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LES MEDIAS COMME FACTEUR DE POUVOIRDANS LA POLITIQUE

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CONFERENCE DES PRESIDENTS

DES ASSEMBLEES PARLEMENTAIRES EUROPEENNES (La Haye, 24 et 25 juin 1994)

LES MEDIAS COMME FACTEUR DE POUVOIR DANS LA POLITIQUE

Rapport de M. Frank SWAELEN, Président du Sénat belge

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Sommaire

Introduction,

I. Les médias sont-ils effectivement un facteur d'influence politique ?

1. Disparition de la presse écrite d'opinion par suite de la commercialisation 2. Dans notre civilisation de l'image, la télévision, par son effet d'entraînement

sur les autres médias, conditionne indirectement l'actualité politique II. Leparlement doit-il se médiatiser ?

Le parlement est-il médiatique ?

1. Le secteur des médias entend surtout réaliser des bénéfices

2. En raison de la perte de pouvoir qu'il subit au profit des technostructures, le parlement intéresse moins les médias

3. Le produit d'information doit répondre à des exigences formelles de caractère commercial

III. Comment le parlement peut-il se médiatiser ? 1. Une forme moderne de publicité

2. Adaptation du style et de l'organisation des débats 3. Revalorisation du Parlement

IV Conclusion

V. Annexe : Evaluation d'une expérience d'enregistrement des débats en régie propre, réalisée au Sénat de Belgique

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Les médias, facteur d'influence politique

Quoique la politique et le parlement, les médias et l'opinion publique n'évoluent jamais indépendamment les uns des autres, le présent rapport se bornera à

envisager la politique telle qu'elle se pratique au parlement dans son interaction avec les médias. Cette délimitation du sujet correspond du reste au thème prin- cipal de la présente conférence.

Le thème principal de la conférence "La démocratie parlementaire est-elle menacée en Europe ?" sera en outre l'occasion rêvée, après avoir évoqué l'effet de conditionnement que les médias exercent sur l'ordre du jour parlementaire, de mettre en évidence une situation paradoxale dans laquelle on voit, d'un côté, le parlement qui devrait et entend promouvoir la publicité démocratique de son fonctionnement par le biais des médias et, de l'autre, les médias qui ne montrent guère d'intérêt pour ce qui se passe au parlement.

Ce resserrement du sujet n'aura toutefois pas pour conséquence de restreindre la portée de l'analyse, tant il est vrai que les autres institutions démocratiques et la politique en général sont en butte à la même indifférence des médias, encore que ce soit dans une mesure moindre que le parlement. Aussi est-on sans doute fondé à appliquer à la politique comme telle les moyens auxquels le parlement peut recourir pour relever les défis d'une société fortement médiatisée.

L'accent mis dans le présent rapport sur le rôle qu'ils tiennent dans le condi- tionnement de l'ordre du jour parlementaire n'exclut nullement que les médias influencent aussi la politique de manière directe. Seulement, cette influence est difficilement mesurable.

Une analyse de l'influence indirecte due au filtrage de l'information par les médias permet d'expliquer l'émergence plus importante encore, de la télécratie, grâce à laquelle de manière cynique et sans programme politique sérieux ni argument convaincant, un politicien d'un genre nouveau est en mesure de séduire le téléspectateur-électeur rien qu'avec des slogans et des techniques publicitaires.

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I. Les médias sont-ils un facteur d'influence politique ?

Traditionnellement, c'est surtout à la télévision que l'on attribue un grand pouvoir d'influence. Parce que certains programmes télévisuels inciteraient à la violence, la C.E. a pris une directive en la matière, des entreprises américaines de télévision et de télédistribution ont mis au point une technique permettant de rendre des émis- sions inaccessibles aux enfants et la CDU et le SPD allemands ont déposé con- jointement un projet de loi visant à protéger la jeunesse et à réduire la violence à la

télévision.

Par le biais des médias, le parlement et les hommes politiques espèrent informer ainsi qu'influencer les usagers des médias, autrement dit les électeurs. Toutefois, la science de la communication nuance quelque peu cet espoir. En effet, les opinions se forment surtout par les contacts personnels avec les leaders d'opinion ou les groupes de référence. En outre, le consommateur du produit médiatique préfère l'information qui justifie son choix politique, si bien que, dans le meilleur des cas, l'on ne touche que la masse flottante ou les hésitants.

Les médias ne constituent donc qu'un facteur d'influence politique direct limité, surtout depuis que la presse écrite d'opinion perd du terrain et il conviendrait de vérifier s'ils ne sont pas plutôt un facteur d'influence politique indirect, du fait que

ce sont eux qui conditionnent principalement l'actualité politique.

1. Disparition de la presse écrite d'opinion par suite de la commercialisation

Il arrive que les médias influencent directement la politique. Ainsi la presse écrite a-t-elle catalysé les aspirations du peuple espagnol pendant la période de transition vers la démocratie. La presse constitue souvent une source d'inspiration pour les questions parlementaires et révèle parfois des scandales politiques.

Cependant, les hommes politiques soulignent, à juste titre, que c'est à eux - et non pas aux journalistes - qu'il appartient de déterminer le débat politique. En effet, la responsabilité politique leur incombe, puisqu'ils ont été élus, même s'ils ne sont pas toujours à la hauteur de leur tâche.

Indépendamment de ce débat sur la responsabilité (ou l'irresponsabilité) des médias et leur influence sur la politique, la démocratie parlementaire est menacée par un danger plus grand encore. A la lumière des indices d'écoute et de lecture, les médias commercialisés et multinationaux filtrent les informations parlemen- taires, en se fondant, outre sur la valeur d'actualité, sur trois critères principaux la dramatisation, le divertissement et la personnification.

Parce que 60 à 70 % de ses recettes proviennent de la publicité, la presse écrite elle aussi a de plus en plus recours à des méthodes de la télévision telles que l'accentuation outrancière des scandales politiques. Et pourtant, on lit de moins en moins. C'est pourquoi, tant qu'elle dispose encore de suffisamment de capitaux, la

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presse écrite achète, par ailleurs, le droit d'entrée dans les stations de télévision commerciale.

Il ne reste à la presse écrite d'opinion et de qualité, que la marge étroite dans laquelle elle trouve sa justification économique (1). Malgré un tirage limité, elle conserve pourtant son importance, parce qu'elle est lue par les leaders d'opinion.

