous
nous criez que vous savezou
bruîe son flambeau, vous déployez vos deuxbras, nous accourons et nous ne voyons rien.
Cependant n’allez pas croire que je blâme les écrits de tous les philosophes, et que je les voue à
une
générale proscription. Voltaire a écrit tropimprudemment
peut êtrecontre la religion de son pays5 mais ses belles pages sur la tolérance ne périront point. Il ouvre tous les temples àtous leshommes
quiy
brûleront de l’encens à leurma-
nière au
même
dieu. Il n’a cessé d’écrire contre la corvée, la gabelle et la féodalité. Il a désiré,non
la destruction desmonarques
qui doivent être les pèrescommuns
, mais celle des abus quidegradoient les vieilles monarchies, dont avec raison vous supposez l’amour à
M. Necker
, votre ancien ami.On
a étrangement abusé de ce que Rousseau a écritsur la politique, et il seroittrop long de dé- velopper cette vérité : mais ses livrespurscomme
son
ame
, serontreçus et bénis de toutes les géné- rations. Quel autremieux
que lui a remplivotrecœur
des brûlantes délices de l’amour qui crée,
et des délices peut-être plus pénétrantes encore de l’amour qui conserve. Lespères et les
amans
,
les mères et les amantes, formeront
un
concert de louanges quise prolongera danstousles siècles à venir.1 )
Je trouve donc que les philosophes qui s’exer- cent sur la politique et la morale méritent bien de l’humanité, et peuvent être d’un grand se- cours à ceux que la fortune
condamne
à gouver- ner leshommes. Vous
allezme
dire que je suis en contradiction avecmoi-même;
écoutez.Dans un gouvernement
établi, et reconnu sans contra- diction, l’application desmaximes
sages de laphilosophie se fait sans danger
, parce qu’elle se fait par la toute puissance des loix , sans
empêchement
et sans résistance : mais lorsque chezune
grande nation corrompue,on
jetteau
milieu d’elle les principes théoriques de l’éga- lité; que ceux dont les mains inhabiles tiennent par hazard les rênesdu gouvernement
, veulent mettre en pratique lesmaximes
des philosophes qu’ils necomprennent
pas , et qu’ils expliquent tout de travers. Alorsmalheur
à ce peuple infor- tuné. Il croira à l’égalité phisique des biens, et la misère et la famine le dévoreront. Les insensés qui s’agiteront pour le gouverner, seront eux- liiêmes les tristes victimes de leurs vanités et deleurs erreurs.
La
discorde s’établira au milieu d’eux. Ils deviendront le scandaledu monde
et le fléau de leur pays.Chaque
jour verra détruire l’ouvragedu
jour qui l’a précédé. Ils se croiront de grandshommes,
parce qu’ils auront retenu quelques phrases contreDieu
et contre les rois.La
Yoix de quelques tyrans féroces sera seule( 16 )
écoutée, la hache des bourreaux ne se reposera plus, et
Marat
sera placé au Panthéon,Grâce au génie tutélaire de notre patrie
, nous
avons échappé audespotisme naturellement appelé par ces sublimes combinaisons.
Nous sommes
ré-gis par
une
constitution libre. Soyons fidelles à ses loix, et attendonsdu
tems et des formes cons- titutionnelles les remèdes que l’expérience pourra indiquer.Cherchons maintenant dansleslivresdes philosophes, lesmaximes
d’humanité etde politi-que, qui pourront se concilier avec nos loix.
Laissons les théories et les vains systèmes.
Que
notreconstitution soitsûre sur ses bases,
comme
Marc-Aurèle l’étoit sur le trône
, que méritoit ses vertus, et qu’elle fasse
aux
Français le bien que cetempereurlitaux Romains.Vous
devezme
comprendre maintenant : je né vois de remèdes utilement appliqués que ceux quile sont par le gouvernement établi.
