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| La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016DOSSIER
Soins oncologiques de support
Gestion de la mucite orale et gastro-intestinale induite par les thérapies ciblées
Management of oral and gastrointestinal mucositis induced by targeted agents
R.J. Bensadoun*
* Service d’oncologie-radiothérapie, centre de Haute Énergie, Nice.
D
ans cet article, nous traiterons, à partir du référentiel ESMO 2015 (1), des lésions de la muqueuse buccale et du tractus gastro- intestinal liées à l’administration de thérapies ciblées.Stomatite chez les patients bénéficiant d’une thérapie ciblée
Ces dernières années, des lésions de la muqueuse buccale, souvent uniques et douloureuses, ont été rapportées en association avec l’administration de différentes thérapies ciblées (par exemple, anti-EGFR et inhibiteurs de mTOR) [2].
L.S. Elting et al. (3) ont déterminé (méta-analyse) que les toxicités muqueuses orales associées aux agents ciblés étaient fréquentes chez les patients traités par bévacizumab, erlotinib, sorafénib ou suni- tinib. La stomatite à l’évérolimus est également très courante (3).
Cette analyse montre que stomatite, œsophagite et xérostomie sont des complications occasionnelles des thérapies ciblées, mais que ces problèmes ne sont pas significativement plus fréquents ou plus graves que ceux observés avec les chimiothérapies classiques, notamment les inhibiteurs de tyrosine kinase.
À l’inverse, dans une revue systématique de 44 études utilisant les inhibiteurs de mTOR, les mIAS (mTOR Inhibitor-Associated Stomatitis) [4]
ont été identifiés comme les effets indésirables les plus fréquents (73,4 %) [5]. Ces lésions de stoma- tite étaient en gravité la troisième cause d’effets indésirables graves (20,7 %), représentant 27,3 % des réductions de dose, et 13,1 % des arrêts de trai- tement, et elles ont été la toxicité dose-limitante la plus fréquente (52,5 %). Il est important de noter
que la majorité des mIAS se produisent peu de temps après l’instauration de l’agent (6).
Mucite gastro-intestinale chez les patients bénéficiant d’une thérapie ciblée
L’étude menée par L.S. Elting et al. a en outre montré que la plupart des agents ciblés étudiés ont été associés à un risque significativement plus élevé (2 à 8 fois) de diarrhée de grade 2 et supérieur comparativement aux régimes classiques de chimio- thérapie (3). Cette analyse a mis en évidence que les patients traités par erlotinib, géfitinib, lapatinib, sorafénib et sunitinib ont un risque significative- ment plus élevé d’avoir à la fois une diarrhée de bas grade et une diarrhée de haut grade que les patients recevant des schémas classiques de chimiothérapie.
Ce risque relatif peut aller jusqu’à être 8 fois plus élevé pour les patients traités avec du lapatinib.
Ces résultats sont cohérents avec ceux des séries antérieures. D. Keefe et al. ont rapporté que la diar- rhée est un effet indésirable fréquent des thérapies ciblées et, lorsque ces agents ciblés sont utilisés en combinaison avec la chimiothérapie, ils peuvent causer des diarrhées sévères (7). A. Harandi et al.
ont également mis en évidence que la diarrhée est fortement associée à l’utilisation des inhibiteurs de tyrosine kinases (ITK) anti-EGFR (8). D’autres études rapportent aussi que la diarrhée est un effet indésirable commun de ces molécules (9, 10).
Les mécanismes sous-jacents à la diarrhée causée par des thérapies ciblées ont été moins largement étudiés que ceux de la diarrhée secondaire à la chimio- thérapie (11). Des recherches complémentaires sont donc nécessaires pour préciser la physiopathologie de la diarrhée sous thérapie ciblée, ainsi que les straté- gies optimales pour sa prévention et son traitement.
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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016 |
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Résumé
Traitement préventif et curatif des stomatites liées
aux thérapies ciblées
Le diagnostic de la mucite orale et gastro-intestinale causée par les agents ciblés est généralement fondé sur l’histoire et l’examen cliniques.
La relation temporelle entre le moment de l’admi- nistration de la thérapie ciblée et les symptômes est souvent suffisante pour établir le diagnostic.
Mesures préventives
Les mesures préventives sont importantes pour réduire la sévérité de la stomatite.
