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Partie III : Sur les figures musicales

1.2 Quelques approches théoriques en rapport avec les figures

Gestalt

On a souvent synthétisé la théorie de la gestalt à l’énoncé : « le tout est plus que la somme de ses parties » . Certains théoriciens ont poussé plus loin 80 cette vision première, d’autres l’ont adaptée ou élargie au monde de la musique. Selon Zuckerkandl,

the crucial point of Gestalt theory is the demonstration that in the Gestalt the whole is not only more than the sum of its parts but also that the whole exists prior to the parts. The experience of the Gestalt is not that of parts coming together to form a whole but of parts being singled out in a whole: the parts do not become a whole ; they have always formed the whole, their places in it being predetermined.81

Ce travail n’est pas le lieu pour un exposé ou une apologie de la théorie de la gestalt. Nombreux sont les auteurs qui l’expliquent et la défendent de manière plus experte. On se limitera à pointer les apports que cette théorie offre au

Cet énoncé est attribué à Aristote (384 a.C. - 322 a.C.), faisant référence à l’essence des êtres. Autres

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énoncés typiquement gestaltistes sont : l'eau est autre chose que de l'oxygène et de l'hydrogène ; une symphonie est autre chose qu'une succession de notes. cf. WERTHEIMER, Max, « Über Gestalttheorie » [1924], in Gestalt theory, 7 (1985), no. 2, Opladen, Westdeutscher Verlag, pp. 99-120.

ZUCKERKANDL, Victor, Man the musician. Sound and symbol. Volume 2, New Jersey, Princeton

81

University Press, 1973, p. 48.

sujet des figures musicales, ainsi qu’à définir une distance par rapport aux points de divergence.

Gestalt du temps?

Une critique récurrente sur la théorie de la gestalt est sa prédilection presque unique pour les objets visuels. Un objet perçu à travers la vision rend possible l’idée d’une perception complète, même si imparfaite, dans un instant très court. Il est vrai que les objets temporels posent un problème particulier, puisqu’on ne peut pas dire, à proprement parler, que nous les percevons comme un tout «  d’un seul coup  », le temps étant nécessaire pour les découvrir dans leur totalité, leur appréhension devant se faire de manière progressive. En plus, quand ce temps devient trop long, d’autres stratégies comme la mémoire et la connaissance préliminaire (de la pièce, du style, du compositeur) s’avèrent indispensables.

D’autres domaines temporels comme le théâtre, la performance ou le cinéma partagent avec la musique cette difficulté, qui se voit amplifiée quand le temps, évanescent par nature, est la matière première de l’œuvre, comme c’est le cas pour les arts du son. Même si la musique, surtout sous la forme d’une mélodie, a été l’un des déclencheurs initiaux de la pensée gestaltiste, elle pose à cette même théorie des problèmes sérieux encore non résolus . 82

Prise de distance

L’énoncé « le tout est plus que la somme des parties » reste valable dans la recherche des figures musicales, puisqu’on vise un objet qui ne saurait pas se définir par la simple addition de paramètres musicaux. Il est sous cet angle que l’on se servira de certaines conceptions gestaltistes. Cependant, une prise de distance est nécessaire afin d’actualiser cette pensée aux intérêts de ce travail.

Pour définir cette prise de distance, on citera certains auteurs, plus récents, qui élargissent certains points de départ un peu étroits et qui appliquent les principes de cette théorie au son. Une critique de la théorie de la gestalt La théorie de la gestalt se heurte à la temporalité et à des types d’objets qui ne peuvent pas être perçus

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d’un seul coup. Ce fait n’a pas empêché les penseurs d’imaginer une ligne mélodique comme un tout insécable (comme une gestalt), justement pour discuter à propos du temps (Husserl, Bergson, Saint Agustin, entre autres).

initiale, mieux adaptée et spécifique à la musique et aux objets temporels pourrait être celle de Zuckerkandl :

