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Études sur la personne juridique

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Thesis

Reference

Études sur la personne juridique

GEORG, Alfred

GEORG, Alfred. Études sur la personne juridique. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1890, no. D. 248

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:26665

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:26665

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ÉTUDES

SUR LA

PERSONNE JURIDIQUE

THÈSE

PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DE DROIT

POUR L'OBTENTION DU TITRE DE DOCTEUR

PAR

ALFRED GEORG

LICENCIÉ EN DROIT

~

GENÈVE

IMPRll\IERIE JULES CAREY, RUE DU VIEUX- COLLÈGE, 3;

1890

Lf 1,&1 &i

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1 NTRODUCT-ION

Dans une récente publication, M. le Professeur A. Heusler disait en note qu'en général les disser- tations n'ont guère de valeur scientifique; tout au plus prouvent-elles que l'auteur a appris à penser

€t à s'exprimer juridiquement, qu'il connaît les sources et la littérature de son sujet et qu'il saisit et expose avec plus ou moins d'exactitude et d'esprit critique les questions de droit. Rarement, dit-il, ces·

travaux font réellement progresser la solution d'une question : les meilleures thèses souffrent en général d'une exposition lente et trop étendue, provenant de la répétition de choses co11nues et de digressions inutiles.

L'éminent juriste Bâlois a sans doute raison : le débutant dans la carrière juridique n'a pas dans ses premiers essais cette sûreté d'allure que donnent une grande érudition et l'habitude de l'exa1nen des questions de droit; son exposition s'en ressentira;

les répétitions, les longueurs et les digressions

If.

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nuiront à la clarté de son travail. Mais ce sont là des défauts dans la forme qui ne peuvent altérer entièrement les qualités du fond : si les matériaux d'un travail ont été consciencieusement étudiés, un exposé même imparfait des résultats de cette étude ne saurait être inutile pour la solution des ques- tions controversées; des chercheurs plus érudits.

pourront y trouver un matériel plus ou moins pré- paré pour un résultat réellement scientifique.

Le sujet de cette étude est vaste et compliqué : (les années d'un travail assidu ne suffiraient pas pour l" épuiser entièrement, et il n'existe pas à notre connaissance un seul ouvrage qui réponde à toutes les questions soulevées à propos des personnes juri- diques. Notre but ne saurait être de combler cette lacune: analyser l'essence même de la personne juri- dique, étudier sa raison d'être, les conditions de son existence et son rôle dans la société, tel est notre pro- gramme. A la suite de cette étude· un examen objectif nous 1nontrera les principales formes qu'ont ' revêtues à travers les âges ces sujets de droit que chacun a baptisés à sa guise; l'examen portera sur le sens juridique de ces formes, plus que sur les questions d'organisation intérieure. Celle-ci ne nous apprendrait rien· clans l'infinie variété de ses (létails, et les principes sur lesquels cette organisa- tion repose sont indiqués par la nature même de chaque personne juridique.

La corporation du moyen-âge dans ses mille for-

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- 3 -

mes, très-intéressante sans doute au point de vue historique et instructive comme étude de mœurs n'est pas une mine féconde pour le jurisconsulte. Per- sonne ne nous saurait gré d'approfondir dans notre travail un sujet très-compliqué, mais d'une utilité très-secondaire et dont les développements donne- raient à cette étude des dimensions qu'elle ne doit pas prendre.

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CON SI DÉR.ATIONS GÉNÉRALES

Ce qu'on a appelé la personne juridique n'est pas une création du droit romain; ce n'est pas même à vrai dire une création du droit : c'est un fait dont il est aisé de reconnaître l'existence partout où l'on·

étudie une société politiquement organisée. De même que l'Etat qui en est, sinon en date le pre-

miei~ type, du moins le type le plus important, la personne juridique a pour base le caractère sociable

de l'homme. '

L'association dans ses mille formes, tel est le fait dont il vient d'être question, et l'association est liée d'une façon si intime à l'existence de l'homme, qu'il est impossible de ne pas la reconnaître ·juri- diquement, c'est-à-dire de ne pas lui accorder, dans les limites nécessaires, les droits sans lesquels son existence serait méconnue.

Le but de l'association, quel que soit d'ailleurs son mode, est toujours un avantage matériel ou autre que poursuit l'associé pour lui ou pour ses.

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semblables; cet avantage ne peut généralement être obtenu que si l'association comme telle jouit de droits différents de ceux de chacun de ses membres,.

si l'action commune peut aboutir à un résultat commun. Autrement l'individu ne trouve pas l'avan- tage qu'il attendait d'une action commune et celle- ci n'a plus sa raison d'êt.re. L'association aura donc des droits~ deviendra un sujet, une personne de droit : le sujet de droit qui n'est pas une personne physique, telle est bien la première définition de la personne juridique (1).

Cette définition s'applique également à une autre catégorie de personnes juridiques dont l'existence n'est pas basée sur une pluralité de personnes physiques. Il s'agit des patrimoines doués d'une existence propre et qui, en vertu du but auquel ils

(1) Au risque de répéter trop souvent un même mot nous emploierons exclusivement l'expression «personne juridique»

pour désigner cette catégorie spéciale de sujets de droit.

Les noms sont de pure convention, mais il en résulte pré- cisément que chacun a un sens propre qu'il garde généra-·

lement en toute compagnie ; or nous ne trouvons pas le caractère mystique ou fictif des sujets de droit qui nous occupent et nous ne voyons pas ce qu'ils ·ont à faire avec la morale. Les expressions : Personne mystique, fictive, morale, collective, artificielle, indéfinie, incertaine, reposent sur une conception fausse de la personnalité juridique. Le nom de « personne fi·ctive » devrait en tout cas être rayé du dictionnaire juridique ; il renferme une contradiction et ne signifie rien.

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sont consacrés, jouent un rôle indépendant de la volonté de ceux qui les administrent. On les distingue sous le nom de fondations des autres personnes juridiques; leur apparition, relativement récente, remonte aux derniers siècles de l'empire romain. Les fondations sont le produit d'institutions -et de besoins nouveaux nés avec le christianisme.

Ainsi il existe deux grandes classes de personnes juridiques; toutes deux sont basées sur les besoins de l'homme et méritent au même titre la sollicitude

·du législateur (1).

Il importe dans toute controverse de se rendre un compte exact du sens des mots que l'on emploie -et de s'entendre sur leur signification précise; sou-

vent les mêmes mots désignent par eux-mêmes des .choses différentes; plus souvent encore, surtout dans le domaine de la science, leur signification varie suivant le bon-vouloir ou le savoir de ceux

·qui les emploient. Certains juristes~ par exemple, .attribuent la souveraineté à des organis1nes politi

·ques dont le principal droit consiste à se soumettre .aux ordres d'autrQi. Impossible de discuter dans ces conditions, impossible surtout de s'entendre : l'un pourra toujours dire que tel corps politique est sou-

(1) Pour le moment nous faisons rentrer l'Etat comme personne de droit privé dans la première classe des per- :sonnes juridiques, celle que nous définissons provisoirement par le terme très-vague d'association. Plus tard nous assi- gnerons à l'Etat une place· à part, suivant les principes que nous aurons adoptés.

