M ATHÉMATIQUES ET SCIENCES HUMAINES
B. M ONJARDET
II. Quasi-groupes finis, quasi-groupes orthogonaux, ensemble complet orthogonal
Mathématiques et sciences humaines, tome 19 (1967), p. 13-20
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1967__19__13_0>
© Centre d’analyse et de mathématiques sociales de l’EHESS, 1967, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Mathématiques et sciences humaines » (http://
msh.revues.org/) implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.
numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est consti- tutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
II
QUASI-GROUPES FINIS QUASI - GROUPES ORTHOGONAUX ENSEMBLE COMPLET ORTHOGONAL
B. MONJARDET
3. 1.
Définitions. Exemp 1 es
On
appelle quasi-groupe
un ensemble E muni d’uneopération
binaireÀ
telle que pour tout
couple (a,b)
d’éléments deE,
leséquations
ont des solutions
uniques;
Iequasi-groupe
sera noté( E, 1. ).
Le car-dinal de E
s’appelle
1’ordre n duquasi-groupe.
Nous ne considèrerons ici que desquasi-groupes
d’ordrefini;
un telquasi-groupe peut
être donné par la table de sonopération.
Si l’on considère uneligne
de cettetable,
elle ne contiendraque des éléments distincts
(Pourquoi ?)
et donc tous les éléments deE;
de mêmepour une colonne. Donc cette table constitue un tableau carré de
n~
éléments deE,
tel que danschaque ligne
etchaque
colonnefigure
unefois,
et uneseule,
toutélément
deE,:
un tel tableaus’appelle
un carré latin(de
côtén).
Dans 1e cas
particulier
où la loi estassociative,
1equasi-groupe
est alorsun groupe
(1e
montrer en exercice - cf.aussi,à
ce propos, la note de la page6~, Mathématiques
et Sciences Humaines n~17).
Donnons
quelques exemples
pour n ~2, 3a
4.Ce sont évidemment les deux seules tables
possibles.
la table I est celle du groupe
cyclique
d’ordre3;
les tables II et III sont celles dequasi-groupes
nonassociatifs;
parexemple,
pour II(b b) a ~
b(b a).
On remarque les 4 tables
A, B, C, D,
lalère ligne
et 1a lère colonnereproduisent
a,b,
c,d,
dans cetordre;
Ie carré latincorrespondant
est ditsous forme
normale;
on montrera aisémentqu’il
n’existe pas d’autre carré latind’ordre 4
sous forme normale.Les lois
définies
par les tables A et D sont bien connues.Quelles
sont-elles ?(respectivement:
groupecyclique
d’ordre4,
groupe deKlein).
Les lois
correspondant
aux tables B et C ne sont pasassociatives,
mais ontun
élément neutre;
ce sont des lois de boucles.3. 2
Isomorphisme - Isotopie
Deux
quasi-groupes (E, .1,.. ) , (E, 1 )
sontisomorphes
s’il existe unepermutation
a de E telleque:
~ ,Par
exemple
les deuxquasi-groupes d"ordre 3,
I et V sontisomorphes (par
quelle permutation ?);
les carres latinscorrespondants, définissent
donc Ie mêmequasi-groupe.
Dans 1’ensemble des carrés latins de format n, on pourra introduire
l’équiva-
lence : "définir deux
quasi-groupes isomorphes".
On utilise aussi uneéquivalence plus
forte: deux carrés latins sont alorséquivalents
s’ils se déduisent 1’un de1’autre
parp.ermutations
delignes,
de colonnes oud" éléments .
Pour lesquasi-
groupesa ceci
correspond
à la relationd’isotopie:
deuxquasi-groupes (E~ ~1)’
(E~ 1 )
sontisotopes,
s’í1exist e trois permutations
03C3 ~ e, y y de Etelles que:
L’isomorphie
est un casparticulier d’isotopie
avec 03C3 ~ y = eUn autre cas
particulier,
est celui où onopère uniquement
unepermutation
des
lignes
de la table duquasi-groupe ( 03B3 ~~
~ =permutation identique) ;
lesquasi-groupes correspondants
sont ditsisotopes - D ;
si seule y estégale
àla
permutation identique, 1’isotopïe
est diteprinclpale.
