EXERCICE 2
Odyssée de l’espace domestique, en période de confinement
MERCIER Eva ENSA Nantes 22/04/2020
UE 23 - Sociologie
L’expérience du confinement
Mon logement ne s’est pas transformé, quoiqu’un bureau, un ordinateur et une chaise à roulettes se sont installés dans le grenier. Néanmoins, je crois pouvoir maintenant l’envisager autrement.
Les jours de grisaille, j’ai bien remarqué que tout le monde à table guette le rayon de soleil qui va enfin venir percer les nuages. Parce que c’est lui qu’on attend, le beau temps qui illumine nos espaces intérieurs, qui les rend beaux et confortables, et qui nous laisse un court instant respirer l’air frais sur la terrasse. La lumière, c’est finalement ce qui rend supportable l’enfermement. Alors on vient la chercher là où on peut la trouver. Ma soeur a ainsi pris l’habitude de me rejoindre dans ma chambre, plus petite pourtant que la sienne, mais où les rayons viennent lui réchauffer les pieds au bout du lit. Je l’accueille, après tout avoir quelqu’un à qui parler sans songer à la connexion peut être précieux en ce moment. Et dès lors qu’on n’entend plus la télé, on descend et on s’installe à la table de la cuisine pour travailler, parce qu’ici la baie vitrée ne nous réchauffe plus seulement les pieds. On s’imagine même qu’on peut bronzer. Quant à ma mère, elle n’échangerait pour rien au monde « sa place », le fameux bout de méridienne qui capte bien le soleil du début d’après-midi. Tellement bien qu’on ne voit plus l’écran de la télé. Même mon père, qui a toujours adoré son garage malgré l’obscurité et le froid qui y règnent, songe en ce moment à se construire un atelier indépendant de la maison, spacieux et lumineux. Le confinement et la chasse au soleil qui l’a accompagné m’ont donc ouvert les yeux sur le poids que la luminosité peut avoir sur les appropriations des espaces d’un logement.
J’ai aussi pu voir mon logement sous un autre jour, plus seulement comme le lieu où je me réveille, déjeune, travaille et me couche. Il est pendant cette période l’unique espace de vie de quatre individus qui essaient d’y recréer un quotidien un tant soit peu « normal ». Tous les matins, 8h30, le salon s’offre un nouveau visage et se transforme en salle de sport. Voilà une facette du salon que je n’avais jamais connue. En temps normal, l’exercice à la maison se fait rare et se pratique plutôt individuellement. De la même façon, je n’entends jamais mon père dire qu’ « il va au bureau » lorsqu’il va en réalité au grenier.
Quant aux tables du salon et de la terrasse, elles ont pris l’habitude de prendre l’allure de plateaux de jeux. Tandis que notre logement fait l’expérience d’appropriations nouvelles, nous tentons jour après jour de découvrir tout ce qu’il a à nous offrir.
Grenier. Devenu l’espace de télétravail du père, ce grenier s’est offert une nouvelle vie. L'espace de stockage délaissé est désormais un bureau occupé toute la journée.
Garage. C’est un espace de la maison froid et peu lumineux qui reste pourtant largement investi par le père. Ce dernier y passe une grande partie de son temps libre.
Terrasse sud. Ces fauteuils sont très appréciés en cette période de confinement. Lorsque le soleil se montre, les membres du ménage s’y installent facilement pour s’y reposer, y lire, bronzer, boire le café, discuter…
Chambre nord. C’est l’espace personnel de la plus jeune des filles mais la fille aînée l’y rejoint très souvent pour profiter de la chaleur et de l’ensoleillement de la pièce.
Relevé habité du rez-de-chaussée
Relevé habité de l’étage
Les usages et les appropriations
En cette période de confinement, le travail à la maison et la vie en famille se font quotidiens. Par conséquent, l’organisation de certains espaces et la répartition des usages au sein du logement s’en sont parfois trouvés changés.
Afin d’assurer la nécessaire continuité de son activité professionnelle, le père de la famille rejoint tous les matins son
« bureau temporaire » aménagé dans le grenier. Ce qui demeurait depuis presque 20 ans un espace de stockage très peu fréquenté, est désormais un espace de télétravail occupé quotidiennement de 8h à 18h. Quant aux deux filles, elles poursuivent leurs études et passent une grande partie de leur temps à travailler dans leurs chambres respectives, quoique la monotonie des journées qui passent les poussent à investir d’autres espaces de la maison comme la cuisine et la terrasse, qui s’avèrent tout de même moins propice au travail et plus sujet à la perturbation. En ce qui concerne le quotidien de la mère de famille, cette dernière n’a pas de travail à effectuer à distance et s’adonne à des activités diverses et variées allant de la cuisine, au tricot en passant par le jardinage, la lecture, et bien d’autres encore. Finalement, bien que les membre du ménage soient aux côtés des uns et des autres en permanence, chacun conserve tout de même son propre quotidien.
