• Aucun résultat trouvé

Information et consentement éclairé des patients en orthopédie : mission (im)possible ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Information et consentement éclairé des patients en orthopédie : mission (im)possible ?"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

D. Suva G. Haller P. Hoffmeyer

introduction

Depuis l’Antiquité, les relations entre patients et médecins ont été dominées par le principe hippocratique de bienfaisance, selon lequel le médecin considère en premier lieu le bien et l’intérêt du malade.1 Il en résulte une certaine «autorité morale»

du médecin, qui a le droit de taire certaines informations qu’il juge potentiellement délétères pour son patient. Ce modèle traditionnel a été bousculé récemment 2 par le principe d’au- tonomie, issu de l’Association médicale américaine (1847) et des principes du code de Nuremberg (1947) encadrant la recherche médicale.

L’autonomie du patient signifie que ce dernier agit de manière volontaire et in- dépendante, sans contrainte extérieure.3 La conséquence directe de ce principe est le consentement préalable libre et éclairé du patient à tout acte médical ou chirurgical.

Néanmoins, il ne peut y avoir de consentement libre et éclairé sans information complète et objective de la part du médecin. Ces principes sont inscrits dans la loi fédérale suisse sous forme d’arrêtés reconnaissant le devoir du médecin d’in- former son patient quant à son diagnostic et au traitement proposé. Il est de son devoir d’en spécifier les modalités, les bénéfices et les inconvénients. (ATF 105 II 279). Le médecin doit également informer son malade des traitements alternatifs disponibles (ATF 108 II 59) ainsi que des coûts (ATF 114 Ia 350), notamment la quote-part de l’assurance obligatoire des soins (ATF 119 II 456). En cas de litige, c’est au médecin de faire la preuve qu’il a correctement informé son patient.

En chirurgie comme en médecine, les patients doivent donc être informés des risques et bénéfices liés à l’intervention qu’ils vont subir, afin de prendre une dé- cision éclairée.4 Traditionnellement, le chirurgien informe son patient par oral, lors de la consultation préopératoire. La littérature montre toutefois qu’il existe une grande variabilité en ce qui concerne le type et le contenu de l’information don- née aux patients.5 Par ailleurs, la compréhension de l’information par le patient varie significativement selon le niveau d’éducation, les aspects linguistiques et culturels, l’âge, l’émotivité ainsi que les circonstances dans lesquelles l’information est donnée.6,7 La perspective de se faire opérer, la peur de souffrir ou de mourir, et l’idée de devoir rester à l’hôpital peuvent engendrer stress et anxiété.8-11 Toutefois, Patient information and informed consent

in orthopaedic surgery : is it possible ? Informed consent of the patient is a prere- quisite for all surgical intervention. However, there is no consensus as to the quantity, manner and type of information that must be transmitted to the patient before an opera- tion. Traditionally the patient receives informa- tion orally, but it is estimated that half of the information given by the physician is forgotten after 6 weeks. More and more complementary written documents have been proposed, but often they are beyond the understanding of the patient. Thus, other approaches are ne- cessary. The models of communication that favor the partnership offer the best compro- mise between the principles of patient auto- nomy and that which benefits the treatment, allowing the patient to make the best decision.

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 2475-7

Le consentement éclairé du patient est le prérequis à toute in­

tervention chirurgicale. Toutefois, il n’existe aucun consensus quant à la quantité, mode, et type d’information qui doit être transmise aux patients avant une opération. Traditionnellement, le patient est informé oralement, mais on estime que la moitié des informations transmises par le médecin est oubliée après six semaines. De plus en plus, des documents écrits sont pro­

posés en complément, mais ils sont souvent incompréhensi bles pour le malade. Aussi d’autres approches se révèlent nécessai­

res. Les modèles de communication favorisant le partenariat offrent le meilleur compromis entre les principes d’autonomie du patient et celui de bienfaisance du soignant et permettent d’accompagner le patient dans sa prise de décision.

Information et consentement éclairé des patients en orthopédie : mission (im)possible ?

le point sur…

Dr Domizio Suva Pr Pierre Hoffmeyer

Service de chirurgie orthopédique Dr Guy Haller

Service d’anesthésie et des soins intensifs

HUG, 1211 Genève 14 domizio.suva@hcuge.ch pierre.hoffmeyer@hcuge.ch guy.haller@hcuge.ch

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

21 décembre 2011

2475

11_13_35959.indd 1 15.12.11 09:10

(2)

ce stress préopératoire n’est que rarement abordé durant la consultation, puisqu’on estime qu’à peine un à deux pour cent du temps de la discussion est consacré à ce thème.12

En raison du temps limité à disposition, l’information véhiculée est dense et prend souvent la forme d’un cours

«ex-cathedra» centré sur la pathologie et son traitement.