’On montrera facilement
qu’il
existe 12 carrés latins decôté 3y correspondant
à 4
quasi-groupes
nonisomorphes (Ix II,
III etIV);
mais tousisotopes.
(Par exemple,
I et III sontisotopes
parpermutations
des colonnes a et cet des éléments b et
c).
Pour n =
4~
il existe566
carrés latins dont 4 sont sous forme normale(566
-~4x4! x~!);
mais il n’existe que deux classesd’isotopies correspondants
aux deux groupes d’ordre 4.
Pour n =
5,
il existe56
carrés latins sous forme normale et deux classesd’isotopie.
Pour n =
6,
on a9.408 carrés
latins normaux, 17 classesd’isotopie (Résultat
de
Tarry - 1900).
Pour n =
7, 16.942.080
carrés latins normaux,147
classesd’isotopie (Norton
et Sade~951).
Pour n >
7,
cesnombres
ne sont pas connus.Nous verrons
ultérieurement
unereprésentation géométrique
d’unquasi-groupe qui permettra d’interprêter 1’isotopie
comme une invariance depropriétés géomé- triques.
3. 3
Quasi-groupes orthogonaux
Soient E
(~1)
et E( 1 ,),deux quasi-groupes
d’ordre ndéfinis
surIe même ensemble
E..
.Considérons
Iesystème d’équations:
Si pour tout
couple (a, b)
deE2
cesystème
admet une solutionunique,
ondira que les deux
quasi-groupes
E( 1 )
1 et E( j )
2 sontorthogonaux.
Cette
propriété peut s’interprêter
ainsi: superposons les deux tables desquasi-grouPés,
E( 11)
et E( , ,);
dans la table ainsiobtenue,
tous lescouples d’éléments
de 03C4E
figurent une fois,
et une seule. Le tableau corres-pondant
est dit carrégréco-latin
d’ordre n.Par
exemple,
pour n =3,
les tables I et IIprécédentes
nous donnent 1ecarré
gréco-latin
suivant(on
aremplacé
les lettres de II par des lettresgrecques):
La notion
d’orthogonalité
s’étend àplusieurs quasi-groupes.
On dira que tquasi-groupes
d’ordre n sont mutuellementorthogonaux,
s’i1s sontorthogonaux
deux à
deux;
superposons les tables de ces tquasi-groupes;
dans la tableainsi obtenue deux
t-upLets
d’éléments de E n’ontjamais
deux mêmescomposantes.
Le nombre t de
quasi-groupes
mutuellementorthogonaux (q;g.m.o.)
d’ordre n, estlimité.
Exercice
7
Montrer que
t ~ ~ -
1Un
ensembte
de n - 1quasi-groupes orthogonaux
d’ordre n estappellé
unensemble
complet orthogonal
d’ordre n.Par
exemple,
pour n =3,
1ecarré gréco-latin précédent définit
un ensemblecomplet.
Pour n =4,
lesquasi-groupes D, E,
F duparagraphe précédent
forment unensemble
complet. (
1e vérifier et montrerqu’il
n’en est pas de même pour lesquasi-groupes A,B, C).
Ces définitions
posées,
un certain nombre deproblèmes
seprésentent.
Posons N
(n) -
nombre maximum de q$g.m.o. d’ordre n. On saitdéjà
que N(n)~
n - 1.On cherche à déterminer les valeurs de n pour
lesquelles
N(n) ~
n -1;
dansce casa il existe un ensemble
complc+ orthogonal
mais il faut se demander s’il enexiste
plusieurs
nonéquival ent C ,
de même ordre.Plus
généralement,
on oherohe des bornes inférieures ousuperieures pour
N(n).
Ainsi,
onpeut
se demander si N(~~~ ,
2 pour tout n ; autrement dit s’il existeun carré
gréco-latin
pour toute valeur d~ n.Cette dernière
question
a toute une histoirequi
remonte à EULER. En1780,
celui-ci se pose Ie
problème
des 36 of fillers:Soit une assemblée de 36 offic1ers de 6
grades
et de 6régiments différents;
peut-on
les ranger dans un carré de tellP sorte que danschaque ligne
et danschaque colonne,
les six officiersqui
y sontrangés,
soient degrades
et derégiments
dif-ferents ?
ou encore existe-t-il un carrégréco-latin
d’ordre 6 ?EULER
concluait,
sansdémonstration,
à1 ° impossibílité
de cedispositif
et ilen tirait une
conjecture:
il estimpossible
de trouver uncarré gréco-latin
d’ordren = 4 t + 2 (pour tout
La
question
futreprise après EULER;
on montra facilement que pourn ~
4 t +2,
il existe un carré
gréco-latin;
d’autrepart
en1900,
TARRÝdémontra 1’ímpossíbílité
pour n - 6 par une méthode d’enumeration
complet;
On essaya alors de prouver la
conjecture
d’EULER et certains crurent même l’avoirdémontrée.
