FACULTÉ 1E MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1901- 1902 N° 106
DE
l/MNITl TMIIMSI
SU S -ËPITROCHLÉENNE
THÈSE rouit LE DOCTORAT EN IIEIHTINÈ
.présentée et soutenue publiquement le 30 Juillet 1902 '-"'Y
V
Pierre-Emile GRIEWANK
Ancien interne des Hôpitaux
Lauréat des Hôpitaux [Médaille de bronze, 1901)
Membre de la Société d'Anatomie et de Physiologie de Bordeaux Né àBordeaux(Gironde), le 26 février 1878.
Examinateurs de lu Thèse
MM. DEMONS, professeur... l'résiden'.
MASSE, professeur...
CKAVANNAZ, agrégé } Juye*.
BÉGOUIN, agrégé
Le Candidatrépondra auxquestions qui lui seront faites sur lesdiveises parties de l'Enseignementmédical.
>■-
BORDEAUX
IM PliIiMERlE Y. CADOUET 17 — rue poquel1n-molière 17
1902
FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE CORDEAUX
M. de NABI AS Doyen. | M. PITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MICE j
DUPUY [ Professeurshonoraires.
MOUSSOUS ]
Clinique interne.
MM.
PICOT.
PITRES.
ny . . (DEMONS.
Cliniqueexterne
J
LANELoNGUiPathologieetthérapeu¬
tiquegénérales VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire... MASSE.
Cliniqued'accouchements LEFOUR.
Anatomiepathologique COYNE.
Anatomie CANNIEU.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecinelégale MORACHE.
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Physique biologique et
électricitémédicale... BERGONIE.
Chimie BLAREZ.
Histoirenaturelle. GUILLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matièremédicale de NABIAS.
Médecineexpérimentale. FERRE.
Cliniqueophtalmologique BADAL.
Clinique des maladiescliirurgicales
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Clinique médicale des
maladies des enfants.
Chimiebiologique DENIGES.
P1ECHAUD.
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Physique pharmaceutique.
Pathologie exotique.
SIGALAS.
LEDANTEC.
AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interne etMédecinelégale).
MM.SABIIAZÈS.
Pathologieexterne
HOBBS.
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section de chirurgie et
MM. VILLAR.
CtlAVANNAZ.
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Accouchements MM.PIEUX.
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Anatomie.
section des sciences anatomiques et physiologiques
| MM. GEN'J ES,. I Physiologie MM. PACHON.
CAVALIE. Histoirenaturelle
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section des sciences physiques M. BENECH. I Pharmacie
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COURS COMPLEMENTAIRES
Clinique des maladies cutanéesetsyphilitiques.
Clinique des maladies des voies urinaires Maladiesdularynx, des oreillesetdune/.
Maladies mentales Pathologie externe Pathologieinterne Accouchements Physiologie Embryologie
Ophtalmologie .•
Hydrologieetminéralogie
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POUSSON.
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RÉGIS. ,
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PACHON.
PRINCETEAU.
LAGRANGE.
CARLES.
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août1ST9, la l'acuitéaarrêtéqueles opinions émises dans lesThèses qu
sont présentées doivent être considéréescomme propres à leursauteurs,et qu'elle n'entend leur
donner ni approbation ni improbation.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur DEMONS
Professeur de Clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Bordeaux, Officier dela Légion d'honneur.
Officier de l'Instruction publique,
Membrecorrespondant del'Académie de Médecine,
Membrecorrespondant de laSociété de chirurgie deParis,
AVANT-PROPOS
Arrivé au terme de nos études médicales, la reconnaissance
nous crée le devoir de remercier nos maîtres de la Faculté et des Hôpitaux.
A M. le Dr Dubourg, chez quinous avons débuté, nous adres¬
sons nos plus vifs remerclments pour l'intérêt qu'il nous a tou¬
jours témoigné.
Que M. le professeur Arnozan soit assuré de notre profonde gratitude pour la bienveillance avec laquelle il a dirigé nos
premiers pas dans sonservice.
Chez M. le professeur A. Moussous, nous avons passé une année féconde en leçons savantes etutiles. Nous avons appris à
aimer et àrespecter en lui le maîtrequine ménage ni sa peine,
nisascience pour lebien de ses malades et de ses élèves. Qu'il
soit bien assuré que nous lui gardons également reconnaissance
pour ses leçonset pour sa bienveillance !
