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Figures musicales: un outil de compréhension et d’analyse pour la musique des dernières décennies du XXe siècle

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Thesis

Reference

Figures musicales: un outil de compréhension et d'analyse pour la musique des dernières décennies du XXe siècle

CORRALES PERALTA, Carlos Arturo

Abstract

Quand on écoute des oeuvres de compositeurs récents comme Ligeti, Grisey ou Xenakis, on est souvent porté – et ébloui – par une sorte d'énergie musicale, de force, qui se déploie dans le temps avec clarté, malgré le caractère expérimental et novateur de la musique. On n'écoute ni do#, ni une série ou matrice, ni une formule algorithmique quelconque, mais plutôt une sorte de mouvement, des formes temporelles dépendantes du déploiement réel de la musique dans le temps, ainsi que de l'interaction intentionnelle d'un auditeur. Est-ce que cette énergie, ce mouvement, cette force, cette «chose» peut être décrite? Par quel moyen, par quel outil analytique? Serait-elles un peu trop basiques pour ne pas mériter d'être étudiées de manière sérieuse? Cette «chose» se dévoile sous une apparence synthétique, simple, avec un caractère d'évidence désarmante. Cette «chose» qui semble, comme Saint Augustin le signale à propos du temps, en même temps être là devant nos yeux de manière évidente et en même temps échapper furtivement à son apprivoisement.C'est cette «chose» – qu'on a nommée [...]

CORRALES PERALTA, Carlos Arturo. Figures musicales: un outil de compréhension et d'analyse pour la musique des dernières décennies du XXe siècle. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2017, no. L. 900

URN : urn:nbn:ch:unige-1287136

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:128713

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:128713

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(2)

Université de Genève, Faculté des lettres, Unité de musicologie

Figures musicales

Un outil de compréhension et d’analyse pour la musique des dernières décennies du XXe siècle

Direction Professeur Ulrich Mosch Présenté par Arturo Corrales

30 janvier 2017

(3)

(4)

Figures musicales

Préface...13

Introduction

« Désordre »...17

« Figura »...21

Figure dans d’autres domaines...21

Figure en musique...24

Figurenlehre...24

Figuration, motif...26

Figure musicale - prédéfinition...27

Pourquoi encore figura?...30

État du débat...32

Analystes...33

Growth (LaRue)...33

Unités sémiotiques temporelles (MIM)...34

Compositeurs...36

Morthenson...36

Lachenmann...36

« L’idea di figura nella musica contemporanea »...37

Ferneyhough...40

Maggi...41

Grisey...43

Sciarrino...43

Œuvres musicales à analyser...45

Xenakis : Jonchaies...45

Grisey : Vortex Temporum...46

Méthode d’analyse des œuvres musicales...47

Justification du choix des œuvres...48

Des nouveaux anciens éléments...49

Le son...49

L'espace-temps...50

Articulation du travail...52

Partie I : Cadre théorique...53

Partie II : Protocoles d’écoute...53

Partie III : Sur les figures musicales...54

PARTIE I : Cadre théorique

1.1 Préliminaires Désordre encore...57

Quelques théories en rapport avec les figures musicales...59

Définition des outils conceptuels...61

Problèmes soulevés par le concept de figure musicale...61

1.2 Quelques approches théoriques en rapport avec les figures musicales Gestalt...62

(5)

Gestalt du temps?...63

Prise de distance...63

Approche écologique...66

Écoute intentionnelle?...67

Gestalt et objet sonore...68

Mouvement (dynamisme dans la figure)...69

Objet fuyant...69

Forme mouvante?...70

Espace dans le temps musical...71

Figures dynamiques...72

Métaphore...73

Élargissement de la métaphore...73

Présence subreptice...75

…Ou nécessité de métaphore?...76

Écoute « humaine »?...77

Non au caprice!...79

Schéma-Image...80

Métaphore corporelle...81

Enaction...82

Expérience par le corps...84

Affects ou formes de vitalité...85

1.3 Définition des outils conceptuels Échelle...87

Taille de figures...87

Échelle microscopique...88

Autres échelles....90

Les compositeurs sur l’échelle...91

Bande de présent...96

Physiologie ou psychologie?...96

Fenêtre pleine ou vide...97

Étirant les limites physiques...98

Figure musicale et bande de présent...100

Paramètres ou dimensions musicales?...101

Quantités ou qualités?...101

Paramètres primaires et secondaires....102

Perception double....103

Dimensions et analyse....104

1.4 Problématiques soulevées par le concept de figure musicale Saillance...106

Balance perceptive...106

Fonction primitive de l’oreille...107

Illusion auditive...107

Partition insuffisante?...107

Un autre type d’écoute?...108

Trompe-l’oreille...109

Point zéro...109

Bas de l’échelle?...109

Point médian?...109

Dimensions ambigües...110

Possibilités et limites de représentation de la figure...111

Graphisme statique ou dynamique...111

Mapping...111

Contour d’énergie...112

(6)