2. Dans notre civilisation de l'image, la télévision, par son effet d'entraînement sur les autres médias, conditionne indirectement l'actualité politique.

Le débat social n'est pas déterminé par les événements, mais par la manière dont ceux-ci sont relatés. Lire demande un effort plus important que subir les médias audiovisuels. Ainsi la télévision peut-elle façonner un monde selon son propre modèle : tout ce qui ne peut pas être traduit en images ne retient pas l'attention. Ted Turner de CNN aurait dit à ce propos : "Ce que nos caméras n'ont pas enregistré et diffusé n'a pas eu lieu. C'est pourquoi des enfants kurdes affamés exhibent des banderolles en langue anglaise afin d'exister, d'appartenir à la réalité et, dès lors, de bénéficier de secours. "

Un sujet qui s'accompagne de belles images ou d'images poignantes passera plus facilement à la télévision qu'un sujet dépourvu d'images (2). Les équipes de télévision ne peuvent cependant être partout à la fois. Dans le magazine néerlandais Elsevier, le Premier ministre belge Dehaene raconte que comme il attirait l'attention du président américain, en visite à Bruxelles, sur les atrocités qui se commettaient au Burundi, Clinton lui répondit laconiquement : "Je sais que ce pays connaît de graves problèmes, mais CNN ne les a pas encore évoqués." Les médias filtrent les informations et créent l'événement. Ce sont eux qui conditionnent l'actualité politique.

(1) En effet, l'information n'est pas devenue un droit de base; elle ne sert souvent que de soutien à la publicité.

Les rédactions ne sont plus guère intéressées par la politique. Ainsi, les trois journaux flamands de qualité ne représentent-ils que 13 % du tirage total de la presse écrite.

Le déclin de la presse politique autrichienne, qui, dans les années 50. représentait encore au minimum 50% du tirage national, n'est pas non plus un phénomène typiquement autrichien.

(2) Les sujets dépourvus d'images occupent de moins en moins de place dans les journaux télévisés de la chaîne publique flamande : partis de 30,7 % (en 1983) et passant par 10,6 % (en 1988). ils n'atteignent plus qu'à peine 4,4 % (en 1992) de l'ensemble des sujets. Source : -Den Haag Vandaag, de Wetstraat Morgen? Peter Goyvaerts, VUB. 1992.

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II. Le parlement doit-il se médiatiser ? Le parlement est-il médiatique ?

Un parlement démocratique ne peut pas s'isoler de la collectivité. Au contraire, il doit s'interroger constamment sur son propre rôle et son propre fonctionnement pour devenir plus efficace et remplir sa mission de manière plus rationnelle. Parallèlement, il doit veiller concrètement à se tenir au courant de l'évolution des méthodes de travail des médias, car sans eux, les hommes politiques et le parlement n'existeraient pas. Les médias sont, en effet, pour les hommes politiques, des instruments efficaces pour entretenir le contact avec leurs électeurs. Par ailleurs, le parlement est souvent l'unique institution politique au sein de laquelle les partis de l'opposition peuvent faire entendre leur voix (3).

Dans l'exercice de sa mission législative et de sa mission de contrôle, le parlement accomplit souvent un travail utile dont les médias ne peuvent pas toujours rendre directement témoignage. Autrement dit, le parlement ne doit pas chercher constamment à tout prix à capter l'attention des médias, mais cela n'empêche évidemment pas qu'il doive fonctionner démocratiquement et, partant, assurer la publicité de ses travaux. Pour ce faire, il doit mener une politique active de relations publiques, et, en outre et surtout, s'entourer des services des médias. Or, il apparaît que les médias, dont on s'est longtemps méfié et que l'on a longtemps tenus à l'écart pour cette raison en tant que

"quatrième pouvoir" incontrôlé, ne s'intéressent plus guère au parlement, alors que celui-ci poursuit, enfin, une plus grande transparence.

Ce paradoxe, qui trouve ses racines dans l'évolution historique, est dû, en grande partie, à l'attitude rigide du parlement, En effet, l'on a craint, après avoir accordé parcimonieusement le suffrage universel, de voir une presse de masse se livrer à des manipulations de grande échelle, dans une démocratie de masse.

Dès lors, l'on a tenu la presse de masse à l'écart, bien qu'élle ne fit preuve d'aucune agressivité et qu'elle visât à se vendre en tablant sur le plus grand commun diviseur que constituaient les nouvelles à sensations concernant des catastrophes, des scandales, des crimes et des guerres, qui nourrissaient les angoisses, les désirs latents et même le voyeurisme des lecteurs.

(3) L'enquête intitulée -Den Haag Vandaag, De Wetstraat Morgen" (Peter Goyvaerts, VUB 1992) a même révélé une progression relative des pourcentages des passages de personnalités de l'opposition dans le journal télévisé de l'émetteur public flamand BRTN : de 18.2% en 1982, il est passé à 32,3% en 1987 et à 35,6% en 1990.

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Pendant et après l'édification de I'Etat providence, divers groupes de pression sont parvenus à vider le pouvoir parlementaire de sa substance. Parallèlement, l'homme postmoderne s'est mis à ressentir les structures et les contenus politiques comme des réalités complexes et insaisissables, et à les éviter. Les médias, qui se sont totalement commercialisés, lui servent maintenant une information facilement digestible, sur simple demande. Alors que le discours politique s'affadit, le débat politique se déplace du parlement vers la télévision et le téléspectateur répond simplement par oui ou par non, aux questions posées, par un vote à distance, au moyen du téléphone. Dans la "médiacratie", les médias constituent la place publique par excellence et donnent rarement la parole au parlement (4).

C'est l'une des raisons de l'élargissement du fossé qui s'est creusé entre le Parle- ment et la population, laquelle se détourne des partis traditionnels et vote blanc, s'abstient de voter ou accorde sa voix à des partis protestataires ou anti- démocratiques (5),

Le parlement entend, pour contribuer à combler le fossé qui le sépare du citoyen, poursuivre une plus grande transparence par l'intermédiaire entre autres de fonctionnaires chargés de l'information et par l'organisation d'auditions publiques. Quant au gouvernement, qui a une même ambition, il s'entoure de médiateurs et organise - dans sept des dix pays du Conseil de l'Europe - des référendums, qui risquent toutefois de mettre les hommes politiques sur la touche.

