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Les forêts de la vallée de Conches

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Academic year: 2022

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Les forêts de la vallée de Conches

par Pierre Kuntschen

Le district de Conches comprend la partie supérieure de la vallée du Rhône, depuis la Binna et le Deischbach jusqu'à la limite du canton d'Uri. C'est une région élevée; ses villages les plus bas, Lax et Fiesch sont déjà situés à plus de 1000 mètres d'altitude. Les forêts recouvrent les deux versants de la vallée entre 1300 et 2000 mètres. Elles sont à considérer comme des forêts de haute montagne. Elles ne montent toutefois pas aussi haut que dans d'autres régions du Valais, bien moins haut par exemple que dans la vallée de Viège.

De même que dans toute la partie du canton située en amont de Martigny, le sapin blanc et le hêtre manquent dans la vallée de Conches. L'arbre prédominant est F épicéa: c'est lui qui constitue 1P fondement de la forêt concharde. Il est fortement accompagné par le mélèze, qui dans certaines communes, à Ulrichen par exemple, occupe la première place. Essence de lumière par excellence, le mélèze ne se trouve qu'à l'état disséminé dans la forêt compacte. Il occupe par contre la lisière inférieure de la forêt au-dessus des prairies et forme des peuplements purs à la limite supérieure de la forêt en dessous des alpa-

ges. Le mélèze s'installe sur toutes les surfaces dénudées, que ce soit celles dévastées par l'avalanche ou celles abandonnées par les glaciers en recul. Il existait autrefois en Conches beaucoup de vieux mélèzes aux dimensions superbes, avec des diamètres approchant de deux mè- tres. Le comptage des cernes sur les souches a permi de fixer leur âge autour de 700 ans. Malheureusement ces arbres magnifiques devien- nent de plus en plus rares. On en trouve encore un bel exemplaire à Blitzingen et un autre à Ulrichen. L'arole manque dans le district de Conches, excepté dans la vallée latérale de Binn. Le pin sylvestre, qui en Vajais, occupe entre 700 et 1200 mètres, les régions recouvertes dans le reste de la Suisse par les feuillus, forme des peuplements purs

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dans les forêts basses d ' E r n e n , Fiesch et Lax. C o m m e à Finges, il reste p e t i t , r a b o u g r i et ne p r o d u i t q u e d u bois de feu. Toutefois on r e n c o n t r e dans la vallée de B i n n , il s'agit p r o b a b l e m e n t d ' u n e variété, des p i n s sylvestres p l u s allongés e t avec des fûts de très belle qualité.

Le pin de montagne est r a r e . Le pin rampant tapisse les gorges de Twingi.

Les feuillus sont représentés, m a i s à l'état isolé seulement, p a r Vérable, le peuplier blanc, le bouleau, le sorbier. Les vernes blanches f o r m e n t des taillis dans la p l a i n e d u R h ô n e . Les p l u s é t e n d u s d ' e n t r e e u x ont été défrichés p o u r créer les places d'aviation de M ü n s t e r et d ' U l r i c h e n et aussi à la suite d ' a m é l i o r a t i o n s foncières. La verne des Alpes est f r é q u e n t e sur les h a u t e u r s .

A t i t r e de curiosité, on p e u t signaler la présence d ' u n s a p i n b l a n c à K a l t e n k e h r , e n t r e O b e r w a l d et Gletsch et d ' u n arole c o m p l è t e m e n t isolé aux R a u f t e n , dans la c o m m u n e de R e c k i n g e n .

Les forêts de la vallée de Conches sont dans la règle p r o p r i é t é s des bourgeoisies. La forêt privée n e j o u e q u ' u n rôle insignifiant. I l s'agit g é n é r a l e m e n t de p â t u r a g e s boisés de p e u d ' i m p o r t a n c e . I l y a toutefois u n e exception. Les massifs forestiers traversés p a r la r o u t e et le c h e m i n de fer e n t r e Fiesch et N i e d e r w a l d sont p o u r la p l u s p a r t des forêts privées. Dans le Fieschertal plusieurs forêts a p p a r t i e n n e n t à des consor- tages.