The Gestalt school rejects the traditional view that the primary sense datum is an individual sensory element—a sensation of color or tone—a bit of raw material, meaningless in itself, which is conveyed via the nerves to the brain and once there is combined, by a higher non sensory function, with other relevant elements into the meaningful whole of a perception. According to this school, the immediate, original sense datum is itself a whole, a Gestalt, i.e., a meaningful structure consisting of directly interrelated parts […] Moreover, this is not to be interpreted in the sense that the unifying factor is a subjective contribution of the mind, and that the individual datum alone is objective; on the contrary, it is precisely the notion of the elementary sense datum that is devoid of any real content, being an abstract notion derived from the originally perceived whole.83 On retiendra ce renversement d’optique lors de nos analyses : les dimensions musicales, appelées souvent « paramètres », n’auraient une existence propre à eux, indépendante de la figure qui les contient. C’est la figure, perçue comme une entité complexe, mais unique, qui permet d’être décortiqué en dimensions pour faciliter l’analyse.

Encore plus ample et critique est la position de Neisser, qui insiste sur le fait que l’on perçoit ce que l’on cherche à percevoir. Selon lui, on n’aurait pas le même comportement qu’une caméra qui reçoit l’image passivement dans un sens unidirectionnel de l’extérieur vers l’intérieur. L’existence d’une sorte de carte de perception curieuse et active prédéterminerait ce que l’on assimile dans l’acte perceptif :

The Gestalt psychologists and their classical opponents shared the assumption that visual perception begins with a pattern on the retina and ends with a percept in the mind. It is time, I think, to give up this assumption…What people see depends on the anticipations they develop, the perceptual explorations they carry out, and the information they find available; in other words, on the perceptual cycle in which they are engaged.84

[…] The function of perception is to acquire new information, not merely to confirm preexisting assumptions. Nevertheless, it seems equally obvious that ZUCKERKANDL, Victor, Man the musician. Sound and symbol. Volume 2, New Jersey, Princeton

83

University Press, 1973, p. 102.

NEISSER, Ulric, « Perceiving, anticipating and imagining » in Minnesota studies in philosophy of

84

sciences, 9, Ed. C. Wade Savage, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1978, p. 94.

without some appropriate preexisting structure, no information could be acquired at all…There is a dialectical contradiction between these two requirements. We cannot perceive unless we anticipate, but we must not see only what we anticipate.85

Leurs critiques s’adressent à une manière d’envisager la perception comme une chaîne qui commence dans l’objet observé (ou écouté) et qui finit par la formation d’un concept dans la conscience de l’observateur. Selon une définition trop naïve de la théorie de la gestalt, la perception obéirait à des lois

« naturelles » qui devraient être valables pour tout être humain, ignorant toute possibilité d’adaptation et d’évolution de celle-ci, et surtout, ignorant la participation active du sujet dans la construction de l’objet observé ou, dans le cas de la musique, de l’objet entendu.

Dans ce travail, on considère le rôle de l’auditeur en musique comme ayant une grande importance. Les figures musicales sont, comme on le verra plus tard, le fruit d’une interaction entre le « stimulus » sonore et l’intelligence musicale active de l’auditeur. En outre, cet auditeur possède un historique d’écoute personnel (et un historique personnel, tout court) qui aura des incidences directes sur l’objet entendu.

La théorie de la gestalt reste intéressante dans le cadre des figures musicales parce que dans l’essai de définition et délimitation de celles-ci, on doit identifier dans le flux musical des objets et des entités qui constituent des unités de sens. Ces objets pourront être individualisés selon les critères

Ibid., p. 97.

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traditionnels de cette théorie, à savoir : les principes de proximité, de similarité, de continuité, d’intensification et de parallélisme. 86

Approche écologique

Il faudra cependant avancer une approche plus écologique que celui proposé par la théorie de la gestalt primitive, puisqu’une écoute « vierge » est en réalité utopique. Nous avons déjà mentionné le filtre « quantique/relativiste » à ce sujet : un auditeur quelconque réalise l’écoute d’une œuvre en s’appuyant sur un paysage cognitif préexistant, qu’on a nommé précédemment historique d’écoute. Cette sorte de carte topographique-sonore intérieure offrira des références constantes à des connaissances précédentes concernant le style, le goût, l’intention de l’écoute, le paysage émotionnel, etc. La conception même que l’auditeur se fait de la musique se fera présente inévitablement lors d’une première écoute.