Malheureusement, dans ce type d’entretien «biomédical»,13 le patient a peu d’occasions pour s’exprimer et poser des questions.14,15 De plus, à l’issue de la consultation, la mé- morisation des informations par les malades est limitée et sélective : seulement 25 à 60% des données sont retenues après une semaine, 40 à 50% après six semaines, 10 à 30%

après six mois, et les bénéfices attendus sont davantage mémorisés que les risques encourus. En définitive, il n’existe à ce jour aucun consensus quant à la quantité d’informations qui doit être donnée au patient, et on ignore quelle est la meilleure manière d’assurer un consentement réellement éclairé du patient avant une intervention chirurgicale.16

Afin d’améliorer l’information des patients, plusieurs éta- blissements hospitaliers ont rédigé des documents écrits, en complément de l’information orale réalisée par le chi rur- gien. Ces documents garantissent qu’une information per- tinente a été diffusée aux patients, et servent de preuve que le patient a été informé en cas de litige.17 Toutefois, même si des documents écrits constituent une preuve «ju- ridique», leur utilité réelle à un consen tement éclairé du patient est de plus en plus remise en question.18 Christo- pher et coll.19 ont analysé la compréhension de 154 formu- laires d’information, utilisés dans des études cliniques, et rapportent qu’environ 35% des adultes n’ont pas des con- naissances suffisantes leur permettant de comprendre le contenu des documents. De plus, la majorité des formu- laires d’information sont incompréhensibles car les docu- ments comportent trop de détails ou sont rédigés dans un langage trop scientifique.5 Enfin, dans plus de la moitié des cas, la présentation des bénéfices et risques est sub- jective, les effets positifs étant généralement exagérés par rapport aux effets secondaires potentiels.20 Dès lors que peut-on proposer afin de garantir qu’une information com- plète et impartiale a été transmise au patient lui permettant un consentement réellement libre et informé ?

La réponse réside dans des modèles de communication favorisant le partenariat.21 Ces modèles tiennent compte de l’asymétrie existant entre le soignant et son patient. Le soignant ne se contente pas d’exposer simplement les ris- ques et bénéfices avant la chirurgie, mais il accompagne le patient dans la prise de décision. La décision d’accepter ou non une intervention chirurgicale, comme la mise en place d’une prothèse totale de la hanche par exemple, sera donc un compromis entre le point de vue du chirurgien (rapport risques/bénéfices), et le point de vue du patient (gain en qualité de vie).22 Le partage de la décision selon ce modè le tient à la fois compte du principe de bienfaisance qui guide encore et toujours la pratique médicale et celui d’autono- mie et de libre arbitre du patient.

programmesd

informationpréopératoire Afin de développer ce modèle de décision partagée et de favoriser une approche centrée sur le patient,23,24 nous

avons mis en place un programme d’information préopéra- toire dans le cadre des consultations orthopédiques des HUG. Ce programme est en place depuis 2002 et s’adresse aux patients en attente d’une prothèse totale de la hanche ou du genou (PTH/PTG). Il s’agit d’une séance d’information en groupe, comportant sept à dix patients, animée par une équipe pluridisciplinaire de soignants (chirurgien orthopé- diste, physiothérapeute, ergothérapeute, infirmière spécia- lisée). Les soignants interviennent successivement durant trois heures et chaque patient ne participe qu’une seule fois. Profitant de la dynamique de groupe, les patients sont encouragés à s’exprimer par rapport à leur intervention et l’image qu’ils s’en font. Ces représentations sont le point de départ d’une discussion entre soignants et patients sur les bénéfices et risques de l’intervention. La discussion est complétée par des thèmes apportés par les soignants (par exemple : durée du séjour, déroulement de l’intervention, anticoagulation, consignes postopératoires, suivi).

Au cours de ces séances, le soignant est invité à intégrer la perspective du patient par rapport à l’intervention et ce qui est attendu de lui. De son côté, le patient peut expri- mer ses craintes et faire part de ses attentes au sujet de l’intervention. Par rapport à un entretien «biomédical» clas- sique, cette forme de discussion est plus interactive et ac- corde une place prioritaire aux questions, à la clarification, et à la confrontation des idées.