Enfaitr
cetteconjecture
a été reconnue fausserécemment;
en1959-1960 BÛSE, PARKER
etSHRIKHANDE
montraient au contraire que pour toute valeur de n de la forme4 t + 2, (t >1).
onpeut
construire un carrégréco-latin.
Fina-lement
pour
toute valeur de n différente de 2 ou6.
il existe deuxquasi-groupes orthogonaux.
Signalons
encore unrésultat
rérent sur N(n) établi
parCHOWLAa
ERDOS etSTRAUS en
1960:
N(n) augmente
indefiniment avec n : et renvoyons à labibliogra- phie
pour uneetude plus approfondie.
Dans Ie dernier
paragraphe,
nous allons montrer comment onpeut
construirecertains ensembles
complets
de q.g.m.o. au moyen de structuresalgébriques
intro-duites
précédemment:
corps deGallois, quasi-corps,
presque-corps.3.4.
Construction d’ensembles complets de quasi-groupes mutuellement
orthogonaux
Soit
(K,
+,o)
un corps, unquasi-corps
ou un presque corps d’ordre n ; laloi +
est une loi de groupe abelien: la loi o est au moins une loi deboucle;
K vérifie en
particulier
lapropriété
suivante:Le
système d’equations
~ ~r ~, ~ . I"B"V -1-"h. 0-admet une solution et une seule
(xa y).
On
peut définir
sur 1’ensembleK,
n - 1opérations
binaires4~i
de lafaçon
suivante:
Soit xí un élément de K
différent
dezéro,
on poseEn
particulier
six1
est1’élément
unité pour o deK,
on a:et Ø 1
est laloi
+ de K.D’autre
part ~.
est une loi dequasi-groupe, quelque
soiti;
eneffet,
laloi
oétant
une loide boucle, 1 application
a --~-~· aox. est unepermutation
OE . de
K;
la table deØ.
est donc la table obtenue parÌa permutation
or .des lignes
de la table+;
autrement dit(K, Ø.)
est unquasi-groupe isotopé D o à (K, ~-) .
1
On obtient ainsi n - 1
quasi-groupes, isotopes - Do; montrons qu’ils
forment un ensemble
complet orthogonal.
Soient(K, §1)
et deux telsquasi-groupes,
il faut montrerqu’ils
sontorthogonaux, c’est-a-dire
que pour toutcouple (Yi ,y~)
deK2
Iesystème:
admet une solution
unique (a,b);
ce résultatprovient
de lapropriété (2) rappellée
au début du
paragraphe.
On a donc laproposition
suivante:Proposition
A tout corps,quasi-corps
ou presque-corps d’ordre n, estassocié
un ensemble
complet orthogonal
d’ordre n.On a vu que 1’ordre n d’un corps, d’un presque-corps ou d’un
quasi-corps
est de la forme n =
pr;
ppremier,
rquelconque.
Onpeut
donc construire des ensemblescomplets orthogonaux
pour tous les nombres de cetteforme;
mais pourn $ pr
existe-t-il des ensemblescomplets orthogonaux ?
Pour n =6~ puisqu’il
n’existe pas de
quasi-groupes orthogonaux,
laréponse
estnégative;
on connaitd’autres valeurs de n pour
lesquelles
il n’existe pas d’ensemblecomplet
ortho-gonal ;
mais pour uneinfinité
de valeurs de n,commençant
par n =10,
onignore
actuellement s’il existe ou non un ensemble
complet orthogonal.