Ce phénomène est encore plus prononcé pour un auditeur « expert » qui analyse une œuvre musicale, et qui par ce même acte crée un rapport particulier et personnel plus profond et intime avec la pièce. Sa carte topographique de tous les aspects de la musique se verra profondément altérée par cette connaissance intime de la temporalité, la forme et les détails de l’œuvre. Ses attentes seront d’une autre sorte, enrichissant de manière exponentielle les figures musicales qui pourraient se dégager : il va « trouver » des choses là où un néophyte ne pourra rien voir.

La loi de la bonne forme : loi principale dont les autres découlent : un ensemble de parties informe –

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comme des groupements aléatoires de points – tend à être perçu d'abord (automatiquement) comme une forme, cette forme se veut simple, symétrique, stable, en somme une bonne forme. La loi de continuité : des points rapprochés tendent à représenter des formes lorsqu'ils sont perçus, nous les percevons d'abord dans une continuité, comme des prolongements les uns par rapport aux autres. La loi de la proximité : nous regroupons les points d'abord les plus proches les uns des autres. La loi de similitude : si la distance ne permet pas de regrouper les points, nous nous attacherons ensuite à repérer les plus similaires entre eux pour percevoir une forme. La loi de parallélisme : des parties en mouvement ayant la même trajectoire sont perçues comme faisant partie de la même forme. La loi de familiarité : on perçoit les formes les plus familières les plus significatives.

Bob Snyder fait un exposé simple et complet de ces principes appliqués à l’écoute musicale dans son livre Music and Memory. Il propose un mécanisme perceptuel pour créer des unités (chunks) basés, entre autres, sur ces propositions de perception propres à la Théorie de la Gestalt combinées avec un rôle actif de la mémoire, qu’il divise en mémoire échoïque, à court terme et à long terme. Cf. SNYDER, Bob, Music and memory, Cambridge, MIT, 2000.

Les analyses des pièces musicales devront commencer par un acte holistique d’écoute. On pourra entrer dans le détail des dimensions musicales dans une deuxième phase, mais le but final sera de reconstituer dans un geste holistique les observations prélevées. Pour cette raison, les principes gestaltistes semblent malgré tout être pertinents. En outre, ils ont été déjà été utilisés maintes fois (en prouvant ces qualités et limites) par beaucoup d’autres méthodes analytiques .87

Écoute intentionnelle?

La délimitation d’une figure musicale est plus floue que celle d’une figure visuelle. Ceci est dû au caractère temporel de notre objet d’étude, mobile et transitoire, ce qui fait que ces principes ne peuvent pas donner des résultats complètement objectifs. L’analyste est contraint d’accepter l’action d’une écoute intentionnelle pour délimiter des objets : Nous allons écouter – en tout cas, faire proéminent – ce que nous cherchons à écouter. Ce point obligera à parler isolément des dimensions musicales d’ordre qualitatif. La possibilité du choix de ces frontières (en utilisant un zoom plus rapproché ou plus éloigné pour notre écoute) pose encore une problématique additionnelle liée à la précédente : le choix, objectif ou subjectif, volontaire ou pas, d’une échelle d’écoute. 88

Quelques questions intéressantes basées sur la vision gestaltiste pourraient être les suivantes : Quelle sera la qualité ou dimension à choisir pour appliquer ces principes? Y a-t-il une taille idéale pour réaliser les analyses ou tout simplement convenable? Peut-on simplement faire confiance à l’intuition pour les définir? Comment balancer l’action d’une analyse paramétrique quand on cherche un objet holistique, qui serait autre que la somme de ces paramètres?

Ces préoccupations seront abordées dans un chapitre spécifique dédié à D’une manière ou d’une autre, les principes gestaltistes énoncés avant (loi de la bonne forme, loi de

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continuité, loi de la proximité, loi de similitude, loi de parallélisme, loi de familiarité) sont, en effet, présents dans des analyses de type très diverse. Particulièrement, les analyses de Leonard B. Meyer (MEYER, Leonard B., Emotion and meaning in music, Chicago, University of Chicago Press, 1956) ou de Bob Synder (SNYDER, Bob, Music and memory, Cambridge, MIT, 2000) les utilisent de manière systématique et constituent même le fondement de certains de leurs propositions.