Alors que le parlement a enfin décidé de promouvoir la transparence en ce qui le concerne, les médias s'intéressent à peine à lui. Le secteur gigantesque qu'ils constituent, et qui n'a plus rien d'artisanal, entend surtout réaliser des béné- fices. L'éventail d'opinions que l'on trouve dans la presse, et dont on s'est tou- jours beaucoup félicité, est étouffé par le marché de l'offre et de la demande.

Comme le parlement a, en outre, perdu beaucoup de son pouvoir au profit des technostructures, il est devenu moins passionnant pour les médias. Du reste, les événements parlementaires répondent rarement aux critères qui détermi- nent principalement si un fait politique est digne d'être rapporté : sa valeur d'actualité et son contenu dramatique, son pouvoir de divertissement et son degré de personnification.

(4) Les réponses au questionnaire révèlent de grandes discordances entre l'agenda des priorités parlementaires et celui des priorités médiatiques. L'on constate toutefois que la concordance s'améliore à mesure que le gouverne- ment 'dirige" mieux le parlement. L'on peut noter à cet égard, pour ce qui est de l'Angleterre, que la Chambre des communes britannique estime que l'agenda parlementaire et celui des médias concordent très largement. parce que la plupart des projets émanent du gouvernement.

(5) Il y a naturellement, pour ce qui est du comportement électoral, de grandes différences entre les Etats-membres du Conseil de l'Europe. En moyenne, la participation aux élections législatives est assez élevée (79 %), alors que seulement 1 pays sur 5 connaît le vote obligatoire. Cependant, le nombre des votes blancs et nuls augmente d'année en année et atteind déjà en moyenne 18 %. Bien que presque tous les répondants aient dit qu'il n'y avait pas (officiellement) dans leur pays de partis antidémocratiques, en Suisse, par exemple. la Votksaktion gegen Ausiânder in unserer Heimat (Action populaire contre les étrangers dans notre pays) n'est certainement pas un cas isolé en Europe. Les suffrages exprimés en faveur de partis extrémistes ou poujadistes sont effectivement, pour une grande part, des votes de protestation. Mais même sans ces votes, on enregistre dans plusieurs pays des pointes statistiques en ce qui concerne les électeurs n'usant pas utilement de leur droit de vote : 25 % en

Espagne. 28 % en Slovénie, 30 % en Finlande, et jusqu'à 35 % en France.

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1. Le secteur des médias entend surtout réaliser des bénéfices.

Selon le "Rapport sur l'éthique du journalisme" de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, pas moins de 40 % de tous les investissements dans le monde s'effectuent dans les techniques de l'information et dans l'industrie de la communication. Les médias se retrouvent inévitablement entre les mains de grandes concentrations financières et industrielles, qui visent avant tout à réaliser des bénéfices grâce aux recettes publicitaires. C'est ainsi que les indices d'écoute servant à fixer les tarifs publicitaires en viennent à mener une existence propre. Ils font périodiquement l'objet d'une classification que l'on double ensuite d'un tarif. Même les instituts publics d'émission s'y réfèrent pour leur programmation. Par l'effet d'entraînement qu'elle exerce sur les autres médias, la télévision leur transmet du reste cette obsession de l'audimat.

Pour rester concurrentiel, le journaliste doit souvent manquer à son devoir d'information. Son journalisme "d'investigation" se réduit alors à une chasse au sensationnel. Ce faisant, les journalistes sapent eux-mêmes les fondements de leur statut de "quatrième pouvoir". En tant que bien de consommation, l'information est sélectionnée par des rédactions de moins en moins au fait de la politique. S'il est rare qu'elles avantagent ou défavorisent encore des hommes politiques ou des partis, elles n'en diffusent pas pour autant une information plus objective. Au contraire, les rédactions a-politiques ne s'intéressent plus guère à la politique. Or, cette aversion pour la politique risque de se transmettre à l'opinion publique.

2. En raison de la perte de pouvoir qu'il subit au profit des technostructures, le parlement intéresse moins les médias.

Les considérations techniques dominent la prise de décision moderne. C'est la raison pour laquelle l'exécutif, pouvoir prédominant, est peuplé de techno- crates. Il est typique de constater à cet égard qu'en moyenne, 63 % de toutes les initiatives législatives émanent du gouvernement. Leurs chances d'aboutir se chiffrent en moyenne également à 78 % contre 39 % seulement pour les propo- sitions (6) déposées individuellement par des parlementaires, lesquelles mettent en outre souvent trois ou quatre fois plus de temps à devenir loi. Une relativisa- tion importante s'impose toutefois ici : même dans les pays où la prédominance du gouvernement passe pour être grande, le parlementaire peut jouer un rôle législatif très important en amendant les textes et en faisant reprendre ses pro- pres propositions de loi par le gouvernement.

(6) Des parlements où l'on enregistre à la fois une prépondérance gouvernementale marquée dans l'initiative législa- tive et une probabilité élevée de succès pour ces initiatives sont ceux de Grande-Bretagne (respectivement 80 et

100 %), de Croatie (respectivement 95 et 98 %), de Suède (respectivement 97 et 95 %) et de Chypre (respective- ment 80 et 95 %).

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C'est surtout en Europe occidentale que l'habitude de "pactiser" a gagné du terrain sous la forme d'importantes procédures parallèles de concertation et de décision ainsi que d'accords de gouvernement, fragiles et intangibles pour des raisons d'équilibre. De ce fait, le parlement risque de n'être plus qu'une machine à ratifier, où la discipline de groupe

l'e mporte sur la conviction individuelle du parlementaire.

3. Le produit d'information doit répondre à des exigences formelles de caractère commercial

Quand ils sont peu "médiagéniques", les événements parlementaires ne cadrent pas avec une culture médiatique dominée par le critère commer- cial. L'information "se fabrique" presque sur commande. Le média déter- mine et devient finalement aussi le message.

Outre le fait que les journalistes sont noyés sous le flot des informations, que le nombre des journalistes politiques ne cesse de diminuer, que la valeur d'actualité de l'événement (7), son intérêt pour le cadre de vie du consommateur du produit médiatique et son importance intrinsèque

(nombre des personnes impliquées, conséquences financières et environnementales,...) jouent un rôle, la question de savoir si un événement politique sera rapporté dépend surtout du degré de dramatisation, de divertissement et de personnification qu'il permettra d'atteindre.