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verain et l'autre dira le contraire, tant que l'on n'aura pas exactement défini la souveraineté.

Rarement pourtant le manque d'entente sur le- sens d'un mot a conduit à une confusion cmnme celle qui est née à propos de la personne juridique.

Il a suffi d'une interprétation trop étroite du mot

«personne» pour faire crier au spectre et au fantôme- lorsqu'il a été question de personnes n'appartenant pas au genre humain. Nous reviendrons plus tard sur l'étymologie du mot personne et sur son sens·

juridique; constatons seulement que « personne » et « sujet de droit» sont deux synonymes que la plupart des jurisconsultes regardent comme les équivalents de l'expression « être humain »: tout homme est sujet de droit, et l'homme seul peut être- sujet de droit, car seule l'aptitude naturelle à vou- loir confère cette qualité (i ).

Or il se présente dans le domaine des faits quel- que chose qui semble contredire ce premier prin- cipe. La vie com1nune et sociale a démontré la nécessité de l'existence de sujets de droit qui ne sont pas des êtres humains, ou disons mieux pour ne pas anticiper, de l'existence de droits qui échappent à la volonté individuelle, de patrimoi- nes dont les sujets ne sont pas des hom1nes. D'un côté, dit-on, impossibilité logique de l'existence-

(l) Bohlau, Rechtssubjekt und Personnénrolle, p. 9. «Die Fahigkeit Rechte zu haben, setzt das Vorhandensein eine!"

Willensanlage logisch voraus. >>

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de sujets de droit autres que l'homme, et en face de cette impossibilité logique le fait que certains droits n'ont pas l'homme pour sujet. Tous les jurisconsultes qui se sont trouvés en· face de cette contradiction, ont cherché à la faire disparaître, chacun à sa manière, et les solutions proposées ne sont guère inférieures en nombre aux principaux écrivains qui se sont occupés de la question.

L'examen des théories qu'a fait naître le pro- blème des personnes juridiques sera d'une grande utilité pour mettre en lumière les aspects différents sous lesquels ces personnes ont été envisagées sui- vant le point de départ choisi par les auteurs; ii démontrera aussi combien il est dangereux de ba- ser tout un système sur un principe reconnu géné- ralement comme vrai, mais dont le sens n'a pas.

été compris dans toute sa largeur et dont l'appli- cation exige une extrême prudence.

Le problème ici discuté se présente sous la forme d'un syllogisme et suivant l'idée qu'on s'est faite du droit subjectif, ce syllogisme varie dans .ses propositions et aboutit à un résultat différent.

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La définition généralement admise pour le droit subjectif et sur laquelle nous nous réservons de revenir, est la suivante: La puissance accordée par le droit objectif à une volonté, relativement à un objet déterminé.

Partant de ce principe on a formulé le syllogisme, suivant:

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Le droit est une puissance accordée à une vo- lonté;

L'homme seul est doué de volonté;

L'homme est donc seul· sujet de droit.

Tout en 1na.intenant la définition indiquée plus haut du droit subjectif d'autres auteurs n'en dédui- sent pas que l'individu humain seul puisse être sujet .de droit. On a cru enfin trouver le mot de l'é;nig1ne en cherchant pour le droit subjectif une autre défi- nition (Ihering) ou en admettant l'existence de droits -sans sujet (Brinz, Koppen, etc.).

Nous examinerons aussi brièvement que possible toutes ces théories en réfutant à mesure les argu- ments que nous aurons à combattre.

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CHAPITRE I.

Principales théories.

§ l. Théorie de la Personnification ou de la fiction. - (Savigny, Arndts, Puchta, Windscheid, Stobbe, etc.). Réduite à sa plus simple expression cette théorie est la suivante:

Tout droit subjectif consiste en une puissance sur son objet, et présuppose par conséquent un sujet porteur de cette puissance. Ce sujet ne peut être qu'une personne physique, le droit n'existant que·

pour l'homme qui est du reste seul doué de volonté.

Or certains biens, en raison du but auquel ils sont destinés n'ont pas une personne physique pour su- jet; comme ils ne peuvent exister sans sujet il faut leur en donner un qui sera fictif et purement juri- -dique.

Le droit n'existe, dit Savigny que pour l'individu humain et pour la sauvegarde de la liberté 1norale qui lui est innée. C'est pourquoi la conception ori- ginelle de la personne ou sujet de droit, doit être identique à celle de la personne physique, de l'homme; cette identité s'exprime le mieux par la formule suivante: chaque homme individuellmnent

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- 1 2 -

et seul l'homf!le individuel a la capacité juri- dique (1). Savigny considère la capacité juridique- comme étendue à des sujets artificiels qui sont.

l'œuvre d'une fiction;. il ·appelle un tel ·sujet une personne juridique. Elle constitue à ses yeux un sujet de rapports de droit; parall_èle à la personne physique. (Syst. II. pp. 235-373).

Windscheid dans ses Pandectes s'exprime d'une façon analogue : la personne dont la volonté est reconnue comme déterminante est le sujet du droit.

et le mot « personne» doit, se~ ble-t-il, être l'équi- valant de «personne physique >> (2). Une personne juridique est une personne qui n'existe pas· en réa- lité, une personne figurée qui est considérée (welche·

behandelt wird) comme· sujet de droits et d'obli-·

gations 57) (3).

A peirie semble-t-il nécessaire de donner un dé- veloppement quelconque à l'expt;sé d'.une théorie- qui porte en elle sa propre réfutation: .Si à l'heure- qu'il est elle paraît encore la théorie dominante·

c'est qu'elle n'a l)as été' remplacée par une théorie-.

(1) Systern, II

·s.

2:

(2

) Pandekten, I, §. 49; p .. 132.

(3) Nous verrons plus loin que Windscheid occupe une place à part parmi les partisans de la. :personni_fication, à·

laquelle il ne recourt que pour satisfaire ceJte « tendance- à personnifier inséparable de la nature humaine » Parid.

§ 4:9, notes 4, 6). Sa place à lui se irouve entre Savigny et Brinz, entre 1a personne fictive· ef .le Zweckvermogen,"

le droit sans sujet.

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13 -

. moins eontestée et qu'elle compte parmi ses parti- sans les .coryphées de Ja science juri_dique.