Successivement externeetinterne de M.le professeur Démons,
nous n'oublierons pas que nous lui devons une grande part de
ce que nous savons. Il nous a accueilli avec amabilité. C'est chez lui que nous avons appris à examiner sérieusement nos
malades, à nejamais intervenirque dans leur intérêt et à agir promptement quand il le faut. Pour un si bon enseignement
que nous avons recueilli chez lui, nous le prions d'agréer nos
plus sincèresremerciments. Aujourd'hui qu'ilnous fait le très grand honneurd'accepter la présidence de notre thèse, il a un droit deplus ànotre reconnaissance.
C'est chez M. le professeur Démons, alors que nous étions
son externe, que nous eûmes
le plaisir de profiter des leçons
du regrettéprofesseur agrégé
Binaud. Nous garderons toujours
de lui le meilleur souvenir.
Que M. le Dr Verdelet, chirurgien
des hôpitaux, soit assuré
de notre parfaite reconnaissance pour
la sympathie bienveil¬
lante et l'amitié si sûre qu'il nous a toujours
largement témoi¬
gnées.
Nous n'oublierons pas de remercier
MM. les professeurs
agrégésSabrazès, Chavannaz,Bégouin, ainsi
queM. le Dr Rocaz
de l'intérêt qu'ilsnous ont toujours porté.
Enfin, nous n'oublierons pas notre
excellent ami le Dr Cru-
chet, chef de clinique médicale, qui nous a
toujours donné tant
de preuves d'amitié.
C'est
aveclui
que nous avonsappris,
sousforme de causeries, à préparer notre concours
d'Internat.
Nous lui en sommes très reconnaissant.
Enquittant l'Internat,nous
n'oublierons
pas nonplus
quenous y avons trouvé des amis sûrs, avec
lesquels
nousespérons
être toujours en rapport.
Atousnos maîtres, que nous ayons été
leur stagiaire, leur
externeouleurinterne,nous disons « Merci »et nousles
prions
de vouloir bien considérer nos remerciments non pas comme l'obligation d'un devoir, mais comme
l'expression la plus
sincère de nos sentiments.
H. G.
DE
'ADENITE TUBERCULEUSE 1-MTlCHLll
CHAPITRE PREMIER
Introduction. Historique.
Ayant eu l'occasion, au mois de janvier dernier, de me trou¬
ver avec M. le Dr Verdelet, appelé <\ l'aider pour une opération
d'uncas d'adénite tuberculeuse desgang-lions sus-épitrochléens,
il nous fît remarquer la rareté de cette localisation de la tuber¬
culose. Aussi avons-nous eu l'idée, sur son conseil, de prendre
cette affection comme sujet de notre thèse.
Cette adénite est, en effet, assez rare; mais, néanmoins, nous necroyons pas inutile de la signaler à l'attention, étant donné
lesopérations qu'onpeut être appelé à pratiquer dans ce cas et
les considérations intéressantes que cettequestionsemble soule¬
ver.
Labibliographie est à peu près muette à ce sujet. Si des au¬
teurs ont attiré l'attention sur cette affection dansla lèpre, dans
la syphilis, il n'en est pas question à propos de la tuberculose.
Dans les divers traités de chirurgie, celui de Forgue et Reclus,
enparticulier, il n'en est nullement fait mention.
0
Trousseau (1), dans une des cliniques, dit : « Il y a rarement hypertrophie des ganglions épitrochléens ».
En somme, dans aucun traité, nous ne trouvons une descrip¬
tion de cette adénopathie.
Quelques observations isolées, dans lesquelles l'attention est plus oumoins attirée sur cette lésion, sont les seuls documents
que la littérature médicale nous ait fournis.
C'est surtout dans les « Eludes sur la tuberculose, publiées
sons la direction de Verneuil », que nous trouvons rassemblées
les observations danslesquelles la présence et l'absence de cette
adénite sont soigneusement notées.
J. Strauss (2), dans son travail sur la transmissibilité de la
tuberculose par la vaccine, citeun cas de Tscherning (3)où cette adénopathie est notée.
Jeanselme (4) et Lejars (5) publientdans laRevuede
Verneuil
plusieurs observations intéressantes de ces cas. Lejars paraîtattacher une certaine importance à l'absence et à la présence
de cette adénite, toujours soigneusement notée, surtout dansun
cas de tuberculose inoculée par morsure d'unépileptique tuber¬
culeux.
Une nouvelle observation de Jeanselme, qui figure dans la
thèse de Cronier (G), en fait également mention.
Tous ces auteurs notent bien soigneusement ces faits,mais ne
paraissent pas y attacherunegrande importance.