Archétypes...112

Universaux?...113

Limites...114

1.5 Résumé Approche théorique...115

Outils conceptuels...117

Problématiques...119

PARTIE II : Protocoles d’écoute

Prémisses pour la méthode d’analyse...123

Méthodologie utilisée...124

2.1 Jonchaies (Xenakis) Généralités...127

Note de programme, Xenakis sur Jonchaies...128

Première division formelle...130

Analyses descriptives et réflexions par section...132

2.1.1 Mesures 1-10 Description brève...133

Description détaillée...133

Glissando initial...133

Contours différents dans le glissando...134

Rythme et pulsation...136

Réflexions sur les descriptions...137

Figure singulière?...137

Saillance de dimensions en relais...138

Essai graphique...138

Résumé de points à développer...140

2.1.2 Mesures 10-62 Description courte...140

Description détaillée...141

Hétérophonie...141

Crible...145

Évolution de la grande ligne...147

Première descente (partie A, mesures 10-29)...147

Remontée (partie B, mesures 29-45)...148

Ambitus grandissant (partie C, mes 46-62)...149

Réflexions sur les descriptions...150

Zoom capricieux...150

Des dimensions saillantes?...151

Changement de zoom...153

Continu - discontinu...155

Vocalité...156

Résumé de points à développer...156

2.1.3 Mesures 63-141 Description brève...156

(7)

Description détaillée...157

Section de passage (mesures 63-65)...157

Hoquetus, étalon (mesures 66-123)...158

Types de décalage rythmique...159

Mixture orchestrale...159

Évolution des tempi multiples...162

Stase...163

Impact (mesures 124-142)...163

Hoquetus varié...164

Réflexions sur les descriptions...165

Vitesse et tempo...165

Arborescences des contours de vitesse...167

Représentations graphiques opératoires...168

Figure comme repère...169

Stase par ostinato...170

Résumé de points à développer...172

2.1.4 Mesures 138 (142)-166 Description brève...172

Description détaillée...173

Contrepoint de masses...173

Continuité en hoquetus...175

Motif ordre-chaos-ordre...176

Répétition variée de la figure...176

Réflexions sur les descriptions...177

Synesthésie...177

Dimensions au hasard...178

Continu-discontinu...178

Topographie d’écoute variable...179

Relecture de la figure...180

Résumé de points à développer...180

2.1.5 Mesures 167-181 Description brève ...180

Description détaillée...181

Retour en arrière...181

Deux types de masse...181

Une autre sorte de glissando?...183

Courbe générale...183

Réflexions sur les descriptions...184

Idées liminales, objets angulaires...184

Graphisme versus figure...184

Résumé de points à développer...185

2.1.6 Mesures 182-216 Description brève ...185

Description détaillée...186

Mouvement brownien - récitatif...186

Crescendo global...187

Mouvement brownien ou notes tenues?...188

Entropie...188

Granulation ou batterie rythmique?...189

Réflexions sur les descriptions...190

Divisions de plus en plus artificielles...190

(8)

Climax négatif...190

Mouvement brownien à différents niveaux d’écriture...191

Contour d’entropie...191

Stase...192

Résumé de points à développer...194

2.1.7 Mesures 218-240 (fin) Description brève ...195

Description détaillée...195

Choral massif...195

Geste final...197

Réflexions sur les descriptions...198

Granulation pour la mesure de l’entropie...198

Timbre versus geste?...199

Résumé de points à développer...200

2.2 Vortex Temporum (Gérard Grisey) Généralités...201

Note de programme, Grisey sur Vortex Temporum...202

Première division formelle...204

2.2.1 Signes 1 - 38 Description brève...207

Description détaillée...207

Plusieurs niveaux temporels...207

Figure d’arpège-texture dans la première section....209

Morphing progressif...210

Tronquement de la figure...213

Changement de niveau temporel...216

Réflexions sur les descriptions...217

La carte et le territoire...217

Figures dépendantes du niveau temporel...219

Deuxième perspective d’écoute...219

Point zéro du registre...221

Troisième perspective d’écoute...221

Niveau temporel stable versus niveau temporel changeant....223

Addition de dimensions...224

Addition de figures...224

Résumé de points à développer...225

2.2.2 Signes 38 - 68 Description brève...225

Description détaillée...225

Variations rythmiques...226

Tempo...228

Variations à l’intérieur de la figure...230

Modes de jeu, « gamme » de timbres...231

Réflexions sur les descriptions...232

Impact négatif...232

Zigzag ou carrée?...233

Permanence de la figure précédente...235

Streaming...236

Identité morphologique...237

Mètre opératif...238

(9)

Structure fractale audible?...239

2.2.3 Signes 68 - fin du mouvement Description brève...240

Description détaillée...240

Orchestration...240

Geste de base...241

Ligne hachée ou variation?...241

Autocitation...243

Périodicité douce...244

Écho...245

Onde carrée...245

Autres motifs...246

Réflexions sur les descriptions...250

Verticalité...250

Dérivation fractale?...251

Moto perpetuo?...253

Morphologie ou traitement?...255

Figure globale...256

Ravel...257

PARTIE III : Réflexions

3. Sur les figures musicales 3.1 Remarques sur la conception de figure musicale Échelle...262

Perspective d’écoute...262

Échelle temporelle...264

Zoom...266

Topographies sonores...267

Carte spatiale...267

Carte temporelle...268

3.2 Propriétés de la figure musicale Dimensions et figure...270

Dimensions considérées...271

Addition et segmentation...271

Contrepoint de dimensions...272

Saillance prioritaire...273

Paradoxes...274

Niveaux d'abstraction...276

Mémoire et imagination...276

Figures musicales de base...277

Point zéro...277

Point le plus bas...278

Zéro « naturel »...278

Point zéro contextuel...279

Perception et figure...280

(10)