· La doctrine de Savigny et de. ses disciples repose sur une erreur: cette erreur consiste à croire qu'on peut faire cesser au moyen d'une fiction une contra- diction entre un principe établi et un fait indé- niable. Pour remédier à l'absence d'une personne

·physique indispensable, on feint l'existence "d'un sujet de droit, puis on dit que tels individus sont les représentants de cette personne fictive. Le sujet de droit ainsi créé doit jouer un rôle dont l'exis- tence est antérieure à sa création : les droits en question sont là, ils ont même un sujet réel puisqu'autrement ils n'existeraient pas; mais ce sujet on ne le voit pas quisqu'il n'a pas la figure qu'on lui avait imposée~ et pour avoir un sujet plus visible on le remplace. Le remplaçant est un pro- duit de l'imagination, un homme de paille qui par le simple fait qu'on s'est figuré son existence, acquiert la capacité juridique, et malheur à l'autre s'il ressuscite. Quoi qu'il en soit le remplaçant prouve sa capacité en consentant à la substitution de sa volonté par celle de quelques individus qu'on dé- signe comme ses· représentants (1). «On oublie ici,

(1) Salkowski. Bemerkungen zur Lehre von den juris- tischen Personen § 2, S. 6. « Es genügt nicht mehr die eine Fiktion eines Rechtssubjekts, welches keine physiche Person ist, es ist noch die andre erforderlich dass die Ein- zelnen die juristische Person vertreten ; darauf wird nun

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dit M. Serment, que dans toute représentation il y deux éléments; le représenté et le représentant, qu'on ne peut créer un sujet _de droit en instituant un représentant qui ne représente personne.» (1).

Logiquement et scientifiquement la fiction n'a aucune valeur comme base d'un fait quelconque ; elle ne -change pas plus un fait existant qu'elle n'en crée un qui n'existe pas.

Ce qui fait ressortir encore davantage le manque de solidité de cette théorie c'est le fait déjà indiqué qu'elle ne se tient debout que par l'enchaînement d'une série de fictions greffées les unes sur les autres et ayant toutes la mê1ne valeur juridique.

Une fois engagé sur ce terrain les obstacles dispa- raissent à mesure qu'on avance, tous les problèmes trouvent une solution facile. C'est le cas de dire qu'il n'y a que le premier pas qui coûte et que tout peut devenir vrai, si ce vrai est fictif. Tout ici est fictif, sauf le droit dont on dispose en faveur d'un être imaginaire.

Il ne faut pas oublier pourtant que la science perd tout droit à son nom si elle spécule sur une

noch - spectatum admissi risum teneatis amici ? - die dritte Fiction getürmt, dass der Beschluss der Majoritat den Willen der Vertreter ausdrücke, und ganz oben endlich gipfelt die vierte, dass d.er Wille jener Vertreter der Wil1e der juris- tischen. Person sei. »

(1) W. Serment, Associations et Corporations, Genève i877' p. 32.

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base imaginaire : un système scientifique ne peut se construire sur une fiction. Autant vaut, dit Brinz, feindre un clou au mur pour y suspendre son manteau.

Une conséquence naturelle de la théorie de la.

fiction nous parà!ij: être la nécessité du concours de·

l'Etat pour la création de toute personne juridique.

La personne fictive ne pourra recevoir une appa- rence de réalité que grâce à_ l'intervention du sou- verain. Savigny a admis cette nécessité sans aucune restriction, mais il n'est pas suivi par Unger"

Windscheid et d'autres qui se passent d'une façon soit relative soit absolue du concours de l'Etat. Nous.:- n'insistons pas, le rôle de l'Etat en face des per- sonnes juridiques, devant faire l'objet d'un chapi- tre spécial dans la suite de cette étude (1).

(1) Dans l'exposé de cette théorie, nous avons passé sous.

silence une distinction établie par Bohlau (op. cit., pp. 8 et 9) qui divise en deux camps les partisans de la person- nification. D'un côté nous aurions Savigny pour lequel Ja personnification est une nécessité juridique pour les raisons.

déjà connues; de l'autre se trouverait Windscheid pour lequel la personnification n'est qu'un besoin de langage sans rai- son juridique aucune. Il admet en somme que tous les biens.

peuvent exister avec ou sans sujet, mais il hésite. à se mettre d'accord avec Brinz qui refuse absolument d'admettre au dictionnaire juridique l'expression de personne· morale ou tout équivalent. En somme il paraît difficile d"assigner à Windscheid une place à part dans le débat sur les per- sonnes juridiques. Cette personnification qui n'est qu'une concession faite à un besoin, à une tendance de l'esprit

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§ 2. Théorie du r6le de la personne. (Bohlau;

Rechtssubjekt u. Personenrolle). - Cette théorie

· encore basée sur la fiction ne nous apporte rien de nouveau. Son auteur et unique représentant, le .docteur Hugo Bohlau, part de la définition généra- lement admise du droit subjectif. Il en conclut que tout droit a un sujet et que le seul sujet de droit est l'homme

e).

Bohlau combat donc la théorie des droits sans .sujet et déclare que la capacité juridique ne repose pas sur le fait de l'existence d'une volonté; elle n'E.'st accordée qu'à la volonté qui est autorisée à se manifester (2). L'homme seul est «autorisé à vou- loir », lui seu~ étant potentiellement capable de volonté. Ce «potentiellement» a pour but d'ad- mettre les hommes << actuellement» incapables (les enfants par exe1nple) au nombre de ceux qui sont autorisés à vouloir. Tout droit a donc son sujet qui est l'homme. L'auteur repousse ensuite les théories

humain (op. cit., p. 134), sans aucune base juridique, ne peut être reconnue comme une théorie indépendante. La pensée de Windscheid le rapproche, nous paraît-il de Brinz, sa définition de la personne juridique en fait le disciple de Savigny.

(1) op. cit. p. 4 ... Und hieraus ergeben sich zwei Satze:

Kein Recht ohne Subject t und : Subject der Rechte ist der Mensch. »

(2

) « Das Recht im subjectiven Sinne, die Befugnis, ist ein Wollendürfen ... Wollendürfen, kann nur ein mindestens potentiell willensfâbiges Wesen » (eod. 1.)

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de Windscheid et de Savigny sur la personnification.

La personnification du premier ( personificandi us us causa) ne pourrait être admise que dans le cas où il n'y aurait pas d'autre moyen juridique de fai:re disparaître l'opposition entre le principe en vertu duquel chaque droit doit avoir son sujet et le fait de l'existence de patrimoines n'appartenant pas à un être humain. Cet autre moyen Bohlau le trouve, ou croit le trouver, à l'aide d'une argumen- tation assez difficile à suivre et que l'on ne s'expli- que que par son désir d'arriver à établir une diffé- rence entre le droit sans sujet et le patrimoine n'appartenant pas à une personne physique.

Cette distinction est la base de sa théorie. Il Bxiste des biens qui deviennent l'objet de rela- . tions dans le c01nmerce, sans ~ue des droits soient

attachés à ces biens; ces biens ne constituant pas des droits, n'auront pas nécessairement un 1naltre.