Le p r o d u i t des forêts sert avant t o u t à couvrir les besoins des bourgeois. Les ayants-droit reçoivent c h a q u e a n n é e g r a t u i t e m e n t u n lot de bois à b r û l e r et, s'il veulent construire ou r é p a r e r u n b â t i m e n t , les bois de service leur sont cédés c o n t r e u n e taxe très faible. Les coupes de vente sont l'exception. Elles n e r e p r é s e n t e n t q u ' e n v i r o n le c i n q u i è m e des exploitations. Elles se font t o u j o u r s d a n s les forêts éloignées où l'exploitation des bois est difficile. Le bénéfice laissé p a r ces ventes est p a r suite p e u i m p o r t a n t . Les forêts de la vallée de Conches r e n d e n t a u x h a b i t a n t s u n service i m m e n s e , ils n e p o u r r a i e n t p a s vivre sans elles, mais l e u r r e n d e m e n t en argent est faible. I l suffit parfois à p e i n e à p a y e r le garde forestier et les i m p ô t s .

Aussi l o n g t e m p s que d u r e r o n t les distributions de bois aux bour- geois, la sylviculture n e p o u r r a p a s faire de grands progrès. Le m a r t e - lage devrait ê t r e u n e m é t h o d e c u l t u r a l e . C'est lui q u i p e r m e t de d o n n e r a u x p e u p l e m e n t s la constitution voulue. I l influence l'accroisement, la q u a l i t é des bois, le rajeunissement. Lors d u m a r t e l a g e p o u r les bour- geois, le forestier n e p e u t p l u s se laisser g u i d e r p a r les règles de la syl-

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viculture, mais est obligé de choisir des plantes qui soient appropriées à l'usage auquel on les destine.

L'abatage et le transport des bois sont exécutés par les bourgeois eux-mêmes sans grand souci de ménager la forêt. Dans les parties basses, les arbres sont toujours fortement endommagés par les dévalages.

Les forêts sont toutes très rapides. La vallée de Conches est une vallée en auge et les forêts revêtent, entre la plaine et les alpages, les versants qui ont été autrefois rabotés par le frottement du glacier.

Les forêts de Conches sont caractérisées d'une part par une propor- tion beaucoup trop forte de vieux bois et d'autre part par le manque de rajeunissement. Alors que normalement les gros bois ne devraient pas constituer plus du 50 % du matériel sur pied, les dénombrements effectués lors de l'établissement des plans d'aménagement ont révélé des proportions de vieux bois dépassant même quelquefois le 90 %.

C'est état de chose s'explique par le fait qu'avant la construction du chemin de fer l'exportation des bois était impossible et on laissait alors vieillir les forêts dont on ne sortait que les bois dont on avait besoin. Quant au manque de rajeunissement, il est tout d'abord une conséquence de ce vieillissement des forêts dans lesquelles le défaut d'air et de lumière ne permet pas aux jeunes plantes de prendre pied et de se développer. Il a pour seconde et principale cause le parcours intensif du gros bétail qui se pratique pour ainsi dire partout où la configuration du sol le permet. L'état des forêts de la vallée de Conches n'est donc pas normal, il est même inquiétant; il serait urgent de les transformer et de les rajeunir. Dans la pratique on se heurte à la dif- ficulté presque insurmontable de la suppression du parcours. Tout d'abord jamais un Conchard n'admettra que le gros bétail fasse du tort à la forêt. D'autre part la population vit presque uniquement de l'élevage du bétail et la recherche de l'herbe prime tout. Depuis des siècles déjà la forêt a été reléguée sur les terrains où aucune autre culture ne serait possible. Sur les fortes pentes, dès qu'un replat le permet la forêt a été défrichée et transformée en pâturage. Une diminution importante du parcours du bétail n'est réalisable qu'avec une diminution correspondante du nombre de pièce de bétail ce qui entraînerait à son tour une diminution de la population.

