1 Thèse de doctorat de Virginia Verardi
directeur (Bruxelles) : Pr. Philippe Talon directeur (Paris) : Pr. Jean-Louis Huot Date de soutenance : 24 février 2005
Lieu de soutenance : Université Libre de Bruxelles
Titre de la thèse : « L’introduction et la diffusion de la technologie du bronze en Syrie- Mésopotamie (IVe-Ier millénaires). Genèse d’un artisanat ».
Résumé de la thèse :
L’arrivée d’un nouveau matériau et d’un nouvel artisanat s’accompagne toujours de profondes transformations dans la société qui l’adopte. Notre étude porte sur l’introduction de la technologie du bronze en Syrie-Mésopotamie, sa diffusion progressive et ses incidences sociales de l’histoire proche-orientale du quatrième au second millénaire. Cet artisanat consistant, dans sa définition simple, en la mise au point d’un alliage de cuivre et d’étain, est arrivé très tôt dans cette région pourtant dénuée de tout minerai. Les vestiges archéologiques et les données textuelles révèlent la rapidité des transformations qui en découlèrent, touchant la structure sociale et les mentalités et s’accompagnant de nouvelles conceptions dans l’organisation de l’habitat.
Une nouvelle étude sur les origines et la diffusion de la métallurgie pouvait à première vue être perçue comme redondante, dans le foisonnement de recherches qui ont été menées sur le sujet ces dernières années. Nous espérons avoir prouvé qu'une nouvelle analyse, nourrie de problématiques renouvelées, celles de l'étude de la genèse de la technologie du bronze et de l'impact que ce métal a eu sur les populations de Syrie-Mésopotamie, était en fait nécessaire. La première raison est d'ordre méthodologique : la plupart des auteurs qui se sont intéressés à la métallurgie n'ont utilisé qu'une partie de la documentation à leur disposition (vestiges archéologique ou archives textuelles). La seconde est le manque de recherches sur l'aspect social de la métallurgie
Deux démarches différentes et complémentaires ont été nécessaires, pour l'archéologie ou les données textuelles.
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Du point de vue archéologique, la liste actuelle des installations métallurgiques est rapidement apparue incomplète, aussi était-il nécessaire d'en reprendre l'identification en fonction d'une grille de lecture unique et systématique. Dans l'étude de la diffusion de la technologie du bronze, l'une des premières difficultés consiste à identifier dans les sites archéologiques la trace d'éventuels ateliers de métallurgiste. Après avoir établi un « Idéal Type » de l'atelier de bronzier, celui-ci a été confronté à la réalité archéologique afin de tester la pertinence et la validité du modèle. Dans certains cas, il s'est avéré que les identifications du fouilleur étaient pour le moins optimistes. Ainsi, pour le site d'Uruk, il n'est absolument pas démontré, contrairement à ce que propose Nissen, qu'il faille voir dans les carrés K/L un complexe de fonte du métal.
Contrairement à ce qui est généralement admis, il existe un très grand nombre de sites archéologiques, que ce soit en Syrie, en Turquie ou en Irak, où ont été découverts des ateliers de métallurgiste. Ceux-ci n'ont par contre pas toujours été reconnus comme tels par les fouilleurs, à cause de la ténuité des informations recueillies sur place. L'étude systématique des éléments découverts a donc permis de différencier les parties des aires artisanales dédiées à la métallurgie. Le travail d'identification des ateliers a démontré la nécessité de distinguer entre les sites de fonte du métal (où étaient pratiqués la coulée et l'alliage) et ceux de travail secondaire (façonnage des objets et finitions).
Il a également été possible d'étudier le problème de l'approvisionnement en matières premières liées à la fabrication du bronze. Si les zones d'approvisionnement ont été abondamment étudiées dès les années 1960/1970, le mode de transport des minerais n'a été que très sporadiquement abordé. Il nous est donc apparu indispensable d'étudier les rapports entre les zones minières et les celles de production du métal et il est apparu que les populations nomades sillonnant les régions montagneuses où se trouvent les mines ont eu un grand rôle dans l'acheminement du cuivre et de l'étain. Les mines ont été exploitées de façon très différente selon les époques et des mines qui devaient être très actives aux quatrième et troisième millénaires ont pu être totalement abandonnées au deuxième millénaire, ce qui a causé le changement des routes d'approvisionnement. C'était notamment le cas pour la mine de Kestel, qui a dû approvisionner en étain toute la zone d'Anatolie et de Syrie-Mésopotamie
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du nord à la fin du quatrième et tout au long du troisième millénaire et qui a tout à fait disparu des sources écrites au deuxième millénaire. A ce moment d'autres sources sont apparues à l'Est (transitant par l'Elam) et les sources d'Anatolie ne répparaîssent que de façon très sporadique au milieu du deuxième millénaire.
Le choix d'étudier les corpus de textes provenant des sites du nord de la Syrie- Mésopotamie, provient de la recherche des liens politico-commerciaux tissés entre des régions privées de matières premières et les régions voisines riches en minerais. L'étude des rapports entre la Syrie-Mésopotamie et l'Anatolie a été privilégiée pour une raison d'apparente contradiction entre les données archéologiques et textuelles. Il était donc nécessaire de mettre en évidence que des voies d'acheminement différentes ont pu exister au cours du temps. Par les textes, il a également été possible d'aborder le problème de l'existence de corporations de forgerons aux troisième, deuxième et premier millénaires et la façon dont ils s'inscrivent dans la société.
L'étude de l'arrivée de la technologie du bronze a également causé des changements dans les techniques guerrières (apparition d'armes plus perfectionnées) causant par ce fait même le changement des installations humaines. Dès la fin du quatrième millénaire apparaissent les premiers remparts, servant à la fois à protéger les habitants des dangers extérieurs et à protéger les matériaux rares et précieux qui étaient conservés à l'intérieur des villes ou des villages fortifiés. Par l’étude des sites où était pratiquée la métallurgie, nous avons également pu mettre en évidence certaines constantes, comme l’emplacement des ateliers en dehors du centre urbain, mais à l’intérieur des remparts et non à l’extérieur.
Concernant l'étude des répercussions de la métallurgie dans l'idéologie royale et dans la religion, l'examen s'est porté sur les différentes titulatures royales ainsi que sur les textes décrivant les rituels magiques et religieux en relation avec la métallurgie. Il a notamment été mis en évidence que l'apparition de la métallurgie a provoqué la spécialisation de dieux en fonction de cette nouvelle technique, voire l'apparition de nouvelles divinités : la diffusion de la métallurgie a naturellement suscité l'usage, sinon l'invention, de nouveaux termes, par
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exemple des « noms de fonction » liés à la métallurgie. L'étude des noms de personnages liés à la métallurgie a fait connaître la façon dont ils étaient définis (forgeron, métallurgiste, orfèvre etc.), ce qui a permis par la même occasion de démontrer l'existence de corporations de métier, où les membres pouvaient monter en grade et évoluer au sein de la corporation.
Il a été possible de mettre en évidence le fait que différents noms de forgeron étaient formés sur les noms de divinités comme Ea, Mamma ou les personnages Kubû (embryons divinisés à qui l'on pratiquait un culte pour qu'ils protègent les fours notamment de forgeron), plus particulièrement à l'époque paléo-babylonienne.
Il est donc désormais évident que l'introduction de la technologie du bronze a causé un changement radical des sociétés de Syrie-Mésopotamie, dans tous leurs aspects : du point de vue de l'organisation spatiale, de la protection des installations, de l'organisation du travail ainsi que du point de vue symbolique et rituel.