3.3 Types de figure musicale

Selon le zoom...281

Figure-geste...281

Figure-script...284

Figures musicales tout court...285

« Nested figures »...285

Selon la morphologie...286

Figure par intensification, crescendo de dimensions...287

Expectatives...288

Usure du crescendo...289

Surprise...289

Conséquences du crescendo...290

Crescendo et vide...291

Crescendo et impact...291

Crescendo-diminuendo...292

Crescendo et stabilisation...292

Diminuendo ou figure par diminution...292

Diminuendo par relâchement...293

Diminuendo intentionnel...293

Usure naturelle d’une situation stable...294

Arc...295

Arc inversé...295

Section d’or?...296

Impact...297

Position de l’impact...298

Arête...299

Impact négatif...300

Perception de l’impact...300

Cyclique...301

Temps propre ou temps extérieur...302

Statisme par l’ostinato...303

Coexistence de figures multiples...304

Statique...305

Exemples types...305

Ostinato...305

Expectative impossible...307

Conclusion

Un peu de désordre (encore)...311

Cancrizans...312

Analyse de « Désordre » à travers les figures musicales...313

Streaming à plusieurs niveaux...313

Figure-geste...313

Figure mélodique...314

Saillance d'une voix?...316

Deuxième niveau mélodique...317

« Nested figures »...318

Figures-script...320

Première figure-script...320

Figure par intensification...320

(11)

Accélération?...321

Point zéro...322

Impact...322

Deuxième figure-script...323

Comportement paradoxal...324

Forme globale...325

Épilogue...326

Bibliographie Livres, articles...331

Sites internet...340

Partitions...341

Documents audio (CD)...341

Annexe...343

(12)

Je connais un labyrinthe grec qui est une ligne unique, droite.

Sur cette ligne, tant des philosophes se sont égarés qu’un pur détective peut bien s’y perdre . 1

J.L. Borges

« Yo sé de un laberinto griego que es una línea única, recta. En esa línea se han perdido tantos

1

filósofos que bien puede perderse un mero detective ». Borges, Jorge Luis, « La muerte y la brújula », in Ficciones [1941], Madrid, Alianza editorial, 2002.

(13)

(14)

Préface

L’adoption des figures musicales comme outil de compréhension musicale provient des intuitions dues aux activités de l’auteur en tant que compositeur, analyste et musicien. Ces intuitions tentent de percer le mystère d’une musique qu’on trouve fascinante, et pour laquelle on n’a pas trouvé les réponses dans les explications, parfois pompeuses et compliquées, décrivant les techniques d’écriture. Ce sont précisément ces intuitions celles qui, dans le cadre de ce travail, seront soumises à une réflexion approfondie et à une rigueur scientifique.

En tant que compositeur, l’idée de figure musicale est une constante qui m’a accompagné depuis fort longtemps dans l’écriture de beaucoup de créations musicales. Au fur et à mesure que ce travail de recherche avançait, la composition est devenue un espace fertile dans lequel les hypothèses pouvaient être testées et mises à l’épreuve. Un énorme travail d’écriture a été donc mené en parallèle à cette recherche, constituant une sorte d’atelier pratique qui a eu une incidence certaine dans l’activité musicologique et l’évolution des réflexions.

En outre, l’activité d’enseignant de la musique (composition et analyse) a permis l’ouverture de discussions qui ont enrichi la conception des figures musicales, et qui m’ont obligés à utiliser les fruits progressifs de cette recherche dans une activité de médiation musicale à travers les figures, afin d’offrir des portes d’accès à la musique récente pour des jeunes compositeurs et analystes. Ce travail doit beaucoup à ces discussions chaleureuses, aux doutes et aux questions, et à l’attitude d’étonnement et de curiosité propres à la découverte d’une musique nouvelle. Je remercie donc mes élèves, pour tout ce que j’ai appris d’eux.

Ce travail doit une partie de sa genèse aux nombreuses discussions avec le premier directeur de ce travail, le Professeur Etienne Darbellay, de l’Université de Genève, que je tiens à remercier pour les idées naissant de ces échanges.

Dans un deuxième temps, le Professeur Ulrich Mosch, de l’Université de Genève, a pris la direction de cette recherche et a pu injecter, grâce à son immense expérience, une bienveillante exigence ainsi que des conseils précis

(15)

et indispensables. C’est grâce à sa tutelle que ce travail voit le jour actuellement, et je tiens à lui adresser mes plus sincères remerciements.

Je remercie Fabienne Finianos pour sa relecture patiente et les corrections du texte, ainsi que Nicolas Sordet, Arturs Logins, Jean Nicole, Marc-André Rappaz et Isabelle Mili pour la lecture et discussion de certains chapitres. Je dois aussi mentionner les innombrables – et vives – conversations autour d’un sujet concret avec des amis compositeurs, instrumentistes, musicologues, artistes visuelles ou des arts de l’espace, philosophes, scientifiques, etc., qu’ont certainement laissé des traces dans la réflexion de ce travail.

Rien ne serait possible sans Antonieta Rivera Corrales, Sebastián Corrales Rivera et Eva Corrales Rivera, qui, à plus d’un titre, sont coauteurs de ce travail. Tout mon amour et ma gratitude pour eux, ainsi que pour ma nombreuse famille qui, partout dans le monde, me garde dans ses prières.

(16)

Introduction

(17)

(18)

« Désordre »

Grâce aux chemins ouverts par les innovations musicales au XXe siècle, les créateurs ont dû se reposer la question de l’écoute, et de manière plus générale, de la perception de la musique. Pour certains, ceci a été la base même de leur recherche compositionnelle, situation favorisée par l’émergence de nouveaux apports qui adoucissent les sciences dures : théorie de l’information, fractales, psycho acoustique, sciences cognitives, intelligence artificielle, énaction, informatique, etc.