Leloir (7) dans une de ses leçons, professée à l'hôpital Saint-
Sauveur de Lille, en 1888, publie une observation documentée,
dans laquelle il insiste sur l'adénopathie sus-épitrochléenne
(1) Trousseau,Cliniquesméclic., III,p.611.
(2) J. Strauss, De latransmiss. delà luberc.parlavaccine, 1890.
(3) Tscherning, Annalesdedermatologie,4nov.1885.
(4) Jeanselme, Inocul. tubercul.par morsure,in Revice de Verneuil, II, p. 530-
1892.
(5) Lejars, Essaissurla lymph. luberc., in Revue de Verneuil, III,p. 190, 1892.
(6) Cronier, Thèse de doct. Paris, 1889.
(7) Leloir, Le lupus vulgaireetle systèmelymph.,in Revue de Verneuil, II,p.551,
1892.
— 15 —
développée dans un cas de lupus. Il attire l'attention sur le ganglion hypertrophié « gros comme un œuf de pigeon », dit quelques mots sur la façon dont ila traité cette adéniteet mon¬
tre qu'il existe surtout adénite dans les cas où la peau est inté¬
ressée.
Nous trouvons une autre observation dans la thèse de Tardi- vel (1) où ilestquestion d'un employé d'une salle d'hôpital qui,
enlavantun parquet, se fait pénétrer un fragment de bois dans
la main.
Enfin, ces temps derniers, plusieurs observations intéressan¬
tes sont publiées où l'attention est alors plus particulièrement
attirée sur l'affection quinous occupe.
Nous citerons d'abordl'observation de M. le Dr Oraison(1894),
dans laquelle l'adénite sus-épitrochléenne est soigneusement
notée et traitée. Il a bien voulu nous la communiquer et nous l'en remercions.
Hassler(2) communique, le 23 mai1902,à la Société de méde¬
cine et de chirurgie de Bordeaux, l'observation d'un élève du service de santé qui s'inocule la tuberculose en pratiquant une
autopsie. Dans cette observation, l'attention est attirée sur la présence des ganglions épitrochléens, dont l'inflammation a nécessité une intervention chirurgicale.
Enfin, M. le Dr Verdelet (3) raconte, dans le Journal de méde¬
cine de Bordeaux, l'observation curieuse d'un malade qui eut
une adénite tuberculeuse sus-épitrochléenne primitive, volumi¬
neuse et quinécessita l'intervention chirurgicale. C'est l'histoire
de ce malade qui fait l'objet de notre observation VIII.
(1) Tardivel,thèse de doctorat, Paris, 1890-91.
(2) Hassler,Sociétéde médecine deBordeaux, 23mai 1902.
(3) Verdelet,Journ. de méd. deBordeaux, 15 juin 1902.
CHAPITRE II
Observations.
Observation I(résumée).
Tscherning,Ann.dedermatol., 4novembre1885.
Il s'agit d'une servantequi, s'étantpiquée au
doigt
avec undébris
duverre dans lequel crachait son maître notoirement
phtisique, fut
atteinte d'une sortede panarissans suppuration et troismois
après
d'engorgementdesganglions
sus-épitrochléens
etaxillaires. La nodo¬
sité dudoigt et les ganglions ayant été extirpés, l'examen
microsco¬
pique y révélala présence de follicules
tuberculeux
etde bacilles de
Koch.
Observation II (résumée).
Tardivel,thèse de doctorat,Paris, 1890.
C..., 49 ans,journalier, sans antécédents héréditaires ou person¬
nels, se piqueau mois deseptembre1882, dans lapaume de la
main,
entreletroisième etle quatrièmemétacarpien,en grattantle parquet
d'une salle d'hôpital. Au niveau de la plaie, on constate de larou¬
geur, de la tuméfaction, puis laprésence depus. La cicatrisation se
fait assezrapidement. Un an après, la plaie se rouvre sur le dos
de
la main où apparaissent des gommes avec quelques ganglions
axil¬
laires. Il existe plusieurs gommes sur l'avant-bras, ainsi qu'un gan¬
glion sus-épitrochléen dur et petit.
— 17 —
Observation III Jeanselme, loc.cit.
11s'agit d'une femme de 40 ans, marchande de chiffons, qui vient dans le courantde l'ann'ée 1889, à la consultation de M. Hallopeau,à l'hôpital Saint-Louis,pour se faire soigner d'une ulcération rebelle située surle dos de la phalangine de l'index gauche.