Autrement
ceux qui n’ont que la puissance de l’opiniondu
moment
courent risque de perdre leur pays, et se perdent àcoup
sûr eux-mêmes.En
effet, relisez, si vous en avez le courage, tout ce qui aété écrit sur la politique pendant nos sept années d’agita- tions$ et vous ne trouverez qu’unamas
indigeste de contradictions, de vains raisonnemens, de phrases dictées par la force des circonstances, et par l’évènementdu
jour.Vous même,
voudriez( *7 )
Oublie!* ce que vous avez écrit dans le teins
ou
vousfaisiez l’éloge journalierde l’Assemblee Cons- tituante, qui alors bâtissoitune
monarchie, dontla principale base étoit 1hérédité
d un
trône etsoninviolabilité.
Lesrévolutions netiennent qu’à Pimpérîcie des gouvernans, et
aux
abus devenus insupportables qui oppriment les gouvernés5 et soyez bien con- vaincu que lemouvement
en France n’auroitpaseu
cette violence, qui apermis detout oser$ sans les usurpations des parlernens, la corvée, les ga- belles, et les droits féodaux qui dégradoient la terre et les mains utiles qui la cultivoient.
A
l’é-poque
de la convocation des Etats-généraux,on ne
vouloit que la réforme des abus, et ceux qui disent avoirsongé alors àlaRépublique, mentent à leur conscience et à leurs concitoyens. Leursécrits peuvent se retrouver, et leurs paroles ne sont point effacées
du
souvenir de ceux qui les ont entendus. N’allez pas conclure de ceque
je dis ici que
mon
pays et songouvernement
ne sont pas chers àmon
cœur. N’allez pas vous faire citoyenRomain,
etdu
milieu de la place deRome me
reléguer dans laCappadoce ou
dans lePont.
Ah
! nul ne prendun
intérêt plus grandaux
triomphes dema
patrie et à sa prospérité.Nul
ne fait desvœux
plus sincèrespour
sa puis- sance et pour la destruction de ses ennemis.Vous
neme
donnerez pas sans doute de ces épithètes( i8 )
uséesqu'onprodigue
aux
gens d’une opinion dif- férente, lorsqu’on n’a pas de raisons valables à leur présenter.Vous
laisserez ce soin à je nesaisquel auteur d’un article de la
Décade
Philosoplii.que, qui a en prose, le génie de
M.
Desmasures en vers; qui, sanssenommer,
insulteun homme
qui lai est inconnu, dont l’ame est plus élevée que la sienne
, et lui prête sa propre bassesse et sa lâcheté (1).
Voici vosparoles : <cLorsque le citoyen
Gamon
»
ditquela minorité féroce de laConventionprit» le
masque
dela liberté, il peut faire entendre
3* que ces
hommes
affreux combattoient,comme
»
il fut dit dans le tems, sous cemasque pour
35 ^aristocratie et les rois.
Ce
qu’ily a de subtil
^ dans cette fiction dérobe
mal
ce qu’ily
a d’ab-surde. a*
Il n’y a dans ce que dit le citoyen
Gamon
à ce sujet, ni subtilité, ni absurdité, ni mensonge.Quoi
! vouscroyez, par exemple, queMarat
étoitrépublicain! il haïssoit les personnes qui avoient
composé
l’ancienne monarchie, et il vouloit les détruire , voilà tout. Il n’aimoit pas davantageles
hommes nouveaux
qui vouloient asservir le tione, prendre autour de lui le rang des antiques
(1)Voyez la Decade du 20 Germinal
, l’article ou l’on rend compte d’un ouvrage
, ayant pour titre
,
De
la Situa- tion intérieurde laRépublique, par Charles Théremin.
C *9 )
. ,
Monmorency
, et disposer de sa puissance et deses- trésors. Il disoit qu’il n’avoit pas cesse
d
obéir àune
famille assise depuis dixsiècles surle troue de ses aïeux, pour être l’esclave de quelques fa- quinsvenus desbords de la Gironde. Ilconvenoit avec ses amis quela confusiond’alors ne pouvoit
cesser que par la dictature et le suprêmepouvoir.
Oui
doute aujourd’hui des projets de Robes- pierre, qui, en frappant demort
sans discerne-ment
et sans choix les françaisdetoutes les clas-ses, jettoit
une
épouvanteuniverselle, et semon-
trait
comme
l’asyle suprême et l’unique protec-teur. Iln’a
manqué
que de courage;et Saint- ust,
un
deskommes
les plus étonnans de cette épo- quecélèbre,aregretté,en mourant,d’avoirdévoué sa jeunesseetson audaceàun homme
pusillanime,
quin’avoitpasosé frapperledernier coup.