Dramatisation

Un conflit est bien sùr riche en effets dramatiques, mais au sein d'un parlement, l'on doit nécessairement conclure de nombreux compromis.

Cela n'empêche pas certains hommes politiques de capter l'attention des médias, par exemple en s'accrochant à un événement spectaculaire.

Les médias se focalisent de plus en plus sur des faits mineurs (la fragmentation de l'information), ce qui engendre un excès de mots d'esprit, de slogans, d'anécdotes et de jeux de mots. Toute mise en perspective disparaît au profit de la mise en scène. Le débat dégénère en une caricature de débat. Pour les médias, la manière dont un événement peut être relaté est plus importante que l'événement proprement dit. Le journal télévisé classique (durée du message : 3 minutes) s'apparente de plus en plus à un spectacle d'actualités (durée du message : 1 minute 20 secondes).

(7) Le gouvernement "lance" la proposition de loi dans les médias avant qu'elle ne soit déposée au parle- ment. Ensuite, cette proposition devient une -vieille nouvelle".

(10)

L'on voit fatalement se développer une culture du résumé, lequel ne fournit qu'une image superficielle de faits et de situations qui ont des racines profondes (s). Les conflits sont traités comme des actualités, bien qu'on ne puisse les comprendre sans connaître le passé. Le flux d'informations fournis sans schéma contextuel dépasse l'entendement du consommateur d'informations médiatiques qui se décourage dès lors et qui "abandonne". La surabondance d'informations est devenue pour lui une nuisance. Nous assistons au développement d'une société duale dans laquelle un fossé des connaissances sépare ceux qui peuvent gérer l'information et le savoir de ceux qui subissent passivement l'information.

Divertissement

L'information est passionnante lorsqu'elle stimule l'imagination, lorsqu'elle sert à dénoncer, à révéler. L'inattendu et l'inhabituel portent en eux un potentiel dramatique. Voilà pourquoi la télévision veut donner plus de couleur au travail parlementaire gris. Si l'on veut couvrir un jour et demi de débats parlementaires en 30 secondes de reportage télévisé, l'on ne s'en tient souvent plus qu'à ce qui amuse, qu'à ce qui est insignifiant : le sein nu de "la Cicciolina" ou le parlementaire en culottes courtes (9).

Certains hommes politiques exploitent volontiers l'incident ainsi que le voyeurisme des médias. Ainsi chaque parti a-t-il ses enfants terribles, qui savent attirer (ou détourner ?) l'attention par des ruses et finesses, au moyen de pseudo-événements.

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Le comble de la superficialité est atteint dans les conversades télévisées qui sont des émissions télévisées d'"infodivertissement" auxquelles bon nombre de politiciens se prêtent volontiers, même si ce n'est que pour déverser un flot de paroles en réponse à des questions souvent démagogiques, parfois seulement pertinentes.

Il a même été dépassé à l'occasion d'une émission de la société de télévision néerlandaise RVU dans laquelle des hommes politiques locaux se sont livrés à des commentaires au sujet d'images vidéo les présentant en "flagrant délit de maladresse", après lesquels "leurs" électeurs avaient la faculté de les

"éliminer" par un vote.

Il n'y a pas de problème si leur conduite s'écarte trop de la norme. En la qualifiant d'anormale, les médias confirment la norme existante et les mauvaises nouvelles deviennent de bonnes nouvelles. En effet, grâce à des informations sensationnelles, les médias nous fournissent la possibilité de nous indigner au sujet d'actes repréhensibles qui ont été commis. Ils nous permettent aussi de goûter de sur- croit à l'interdit, sans que nous enfreignons nous-mêmes la moindre d'éprouver même le plaisir de l'indignation morale.

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Personnification (lo)

Les médias réduisent souvent la politique à des problèmes, des conflits et des rivalités d'ordre personnel. Pour le journaliste, la personnification est un moyen didactique de présenter simplement des problèmes complexes (11). L'attention se concentre alors sur la performance et sur la construction de l'image, ce qui engendre une scène politique peuplée de soi-disant chefs de file qui élèvent le bon mot et le gag au rang d'acte politique. Ils ne parlent pas au nom de leurs collègues, ni avec eux, mais s'adressent au grand public grâce aux médias.

Dans l'espoir que l'on ne pourra pas détourner le regard de leur personne, ils se lancent parfois dans des interventions interminables, débitent à grande vitesse un flot de paroles, gesticulent, profèrent de gros mots, provoquent, bref, ils adaptent leur vocabulaire, leur argumentation et leur ton, ont tendance à exagérer les effet théâtraux et suscitent volontiers des incidents médiatiques (12).

( 1 0) Les partis politiques exploitent les ressources de la personnification en plaçant des -visages connus" (sportifs, chanteurs, artistes, etc.) sur les listes électorales, reléguant ainsi le programme politique au second plan.

(11) C'est ainsi que la presse américaine se s'est pas interrogée sur la question de savoir si la guerre du Golfe persique était justifiée, mais sur celle de savoir si M. Bush parviendrait à convaincre les gens de son utilité.

(12) Chose constatée dans un parlement sur trois.

(12)

III. Comment le parlement peut-il se médiatiser ?

La politique suivie par un parlement en matière de médias est naturellement condi- tionnée en très grande partie par la culture politique dans laquelle il s'inscrit. L'Eu- rope du Nord reste à l'avant-garde pour ce qui est de l'ouverture de la culture politique, mais ailleurs aussi en Europe des parlements renoncent de plus en plus à une attitude de fermeture et de réserve qui fait que, nécessairement, les médias ignorent l'institution parlementaire. De plus en plus souvent, en effet, celle-ci prend en considération les critères de sélection des médias. Ici et là, on note d'intéressantes expériences d'ouverture aux médias. Le revirement opéré par le Sénat français et la Chambre des communes britannique est à cet égard exem- plaire (13).

On constate effectivement que la mercatique politique et la communication élector- ale s'utilisent toujours plus comme des techniques rationnelles. Les hommes poli- tiques, les partis, les institutions, les cabinets et les départements sont aidés par des spécialistes en relations publiques. Pour justifier leur raison d'être, ceux-ci attachent une importante excessive à l'apparence, au maintien et à la façon de s'exprimer.