Suite aux révolutions provoquées en grande partie par la musique expérimentale à partir de 1950 et par la musique électroacoustique, beaucoup de compositeurs se sont interrogés de manière sérieuse sur le rôle de la perception et de l’auditeur, et certains ont imaginé des partitions qui nécessitent une écoute intelligente et même interactive, dépassant la possibilité d’une compréhension sur papier, pour se dévoiler complètement : l’intégration du hasard, les effets de « trompe l’oreille », de masse sonore, l’importance croissante du timbre, entre autres, ont été les déclencheurs d’une réflexion croissante par les créateurs eux-mêmes.

György Ligeti a été l’un de ces compositeurs. Ébloui et gourmand des nouvelles possibilités de l’expérimentation sonore, il reste en même temps très critique et lucide à l’égard de la musique de son temps. Il a su utiliser les nouvelles techniques et explorer de nouveaux langages sonores, tout en gardant la perception au centre de ses préoccupations, ce qui a facilité à sa musique une place parmi les compositeurs de l’avant-garde, ainsi qu’une présence dans le répertoire « classique-contemporain ».

Comment écoute-t-on alors une œuvre de ce compositeur? Comment elle est

« comprise » par la perception? Les nombreuses analyses existantes mettent 2 l’accent sur son indéniable virtuosité d’écriture, révélant les secrets cachés dans la construction et l’écriture de l’œuvre musicale. Malheureusement ces Dans le cadre de ce travail, le choix parmi ces analyses est porté sur un travail doctoral remarquable :

2

HAAPAMÄKI, Sampo, Order in désordre. Rhythmic and melodic structure in György Ligeti’s piano étude no. 1 (dissertation essay submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of doctor of musical arts in the Graduate school of arts and sciences), New York, Columbia University, 2012.

(19)

analyses ne font que rarement la synthèse de ces constructions savantes, même quand celles-ci sont adressées spécifiquement à des « jeux d’écoute », à des phénomènes de perception auditive.

Son étude pour piano no. 1, intitulée « Désordre », fait partie des pièces de maturité de Ligeti. Elle intègre son protolangage tonal-folklorique hérité de Bartók à sa postérieure recherche personnelle d’un temps lisse en évolution constante et imperceptible, ainsi qu’à sa recherche mature sur la polyrythmie et les effets de « trompe l’oreille ».

Le titre de la pièce ne laisse pas l’ombre d’un doute : c’est, en effet, une pièce très complexe, réglée comme une machine de précision, jouant à différents niveaux sur un phénomène de décalage progressif d’un motif mélodico- rythmique. D’inspiration fractale, elle construit chaos et désordre apparents par le moyen de règles strictes, presque algorithmiques.

Au milieu de ce tourbillon de vitesse et de motifs enchevêtrés produits par un décalage savant, le compositeur réussit quand même à séduire l’oreille d’une

LIGETI, György, Études pour piano - premier livre, Schott, 1985, no. 1 : « Désordre », peu avant avant le climax, moment d’entropie maximale (décalage maximal, accents rapprochés, motifs compressés au maximum), juste avant une rupture par saturation.

LIGETI, György, Études pour piano - premier livre, Schott, 1985, no. 1 : « Désordre », début du processus de décalage rythmique progressif des deux voix.

(20)

manière directe et cristalline, dessinant des formes d’une étonnante limpidité.

Ces formes que la musique dessine sont paradoxalement très simples, et une oreille «  ouverte  » suit sans peine les lignes de force créées par les mouvements en apparence chaotiques.

L’oreille perçoit de manière très nette et naturelle la double ouverture de tessiture, d’ambitus et de dynamique qui coupent l’étude en deux parties, correspondant grosso modo à la proportion d’or. La récurrence d’un motif circulaire guide la perception à saisir la compression de celui-ci : même s’il est impossible de «  compter  » les croches comme le ferait une analyse traditionnelle, l’oreille « ressent » cette compression, la résumant peut-être tout simplement à un processus allant de l’ordre au chaos, à une montée dans la tension du contenu, ou encore simplement le ressentant comme un désordre croissant.

Une oreille plus attentive, ou avec une connaissance préliminaire de la pièce , 3 perçoit parfaitement le contrepoint qui oppose les couleurs harmoniques (touches blanches versus touches noires, diatonique versus pentatonique), et l’émergence d’une sorte de canon progressif produit par le décalage. Cet auditeur plus « expert » peut suivre sans peine l’évolution par compression des motifs, et quand ceux-ci deviennent trop rapides, est capable de « choisir » une perspective d’écoute adaptée à la nouvelle situation : il peut continuer à suivre les motifs (réduits au centre de la pièce, endroit le plus dense, à deux ou une seule croche) ; ou bien il adapte le champ d’action de l’oreille à un horizon de lecture plus ample, qui englobe le comportement global de toute la texture ; ou bien, avec un zoom d’écoute encore plus éloigné, à travers la mémoire, il se remémore du début de la pièce pour construire la forme d’un comportement musical inexorable.

Une analyse détaillée révélera certainement à l’auditeur la manière dont la pièce a été composée, les stratégies desquelles le compositeur s’est servies pour construire cette magnifique idée musicale. On prend comme exemple un extrait d’une analyse « traditionnelle », d’allure objective, de cette œuvre par

Connaissance à travers une écoute répétée et attentive, par exemple, ou par une familiarité avec le style

3

du compositeur ou de la musique de son époque. Ce degré d’expertise sera l’un de points à développer dans ce travail.