Toutes les sources de traumatisme (par exemple, des arêtes vives ou des prothèses mal ajustées) devraient être éliminées, et tous les stimuli douloureux, tels que les aliments chauds, durs, pointus ou épicés, devraient être évités.
Une hygiène buccale efficace est essentielle ; il est important que les patients soient convenablement informés des complications orales avant le traite- ment (encadré 1).
Il faut également conseiller au patient d’avoir des consultations dentaires régulières afin d’examiner
sa cavité buccale et lui recommander d’informer les professionnels de la santé dès les premiers signes et symptômes de complications orales (2).
Soins buccodentaires de base et bonnes pratiques cliniques
Les soins buccodentaires de base sont la clé pour prévenir et réduire les plaies buccales ; enseigner au patient l’hygiène buccodentaire est donc très impor- tant. Un protocole complet de soins buccodentaires de base est à donner au patient.
Pour les traitements par chimiothérapie et radio- thérapie, D.B. McGuire et al. (12) ont conclu que, en raison de l’insuffisance de preuves et/ou de preuves contradictoires, il ne peut être donné de recom- mandations fortes pour les soins locaux de base en prévention ou traitement de la mucite buccale, tant pour les soins dentaires que pour les bains de bouche (solution saline, bicarbonate de sodium, mélanges divers, phosphate de calcium ou chlorhexidine) [12].
Pour les thérapies ciblées, en revanche, une recom- mandation en faveur des bains de bouche avec solution saline est possible (en raison de la charge
Nous faisons le point sur la gestion des mucites orales et gastro-intestinales induites par les thérapies ciblées, à partir des données bibliographiques récentes, à l’origine du référentiel ESMO2015 publié il y a peu. Des conduites pratiques visant à réduire et à contrôler ces lésions muqueuses sont proposées, dans le but d’optimiser l’observance de ces traitements anticancéreux.
Mots-clés
Mucites Tractus digestif Cavité buccale Thérapies ciblées Référentiel ESMO2015
Summary
This paper present ESMO2015 guidelines for the management of oral and gastrointestinal mucositis induced by targeted agents. Practical recommenda- tions, based upon recent biblio- graphy, are given, to optimize the observance of cancer treat- ment with targeted agents.
Keywords
Oral and gastrointestinal mucositis
Targeted agents ESMO2015 guidelines
• Se brosser les dents avec une brosse souple après chaque repas, au moins 3 fois par jour.
• Privilégier les dentifrices sans menthol ou pédia- triques.
• Boire au moins 2 litres d’eau par jour (eaux minérales, thé, tisane, boissons à base de cola).
• Privilégier les aliments moelleux ou mixés.
• Éviter de manger des aliments comme du gruyère, de l’ananas, des noix, des aliments trop épicés ou acides (jus de citron, vinaigrette, moutarde), secs, croquants ou durs ainsi que de la menthe (irritante).
• Hydrater les lèvres en appliquant un lubrifiant gras (lanoline, vaseline, beurre de cacao).
• Supprimer ou réduire la consommation d’alcool et de tabac.
Encadré 1. Conseils à donner à votre patient pour prévenir les aphtes, stomatites, mucites.
Règles hygiénodiététiques en préventif :
– mesures hygiénodiététiques (inscrites dans carnet de suivi patient) : hygiène buccale, nutrition, aliments à éviter ;
– bains de bouche au bicarbonate (1,4 %) ;
– pas d’antibiotique ou d’antifongique local systématique.
Traitement curatif dès l’apparition d’une mucite de grade 1 :
– bicarbonate de sodium (carbonate monosodique 1,4 %) : 1 flacon de 500 ml ; – misoprostol, 4 comprimés à dissoudre dans le bain de bouche : 6 bains de bouche/j
avec cette solution et renouveler la solution tous les 4 jours ; – sucralfate : 3 sachets/j.
Prise en charge précoce et symptomatique de la douleur et de l’inflammation : – mucite de grade supérieur ou égal à 2 : corticoïdes + antalgiques de niveau 3 :
1. Méthylprednisolone associée aux bains de bouche de bicarbonate : 80 mg en ampoule plus, si besoin, 1 ampoule (injection) de lidocaïne 2 % dans chaque flacon de bicarbonate.