Bohlau appelle ces patrimoines sans maltre des

« Zweckvermogen », sans leur donner le sens de.

droits sans sujet (Brinz) (1); iis existent en fait et sont d'une nécessité incontestable dans la commu- nauté p.umaine; mais ajoute Bohlau, le patrimoine impersonnel (personenlos) ·n'est pas admissible en droit. Il y a donc conflit entre les exigences de la vie sociale et les exigences de la logique, conflit

(1) << Das de facto herrnlose Vermogen, welches man, ohne

die irrige Idee eines subjektlosen Rechtes damit zu ver- binden Zweckvermogen nennen kann » (loco. cit., p. 16)

2

(23)

qui ne peut être résolu sans préjudice de l'un ou de l'autre que par la fiction, cette solution que le droit romain nous fournit pour de telles éventua- lités.

Disons avant d'examiner en quoi consiste cette fiction, que nous ne voyons pas la contradiction que Bohlau veut faire disparaître : la contradiction qui existe entre le principe de la nécessité d'un sujet pour tout droit et le fait de l'existence de pa- trimoines sans sujet, Bohlau la supprime en distin- guant les droits sans sujet des biens sans maître.

Il n'y a pas de droits sans sujet, mais il y a des biens (sur lesquels ne repose aucun droit) sans maître. Cette distinction établie et reconnue, toute contradiction disparaît et nous ne comprenons pas.

Gù se trouve celle que la fiction doit annuler.

Ce que Bohlau entend sans doute par contradic- tion, et ce qui le gêne c'est la situation anormale de ces patrimoines sans maître, lors que dans la règle il y a un maître pour chaque patrimoine. Au fond la pensée de Bohlau paraît être la suivante:

partant d'un princ~pe au lieu de partir des faits il reconnaît que tout droit a un sujet et que ce sujet est l'homme seul. En présence des biens dont il ne trouve pas le sujet il n'a dès lors qu'un moyen de rester fidèle à son principe: déclarer que l'existence d'un patrünoine (in commercio) n'entraîne pas né- cessairement celle d'un droit. Ce moyen Bohlau l'adopte: le .patrimoine sans maître est une zône

(24)

- 19 _,.

neutralisée dans l'intérêt des relations sociales; ii faut dit-il, citant une phrase de Unger qui la dit dans un but différent, il faut qu'une partie de l'en- semble des biens qui se trouvent dans le commerce soit émancipée dans l'intérêt même des personnes quarum causa omne jus statutum est (1). Ces patri- moines neutralisés jouent un rôle dans la société, ils sont affectés à des buts d'utilité générale. C'est ici que nous arrivons à la fiction de Bohlau; les biens sans maître ne constituent pas des droits par eux-mêmes, mais il peut naître des droits et des obligations en vue de leur but (2). Ces droits et ces obligations doivent être regardés comme ayant un sujet physique que l'on considère juridiquement comme sujet elu patrimoine lui-même.

Dans la personne juridique il y aura donc à dis- tinguer quatre éléments: le patrimoine de facto sans maltre; le but de ce patrimoine et les personnes.

(1) Unger .. Oesterreichisches Er brecht.

(2) Il est très difficile de se rendre compte de l'idée exacte que Bohlau se fait de ces patrimoines, mais il eE?t certain que si par eux-mêmes ils ne constituent pas des droits ils sont liés à un moment donné à l'existence de droits et d'obligations. Où est le sujet de ces droits ?

« Was für die Zwecke eines gewissen thatsachlich herrn- losen Vermogens von den Verwaltern desselben an Rechten erworben, oder an Verpflichtungen eingegangen wird, gilt ais erworben, bzw. eingegangen für eine physische Person,_

welche als Herrin dieses Vermogens juristisch angenommen wird » (p. 16).

(25)

:auxquelles ce but doit profiter; la personne des .administrateurs du patrimoine; enfin la fiction d'une personne physique, _sans laquelle fiction le patri- moine serait abolu1nm1t incapable de droits et .. d'obligations. Ce n'est pas, dit Bohlau, une . réa-

lité que crée cette fiction, ce n'est pas une personne physique ou juridique, mais uniquement un rôle de personne. Les biens sans maître jouent le rôle .d'une personne physique (personœ vice fungi) . . La fiction d'une personne juridique ne sert à rien, dit Bohlau, elle ne peut remplacer.un être. qui n'est.

pas là; la seule fiction possibfe est celle ·qui consiste à considérer un patrimoine com1ne jouant le .i~ôle

-d'une personne. Par lui-même il ne peut avoir ni droits ni obligations; si on le considère comme jol!ant le rôle d'une personne il acquiert illico la

-capacité j~ridique.

S_avigny disait : nous avons des droits sans sujet physique; inventons-en un et ces droits auront un Bujet. Bohlau corrige : Il y a des patrimoines san.s sujet et sur lesquel'3 ne reposent pas de droits; figu- rons-nous que ces patrimoines pensent et agissent comme un homme : de suite ils seront capables de

·droits et d'obligations. A la rigueur-les deux auteurs .auraient pu s'entendre!

Cette fiction établie, Bohlau en tire des consé- -quences dogmatiques qu'il essaie de baser sur des

développements historiques; nous les passons sous .silence ainsi que les détails qu'il donne sur la nais-

(26)

- 2 1 -

sance, l'orgaùisation et la fin de la Pei·sonenrolle.

Ce rôle existe quand la loi per1net à un patrimoine:

sans maître dont le but ne se confond pas avec- l'intérêt d'une personne physique, de jouer le rôle d'une personne physique; sa fin naturelle est la réalisation du but du patrimoine.

§ :3. Théorie des incertœ personœ (Ihering (1). - Les opinions que Ihering professe sur la personne·

juridique nous font revenir clans un domaine plus positif et plus confor1ne à la réalité. Plus de fiction ici pour créer une personne physique ou le rôle·

qu'elle doit jouer; plus d'opposition entre des prin- 0ipes inviolables et des faits moins sacrés sans doute, mais en revanche moins contestables.

L'esprit pénétrant de Ihering ne pouvait admettre·

la fiction à la base de son système et son sens pra- tique se refuse à faire au langage où à cette ten:- dance à personnifier de la nature humaine. des concessions qui jettent un demi-jour fàcheux sur la théorie la mieux combinée.

Le sujet elu droit pour Iher~ng n'est pas la pèrsonne- dont la volonté. est reconnue comme cléterininante dans tel cas donné; le droit subjectif n'est pas une puissance dont dispose la volonté, c'est un intérêt protégé- par la sanction elu droit objectif (2) et la.

(1

) V. Iherlng.: Geist des romischen Rechtes 60, 6L

(2

) « Recht ist rechtlich, d. h. durch Klage geschütztes Interesse. » loc. cit.