L'interrogatoire nous apprend que six mois auparavant, celte femme, aidantàmaintenirunépileptiqueen état de crise, fut mordue par lui àl'index gauche. Iln'yeutpasseulementuneimpression den¬
taire, car le derme fut entamé et laissa suinter un peu desang. Pen¬
dant les premiers jours, celte plaie tendait vers la cicatrisation, puis elle devintpresque stationnaireet ne se ferma jamais complè-
t-ement. Un mois après la morsure, la solution de continuité était ulcéreuse et, depuis lors, il y a toujours eu à ce niveau soit une
ulcération, soit une croûte.
Au moment oùla malade seprésente àla consultation,on observe
au siège de la morsure une ulcération irrégulière et superficielle,
située sur un nodule à base indurée et violacée, vrai tubercule àna- tomique ou chancre tuberculeux. Sur la face dorsale de lamain, il existe trois gommes fluctuantes du volume d'une noisette qui sont échelonnées en séries linéaires.
Il n'y a pasd'adénopathie dans le creux sus-claviculaire, mais les ganglions épitrochléens et axillairessont très engorgés.
Notre maladedit avoir beaucoup maigri depuis quelque temps : elle tousse, crache et l'examen permet d'affirmer l'existence de lésions tuberculeuses déjà avancéesauxdeux sommets. Cesaccidents n'ont débuté que quelquesmois après la morsure et l'apparition de
l'adénopathie. Cette malade donneun renseignementtrès important.
L'épileptique, par lequel elle a été mordue, était phtisiqueet serait
sur lepoint desuccomber.
Nous n'avons pas eu l'occasion de revoir cettefemme.
Griewank 2
— 18 -
Observation IV (résumée)
Leloir, loc. cit.
Ils'agitd'une petite fille de G ans, sans antécédents héréditaires
oupersonnels.
Il ya un an environ, survientsurle dosde la main gauche, entre
le médiuset l'annulaire, un petit bouton rougeâtre qui s'agrandit toujours. Il existe un placard légèrement papillomateux, grand
comme unepièce de 2 fr. Do ce placard, part un petit cordon lym¬
phatique gros comme une ficelle, à peine douloureux, lequel aboutit
àune gomme tuberculeuse, placée à la partie postérieure de l'avant-
brasgauche. Decette première gomme part un cordon lymphangi-
tique quiaboutit à une deuxième gomme.
Quelques semaines après, deux gommes apparaissent à la face
interne du bras gauche.
Le ganglion sus-épitrochléen est engorgé et gros comme un œuf
depigeon. Les ganglions axillaires commencent à se prendre.
Quelques jours après, on entendau sommet gauche quelques cra¬
quements, de l'expiration prolongée, soufflante et rude.
On traite les ulcérations au galvano-cautère eton fait des badi-
geonnages iodés sur les ganglionssus-épitrochléens et axillaires qui
disparaissentpeu à peu. Les phénomènes pulmonaires s'amendent
eten mai 1890 la guérison estcomplète.
Observation V (résumée)
Jeanselme, loc. cit.
Il s'agit d'un homme de 28 ans, qui entre à l'hôpital pourune pleurésie sèche ; en même temps, ilfaitremarquer au médecin qu'il
porte au dos dela main gauche une saillie du diamètre d'une pièce
de 1 fr. De nombreuxlupus sesontdéveloppéssur l'avant-brasgau¬
che. On sent rouler sous le doigt le ganglion situé au-dessus de l'épi trochlée.
— 19 —
Observation VI
IIassler, Soc. de méd. et dechirg. de Bordeaux, 23mai 1902.
Le 24juillet 1894, à l'hôpitalDesgenet.tes, mourait de tuberculose miliaire aiguë, un cavalier du 7° régiment de cuirassier. L'autopsie
futpratiquée par M. X..., élève àl'École du service de santé.
En procédantàl'ouverture du crâne, M... X... se blesse au niveau de la face palmaire de la phalangette du médius droit. M. X..., fit saigner la plaie, puis la lava sous un fort courant d'eau, puis à l'alcool, enfin au sublimé; il la recouvrit ensuite d'une couche de collodion. La cicatrisation parutse fairenormalement.
Le 5 août1894, M. X... ressentit une légère douleur au niveau de la plaie; la peau devint rouge et il se forma peu àpeu unepetite collection purulente qu'il incisa lui-même; il en sortit unegoutte de
pus bien lié. Pendant deux jours, la suppuration continua et, à ce
moment, M. X... s'aperçut que les deux ganglions épitrochléens correspondantscommençaient àaugmenterde volume et à s'indurer.