En revanche, le confinement et le faible lien social avec l’extérieur qu’il engendre, ont mis l’accent sur le besoin des membres de la famille d’entretenir l’échange, la communication, la discussion. Le partage des repas reste la règle et la cuisine, le salon et la terrasse restent des lieux privilégiés d’échange et de vie en collectivité. La chambre de la plus jeune des filles est d’ailleurs devenue un lieu où se retrouvent volontiers les deux soeurs, et d’ailleurs l’exposition plein sud de la chambre pourrait l’expliquer en partie car cette période de confinement s’apparente certains jours à une véritable chasse au soleil.
Bien sûr, le besoin évident d’espaces intimes ou personnels en cette période particulière n’est pas à omettre.
Néanmoins, ces espaces n’ont pas subi de changements importants dans leur manière d’être occupés et investis. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le logement étant très ouvert et les espaces communiquant beaucoup entre eux, les membres de la famille ont l’habitude de vivre ensemble, les deux filles l’habitude d’accorder naturellement de l’importance à leurs chambres.
Terrasse sud. Lorsque le temps est bon, la terrasse est un espace très occupé. Les membres du ménage apprécient de pouvoir être dehors, ils ont alors tendance à s’y installer pour manger, travailler, jouer, bronzer, échanger.
La cuisine. Elle reste l’un des lieux de vie principaux du logement où est partagée la majorité des repas, au cours desquels les membres du ménage mettent en pause leurs activités individuelles (travail) pour se retrouver. Parfois, elle devient un espace de
travail.
Le salon. Comme la cuisine, il est un lieu dans lequel les membres du ménage se retrouvent pour échanger, se reposer, regarder des programmes télé. En cette période de confinement, il est surtout investi par la mère de famille durant la journée, mais le soir il est devient régulièrement un lieu de réunion.
Bureau de la chambre sud. C’est le poste de travail le plus fréquent de la plus jeune des filles. Y est disposé tout le matériel qui lui est nécessaire (ordinateur, papier, carnets, crayons, feutres…).
Thème 01. Les espaces de travail
Comment travaille-t-on au sein d’un logement occupé en permanence ?
Le changement le plus significatif concernant les espaces de travail depuis le début du confinement est l’aménagement d’un espace de télétravail destiné au père dans le grenier. Bien que la luminosité ne soit pas optimale au sein de cette pièce, l’isolation de cet espace par rapport au reste du logement en a fait le lieu idéal pour installer un bureau investi quotidiennement de 8h à 18h. Pour ce qui est des deux filles qui continuent d’étudier dans leur domaine respectif, elles travaillent essentiellement dans leur chambre, la plus jeune à son bureau, la plus âgée plutôt sur son lit. Auparavant, la cuisine était d’avantage investie comme lieu de travail mais maintenant que les quatre membres de la famille sont tout le temps dans la maison, elle est désormais plus sujette aux perturbations. Néanmoins, avec le temps les deux filles aspirent tout de même à changer d’environnement de travail dès qu’il leur est possible de le faire. Ainsi, lorsque des membres du ménage sortent de la maison, la cuisine est souvent investie, tout comme lorsqu’il fait beau, la terrasse est appréciée pour pouvoir s’aérer tout en travaillant. Quant à la mère, son métier ne lui génère pas de travail pendant cette période de confinement.
Espaces de travail régulier des filles
Espaces de travail du père Espaces de travail occasionnel des filles
Grenier réaménagé pour servir de bureau au père
L’aînée y travaille beaucoup et le plus souvent installée sur le lit avec son ordinateur.
La plus jeune des filles s’installe le plus souvent à son bureau où est disposé tout le matériel qui lui est nécessaire pour travailler.
Les filles viennent y travailler lorsqu’il n’y a pas trop d’agitation dans la maison. La cuisine dispose en effet d’une grande table et la baie vitrée permet de profiter pleinement de la lumière et de la chaleur de l’extérieur lorsqu’il fait beau.
Par beau temps, les filles apprécient de pouvoir s’aérer tout en travaillant
RDC
Etage
Thème 02. Les espaces de regroupement et d’activités collectives durant la journée
Comment vit-on ensemble lorsque l’on se trouve ensemble en permanence ?