Malgré tous les services rendus par la forêt, les populations de la montagne ne l'apprécient pas à sa juste valeur. Peut-être assistons- nous aujourd'hui à une évolution ? Au moment où l'on ne parle que de la mévente des produits agricoles, le prix des bois augmente dans des

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proportions presque inquiétantes. Un ouvrage paru récemment en France est intitulé « Demain l'âge du bois ». Il porte encore en épigraphe cette phrase : « Mieux que l'énergie atomique, le bois révolutionnera le monde ». Sans partager l'opinion excessive de cet auteur, on est obligé de reconnaître que le bois, ce noble et beau matériau, notre seule matière première suisse, prend une importance inconnue jusqu'à ce jour. La pénurie de bois n'existe pas seulement en Valais et en Suisse, elle est mondiale. En présence de cette augmen- tation surprenante de l'importance du bois, et par suite de la forêt, il est permis d'espérer que même dans les régions montagneuses on en comprendra la valeur et que les efforts du personnel forestier pour améliorer les conditions forestières en seront facilités.

Les forêts de la vallée de Conches ont deux grands ennemis:

la neige et les avalanches. Si la région de Morel est encore très sèche, le climat devient de plus en plus humide à mesure que l'on pénètre dans la vallée et que l'on s'approche du massif du Gothard. Dans le Haut- Conches, les précipitations sont abondantes et la couche de neige atteint chaque hiver une épaisseur considérable. Dans l'intérieur de la forêt, le poids de la neige brise et déracine les arbres, écrase le recrû naturel.

Quant aux avalanches, quelques-unes descendent régulièrement dans le même couloir sans causer de dégâts. D'autres par contre ont, au cours des ans, détruit de grandes surfaces de forêt et endommagent pé- riodiquement le rajeunissement naturel qui cherche à s'implanter à nouveau. Depuis longtemps déjà les habitants ont cherché à se protéger contre les avalanches. Le plus ancien document connu con- cernant des travaux de défense est une autorisation de l'évêque per- mettant aux habitants de Geschinen de travailler le dimanche. Des travaux ont été exécutés entre Münster et G-eschinen avec des fonds pro- venant du testament de Escher de la Linth. Aujourd'hui, vu le coût élevé des travaux de défense, le canton et la confédération leur accor- dent de hautes subventions qui vont ensemble jusqu'au 80 et 90 %.

Toute une série de projets ont été exécutés dans le Haut Conches. Sur le versant exposé au sud, ils se suivent d'une façon presque continue de Ritzingen à Oberwald. Pendant une quinzaine d'années ces travaux ont subi un ralentissement. L'inspection fédérale des forêts estimait que les crédits dont elle disposait étaient mieux placés dans la cons- truction de routes et de chemins. A la suite de l'hiver catastrophale de 1951/52, les chambres fédérales ont accordé des crédits presque illimités pour les travaux de défense, de sorte que l'on en construit aujourd'hui plus que jamais. Le système a toutefois complètement

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changé. On n'édifie plus des m u r s et des terrasses mais on dresse des b a r r i è r e s p r é f a b r i q u é e s en b é t o n ou en a l u m i n i u m . Ces ouvrages n e c o n t r i b u e n t m a l h e u r e u s e m e n t p a s à e m b e l l i r le paysage mais ils p r o t è g e n t p l u s efficacement qu'autrefois la vie et les biens des h a b i t a n t s .

P o u r conclure, il faut constater qu'il y a u r a i t é n o r m é m e n t à faire p o u r a m é l i o r e r l'état des forêts de la vallée de Conches si les p o p u - lations q u i en sont les p r o p r i é t a i r e s le c o m p r e n a i e n t et le p e r m e t t a i e n t . I l est p o u r t a n t p r o b a b l e q u e la sylviculture valaisanne se t r o u v e au- j o u r d ' h u i à u n t o u r n a n t . P a r a l l è l e m e n t au d é v e l o p p e m e n t é c o n o m i q u e du canton et p a r t i c u l i è r e m e n t à la hausse d u p r i x des bois, l'intérêt p o r t é à la forêt va en a u g m e n t a n t ce q u i favorisera p a r suite son évo- l u t i o n vers le progrès.

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