(21)

Sampo Haapamäki . Le comptage exact de croches dévoile certainement la 4 stratégie constructive du compositeur. Mais elle n’est pas capable de remplacer l’expérience de l’écoute de la pièce, ni la compréhension de la musique comme un déploiement des forces virtuelles dans le temps et de l’évolution et le mouvement de l’énergie musicale dans l’espace mental de l’auditeur.

Mais de quoi parle-t-on concrètement quand on dit forces virtuelles ou énergie musicale? Derrière ce mouvement métaphorique y a-t-il quelque chose qui bouge ou s’agit-il d’une représentation mentale d’un objet temporel? La réponse à cette question serait en rapport avec la forme de toute la pièce, ainsi qu’avec la forme de chaque partie ou section. Cette « chose » devrait aussi répondre par le détail, les motifs et leurs changements à travers la pièce. Elle répondrait aussi des processus en jeu, ainsi que des contours morphologiques décrits par la tessiture, la dynamique, l’ambitus ou la densité.

La réponse à ces questions n’est pas commode, car elle ne se trouve pas écrite sur la partition de manière explicite et directe. Plutôt, elle y est, mais pas Extrait : HAAPAMÄKI, Sampo, Order in désordre. Rhythmic and melodic structure in György Ligeti’s

4

piano étude no. 1 (dissertation essay submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of doctor of musical arts in the Graduate school of arts and sciences), New York, Columbia University, 2012.

Analyse de György Ligeti, Études pour piano (1985), no. 1 : « Désordre » in HAAPAMÄKI, Sampo, ibid., p.

29.

(22)

d’une manière évidente et objective, comme un accord de do majeur ou une gamme lydienne : elle est dépendante du déploiement réel de la musique dans le temps, ainsi que de l’interaction intentionnelle d'un auditeur.

C’est cette question, évasive par essence, que ce travail explorera. Le but est moins de donner une définition unique que d’établir l’existence de ce phénomène musical. En attendant d’arriver à un approfondissement suffisant, qui devra se réaliser à travers l’écoute analytique et introspective de pièces musicales et d’une réflexion parallèle à celles-ci, on propose de se référer à cette « chose » sous le terme de « figure musicale ».

« Figura »

Figure dans d’autres domaines

Avant même d’essayer de circonscrire ce qu’on entend par figure musicale, il convient d’essayer d’isoler la signification du terme figure d’après son usage courant. Voici quelques définitions provenant du dictionnaire5  pour le terme figure, qui correspondent à celles données aussi par le sens commun :

Partie antérieure de la tête ; face, visage : Se laver la figure.

Cette partie du corps considérée par rapport aux expressions qu'on y lit ; air, mine : Sa figure s'allongea.

Personnage célèbre ou personnalité marquante : Une grande figure du monde politique.

Type humain, description caractéristique d'un personnage : La figure du héros dans telle pièce de théâtre.

Arts décoratifs : Personnage en ronde bosse ou en relief, participant au décor des meubles, des objets (céramique, orfèvrerie…), des intérieurs (bustes, statuettes…).

Beaux-arts : Représentation d'un être humain ou d'un animal dans son entier.

(La demi-figure représente la moitié supérieure de l'être humain.) Un des types (le moins allongé) de format des châssis pour tableaux.

Céramique : Statuette à un ou plusieurs personnages.

Héraldique : Toute image qui figure sur le champ ou sur un quartier de l'écu.

http://www.larousse.fr

5

(23)

Jeux : Carte sur laquelle est représenté un personnage (roi, dame ou valet).

Toute illustration (schéma, dessin, photo) dans un ouvrage. (Abréviation : fig.) Enchaînement de mouvements formant un tout, en particulier en danse, dans certains sports (patinage, plongeon, ski nautique, etc.), dans des exercices de voltige aérienne, de carrousel équestre, de manège, etc. (On distingue les figures libres et les figures imposées.) [En voltige aérienne, on distingue les figures déclenchées, réalisées sous le seul effet des forces extérieures, et les figures commandées, dans lesquelles, au contraire, l'avion est constamment dirigé par le pilote.]

Mathématiques : Dessin servant à visualiser certains êtres mathématiques et permettant, en particulier en géométrie, d'éclairer une démonstration.

Psychologie : Façon dont un élément individualisé et structuré se détache sur ce qui l'entoure.

Rhétorique : Unité linguistique ou disposition d'unités linguistiques comportant un écart sensible par rapport à la norme ou à l'usage.

Les différentes définitions d’un terme qui semble englober beaucoup de significations ont été regroupées. Le premier groupe fait référence au visage, au corps, à une personne ; c’est l’être humain lui-même et ce qu’il a d’unique.

Le deuxième appelle à sa représentation dans un domaine particulier ; la figure semblerait vouloir capter l’essence même d’un individu, soit pour se référer à lui-même, soit pour le représenter là où il n’est pas. On n’est pas loin du concept d’image. Le troisième groupe de définitions propose la figure comme un dessin ou un schéma, elle continue à représenter quelque chose, mais c’est la représentation même, la manière de la représenter qui devient sujet. Dans ce groupe est incluse la définition de figure comme «  enchaînement de mouvements », car ils doivent former un tout, et donc finaliser un dessin spatial préconçu.