Depuis plusieurs années, des programmes d’approche centrés sur le patient ont été introduits en chirurgie orthopé- dique.25-28 Ils ont permis non seulement le développement de modèles de décision libre et éclairée des patients avant l’acte chirurgical, mais ont également eu un impact direct sur l’évolution postopératoire. Dans le service d’orthopédie des HUG par exemple, nous avons récemment analysé l’impact du programme d’information préopératoire dans le cadre de la PTH.29 Le taux de participation des patients a été de 55% (environ 180 patients/an) ; tous les patients recomman- deraient de participer, et la plupart d’entre eux ont pu abor- der les questions personnelles qui les inquiétaient. Nous avons également analysé l’impact sur le taux de luxation post- opératoire.30 Les patients qui avaient participé à la séance d’information préopératoire avaient un taux de luxation trois fois plus faible que les patients qui n’y avaient pas assisté.

Il est toutefois à noter un certain nombre de limitations dans ce type d’approches. Outre le fait qu’ils ne puissent être proposés lors d’interventions en urgence ou chez des patients ne disposant pas de leur pleine capacité de dis- cernement, ces programmes ne sont réalisables en termes de coût-efficacité qu’en présence d’un nombre suffisant de patients présentant la même pathologie. Toutefois, il est imaginable, dans le cadre des structures de soins en réseau qui tendent à se développer en Suisse, que des program- mes intersites puissent voir le jour.

conclusion

Aujourd’hui, l’information aux patients occupe une place prépondérante dans le processus de soins. Le modèle de décision partagée est celui qui offre le meilleur compromis entre le respect de l’autonomie du patient et le principe de bienfaisance qui guide l’attitude du soignant. Lorsqu’il

2476

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

21 décembre 2011

11_13_35959.indd 2 15.12.11 09:10

(3)

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

21 décembre 2011

2477

est déployé sous la forme d’un programme systématique d’information et d’enseignement au patient avant l’inter- vention chirurgicale, il permet de palier aux limites de la communication isolée patient-chirurgien et de respecter les impératifs médicolégaux.

Implications pratiques

Il existe une grande variabilité dans le contenu des informa- tions délivrées aux patients lors de la consultation

La moitié des informations que le patient reçoit est oubliée après six semaines et la plupart des documents écrits sont peu compréhensibles pour le malade

Les entretiens centrés sur le patient sont plus interactifs que les entretiens de consultation «classique», car ils laissent une place prioritaire aux questions

L’approche centrée sur le patient permet un accompagne- ment du patient dans sa prise de décision, respectant à la fois les principes de bienfaisance et d’autonomie

>

>

>

>

Remerciements

Aux Drs V. Kindler et R. Stern pour leurs commentaires et sugges- tions lors de la rédaction du manuscrit.

1 Mallardi V. The origin of informed consent. Acta Otorhinolaryngol Ital 2005;25:312-27.

2 Chin JJ. Doctor-patient relationship : From medical paternalism to enhanced autonomy. Singapore Med J 2002;43:152-5.

3 Mauron A. Petit glossaire d’éthique. Genève, 1996.

4 Clark JP, Hudak PL, Hawker GA, et al. The moving target : A qualitative study of elderly patients’ decision- making regarding total joint replacement surgery. J Bone Joint Surg 2004;86:1366-74.

5 Grundner TM. On the readability of surgical consent forms. N Engl J Med 1980;302:900-2.

6 Ghrea M, Dumontier C, Sautet A, et al. Quality of information transfert for informed consent : An expe- rimental study in 21 patients. Revue de chirurgie or- thopédique 2006;92:7-14.

7 Tongue JR, Epps HR, Forese LL. Communication skills for patient-centered care. J Bone Joint Surg Am 2005;87:652-8.

8 Johnston M. Anxiety in surgical patients. Psychol Med 1980;10:145-52.

9 Calvin RL, Lane PL. Perioperative uncertainty and state anxiety of orthopaedic surgical patients. Orthop Nurs 1999;18:61-6.

10 Panda N, Bajaj A, Pershad D, et al. Pre-operative anxiety. Anaesthesia 1996;51:344-6.

11 Caumo W, Schmidt AP, Schneider CN, et al. Risk factors for preoperative anxiety in adults. Acta Anaesthe- siol Scand 2001;45:298-307.

12 Frymoyer JW, Frymoyer NP. Physician-patient com-

munication : A lost art ? J Am Acad Orthop Surg 2002;

10:95-105.