Il y a pourtant une part de vérité dans cette exagération: à côté d'éléments rationnels, le processus de persuasion met aussi en oeuvre des éléments irra- tionnels. Sans cela, pourquoi les avocats d'assises conseilleraient-ils à leurs clients de revêtir leur plus beau costume classique, pourquoi les étudiants porteraient-ils une cravate aux examens ou pourquoi encore les chefs d'entreprises et les hommes politiques s'offriraient-ils des stages de formation, si coûteux, en communication ? Le socialiste britannique Neil Kinnock n'a-t-il pas affirmé : "I got to be Leader of the LabourParty by beinggood on televiston".

La forme et le style de l'activité parlementaire sont importants, mais l'essentiel demeure le contenu car, au-delà des mots bien ficelés, se pose inéluctablement la question des actes. Aussi, l'activité parlementaire doit-elle être adaptée, non pas à cause des médias, mais bien pour pouvoir travailler mieux et plus efficacement ainsi que pour regagner son importance et son intérêt.

(13) Entre 1974 et 1986, le Sénat français imposait à l'institut public d'émission de retransmettre ses débats. Quand celui-ci refusa finalement en raison de la concurrence des stations commerciales qui échappaient à ce 'handicap', le

Sénat changea radicalement de cap et inaugura une politique active en matière d'information.

Jusqu'il y a peu, la Chambre des communes témoignait d'une complète aversion à l'égard des médias. Depuis quelque temps toutefois, le Parlement britannique figure aux avant-postes d'une politique active de l'information, gràce nota- mment à sonParliamentary Channel.

(13)

Cet objectif se traduira par

une forme moderne de publicité, et donc la légitimation du rôle politique du parlement;

une adaptation du style et de l'organisation des débats, avec.notamment des interventions plus brèves, qui seront ainsi plus "pertinentes", à la satisfac- tion et pour la bonne compréhension de tous,

et surtout

- la mise en route d'une réflexion sur le rôle politique et la revalorisation du parlement.

1. Une forme moderne de publicité

En axant l'information sur un large public de manière à rendre la politique plus accessible et en recherchant une plus grande transparence à leur égard, les parlements se donnent les moyens de mieux mettre en lumière leur rôle et de le

"relégitimer" Les parlements ne peuvent toutefois pas négliger le public certes limité de personnes qui sont fort intéressées par une information politique détaillée et qui sont souvent celles qui forment l'opinion.

La plupart des parlements fournissent aux journalistes, qui leur sont accrédités, de bonnes, sinon d'excellentes conditions matérielles de travail, en mettant à leur disposition un local, un téléphone, un télécopieur, une photo- copieuse, un circuit de télévision interne, etc. (14). De plus en plus de parlements organisent, pendant leurs travaux, des contacts privilégiés entre les hommes politiques et les médias. C'est ainsi qu'aux Pays-Bas, des interviews peuvent être réalisées dans l'hémicycle des Etats-Généraux, au cours des suspensions, et qu'en France, le Sénat organise, un "quart d'heure des groupes", dans son hémicycle, juste avant le début de la séance, sous la direction d'un journaliste.

Comme tous les parlements autorisent la télévision à assister aux débats en assemblée plénière, deux parlements sur trois

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estiment qu'il est superflu d'organiser des réunions d'information de la presse à leur sujet.

( 14) Certains parlements (celui d'Allemagne, celui de France, celui d'Angleterre, ...) ont installé une ligne de télévision reliant directement leur hémicycle aux rédactions. Le Parlement européen met même, à la disposition des chaînes de télévision, des équipes tv "légères" pour la réalisation d'interviews, des studios d'enregistrement et des

studios de montage, ainsi qu'une voiture de reportage.

( 15) Ainsi, chaque séance plénière du parlement letton est suivie d'une réunion d'information de la presse d'une durée de 45 minutes, qui est retransmise intégralement à la télévision.

(14)

Bon nombre de parlements organisent des réunions avec la presse ( 16) et lui adressent des notes (17), pour lui fournir l'information nécessaire sur les activités des commissions ou certaines auditions ( 18) lesquelles sont, du reste,

souvent tenues à huis clos. Dans certains parlements, les médias sont autorisés à prendre des photos au début de ces réunions de commissions tenues à huis clos (19).

Avec l'accroissement de la technicité des problèmes, le centre de gravité du travail législatif s'est en effet déplacé de l'assemblée plénière vers les réunions de commission. Par ailleurs, les journalistes préfèrent les réunions de commission, parce que c'est au cours de celles-ci que les textes sont examinés en premier lieu et ils considèrent l'assemblée plénière comme un simple organe d'entérinement.

Si l'on veut donner la prépondérance à l'assemblée plénière, on peut se référer au système britannique dans lequel l'assemblée plénière discute, avant l'envoi même d'une proposition de loi à une commission, sur les principes en jeu et délimite le rayon d'action de cette commission.

Presque tous les parlements craignent les porte-parole. Les quelques parle- ments qui se sont dotés d'un porte-parole limitent sa mission à celle d'un fonc- tionnaire chargé de l'information ayant pour tâche de "déboucher" des canaux d'information et pouvant fournir des informations sur le fond (20).

Près de la moitié des parlements mettent eux-mêmes des enregistrements télévisés à la disposition des chaînes de télévision ou collaborent (in)directement à une rubrique parlementaire (21). Plusieurs parlements confectionnent même un télétexte 122) ou mettent à la disposition une boîte aux lettres électronique (23).

(16) Dans 6 parlements sur 10.

( 17) Dans 6 parlements sur 10. L'Assemblée fédérale suisse et le Sénat de Belgique, par exemple, limitent cette infor- mation aux résultats des votes, aux principales propositions et aux principales discussions, et ne disent rien ni sur les opinions ni sur les votes individuels exprimés au cours de réunions à huis clos de leurs commissions.

1 18) Dans 7 parlements sur 10, les réunions de commission sont presque toujours tenues à huis clos.

( 19) Par exemple au sein de la Chambre des représentants et du Sénat de Belgique et d'Italie.

(20) Par exemple aux Pays-Bas, en Allemagne, en Estonie, en Slovénie, au sein du Sénat d'Italie et de Belgique.