On utilise le terme « échelle d’écoute » dérivé du terme « échelle d’observation ». Alternativement on

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utilise les termes « perspective » ou encore « zoom », plus concret et commode.

l’échelle et dans un autre dédié aux dimensions musicales, mais elles constituent une preuve de l’utilité de cette vision spécifique à la constitution des figures musicales.

Gestalt et objet sonore

Certains compositeurs ont adopté expressément la théorie de la gestalt comme une base théorique pour soutenir de nouvelles approches musicales . 89 Beaucoup d’autres se sont servis de ses principes directement dans l’acte de l’écriture , certains avec le but de jouer avec des phénomènes de perception. 90 Encore d’autres compositeurs les ont utilisés inconsciemment (ou plutôt de manière intuitive) dans un souci de communication, de clarté ou de cohérence formelle.

L’un de ces compositeurs qui a fondé son cadre théorique sur des principes de la théorie de la gestalt est Pierre Schaeffer . Il est une personnalité 91 intéressante dans la mesure où il a travaillé longuement dans une réflexion sur ce qu’il a nommé l’ « objet musical ». Son livre Traité de l’objet musical prend comme base la perception à travers l’écoute ; produit de son intérêt pour une musique – électroacoustique – qui n’a pas le support de la partition écrite, le livre finit par englober le phénomène sonore musical en général, dans une approche à la fois scientifique et phénoménologique.

À propos de ce texte de Schaeffer, Makis Solomos écrit :

Combler le fossé entre l'acoustique et la musique, entre une science exacte et un art : tel est le projet du TOM (Traité de l’objet musical). C'est sans doute ce qui explique pourquoi la philosophie convoquée par Schaeffer est la On pourrait citer Schaeffer (SCHAEFFER, Pierre, Traité des objets musicaux, Paris, Seuil, 1966),

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Sciarrino (SCIARRINO, Salvatore, Le figure della musica da Beethoven a oggi, Milano, Ricordi, 1998), Xenakis (XENAKIS, Iannis, Musique. Architecture, Tournai, Casterman, 1971) ou Ligeti (LIGETI, György, Neuf essais sur la musique, Genève, Contrechamps, 2001), qui ont produit des textes ou l’on entrevoit en filigrane certains principes gestaltistes.

Par exemple : Grisey (Partiels), Risset (Sud), Penderecki (Threnody for the victims of Hiroshima),

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Lutoslawski (quatuor à cordes), encore Sciarrino (Omaggio a Burri), Ligeti (Atmosphères) et Xenakis (Metastaseïs), etc. On rappelle que l’analyse de pièces de Grisey (Vortex Temporum), Xenakis (Jonchaies) et Ligeti (Études pour piano, no. 1, « Désordre ») constituent une étape importante pour la réalisation de cette recherche, preuve que la théorie de la gestalt possède, malgré une prise de distance critique, certains point communs avec le présent travail.

SCHAEFFER, Pierre, Traité des objets musicaux, Paris, Seuil, 1966.

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phénoménologie. …Références à Husserl (au philosophe allemand en général ou à ses ouvrages Logique formelle et transcendantale et Idées directrices pour une Phénoménologie) et à Merleau-Ponty (Phénoménologie de la perception et Le visible et l'invisible)… On considérera donc que le livre IV du TOM relève d'une assimilation de la phénoménologie, à laquelle se mêlent des éléments issus de la Gestalttheorie.92

La proposition de Schaeffer du terme « objet sonore », parmi d’autres apports de sa réflexion, sera d’une grande utilité pour enrichir la conception des figures musicales. Ces objets sonores s’apparentent à ce que Ferneyhough qualifie comme « configurations gestuelles » conformant la figure. La dette de la 93 pensée schaefferienne envers la théorie de la gestalt et la filiation de la figure musicale à l’objet sonore, sont une invitation sérieuse pour ce travail à intégrer, même de façon critique, les postulats gestaltistes.