Rien dans l'aisselle. Dès que la suppuration fût tarie, il pratiqua lui-même un petit grattage. Du 20 août au 25 septembre, M. X...
vit encore se
développer une nouvelle collection purulente qu'il
ouvrit au moyen d'une épingle flambée. Nouveau grattage de la plaie et nouvelle cicatrisation.
Pendant cetemps, les ganglions épitrochléens ne subirent pas de changement notable; mais le 1er octobre, on découvrit sur laparoi
axillaire une zone sensible à la pression. Ces ganglions augmentè¬
rent de volume et furent traités par des résolutifs divers (teinture d'iode, onguent mercuriel, etc...). En même temps, on ordonnaitau malade un traitement général approprié.
Ce traitement n'eut aucun effet, et vers la deuxième moitié d'oc¬
tobre, M. X..., dont l'état général avait été toujours satisfaisant, commença à ressentir une certaine lassitude; la langue devint saburrale et l'appétit diminua. Le 4 novembre 1894, il entrait à
l'hôpital.
Etat actuel (6 novembre 1894) : Sur la face palmaire du médius de la main droite, il existe une zone blanc jaunâtre de la dimension
— 20 -
d'unpois. Cette surfacelaisse filtrerune
gouttelette de liquide séro-
purulent. Induration circumvoisine. Mouvements
de flexion de la
phalangette peu diminués.
Au niveau de l'épitrochlée, on sent deux ganglions indurés
qui
roulent sous le doigt etqui sontde la grosseurd'un noyaudeprune.
Ces ganglions sont complètement indolores.
Dans la région axillaire, il existe une tumeur du volume
d'un
œuf de dinde, qui remplit complètement le creux axillaire. Ace
niveau,la peau estrosée. La tumeur s'étend vers la paroi
thoraei-
que sousle grand pectoral. Au centre de cette tumeur,
il existe de
lafluctuation.
Pasde lymphangite, ni àl'avant-bras, ni au bras. Quelques
légè¬
res douleurspendant la nuit.
Intervention (7 novembre 189 i) : Anesthésie chloroformique.
1° Extirpationdu foyer morbide : Il existe une tumeur
constituée
par des fongosités qui s'étendent jusque sur la
gaine du tendon
longfléchisseur. La gaine tendineuse est excisée sur une
longueur
de 1 centimètre. Cautérisation au chlorure de zinc. Pansement iodoformé, sans faire de réunion.
2'1 Extirpation des deux ganglions sus-épitrochléens, indurés, non
caséeux : Lavage au sublimé. Suture. Pas de drainage.
3o Curage complet de l'aisselle: Les ganglions de cette région
for¬
mentunamas de sept ganglions ramollis dont deux se sont rompus pendant l'opération. Cautérisation au chlorure de zinc.
D'autres
ganglions existent en arrière, vers la paroi postérieure du creux
axillaire endedans vers la paroi thoracique. Tous ces ganglions,au
nombre de 16, sont extirpés. Drainage, pansement.
Les suites opératoires ont évolué normalement. Les plaies
épi-
trochléennes ont guéri par première intention etle 2 décembre
1891
le blessé reprend son service complètement guéri.Toutesles régions
opérées sont indolentes; les fonctions du médius sonttrès bien con¬
servées. Rien au poumon.
Le poids du malade, de 59 kil. le Ie1' octobre, tombé à 57,500
la
veille de l'opération, est remonté à60 kil. en trois mois.
Les cultures, l'inoculation et l'examen histologique ont démontré
qu'ils'agissait de tuberculose.
— 21 —
Observation VII (inédite).
Dueàl'obligeance de M. le Dr Oraison.
Le 5 mai 1894, en pratiquant la nécropsie d'un sujet mort tuber¬
culeux, je me fis une éraillure imperceptibleau niveau de l'indexde la main droiteavec une pointe deciseaux. Jen'y fisaucune attention spéciale etje me contentai de pratiquer un lavage assezprolongé à l'eau courante, puisau sublimé. 11 ne se produisit pas le moindre saignementpar la plaie. Le lendemain, le G mai, l'éraillure paraissait longue de cinq millimètres, entourée seulement d'une légère zone inflammatoire. J'appliquaiunsimplepansementbumide au sublimé.