13 Roter DL, Stewart M, Putnam S, et al. Communi- cation pattern of primary care physicians. JAMA 1997;

277:350-6.

14 Lacroix A, Assal JP. L’éducation thérapeutique des patients. Nouvelles approches de la maladie chronique.

3e édition complétée. Paris : Ed. Maloine, 2011.

15 Giordan A. Apprendre ! Paris : Ed. Débats Belin, 1998.

16 ** Lemaire R. Informed patient consent : A con- temporary myth ? J Bone Joint Surg Br 2006;88-B:2-7.

17 Lantos J. Informed consent. The whole truth for patients ? Cancer Suppl 1993;72:2811-5.

18 ** Brenner LH, Brenner AT, Horowitz D. Beyond informed consent. Educating the patient. Clin Orthop Relat Res 2009;467:348-51.

19 Christopher PP, Foti ME, Roy-Bujnowski K, et al.

Consent form readability and educational levels of po- tential participants in mental health research. Psychiatr Serv 2007;58:227-32.

20 Feldman-Stewart D, Brennenstuhl S, McIssac K, et al. A systematic review of information in decision aids.

Health Expect 2007;10:46-61.

21 Teutsch C. Patient-doctor communication. Med Clin N Am 2003;87:1115-45.

22 Charles C, Gafni A, Whelan T. Shared decision- making in the medical encounter : What does it mean ? (or it takes at least two to tango). Soc Sci Med 1997;

44:681-92.

23 Assal JP. Et si une certaine pédagogie conduisait à une médecine plus globale ? Med Hyg 2002;60:1791-800.

24 Assal JP. Revisiting the approach to treatment of long-term illness : From the acute to the chronic state.

Patient Educ Couns 1999;37:99-111.

25 Farley FA, Weinstein SL. The case for patient-cen- tered care in orthopaedics. J Am Acad Orthop Surg 2006;14:447-51.

26 Giraudet-Le-Cointrec JS, Kerboull L, Nguyen-Vaillant MF, et al. Consultations éducatives, évaluation de leur rôle éducatif à court et moyen termes. Rev Rhum 1996;

63:553-8.

27 Giraudet-Le-Quintrec JS, Coste J, Vastel L, et al.

Positive effect of patient education for hip surgery.

Clin Orthop Related Res 2003;414:112-20.

28 Johansson K, Nuutila L, Virtanen H, et al. Preope- rative education for orthopaedic patients : Systematic review. J Adv Nurs 2005;50:212-23.

29 Suva D, Lübbeke A, Hudelson P, Lataillade L, Hoffmeyer P. Prothèse totale de la hanche et informa- tion du patient : effets positifs d’une séance d’information préopératoire en groupe. Rev Med Suisse 2007;3:2878- 81.

30 Suva D, Lübbeke A, Perneger T, Hoffmeyer P. In- fluence of preoperative patient education on the risk of dislocation after primary total hip arthroplasty.

Arthritis Rheum 2009;61:552-8.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

11_13_35959.indd 3 15.12.11 09:10

Références

Documents relatifs

Par la présente, Mathys SA Bettlach vous informe d'une action corrective volontaire de sécurité (Field Safety Corrective Action, FSCA) qui concerne l'article mentionné

Les Cliniques universitaires Saint-Luc se sont engagées à instaurer le consentement libre et éclairé pour toute prise en charge diagnostique (p. examen invasif) et thérapeutique

46 http://dictionnaire.academie-medecine.fr/index.php?q=mucocele : « Accumulation pathologique d’une substance mucoïde dans une cavité (mucocèle appendiculaire, mucocèle

Si la liberté individuelle est en effet le droit au fondement de la dignité humaine (7) et du principe d’autonomie, cepen- dant, lorsqu’un contexte de pénurie fait que des

Si l’on souhaite privilégier l’équité, c'est-à-dire réduire les écarts entre élèves sans pour autant affecter fortement le niveau moyen, alors le meilleur compromis pour

 l’évolution prévisible de la maladie 59 ». L’infirmière doit respecter ces principes. Elle doit aussi veiller, si le client a donné son accord à ce que ces

Préalablement à votre séance de dermopigmentation et afin d’en assurer la longévité, nous vous conseillons peu importe la zone concernée, et durant les 3 jours qui précèdent

– C’est une chose de comprendre, c’en est une autre d’être capable de décider: une personne en état de choc peut être capable de comprendre mais non de décider!. •