2
---INFORMATION--- Couverture : Classique
[Grand format (170x240)]
NB Pages : 120 pages
- Tranche : 2 + (nb pages x 0,07 mm) =
10.4
---
Poésies pour le siècle
Émilien Berthaud
10.4 603498
Émilien Berthaud
Poésies pour le siècle
Émilien Berthaud
2 3
Prélude
Ci-gisent mes poésies pour le siècle Mes préceptes pour un art sans sève
Un recueil que ma main tremblante achève Sur un écueil d’une des sept mers
Ci-gît mon cerveau dépourvu de ses nervures Et mon cœur embarqué vers d’autres aventures Et si ici les soleils cherchent un futur
Ils les trouveront dans les rainures de l’azur Ci-gisent mes poèmes pour ce siècle blême Pour ces villes épuisées, ornées de chrysanthèmes Pour ces noyés qui dans leur inconscience dorment Dans le tohu-bohu des grandes métropoles
Ci-gît ma poésie offerte à ton âme, ami(e) Toi qui t’enivre encore dans la magie des livres Et qui résiste toujours à la folie des chiffres La liberté ou l’amour, il n’y a pas à choisir
L’art ou fin de l’exaltation poétique
L’art je l’ai cherché dans les mâts des cathédrales Dans les pas de Gaspard – autre surnom du Diable Dans les verdoyants vergers des cheveux des fées Dans l’impossibilité d’aimer et d’être aimé Je l’ai traqué dans les musiques anciennes Christiques ou infidèles belles ou laides Dans les tourbillons feutrés des peintures Et dans les rayons abstraits de l’écriture Sur un écran, du papier ou sur les murs De vos cités signées de vos fêlures
Il ne vaut rien l’art au service des pouvoirs Enfanté par des artisans de l’illusoire
Mais l’art est mort il parait, après tant de saisons À l’ère où la création se fait taire par la raison À l’heure où l’on consomme pour se consumer Où plus rien ne semble devoir se poétiser
2 5
Sonnez
Sonnez sonnets, sonnez clavecins Sonnez les cloches des matins D’automne, absous de lendemain Sonnez les chœurs des longs chagrins Des angélus. Sonnez de vos mots, tribuns La foule que vous haranguez et qui hue Sonnez les cors chastes de la vertu
Pour vider vasques et crânes des présences du Malin Sonnez – enfin – sonnez les saints carillons
Et laissez les campagnes au chant du grillon Dévêtez vos femmes de leurs longs pagnes Sonnez les accords des traditionnelles chansons Faites danser les valses, sonnez le clairon Pour leur donner à tous goût à leur bagne
Poème anthropique
Lac gelé des plaines du nord
Manteau de foin aux moissons arborées Purée septentrionale au fond des amphores Sortie des vignes aux origines contrôlées Neiges éternelles des blancs sommets Source de roche serpentant les falaises Automne roux à la pointe des mélèzes
Qui deviennent la charpente soutenant les chalets Mer encerclée par les terres au goût salée
Déserts plastiques le long des routes d’Afrique Grands monolithes aux gueules de granite Qui servent à ériger les merveilles des mausolées Terrils des mines faisant figures de collines Colonies urbaines étouffant les vents maritimes Plateformes pétrolifères à la surface des mers Qui offrez l’or noir à la folie de nos frères Tout cela nous survivra même quand s’arrêtera De tourner notre monde
2 7
L’époque
L’époque est à la révolte dans les codes À l’hérésie dans la norme
L’époque est au conforme
Au libertaire des mots dans le formole L’époque est aux chocs culturels À la standardisation des ombrelles Uniformisant les vues aériennes
Des satellites qui gravitent dans nos ciels L’époque est aux amours mortes
Dans le souvenir rouge des places fortes À la misère à nos portes
Aux légions étrangères dans le silence des cohortes L’époque est au chaos déconnecté
À la rectilignisation des voies lactées À l’utilisation des données désinformées Pour influer au fleuron des idées
Cette époque ami n’est pas la nôtre
Mais celle des faux rois et de tous leurs apôtres L’époque est à la mode
Dans les défilés de squelettes Déguisés en guignols
Funambules de leurs vies obsolètes
Dans l’or incrusté à leurs corps presque morts L’époque est laide, brillante et borgne
Contemple cette époque qui t’es contemporaine Dont le socle vacille au rythme des règnes
De ceux qui pensent en détenir les rênes Et en imposer le sens et les règles
Cette époque ami n’est pas la nôtre
Mais celle des faux rois et de tous leurs apôtres
2 9
Le hasard est une arme
Le hasard est une arme qu’on joue à la roulette Et sur laquelle on spécule à l’ouverture de la Bourse On la manie sans égard et à l’aveuglette
En espérant ce cheval qui gagnera la course
Mais pour qu’il y ait un premier sur le haut du podium Il faudra un dernier qui se contentera des restes
Le hasard fait bien les choses pour celui qui tient la laisse Aux mille cous marchandés aux portes du Coliseum
Gelsomina
J’ai perdu la connexion
Me reviennent en noir et blanc Des images et des saisons Des musiques sans serment J’ai égaré ma raison
Comment te dire sincèrement Dans la prière d’un violon
Que je ne sais plus d’où vient le vent Gelsomina est funambule
Sur les fils disgracieux de ce monde Aux yeux duquel tout se calcule Jusqu’à la moindre petite seconde J’ai perdu les connexions
Dans le nœud voulu de ces câbles Et dans les ondes à foison
Qui enfument nos conforts jetables
2 11
A la faveur des migrateurs
Claquent les cloches des cathédrales Aux coups du cocher du vent astral Dans des aurores boréales
À l’horizon des ères pâles Progressent les déserts maculés Loin des pavés de vos cités Et loin des routes à sens unique Qui trahissent des yeux l’oblique Chantent les cors inventés
Aux gueules sans terre et indignées Et le bruissement des temps modernes S’éteint dans le vol sourd d’une sterne Hurlent les femmes libérées
Pleinement conscientes de leur beauté Là-bas de l’autre côté du quai
À l’abri des longues pluies salées Soupirent les arbres centenaires Au fond des forêts millénaires Et au bord des canaux sauvages Bientôt happés par le paysage De ma campagne bien-aimée Au goût fruité des soirs d’été A la faveur des migrateurs Au dessus des sols tapis de fleurs Meurs la voix de vos églises Dans cette foi qui s’éternise
Et tous ces vieux à l’âme grise Qui errent encore sous son emprise Chantent les cors inventés
Aux gueules sans terre et indignées Et le bruissement des temps modernes S’éteint dans le vol sourd d’une sterne S’endorment les villes sans ponts A l’heure où les fleuves s’enfoncent Encore un peu plus profond Dans le gouffre de nos hontes S’en va le vol en V des oies
Sauvages, au temps des premières neiges Quand le ciel se change en beige
Et se laisse fondre sur les toits