Quatrejours après, le 10 mai, un petit abcès s'étaitcollecté, on l'ou¬
vritau bistouri et, cinqjours après, tout était rentré clans l'ordre, la guérison semblait complète et définitive. Tout alla bien pendantune
quinzaine de jours environ. Ce n'est que vers le 1er juin queje res¬
sentis seulementquelque légère douleur au coude. En même temps je me trouvaiun peuplus fatigué que cle coutume.
En examinant mon coude, je constatai la présence d'un ganglion épitrochléenlégèrementdouloureux, quiroulaitsous le doigt. Quatre jours après, ce même ganglion devenait gros comme une noix; les
douleurs étaient un peu plus vives et j'appliquai un pansement humide au sublimé. Six jours après, le 10 juin 1894, les douleurs
avaient disparu, et l'on ne retrouvait plus le ganglion épitrochléen.
Quinzejours plus tard (25 juin) apparaissait, sans aucune cause apparente, une mono-adénite axillaire douloureusequeje traitai par des pansements humides. Deux jours après, cette adénite augmenta
en même temps que s'allumait une fièvre légère. Je continuai les pansementshumides. Cette adénitene fit que progresser, si bien que le8juillet j'avais un volumineux adéno-phlegmon de l'aisselle, très douloureux. Cet adéno-phlegmon fut simplement incisé et lavé au sublimé. Applications de pansementshumides.
Dans les premiers jours d'août, la guérison était définitive et, depuis, elle s'est toujours maintenue. Je dois néanmoins signaler
quependant plusieurs mois je ressentis dans le bras unefaiblesse
et un endolorissement vague.
—- 22 —
L'examen du pus pratiqué par M. le Dr Faguet, alors chef de cli¬
nique de M. le professeur Lanelongue, a décelé laprésence de nom¬
breux bacilles de Koch.
Observation VIII (personnelle).
X..., âgé de 19 ans, étudiant en droit, vient à la consultation de
M. le D1'Verdelet, le 2janvier 1902; pour une petite tumeur occu¬
pantla partie interneetinférieure du bras.
Dans ses antécédentshéréditaires, on ne relève rien. Pas de tuber¬
culose dans sa famille, dont les membres sont actuellement en par¬
faite santé.
Dans ses antécédents personnels, on ne relève qu'un fait qui
mérite d'être signalé. Ayant voulu s'engager au mois de novembre
1901, il fut ajourné comme étant encore trop faible de constitution.
Sa santé a, d'ailleurs, toujours été excellente: il n'ajamais été sujet
auxbronchites, n'a jamais fait de maladies graves. Il n'a jamais eu de pleurésie, n'a pas eu la syphilis. Aucun antécédent alcoolique.
Le 2 janvier 1902, il vient consulter M. le Dr Verdelet pour une petite tumeur qui a apparu depuis trois semaines environ au bras
droit, dans la région épitrochléenne. Malgré un interrogatoire serré,
il n'est pas possible deretrouver la cause de cette grosseur. Il n'y a
pas eu de traumatisme, pas de plaie, ni d'excoriation quelconqueà
l'avant-bras, àla main ou aux doigts. Cette tumeur, grosse comme
une noisette, estparfaitement mobile et ne provoque d'autres symp¬
tômes qu'une légère douleur à la pression. Elle siège à la partie
antéro-interne et inférieure du bras, à deux centimètres environ au- dessus de l'épitrochlée. Elle est dure et ne paraît pas fluctuante.
Cette tumeurn'estautrechose qu'un ganglion épitrochlôen enflammé
et M. Verdelet portele diagnostic très probable d'adénite tubercu¬
leusesus-épitrochléenne. • • -
Le traitement consiste en l'application d'une pommaderésolutive
etd'un traitementgénéral approprié.
Danslesjours qui suivent, toutparaitdiminuer et devoir rentrer dans l'ordre. Encouragé par ce résultat, le malade renonce alors à
tout traitement etse livre à des excès de toute sorte.
— 53 —
Le 24janvier, le malade revient voir M. le D1' Verdelet. Son adé¬
nite a augmenté considérablement de volume et est devenue assez douloureuse.
Etat actuel(24 janvierJ902) : Lemalade paraîten excellentesanté.
A l'examen de la région, on constate une tumeur du volume d'un
œufde poule. Lapeau estnormale.
Al'apalpation, assezdouloureuse, on trouvela mobilitéperdue ou à peu près. Latumeur paraît fluctuante. Les mouvements de l'arti¬
culation du coude s'effectuent normalement. Dans l'aisselle du même côté, on trouve deuxpetits ganglions indoloresetmobiles.