Le plus souvent, le président de l'assemblée et/ou les présidents de groupes sont les véritables porte-parole.

(21) Dans 8 pays sur 10, il existe l'une ou l'autre forme de programme parlementaire. L'on y diffuse, par exemple, des parties de débats ou l'on organise des débats en studio avec des parlementaires, en direct ou non.

Dans plusieurs pays existe une rubrique parlementaire, non pas toujours, telles que les lrubrique -Den Haag Vandaag" aux Pays-Bas et -Westminster Liue' en Grande-Bretagne.

Le Conseil de l'Europe offre même aux stations de télévision des vidéocassettes consacrés à l'actualité (10 fois 1 à 2 minutes en 1991) et des vidéocassettes à thèmes, et le Bundestag envisage de lancer un message publicitaire pour inciter les téléspectateurs à participer aux élections.

(22) Au Danemark et aux Pays-Bas, à l'Assemblée de M.E.O. et au Sénat italien.

(23) Le citoyen néerlandais peut consulter par la voie électronique, la banque de données relative aux lois de ses Etats-Généraux.

Le citoyen danois peut suivre les débats parlementaires grâce au téléphone.

(15)

Grâce aux larges possibilités de la télévision par câble et par satellite, l'on voit se dessiner une évolution dans le sens de l'apparition de chaînes spécifiques consacrées à la musique, à l'art, au sport, ou même à l'actualité parlementaire

(241

Tant pour ce qui est des enregistrements télévisés réalisés en régie propre que pour ce qui est de la télévision par câble, le parlement devrait se borner à fournir du matériel visuel non traité. Le métier du journalisme est une profes- sion en soi, qui doit pouvoir s'exercer en toute impartialité. Il n'est d'ailleurs pas souhaitable de multiplier les accords ou règlements de protection contre d'éven- tuels "abus" des médias. En effet, la pratique qui consiste à "guider" la presse est souvent ressentie, à juste titre, comme une tentative de la manipuler. Il est préférable d'entretenir un climat d'ouverture et de fournir au journaliste une information suffisante et correcte. En outre, le parlement ne doit pas attendre les questions du journaliste, il doit assurer l'information de sa propre initiative.

L'on peut éviter évidemment éviter, par un

gentlemen's agreement,

que l'atten- tion soit attirée en particulier sur des bancs vides ou des parlementaires som- meillant ou lisant. Mais interdire la diffusion de telles images en application d'un règlement reviendrait à appliquer une censure. L'on sait bien, du reste, que l'interdit exerce un véritable attrait sur les gens.

2. Adaptation du style et de l'organisation des débats

L'évaluation de l'expérience réalisée au Sénat de Belgique (voir l'annexe) montre que les hommes politiques emploient souvent un langage hermétique, se con- tentent de lire sèchement leurs textes, se préoccupent trop peu des exigences techniques ou vestimentaires que posent les médias et, surtout, organisent mal leur emploi du temps. Un autre style et une autre organisation des débats s'im- posent.

Ce n'est pas en récitant sur un ton monocorde des textes rédigés en style administratif que l'on peut éveiller l'intérêt des médias, mais par des interven- tions courtes et "pertinentes" (25). En se contentant moins souvent de lire des textes, l'on pourrait recréer d'ailleurs un véritable dialogue parlementaire, qui viendrait en lieu et place des monologues interminables qui n'ont d'autre utilité que de pouvoir être aisément actés dans des archives parlementaires rarement consultées.

(24) Aux Pays-Bas. deux millions d'abonnés au càble peuvent suivre la télévision parlementaire.

En Grande-Bretagne. lachaine "Parliamentary" fonctionne depuis 1992.

Depuis octobre 1993, l'Assemblée nationale émet sur le câble parisien : de 7 à 9 h 30, les débats de la soirée précédente; de 9 h 30 à 12 h et de 15 h à 19 h. des émissions en direct; de 13 à 15 h : des retransmissions en dif-

féré d'auditions et, le week-end, des rediffusions. Sans publicité lors du lancement, 52 % des abonnés au càble regardent une fois et 31 % plus de 5 fois. C'est un succès, si bien que l'on projette une extension à d'autres

réseaux câblés, des diffusions permanentes et donc enregistrées et une plus grande différenciation, l'information devant placer le débat dans son contexte.

(25) Le temps de parole est limité dans 6 parlements sur 10.

(16)

La présence de caméras de télévision dans l'hémicycle ne manque évidemment pas d'influencer les parlementaires. Elle favorise parfois des argumentations quelque peu démagogiques, elle avantage les orateurs doués, elle incite à accentuer les incidents, ... (26). Toutefois, les orateurs moins doués peuvent se soumettre à un entraînement à l'utilisation des médias, comme c'est l'usage dans le monde des affaires. Quelques parlements seulement

( 27)

recourent à cet entraînement, mais les chefs de file politiques et, surtout, les ministres s'y livrent (individuellement) d'autant plus.

Par ailleurs, le secrétaire général du Sénat français résume comme suit les bienfaits de ces adaptations aux exigences de l'ère médiatique :

"Ces retransmis- sions ont un effet bénéfique sur l'organisation des débats, en obligeant les parle- mentaires à s'adapter aux impératifs du temps médiatique. Sans tomber dans le :superficiel, inévitable lors des journaux télévisés, le débat télévisé a conduit à

organiser les discussions en imposant un temps limité par groupe - en général 10 minutes - qui permet de combiner information et concision, évitant les interven- tions fleuries qui lasseraient le téléspectateur et apprenant aux parlementaires à aller à l'essentiel. Cette vertu pédagogique de la télévision ne doit pas être sous- estimée. "

Si dans l'ensemble des parlements, les interpellations avaient lieu et les ques- tions étaient posées à des moments fixes, les médias pourraient facilementles traiter. En outre, en programmant les interpellations, les questions et d'autres points présentant un intérêt pour les médias, le matin ou en début d'après- midi, comme cela se fait au Bundestag, l'on permettrait à l'ensemble des médias de respecter plus facilement leurs délais de bouclage.

En outre, l'on peut décharger l'assemblée en renvoyant les questions et les interpellations trop spécifiques aux commissions, lesquelles devraient alors se réunir publiquement, du moins pour la partie de leur ordre du jour qui les con- cerne (28).