Nouspréciserons
ces
résultats
dans un article ultérieur sur lesgéométries
finies.EXemple:
Le corps
K4
à 4éléments (0, 1, 2y 3}
a les tablesd’opérations
suivantes:D’où deux autres
quasi-groupes:
On obtient
ainsi,
1’ensemblecomplet orthogonal
d’ordre 4déjà
cité enexemple (quasi-groupes D, E, F)
Exercices:
8. - Construire un ensemble
complet orthogonal
d’ordre3,
d’ordre 5.9. - Construire deux ensembles
complets orthogonaux
nonéquivalents
d’ordre 9(on
utilisera Ie corps
K
et Iequasi-corps
à 9 éléments étudiés aux exercices 4 et 6 de 1’articleprécédent).
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
I
QUAS I-GROUPES F I N I S , CARRES LAT I NS ENSEMBLES COMPLETS ORTHOGONAUX
Sur les
quasi-groupes
ou les boucles et leurs relations avec lesconfigura-
tions
géométriques,
il faut consulter:R.H.
BRUCK
A survey ofbinary systems - Springer 1958.
R.H. BRUCK What is a
loop ?
dans Studies in ModernAlgebra (A.A. Albert, Ed)
TheA.M.S.
1963,
59-100Voir aussi la
bibliographie
duchapitre
1 de la thèse de R. GUERIN(cf. plus bas).
Sur les carrés
latins, l’historique
et l’état desproblèmes
en1939,
onpeut
se
reporter
à:NORTON "The 7 7
Squares"
AnnEugenics London,
vol 9(1939) part III,
p.
268-307.
Signalons
que la démonstration deTARRY,
del’impossibilité
duproblème
des36 officiers,
se trouve dans C.R. Ass. Fr. Avancement desSciences, 1900,
p. 122-123; 1901,
p. 170-203.On trouve des
exposés récents, plus
ou moins succincts dans différents livresou articles sur les
problèmes
combinatoires:A survey of combinatorial
analysis -
M. HALL J.R. dans Someaspects
ofanalysis
andProbability - New-York,
JohnWiley
andSons, 1958.
H.J. RYSER Combinatorial
Mathematics,
JohnWiley
andSons, 1963 (
voirparticu-
lièrement
lechap. 7).
M. HALL Jr
Block designs, chap.
XIII deApplied
CombinatorialMathematics,
John
Wiley
andSons, 1964 (les
diversesméthodes
de constructions sontassez
développées).
Un
exposé
desynthèse
mais decaractère
nettementplus algébrique
se trouvedans l’article suivant:
J.R. BARRA
Carrés
latins eteulériens -
Revue de l’Institut International deStatistique.
Vol.33-1-1965.
Enfin dans la
thèse suivante,
on trouvera une excellentesynthèse
de tousles travaux
récents
sur laquestion,
avec labibliographie correspondante.
R. GUERIN Existence et
propriété
descarrés latins orthogonaux. Publications
Institut deStatistique Université
deParis (1966),
p.113-213.
Tous les
aspects possibles
sontabordés
dans unlangage algébrique
clair.Nous donnons ici un bref
résumé
du 1erchapitre qui
traite des"aspects algébri-
ques et
propriétés
descarrés
latins mutuellementorthogonaux". L’accent
est missur
1’étude
d’ensemblescomplets
de q.g.m.o.isotopes -
D~un
groupeabélien
fini(E, +-~;
si l’onexplicite
les conditionsd’isotopieo
D etd’orthogonalité,
on aboutit naturellement
à
la notiond’orthomorphisme
ede E :
9 est unepermutation
de E telle que1’application
e(x) -
x soit aussi unepermutation.
On
définit
alors les notionsd’orthomorphismes orthogonaux,
d’ensemblescomplets d’orthomorphismes;
il ne resteplus qu’a
étudier lespropriétés
de tels orthomor-phismes
d’un groupeabélien
et les conditions d’existence. On montre enparticulier
que l’existence d’un ensemble
complet d’orthomorphismes orthogonaux
dugroupe abé-
lien E( donc
d’un ensemblecomplet
de q.g.m.o.isotopes - Do à E)
estvalente ø
lapossibilité
dedéfinir
dans E unedeuxième opération
ovéri-
fiant certaines
propriétést ,les orthomorphismes sont
desautomorphismes de E (+y
si,
et seulementsi,
o est distributivepar rapport à
+; lesensembles complets correspondants
aux corps de auxquasi-corps
ou auxpresque-corps
sedé- duisent immédiatement
de cerésultat.
fA
, suivre)
* Cette seconde opération o est, en