Dans cesconditions, le diagnostic paraît de plus.en plus confirmé
et le seul traitement rationnel consiste dans l'extirpation de la tumeur, ce qui estaccepté.
L'examen del'appareil pleuro-pulmonairereste négatif.
Uintervention (2 février 1902) est faite par M. le Dr Verdelet.
Anesthésie chloroformique. Lapeau est incisée suivant le grand axe de la tumeur, c'est-à-dire de haut en bas. Le ganglion, adhérentaux
plans voisins, esténucléé. Tout estenlevé. Suture. Drainage.
Le ganglion incisé renferme un pusjaunâtre de mauvais aloi,par¬
semé de granulations. Les parois de la poche, sont rempliesde fongo-
sités demi-transparentes, offrant nettement l'aspect des tissus tuber¬
culeux.
20 février 1902 : La guérison s'est faite rapidement. En même temps, les petitsganglions axillaires ont disparu.
Juillet 1902 : La guérison s'est, depuis, maintenue complète àtous lespoints devue.
CHAPITRE III
Etiologie. — Pathogénie.
La tuberculose desganglions épitrochléens est donc prouvée;
il en existe des exemples dans lesquels l'examen bactériologi¬
que est fait et il ne nous est donc pas permis d'en douter. Cette tuberculose, comme nous pouvons nous en convaincre parles
observations que nous venons de citer, est presque toujours le
fait d'une inoculation par les doigts : nous y reviendrons tout à
l'heure. Mais il estune question qui nous intéresse au plus haut degré : pourquoiune plaie tuberculeuse des doigts, qui retentit
le plus souvent sur les ganglions axillaires, retentit-elle dans
certains cas sur les ganglions épitrochléens?
Laquestion est fort difficile à résoudre et ilest bien périlleux
de vouloir affirmer, d'une façon catégorique, d'après la simple
anatomie des lymphatiques de la région, la raison de cette
localisation tuberculeuse. Les canaux lymphatiques des doigts
sont extrêmement nombreux, souvent anastomosés entre eux,
communiquant danstous les sens et formant à la paume de la
mainune véritable nappe lymphatique.
Néanmoins, s'il n'estpaspermis de dégagerune règle absolue
enmatière de lymphangite et d'adénite, d'après la localisa¬
tion des traumatismes inoculateurs; il nous a toutefois semblé, d'après les observations d'inoculations par plaie septique des doigts, qu'il était peut-être possible de concilier dans ce cas la description anatomique des lymphatiques de la région avec les
faits qui se dégagent des observations que nous avons consul¬
tées.
Mais avantd'entreprendre ce sujet, il nous semble nécessaire
de donner une description sommaire des lymphatiques de la région.
De la volumineuse masse lymphatique qui entoure la main,
se dégagent trois troncs principaux qui gagnent l avant-bras : l'un, externe, ramenant la lymphe de la face palmaire des trois premiers doigts et de l'éminence thénar, qui va se jeter direc¬
tement dans les ganglions axillaires; l'autre, médian, vers
lequel convergent tous les lymphatiques de la paume de la
main etqui va vers les ganglions axillaires. Enfin le troisième, l'interne, est le point d'abouchement des canaux issus du qua¬
trième et du cinquième doigt, ainsi que du bord cubital de la
main etd'une grande partie de la face dorsale de la main. Ce
canal lymphatique est celui qui aboutit aux ganglions épitro-
chléens. De ces ganglions épitrochléens naît un gros tronc qui
va sejeter dans les ganglions axillaires.
Leganglion épitrochléen, lui-même, n'estpas constant. 11 n'est
pas toujours unique, il en existe quelquefois deux, trois et
Testut (1) prétend même en avoir trouvé quatre dans un cas.
Il semble donc, d'après les données anatomiques que nous
venons de rappeler, qu'il doityavoir adénite sus-épitrochléenne tuberculeuse,toutesles fois qu'une plaie tuberculeuse atteindra
les deux derniers doigts et la face dorsale de la main et des doigts. Voyons si laclinique est ici d'accord avec l'anatomie.
Dans notre observation 11, le malade se pique entre le troi¬
sième et le quatrième métacarpien; dans notre observation III,
le traumatisme atteint la face dorsale de la phalangine de
l'index gauche. C'est entre le médius et l'annulaire qu'a lieu
l'inoculationchezle malade qui fait l'objet, de l'observation IV.
Enfin, dans l'observationV, le dos de lamain gauche est le point
atteint.