(27)

volonté n'entre pas ici en considération. Ainsi les mineurs et les interdits sont ·sujets de èlroit et cependant leur volonté n'est pas reconnue s'ils en ont une. Cette définition du droit subjectif nous ne pouvons l'admettre; elle a été vivement attaquée et réfutée, semble-t-il, d'un~ façon concluante. Sans doute, dit Windscheid, le droit objectif n'accorde des droits que dans le but de protéger les intérêts de ceux auxquels il les accorde, mais le but en vue duquel le droit existe n'a que faire dans la définition du droit (1). Une autre raison encore nous fait repousser la définition de Ihering; elle nous laisse dans le vague sur la signification du mot intérêt.

En effet, cet intérêt quel est-il? Le droit objectif peut-il connaître l'intérêt véritable de chaque indi-

vidu~ alors que celui-ci ne le connalt souvent pas lui-même? Ou bien le connaît-il à la manière dont le pater familias connaît celui de ses enfants?

Nous ne le pensons guère, et si la loi protège un intérêt, ce ne peut être toujours l'intérêt bien entendu de celui qui est censé l'avoir, mais bien l'intérêt que l'Etat lui impose. Nous aimons mieux dans ce cas la conception utilitaire du droit

·subjectif que Stuart Mill définit : << Un pouvoir que la société est intéressée à accorder aux individus >>.

Dans l'une et l'autre définition l'élément subjectif nous paraît par trop étouffé; le droit subjectif doit

(1) Pandekten § 37, note 3 (6e ed.).

(28)

- 2 3 -

avoir sa base, non dans cet ii~térêt collectif de la société ou dans l'intérêt qu'elle prétend imposer à ses membres, ce qui revient au même; il doit être fondé sur quelque caractère i?nmanent à l' indi- vidu 1nême (1); si ce caractère est son intérêt lui seul est juge pour le connaître et le meilleur moyen de tespecter l'intérêt de l'individu est de respecter sa volonté. Chaque fois que celle-ci se sera manifestée librement dans le domaine à elle réservé, elle sera reconnue comme déterminante dans ses consé- quences juridiques.

Nous repoussons donc la définition de Ihering et les conclusions qu'il en tire. Tout droit, dit-il a pour but la satisfaction des besoins de l'homme; il en résulte qu'il ne peut y avoir des sujets de droit nctifs, ceux-ci ne pouvant pas avoir des besoins;

il en résulte encore qu'il ne peut y avoir des droits

·sans sujet puisqu'on ne peut se figurer des besoins sans quelqu'un qui les éprouve. Mais alors, quid de la personne juridique? Elle n'existe pas; le patri- moine des corporations est la propriété des mem- bres actuels et futurs; eux seuls en ont la jouissance, .c'est pour la satisfaction de leurs besoins qu'il -existe. Sans doute il peut sembler extérieurement que l'universitas personarum idéale soit le véritable sujet des droits, car elle seule peut les faire valoir,

€lie seule peut ester en justice. Mais ce n'est

,(:1) Fouillée : L'idée moderne du droit. Paris i888.

(29)

qu'apparence, et dit Ihering, c'est là un point secon- daire (unwesentlich); si les membres de la corpora- tion ne peuvent faire valoir leurs droits sur une quote-part des biens, c'est que cette quote-part va- rie constamment suivant le nombre des membres.

Il en sera de même pour la fondation : celle-ci n'existe pas comme être jnrid~que; les biens qui lui sont affectés sont la propriété de ceux qui doivent profiter du but de la fondation.

Cette théorie plait par sa simplicité; il semble bien à première vue que les véritables sujets des droits de la corporation ou de la fondation doivent être ceux pour les besoins desquels elles existent et qui seuls en profitent. Inutile dans ce cas de cl1ercher un sujet de droit en dehqrs de l'être phy- sique, de créer des sujets fictifs ou des fantômes pour les représenter. C'est pour ces raisons que nous avions partagé d'abord les idées de Ihering;

si nous avons fini par y renoncer c'_est ·pour des motifs qui nous paraissent concluants. Ce qui mn- pêche les membres d'une corporation ou les bénéfi-

ci~ires de la fondation de faire valoir leurs pré- tendus droits, ce n'est pas· seulement le fait que ces droits varient en quantité suivant le nombre des su}ets; c'est, cr9yons-nous, le_ fait que la. corpora- tion et la. fondation poursuivant un but qui est pour ainsi dire leur âme et qui leur donne une vie propre et indépendante, ce but ne saurait être atteint si le patrimoine auquel il donne une exis-

(30)

- 2 5 -

·tence juridique n'était qu'un assemblage de quotes- parts soumise~, chacune à une volonté différente.

En tout ca~ Ihering admet que les personnes dont il fait les sujets des droits en question ne peuvent en aucun cas les faire valoir et que leur volonté n'a aucune action sur ces droits dont ils ont sim- plement la jouissance. Or la jouissance d'un patri- moine n'en désigne pas le propriétaire, autrement l'usufruitier serait le maître de l'objet sur lequel repose l'usufruit. Le sujet d'un droit n'est pas celui qui en jouit momentanement sous certaines condi-

tions~ ·mais- celui dont la volonté en peut dis- poser (1).

Même en dehors de toutes ces considérations il- est encore diffidle de reconnaître comme sujets de- droits sur lesquels ils n'ont aucun pouvoir des per- sonnes dont le nombre est inconnu et qui appar- _tiennent au passé, au présent et à l'avenir. Ihering

désigne textuellement comme sujets de droit les.

membres actuels et futurs: ces futurs ne sont pas.

des nascituri dans le sens juridique du mot; dès.

C) Les personnes que lhering regarde comme proprié- taires des droits de la corporation et de la fondation ne peuvent invoquer en leur faveur aucun des modes d'acqui- sition de la propriété (C. 7H, 71.2_, 7!3). Ces personnes incertaines ne peuvent _acquérir ni par succession, ni par donation, ni par l'effet d'une obligation. Il peut encore moins être question d'accession ou d'incorporation et les règles de la prescription n'admettent pas davantage ce mode d'acquisition en leur faveur.

(31)

lors nous ne voyons pas pourquoi les défunts ne

·seraient pas mis sur le pied que ceux qui vivront peut-être dans cent ans. Les uns et les autres jouent le même rôle passif en face des droits positifs dont ils sont censés être les sujets; la personne future peut devenir ce que le défunt a_ été, mais l'un n'est pas plus que l'autre sujet d'un droit actuel.

Pour terminer l'examen de cette théorie ajoutons qu'une permna incerta, qu'on ne peut pas désigner parce qu'elle est inconnue, qui n'existe pas paree .qu'elle n'existe qu'au futur, ne nous paraît pas plus apte à devenir sujet de droit qu'une personne fic- tive. L'une et l'autre n'existent que dans le cerveau de ceux qui les inventent, et s'il faut un sujet à tout droit nous demandons un sujet actuel pour un -droit actuel (1).