Mouvement (dynamisme dans la figure)

Objet fuyant

Comme pour les théoriciens de la théorie de la gestalt, la mélodie comme objet temporel a été aussi un sujet de prédilection pour les philosophes. Une lignée qui remonte à Saint Augustin et qui continue au XXe siècle avec Bergson , 94 Husserl , Merleau-Ponty , Ingarden , De Schloezer , le prouve. L’impression 95 96 97 98 que nous avons de saisir un objet éphémère à travers la musique a attiré l’attention des penseurs à travers les siècles. Le présent travail est un humble SOLOMOS, Makis, « Schaeffer phénoménologue » in Ouïr, entendre, écouter, comprendre après

92

Schaeffer, Paris, Buchet/Chastel-INA/GRM, 1999, pp. 53-67, version en ligne.

FERNEYHOUGH, Brian, « Il tempo della figura » [1986] in Perspectives of new music, 31, no. 1 (winter

93

1993), pp. 10-19.

BERGSON, Henri, Essai sur les donnés immédiates de la conscience, Paris, PUF, 1927.

94

HUSSERL, Edmund, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps [1928],

95

traduit de l'allemand par Henri Dussort, Paris, PUF, 1996.

MERLEAU-PONTY, Maurice, La phénoménologie de la perception, Paris, NRF, Gallimard, 1945.

96

essai de poser à nouveau un regard sur cet objet qui semble, comme Saint Augustin le signale, en même temps être là devant nos yeux de manière évidente et en même temps échapper furtivement à son apprivoisement. On sera obligé d’accepter le caractère temporel, par essence fuyant, de l’objet que l’on veut cerner.

Lors de l’étude d’une musique spécifique, on sera forcé de réaliser la description d’une section unique, de concentrer l’analyse sur une qualité particulière (paramètre ou dimension musicale), de «  transcrire  » des dimensions sous une forme graphique, de parler en des termes plutôt adaptés à l’espace, etc. À travers ces artifices, on court le danger de transmettre une image « fixe », comme une photographie, de ce qui se passe dans la réalité acoustique.

La figure musicale dépasse les représentations que nous devrons faire d’elle-même. Si nous saisissons comme un tout et comme une unité une section musicale, nous aurons l’impression de la «  voir  » déployée dans notre imagination, de pouvoir la serrer sous un regard unique de l’intelligence. Cette capacité est inhérente à la musique même. Que l’on se souvienne de Mozart parlant de cet instant de grâce quand l’œuvre tout entière pouvait être embrassée dans la paume de la main.

Forme mouvante?

Cette image « en dehors du temps » contient cependant du temps en elle : Elle est dynamique. Elle est plutôt l’image simultanée d’une force qui doit encore agir ou un chemin qui doit encore être parcouru. Force ou chemin, elle sera caractérisée par le mouvement, réel ou virtuel, de la temporalité.

…la différence entre la musique elle-même et la forme musicale : la «musique»

serait le déroulement purement temporel, alors que la «forme musicale» en serait l'abstraction, présentant les rapports non plus dans le temps, mais dans un espace virtuel. La forme musicale existe dès lors que l'on transforme, par une vue d'ensemble rétrospective, le déroulement temporel de la musique en

«espace».99

LIGETI, György, « La Forme dans la Musique Nouvelle » in id., Neuf essais sur la musique, Genève,

99

Contrechamps, 2001, pp. 148-149.

La forme à laquelle Ligeti fait référence n’est pas seulement la forme de la pièce tout entière, ou une forme type (sonate, menuet, rondeau) ; la vue d’ensemble, qui peut être rétrospective, mais aussi actuelle au moment de l’écoute, se rapproche de la conception de figure musicale poursuivie ici.

Même en présence (nous trouverons des exemples) d’une musique complètement « statique », l’immobilité sonore est posée inévitablement sur un mouvement temporel. Le silence musical, cas extrême d’immobilité, est de ce point de vue aussi dynamique, parfois même plus chargé de mouvement, que le son . Le compositeur Eric Gaudibert a réfléchi sur ces « 100 qualités  » dynamiques dans un article qui catégorise les silences musicaux. Qui a vécu 101

Même en présence (nous trouverons des exemples) d’une musique complètement « statique », l’immobilité sonore est posée inévitablement sur un mouvement temporel. Le silence musical, cas extrême d’immobilité, est de ce point de vue aussi dynamique, parfois même plus chargé de mouvement, que le son . Le compositeur Eric Gaudibert a réfléchi sur ces « 100 qualités  » dynamiques dans un article qui catégorise les silences musicaux. Qui a vécu 101