Dans toutes ces observations, nous pouvons constater que tousles traumatisme! ont lieu très prèsdes deux derniers doigts
ou bien à la face dorsale de la main et des doigts.
Ce n'est que dans notre observation VI que la blessure porte
(1)Testut, Traité d'anat., I.
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au niveau de la face palmaire du médius et enfin, dans notre
observation VII, elle siège cà l'index.
De plus, dans les divers cas d'inoculations tuberculeuses par les doigts que nous avons trouvés (18 environ), dans 7 seule¬
ment il y avait des ganglions épitrochléens et ces cas sontceux où le traumatisme avait atteint les régions que nous venons
d'indiquer, saufun.
Dans les 11 autres, il s'agissait toujours de traumatismes ayant atteint l'index ou le pouce (face palmaire) oula paumede
la main.
En résumé, il semble que l'adénite sus-épitrochléenne tuber¬
culeuse, dans les cas d'inoculation> est particulièrement fréquente à mesure que l'on se rapproche du bord cubital de la
main et de sa face dorsale.
Nous venonsderépéter souventlemotinoculation,et,eneffet,
c'est une cause des plus fréquentes de cette localisation tuber¬
culeuse. A ce titre, nous pouvons dire que c'est pour ainsi dire
une maladie professionnelle. On trouve, en effet, ces accidents
chez les médecins, les étudiants, les infirmiers, les garçons
d'amphithéâtre, les garde-malades, etc., etc. Cette inoculation peut se produire de diverses façons : piqûres anatomiques, le plus souvent,morsuresd'individus tuberculeux, plaiesproduites
pardes débris de crachoirs, par des morceaux de bois dans les
salles d'hôpital.
Ap rès l'inoculation, nous trouvons les ulcérations tubercu¬
leuses sous toutes leurs formes : gommes, ostéites, etc..., qui
sont capables de produire la tuberculose des ganglions épi¬
trochléens. Nous appellerons particulièrement l'attention sur
l'importance des lésions cutanées en général et du lupus en
particulier.
Dans une de ses leçons, Leloir (1) nous dit : « Le lupus vulgaire est une tuberculose locale dont le virus résorbé, en
particulier par le système lymphatique, pourra, dans certains
cas, amener des complications de voisinage (lymphangites et
(1) Leloir, loc. cit.
adénopathies tuberculeuses). Ces altérations du système lym¬
phatique secondaires au lupus, sont d'une grande importance
et peuvent même provoquer des infections tuberculeuses plus généralisées (infection viscérale, pulmonaire) ». Notre observa¬
tion IV, empruntée à Leloir lui-même, est un exemple remar¬
quable de ces faits.
Enfin cette adénite tuberculeuse peut exister sans qu'aucune porte d'entrée, localement appréciable, puisse l'expliquer;
on la trouve alors chez toutes les formes de tuberculeux avec
des différences sur lesquelles nous insisterons plus loin. Il est
évident qu'elle est, comme les adénites cervicales et sous-
maxillaires, pour ainsi dire constantes chez les tuberculeux, le
fait d'une infection généralisée. Elle constitue alors un épiphé-
nomène de la polyadénopathie des tuberculeux. Dans ces cas,
elle est loin d'être rare.
Maisentouscas,le fait d'adénitessus épitrochléennes tubercu¬
leuses, présentant une marche pour ainsi dire aiguë, sans
aucune cause connue,est tout à fait exceptionnel. 11 est vraique beaucoup d'adénites tuberculeuses peuvent être considérées
« cliniquement comme primitives d'emblée » (1), et constituant
le premier pas de l'envahissement de l'économie par le bacille
de Koch. Mais si ces faits sont très fréquents pour les régions
cervicaleset sous-maxillaires, ce quiestexplicableparles lésions
des fossesnasales, comme l'ont montré Liaras (2), et plus tard
Dubreuilh (3), ils sont exceptionnels pour le ganglion qui nous
occupeen ce moment. L'observation du malade deVerdeletest,
à ce titre, une rareté et nous n'avons pu trouver aucune autre
observation d'adénite tuberculeuse sus-épitrochléenne présen¬
tant quelque analogie avec celle-là.
En résumé, nous ferons trois classes d'adénites tuberculeuses sus-épitrochléennes.
Dans la première, nous rangerons celles qui surviennent par
(1)Duplayet Reclus, Traité de chirurgie, I,p.7'27.
(2)Liaras,ThèsedeBordeaux, 1898.
(■3)Dubreuilh,Société d'anat. et dephys. de Bordeaux, mai 1902.