(') Nous ne voulons pas multiplier ici les questions que soulève dans notre esprit la théorie de Ihering. Qu'il nous soit permis d'en indiquer deux ou trois à titre d'exemples : s'il s'agit d'une fondation au profit des pauvres en général,

<quels seront ces pauvres, ou plutôt, quels seront les sujets des droits de la fondation d'après Ihering ? Faudra-t-il considérer comme tels tous ceux qui dans le monde entier seront dans l'indigence à partir de l'institution de la fon- -dation ? La logique du système de Iheriilg exige une réponse :affirmative : la fondation existe en faveur et dans l'intérêt de tous les pauvres. S'il en est ainsi on s'explique pourquoi nos sujets de droit ne réclament pas leur part de propriété, alors même qu'ils la connaîtraient. Ensuite il y a des pauvres

·qui ne veulent pas être secourus et qui ne recourent pas

(32)

27

Il serait intéressant de compléter l'examen de -cette théorie par l'analyse d'un livre plus récent de Ihering, intitulé: «Der Zweck im Recht». L'auteur y paraît nwdifier sur certains points les idées ex- prünées dans son chef-d'œuvre sur la personne juridique. On y trouve une sorte de reconnaissance d'intérêts différents de l'intérêt individuel, de buts visant des besoins d'intérêt général et qui deman- dent à être protégés contre l'égoïme individuel.

Nulle part cependant il n'est question de la recon- naissance d'une personne juridique ; nous devons .donc nous en tenir aux idées exposées plus haut.

§ 4. Théorie du Zweckvern~ogen. (Brinz, Kop- pen, Bekker, Demelius, Windscheid)

C).

«La per- -sonne fictive (juridique) occupe dans la doctrine des

aux avantages que peut leur assurer la fondation ; seront- ils sujets des droits de cette fondation malgré eux ? En tout cas il est bien heureux que tous ces sujets de droit n'aient aucune volonté à faire valoir dans l'espèce et que ceux qui sont censés agir en leur lieu et place n'aient pas les consulter pour agir valablement.

(1) Brinz. - Lehrbuch der Pandekten.

Bekker - Goldschmidts Zeitsc~œift fi.ir Handels-R.

Bd. IV, N. iO.

- Jahrbücher für Dogmatik XII.

Demelius. - Die Rechtsfiktion.

» - Jahrbücher für Dogmatik IV.

Koppen - Vorlesungen über Pandektenrecht.

Strasshurg 1887/1888.

- Erbrecht. S. 235 sqq.

(33)

personnes la même place qu'occupe dans la doc- trine humaine la guenille qui sert d'épouvantail . contre les oiseaux ». Ce mot de Brinz tant de fois répété fit sensation en son temps ; c'était le plus.

gros caillou jeté dans le jardin des disciples de Savigny, mais ce ne fut pas le seul: la théorie de·

la fiction fut attaquée de tous les côtés; des juristes.

distingués l'abandonnèrent pour se rattacher à la nouvelle école.

Parmi les biens, dit Brinz~ les uns appartiennent à quelqu'un (pertinent ad aliquem), les autres exis- tent en vue d'un but (pertinent ad aliquid) et sont soustraits par ce fait à l'appropriation individuelle.

Ces biens forment un tout distinct, non comm&·

patrimoine d'une personne, mais comnw servant

à

la réalisation d'un but déterminé : c'est ce but qui leur donne une existence indépendante.

De là le nom de Zweckvermogen que Brinz le·' premier a donné aux patrimoines sans propriétaire·

(aux patrimoines qui n'ont pas l'homJ.?le pour

sujet). ·.

Koppen dans son cours de PandeCtes, expose·

comme suitla théorie qui nous occupe.

La doctrine romaine des personnes est basée sur la personnalité naturelle : celle-ci consiste dans l'aptitude naturelle à vouloir et à agir avec intelli- gence. D'après la loi naturelle tous les hommes, et eux seuls sont clone personnes et ce qui est une

·nécessité pour la loi naturelle doit devenir une-

(34)

- 2 9 -

nécessité pop.r le droit positif. C'est sur ce principe qu'est basée la doctine romaine de la personnalité.

Tous les hommes, même les esclaves, sont des.

personnes; ce qui manque à ces derniers c'est la capacité juridique, 1na.is celle-ci n'est pas une con- séquence du droit naturel, elle est accordée par le droit positif qui pourra la retirer à qui bon

lui semblera; ce qu'il ne peut prendre

a

l'homme c'est sa personnalité; il en résulte que la person- nalité (persona) et la capacité juridique (caput) sont en droit romain des conceptions différentes.

La divisio personarum au livre premier des Insti- tutes n'est qu'un classement des hommes (1); elle ne connaît pas de personnes juridiques. Pour les choses, le droit romain les classe en: res quœ ali- cujus sunt (qui ont un suj.et), et res quœ nullius · sunt (qui n'appartiennent pas à un homme, qui n'ont par conséquent pas de sujet). Parmi ces dernières se trouvent les droits dont se compose le patrimoine de la corporation (bonaquœ nullius suntsed univer- sitatis); ce patrimoine appartient à l'uriiversitas personarum, c'est-à-dire n'a pas de sujet, l'ho1n1ne seul étant sujet de droit. Néanmoins le patrimoine de la corporation pel1t acquérir et perdre des droits comme une personne par l'intermédiaire des repré-

(1) Summa itaque divisio de jure personarum hœc est quod omne.s homines aut liberi sunt aut servi. Inst. 3. I. de de jure pers. Pr.

(35)

rentants de la corporation; c'est là ce que signifie le « personœ vice fungitur » quand il est question du municipe, etc. Comme res nullius Koppen indi- que encore les res hereditariœ, jacente hereditate, et les biens de la fondation; ils n'appartiennent pas à un homme, mais ils sont susceptibles d'augmen- tation ou de diminution comme les droits d'une personne (Hereditas jacens personœ vice fungitur;

pia causa personœ vice fungitur).

Le droit r·omain ne connaît donc ni personne fic- tive ni personne juridique; il connaît des patrimoi- nes qui sans appartenir à quelqu'un, jouent un rôle clans la société, c'est-à-dire des droits sans sujet.

Suivant la définition moderne elu droit subjectif:

«la puissance sur l'objet elu droit», le droit ne peut exister sans sujet ; il s'agit clone de trouver une meilleure définition.

L'essence elu droit, elit Koppen, n'est pas la puis- sance (Macht) sur l'objet elu droit, mais la faculté (Ermachtigung) accordée par la loi d'agir de telle ou telle façon. C'est pourquoi il peut exister des droits sans sujet, uniquement en vue d'un but. La fiction elu droit romain n'a jamais pour but de concilier avec le droit positif des principes construits a priori par la science; elle doit se restreindre au domaine du droit positif.