A
proposde Robespierre
on m’a
appris que vous prépariezun
ouvrage surlui et sur Mirabeau.Ce
rapproche-ment
est assez extraordinaire :on
nem’a
pasdit ceque vous faisiez de Robespierre, maison m
a assuré que vous faisiez deMirabeau un
républi-cain.
On ne
s’y seroit pas attendu, ainsi votre ouvrage ne peutmanquer
d’être piquant et cu-rieux, je l’attends avec impatience, et jele lirai avec fruit.
Nous
avons par miracle échappéaux
dangers de la tyrannie; tenonsnous pour
avertis , etne
courentV J les
mêmes
hazards, qui,peut être, Sauraient pas
une
si heureuse fin.Ne
crions plusaux hom- mes
turbulens etaux
factieux de tousles pays : y a
beaucoup
de chancesinconnues dans les
estmees, et celles
de l’Europe sont loin d’être
»
accomplies.La
liberté est deboutau
milieu de«
a France, et laFrance est debout au milieude
* 1Euro P
e (0- 53 Souvenons-nous qu’il faut être posécomme
l’étoit Trajan, etcomme
l’estnotre constitution,pourse flatterdetravailleravec cer-
tnu e a la tranquillité
commune
et au bonheurjque
lesthéories incertaineslivrentles peuplesaux
troubles, à la famine
, à la destruction
, et ordi- nairement rivent leurs
fers au lieu de les briser.
Craignonsl’épithète
de jacobins d’Europe, si
on
ue nousdonne
plus celle de jacobins de Paris.Respectons les souverains légitines aveclesquels nous unissons notre puissance et que nous re- connoissons clans nos traités.
Le
plaisirde m’entretenir avecvousm’entraîne•ma
lettre déjà trop longuepourrait vous fatiguer*etje
me
hâte de vousréitérer laprière queje vousai faiteen
commençant.
Dites-moi,sans obscurité et sans détour;
où
est la vérité dontles traits
n
ont été dessinésque
depuis cent ans, etdont e signalementa
étédonné par
la philosophieà
(i). Clefdu Cabinet,n°. du ier.Pluviôse.
?
( 21
)
V
esprithumain
. Si vous rne citezun
écrivan an- glais, ( ce que jenepeux
croire, ca: il s’attachoitaux
rois et recevoit des charges dansleur cour;*)un
ex-bénédictin , demes
amis, qui a toute l’é-rudition que son ancienne profession
annonce,
m’a promis de vous prouver que tout ce; qu’il a écritsetrouvenon
pastotidemverhis, maistotidem sensu, dansAristote, et dans quelquesautres phi- losophes de l’antiquité.Les personnes qui aiment le
mieux
vos écrits et votre politique, désireroient avoirune
con- noissance plus certainedu
véritable système que vous avez conçu.Nous
savons bien en Francecomment
vous pensez, c’est, sans nul doute ,comme
la constitution.Vous
avez toujours été de 1’avisdu
dernier décret, et c’est assurémentfort sage et fort prudent
quand on
a habité notresol. Cela nous satisfait pour votre politique in- térieure; mais comjne d’après la phrase que j’ai,
citée les destinées de l’Europe vous occupent ; nous serions charmés de connoître vos désirs et vos
moyens
de les accomplir.Cependant
il seroitprudent de ne vous mêler de ses grandes affai- res qu’à Paris dans des brochures et dans '*•es journaux.
Le
roi de Prusse pourroit se -^c^ier si vous prêchiez votre doctrine dans *a0S etats*S’ilvousarrivoit
un
accident, legrosÆS
Français, quoique républicain, en seroit ir>-diocrement ar-mo-
*
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)
narque et les nôtres sont les
mêmes
, et que nous ayonsbesoin quedu
haut de son trône, ilcom- mande aux nombreux
soldats qui défendent noscommuns
intérêts.Je suisf etc. etc.