D’après la psychologie, la définition de figure est opposée en tant qu’élément principal (élément individualisé et structuré) au concept de « fond » (ce qui l’entoure). Un approfondissement de ce sujet sera réalisé en relation avec la théorie de la gestalt, qui pourra éclaircir certains points et par rapport auxquels, cependant, ce travail prendra des distances.

(24)

Finalement, la définition rhétorique contient les concepts d’analogie et de métaphore , qui s’avèreront très pertinents pour le développement d’une 6 conception de la figure musicale.

Ces définitions de figure s’éloignent progressivement de l’objet concret pour devenir non seulement abstraites, mais mystérieuses et transcendantes. On semble savoir intuitivement ce que c’est une figure, mais la volonté de l’arrêter à une définition unique et univoque semble tuer le sens de qu’on voudrait signifier et la richesse d’évocation qui la caractérise. Ceci est dû au fait que la figure dépasse les mensurations objectives qu’on peut faire d’elle. Selon le philosophe Marie-Dominique Philippe,

la figura apparaît non seulement comme ce qui termine la quantité des corps physiques, mais aussi comme possédant quelque chose de plus. Car si la figura se fonde sur les dimensions, sur les mesures des corps et leur harmonie architecturale et géométrique, elle implique par elle-même quelque chose d’autre. On ne peut réduire la figura à ses dimensions.

Ce « quelque chose » de plus que la figura possède lui permet de transcender l’ordre de la quantité auquel elle ne peut formellement se ramener –sans que pour autant elle puisse s’en séparer. Cette transcendance à l’égard de la quantité est un fait d’expérience immédiatement constatable. Car si les

« Les figures d'analogie ont un statut privilégié parmi les autres figures en raison de leur fréquence dans

6

les formes ordinaires du discours tout comme dans le discours littéraire, et également en raison de leur richesse d'évocation, nettement plus élevée que celle de la plupart des autres figures…Les métaphores sont extrêmement courantes dans le discours ordinaire. Dans leur livre, Les métaphores dans la vie quotidienne, G. Lakoff et M. Johnson soulignent même que “notre système conceptuel ordinaire qui sert à penser et à agir est de nature fondamentalement métaphorique”. C'est particulièrement vrai d'un ensemble de concepts abstraits que nous avons tendance à nous représenter de façon métaphorique.

Ainsi, nous nous représentons le temps en termes métaphoriquement spatiaux (“j'ai du temps devant moi”, “le temps est passé”, etc.) ou les émotions en termes de chocs physiques (“j'ai été frappé par son attitude,” “il a explosé”, “je vais craquer”, etc.).

Ces métaphores forment de vastes systèmes analogiques constituant des ensembles de représentations propres à une culture donnée. Elles ne sont pas perçues comme telles et appartiennent à notre façon

“littérale” de parler.

Dans les termes de l'ancienne rhétorique, on peut les décrire comme des « catachrèses », ou figures usées qui n'induisent plus d'effets de réception ni d'effets de sens mais prennent la place d'une dénomination littérale (Les pieds du fauteuil). Les métaphores novatrices, courantes dans le discours littéraire, ne s'inventent pas à partir de rien. La plupart du temps, elles apparaissent comme des prolongements, des spécifications et des renouvellements d'équivalences métaphoriques déjà établies dans le discours ordinaire ». JENNY, Laurent, « Les figures et la rhétorique » in Méthodes et problèmes, Genève, Université de Genève, Département de français moderne, 2003, version en ligne.

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dimensions sont objet de mensuration, la figura, elle, est objet de saisi, d’intuition, elle est d’ordre qualitatif.

La connaissance des dimensions est univoque et peut atteindre une très grande exactitude. C’est pourquoi les dimensions peuvent être parfaitement comparées entre elles, alors que la connaissance des figures est d’un autre type : les figures demeurent irréductibles entre elles. La figura, dans ce qu’elle a d’unique, échappe à cet effort de mensuration et d’analyse.7

Suivant le commentaire précédent de Philippe, le présent travail retiendra aussi ce principe de non-réductionnisme de la figure à ses dimensions. Il faudra isoler des figures à travers l’observation de dimensions à cause du caractère concret et objectif de celles-ci et de leur observabilité, mais la figure qui devra émerger sera quelque chose d’un autre ordre.

Figure en musique

En dehors de l’usage qu’on lui donnera dans ce travail, et en termes strictement musicaux, la figure a aussi une histoire propre, et sa définition a été soit largement débattue et théorisée, comme c’est le cas de la Figurenlehre, soit laissée dans une région d’ambiguïté convenable, comme c’est le cas dans le langage musical courant des dernières décennies.

Figurenlehre

On cite Peter Williams pour définir la théorie de figures musicales, ou Figurenlehre, appliquée à la musique du XVIIe siècle :

‘Figurenlehre' is a modern term expressed in a formative essay published in 1908 by Arnold Schering and denotes a traditional teaching of musical composition in terms of ‘figures'. These have nothing to do with figured bass, of course, but signify those motifs, cells, catch- phrases, melodic intervals, short groups of notes and other patterns from which a piece of music is made; to the German figura-theorists of the 17th century, even such elemental and elementary musical ideas as change of key or tessitura, the use of rests in certain contexts, sequence and repetition were also ‘figures'. A full catalogue of such figurae would produce a list of effects and ideas that could be seen as elements from which the music is made, just as a dictionary produces a list of words from which a play or a poem is made. Of course, no play wright or poet PHILIPPE, Marie-Dominique, Philosophie de l’art [1969], Paris, Editions universitaires, 1991, p. 187.