Nous ne nous attarderons pas à la critique de cette théorie du reste très-bien construite; elle trouvera sa réfutation dans l'exposé de nqs propres

(36)

- 31-

idées sur le droit et son sujet. Koppen déclare du reste que la personne juridique a acquis droit de·

cité et qu'il est impossible de la faire disparaître ; mais le juriste doit prendre garde d'oublier que la personne à laquelle il donne ce nom n'existe pas, et ne pas se laisser entraîner à baser des consé- quences pratiques sur une institution purement fictive.

Bekker et Windscheid présentent la théorie des droits sans sujet sous des aspects différents. Le premier (i) fait des droits sans sujet un patrimoine dépendant doué d'une existence propre (ein abhan- giges Sondergut) dont il trouve l'origine dans le pécule de l'esclave romain et dont il découvre un spécimen dans l'organisation de la caisse .du com-- merçant moderne en départements autonomes les uns vis-à-vis des autres et même vis-à-vis du com- merçant. Nous pensons que les patrimoines qui nous occupent n'ont que faire avec le péculium ou avec la tenue des livres du commerçant et que Bekker a confondu des domaines qui nous parais- sent n'avoir aucun rapport entr'eux.

Il nous reste à exposer les idées de Windscheid sur les droits sans sujet; cet exposé fera compren- dre que nous soyons emprunté pour lui donner sa véritable place dans ce que l'on pourrait appeler le labyrinthe des théories sur la personne juridique;.

(1) loco citato.

(37)

nous aurons égale1nent l'occasion d'accentuer ce que nous avons déjà dit sur l'incertitude dans laquelle le célèbre pandectiste paraît se trouver sur la véritable nature des droits en ques.tion et de leur

1

sujet.

Windscheid définit le droit subj-ectif « une puis-

·sance de volonté autorisée par le droit objectif» (1).

ll reconnaît cependant un inconvénient à cette défi-·

nition : le droit d'un individu correspond à une obli- gation de tous les autres individus à respecter son droit. Si A est propriétaire d'un immeuble, tout tiers qui entre dans cet immeuble porte atteinte aux droits de A alors même que celui-ci ne lui interdit pas l'entrée. Si le débiteur ne paie pas en temps voulu son créancier, il porte atteinte aux droits de celui- 'Ci, alots même qu'il n'aurait pas été requis de payer.

Il en résulte que la violation d'un droit et par con- séquent i'essence même de .ce droit est indépendant de la volonté de son sujet.

· Dans ses éditions antérieures Windscheid remé-..

~ .

diait à cet inconvénient en déclarant que la volonté qui dispose de la p~issance n'est pas la volonté en tant qu'organe naturel, mais la volonté exprimée, ou mieux le contenu concret d'une volonté. Il revient sur cette· explication dans sa sixiè1ne édi- tion ; empruntant à Thon (2) une conception diffé-

fL) « Recht ist eine von der Rechtsordnung verlieheue Willensmacht oder Willensherrschaft » Pand. § 37. S. 99.

e)

Thon. Recbtsnorm u. subjectives Recht, 1878.

(38)

- 3 3 -

rente du droit subjectif, il déclare que la volonté dont il est question dans la définition n'est pas cé.lle rlu sujet du droit, mais bien la volonté du droit objectif. Même si ce dernier emprunte le contenu de ~on ordre à la volonté d'une personne c'est cependant lui seul et non cette personne qui ordonne.

Il est vrai que cet ordre le ~droit objectif le met ensuite pour ainsi dire à la disposition de celui en faveur de qui elle le donne; la volonté de celui-ci est la cause de l'ordre donné par la loi : cette même volonté doit être également déterminante pour la position (Verhalten) que doivent prendre les tiers vis-à-vis d'elle. La volonté qui dispose de l'objet du droit est doi?-c tout d'abord celle du sujet auquel ce droit est reconnu; c'est à ce sujet que le droit objectif emprunte la volonté qui régira ce droit, volonté qu'il adopte et qu'il oppose à tout tiers.

Que le sujet du droit ignore dès lors que son droit est violé, qu'il soit violé même malgré la volonté du sujet, il n'y a plus de contradiction avec la définition du droit subjectif; la volonté qui dis- pose du droit étant celle du législateur, le droit reste bien cette puissance de volonté que nous trouvons dans la définition.

Il est un point qui saute aux yeux immédiatement dans cette théorie si ingénieuse du reste et qui doit empêcher dès l'abord son adoption : c'est l'anéan- tissement de l'élément subjectif dans le droit sub- jectif. La volonté à laquelle est soumis le droit

3

(39)

n'est plus celle du sujet mais celle du droit objectif;

sans doute Windscheid essaie d'atténuer la portée de ce fait en disant que le droit objectif emprunte en somme la volonté du sujet du droit, mais cette con- cession n'a pas d'utilité : si c'est le droit objectif qui «·veut», l'élément subjectif disparaît; si c'est le sujet., la difficulté entrevue par Windscheid subsiste (1 ).

La première solution que Windscheid avait don- née au problème nous paraît meilleure : la volonté qui a la puissance n'est pas la volonté à l'état poten- tiel mais une volonté extériorisée du sujet; son droit n'existe qu'au moment où il aura dit : « Je veux », et si ce droit est violé ce ne peut être que contrairement à sa volonté.

Du reste le fait de la possibilité de la violation d'un droit sans intervention directe de la volonté du sujet de ce droit, n'est pas à notre avis en con- tradiction avec le principe qui fait du droit une puissance de volonté; c'est un fait qui n'altère en rien la substance du droit, un fait purement négatif par rapport à l'existence de ce droit. Si la volonté du sujet de droit ne se manifeste pas activement

(2

) cc Diese Schwierigkeit liegt in der Thatsache dass der Bestand der dem Rechte entsprechenden Willensunterwor- fenheit und damit des Rechtes selbst, unabhangig ist vom realen Wollen des Berechtigten, von einer von ihm aus- gehenden Willensausserung >> (op. cit. § 37. Note 3).

(40)

_.;... 35 -

d'une façon continue, c'est qu'elle est secondée par le législateur qui est censé exprimer la volonté de ce sujet chaque fois que celui-ci n'en décidera pas autrement. Le législateur dira par exemple que tel acte constitue la violation de tel droit ; si le sujet du droit ignore l'acte la violation n'en existe pas moins, la volonté du législateur remplaçant celle du sujet en vertu d'une fiction juridique dont la valeur ne saurait être mise en doute (1).

Pour plus de brièveté dans l'exposé des consé- quences que Winscheid tire de sa définition du droit subjectif nous mettrons en regard de cette définition quelques-unes de ·ses affirmations sur les droits sans sujet, su1~ le sujet du droit .. et sur la .personne juridi.que. Il sera facile ainsi de constater 1ue nous ne nous trouvons pas en présence d'un système complet et conséquent dans toutes ses parties.