Avec le confinement, les espaces de regroupement et de vie collective n’ont pas subi d’importants changements, si ce n’est qu’ils sont d’avantage occupés, faisant apparaître parfois de nouveaux usages. Ainsi, le salon, qui se limitait auparavant à un lieu de détente, de sieste, de télévision et parfois de jeux et d’échange, est désormais transformé en salle de sport tous les matins pendant une heure. L’espace entre le canapé et la cheminée est libéré afin de permettre aux membres du ménage de faire de l’exercice devant la télévision. D’autre part, le temps étant plutôt beau en cette période, les fauteuils disposés sur la terrasse sont d’avantage utilisés, les parents ont par exemple pris l’habitude de s’y installer après le déjeuner pour boire le café, et parfois en compagnie des deux filles. C’est un espace propice à l’échange mais aussi au bronzage, à la lecture, au dessin…En ce qui concerne les repas, ils prennent place quasiment systématiquement dans la cuisine, mais le temps le permettant souvent, le terrasse est également régulièrement utilisée au moment du déjeuner. Etant toujours partagés par les quatre membres du ménage, ces espaces de repas sont également de véritables lieux d’échange et de discussion et sont régulièrement investis en dehors des heures de repas pour jouer ou diverses autres activités notamment manuelles.
D’autre part, des lieux de regroupement secondaires ont émergé à l’étage. Dans leurs chambres, les deux filles se rejoignent plus régulièrement qu’avant. Les mesures de confinement limitant bien sûr leur vie sociale, les filles ressentent certainement naturellement le besoin de continuer d’échanger entre elles. Ainsi, très souvent l’aînée rejoint sa soeur dans la chambre au sud. En effet, il s’agit aussi pour elle de ne pas rester enfermée dans un espace sombre et froid. En cette période de confinement, le ménage cherche plus que tout les espaces ensoleillés afin de limiter la sensation d’enfermement. En soirée, la plus jeune rejoint régulièrement sa soeur dans la chambre nord afin de regarder des films et des séries. Bien sûr, il arrive que les quatre membres du ménage regardent le même programme télévisé dans le salon.
Lieu de déjeuner et de jeux par beau temps
Fauteuils dans lesquels les membres du ménage s’installent souvent après le déjeuner, bronzent, discutent, boivent le café, lisent…
Lieu de repas quasi systématique mais aussi espace d’échange et de discussion
De temps à en temps, les membres du ménage y cuisinent ensemble
Lieu de détente, de sieste et de télévision
Espace qui se transforme en salle de sport tous les matins (disposition en violet)
Espace de regroupement de tous les membres de la famille
Espace de regroupement des deux filles
Disposition habituelle du salon Disposition du salon au moment des séances de sport du matin
En journée, l’aînée rejoint régulièrement sa soeur dans sa chambre qui est plus ensoleillée.
En soirée, la cadette rejoint de temps à autre sa soeur dans sa chambre pour y regarder des films et des séries.
Etage RDC
Thème 03. Les espaces personnels
Comment vit-on son intimité lorsque l’on vit ensemble en permanence ?
Les espaces personnels des filles n’ont pas changé, leur chambre restent leur espace de vie intime, de couchage, de repos, de travail et d’activités individuelles diverses comme la musique et la lecture. La chambre parentale, elle, reste toujours très peu investie malgré le confinement. Les parents du ménage ne ressentent pas le besoin de disposer d’un espace intime comme leurs filles. Néanmoins, le père travaille quotidiennement et dispose d’un espace de travail qui lui est réservé au grenier, et en dehors de ses heures de travail, il occupe toujours très régulièrement le garage qu’il est le seul à fréquenter. Quant à la mère, elle passe finalement l’essentiel de son temps dans les espaces ouverts à tous les membres de la famille comme le salon, la cuisine et la terrasse dans la mesure où ses activités de lecture, de couture, de tricot et de loisirs créatifs peuvent se faire dans ses pièces de la maison qui disposent d’une bonne luminosité et d’un espace adapté.
Espace personnel de la plus jeune des filles
Espace personnel du père Espace personnel de la fille aînée
Espace personnel des parents Espace de télé-travail
réservé au père
Espaces personnels des deux filles:
couchage, repos, travail mais aussi activités individuelles diverses.
Lieu de couchage réservé au parents quasiment jamais investi en journée
Espace de bricolage fréquenté uniquement par le père en dehors de ses heures de travail
RDC
Etage