7

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uses a dictionary in order to construct his piece from it; nor did a composer use a theory book from which to make his motet or his fugue. It is rather that the theorists list, insofar as they understand them, the devices already used. 8

Selon le New Grove Dictionary (George J. Buelow), la Figurenlehre s’inspire des figures rhétoriques du langage provenant d’Aristote, Cicero et Quintilian, pour les transposer en musique. Certaines de ces figures semblent bien définies et établies, comme le passus duriusculus, qui a traversé les siècles sous le nom de lamento. D’autres sont plus floues, parfois des noms différents s’adressent à une même tournure, parfois la même figure possède des noms divers.

Composers enjoyed the possibilities of illustrating textual ideas and individual words with musical figures is extensively shown in both sacred and secular music from at least the early 16th century and can even be seen as far back as Gregorian chant. The madrigalisms or word-painting of the Renaissance madrigal are prominent examples of this kind of musical rhetoric. Only at the beginning of the 17th century, however, was an attempt made, by the German theorist Joachim Burmeister, to codify the practice and to establish a list of musical-rhetorical figures. For over a century and a half afterwards German writers continued his example of borrowing terminology from rhetoric for analogous musical figures, frequently employing different Latin and Greek names for the same figure. They also invented new musical figures unknown to spoken language. This basically German treatment of musical-rhetorical figures is therefore not unified, and no single systematic theory of musical figures exists for Baroque or later music .9

Ce lien étroit avec le langage et la rhétorique laisse ouvert un champ immense, qui est certainement intéressant et prometteur, et qui a produit déjà moult fruits . Cependant, le présent travail ne suivra pas la même optique, car on ne 10 fondera pas nos points de départ sur la rhétorique ou le langage, le sens qui nous intéresse étant strictement musical.

D’un autre côté, la période de référence pour la Figurenlehre est surtout le baroque, tandis qu’on se focalisera sur la musique des dernières décennies, WILLIAMS, Peter, « Figurenlehre from Monteverdi to Wagner » in The musical times, 120, no. 1636 (juin

8

1979), p. 476.

BUELOW, George J., article « Figurenlehre », in The new Grove dictionary of music and musicians,

9

second edition, Oxford University Press, 2001, version en ligne.

Entre autres, les Unités sémiotiques temporelles (UST), qui seront abordées plus loin, dans le chapitre

10

« État du débat ».

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qui est basée sur des paradigmes différents, n’utilisant pas les stratégies rhétoriques pour la production d’un effet (affetti).

Figuration, motif

Il faudra aussi faire une petite distinction entre la figuration et la figure musicale. Encore selon le Grove (article par David Fuller), la figuration est :

A kind of continued measured embellishment, accompaniment, or passage- work. In principle, figuration is composed of ‘figures’, or small patterns of notes occupying a beat or two of time; often, however, the term is used loosely for passage-work not readily divisible into ‘figures’, such as long scales or arpeggios. Figuration sometimes results from the process variously known as Diminution, Division or Coloration – the breaking up of notes into figures which decorate the original pitches with little garlands of quick notes or connect one pitch with another; sometimes it is freshly composed to accompany a slower- moving melody or to display the virtuosity of a soloist.

There is no distinct boundary between what is and what is not figuration;

nevertheless, the term implies something more neutral – perhaps more mechanical or stereotyped – than motivic work. Figuration may be derived from thematic material, as it often is in Beethoven (e.g. the first movement of the

‘Appassionata’ Sonata), but it is not itself usually the source of germinal motives.

As discussed here, figuration has nothing to do with the rhetorical Figuren described by German Baroque theorists such as Mattheson, nor with the figures of figured bass, nor with the term ‘figural music’, which means simply polyphonic or concerted music, as opposed to plainsong or simple hymns .11

On croit comprendre cette définition, peut-être aussi aidé par l’usage courant qu’on lui donne dans la pratique musicale, mais il est curieux de constater qu’on définit la figure avec le même terme figure : « la figuration est composée de figures…mais parfois elle n’est pas divisible en figures…parfois c’est la transformation de notes en figures… ».

On dirait que figure est presque un joker théorique qui est capable de prendre la signification de « chose » en musique, une sorte d’élément de base qui propose déjà un sens musical propre. La figure est souvent aussi confondue

FULLER, David, article « Figuration », in The new Grove dictionary of music and musicians, second

11

edition, Oxford University Press, 2001, version en ligne.

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avec le motif, la frontière qui les divise n’étant pas très nette. Selon Roger Scruton, la distinction est :

A figure is distinguished from a motif in that a figure is background while a motif is foreground: A figure resembles a moulding in architecture: it is 'open at both ends', so as to be endlessly repeatable. In hearing a phrase as a figure, rather than a motif, we are at the same time placing it in the background, even if it is strong and melodious .12

Il semblerait que les termes figures et figuration soient aussi interchangeables.

Pour John White,

motives are significant in the structure of the work, while figures or figurations are not and may often occur in accompaniment passages or in transitional or connective material designed to link two sections together with the former being more common .13

Pour le sens commun , la figure est la plus petite idée en musique, une courte 14 succession de notes, souvent récurrentes, ce qui l’associe à la cellule mélodique ou rythmique. Elle peut avoir des hauteurs, constituer une mélodie, une progression harmonique ou un rythme, et comme on l’a signalé à travers la citation de Scruton, elle peut même se confondre avec le motiv allemand ou le motif français. En musique populaire (rock ou pop) elle prend le nom de riff.