En pratique, le nombre d'orateurs n'est pas assez limité

( 29)

et l'horaire prévu est trop peu suivi. L'introduction de la règle des dix minutes en séance publique permettrait de clarifier les débats tant pour les médias que pour les parlementaires eux-mêmes. Selon cette règle, les groupes politiques doivent esquisser, en l'espace de dix minutes, les grandes lignes du propos qu'ils développeront ultérieurement.

(26) A ce propos. il est frappant que la plupart des parlements estiment que la présence de caméras de télévision a une incidence sur le comportement des gens, le style des débats, ainsi que sur le contenu et la durée de ceux-ci.

Au Bundestag l'on a relevé une augmentation dans les interventions des éléments touchant à la -grande poli- tique"; au parlement finnois, l'on constate que les interventions sont plus nombreuses, plus longues et mieux préparées; et, au Bundesrat allemand, l'on a enregistré une augmentation des orateurs. Le secrétaire général du Sénat français note une Influence bénéfique sur la teneur des débats. Inversément, l'Assemblée nationale française a constaté un phénomène de théàtralisation lors de la retransmission des -Questions au Gouverne- ment" sur FR3. Pour remédier à cet inconvénient, la durée totale de la séance et le temps de parole individuel ont été réduits depuis avril 1993.

(27) Estonie, Suède, Finlande et Slovénie.

(28) A la Chambre des représentants de Belgique, une commission centrale traite la plupart des débats et nombre d'interpellations se tiennent au cours des séances publiques de commission.

(29) A cet égard, le Bundestag et le Bundesrat allemands ainsi que l'Assemblée nationale française sont d'heureuses exceptions, le temps de parole y étant parfois adapté lorsque la télévision est présente.

(17)

3. La revalorisation du parlement

Le parlement peut se revaloriser en se bornant à arrêter les grandes lignes de force, la législation de base, et en laissant ensuite le soin au pouvoir exécutif d'intervenir pour accomplir la mission qui est la sienne et, dans laquelle il excelle : développer ces lois dans leurs détails et les appliquer.

"L'essentiel des discussions doit davantage être consacré à exposer les motifs d'un texte, à sa philosophie et à ses conséquences d'application, qu'à s'épuiser à discuter le 120e

amendement technique d'un texte dans cette matière. Le diable est dans les détails, comme le dit la sagesse populaire allemande, et une lecture par le menu, sans intérêt pour l'opinion publique, menace la perception globale de la loi. Les discussions gagneraient à être centrées sur l'essentiel et les discours des parlementaires pourraient ainsi longuement être repris par les médias pour faciliter la compréhension des textes qui seront ensuite appliqués aux citoyens. Le

rôle des tribunes (du Parlement) serait ainsi réhabilité." (Jean-Marie Cotteret dans

`Gouverner, c'est paraître').

(18)

IV. Conclusion

La survie de la démocratie parlementaire repose entre ses propres mains.

Le parlement doit avoir la ferme volonté, non seulement de travailler de manière moderne et efficace, mais aussi de le faire savoir à la population au travers d'une culture de l'information caractérisée par l'ouverture. Pour ce faire, dans une société marquée par les médias, le parlement doit tenir compte du fonction- nement de ceux-ci et de leurs critères de sélection, et ce, surtout parce qu'une telle prise en compte influence positivement l'activité parlementaire proprement dite.

Même s'ils y disposent de bons équipements et que les débats y sont passion- nants, même s'ils bénéficient d'une information active, les médias ne s'intéres- seront au parlement que si celui-ci a une importance réelle. C'est pourquoi, le parlement doit laisser au gouvernement, qui est techniquement mieux armé, le soin d'élaborer les lois dans leurs détails. A côté de l'exercice de sa mission de contrôle, le parlement doit, lui, se contenter de définir les grandes lignes de la législation, ce qui implique presque toujours des choix idéologiques importants.

Alors seulement le parlement sera suffisamment fort pour remplir comme il convient sa mission démocratique et pour déterminer effectivement le contenu de l'actualité politique, et alors seulement il méritera véritablement l'attention

des médias.

(19)

Annexe

V. Evaluation d'une expérience d'enregistrement des débats en régie propre réalisée au - Sénat de Belgique

En optant pour une table compacte de montage mobile à la carte et en renon- çant à un car de reportage onéreux et pourvu d'options inutiles pour lui, le Sénat de Belgique a mis au point, en concertation tant avec des spécialistes externes de l'information qu'avec des utilisateurs potentiels d'images télévisées, un système relativement peu coûteux (209.000 FB par débat)

trois caméras enregistraient le débat;

dès 14 h, les stations de télévision pouvaient demander, à un assistant de production, leur sélection d'images sur cassettes Betacam;

dès 14 h, les journalistes disposaient, pendant trente minutes, d'une caméra mobile et d'un caméraman pour compléter leurs images par des interviews de sénateurs;

toutes les stations de télévision - même celles absentes - recevaient une liste des orateurs avec le sujet et l'heure de l'intervention (une note de tournage), qui leur permettait de demander ultérieurement les images correspondantes;

vers 16 h, un journaliste indépendant montait, à l'intention des quatre sta- tions de télévision, une cassette d'une durée de quinze minutes reproduisant les moments forts du débat.

Au total, huit débats ont ainsi été enregistrés, portant sur les sujets suivants le traité de Maastricht, le sommet d'Edinbourgh, l'accord de Schengen, la réforme de la sécurité sociale (2 x), l'inscription du référendum et la recon- naissance de la laïcité dans la Constitution, et enfin la réforme de l'Etat.

Bien que la période d'essai fût brève et que les possibilités offertes fussent inha- bituelles, quelques conclusions provisoires ont été tirées de cette expérience:

1. Les cassettes de quinze minutes comprenant une compilation des moments forts ont été quasiment les seules à être utilisées, sans doute parce qu'elles étaient succinctes et faciles à cribler.