Le droit subjectif est la puissance d'une volonté par rapport à un certain objet (2).

Le sujet du droit est la personne dont la volonté est reconnue comme déterminante(3).

Nous avons déjà vu qu'en thèse générale Wind- scheid regarde l'homme comme seul sujet. de droit, qu'il reconnaît cependant l'existence de certains

(1) Voir l'opinion de Thon_, exposée par Windscheid eod. loco.

(2) Pand., p. 99.

(3) Op. cit. p. 132.

(41)

droits dont l'homme n'est pas le sujet (i) ; ·il fau- drait en conclure, semble-t-il, qu'il y a des droits sans sujet: c'est le seul moyen d'éviter une contra- diction entre le principe et le fait. L'homme seul est sujet de droit, il y a des droits dont l'homme n'est pas le sujet- donc il y a des droits sans sujet:

Ilnpossible de trouver un syllogisme plus simple et plus rigoureusement juste. Aussi ne pouvons-nous suivre Windscheid lorsqu'il déclare qu'il y a deux façons pour le jurisconsulte d'éviter la contra'Ïic- tion: l'une que nous venons d'indiquer, qui est la

plus simple; l'autre consiste à recourir à la fiction.

Les raisons qui nous font repousser cette dernière solution sont déjà connues. Quant à la première que doivent forcément adopter tous ceux qui ne reconnaissent que l'homme comme sujet de droit, nous la rejetons, parce que pour nous l'idée de droit est indissolublement liée à celle de volonté, c'est-à- dire de sujet. Si l'on nous donne l'exemple d'un droit, dont aucune volonté ne dispose; nous ad- mettrons qu'il y a des droits sans sujet; tant que nous verrons une volonté régir un droit, nous dirons que ce droit a un sujet qui est cette vo- lonté ou la personne dont elle est issue, ce qui revient au même. Une autre considération nous

(1) « Nun aber ist es eine Thatsache dass Reehte vorkom- men welche an einen Menschen als ihr Subjekt nicht ange- knüpft sind >> p. 132. '

(42)

- 3 7 -

empêche d'admettre l'existence de droits sans sujet;

ceux qui l'admettent, reconnaissent que chaque droit est dominé par une volonté, mais, dit Wind- scheid, cette volonté étant active non pour quelqu'un mais pour quelque chose, elle ne sera pas celle du sujet de droit, car ce ne sont pas les intérêts d'une personne que ce droit est appelé à servir(i). Ne re- tombons-nous pas ici dans la définition de Ihering?

Il est à remarquer en outre que là ou le droit a un sujet, ce sujet ne pourra pas être trouvé à l'aide de la définition indiquée plus haut; de plus cette définition ne sera plus rigoureusement juste, la vo- lonté y jouant le grand et l'unique rôle, alors qu'il y a des droits où ce rôle est absolument se- condaire.

Tandis que Windscheid admet sans aucune hési- tation l'existence de droits sans sujet dont il éprouve pourtant 'le besoin si vif de faire des per-

(i) Ist es hier des Rechtes Bestimmung '' einem unper- sonlichen Zweck zu dienen, oder aufbewahrt zu werden fiir einen Menschen dessen lnteressen sie künftig dienen sollen. »

cc Die Rechtsordnung hat den von ihr ertheilten Befehl Niemandem zu eigen gegeben. Allerdings muss auch in diesem Falle, wenn der Befehl nicht ohnmachtig bleiben soli, dafür gesorgt werden dass ein menschlicher Wille vorhanden sei welcher für ibn massgebend ist. Aber derjenige Mensch dessen Wille, als massgebend erkli:i.rt wird ... han- delt nicht für Etwen, soridern .für Etwas. )) Pand. p. 134.

(43)

sonnes· fictives, Brinz, Bolze (1), et d'autres ont de la peine à séparer l'idée de droit de celle de sujet.

Bolze qui, de 1nême que Brinz, rejette de toute façon la personne juridique qu'il enterre selon toutes les règles dans la dernière phrase de son livre (2) dit que ces prétendus droits de la fondation et de l'hé- rédité jacente ne sont pas en réalité des droits. Le droit objectif dispose comme s'il s'agissait de droits mais l'homme seul peut avoir des droits. Il en ré- sulte que les droits attribués aux corporations auraient pour sujet des personnes physiques et que ceux qu'on attribue à la fondation et à l'hérédité jacente n'existent pas en réalité. Nous avons eu de la peine à comprendre ce que Bolze veut mettre à la place de ces pseudo-droits. S'il n'y a pas des :droits il y a. autre chose et cette autre chose a un nom qu'on ne nous dit pas (3), à moins que nous ne nous contentions de cet «état de droit»

(Rechtszustand) dont parle ~olze. Si cet ordre de choses établi par la volonté fondatrice est menacé,

(1) Dr Albert Bolze. Der Begriff der juristischen Pet·son.

Stuttgart i8 79.

(2

) cc Die juristische Person aber kann man getrost zu den Todten legen. >> Op. cit. ult. p.

(3) Aber auf Seiten der Stiftung, . kann kein Eigen thun kein dingliches Recht, überhaupt kein Recht vorliegen denn die Stiftung kann keine. Rechte haben, Rechte konnen nur Menschen haben. Und die hier konkurrirenden Menschen haben die Rechte nicht ... )) p. 19!.

(44)

- 3 9 -

il peut être protégé sans qu'il existe ad hoc de véri- tables droits; il suffit qne le droit objectif ait imposé aux tiers vis à vis de la fondation des devoirs semblables à ceux auxquels ils sont tenus envers les membres de la communauté juridique, pour que l'état de ~choses créé par le fondateur, puisse être rétabli s'il a été troublé.

La théorie des droits sans sujet est incapable de nous donner la solution cherchée: le patrimoine de la fondation existe- aucun raisonnement ne prou- vera qu'il existe sans droit et tout droit est dominé par une volonté qui est son sujet.

§ 5. Théories de Zitelmann et de .Heusler.- Nous avons ainsi terminé l'examen des théories les plus connues sur les personnes juridiques: Sa- vigny, Ihering, Bohlau et Brinz en sont les prûlno- teurs et c'est autour d'eux que viennent se grouper les autres représentants de la science juridique allemande. Sans faire école, quelques-uns d'entre eux s'écartent sur certa,ins points des idées de leur chef de file, mais on nous pardonnera facilement de ne pas insister, d'autant plus que les diver- gences n'apparaissent que dans des questions sou- vent très-secondaires et disparaissent généralmnent à la suite d'un examen plus approfondi.

Il est cependant impossible de passer sous silence un nom moins classique peut-être que les précé- dents, mais dont le porteur semble avoir étudié .avec beaucoup de perspicacité le sujet que nous

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