Figure musicale - prédéfinition

Dès le départ il y a donc une certaine ambiguïté sur le terme figure, que ça soit dans sa signification plus générale ou dans un sens spécifiquement musical, historique et applicable à la musique du passé, ou actuel, vague et obscur.

Est-il ainsi possible de l’utiliser ou de l’appliquer à la musique récente des dernières décennies  ? Quel est son utilité ou avantage par rapport aux méthodes traditionnelles d’analyse ou de compréhension musicale ? Si l’on se tient aux définitions de figura proposées par le dictionnaire en essayant de les unifier, le même terme en musique devrait rendre compte du « visage » de la musique, du caractère particulier qui lui est propre, de la représentation de ce

SCRUTON, Roger, The aesthetics of music, Oxford, Clarendon Press, 1997, pp. 61-63.

12

WHITE, John D., The analysis of music, Englewood Cliffs, N.J., Prentice-Hall, 1976, pp. 31-34.

13

Que l’on associe ici à Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Figure_(music), novembre 2016.

14

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visage, du dessin que la musique semble faire à travers son mouvement, d’un rapport de prégnance en tant qu’objet perceptible et individualisable, de sa fonction en tant que métaphore. Le programme est ambitieux.

Concrètement, la conception de figure musicale proposée dans ce travail a commencé comme une intuition (c’est peut-être le mode d’existence même de la figure tout court) à travers la composition comme manière de réfléchir et penser la musique. Plus vaste que les notions de motif ou de figuration discutés auparavant, cette intuition englobe d’autres éléments comme : Geste, objet sonore, forme, énergie musicale, morphologie, mouvement. Ces concepts ont été utilisés régulièrement par des compositeurs et des analystes pour faire référence, même partiellement, aux points mentionnés avant. Dans leurs écrits, ces termes se recoupent ou sont utilisés avec des sens divers par l’un ou par l’autre.

Si l’on veut utiliser le terme figure en musique, nous sommes devant l’utopie de vouloir saisir l’ineffable, puisque chaque expression musicale a sa propre figure. Mais le but de ce travail n’est pas d’adresser l’analyse musicale aux mensurations quantitatives de la musique, avec des résultats « objectifs » d’une certaine allure scientifique. Les qualités visées sont celles qui sont perceptibles à l’oreille ; et dans ce but, il faudra faire des généralisations de choses irréductibles, des transpositions, mettant les pieds dans le terrain dangereux de la perception et la métaphore.

Le terme figure serait adapté à la musique justement à cause de l’aspect de transcendance qu’elle comporte. Sa signification multiple (et insaisissable) serait plutôt une richesse dans son ambiguïté. Dans la mesure où, lors d’un travail d’analyse musical, la métaphore pourra venir aider à la description objective des dimensions, où la représentation graphique pourra rendre compte du phénomène sonore, où la perception aidera la compréhension d’une partition, un terme large comme figure musicale semblerait largement justifié.

Derrière le terme figure se cache celui de structure, de mouvement, de processus. Elle serait donc un concept relié à l’organisation, aux structures qui ont à voir avec notre manière de percevoir. La figure telle qu’elle nous intéresse peut être comprise comme une sorte d’organisation de la mémoire. Les types

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de perception temporelle et spatiale pourront être liés sous le concept de figure musicale.

Un point mérite d’être clarifié : la figure musicale n’existe pas en tant qu’être autonome ni comme un sous-produit de la musique ni à l’extérieur de celle-ci.

Elle reste complètement dépendante et dérivée d’une écoute intentionnelle ou d’un projet compositionnel. Cette vision, fragile comme elle pourrait sembler, a été utilisée, sous le même nom ou avec d’autres appellations, par d’autres compositeurs et théoriciens ; elle est pour beaucoup d’entre eux, en fait, une constante dans la manière de penser la musique, surtout dans le dernier demi- siècle.

Devant l’impossibilité de mieux cerner pour le moment cet outil qui semblerait pourtant dégager une image intuitive assez claire, on cite Brian Ferneyhough dans son article « Il tempo della figura » :

[…] there would seem nothing inherently objectionable in adding one more definition to those already existant, especially since long searching has led me reluctantly to conclude that no better general term is available for the precise distinction I have in mind……The capacity of distinct aspects of the figure to create credible examples of powerful ordering categories along the fines sketched out above should be seen as one measure of its compositional utility, while its capacity for generating multiple (simultaneous and/or successive) streams of directionality (allowing time to flow not only horizontally but also

"vertically" and "obliquely") in the sense of forcing the attention to accelerate or retard scanning operations according to the degree of interlocking—and thus resistance—of figural elements) promotes the onward-flowing projection of multiple or ambiguous perspectives, of "depth effect" in the prioritization of the sonic objects themselves. The search for a fixed definition of the term "figure" is, in my view, an enterprise of at best doubtful utility. It will, I hope, have emerged from the above considerations that a figure does not exist, in material terms, in its own autonomous right; rather, it represents a way of perceiving, categorizing and mobilizing concrete gestural configurations, whatever the further purpose of these latter might be.15

On assume l’ambiguïté du terme figure, et on reprend Ferneyhough en disant que, malgré cette difficulté, il semblerait ne pas y avoir un meilleur terme pour exprimer ce que l’on voudrait.

FERNEYHOUGH, Brian, « Il tempo della figura » [1986] in Perspectives of new music, 31, no. 1 (winter

15

1993), p. 11.

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