2. Les débats sur la sécurité sociale et le référendum ont passé à la télévision.

L'organisation de ces débats avait fait l'objet d'une adaptation : le matin, chaque groupe politique esquissait pendant dix minutes les lignes de force de l'intervention qu'il allait faire l'après-midi. Cet arrangement donnait à la télévision, mais aussi à la radio et à la presse écrite, le temps de réaliser un compte-rendu compréhensible avant la clôture de rédaction. De plus, outre leur valeur parlementaire, ces sujets avaient également une valeur

d'actualités télévisées : la sécurité sociale touche tout le monde et le

référendum fait depuis longtemps l'objet d'une controverse en Belgique. Bien

que le débat en fût devenu plus compréhensible pour les sénateurs eux-

mêmes, certains d'entre eux manifestèrent néanmoins une vive opposition,

(20)

arguant qu'un discours de qualité doit être long et que le Sénat n'avait pas à se plier aux impératifs de la télévision.

3. Ces débats sont arrivés sur un marché particulièrement concurrentiel (par exemple en même temps que les élections présidentielles aux Etats-Unis, une rencontre de football au sommet, des catastrophes, ...).

4. Même si le moment avait été mieux choisi, le Sénat ne devait pas espérer sus- citer un vif intérêt de la part des téléspectateurs. En effet, les autres débats étaient trop longs et celui concernant le traité de Maastricht, par exemple, ne remplissait pas les trois conditions pour faire l'objet d'un compte rendu télévisé détaillé

1) trop peu de dramatisation (le même jour, des débats plus animés avaient lieu à la Chambre des communes);

2) trop peu de divertissement (le même jour, il y avait des élections présiden- tielles moins prévisibles aux Etats-Unis);

3) trop peu de personnification (le même jour, il y avait un portrait de l'an- cien Premier ministre Wilfried Martens sur RTL-TVi).

En raison de leur rentabilité peu élevée et de la réduction de la marge financière plus étroite, les enregistrements en régie propre ont été provisoirement arrêtés.

Le Sénat considère que la télévision viendra spontanément lorsqu'un débat l'intéressera. Quoi qu'il en soit, l'on a jugé souhaitable qu'à l'avenir

1. les débats à enregistrer soient choisis en concertation avec les rédactions des journaux télévisés;

2. l'on tente de maintenir l'organisation adaptée de débats (dix minutes par ténor d'un groupe politique). D'autres parlements appliquent d'ailleurs la même technique.

N.B. : En 1992-1993, la Chambre des représentants de Belgique a offert aux

quatre stations de télévision les enregistrements des débats du jeudi

après-midi (heure des questions et explications de vote). Cette expérience

fut arrêtée au bout d'un an, la BRTN (la télévision publique néerlando-

phone) ayant été la seule à les utiliser.

(21)

S ENAT

"La démocratie parlementaire en Europe est-elle menacée ?"

Les médias en tant que facteur d'influence en politique

Politique d'information du Parlement

1. Les enregistrements télévisés de débats en séance plénière sont-ils autorisés (modalités telles que règlement ou conventions) ?

2. Les enregistrements télévisés de réunions de commission sont-ils autorisés (modalités telles que règlement ou conventions) ?

3. Les enregistrements télévisés d'auditions ("hearings") sont-ils autorisés (modalités telles que règlement ou conventions) ?

4. Les interviews sont-elles autorisées lors de séances plénières ? 5. Les interviews sont-elles autorisées lors de séances de commission ?

6. Des briefings à l'intention des médias sont-ils organisés à l'issue de réunions plénières ? 7. Des briefings à l'intention des médias sont-ils organisés à l'issue des réunions de

commission ?

8. Des communiqués de presse sont-ils envoyés, contenant des informations relatives aux réunions plénières ?

9. Des communiqués de presse sont-ils envoyés, contenant des informations relatives aux réunions de commission ?

10. De quels autres moyens dispose-t-on pour aider les médias dans leur tâche ? 11. Les Membres bénéficient-ils d'un entraînement-médias ?

12. Y a-t-il un porte-parole officiel du Parlement ?

13. Le Parlement achète-t-il du temps d'antenne à la radio ? 14. Le Parlement achète-t-il du temps d'antenne à la télévion ? 15. Le Parlement achète-t-il de l'espace dans la presse écrite ?

16. Le Parlement réalise-t-il des enregistrements télévisés propres (ou en régie) Organisation des débats au Parlement

17. Les interpellations ou les questions ont-elles lieu à des moments bien précis ?

18. Le nombre d'orateurs en séance plénière est-il limité (par groupe politique, orateurs mandatés,...)?

19. Le temps de parole en séance plénière est-il limité ?

20. Le nombre des orateurs ou le temps de parole dépendent-elles de la présence de caméras ? 21. Les Membres peuvent-ils limiter leur intervention à la seule lecture d'un texte ?

22. L'enregistrement télévisé influence-t-il la durée des débats, le choix des paroles, l'argumentation ou le ton ?

(22)

Relations entre Pouvoirs Exécutif et Législatif

23. Quel est le pourcentage d'initiatives législatives émanant du Gouvernement ? 24. Quel est le pourcentage d'initiatives législatives émanant du Parlement ?

25. Quel est le pourcentage d'aboutissement des initiatives émanant du Gouvernement 26. Quel est le pourcentage d'aboutissement des initiatives émanant du Parlement ?

27. Les Ministres peuvent-ils être amenés par le Parlement à se remettre à la tâche sans que le gouvernement soit menacé ?

Médias

28. Le Parlement finance-t-il des émissions télévisées ou des émissions radio 29. Le Gouvernement finance-t-il des émissions télévisées ou des émissions radio ? 30. Les partis politiques financent-ils des émissions télévisées ou des émissions radio ? 31. La télévision émet-elle une rubrique parlementaire ?

32. S'agit-il d'une rubrique séparée ou bien les nouvelles parlementaires sont-elles reprises dans le journal télévisé ?

33. Ces émissions ont-elles lieu en direct ?

34. Quelle est la périodicité d'émission de la rubrique parlementaire ?

35. Pensez-vous que les médias influencent la politique ? Pouvez-vous citer quelques exemples 36. Avez-vous l'impression que les priorités fixées par l'agenda parlementaire correspondent à

celles de l'agenda médiatique ? Politique

37. La participation au vote, lors des élections parlementaires, est-elle obligatoire dans votre pays ?

38. Quel est le pourcentage de votes blancs, d'abstentions de vote, de votes de protestation, de votes pour des partis antidémocratiques ?

39. Les référendums législatifs sont-ils prévus dans votre pays ?

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