2. Corticoïdes oraux ou dermocorticoïdes sur les lésions aphtoïdes (exemple : clobétasol pommade).
3. Morphiniques oraux ou patchs ; lidocaïne gel ; Vea Olio®, gel translucide (ne pas prendre le spray) ± antifongique (fluconazole) + antiviral (valaciclovir), etc.
Encadré 2. Protocole de prise en charge préventive et curative des stomatites sous évéro- limus (groupe de travail, essai OrOr).
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C’est certainement le cas de 'la belle histoire de HER2'." Dr Véronique Diéras(Institut Curie, Paris)
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Coordination scientifique
Dr Véronique Diéras
microbienne qui est considérée comme pouvant favoriser la formation de blessure buccale dans cette population). Ces bains de bouche sont bien tolérés par les patients, qui ont une bonne observance de ces soins de base.
Concernant les soins curatifs de ces stomatites, il n’existe pas de recommandations validées, mais l’utilisation de corticoïdes locaux et généraux, d’anti
ulcéreux et du laser basse énergie est préconisée.
Le groupe de travail essai “OrOr” (prise en charge préventive et curative des stomatites sous évéro
limus) propose le protocole défini dans l’encadré 2 (p. 523), qui peut être considéré comme une base de travail.
Traitement préventif et curatif des mucites gastro-intestinales liées aux thérapies ciblées
Ces mucites gastrointestinales ne présentent pas de caractère particulier comparativement aux mucites intestinales liées à la chimiothérapie anticancéreuse.
Il faut donc se référer aux recommandations en cours dans ce domaine (AFSOS, ESMO, MASCC
ISOO, ASCO®, par exemple), pour la gestion tant préventive (régime alimentaire) que curative (anti
diarrhéiques, protecteurs intestinaux, antispasmo
diques, antalgiques, voire corticoïdes) [1]. ■ R.J. Bensadoun déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
1. Peterson DE, Boers-Doets CB, Bensadoun RJ et al. Mana- gement of oral and gastrointestinal mucosal injury: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment, and follow-up. Ann Oncol 2015;26(Suppl. 5):v139-51.
2. Boers-Doets CB, Raber-Durlacher JE, Treister NS et al.
Mammalian target of rapamycin inhibitor-associated sto- matitis. Future Oncol 2013;9(12):1883-92.
3. Elting LS, Chang YC, Parelkar P et al. Risk of oral and gastrointestinal mucosal injury among patients receiving selected targeted agents: a meta-analysis. Support Care Cancer 2013;21(11):3243-54.
4. Boers-Doets CB, Lalla RV. The mIAS scale: a scale to measure mTOR inhibitor associated stomatitis. Support Care Cancer 2013;21(S1):S140.
5. Kwitkowski VE, Prowell TM, Ibrahim A et al. FDA approval summary: temsirolimus as treatment for advanced renal cell carcinoma. Oncologist 2010;15(4):428-35.
Références bibliographiques
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6. Rugo HS, Pritchard KI, Gnant M et al. Incidence and time course of everolimus-related adverse events in postmenopausal women with hormone receptor-positive advanced breast cancer: insights from BOLERO-2. Ann Oncol 2014;25(4):808-15.
7. Keefe D, Stringer A. The potential successes and challenges of targeted anticancer therapies. Curr Opin Support Palliat Care 2010;4(1):16-8.
8. Harandi A, Zaidi AS, Stocker AM et al. Clinical efficacy and toxicity of anti-EGFR therapy in common cancers. J Oncol 2009:567486.
9. Elez E, Macarulla T, Tabernero J. Handling side-effects of targeted therapies: safety of targeted therapies in solid tumours. Ann Oncol 2008;19(Suppl. 7):vii146-52.
10. Pessi MA, Zilembo N, Haspinger ER et al. Targeted therapy-induced diarrhea: a review of the literature. Crit Rev Oncol Hematol 2014;90(2):165-79.
11. Lewis SJ, Heaton KW. Stool form scale as a useful guide to intestinal transit time. Scand J Gastroenterol 1997;32(9):920-4.
12. McGuire DB, Fulton JS, Park J et al. Systematic review of basic oral care for the management of oral mucositis in cancer patients. Support Care Cancer 2013;21(11):
3165-77.
Références bibliographiques (suite de la p. 524)
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